La séance est ouverte.
[Français]
Bienvenue à la 61e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroulera dans un format hybride conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés peuvent participer en personne dans la pièce ou à distance au moyen de l'application Zoom. Veuillez m'aviser en cas de difficultés ou de problèmes techniques. Il est possible que nous devions suspendre la séance quelques minutes pour pouvoir permettre à tous les membres du Comité de participer pleinement.
Conformément à l'alinéa 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 7 décembre 2022, nous commençons notre étude sur l'ingérence étrangère et les menaces entourant l'intégrité des institutions démocratiques, de la propriété intellectuelle et de l'État canadien.
Le Comité a adopté une motion de régie interne concernant les tests de connexion pour les témoins.
[Français]
Conformément à cette motion, je vous informe que tous les témoins ont effectué les tests de connexion avant le début de la séance.
[Traduction]
La connexion de tout le monde fonctionne parfaitement.
J'aimerais maintenant inviter nos témoins pour la première heure. À titre personnel, nous avons Gabrielle Lim, doctorante au Citizen Lab de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l'Université de Toronto, qui se joint à nous sur Zoom. Nous accueillons également Cheuk Kwan, qui est co‑président de la Toronto Association for Democracy in China. Enfin, du Projet de défense des droits des Ouïghours, nous avons Mehmet Tohti, le directeur exécutif.
Madame Lim, nous allons commencer par vous. Vous avez un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
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Bonjour. Je m'appelle Gabrielle Lim et je suis doctorante au Citizen Lab. Je fais également de la recherche au Harvard Shorenstein Center. Mes travaux de recherche portent surtout sur les technologies de l'information, les libertés civiles et la sécurité, avec une spécialisation en mésinformation et en désinformation.
Les points de vue que je vais exprimer sont les miens, mais ils s'appuient sur la recherche effectuée par mes collègues et moi. Dans mes prochaines observations, je vais parler brièvement de certains effets de l'ingérence étrangère, des facteurs qui contribuent à leur efficacité et de recommandations.
Premièrement, je veux souligner que prouver des activités ne revient pas à prouver qu'elles ont des conséquences. Par exemple, même si on a laissé entendre que l'Internet Research Agency, qui est établie en Russie, a influencé l'opinion publique américaine, il y a peu de preuves d'une incidence directe sur l'élection présidentielle de 2016. Le gros de ses activités portait en fait sur la création d'un auditoire. Lorsqu'on effectue une comparaison avec le volume de nouvelles que l'Américain ordinaire obtient auprès des médias grand public, indépendants et sociaux, on constate que les activités parrainées par la Russie ne représentent pas grand-chose. Par conséquent, nous devrions éviter les exagérations lorsque nous discutons de ce genre d'activités. Nous risquons autrement de saper la confiance des gens dans nos élections et de semer la discorde entre nous, y compris en nous mettant à dos certaines communautés et en renforçant la xénophobie.
Deuxièmement, j'aimerais attirer l'attention sur un deuxième type d'ingérence étrangère — la répression transnationale numérique —, c'est‑à‑dire les activités numériques dirigées par des États étrangers qui ciblent des membres des diasporas du Canada. Autrement dit, cela se produit chez nous. Il peut être question de harcèlement, de menaces, d'attaques fondées sur le sexe, ce qui est souvent le cas, de tentatives de piratage et d'autres formes d'intimidation. Ces activités peuvent commencer numériquement, mais elles passent souvent au monde réel.
Même si la répression numérique transnationale demeure sous-étudiée, nous avons des preuves très solides de ses répercussions négatives. Mes collègues au Citizen Lab ont documenté ses effets sur la santé mentale ainsi que l'autocensure et la crainte de la participation politique qui en découlent. J'attire l'attention sur la répression transnationale parce que même si c'est une forme d'ingérence étrangère, on ne devrait pas la comparer avec, disons, les activités d'information en ligne qui visent à influencer un vaste public, ou avec les allégations d'influence directe de partis politiques. C'est une autre paire de manches, et je tenais à le préciser.
Troisièmement, j'aimerais aborder des facteurs de risque qui rendent des gens vulnérables à la mésinformation étrangère ou aux activités d'ingérence étrangère. Les activités d'ingérence en ligne peuvent être considérées comme une question d'offre et de demande. Du côté de l'offre, nous avons des acteurs étrangers qui produisent et distribuent du contenu qui cible des Canadiens. Nous pouvons toutefois également conceptualiser les activités d'influence comme un résultat de la demande, alors que certaines communautés ou certaines personnes pourraient être prédisposées à recevoir et à croire de l'information fausse ou trompeuse. Cela découle peut-être de griefs de longue date, d'une discrimination ou d'autres formes de marginalisation et inégalité.
L'atténuation des activités d'influence potentiellement dangereuses nécessite donc le règlement des griefs et des inégalités chez les Canadiens, car tant et aussi longtemps que ces clivages sociaux pourront s'aggraver, des adversaires voudront les exploiter. À titre d'exemple, les nazis se sont servis du racisme aux États-Unis dans le cadre de leur propagande pendant la Deuxième Guerre mondiale, et les Russes se sont servis des mêmes divisions en 2016 pour essayer de diviser encore plus les Américains.
Enfin, je veux juste dire que vous devriez faire preuve d'une grande prudence au moment d'envisager une mesure législative. Certains de mes collègues et moi-même avons documenté la situation dans plus de 60 pays qui ont adopté des lois concernant la mésinformation ou les activités étrangères en ligne, et il n'y a vraiment aucune preuve de leur efficacité. Elles ont plutôt tendance à faire l'objet de critiques de plus en plus nombreuses de la part de militants et de groupes de défense des droits qui affirment qu'elles ont pour effet d'étouffer les critiques et des voix importantes. Si le Canada resserre son contrôle de l'Internet, il va légitimer les lois permettant la censure adoptées par des gouvernements antilibéraux et à tendance autoritaire.
La mise en place de mesures de contrôle de l'information par voie législative risque également d'être un cadeau pour la Russe et la Chine, des pays qui souhaitent que la sécurité de l'information, c'est‑à‑dire le contrôle du contenu que leur population peut consulter, soit une pratique légitime tant dans les pays démocratiques que dans les pays non démocratiques. Lorsqu'on cède les droits démocratiques à la libre expression et à l'accès à l'information à des contrôleurs, on va à l'encontre d'un Internet ouvert et des normes démocratiques sur lesquelles la réputation du Canada repose. De plus, ce genre de contrôles de l'information en ferait probablement peu pour mettre fin à l'ingérence étrangère.
Je recommande plutôt d'envisager d'autres politiques, comme trouver des moyens de renforcer la confiance à l'égard de nos institutions et de nos médias, établir de meilleurs liens avec les diasporas, soutenir certaines personnes et chercher des façons de s'attaquer aux modèles à but lucratif de notre écosystème médiatique. Si jamais des mécanismes législatifs sont envisagés, nous devons tenir compte de la façon dont ils pourraient toucher des personnes et des communautés qui sont déjà victimisées ou ciblées.
En conclusion, même si nous ne devrions pas écarter les effets potentiels de l'ingérence étrangère sur nos processus démocratiques, nous ne devons pas exagérer ses répercussions et nous devons faire une distinction entre les différents types d'ingérence et leurs conséquences. Notre réponse devrait tenir compte des analyses et des données probantes. Nous risquerions autrement d'imposer des contrôles inefficaces de l'information, ce qui reviendrait à légitimer des États antilibéraux qui se servent de la censure et de la surveillance tout en ne faisant rien en même temps pour renforcer la résilience et la confiance dans notre gouvernement.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président.
La Toronto Association for Democracy in China a été fondée la veille du massacre de la place Tiananmen, le 4 juin 1989. Notre organisation soutient la démocratie et défend les droits de la personne en Chine. En outre, ces dernières années, nous sommes devenus des observateurs vigilants de l'ingérence chinoise sur le sol canadien.
La première incursion de la Chine pour exercer son pouvoir de convaincre dans la société canadienne s'est produite au début des années 1990, quand la Chine était désireuse de redorer son image internationale après le massacre de Tiananmen. Sous l'impulsion et avec le soutien des consulats chinois, des organisations ont été créées par des personnes favorables au régime. Parmi elles, le National Congress of Chinese Canadians, le NCCC, et son successeur, la Confederation of Toronto Chinese Canadian Organizations, la CTCCO, sont les plus importantes. Ces organisations, ainsi que de nombreuses autres, pratiquent l'art de la désinformation populaire planifiée, en se faisant l'écho de la ligne du parti pour défendre les politiques étrangères et intérieures de la Chine.
En plus de mobiliser des universitaires et des entrepreneurs sympathisants pour défendre ses intérêts, la Chine s'affaire à recruter des élus et à infiltrer les institutions politiques à tous les niveaux de la société canadienne. Tout cela est documenté dans le livre du journaliste Jonathan Manthorpe intitulé Claws of the Panda.
L'un de ces instruments d'ingérence est le département du Travail du Front uni. Selon des documents officiels, le réseau qu'est le Front uni s'intéresse particulièrement aux personnes d'origine chinoise vivant à l'étranger, qu'il considère comme de puissantes menaces extérieures, mais aussi comme des alliés potentiels. Le Front uni emploie également des milliers d'agents qui exécutent la stratégie politique du Parti communiste chinois consistant à exploiter les réseaux internationaux pour promouvoir ses intérêts à l'échelle mondiale. Les individus qui en sont membres harcèlent et intimident également les Canadiens qui critiquent la Chine, qu'il s'agisse de militants, de dissidents ou de défenseurs des droits de la personne, et font ainsi de la communauté sino-canadienne la véritable victime de ce jeu.
Nous ne sommes donc pas surpris par les conclusions du récent rapport du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS. Il ne fait aucun doute que l'ingérence chinoise dans le processus électoral canadien est très préoccupante, mais je soutiens qu'il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg. L'ingérence de la Chine au Canada s'est faite en douceur, de manière intangible et progressive. Par conséquent, cette accumulation graduelle au fil des ans — les 90 % de l'iceberg qui sont sous l'eau — reste invisible pour de nombreux Canadiens.
Que les dernières élections aient été équitables ou non, j'estime que c'est cette partie invisible de l'iceberg qui devrait être au centre de nos préoccupations.
En 2017, la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, en collaboration avec Amnistie internationale, a recueilli des preuves de harcèlement et d'intimidation de la part du gouvernement chinois à l'encontre de personnes travaillant au Canada sur la question des droits de la personne en Chine et a publié un rapport à ce sujet. Ce rapport exhorte le gouvernement à mettre en place, pour l'ensemble du pays, une ligne téléphonique d'urgence où l'on peut signaler les incidents de harcèlement et d'intimidation qui sont autrement ignorés par la police locale ou la GRC.
Nous demandons donc instamment au Canada de s'attaquer à l'ingérence de la Chine sur ces multiples fronts: en adoptant une position ferme et de principe sur les questions mises en évidence dans le rapport du SCRS; en mettant en place une ligne téléphonique nationale de signalement des cas de harcèlement et d'intimidation; et en mettant en place un registre des agents étrangers semblable à celui de l'Australie.
Bien que ces mesures ne puissent pas éliminer complètement le problème, elles peuvent au moins avoir un effet dissuasif et signifier aux puissances étrangères et à leurs mandataires que nous prenons nos institutions démocratiques et notre souveraineté au sérieux.
J'aimerais maintenant ajouter quelques phrases qui ne sont pas dans la déclaration que j'ai préparée.
Je viens tout juste de regarder la conférence de presse du , dans laquelle la mise en place d'un registre des agents étrangers est perçue comme une attaque contre la communauté chinoise canadienne. Je vous assure que ce n'est pas le cas.
La communauté chinoise canadienne, tout comme la communauté ouïghoure, la communauté tibétaine et d'autres personnes, est favorable au registre. Un registre des agents étrangers n'est pas la même chose qu'un registre de tous les Canadiens d'origine chinoise.
Je serai ravi de répondre à vos questions à ce sujet.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour tout le monde. Je vous remercie de l'invitation.
Je suis Mehmet Tohti, activiste de longue date et directeur général du Projet de défense des droits des Ouïghours, basé à Ottawa. En tant que voix de premier plan pour les Ouïghours canadiens, nous effectuons des travaux de recherche, de documentation et de défense des droits en vue de promouvoir les droits des Ouïghours et des autres peuples turcs du Turkestan oriental qui continuent de faire face au génocide et aux crimes contre l'humanité commis par le gouvernement chinois.
Je me permets une brève remarque sur le langage. Nous sommes Ouïghours canadiens. Nous ne faisons pas partie de la diaspora chinoise. C'est précisément pour cette raison, parce que nous refusons de devenir « Chinois » et de nous assimiler à la culture chinoise en préservant farouchement nos identités ethniques, religieuses et linguistiques, que nous sommes assujettis à un génocide en Chine. La situation est semblable à cet égard pour les Tibétains et les Mongols qui ne s'identifient pas comme Sino-Canadiens ou comme membres de la diaspora chinoise.
Le sujet de l'ingérence de l'État chinois n'est pas pour nous une nouveauté. Les Ouïghours canadiens sont, depuis des décennies, assujettis à de nombreuses formes d'intimidation et de harcèlement par le Parti communiste chinois. Depuis le début de ma vie en exil, il y a de cela 33 ans, j'ai personnellement fait l'expérience de toutes les formes d'ingérence chinoise dans ma vie personnelle et professionnelle: j'ai notamment été complètement isolé de mes parents et de mes frères et sœurs qui vivent encore au Turkestan oriental, en plus d'avoir fait constamment face à des menaces, à de l'intimidation et à du harcèlement.
C'est en décembre 2003 que le ministère de la Sécurité publique de la Chine a annoncé sa première liste d'organisations terroristes. Le World Uyghur Youth Congress, dont j'étais le président à l'époque et qui est enregistré en Allemagne, figurait sur cette liste. Compte tenu de cette mésinformation et de cette attaque contre nous, je ne peux pas voyager ou je suis interdit d'entrée dans de nombreux pays comme la Turquie, le Pakistan, l'Afghanistan, des républiques de l'Asie centrale et des pays du Moyen-Orient. Au cours des 32 années qui se sont écoulées depuis que j'ai quitté ma terre natale, il m'a été impossible de visiter ma famille. Il lui est également impossible de venir me visiter au Canada, car aucun membre de ma famille n'a reçu un visa. C'est pour cette raison que je parle d'une isolation complète.
Il y a exactement 17 ans, j'ai été mêlé à l'affaire de l'Ouïghour canadien Huseyin Celil, qui a été enlevé en Ouzbékistan avant d'être condamné à la prison à vie en Chine. J'ai commencé à remarquer des choses suspectes autour de moi à cette époque.
J'aimerais vous présenter une comparaison entre la situation actuelle et ce qu'il en était il y a 16 ans. Voici le passage d'un article de Charlie Gillis publié dans la revue Maclean's le 14 mai 2007. Il est intitulé « Beijing is Always Watching », ou « Pékin surveille tout le temps »:
Le fonctionnaire, qui s'est seulement identifié comme membre de l'infâme Commission des affaires étrangères de la Chine, avait une longue liste d'instructions. Il sommait Tohti de cesser ses efforts visant à stimuler la sympathie des Canadiens pour les Ouïghours, la population principalement musulmane opprimée de la province du Xinjiang qui est devenu une épine dans le pied de Beijing. Tohti devait cesser de répandre ses allégations de génocide culturel contre la République populaire, et il était particulièrement important qu'il ne participe pas à une conférence imminente organisée en Allemagne, où des groupes ouïghours de partout dans le monde prévoient se réunir pour former un congrès international. « Nous avons ici votre mère, ainsi que votre frère », a ajouté le fonctionnaire de façon énigmatique, mentionnant que la police les a reconduits sur une distance de 260 km jusqu'à Kashgar, au quartier général de la police de la région, afin de les aider à communiquer le message de Beijing. « Nous pouvons faire ce qui nous chante. »
En effet. Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis cette nuit, Tohti, maintenant âgé de 43 ans, a vécu suffisamment de démêlés avec le long bras de l'appareil de sécurité chinois pour conclure que les agents de Beijing continuent de faire ce qu'ils veulent, non seulement en Chine, mais aussi au Canada [...]
Je vous propose de lire l'article plus tard.
En juillet 2020, juste avant que je témoigne devant un comité parlementaire, j'ai reçu un message sur Twitter de la part de la Ville de Kunming, en Chine, où il était indiqué « VOTRE P***** DE MÈRE EST MORTE », juste pour m'empêcher de témoigner devant le comité parlementaire. Kunming se trouvait à 4 000 kilomètres de l'endroit où ma mère habitait.
Je vais vous donner un autre exemple récent. Il y a moins de deux mois, le 16 janvier, j'ai reçu un appel de la part de la police d'État chinoise d'Urumchi, qui avait pris mon oncle, le frère de ma mère, en otage.
On m'a dit que mes deux sœurs étaient mortes, de même que ma mère. Le sort de mes trois frères, de leurs épouses et de leurs enfants est inconnu.
Cet appel a eu lieu 15 jours avant le vote sur la motion M‑62 à la Chambre des communes par rapport à la réinstallation de 10 000 réfugiés ouïghours, le fruit d'une campagne que j'ai commencé en 2017. Pékin surveille tout le temps. Il y a des menaces, de l'intimidation et du harcèlement.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Lim, monsieur Tohti, monsieur Kwan, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
Je fais remarquer que ce n'est pas sans risque pour vous et qu'il n'est jamais facile pour qui que ce soit de comparaître devant un comité parlementaire, surtout dans les circonstances que vous venez de décrire, monsieur Tohti. Nous sommes bien conscients de la gravité de la situation.
Ma première question est pour vous, monsieur Tohti.
Que fait le régime communiste à Pékin aux Ouïghours qui se trouvent au Canada, et pourquoi s'en prend‑il à eux?
:
Le régime communiste de Pékin n'est pas un régime démocratiquement élu. Il ne rend pas de comptes à son peuple. Il agit comme une organisation criminelle.
Ce régime tient à garder le contrôle sur les Ouïghours et les autres peuples, et c'est la raison pour laquelle il prend en otage les membres de nos familles — je parle au nom des Canadiens d'origine ouïghoure —, uniquement pour contrôler notre vie ici au Canada. Même dans un pays démocratique et libre comme le Canada, les Canadiens d'origine ouïghoure ne sont tout simplement pas libres parce que le régime chinois exerce de la pression sur eux et les menace de prendre les membres de leurs familles en otage.
Essentiellement, le régime ne veut pas que les Canadiens d'origine ouïghoure exercent leur droit de manifester et de parler des crimes atroces commis par le Parti communiste chinois. Il s'agit de la plus grande menace pour le gouvernement chinois, et pour cette raison, ces activités pacifiques sont considérées comme des questions de sécurité nationale. Voilà pourquoi le régime applique des mesures très sévères pour les réprimer.
:
Habituellement, je pose mes questions en français.
[Traduction]
Je vais m'adresser à nos témoins en anglais.
Tout d'abord, j'aimerais remercier M. Tohti, M. Kwan, ainsi que notre invitée de la Munk School de leurs témoignages.
Si vous me le permettez, je vais commencer avec vous, monsieur Kwan. Vous avez parlé de la façon dont le ministère du Front commun s'était mobilisé pour propager de la désinformation populaire planifiée. Pouvez-vous nous donner un exemple récent de désinformation populaire planifiée?
:
Je vais vous parler de la désinformation populaire planifiée pendant la lutte pour l'indemnisation au titre du droit d'entrée imposé aux Chinois, où la communauté chinoise du Canada a demandé au gouvernement de lui payer une indemnité et de s'excuser pour la Loi sur l'exclusion des Chinois et sa taxe d'entrée. La communauté chinoise du Canada a mené cette campagne pendant plus de 20 ans. Je représentais l'une des organisations, la principale à l'époque, qui menait cette lutte.
Comme je l'ai mentionné, juste après les événements de la place Tiananmen, les Chinois ont mis sur pied un organisme-cadre appelé le Congrès national des Canadiens d'origine chinoise, le CNCC. Cet organisme a pris le contrôle de la question, même s'il n'avait aucun lien avec elle. Le Congrès est composé d'immigrants chinois récents. Ils n'ont rien à voir avec la Loi sur l'exclusion des Chinois et pourtant, ils se sont emparés du sujet. Ils ont publié des communiqués de presse. Ils ont mis sur pied plus de 300 organisations mandataires, enregistrées auprès de Corporations Canada, dont certaines ont des directeurs et des adresses postales en commun, etc.
Il s'agit d'exemples de désinformation populaire planifiée. Les agents créent de fausses organisations, publient des communiqués de presse et organisent des conférences de presse.
:
Je n'ai pas fait de recherches précises sur le registre australien des agents étrangers. À mon sens, le Canada pourrait en créer un. Quelle serait l'efficacité d'un tel registre...?
Bon nombre des opérations auxquelles nous faisons allusion sont secrètes ou clandestines. Même si l'on mettait en place un registre dans lequel on inscrirait le nom de tous les agents, j'ai l'impression qu'ils trouveraient des moyens d'échapper à leur inscription au registre ou de le contourner.
Il n'existe pas non plus de preuve solide qui démontre que le fait de coller l'étiquette d'agent étranger ou d'entité étrangère à ces acteurs peut changer l'opinion de la population à leur égard. Par exemple, YouTube est doté d'une procédure d'étiquetage. L'entreprise étiquette tout contenu qui provient, par exemple, d'un organisme d'État russe, d'un organisme d'État chinois ou de tout autre organisme d'État. Les effets sont mitigés. Les gens continuent de regarder ces vidéos. Ils commentent toujours ces vidéos. Ils continuent de consommer ce contenu. En toute honnêteté, nous ne savons toujours pas si ces initiatives dissuadent ou non les gens de regarder ces vidéos ou de croire ce qu'on y dit.
Toutefois, M. Kwan a soulevé un point plus tôt qui, à mon avis, mériterait d'être exploré. Il s'agit de la mise en place d'une ligne téléphonique d'intervention rapide pour les personnes ou les communautés qui ont vraiment besoin de sécurité. Elles pourraient recevoir de l'aide lorsqu'elles sont victimes de harcèlement en ligne, hors ligne, ou les deux à la fois. D'habitude, ces deux formes de harcèlement se chevauchent.
Nous pourrions également envisager la création d'une agence indépendante, distincte des organismes d'application de la loi, de l'ASFC ou du SCRS, qui se pencherait précisément sur la répression transnationale. Je pense qu'une telle agence serait très utile pour soutenir les victimes et les communautés ciblées.
Je pense qu'il existe d'autres méthodes.
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À mon avis, « abandonner » est un mot très fort. Le terme « ignorer » serait plus à propos pour décrire ce genre de chose.
Depuis de nombreuses années, nous communiquons les mêmes messages haut et fort. Déjà en 2006, lorsque je m'étais présenté devant ce comité, nous disions ni plus ni moins que la Chine avait le contrôle sur tout; qu'elle savait tout. Même si vous changez de téléphone cellulaire, le régime peut rapidement vous retrouver, à partir de Pékin et de Toronto. À ce sujet, je pense que le gouvernement devrait adopter un message et une position plus fermes.
Je suis d'accord avec les nombreuses critiques à propos du registre qui soutiennent que ce dernier ne serait peut-être pas efficace à 100 %. Évidemment, nous comprenons cela. Nous pensons que tant que nous n'ignorons pas... Tant que le gouvernement sera perçu comme essayant activement de protéger l'intégrité de ses élections et de sa communauté, il enverra ce message fort aux pays et aux forces hostiles comme la Chine, la Russie et l'Iran: « Nous veillons aussi sur nos citoyens canadiens, alors n'essayez jamais d'exercer des pressions sur eux, de les harceler ou de les intimider. »
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Il était important que notre comité aborde des sujets qui n'avaient pas encore été étudiés par d'autres comités, afin d'éviter de refaire les mêmes études. Je pense qu'il est important de commencer en parlant des répercussions concrètes de la situation sur les personnes présentes. Je suis heureux que nous puissions entreprendre cette étude.
Madame Lim, dans l'article intitulé The Risks of Exaggerating Foreign-Influence Operations and Disinformation, vous avez déclaré que nos craintes et nos préoccupations quant au fait que des acteurs étrangers interfèrent d'une manière ou d'une autre avec la démocratie dans le discours politique accélèrent, de façon contre-intuitive, l'érosion de la démocratie et du discours politique. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, en relation avec les allégations actuelles d'ingérence étrangère?
La liste est longue, et nous communiquons cette information à nos gouvernements depuis le début des années 2000. À titre d'exemple, je suis un citoyen canadien, mais je suis un Canadien ouïghour; vous êtes également citoyen canadien et détenez le même passeport que moi. Si un Canadien ouïghour et un autre citoyen canadien se rendent au consulat de Chine pour obtenir un visa chinois, les deux devront remplir des formulaires complètement différents, et les procédures seront complètement différentes. Les deux demandeurs se feront traiter de façon diamétralement opposée.
Les Canadiens ouïghours se font demander, par exemple, comment ils parviennent à demeurer au Canada et s'ils ont fait une demande d'asile. Ils doivent aussi recevoir une invitation de leurs parents. Les membres de leurs familles doivent détenir une autorisation de sécurité. Les exigences sont innombrables. En outre, les Canadiens ouïghours doivent signer une promesse de loyauté envers le Parti communiste chinois, ce qui les isole vraiment de leurs familles. Ces contraintes créent la peur que, si je décide de manifester, il s'ensuivra une conséquence, et je pourrais ne plus revoir mes parents, ou je pourrais ne pas pouvoir inviter mes parents à venir me voir puisque les passeports sont délivrés par le gouvernement.
Le gouvernement chinois impose des règles complètement différentes aux Canadiens ouïghours, non seulement en Chine, mais également au Canada. Pour cette raison, il n'est pas rare qu'ils reçoivent des appels téléphoniques menaçants pour les dissuader de participer à des manifestations, mais les actions vont beaucoup plus loin: on leur demande d'être des informateurs pour le gouvernement chinois et de signaler tout ce qui se produit au Canada. Ne faites rien qui aille à l'encontre des intérêts du Parti communiste chinois.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux moi aussi remercier tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Kwan, je veux revenir à un commentaire que vous avez fait au sujet de Markham—Unionville. Je veux dire que je ne suis pas du tout surprise que ait remporté l'élection. Il a été policier dans la région pendant 28 ans. Il parle huit langues et il fait un excellent travail de député depuis deux ans. Je veux que ce soit inscrit au compte rendu.
Je veux vous demander depuis combien de temps, à votre avis, la Chine exerce de l'influence étrangère au Canada. Vous avez affirmé que c'est le cas depuis les années 90. Vous avez comparu devant un comité parlementaire en 2006; il s'agit donc d'un problème qui s'est produit sous plusieurs gouvernements.
J'aimerais que vous nous donniez une idée de l'évolution du problème pendant cette période.
:
D'abord, la Chine emploie des méthodes plus sophistiquées, plus subtiles. Ses efforts précoces étaient perçus comme étant gauches à bien des égards et n'étaient peut-être pas pris très au sérieux par nos élus ou par les forces de l'ordre. Mais la Chine a maintenant relevé son niveau, et ses interventions sont devenues beaucoup plus subtiles.
Je peux vous donner un exemple. La Chine ne respecte pas les règles de conduite que nous connaissons en Occident. Disons qu'on a un contrat avec une entreprise chinoise pour installer des appareils de radioscopie dans toutes les ambassades canadiennes et que le contrat prévoit différentes interdictions, y compris celle de partager certains renseignements. À notre avis, la Chine ne respectera pas ce genre de contrat; en Occident, nous percevons un contrat comme étant contraignant.
Si on embauche une entreprise chinoise pour traiter les demandes de visas pour les consultats du Canada, on présume que les employés recrutés par la compagnie respecteront les règles de confidentialité et toute autre disposition du contrat, mais ce n'est en réalité par le cas. Le gouvernement chinois est persuasif pour s'assurer de la loyauté des gens envers le parti, le gouvernement et le pays, et pour faire ce qui doit être fait. Ces façons de faire ne devraient étonner personne.
Très brièvement, je répète qu'un lien de corrélation n'est pas nécessairement un lien de causalité, mais il s'agit d'un constat que nous faisons également pour d'autres communautés. Quand Israël fait l'objet de critiques, par exemple, on rapporte davantage d'agressions antisémites. De même, pendant la COVID — le coronavirus —, il y a eu davantage de ressentiment envers les immigrants chinois. Également, après les attentats du 11 septembre, il y a eu beaucoup de réactions négatives envers les personnes perçues comme ayant la peau foncée, pas seulement arabes. Voilà le contexte général dans lequel nous nous trouvons.
À mon avis, il faut faire attention à la façon qu'on a de dire certaines choses. Il faut répéter qu'il s'agit des agissements du Parti communiste chinois, ou PCC, et non de la population chinoise en général... Je crois — et la plupart d'entre vous en êtes bien conscients; ce n'est pas nouveau — qu'il faut être prudent quant aux mots utilisés... Nous devrions critiquer le PCC et mettre en lumière toutes ses activités, mais je voudrais également éviter de me faire cracher au visage ou de me faire crier une insulte raciste dans la rue. C'est une simple mise en garde. Il nous faut être prudents dans notre manière de traiter de ce sujet.
:
Pékin agit ainsi partout dans le monde. Le Canada n'est pas une exception.
Je donne l'exemple de l'Australie, notre cousine, un pays de taille, de population et de démographie semblables. La Chine œuvre en Australie depuis de nombreuses années. Les Australiens se sont défendus, d'abord en établissant pour leurs élus des règles de conduite très strictes envers le PCC, ainsi qu'en créant et en faisant respecter un registre des agents étrangers.
Bien sûr, l'Australie en a souffert. Elle a fait l'objet de sanctions commerciales et de harcèlement de la part de la Chine, mais j'admire le courage qu'elle a eu de lui tenir tête.
Ce point a probablement déjà été abordé, mais la reddition de compte — le fait de véritablement rappeler les représentants à l'ordre si nécessaire — est importante. Cela pourrait consister à convoquer les diplomates des pays concernés; à émettre des déclarations très publiques condamnant ce type d'agissements; et à rassembler les preuves, comme l'a aussi dit M. Kwan, pour mettre en lumière les événements. À mon avis, c'est vraiment important.
Je pense qu'il faut agir davantage pour soutenir les victimes et les communautés ciblées. Il me semble que le Federal Bureau of Investigation américain, ou FBI, a une ligne d'urgence et que la police du Royaume-Uni a offert sa protection lorsqu'il y a eu des agressions envers la diaspora iranienne.
Il devrait y avoir de la formation sur le monde numérique, une formation de base en matière de sécurité. Également, si une agence devait être fondée pour s'attaquer précisément à la répression transnationale, on devrait y offrir une bonne formation pour que les intervenants comprennent ce que vivent les victimes.
De plus, il ne faut pas victimiser à nouveau des personnes qui ont déjà été ciblées. Par exemple, une personne pourrait être ciblée en raison de son appartenance à une diaspora, ce qui pourrait entraîner une surveillance accrue de cette personne par les forces de l'ordre. Ce n'est pas nécessairement souhaitable, car elle peut avoir déjà eu une mauvaise expérience avec la police.
Il faut tenir compte de tous ces aspects.
Mon dernier point concerne la participation du secteur privé. Nous savons que beaucoup de harcèlement a lieu sur Twitter, Facebook, Telegram, WeChat et les autres plateformes. Ce pourrait être difficile, parce que ce sont des entreprises à but lucratif qui sont souvent basées à l'étranger, mais songez au rôle qu'elles pourraient jouer.
Également — je suis désolée, je vais à toute allure...
Voilà qui conclut la première partie.
Je veux remercier tous nos témoins pour leur présence et pour les renseignements, à mon avis, précieux et convaincants qu'ils nous ont transmis aujourd'hui.
Monsieur Kwan, monsieur Tohti et madame Lim, au nom du Comité et des Canadiens, je vous remercie pour votre comparution.
Nous suspendons la séance quelques minutes afin de nous préparer pour le prochain groupe de témoins.
Je préviens les membres du Comité que le temps sera réparti de la même façon pendant les séries de questions. Le déroulement sera très semblable à celui de la première partie.
Merci.
:
Nous reprenons la séance. Bienvenue à tous.
Nous sommes sur le point d'accueillir notre deuxième groupe de témoins.
[Français]
J'informe le Comité que tous les tests techniques requis ont été faits.
Monsieur Villemure, je vous confirme aussi que les tests pour l'interprétation ont été faits.
[Traduction]
Nous recevons notre deuxième groupe, qui est composé de trois témoins.
Je veux souhaiter la bienvenue à M. Bill Chu, porte-parole du Groupe sino-canadien d'examen des violations des droits de la personne du Parti communiste chinois; ainsi que Cherie Wong, directrice exécutive, et Ai‑Men Lau, conseillère, de l'Alliance Canada Hong Kong. Je vous remercie, madame Wong, de témoigner ce matin.
Vous constaterez que tous nos témoins comparaissent par vidéoconférence.
Monsieur Chu, nous commencerons par vous. Vous disposez de cinq minutes pour vous adresser au Comité. À vous la parole.
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Je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du Comité.
Je m'appelle Bill Chu. Je témoigne depuis Vancouver, en Colombie-Britannique, qui serait la tête de pont de la guerre sans restriction de la République populaire de Chine, ou RPC, au Canada.
L'expression « guerre sans restriction » est tirée d'un livre du même nom publié en 1999 par deux caporaux de l'Armée populaire de libération, où ils décrivent une nouvelle forme de guerre qui n'utilise pas des armes traditionnelles comme les fusils et les bombes, mais plutôt des armes furtives comme la désinformation dans les médias, l'influence achetée grâce aux pots‑de‑vin, au sexe, aux échanges commerciaux, à la gloire, aux menaces et autres manœuvres, ainsi que le cyberpiratage, la collecte de données et l'espionnage intellectuel. Nul besoin de transporter des soldats, puisqu'il suffit de convertir des gens du pays pour en faire des fantassins. C'est un plan parfait, car en brouillant des frontières ou même en entretenant le doute sur la présence de la guerre, la RPC a aussi acquis l'image d'un pays prétendument pacifique.
Cependant, en utilisant WeChat et d'autres applications, la RPC envoie silencieusement des nouvelles et des directives officielles à des dizaines de milliers d'étudiants et d'immigrants chinois qui restent ici. Avec en plus des médias et des plateformes sociales de langue chinoise, la RPC a acquis au sein d'une grande partie de la communauté chinoise locale une influence supérieure à celle du Canada lui-même. Au besoin, la RPC peut mobiliser d'imposants groupes de Chinois, et elle ne s'est pas privée de le faire.
Il ne fait aucun doute que les Canadiens ont senti que quelque chose n'allait pas quand ils ont eu vent des diverses formes d'influence indue de la RPC au Canada, mais ils ne sont pas certains si le gouvernement saisit la gravité de la situation ou s'il dispose d'un plan pour régler le problème.
Malheureusement, le s'est avéré mal préparé et a même tenté de minimiser le danger quand il a réagi dans les médias à l'ingérence chinoise lors des élections. Il est facile de sous-estimer la Chine, car elle s'est faite discrète pendant des décennies.
Mais la Chine s'est jointe à l'Organisation mondiale du commerce, et le monde est si ébloui par sa montée fulgurante que la plupart des pays ont oublié que la RPC est un État dirigé par un parti autoritaire unique qui proscrit le pluralisme idéologique. Jamais on ne doit dénaturer le communisme, pas même les progressistes autoproclamés qui considèrent qu'il s'agit d'un choix légitime, puisque le fait d'accepter le communisme signifie ironiquement qu'il n'y a plus de choix.
Par conséquent, les dirigeants chinois n'ont pas besoin du vote populaire pour accéder ou rester au pouvoir. Pendant sept décennies, ils ont pris l'habitude de faire fi des protestations ou des droits du peuple, recourant à la propagande, aux mensonges et à la suppression brutale pour contrôler les dissidents, ce qui est facile à faire quand les trois organes du gouvernement sont censés servir exclusivement les intérêts du parti. Pendant des décennies, la Chine a été séparée du monde, mais avec l'entrée de la RPC sur la scène mondiale, ses dirigeants doivent s'efforcer de maintenir la validité de leur idéologie problématique et de leurs prétentions saugrenues non seulement devant leur peuple, mais devant le monde.
Dans le cadre de la guerre secrète qu'elle mène dans le monde, la RPC a dépensé des milliards de dollars pour acheter ou agrandir des médias, pour faire de la propagande, notamment en achetant de pleines pages de publicité et des encarts dans de grands journaux occidentaux, et en rejetant les critiques sur le Parti communiste chinois, ou PCC, affirmant qu'il s'agit de mensonges sans fondement et, ultérieurement, du racisme envers les Chinois, entre guillemets.
Afin de préparer le terrain pour cette dernière prétention, le parti a, pendant des décennies, intentionnellement joué sur le terme « PCC », remplaçant « de Chine », le pays, par « chinois », le peuple. Son objectif consistait à faire taire les critiques dont il fait l'objet en affirmant que le critiquer revient à critiquer tous les Chinois. Il voulait également stimuler un sentiment tordu de nationalisme chez tous les Chinois, y compris au sein de la diaspora.
Le fait est que le Département du travail du Front uni de la RPC est à l'œuvre depuis longtemps au sein des communautés de la diaspora chinoise. Les années 1970 ont été particulièrement opportunes pour le PCC au Canada, le gouvernement ayant abrogé la dernière des lois discriminatoires envers les Chinois. Les Sino-Canadiens entrant dans une vie plus équitable et plus stable, la plupart des organisations et les clans chinois locaux de longue date ont découvert que leur mandat historique avait subitement disparu.
À Vancouver, je prendrai la Chinese Benevolent Association à titre d'exemple flagrant. C'est la triste histoire d'une association qui œuvre depuis une centaine d'années dans le quartier chinois. Le PCC n'a pas tardé à comprendre qu'il pouvait exploiter son nom bien connu, et ces dernières années, l'Association a publié de pleines pages de publicité dans des journaux de langue chinoise, incitant docilement des centaines d'organisations chinoises à clamer leur soutien aux politiques draconiennes de la Chine.
Ces...
Je m'appelle Cherie Wong. Je me trouve à Ottawa, et je suis directrice exécutive de l'Alliance Canada Hong Kong. Je vous remercie de nous recevoir.
L'ingérence étrangère au sein de nos institutions n'est pas un phénomène nouveau. Depuis les années 1990, des communautés chinoises dissidentes attirent l'attention sur l'influence étrangère dans toutes les facettes de la société canadienne, laquelle s'exerce non seulement dans les élections, mais également dans la recherche, la société civile, le milieu universitaire et les entreprises privées. Même si la diaspora constitue la cible première des efforts d'ingérence étrangère, Pékin cible toutes les personnes influentes, et de nombreux Canadiens ne connaissent pas ses tactiques.
Votre comité a également convenu d'examiner la question de la xénophobie croissante au Canada. Bien que je me réjouisse de voir qu'on discute ouvertement de l'ingérence étrangère lors des élections canadiennes, je suis déçue de constater que les discours des médias, de la sphère politique et de la société font fi des observations des communautés de la diaspora, lesquelles possèdent pourtant de précieuses connaissances qui permettent notamment de faire la différence entre une personne d'intérêt, une cible de l'influence étrangère, un complice consentant, un agent actif et une personne ayant des liens avec le consulat. Certains points de vue sensationnalistes ont suscité des sentiments racistes et xénophobes à l'endroit des Asiatiques au Canada, ne faisant pas les nuances que peuvent apporter les voix dissidentes venant du Tibet, de Hong Kong et des communautés ouïgoures.
À titre d'organisation diasporique racisée, nous sommes invités à traiter exclusivement de la xénophobie même si nous avons rédigé des rapports et été fort consultés à propos de l'influence étrangère au Canada. Pendant ce temps, les gouvernements et les médias font appel à des experts dont les champs de compétences résident ailleurs et tentent de résumer leurs recherches sur les choses mêmes que la diaspora observe aux premières lignes.
Le racisme envers les Asiatiques augmente au Canada, et les menaces de violence transnationale parrainée par l'État se sont également intensifiées au fil des ans. Les communautés de la diaspora sont exclues du discours canadien, tout en survivant à l'influence de Pékin. L'idée selon laquelle toutes les communautés ethniques chinoises appuient les autorités chinoises est raciste et simpliste. Ces communautés ne sont pas monolithiques et brillent plutôt par leur vitalité et la diversité de leurs langues, de leurs cultures et de leurs politiques.
Les membres de notre communauté observent depuis longtemps les activités d'ingérence étrangères qui se déroulent sous notre nez, notamment quand on remet des formulaires de mise en candidature dans des circonscriptions lors d'événements associés au consulat, quand des agents du Bureau chinois des affaires étrangères courtisent des d'élus, quand des journalistes ethniques assistent à des conférences parrainées par Pékin, et quand on prend des photos et s'efforce de choyer les élites du monde des affaires et du milieu politique.
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Quand la diaspora résiste aux efforts de contrôle transnationaux de Pékin, les pneus de dissidents sont crevés, des activistes sont harcelés et menacés, les permis d'étudiants étrangers sont refusés et des demandes de passeport sont rejetées. Les gens qui critiquent ouvertement Pékin ou dénoncent les efforts d'influence de la RPC risquent de perdre des possibilités de carrière, des occasions d'affaires ou du financement à la recherche. Ils pourraient ne plus pouvoir retourner en RPC, et leur sécurité et celle des membres de leur famille élargie pourrait être menacée. Rien d'étonnant à ce que de nombreuses personnes s'autocensurent en raison de l'efficace système mondial de contrôle et de surveillance de Pékin.
Je voudrais donc formuler des recommandations suivantes pour que le Comité les étudie.
Premièrement, il faut adopter une approche faisant intervenir l'ensemble de la société afin de contrer l'ingérence étrangère, puisqu'elle se manifeste dans toutes les facettes de la société canadienne. Si on omet la moindre facette, ce sont les communautés les plus vulnérables qui en pâtiront.
Deuxièmement, il faut offrir aux gens des lieux sécuritaires et anonymes où ils peuvent exprimer leurs préoccupations afin de prévenir les représailles de la part d'acteurs étrangers hostiles.
Troisièmement, il faut inclure les communautés marginalisées, les centres culturels et les groupes linguistiques dans votre approche.
Notre témoignage d'aujourd'hui met l'accent sur l'expérience vécue par les communautés et les connaissances d'experts sur les efforts d'influence étrangère de Pékin. Je veux également profiter de l'occasion qui nous est donnée pour encourager les décideurs à rétablir la confiance avec les communautés de la diaspora, qui sont nombreuses à avoir depuis longtemps l'impression de ne pas être écoutées et d'être ignorées.
Sachez enfin qu'il serait naïf de penser que la RPC est le seul pays à s'adonner à l'ingérence étrangère. Nous pressons donc le Comité à examiner des solutions ne ciblant pas un pays en particulier et à consulter les autres diasporas pour connaître leurs opinions.
Nous vous remercions de nouveau de nous avoir invitées à témoigner.
Nous répondrons à vos questions avec plaisir.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de se joindre à nous. J'apprécie à sa juste valeur le travail que vous effectuez à titre d'experts de votre domaine.
Je commencerai par vous, madame Wong, car j'ai regardé une vidéo de votre apparition lors d'une émission canadienne d'affaires publiques, au cours de laquelle vous avez indiqué que vous preniez un risque en participant à cette émission. Le risque ne vient pas de votre participation à l'émission, mais du travail que vous faites et dans le cadre duquel vous êtes devenue experte de l'ingérence étrangère pendant les élections.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a menée à ce point et comment la menace se manifesterait dans votre cas?
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Je vous l'expliquerai volontiers.
C'est là que la conversation se complique un peu. Quand il est question d'ingérence et d'influence étrangères, il n'est pas nécessairement facile de détecter ces activités et de pouvoir dire qu'un État étranger intervient dans sa vie.
Par exemple, depuis mon apparition sur CBC vendredi dernier, Internet est extrêmement lent à la maison et j'ai reçu plus d'appels, de courriels et de messages textes frauduleux. Est‑ce un acte d'ingérence ou d'influence étrangères? Je l'ignore, ne possédant pas l'expertise nécessaire pour dire si ces phénomènes découlent de mon apparition dans les médias.
Le principal problème, c'est que la communauté craint d'apparaître dans les médias, car dans certains cas extrêmes, des activistes et des dissidents ont reçu des menaces sur les médias sociaux et en personne. Certains membres de la communauté ont déploré que leurs pneus aient été crevés après avoir participé à un événement organisé pour commémorer le 4 juin.
Il existe tant de menaces et de tentatives d'ingérence que nous ne pouvons pas simplement affirmer « cela s'est produit », sinon nous pourrions identifier le problème. Nous ne sommes pas des experts en sécurité.
Je conseillerais au Comité de consulter un de nos derniers rapports.
Il s'agit d'un rapport d'enquête sur les efforts d'ingérence mondiaux de Pékin en réaction à des manifestations démocratiques de Hongkongais. Nous avons observé des démarches coordonnées à l'échelle mondiale visant à contrer les efforts que déploient les Hongkongais pour manifester à l'étranger.
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Le climat de peur est certainement un outil, mais je ne dirais pas que c'est nécessairement le principal. Il fait toutefois certainement partie de l'éventail de tactiques que Pékin peut déployer.
C'est la partie délicate dont il faut discuter quand on parle d'ingérence. Cette dernière ne se limite pas à la politique et aux bulletins de vote, mais s'étend à nos infrastructures culturelles et sociales et à la recherche, un autre domaine que j'ai mentionné.
Sur le plan de la politique, nous avons certainement observé des efforts visant à augmenter la participation civique, notamment chez des organisations affiliées. Il nous est toutefois très difficile de trouver directement un exemple et de dire qu'il s'agit d'ingérence étrangère.
C'est un sujet délicat et nuancé à appréhender.
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Je remercie beaucoup les témoins de comparaître.
Mes premières questions s'adressent à Mme Lau et à Mme Wong. Je vous remercie de votre exposé et des recommandations que vous avez formulées.
Je comprends la recommandation selon laquelle il faut adopter une approche faisant intervenir l'ensemble de la société.
En ce qui concerne votre deuxième recommandation consistant à offrir aux gens des lieux sécuritaires et anonymes pour qu'ils puissent fournir de l'information aux autorités canadiennes afin que nous ayons une meilleure idée de l'identité des acteurs qui exercent des pressions extraordinaires sur les communautés de la diaspora, pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
Pourriez-vous nous en dire plus également sur la manière dont nous pourrions empêcher le Département du travail du Front uni d'utiliser le même outil pour diffuser encore plus de désinformation et brouiller les cartes en nous indiquant qui sont ceux qui accomplissent du bon travail, comme celui que vous faites toutes les deux?
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Je vous remercie de cette importante question.
Tout d'abord, vu le climat de peur qui existe, il faut offrir des lieux sécuritaires et anonymes où les membres de la diaspora peuvent se sentir en confiance et communiquer leurs préoccupations et leurs observations. Il est vrai que le Département du travail du Front uni et ses agents utiliseront probablement ces mêmes lieux pour diluer l'information que reçoit le gouvernement du Canada.
Je pense que nous devons nous montrer proactifs à cet égard, pas seulement en identifiant les acteurs étatiques qui sont à l'œuvre au Canada — c'est le travail de nos organismes d'exécution de la loi et du renseignement —, mais également en effectuant des recherches de source publique. Bien souvent, le Front uni publie les noms des personnes et des organisations qui lui sont affiliés. Si vous effectuez des recherches en langue chinoise et de source ouverte, vous pourrez identifier les agences et les organisations.
Je peux céder la parole à Mme Lau si elle veut ajouter quelque chose.
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Je dirais que nous pourrions certainement prendre d'autres mesures.
Il est important de souligner que nous décrivons les tactiques d'ingérence, comme on nous le demande, mais que nous aimerions aussi participer à la solution. À mon avis, une approche globale impliquant toute la société devrait inclure la diaspora chinoise dans les conversations. Les communautés devraient elles aussi être invitées à proposer des solutions.
En plus de la diaspora, il faut inclure d'autres communautés ciblées par l'ingérence ainsi que les communautés les plus vulnérables. Si nous avons l'impression d'être mis de côté en ce moment, c'est en partie parce que nous sentons la présence d'une voix dominante. Aujourd'hui, c'est encourageant de constater la diversité des voix qui ont été invitées à parler dans un forum comme celui-ci, mais nous devons vraiment réfléchir à la manière dont la diaspora pourrait contribuer à cette lutte contre l'ingérence étrangère.
Au sujet de cette conversation, nous avons enregistré divers actes d'influence politique et diverses tentatives d'emprise sur les élites. Ces activités visent des dirigeants à l'échelle du pays, particulièrement aux échelons inférieurs de gouvernance tels que les commissions scolaires, les administrations municipales et les autorités régionales. L'objectif n'est pas nécessairement de faire élire certains candidats, mais plutôt de mettre en place un contexte favorable pour Pékin, y compris pour le secteur privé en Chine.
Une autre point qui mérite d'être soulevé, c'est la manipulation de l'information et les stratégies discursives et narratives. Je pense que M. Kwan a parlé de la désinformation populaire planifiée qui circule dans certains espaces communautaires. Ce type de désinformation est véhiculé dans les médias et dans le discours public. Les agents du Front uni se présentent comme la seule voix et la seule autorité des communautés chinoises. Ils essaient de dominer la conversation et de lui donner un éclairage pro-Pékin.
Un autre élément clé que le Comité devrait vraiment examiner est le Département du travail du front uni. Ce département n'est pas seulement un organisme étatique. C'est en fait un organisme du Parti communiste chinois qui vise à influencer et à renforcer la loyauté envers Pékin. Il agit à tous les niveaux de gouvernement et à l'international. Nous pouvons apprendre de nos partenaires ailleurs dans le monde pour savoir quand et où contrer les activités du Front uni.
Je pense que les éléments suivants sont assez évidents, c'est-à-dire le harcèlement et l'intimidation à l'endroit des communautés de la diaspora. Les actes de cette nature suscitent encore d'énormes préoccupations dans nos communautés. Nous ne savons pas si les membres de la diaspora qui dénoncent le régime sont en sécurité. C'est vraiment préoccupant.
Le dernier élément que j'aimerais mentionner rapidement est l'influence exercée dans le milieu universitaire et les vulnérabilités des mécanismes de transfert de propriété intellectuelle. À cause de la vulnérabilité des processus de financement au Canada, le PCC utilise souvent ses capitaux et ses ressources pour financer des activités de recherche précises au sein des établissements canadiens. À terme, le PCC peut alors acheter la propriété intellectuelle des résultats de recherche à très faible coût.
Bienvenue à tous les témoins. Je connais bien votre travail et j'ai d'ailleurs discuté avec certains d'entre vous.
Madame Wong, l'article de la CBC intitulé « Nous savons où habitent vos parents » citait des militants de Hong Kong qui affirmaient que la police canadienne ne faisait rien contre les menaces en ligne. Vous avez relaté les menaces que vous receviez et l'incapacité de la police d'amener les auteurs de ces menaces à répondre de leurs actes.
Je voulais souligner cela, car cette tactique a été mentionnée par l'autre groupe de témoins, si je ne m'abuse. Je ne peux imaginer à quel point ces menaces doivent être bouleversantes, particulièrement pour les personnes qui ont de la famille dans leur pays d'origine ou qui reçoivent des menaces voilées au Canada.
Pouvez-vous décrire les conséquences de l'incapacité des forces policières canadiennes à intervenir dans les cas de divulgation de données personnelles et d'autres formes de harcèlement?
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Je comprends tout à fait votre point de vue.
Les témoins précédents ont proposé la mise en place de ressources qui permettraient par exemple de surveiller les téléphones et les appareils et de fournir des solutions technologiques de contre-ingérence pour assurer en somme un rôle défensif.
Je souhaiterais avoir en main de bonnes recommandations portant sur des mesures que le gouvernement canadien pourrait prendre à l'égard de choses qu'il peut contrôler, et non pas à l'égard, par exemple, du contenu qui circule sur Internet et d'autres phénomènes difficiles à contrôler.
Une de vos recommandations est d'accroître le financement du gouvernement versé aux organismes communautaires et aux groupes de la diaspora. Votre organisme a-t-il pensé à des moyens qui, à l'échelle de votre communauté, pourraient contribuer à assurer la sécurité des gens? Avez-vous pensé à des ressources qui pourraient être fournies à la communauté concernant des aspects techniques — que vous avez mentionnés précédemment — comme Internet et la surveillance des appareils et qui permettraient de mettre en place en quelque sorte des mesures de contre-surveillance qui pourraient vous soutenir?
Merci, monsieur Chu.
Voilà qui conclut la première série de questions. Je vous rappelle que nous passons aux conservateurs et aux libéraux, pour ensuite passer aux questions de deux minutes et demie du Bloc et du NPD, ce qui conclura la période de questions.
Je pense que Villemure aura quelque chose à dire à la fin de la séance.
Monsieur Kurek, votre nom figure dans la liste.
Monsieur Barrett, la parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens, encore une fois, à remercier les témoins de leur bravoure, de leur militantisme et des efforts qu'ils déploient pour la défense de leur communauté et pour la défense des droits de la diaspora chinoise au Canada et partout dans le monde. Je vous remercie de prendre part à cette conversation.
Monsieur Chu, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la réaction du , qui semblait, selon vous, banaliser — je pense que c'est le mot que vous avez employé — le problème.
Vous avez écrit au pour lui faire part de vos préoccupations sur la dictature communiste et l'ingérence de Pékin au Canada.
Si vous le voulez bien, je vais vous laisser une minute pour que vous nous décriviez le contenu de votre lettre au .
Vous avez mentionné une chose que j'ai trouvée très préoccupante, à savoir que la dictature communiste de Pékin exploite la diaspora chinoise et, en particulier, l'histoire, souvent riche, qui constitue une grande partie du Canada.
J'aimerais vous donner l'occasion de nous en parler davantage. Vous avez mentionné une organisation de Vancouver. Comment le Parti communiste chinois exploite‑t‑il la diaspora chinoise? Vous avez parlé des journaux et des sources d'information en langues étrangères et du patrimoine. Dans les 50 secondes qu'il me reste, pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici, de se joindre à nous et d'essayer de faire partie de la solution.
J'essaie de déterminer l'impact des messages multimédias qui circulent et ce que cela signifie que de participer à notre processus électoral.
Je vis à Richmond, en Colombie-Britannique. C'est probablement l'une des villes les plus diversifiées du Canada au complet. En fait, les Nations unies désignent un tronçon de cinq kilomètres de la ville de « route du paradis » ou « Highway to Heaven ». On y trouve plus de 28 organisations confessionnelles différentes qui s'y côtoient. J'y ai vécu toute ma vie.
Je tente de tisser des liens avec les diverses communautés. Il y en a une qui se démarque. Je sais que Mme Wong a parlé de la peur, tout à l'heure — tout le monde en a parlé. Nous essayons souvent de tisser des liens avec la communauté chinoise, mais si l'on frappe à sa porte, elle n'ouvre pas. Ses membres ne veulent pas communiquer avec nous ni nous donner d'informations personnelles, par exemple.
Quand nous examinons les messages que la communauté reçoit sur les plateformes de médias sociaux, comment nos services de sécurité peuvent-ils faire la distinction entre les documents rédigés en cantonais ou en mandarin qui proviennent d'une source gouvernementale en Chine et ceux rédigés par des Canadiens d'origine chinoise établis ici, au Canada?
Mme Wong pourrait-elle me répondre, s'il vous plaît?
Madame Lau, vous avez mentionné, je pense, une chose très importante en recommandant des solutions ne ciblant pas un pays en particulier. Seriez-vous d'accord pour dire que la fixation sur ce cas particulier, uniquement sur les allégations d'ingérence chinoise, pourrait peut-être nous faire passer à côté de l'essentiel, surtout lorsqu'il s'agit de trouver des solutions qui, espérons‑le, protègeraient d'autres communautés aussi de la diaspora?
Pourriez-vous nous dire pourquoi vous estimez important que toutes les communautés concernées soient prises en compte et que cet examen ne se limite pas à une seule communauté de la diaspora en particulier?
:
C'est une excellente question.
En ce qui concerne cette fixation, actuellement, je pense qu'elle pourrait avoir pour avantage... Comme cela a été mentionné par le groupe de témoins précédent, il faut faire la lumière sur tout cela. Nous devons absolument apprendre de ces tactiques. Nous devons absolument voir quelles sont ces tactiques pour nous en prémunir. En même temps, l'ingérence étrangère et l'ingérence dans les élections n'ont rien de nouveau, et nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que cela reste un problème et un défi à l'avenir, auquel nous devrons tous nous attaquer.
J'espère que pendant qu'on braque les feux des projecteurs sur ce problème, on réfléchit aux solutions à notre portée pour l'avenir et à la façon dont nous pouvons nous protéger et être proactifs.
Je pense aussi, par exemple, concernant la répression transnationale étrangère, dont il a également été question, que la diaspora chinoise n'est pas la seule à être confrontée à ce problème. D'autres communautés vivent la même chose, comme les Syriens, les Iraniens ou les Ukrainiens. Il faut regarder ces autres communautés aussi et voir qu'il ne s'agit d'un problème isolé, que nous sommes interreliés et que nous avons des choses à apprendre les uns des autres.
Je pense également, comme beaucoup de mes collègues militants, j'en suis sûre — Mme Wong et M. Chu pourraient aussi vous en parler — qu'on vit dans un monde très solitaire quand on est la cible de répression transnationale étrangère. Nous nous disons toujours que nous sommes fous de penser que quelque chose est en train de se passer. Quand nous en parlons, puis que nous constatons qu'il s'agit d'un problème réel pour d'autres personnes aussi, cela renforce la résilience de la communauté.
Voilà qui met fin à cette série de questions et à la comparution de ce groupe de témoins.
Au nom du Comité et au nom des Canadiens, je tiens à vous remercier, monsieur Chu, madame Wong et madame Lau, d'avoir pris le temps de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Les informations que vous nous avez fournies et que vous nous fournirez sont extrêmement précieuses. Je pense que tous les membres du Comité seront d'accord sur ce point. Je vous remercie.
Nous allons maintenant continuer.
[Français]
Monsieur Villemure, je comprends que vous avez un avis de motion à présenter. Vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Nous avions demandé et obtenu six rencontres. Nous nous étions entendus pour ne pas faire de travail en double, et, jusqu'à maintenant, je ne crois pas que nous en ayons fait. Proposer la comparution de M. Glucksmann ne constitue pas du travail en double non plus.
Il est difficile de déterminer s'il y aura une, deux ou trois rencontres. Pour ma part, je respecte le fait que nous devons éviter le travail en double. Cependant, notre comité peut aborder le sujet sous un angle différent de celui du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, et je tiens à ce que cela se fasse.
La motion a été présentée et elle est recevable. Il est clair pour moi, en tant que président, que nous n'avons pas de consentement unanime.
Je propose donc que nous passions au vote.
[Traduction]
Madame la greffière, pourriez-vous procéder au vote sur la motion qui a été présentée?
Je rappelle également au Comité que la comparution de ce témoin est déjà prévue. Il est sur la liste. Il s'agit simplement d'une heure et de dates très précises. C'est le but de cette motion.
(La motion est adoptée par 8 voix contre 0.)
:
Merci, madame la greffière.
La motion est adoptée. Je vais suivre le conseil de M. Fergus et convoquer une réunion du sous-comité pour que nous puissions en discuter davantage. Laissez-moi le soin de voir avec la greffière quand ce témoin comparaîtra. Nous tiendrons compte de la motion qui vient d'être adoptée.
Voilà, c'est tout. Je vous souhaite une bonne semaine de relâche. Passez du bon temps avec votre famille, tout le monde.
Je remercie les analystes, la greffière et tous les techniciens présents dans la salle.
Je tiens tout spécialement à remercier ma femme, qui est ici aujourd'hui.
Des députés: Bravo!
Le président: Elle est restée ici cette semaine pour s'occuper de moi et de mon pauvre dos: merci.
La séance est levée.