Je vais essayer de sauter une partie de l'information préliminaire. Les personnes qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône de microphone lorsqu'elles sont prêtes à intervenir. Veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne vous exprimez pas, votre micro doit être mis en sourdine. Pour l'interprétation, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Je rappelle à tout le monde que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins: de la B.C. Wildlife Federation, Jesse Zeman, directeur général; de la Central Coast Indigenous Resource Alliance, Charlotte K. Whitney, directrice de programme, Sciences et gestion des pêches, et Alejandro Frid, coordonnateur scientifique; du Fraser Salmon Management Council, Michael Staley, biologiste; de la Fondation du saumon du Pacifique, Andrew Bateman, gestionnaire, Santé du saumon, et Brian Riddell, conseiller scientifique; et de la Watershed Watch Salmon Society, Greg Taylor, consultant et conseiller aux pêches.
Monsieur Zeman, nous allons commencer les déclarations liminaires par vous. Vous avez un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président. Je vais passer tout de suite au vif du sujet.
Je vous remercie pour cette occasion de témoigner.
Je m'appelle Jesse Zeman. Je suis directeur général de la B.C. Wildlife Federation, la BCWF, qui compte 43 000 membres. C'est le plus grand et plus vieil organisme de conservation en Colombie-Britannique.
Dans le passé, je me suis adressé à vous au sujet du processus d'examen par des pairs du Secrétariat canadien des avis scientifiques, qui est censé être un processus officiel et transparent pour donner des conseils scientifiques évalués par des pairs au MPO et au public. Ce processus fait partie intégrante de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Dans le dossier de la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur, qui est menacée d'extinction, ce processus a été entièrement miné par le MPO.
Une demande d'accès à l'information visant le processus lié à la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur, pour laquelle il y avait des milliers de pages de documents, a révélé que le bureau du sous-ministre adjoint a donné une directive pour modifier des éléments clés reliés aux dommages admissibles. De plus, la présidence du processus a indiqué avoir été exclue du processus et a exprimé des préoccupations quant à son intégrité scientifique. Qui plus est, la présidence affirme également dans ces documents qu'on a altéré l'avis scientifique après sa signature.
Pendant ce processus, on a également révélé que la direction du MPO, pas son secteur des sciences, avait créé son propre modèle pour la période de montaison, c'est‑à‑dire la période pendant laquelle la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur se déplace le long de la rivière. Le processus d'évaluation par les pairs a mené au rejet de ce modèle. Je crois pourtant que la direction du MPO s'en sert encore pour informer le ministre.
Des années plus tard, le document évalué par des pairs et intitulé Évaluation du potentiel de rétablissement n'a pas encore été rendu public. À ma connaissance, c'est la seule espèce visée par ce processus associé à la Loi sur les espèces en péril pour laquelle ce document n'a pas été rendu public.
C'était un résumé de ce que nous avons constaté en 2021. Aujourd'hui, je suis ici pour vous parler du chapitre suivant de cette saga du point de vue scientifique.
Le 8 avril 2021, la B.C. Wildlife Federation, au moyen d'une demande d'accès à l'information [difficultés techniques] concernant la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur qui remonte à 2019 un mois à la fois. Le MPO a répondu qu'il faudra attendre au moins jusqu'au 17 février 2022 pour récupérer ces documents. Il ne faut pas oublier que c'est une espèce de poisson que le MPO ne gère même pas, et qu'on peut donc s'attendre à ce qu'il y ait très peu de documents.
Une plainte a été déposée auprès du Commissariat à l'information du Canada le 18 mai 2021. Le 16 mars 2022, près d'une année plus tard, on m'a avisé que l'enquêteur du Commissaire à l'information du Canada avait déterminé que l'exclusion revendiquée par le MPO était déraisonnable compte tenu des circonstances. En outre, l'enquêteur a constaté que le MPO a refusé de communiquer les documents demandés. Soyons clairs: les documents ne sont pas caviardés ou modifiés. Le MPO refuse tout simplement de les fournir. Qui plus est, le Commissariat à l'information du Canada a indiqué à la BCWF que si elle souhaite donner suite au dossier, elle doit présenter une demande d'examen à la Cour fédérale.
Je précise que l'information demandée par la B.C. Wildlife Federation n'a rien à voir avec la sécurité nationale. Elle porte sur une espèce de poisson menacée pour laquelle le MPO a déjà caché et modifié des données scientifiques. Le MPO refuse de rendre publics des documents pour lesquels les Canadiens ont payé. Lorsqu'on laisse entendre qu'il faudrait que la BCWF dépense des dizaines de milliers de dollars pour traduire le MPO devant la Cour fédérale et rendre publics ces documents, on constate que la transparence est inexistante dans cette institution. Du point de vue scientifique, cela signifie que le MPO est disposé non seulement à cacher et à modifier des données scientifiques, mais aussi à refuser de rendre publics des documents.
Lorsque les médias et des élus se demandent pourquoi la confiance dans nos institutions publiques s'érode, pourquoi les gens ne participent pas aux débats de politique publique ou pourquoi les jeunes ne vont pas voter, c'est un excellent exemple. C'est la raison pour laquelle la BCWF ne fait plus du tout confiance au MPO. La BCWR ne s'inquiète pas des compétences des scientifiques du ministère. Elle est plutôt préoccupée par les décideurs et les cadres supérieurs qui sont disposés à modifier, à supprimer et à cacher ces données scientifiques.
Dans le contexte plus vaste des données scientifiques sur la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur, la BCWF financera des travaux de recherche par l'entremise d'établissements postsecondaires avec ses partenaires et ses collaborateurs. Ce n'est pas parce que nous nous attendons à ce que le MPO tienne compte d'un examen scientifique indépendant. Nous savons qu'il va l'ignorer. C'est plutôt parce que le public et nos membres ont besoin de voir les données scientifiques, et c'est une chose qu'on ne permet pas à la tête du ministère.
En tant que représentants élus de Canadiens, qui apprécient à leur juste valeur la science, la transparence, la reddition de comptes et la démocratie, vous devriez être grandement préoccupés par les efforts constants du MPO pour nuire à la science. La structure du MPO ne fonctionne plus. Compte tenu de la gravité du problème, nous avons une recommandation: nous devons démanteler le MPO pour lui donner un tout nouveau départ en séparant la direction et le Secteur des sciences. À défaut de quoi, nous allons perdre ce qu'il reste du saumon du Pacifique et de la truite arc‑en‑ciel.
Merci du temps que vous m'avez accordé.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Charlotte Whitney, et comme vous l'avez dit, je comparais ici à titre de directrice du programme des sciences et de la gestion des pêches à la Central Coast Indigenous Resource Alliance, ou CCIRA. Avant d'occuper ce poste, j'ai travaillé à la Fondation du saumon du Pacifique.
Je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation des Nuxalk à Bella Coola, en Colombie-Britannique. Alejandro Frid, le coordonnateur scientifique de la CCIRA, se joint à moi.
Notre témoignage porte sur une partie de notre expérience avec le MPO, une organisation qui se sert de la science et qui la fait progresser pour prendre des décisions éclairées relativement à la gestion des pêches et des écosystèmes aquatiques.
Le MPO peut exceller sur le plan scientifique. De plus, le processus du Secrétariat canadien des avis scientifiques, le SCAS, peut permettre au MPO d'orienter la gestion grâce aux meilleures données scientifiques disponibles et de faire preuve de prudence par rapport aux incertitudes liées aux changements climatiques.
Il y a toutefois souvent un fossé entre les conseils scientifiques et les décisions de gestion, entre les politiques officielles et ce qui se produit dans les faits. Lorsque c'est le cas, ce fossé a mené à des décisions de gestion qui maintiennent le statu quo et qui ne reposent pas sur les meilleures données scientifiques disponibles. Nous avons vu ce problème dans plusieurs dossiers, y compris celui du réseau d'aires marines protégées de la biorégion du plateau nord et pour ce qui est de la pêche au saumon, au hareng, au sébaste et au crabe dormeur, ce qui a nui à la gestion préventive.
Pour gagner du temps, je vais juste donner un exemple récent qui met l'accent sur l'évaluation et le total autorisé des captures pour le sébaste bocace, un sébaste du Pacifique, et nous allons conclure avec nos observations sur la prise en considération par le MPO des connaissances autochtones.
L'étude sur le sébaste bocace renvoie directement à deux thèmes qui intéressent le Comité d'après ce que nous avons compris. Le premier est l'inclusion dans le processus du SCAS, et la façon dont les décisions de gestion tiennent compte des incertitudes et du principe de précaution.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, un comité consultatif indépendant du gouvernement fédéral, a recommandé en 2013 l'inscription du sébaste bocace sur la liste des espèces en voie de disparition. En 2019, le déclin de la population de sébaste bocace était de 97 %, soit en plein dans la zone critique du MPO. Par conséquent, le total autorisé de captures pour cette espèce de prises accessoires a été établi à 75 tonnes, ce qui est plutôt bas. Cependant, un recrutement inhabituellement important a eu lieu en 2016. Il était 44 fois plus important que le taux moyen à long terme.
Compte tenu de cette réalité et du fait que le sébaste bocace est une espèce gênante, c'est‑à-dire une espèce non ciblée, mais qui limite la pêche à cause de restrictions sur les prises accessoires, on a accordé la priorité à la réalisation d'autres relevés et une évaluation à jour a été produite en 2022, cette année. En s'appuyant principalement sur l'important recrutement qui a eu lieu, on a projeté que l'abondance de sébaste bocace serait nettement dans la zone saine au début de la saison de pêche actuelle. En guise de réponse, les gestionnaires du MPO ont multiplié par 24 le total autorisé de captures sur seulement deux ans en le faisant passer de 75 à 1 800 tonnes.
Pour une espèce qui, selon les estimations, n'est plus qu'à 3 % de son abondance originale, c'est comme transférer l'ensemble d'un portefeuille d'investissement en se fiant à quelques bonnes journées à la bourse alors que des signes clairs montrent une grande dépression. Cette hausse du total autorisé des captures va à l'encontre du principe de précaution. Nous ne savons pas si les grands recrutements peuvent mener à une productivité à long terme des stocks, en particulier lorsque les conditions océaniques changent rapidement à cause des changements climatiques, ce qui est l'équivalent biologique d'une grande dépression.
La multiplication par 24 du total des captures s'appuie sur un document du SCAS qui tombe dans la catégorie des « réponses des Sciences », ce qui permet d'avoir un groupe non inclusif de participants et de pairs examinateurs, soit du personnel du MPO et deux représentants de la pêche commerciale dans ce cas‑ci. Dans le cadre du processus de réponse des Sciences, on n'est pas tenu de faire participer des scientifiques indépendants et des membres des Premières Nations, y compris ceux qui étudient l'espèce en danger.
Compte tenu de l'effondrement récent des stocks de sébaste bocace et des répercussions sur des pêches ciblées, c'était légal, mais certainement pas conforme aux principes de transparence ou d'ouverture.
Enfin, puisque beaucoup de stocks ciblés et de stocks de prises accessoires font l'objet d'évaluations désuètes ou d'aucune évaluation, cette étude de cas soulève également des questions quant à la façon dont le MPO accorde la priorité à l'évaluation des stocks.
Je vais maintenant parler de notre expérience par rapport à la façon dont le MPO tient compte des connaissances autochtones. Malgré de nombreuses politiques du ministère qui prétendent prendre en considération les connaissances autochtones et les intégrer aux décisions prises, dans la région du Pacifique, nous ne sommes pas au courant de dossiers dans lesquels le MPO a jugé que les connaissances autochtones justifiaient le renvoi rapide d'une nouvelle question au SCAS, et ce, malgré les nombreux déclins d'espèces essentielles pour la culture, la sécurité alimentaire et la santé qui ont été signalés par des Premières Nations, en particulier celles de la côte centrale, pour lesquelles nous travaillons.
À titre d'exemple, les Premières Nations de la côte centrale ont été les premières à faire part au MPO de leurs préoccupations par rapport à la diminution des taux de prises de crabe dormeur en 2007, qui a de grandes répercussions sur la sécurité alimentaire et la pratique culturelle. Il a fallu 10 années d'engagement et de science occidentale dirigée par des nations avant d'obtenir une réponse appropriée de la part des gestionnaires du MPO.
À l'heure actuelle, les Premières Nations de la côte centrale se heurtent à une absence similaire de réponse de la part du ministère pour ce qui est de leurs préoccupations concernant le déclin rapide du saumon du Pacifique, même si elles investissent dans des travaux de recherche scientifique occidentale qu'elles dirigent. Le MPO n'a toujours pas pris en considération leur directive cohérente pour limiter les pêches commerciale et sportive face à ce déclin.
Pour conclure, je propose les recommandations suivantes pour que le MPO améliore son utilisation des avis scientifiques et pour qu'il applique de manière uniforme ses propres politiques et principes.
Premièrement, il ne faut pas compromettre l'inclusion dans le processus du SCAS pour précipiter l'évaluation des stocks ou les décisions de gestion.
Deuxièmement, il faut mobiliser pleinement les excellents scientifiques du MPO pour s'attaquer aux incertitudes climatiques dans l'évaluation des stocks ainsi qu'à d'autres questions plus générales sur la gestion écosystémique, dans le but de surmonter l'inertie institutionnelle actuelle.
Troisièmement, il faut mettre fin aux gestes symboliques relativement à l'application des connaissances autochtones. Les connaissances autochtones couvrent souvent une période plus longue et procurent une meilleure compréhension des écosystèmes locaux par rapport à la science occidentale. Il faut donc les traiter comme un système de connaissances valides, ce qu'elles sont. À cette fin, le MPO doit travailler avec les Premières Nations afin de trouver un moyen d'utiliser ces connaissances dans la gestion tout en respectant la culture, par exemple pour tirer parti de signes avant-coureurs relativement à la santé d'espèces marines et d'écosystème.
Enfin, il faut honorer et respecter les ententes existantes de gouvernance conjointe des pêches et des océans ainsi que mettre en œuvre sans réserve ces processus qui englobent les connaissances autochtones, les besoins des écosystèmes et les seuils de précaution.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Michael Staley. Je vous parle depuis le territoire traditionnel de la Première Nation Tla-o-qui-aht sur la côte Ouest de l'île de Vancouver.
Je suis biologiste des pêches. J'ai reçu une formation sur la dynamique des populations et je travaille dans le domaine, surtout pour le saumon du Pacifique, depuis les années 1970. À la fin des années 1980, j'ai commencé à exercer diverses fonctions techniques dans des organisations de Premières Nations, principalement en ce qui a trait au fleuve Fraser.
Je travaille maintenant surtout pour le Fraser Salmon Management Council, le FSMC, et je copréside le comité technique mixte qui relève du conseil de gestion du saumon du Fraser. Le conseil de gestion du saumon du Fraser a vu le jour lors de la signature d'une entente de collaboration pour la gestion du saumon du Fraser entre les Premières Nations membres du FSMC et le ministère des Pêches. Son objectif consiste à s'attaquer aux défis que présente la gestion du saumon du Fraser le long de sa route migratoire.
On a mis le Fraser Salmon Management Board au défi d'exécuter pleinement les processus prévus dans l'entente, ce qui s'explique en partie par l'absence de plan de mise en œuvre. À ce jour, après notre troisième année, aucune décision concertée n'a été rendue grâce à cette entente de collaboration pour la gestion.
Le comité technique mixte tente également de se réunir régulièrement, même si le manque de ressources nous complique la tâche, pour préparer des mémoires et donner son avis au conseil dans un esprit de collaboration. Jusqu'à maintenant, nous nous sommes concentrés sur la gestion des stocks de saumon quinnat du fleuve Fraser, dont la conservation est préoccupante.
Quand j'ai commencé à travailler avec les Premières Nations du Fraser il y a environ quarante ans, je comptais parmi les rares — je crois qu'il y en avait environ trois — scientifiques de formation occidentale qui travaillaient avec des Premières Nations de la Colombie-Britannique dans le domaine des pêches. Depuis, grâce au financement fédéral et aux programmes comme la Stratégie relative aux pêches autochtones et le Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques, un plus grand nombre de biologistes bien formés et compétents travaillent directement pour des Premières Nations et leurs regroupements. Il est aussi encourageant et approprié qu'une grande partie, et cette proportion augmente, des membres du personnel technique des Premières Nations soient également membres d'une Première Nation.
J'ai moi-même vu le soutien limité accordé à la science en général et à la science halieutique en particulier pendant, je suppose, la première décennie du siècle. Je trouve donc encourageant de voir un soutien accru pour la science halieutique depuis la fin de la deuxième décennie. Le soutien semble revenir. Le MPO semble recourir à des programmes fédéraux récents comme l'Initiative de la Stratégie relative au saumon du Pacifique pour l'aider à reconstituer sa capacité scientifique.
Compte tenu des titres sur des terres et des ressources que se partagent la Couronne et des Premières Nations en Colombie-Britannique, il est impératif de continuer de renforcer la capacité scientifique et technique des Premières Nations et de leurs organisations. Ce n'est qu'en soutenant leurs organisations de manière proportionnelle que les Premières Nations pourront assumer leur rôle légitime dans la cogestion du poisson et des pêches en collaboration avec le MPO.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, M. Brian Riddell et moi vous remercions de nous avoir invités à prendre la parole au nom de la Fondation du saumon du Pacifique.
Depuis 35 ans, la FSP travaille à protéger et à reconstituer les stocks de saumon du Pacifique. Pris ensemble, M. Riddell et moi avons étudié le saumon pendant un total de plus de 60 ans. L'importance de fournir des avis scientifiques exacts et exhaustifs aux décideurs et les conséquences de l'absence de tels avis ne sont pas de nouveaux enjeux.
En 1997, feu M. Jeffrey Hutchings et d'autres ont exposé en détail les échecs du Canada à cet égard dans le dossier de l'effondrement de la pêche à la morue dans l'Atlantique. Par la suite, en 1999, le gouvernement fédéral a établi les principes des ASEG dans le but d'appuyer l'utilisation d'avis objectifs en matière de sciences et de technologie, et depuis des années, le MPO fait appel à des groupes chargés des examens scientifiques — le SCAS et son prédécesseur, le CEESP — pour fournir des avis aux décideurs. Les objectifs actuels du MPO au chapitre des avis scientifiques sont louables en théorie, mais la valeur des principes et des lignes directrices dépend de leur mise en œuvre.
Récemment, M. Riddell et moi avons participé aux travaux liés à la salmoniculture en parcs en filet ouverts en Colombie-Britannique. En 2018, un comité d'experts mis sur pied par la conseillère scientifique en chef du Canada a présenté des recommandations au MPO pour améliorer l'utilisation, la création et la communication de preuves scientifiques dans le processus décisionnel en matière d'aquaculture. Ces recommandations comprenaient la mise en place d'un comité consultatif externe. En nous fondant sur notre expérience, nous proposons d'aller un peu plus loin: d'après nous, les avis scientifiques eux-mêmes devraient être recueillis, évalués et présentés par un groupe d'experts indépendant.
Pour illustrer les lacunes de l'approche actuelle, je vais vous parler des évaluations des risques réalisées par le SCAS à la suite de la Commission Cohen. Ces évaluations portent sur les risques pour le saumon rouge du fleuve Fraser attribuables aux agents pathogènes issus des fermes d'élevage de saumon des îles Discovery. Selon nous, ces évaluations montrent que le MPO se fie excessivement au processus du SCAS; qu'il ne respecte pas les principes relatifs à l'exhaustivité, à l'ouverture, à l'examen par des pairs et à l'indépendance des avis scientifiques; et qu'il estime que ce qui convient en théorie convient nécessairement en pratique.
Comme nous avons participé à quatre des neuf évaluations des risques concernant les îles Discovery, nous sommes bien placés pour en parler. Les conclusions selon lesquelles les risques sont minimes ne reflètent ni les connaissances actuelles ni un consensus scientifique véritable. Des risques importants ont été omis. Le pou du poisson, les effets cumulatifs et l'état de conservation des stocks de saumon rouge ont été ignorés.
De plus, les processus n'étaient ni impartiaux ni indépendants. Les évaluations des risques ont été mises en œuvre, étroitement gérées et influencées par de hauts fonctionnaires de la division de l'aquaculture du MPO, et des employés, des entrepreneurs et d'autres intervenants de l'industrie de la salmoniculture comptaient parmi les membres du comité de direction et les évaluateurs principaux. Par conséquent, les conflits d'intérêts ont miné l'intégrité du processus.
De façon générale, le consensus est considéré comme une des forces du SCAS. Toutefois, durant les réunions, de fortes pressions sociales sont exercées sur les voix dissidentes, ce qui crée les conditions parfaites pour la pensée de groupe. Une fois la boîte de consensus cochée, il n'existe aucun mécanisme pour examiner les erreurs. En outre, certains participants étrangers s'abstiennent aux votes sur le consensus, ce qui réduit l'influence des perspectives internationales.
Quoi qu'il en soit, le processus scientifique n'exige pas le consensus. La pratique de minimiser les désaccords ne rend pas service aux décideurs et elle va à l'encontre des lignes directrices sur les ASEG, selon lesquelles les décideurs devraient tenir compte des points de vue multiples qui ont été reçus, et non seulement de la version distillée de l'incertitude utilisée dans les faits.
Au‑delà des lacunes du processus même, il arrive que les conclusions du SCAS soient mal représentées par le MPO. Dans le cas des évaluations des risques pour le saumon rouge, les conclusions ont été utilisées pour affirmer que les fermes d'élevage de saumon de la Colombie-Britannique ne posent qu'un risque minime pour le saumon sauvage. Cependant, cela ne reflète pas du tout les conclusions des évaluations du SCAS portant très spécifiquement sur les risques posés par les fermes d'élevage de saumon des îles Discovery pour le saumon rouge du fleuve Fraser seulement.
Ce qui est peut-être encore pire, c'est que les avis émis par le SCAS, qui sont censés faire l'objet d'un examen subséquent lorsque de nouveaux renseignements pertinents deviennent disponibles, sont souvent donnés comme raison pour ignorer les nouvelles découvertes.
Le processus du SCAS donne de bons résultats quand les conditions sont optimales; or, ce n'est pas quand les conditions sont optimales que les décideurs ont besoin des meilleurs avis possible. Un bon système peut être fragilisé par la faiblesse humaine. Bien que le SCAS règle certains problèmes soulevés par M. Hutchings et d'autres il y a 25 ans, le Canada peut faire mieux. Les sciences évoluent, les enjeux évoluent, et les avis scientifiques doivent aussi évoluer.
En conclusion, il faut réparer le processus actuel du SCAS, qui est dirigé par le MPO et influencé par les préférences et les objectifs de la direction du ministère. En nous appuyant sur notre vaste expérience professionnelle, M. Riddell et moi répétons que le Canada doit mettre sur pied un organisme consultatif réellement indépendant chargé de fournir des avis scientifiques directement aux décideurs et de recommander de nouvelles recherches, à l'abri des intérêts internes ou externes du MPO.
Aux nombreux exemples trouvés sur la scène internationale s'ajoute le COSEPAC, un exemple utile et fiable tiré du contexte canadien d'aujourd'hui. Un organisme semblable voué aux avis scientifiques relatifs aux pêches pourrait s'inspirer des qualités du SCAS tout en évitant de reproduire ses défauts. Dans le domaine de l'aquaculture, un tel organisme pourrait grandement aider le ministère à regagner la confiance qu'il a perdue chez la population canadienne.
Je vous remercie.
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La gestion des pêches et le bureau de la omettent souvent d'intégrer des données scientifiques ou des politiques nationales fondées sur la science dans leurs décisions. Ce n'est pas nouveau. J'ai passé une grande partie de ma carrière à conseiller Pêches et Océans Canada, d'abord au nom de l'industrie, et depuis une dizaine d'années maintenant, au nom des Premières Nations et des ONGE.
Aujourd'hui comme hier, la majorité des décisions sont basées sur les relations officielles et informelles entre le MPO et les pêcheurs et sur des politiques externes. Le Canada n'a jamais été tenu de veiller à ce que les décisions respectent un cadre de gestion scientifique, contrairement à l'Alaska et à ses obligations en vertu de la constitution de l'État, ou aux États-Unis en vertu de la Magnuson-Stevens Fishery Conservation and Management Act.
Ce qui a changé durant mes 40 années de carrière, c'est qu'aujourd'hui, les risques posés par les décisions ne reposant pas sur des bases scientifiques solides sont infiniment plus grands qu'auparavant. L'augmentation des risques est attribuable à la crise climatique, aux effets cumulatifs de l'utilisation des terres et des eaux, ainsi qu'à un processus décisionnel qui continue à accorder la préséance aux pêches sur les poissons.
À partir des années 1990, en l'absence de cadres juridiques et réglementaires semblables à ceux de l'Alaska et des États-Unis, des avant-gardistes du MPO qui voyaient venir les défis environnementaux actuels — y compris M. Riddell ici présent — ont commencé à introduire un ensemble de politiques sur les pêches fondées sur la science de calibre mondial. Ces politiques font partie du Cadre pour la pêche durable du Canada.
Contrairement à de nombreuses politiques gouvernementales, le CPD n'est pas que la représentation d'un idéal. Il regroupe des politiques fondées sur la science qui donnent des instructions précises aux responsables de la gestion. Malheureusement, ces politiques importantes et les directives qu'elles présentent sont souvent ignorées dans la prise de décisions en matière de gestion.
Certains diront que je vais trop loin en affirmant qu'elles sont ignorées. Pourtant, le tableau que je vous ai fourni séparément montre qu'aucune des sept politiques principales comprises dans le Cadre pour la pêche durable n'a été mise en application en ce qui a trait aux pêches au saumon de la côte Ouest — aucune. Les gens du MPO s'inscriront en faux contre mon interprétation; ils soutiendront que les responsables de la gestion tiennent compte des politiques au moment de prendre des décisions. Or, en tenir compte est loin d'équivaloir à les mettre en application ou à avoir l'obligation de les respecter, comme c'est le cas des responsables de la gestion de l'Alaska ou des États-Unis, par exemple.
Ce n'est pas difficile de trouver des exemples récents de tels manquements. En 2019, après 10 ans de promesses de la part du MPO de mettre en œuvre des politiques nationales, l'industrie canadienne des pêches a été obligée de laisser tomber sa certification de durabilité durement acquise auprès du Marine Stewardship Council, perdant ainsi un accès crucial aux marchés mondiaux. Cette année, la a pris la décision arbitraire de réduire de moitié la pêche au hareng sur la côte Ouest, même si la pêche respectait et les avis scientifiques et les politiques.
L'an dernier, la a annoncé la fermeture de 60 % des pêches commerciales. Cette décision n'était pas fondée sur une analyse scientifique visant à déterminer quelles pêches devraient être fermées. En fait, c'est seulement maintenant qu'on travaille à l'élaboration d'une méthodologie pour établir quelles pêches devraient être fermées, sans contribution directe de la part du milieu scientifique. Par ailleurs, le ministère semble faire beaucoup de bruit pour rien puisque les responsables de la gestion ne prennent aucune mesure pour donner suite aux engagements pris par la ministre à l'égard des fermetures.
À l'heure actuelle, je travaille avec un organisme autochtone de la Colombie-Britannique qui s'inquiète de l'introduction d'une nouvelle pêche récréative dans son territoire. Aucune des politiques du Cadre pour la pêche durable n'a été appliquée à la création de la nouvelle pêche. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les Premières Nations touchées ressentent de la frustration et de la colère.
Si l'on reprend les exemples que je viens de donner, je suis sûr qu'il y en a parmi vous qui approuvent certaines décisions, en raison des besoins de vos électeurs ou de vos opinions politiques. Nombre de mes collègues les approuvent aussi, et c'est là le problème: lorsque les données scientifiques et les politiques fondées sur la science n'ont pas la préséance dans le processus décisionnel, les décisions sont prises en fonction des intérêts à court terme de la pêche ou des pressions exercées par tel ou tel groupe insatisfait, et non en fonction des avantages à long terme pour les poissons ou les pêcheurs.
Les solutions possibles sont probablement nombreuses, mais je vais en proposer deux de nature pratique.
La première, c'est d'obliger le MPO à mettre en œuvre des politiques nationales. Un organisme indépendant devrait rendre compte des progrès accomplis par le ministère et formuler des recommandations pour combler les lacunes.
La deuxième, c'est qu'un organisme scientifique indépendant définisse des objectifs de rendement fondés sur la science et sur les politiques pour chaque pêche. Le rendement de chaque pêche ferait l'objet d'un examen, disons, aux quatre ans. L'organisme indépendant évaluerait l'atteinte des objectifs, et il formulerait des recommandations et fixerait des échéances pour l'atteinte des objectifs. Il pourrait également modifier les objectifs de rendement au besoin.
En plus de favoriser la prépondérance de la science dans les décisions concernant les pêches, ces recommandations aideraient à rebâtir la confiance dans les responsables de la gestion et le système de gestion des pêches du Canada.
Je vous remercie.
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Bien sûr. Merci pour votre question. C'est très important pour nous et indispensable pour notre travail.
Je pense avoir parlé dans ma déclaration liminaire de la valeur des connaissances autochtones, car elles nous offrent une vision et une compréhension à beaucoup plus long terme des ressources et des écosystèmes et elles émanent des personnes qui vivent dans ces territoires depuis des milliers d'années.
Ce que nous apprécions et valorisons, c'est le fait, comme je vous l'ai expliqué, que ces connaissances permettent de déceler tôt les problèmes. C'est essentiel, et c'est lié étroitement au premier principe. Dans la pratique, nous avons constaté que les nations pour lesquelles et avec lesquelles nous travaillons sont en mesure de soulever un problème, une possibilité ou une préoccupation, qui, dans notre cas, est une préoccupation collective au sein des nations de la côte centrale, qui travaillent de concert.
Cela donne lieu, potentiellement, à des recherches dans le cadre de la science occidentale et à la synthèse et la collecte d'autres données s'appuyant sur les connaissances autochtones afin d'orienter les décisions de gestion, qui font ensuite l'objet d'un suivi et d'une évaluation et qui sont améliorées ou adaptées en conséquence.
Ces deux différents systèmes de connaissances — la science occidentale et les données découlant des connaissances autochtones — peuvent vraiment aller de pair et constituer une approche à « double regard », pour employer un terme que bien des gens ont utilisé, je crois, à savoir que les connaissances autochtones et la science occidentale peuvent toutes les deux contribuer à orienter les décisions de gestion et la recherche.
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Tout à fait. La question de l'interception en Alaska est au cœur de ce dont nous parlons. La majorité de l'information que contiennent nos sept rapports sur l'interception en Alaska de saumons de la Colombie-Britannique ne provient pas du MPO. Elle provient du ministère de la Pêche et de la Chasse de l'Alaska et de la Commission du saumon du Pacifique. Le MPO ne détient pas les meilleures données scientifiques ni les plus complètes. Cela en dit long.
Ce qui en dit encore plus long, comme nous l'avons souvent fait remarquer, c'est que ces interceptions ne se produiraient pas en Alaska s'il s'agissait de poissons de l'Alaska. Elles se produisent uniquement parce qu'il s'agit de poissons de la Colombie-Britannique. La différence, c'est que l'Alaska et la constitution de cet État ne permettent pas que la même chose se produise en Alaska. La situation n'est pas la même au Canada, car, comme je l'ai déjà dit, nous ne disposons pas d'un organisme de surveillance indépendant ou d'un cadre juridique exigeant que la gestion des pêches s'appuie sur des données scientifiques.
En outre, l'un des principaux problèmes, ce sont les répercussions des interceptions de poissons canadiens en Alaska que nous avons été en mesure de constater. Nous savons qu'elles sont graves. Nous avons établi une carte qui montre les répercussions sur l'ensemble de la côte de la Colombie-Britannique. Sommes-nous en mesure de vous dire quelle est l'incidence sur les stocks individuels? Non. La raison est qu'aucune des politiques du Cadre pour la pêche durable n'a été mise en œuvre. La politique clé est celle sur le saumon sauvage, sur laquelle M. Riddel a écrit. Elles ne sont mises en œuvre nulle part, alors nous ne connaissons pas l'état de la plupart des populations au Canada. Nous n'en connaissons pas les indicateurs, c'est‑à‑dire, les endroits où elles sont en péril et où elles ne le sont pas. Nous ne connaissons pas non plus les plans de rétablissement qui devraient être appliqués lorsque des populations sont menacées. Nous ne pouvons tout simplement pas mesurer les répercussions. Nous sommes au courant des quantités et des espèces pêchées, mais nous ne connaissons pas l'état de nos propres stocks.
Le Canada n'a absolument pas été en mesure d'effectuer le travail fondamental qui consiste à comprendre nos principales populations de poissons et à connaître leur état. C'est ahurissant. J'ai souligné cela lorsque j'ai parlé de la certification du Marine Stewardship Council. C'est la raison pour laquelle cet organisme a retiré la certification. Nous ne produisons pas les données scientifiques de base. La direction du MPO est vraiment à blâmer. Ce qui inquiète un grand nombre d'entre nous, c'est que nous nous trouvons dans cette situation à un moment où les changements climatiques et la crise climatique ont une incidence sur les poissons.
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Je vous remercie de la question.
J'en ai parlé brièvement dans mon exposé. Plus précisément, ce qui ressort de cette demande d'AIPRP — et ce ne sont pas mes mots, évidemment, mais ce qui a été révélé par des employés du MPO —, c'est que, premièrement, le président, qui est un employé du MPO, a dit craindre que l'intégrité scientifique du processus ait été compromise. Certains documents révèlent qu'une directive du bureau du sous-ministre adjoint demandait de modifier certains éléments clés relatifs aux dommages admissibles. De plus, la direction du MPO et non les scientifiques du MPO — et c'est l'élément crucial, encore une fois — a créé son propre modèle sur la période de montaison.
Premièrement — et il faut en quelque sorte être passionné par ce genre de choses —, ils ne sont pas parvenus à faire converger le modèle. C'est le premier drapeau rouge. Le deuxième, c'est que le modèle ressemble à ceci, et ce que dit le modèle, essentiellement, c'est qu'il n'y a pas de saumon arc-en-ciel dans le fleuve Fraser jusqu'au 1er septembre. J'ai des photos de saumons arc-en-ciel qui ont été tués à des centaines de kilomètres en amont du Fraser, en août, il y a deux ans.
Encore une fois, si vous n'aimez pas ce que dit la science, inventez votre propre science. Je pense qu'ils utilisent encore leur propre science pour informer le ministre, même si elle a été rejetée lors du processus du SCCS.
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Je pense que l'occasion est toujours présente, mais que le degré de collaboration varie selon l'enjeu et le moment.
De nos jours, dans le milieu scientifique, nous parlons généralement d'une activité qu'on appelle la science citoyenne. Il y a maintenant plusieurs niveaux à cela, car les Premières Nations ne veulent pas être considérées comme en faisant partie. Elles ont leurs propres possibilités scientifiques. Les diverses communautés scientifiques doivent réellement collaborer dans certains domaines. Le ministère n'a pas la capacité de collecter des données à l'échelle micrométrique comme les citoyens scientifiques. Les Premières Nations, dans ce cas, peuvent collecter des données à des endroits très précis.
Je pense que les informations dont vous parliez, monsieur Zimmer, étaient essentiellement liées au travail dans le secteur des détroits de Georgia et de Juan de Fuca, que nous appelons la mer des Salish.
Je vais vous donner un très bon exemple de la puissance de la mobilisation citoyenne. Une étude typique du gouvernement dans le détroit de Georgia dure 10 jours et porte sur 80 sites. Grâce à la science citoyenne, qui consiste à mobiliser les membres de la communauté équipés de navires, nous pouvons faire de l'échantillonnage dans l'ensemble du détroit de Georgia, avec le même nombre de sites, en une seule journée. Nous pouvons faire de multiples échantillonnages dans un certain temps et une certaine superficie, ce qui n'est pas possible avec de grands navires. Ces collaborations offrent un vaste éventail de possibilités.
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Je vous remercie de ces questions.
Concernant la dernière, je considère cela comme... Les membres des collectivités des Premières Nations que nous servons sont sur le terrain. Ce sont eux qui détiennent ces renseignements et ces connaissances scientifiques, comme d'autres l'ont souligné ici aujourd'hui. Nous considérons que cela doit être considéré avec respect, pas seulement au passage, à défaut d'un meilleur mot, mais qu'il faut aussi prendre en considération l'information, les enjeux et les intérêts des autres.
Je ne suis pas certain de la réponse à la première question.
Je participe actuellement à une expérience quant à la façon dont cela pourrait fonctionner avec le Conseil de gestion du saumon du Fraser et l'entente de collaboration. Jusqu'à maintenant, cela ne fonctionne pas et ne suscite pas d'intérêt, en partie parce que c'est tout nouveau. Comme nous le savons tous, le défi du MPO est d'évoluer rapidement. Voilà ma perception de la deuxième partie de votre question.
Quant à la première partie, j'ai en effet travaillé avec les Premières Nations durant la première partie de ce siècle, et j'ai certes constaté l'abandon des sciences et des données. Les bases de données pour beaucoup d'espèces sur lesquelles nous travaillons comportent d'importantes lacunes, notamment le dénombrement des reproducteurs, la qualité de ce dénombrement, et même la qualité de certains dénombrements de pêches.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, je suis heureux de constater que certaines choses ont été récupérées, mais malheureusement, lorsqu'on gère certaines espèces à longue durée de vie, il faut des séries chronologiques plus longues, et cette partie est manquante, malheureusement.
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Merci, monsieur le président.
Je vais continuer avec vous, madame Whitney.
Hier, de notre côté, nous avons rencontré un groupe de pêcheurs de la Gaspésie, plus précisément des pêcheurs de hareng et de maquereau. Je sais qu'on a beaucoup parlé du saumon du Pacifique et des problèmes qu'on rencontre dans l'Ouest, mais j'aimerais porter à votre attention la situation du Québec.
On se rend compte que le ministère des Pêches et des Océans semble vouloir fermer les petites pêches de poissons pélagiques. Les pêcheurs qui pêchent à l'hameçon, par exemple, se retrouvent aujourd'hui sans le sou et n'ont rien devant eux. La décision est supposément liée à la rareté du poisson. De plus, on nous a mentionné que c'étaient seulement eux qui avaient l'obligation de déclarer leurs prises, dans le but de faire une pêche indicative. Les pêcheurs se demandent qui va mesurer la ressource dorénavant, si on les empêche de pêcher.
Que pensez-vous de la fermeture de la pêche au hareng et au maquereau cette année? Avez-vous une opinion à ce sujet? Pouvez-vous faire un lien avec les problèmes que vous vivez?
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Je ne connais pas les pêches précises de votre région, comme vous pouvez l'imaginer, mais nous avons eu des problèmes semblables en Colombie-Britannique.
Cette année, la a unilatéralement déclaré la fermeture de la pêche au hareng, comme M. Taylor l'a mentionné, y compris les pêches pour les œufs de hareng sur varech au sein de notre nation, une pêche explicitement décrite comme durable dans le Plan de gestion intégrée des pêches. Cette fermeture n'a aucun fondement scientifique.
Je souligne encore une fois le caractère unilatéral de cette décision. Plus précisément, certaines des nations pour lesquelles nous travaillons ont depuis longtemps des ententes de gouvernance conjointe pour ces pêches. Jusqu'à l'annonce de cette décision ministérielle, ces nations et le ministère avaient eu des discussions importantes sur la planification et les activités de cette pêche cette année.
Je pense que cela témoigne de l'incertitude et du manque de données, en particulier dans les régions où la science occidentale est moins présente, mais où le savoir local, traditionnel et autochtone occupe une place importante et peuvent contribuer à des décisions de gestion logiques pour les personnes qui vivent sur ces terres ou dans ce paysage marin.
Plus tôt, quelqu'un a demandé comment les connaissances autochtones peuvent appuyer et intégrer la science occidentale. Elles sont particulièrement utiles lorsqu'il y a un manque de données ou de l'incertitude, ainsi que dans les zones moins étudiées ou faisant l'objet d'études à une échelle ne cadrant pas avec l'actuel Plan de gestion intégrée des pêches ou l'approche régionale du MPO.
Le saumon est un autre très bon exemple. Dans la région où je travaille, aucune évaluation intégrée et complète de l'état des stocks n'est effectuée pour l'ensemble des stocks des cinq espèces de saumon du Pacifique, et pourtant, la pêche est autorisée chaque année. Il incombe donc aux nations de démontrer qu'une pêche ne devrait pas avoir lieu, alors que cela devrait être l'inverse: il faut démontrer que la pêche peut avoir lieu.
Nous évoluons dans un contexte où les données sont tout à fait insuffisantes.
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Je vous remercie de l'occasion de prendre la parole.
Je vais vous donner un exemple très concret lié aux données de référence plus longues du savoir autochtone et de son utilité possible pour ce processus.
Un collègue et moi avons fait une analyse des données indépendantes de la pêche. Cette analyse montre un déclin très rapide de la taille et de la structure d'âge du sébaste aux yeux jaunes. Ces séries chronologiques n'ont commencé qu'en 2003, soit bien après les déclins importants de cette espèce et de nombreuses autres espèces de poissons de fond causés par les pêches commerciales.
En examinant simplement la situation entre 2003 et 2015 que nous avons analysée à partir des données des relevés du MPO, on observe, chez le sébaste aux yeux jaunes, un déclin d'environ un demi-centimètre par année de la taille moyenne et un déclin moyen d'environ 10 mois par année de l'âge moyen. Cela a des répercussions considérables sur la fécondité, car les femelles de grande taille sont disproportionnellement plus fécondes que les petites femelles, par unité de taille corporelle.
C'était en 2003, au début de la série chronologique. Les entrevues structurées que nous avons menées dans le cadre de notre étude du savoir autochtone nous ont permis de reconstituer les données sur la taille du sébaste aux yeux jaunes jusqu'aux années 1950 environ, et de déterminer les changements de la taille des poissons capturés par les pêcheurs autochtones au fil du temps. Entre 1980 — c'est‑à‑dire avant le début de ces enquêtes scientifiques — et 2000, nous constatons un déclin de près de 50 % de la taille moyenne.
Si on examine uniquement les données scientifiques, on obtient une base de référence décalée par rapport à la normale théorique. À partir de 2003, on aurait une taille corporelle réduite de moitié environ et un taux de fécondité disproportionnellement plus faible par rapport à la période précédant le début de la pêche commerciale.
C'est un exemple.
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Je vous remercie de votre question. C'est une question cruciale et, certes, je me suis grandement intéressé à elle au fil des ans, car je viens du milieu de la pêche commerciale. Ce problème est reconnu dans le monde entier. La première chose dont chaque pêche a besoin, c'est d'un compte rendu de la déclaration et de la conformité des prises, et de la capacité de fournir ces informations à l'organisme de gestion.
Ce qui est encore plus important au Canada, c'est que le Canada utilise les rejets, ou la remise à l'eau des poissons, comme l'un de ses principaux outils de conservation. Nous devons donc connaître non seulement les prises conservées, mais aussi celles qui sont remises à l'eau, et nous devons savoir ce qu'il advient de ces poissons après leur remise à l'eau, car un certain pourcentage d'entre eux — et ce pourcentage peut être important — ne survivent pas pour se recruter dans la population. Il est donc essentiel de disposer de ces renseignements précis.
Il existe une politique nationale de mise en œuvre de ce processus pour toutes les pêches. Toutefois, aucune des pêches de saumon, qu'il s'agisse des pêches des Premières Nations, de la pêche récréative ou de la pêche commerciale, n'a mis en oeuvre ce processus. D'autres pêches notables l'ont fait, et elles sont reconnues mondialement, en partie grâce à cela. Il s'agit notamment de la pêche au poisson de fond et de quelques autres pêches de la Colombie-Britannique et d'autres endroits au Canada.
En l'absence d'une surveillance efficace et de bonnes informations de base, il est impossible de gérer efficacement une population, et le fait que le MPO ne réussit pas le faire ternit vraiment sa réputation.
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Je pense que vous faites allusion à l'époque où il y a plus de poissons et moins de conflits. Ce n'est pas un énoncé très perspicace quand on y pense, mais si on envisage la situation dans l'autre sens, cela explique une grande partie de l'animosité et des décisions vraiment difficiles qu'il est nécessaire de prendre.
Lorsqu'il y a très peu de poissons et que vous êtes tenus de les conserver d'abord, vous devez permettre aux poissons d'atteindre leurs frayères lorsque les objectifs de frai ne sont pas réalisés. Après, la loi exige que vous allouiez des poissons aux Premières nations pour la pêche à des fins alimentaires et sociales. Outre cela, le ministère doit allouer des stocks pour un usage industriel. Dans le cadre de cet usage industriel, plusieurs personnes se livrent concurrence pour avoir accès à ces poissons.
Lorsque les poissons deviennent très rares, ce travail devient beaucoup plus difficile. Cela s'inscrit même dans l'enjeu délicat lié à l'État de l'Alaska dont M. Taylor a parlé. L'Alaska pêche des poissons canadiens, alors que nous n'autorisons aucune pêche. Nous sommes obligés de le faire parce que ce sont nos poissons et qu'ils doivent aller frayer, mais nous avons aussi d'autres responsabilités à cet égard.
En réalité, je pense que l'une des choses dont nous nous sommes rendu compte, c'est que le changement climatique modifie les océans et que les océans modifient les poissons de la Colombie-Britannique à un rythme beaucoup plus élevé que ce à quoi nous nous attendions. Nous le constatons dans tous les secteurs. Cependant, tous les saumons ne sont pas égaux. M. Bateman a formulé une observation à ce sujet. L'impression de pouvoir faire une évaluation des risques liés au saumon rouge et de pouvoir déclarer ensuite que le saumon sauvage ne court aucun risque est grossièrement trompeuse. Le saumon sauvage comprend cinq espèces, en plus de la truite arc-en-ciel et la truite fardée. Il existe de nombreux types de saumons différents auxquels les gens ne prêtent pas attention.
Nous avons besoin d'avoir une discussion beaucoup plus ouverte et honnête à ce sujet, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'avenir du saumon est actuellement étroitement lié au changement climatique.
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Alors je vais vous donner la version courte, ce qui ne sera pas suffisant.
Tout d'abord, j'estime que la priorité absolue est que le Canada retourne sur l'océan. Cela ne devrait pas surprendre les personnes qui suivent ce que nous faisons ici depuis un certain temps. Nous venons de sortir un filet maillant de l'océan et nous avons attrapé plus de truites arc‑en‑ciel dans l'océan que de saumons du Pacifique. Personne ne va vous expliquer ce fait. Nous devons absolument y retourner.
Nous devons investir dans l'évaluation des écloseries et la recherche à leur sujet. Le commentaire de M. Zeman sur le nombre de truites arc‑en‑ciel est stupéfiant. Qui pourrait le gérer à ce niveau? C'est ce que j'appelais autrefois le plan américain. Il s'applique maintenant au Canada. Le gouvernement provincial ne veut même pas discuter de la possibilité d'une écloserie pour restaurer les stocks de ces poissons. Cette attitude est irresponsable. En fin de compte, si vous avez des dizaines de poissons, vous avez un goulot d'étranglement génétique que vous devez éliminer sans quoi vous condamnez ces poissons à tout jamais. Il ne fait aucun doute que, grâce à nos connaissances actuelles en génomique, nous sommes capables de gérer des populations de petite taille.
Le troisième aspect est la conservation et la restauration efficaces des stocks. Nous parlons de restauration. Vous venez d'investir 700 millions de dollars dans la restauration. Qu'allez-vous faire? Nous le faisons depuis des décennies. Où sont les poissons? Cette situation prouve bien qu'il s'agit d'un grand cercle — le cercle de la vie — et que nous sommes en train de les perdre en mer. Nous avons la technologie nécessaire pour étudier ce qui se passe en mer. Nous n'avons cependant personne qui travaille sur la biologie du saumon en mer. Nous n'avons pas de navires pour aller en mer. Nous avons beaucoup de technologie, mais nous n'avons personne qui travaille sur cette question.
Si vous voulez constituer un groupe et que vous disposez des fonds de l'ISSP, de nombreuses personnes seraient prêtes à travailler avec vous pour déterminer comment restaurer les stocks de poissons et déterminer quelles sont les données qui nous manquent.
Cette question n'est pas simple.
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Merci, monsieur Hardie.
Voilà qui conclut notre série de questions pour la séance du Comité d'aujourd'hui.
Je tiens à remercier chaleureusement nos témoins, en particulier pour le temps qu'ils nous ont généreusement accordé aujourd'hui, car nous avons été un peu retardés en raison d'un vote. C'est la saison. Cela peut arriver n'importe quel jour. Encore une fois, un grand merci aux témoins. Les connaissances que vous avez partagées avec nous aujourd'hui nous sont très précieuses. Je vous donne maintenant un instant pour vous déconnecter. Nous allons continuer pendant quelques minutes.
Maintenant que tout le monde s'est déconnecté, je souhaite juste mentionner que nous devons un grand merci à de nombreux employés ici qui rendent ces réunions possibles, en particulier les interprètes, notre greffière et nos analystes. Ils passent leur temps à prendre des notes. J'ai observé M. Chalupovitsch aujourd'hui. Ses doigts n'arrêtaient pas de bouger — je n'arrivais pas à le suivre — pendant que les gens parlaient et témoignaient. Ils rédigent un rapport pour nous à la fin de la journée, et nous leur demandons ensuite de modifier tel ou tel élément parce qu'il ne correspond pas exactement à ce que nous avons entendu, ou de donner une tournure différente à ce que nous avons dit.
Aujourd'hui est évidemment la dernière journée de M. Chalupovitsch avec nous. Il travaille au sein du Comité depuis 2018. Certains d'entre nous sont ici depuis cette date et même avant. M. Chalupovitsch, vous avez toujours été la voix de la raison dans mon oreille, en tant que membre du Comité et en tant que président. Les analystes nous orientent parfois dans la bonne direction lorsque nous faisons fausse route, surtout lorsqu'il s'agit de rédiger des rapports.
Je crois savoir, monsieur Chalupovitsch, que vous avez accepté un poste à Washington pour un an. Je pense que je parle au nom de l'ensemble du Comité en disant que nous vous souhaitons la meilleure des réussites et que nous avons hâte que vous reveniez armé d'encore plus de connaissances. Vous en possédez déjà beaucoup.
Nous avons une carte. Tous les membres du Comité l'ont signée.
En fait, je pense même que Mme Desbiens va vous chanter quelques notes d'une chanson.
Des voix: Oh, oh!