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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 mai 2023

[Enregistrement électronique]

(1635)

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Bienvenue à la réunion no 67 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 20 juin 2022, le Comité reprend son étude de la propriété étrangère et de la concentration des permis de pêche et des quotas aux mains de certaines entreprises. La réunion se déroulera en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022.
    Avant de passer aux délibérations, je vous rappelle que vous devez adresser vos commentaires à la présidence.
    Accueillons à présent le premier groupe de témoins.
    Nous avons Mme Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique pour le programme des pêches à Ecotrust Canada. Ensuite, de la United Fishermen and Allied Workers' Union, nous recevons M. Kyle Louis, vice-président, et Emily Orr, déléguée syndicale.
    Je vous remercie d'être venus comparaître aujourd'hui. Chaque groupe disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
    J'inviterais Mme Sutcliffe à prononcer sa déclaration.
     Merci de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
     Je suis une entrepreneuse indépendante, mais je comparais aujourd'hui à titre de conseillère principale en politique à Ecotrust Canada. Je travaille aussi avec les Premières Nations côtières pour soutenir le développement de la pêche communautaire. Le concept de pêche communautaire est un élément clé de l'Accord de réconciliation sur les ressources halieutiques dont vous a parlé lundi M. Kariya.
    Moi qui soutiens les pêcheurs et les communautés de pêcheurs depuis 27 ans, je suis d'avis que la gestion des pêches comme ressource renouvelable peut très bien se faire en fonction d'objectifs environnementaux, sociaux, culturels et économiques. Le principal obstacle qui nous empêche d'y arriver est la politique sur les permis.
    C'est la troisième fois que je témoigne sur le sujet. Mon premier témoignage a eu lieu au début de 2019. Je remercie le Comité de poursuivre son étude sur la question et de continuer à soutenir les peuples et les communautés côtières.
    En préparation à ma comparution d'aujourd'hui, j'ai relu les rapports sur les permis. Je me suis demandé pourquoi nous devions encore démontrer au gouvernement l'existence de propriété étrangère et de concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises dans le secteur des pêches de la Colombie-Britannique. Nous savons que ces deux phénomènes existent. Le sujet fait couler beaucoup d'encre. Nous savons que des entreprises sont liées à des sociétés mères étrangères et que des multinationales continuent, encore aujourd'hui, à acheter de petits exploitants locaux pour consolider et contrôler l'approvisionnement. Nous savons également que des acheteurs étrangers effectuent des opérations en espèces pour éviter l'impôt ou commettre des infractions encore pires et que des permis et des installations de déchargement appartiennent à des intérêts étrangers, dont certains sont liés à des groupes connus pour leurs activités de blanchiment d'argent, comme les Big Circle Boys. Nous sommes au courant également de l'intégration verticale des chaînes d'approvisionnement, du contrôle collusoire des marchés sans aucune transparence, ainsi que des chèques en blanc remis à des courtiers pour que ceux-ci surenchérissent sur les opérateurs locaux qui tentent d'intégrer le circuit.
    Nous connaissons ces phénomènes, et plus encore. Nous en voyons des preuves tangibles et savons que les personnes qui travaillent dans l'industrie se taisent par crainte de représailles.
    Le plus problématique, c'est de ne pas savoir qui sont les titulaires de permis et des quotas en Colombie-Britannique. Nous ne savons pas d'où viennent les titulaires, car n'importe qui peut acheter un permis ou un quota ou encore signer une entente pour déléguer à un tiers, moyennant n'importe quelle somme, l'utilisation des droits conférés par le permis et le quota. Ces renseignements ne sont pas conservés. Nous ne savons pas vraiment qui empoche les retombées de l'accès aux pêches en Colombie-Britannique. L'enquête sur les bénéficiaires effectifs ne nous fournira aucune réponse à ce chapitre, car elle ne demande pas aux titulaires de permis s'ils sont les propriétaires dudit permis. En Colombie-Britannique, les titulaires de permis en sont rarement les propriétaires.
    Le MPO a exposé les mesures de protection contre la propriété étrangère mises en place dans le Canada atlantique. La Colombie-Britannique n'établit aucune limite pour les transformateurs, les intérêts étrangers ou les entreprises qui veulent devenir propriétaires de permis. La province n'a même pas essayé de mettre de l'ordre dans le fouillis que constitue le suivi de la propriété des quotas.
    Aujourd'hui, je veux souligner que le nœud du problème n'est pas la propriété étrangère ou la concentration des permis aux mains de certaines entreprises. Je ne souhaite surtout pas alimenter la discrimination envers les Asiatiques ou envers tout autre groupe. Je veux au premier chef m'assurer que l'industrie de la pêche fonctionne comme elle le devrait et que ses retombées reviennent aux pêcheurs en mer et aux communautés côtières. Je veux redonner aux Premières Nations un accès aux pêches, leur permettre de revitaliser leurs flottilles et soutenir les valeurs sociales de la Colombie-Britannique et du Canada. Si le système actuel rendait déjà ces avantages accessibles aux pêcheurs, aux Premières Nations et aux communautés côtières, je ne serais pas ici à plaider pour que les choses changent.
    En fait, le régime actuel nuit carrément à ces parties prenantes. Les pêcheries ferment, les bons équipages de pêche sont extrêmement difficiles à trouver, les capitaines courent des risques énormes et essaient tant bien que mal de rentabiliser leurs opérations pendant la saison. J'ajouterais que les nouveaux pêcheurs n'ont pas les moyens de s'intégrer à l'industrie. Ils se font de toute façon très rares. Nous perdons nos flottilles et les recettes tirées des poissons que nous débarquons nous glissent entre les doigts en grande partie parce que nous ne contrôlons plus l'accès.
    Il faut parler des effets négatifs incontestables de la politique actuelle, qui fait que la valeur des poissons au débarquement ne se rend pas aux pêcheurs et à leur entreprise, dont la viabilité est en péril vu le manque de stabilité et sécurité.
    Pourquoi? Eh bien, de plus en plus de pêcheurs qui ont leur propre entreprise louent leur accès au lieu d'en devenir les propriétaires. D'une année à l'autre, ils doivent courir des risques et prendre en charge les coûts de la pêche sans avoir de garantie en matière d'accès et de prix.
    Pourquoi? Les permis et les quotas de pêche sont hors de portée, pas seulement parce que les pêcheurs ne peuvent pas obtenir les capitaux nécessaires, mais aussi parce que les revenus de la pêche de toute une vie ne leur permettraient pas de rembourser ces sommes.
    Pourquoi les coûts sont-ils si élevés? Il y a plusieurs explications, à commencer par le fait qu'il n'y a pas de politique sur la séparation des flottilles ou sur les propriétaires-exploitants. N'importe qui peut acheter un permis.
(1640)
     Pourquoi alors certains achètent-ils un permis si le rendement du capital investi est inférieur au coût du permis? C'est parce que leurs recettes ne proviennent pas seulement du rendement du capital investi. Ceux qui sont riches, qui se trouvent plus haut dans la chaîne de valeur et qui ont accès aux marchés des pêches, ces gens-là peuvent payer plus cher pour un permis. Ceux qui contrôlent une part suffisante des approvisionnements peuvent exercer un contrôle sur la chaîne de valeur, ou pire encore, se livrent à des activités malveillantes qui rendent le permis encore plus lucratif. Cette situation se perpétue, car même les personnes qui ne veulent pas investir gros dans des droits d'accès doivent entrer dans le système pour rester concurrentielles.
    Le manque de surveillance et de contrôle de l'achat et de l'exploitation des permis et des quotas de pêche en Colombie-Britannique a pour effet d'écraser notre flottille, d'éliminer les propriétaires-exploitants viables et de contraindre les petits exploitants terrestres à se regrouper et à accumuler eux-mêmes des droits d'accès à grands frais.
    Très bien. Je vais devoir vous interrompre là, madame Sutcliffe. Nous avons légèrement dépassé les cinq minutes allouées à la déclaration liminaire.
    D'accord.
    Nous passons au prochain témoin.
     Monsieur Louis, madame Orr, j'invite l'un d'entre vous à présenter la déclaration liminaire de cinq minutes. Vous pouvez aussi vous partager le temps alloué.
     Bonjour. Je m'appelle Emily Orr. Je suis la déléguée syndicale de la United Fishermen and Allied Workers' Union, ou Unifor.
    J'aimerais remercier le Comité de mener cette étude extrêmement importante. Nous vous sommes très reconnaissants de vos efforts.
    Comme vous le savez, dans la région du Pacifique, aucune politique sur les permis n'est établie pour restreindre l'accès aux pêches par des intérêts étrangers et pour limiter la concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises. Cette lacune a des effets sur les pêcheurs propriétaires-exploitants indépendants canadiens. Ne pouvant plus soutenir la concurrence, ces derniers sont de plus en plus forcés de quitter le secteur des pêches de la côte Ouest du Canada.
    Les retombées économiques de la pêche commerciale devraient revenir aux pêcheurs et aux exploitants qui prennent les risques, ainsi qu'aux communautés côtières voisines. Les économies côtières connaissent un marasme économique, car les investisseurs étrangers récoltent impunément une part croissante de ces retombées.
    L'atteinte des objectifs de réconciliation liés à l'accès aux pêches est compromise à cause de la concurrence créée par les investissements étrangers et la concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises. La sécurité alimentaire au pays est un aspect qui est sciemment négligé.
    Une politique sur les propriétaires-exploitants a pourtant été établie sur la côte Est. Le Comité entendra ultérieurement M. Rick Williams, qui fera une comparaison entre la côte Est et la côte Ouest au moyen de statistiques convaincantes sur les revenus des pêcheurs et la conjoncture économique de l'industrie.
    Lors de l'annonce de la politique du MPO sur la Préservation de l'indépendance de la flottille de pêche côtière dans l'Atlantique canadien en 2007, la ministre Gail Shea avait fait la déclaration suivante:
L'objectif de la politique sur la Préservation de l'indépendance de la flottille de pêche côtière dans l'Atlantique canadien est de renforcer les politiques sur le propriétaire-exploitant et sur la séparation des flottilles pour s'assurer que les pêcheurs côtiers demeurent indépendants et que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières.
    Les objectifs de la politique établis par le MPO sont:
réaffirmer l'importance du maintien d'une flottille indépendante et rentable;
renforcer l'application des politiques sur le propriétaire-exploitant et sur la séparation des flottilles;
garantir que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières;
aider les pêcheurs à conserver le contrôle de leurs entreprises de pêche.
    Nous voudrions établir les mêmes objectifs sur la côte Ouest. La question est de savoir pourquoi une politique sur le propriétaire-exploitant n'a pas encore été élaborée pour cette région.
    Cette année, Unifor a lancé une pétition parlementaire pour demander à la ministre d'interdire immédiatement tout transfert de permis et de quotas de pêche commerciale à des intérêts étrangers ou à des bénéficiaires effectifs non canadiens. Cette pétition reprend la recommandation no 2 du rapport du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, intitulé Les pêches sur la côte Ouest: partager les risques et les retombées, puisque le ministère n'a pris jusqu'à présent aucune mesure tangible pour y donner suite.
    En 2018, la moitié des 60 millions de dollars ayant servi à l'achat de permis et de quotas avaient été dépensés par des investisseurs étrangers. Six titulaires de permis possédaient plus de cinquante permis chacun, et 1,2 % des propriétaires de quotas détenaient plus de 50 % du poids des quotas.
    Le MPO a dit que l'enquête sur les bénéficiaires effectifs était une mesure prise pour répondre à ceux qui réclamaient des changements dans les politiques et que cette enquête était essentielle pour mieux comprendre l'ampleur du problème lié à la propriété étrangère et aux bénéficiaires effectifs. L'enquête visait les titulaires, et non pas les propriétaires, de permis. En fait, cette nuance sémantique invalide les résultats de l'enquête, car les concepts de titulaire de permis et de propriétaire de permis désignent deux statuts distincts. Cette distinction est au cœur du problème.
    Je suis une pêcheuse de deuxième génération. Après avoir appris à naviguer toute seule et après 12 ans en mer, je n'ai pas pu acheter le permis de pêche de mes parents. Le permis a été vendu à un transformateur à Vancouver et le bateau se trouve maintenant en Alaska.
    Lorsque j'étais coordinatrice des pêches pour les entreprises de pêche commerciale membres de l'Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique, j'étais responsable de la délivrance des permis et des quotas pour les nations. Dix fois sur dix, les entreprises faisaient de la surenchère sur les pêcheurs indépendants, ce qui a fait augmenter de presque 50 % les prix de location de permis.
    Un des pêcheurs avec qui je travaille, qui a fait cela toute sa vie, voudrait prendre sa retraite et vendre son bateau et son permis. La première offre a été faite par une société le jour même où il a mis son bateau en vente.
    Un autre pêcheur avec qui je travaille pratique la pêche à la palourde royale, qui se fait en plongée dans des conditions dangereuses. Même s'il assume 100 % des risques physiques et 100 % des coûts liés à l'embarcation et à l'équipage, il ne reçoit que 22 % de la valeur au débarquement de la récolte.
    Ces situations ne sont pas uniques. Elles sont plutôt devenues la norme.
    Je témoigne aujourd'hui au nom des pêcheurs qui aspirent encore au statut de propriétaires-exploitants, ainsi qu'au nom des communautés côtières dont la survie dépend des pêches, des Britanno-Colombiens qui se préoccupent de la sécurité alimentaire au pays et des Canadiens, qui méritent une meilleure gestion de cette ressource halieutique qui nous appartient à tous.
    Merci.
(1645)
     Merci, mesdames.
    Nous passons à présent aux séries de questions. Je rappelle aux membres du Comité que nous devons absolument nous arrêter à 18 heures aujourd'hui.
    Avec la permission du Comité, pour bien répartir le temps de parole, nous allons consacrer 45 minutes à chaque groupe de témoins. Au lieu de segments habituels de six minutes, de cinq minutes et de deux minutes et demie, je vais allouer quatre minutes à chaque député pour que tout le monde ait l'occasion de poser ses questions.
    Si le Comité est d'accord, nous allons procéder de la sorte. Si nous n'avons pas l'unanimité, nous aurons les segments de six minutes habituels jusqu'à ce que le temps soit écoulé.
    Un député: Nous sommes d'accord.
    Le président: Très bien.
    Monsieur Arnold, je vous laisse commencer. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leurs observations.
    Madame Sutcliffe, vous avez mentionné que les pêcheurs n'avaient pas les moyens d'acheter des permis et des quotas, car le rendement sur le capital investi n'était pas assez élevé pour compenser les coûts. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui. Au cours de la dernière année, j'ai fait une analyse approfondie afin de déterminer combien de temps il faudrait à un pêcheur pour se procurer un permis de pêche et combien de temps il faudrait au même pêcheur pour le rembourser selon les prix courants. Je peux vous donner un exemple concret.
    Pour la pêche au concombre de mer, le prix d'un permis s'élève actuellement à 1,5 million de dollars. C'est le double du prix de 2015. La plupart des capitaines louent le permis et n'obtiennent que 2,25 $ la livre, tandis que les propriétaires-exploitants obtiennent 9,25 $ la livre. Selon ces chiffres, après les dépenses, le capitaine moyen ferait environ 40 000 $ de la part du navire. Autrement dit, même s'il avait le capital et qu'il n'assumait aucun coût d'emprunt, il faudrait à ce capitaine au moins 36 ans pour rembourser son permis. En fait, il ne serait probablement jamais en mesure de le rembourser. Je ne connais personne qui prêterait 1,5 million de dollars à un pêcheur sans frais de financement.
    Merci.
    Vous avez toutes deux mentionné que vous étiez parvenues à recenser quelques permis vendus récemment à des propriétaires étrangers. Pourtant, des témoins nous ont dit qu'il n'y avait aucun moyen de savoir qui possède quoi.
    Madame Sutcliffe, vous pourriez peut-être commencer, puis Mme Orr pourrait enchaîner. Comment parvenez-vous à déterminer que tel ou tel permis est acheté par un propriétaire étranger alors que ces renseignements ne sont consignés dans aucun système?
    C'est une très bonne question. Cela semble contradictoire, en effet. Ces renseignements sont très difficiles à trouver. J'ai beaucoup creusé et j'ai fait des recherches poussées pour trouver des exemples impliquant des propriétaires étrangers.
    J'ai découvert un des exemples que j'ai mentionnés aujourd'hui et lors d'une de mes comparutions antérieures — celui sur les connexions — parce que le protagoniste était inscrit dans le registre en ligne de la Colombie-Britannique comme administrateur et actionnaire unique d'une entreprise qui fait des investissements dans la province. Cette personne était également visée par l'enquête sur le blanchiment d'argent en Colombie-Britannique. Il était donc facile de la repérer et de déterminer son identité. Ces informations sont du domaine public. J'ai découvert un autre cas en faisant une recherche approfondie en ligne en me basant sur des éléments fournis par quelqu'un qui travaille dans le domaine du renseignement. Dans d'autres cas, les faits sont connus et sont confirmés par les entreprises, qui savent qu'elles sont détenues par des intérêts étrangers.
    Vous avez parlé de l'individu lié à l'affaire de blanchiment d'argent. Selon vous, certains permis ont-ils été achetés avec de l'argent blanchi?
    De nombreuses personnes m'ont dit que c'était le cas.
(1650)
    Très bien. Merci.
    Madame Orr, avez-vous des commentaires sur les méthodes permettant de trouver des renseignements sur les permis et les ventes de permis?
    Je pense que Mme Sutcliffe l'a très bien expliqué. J'ajouterais peut-être que ces cas sont pour la plupart anecdotiques. Ce sont des histoires relatées par les pêcheurs, les transformateurs et les acheteurs. Nous recueillions ces informations directement de la source ou elles nous sont relayées par un intermédiaire. C'est justement cela, le problème: aucun système ne permet de consigner et de suivre les informations.
    D'accord. Merci.
    Selon vous, y a-t-il des indices qui laissent croire que les programmes de rachat du gouvernement ont une incidence sur le prix de vente des permis? Le cas échéant, de quelle manière cela touche-t-il les prix? Ma question s'adresse à vous deux.
    Oui.
    Oui. Ces programmes ont une incidence sur les prix depuis des années en fait. Les programmes de rachat font toujours grimper les prix. Certains individus exploitent la situation, notamment les courtiers. Dans la plupart des cas, les pêcheurs méritent les prix qu'ils obtiennent lors des rachats financés par le gouvernement, mais cette dynamique entraîne de toute évidence une hausse astronomique des prix.
    Merci de votre réponse.
    Avant de passer à M. Hardie, j'aimerais préciser aux témoins qui ne seraient pas en mesure de fournir une réponse pendant la réunion qu'ils peuvent en envoyer une par courriel à la greffière. Les réponses fournies par écrit sont toujours ajoutées aux témoignages.
    Je cède la parole à M. Hardie pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J'ai des problèmes de son. J'espère que vous m'entendez bien.
    Nous vous entendons.
    Parfait. Merci.
    Madame Orr, lors de la conférence de Fisheries for Communities, qui s'est tenue à Victoria il y a quelques mois, quelqu'un a présenté des données qui indiquaient que le montant brut de la valeur des prises des pêcheurs en mer se chiffrait annuellement à environ 400 millions de dollars.
    Pouvez-vous nous dire quel est le revenu net du pêcheur indépendant moyen qui doit louer son permis et son quota?
    Je peux vous donner des exemples précis. Dans le cas de la pêche à la crevette, le coût de la location a dépassé les 70 000 $ certaines années. Avant même de partir en mer, le pêcheur doit payer les coûts de location et les droits de permis, qui totalisent près de 6 000 $. Il doit aussi débourser pour remplir les exigences concernant son navire, notamment l'appareillage, le carburant et les équipements nécessaires à la pêche en tant que telle. La quantité de poissons débarqués permet d'évaluer à quoi pourra ressembler la marge de profit du pêcheur. Si le pêcheur qui loue son permis est lié par contrat à un transformateur qui lui a fourni un prêt pour l'achat ou la location d'un permis, le pêcheur acceptera le prix que l'acheteur voudra bien lui donner pour ses prises.
    La valeur du poisson varie énormément d'un type de pêche à l'autre. Ajoutons à cela qu'il est évidemment impossible de prédire ce que sera le prix, pour l'année qui vient, de bon nombre d'espèces de poissons.
    C'est compliqué...
    Très bien. Je vais devoir vous arrêter là, car le temps est limité.
    Madame Sutcliffe, transcendons un peu l'aspect pécuniaire. J'aimerais que vous parliez au Comité des facteurs autres que les facteurs économiques, que vous avez abordés à la conférence de Victoria. Je pense à la culture, aux valeurs des communautés et ainsi de suite. Pourriez-vous brosser le tableau complet?
    Merci, monsieur Hardie.
    Il est impossible de répondre à cette question en quelques minutes. Les valeurs des communautés côtières découlent en bonne partie des communautés prospères de pêcheurs. Il y a les infrastructures qui soutiennent la santé et le bien-être des communautés côtières, notamment les ports et les quais, mais aussi les gens qui fournissent un savoir-faire comme les mécaniciens. Je pourrais en dire beaucoup également sur les valeurs sociales et culturelles liées à l'alimentation, qui sont axées — à n'en pas douter dans le cas des Premières Nations — sur la relation et la capacité d'interagir avec les ressources marines environnantes, de même que sur la compréhension et la bonne gestion de ces ressources.
     Mon travail implique les compétences nécessaires pour entretenir des bateaux. Les habiletés permettant d'accéder aux aliments traditionnels sont elles aussi essentielles à l'entretien des flottilles. Je vais fournir les informations à ce sujet dans un mémoire que je vais soumettre au Comité, car il me faudrait bien plus que les quelques minutes qui me restent pour bien décrire la situation et y faire justice.
    Je voudrais prendre une minute, si quelqu'un veut bien m'en céder une, pour mentionner que notre collègue, M. Louis, est un pêcheur commercial. Il a une expérience très pertinente à vous raconter, mais il n'a pas eu l'occasion de témoigner. Je pense qu'il a préparé quelque chose. Je serais prête à lui céder mon temps de parole et à transmettre mes réponses plus tard dans un mémoire, si c'est possible.
(1655)
    Je suppose que mon temps est pratiquement écoulé.
    D'accord. Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hardie.
    Avant de passer à Mme Desbiens, j'aimerais préciser que M. Louis aura l'occasion de présenter une partie de sa déclaration liminaire ou de ses remarques lors de la période de questions. Ses observations sont également fournies au Comité par écrit. Elles sont donc inscrites au compte rendu.
    Madame Desbiens, vous avez la parole pour quatre minutes.

[Français]

     Étant donné qu'il se passe un peu la même chose sur la côte Est, dans le golfe du Saint‑Laurent, nous avons aussi des inquiétudes. Ce qui nous inquiète encore plus, c'est que nous avons même eu vent que des gens voulaient témoigner sous le couvert de l'anonymat. Cela commence à nous donner froid dans le dos, je vous l'avoue.
    J'aimerais donc accorder deux minutes à M. Louis pour qu'il nous en parle, parce que cela m'interpelle.

[Traduction]

    Tout d'abord, je tiens à reconnaître que nous nous trouvons dans le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
    Je m'appelle Kyle Louis. Je suis vice-président de la United Fishermen and Allied Workers' Union, ou Unifor. Je suis également un pêcheur.
    J'aimerais remercier le Comité pour le temps et les efforts qu'il consacre à cette étude sur l'industrie de la pêche, dont l'importance n'est plus à discuter.
    Je suis un pêcheur de quatrième génération. Selon moi, la propriété étrangère et l'absence de politiques sur les propriétaires-exploitants ont des effets palpables. Ma présence parmi vous aujourd'hui en dit long. L'ouverture de la pêche à la crevette aura lieu dans quatre jours en Colombie-Britannique et je n'ai toujours pas de permis.
    Au cas où vous vous demanderiez pourquoi j'en suis là, je vais vous brosser un tableau de la situation que certains pêcheurs, dont moi, doivent affronter.
     J'ai contracté un prêt pour modifier mon bateau afin de l'adapter à la pêche à la crevette et au saumon. J'ai fait une demande de permis au moyen d'un processus qui me permettait de présenter une autre soumission si quelqu'un surenchérissait. Une soumission de 140 % supérieure à la mienne a été présentée. En outre, le soumissionnaire était un investisseur étranger qui, soudainement, avait décidé d'acquérir le plus de permis et de produits possible.
    Le permis en question faisait partie du programme Initiative des pêches commerciales intégrées du Nord, qui a été mis sur pied pour accroître les capacités autochtones dans le secteur de la pêche commerciale. Malheureusement, aucune politique du MPO ne garantit aux pêcheurs commerciaux autochtones un accès prioritaire à des prix de location raisonnables. Les personnes comme moi qui ne sont pas en mesure de faire concurrence aux gros joueurs pour la location de permis doivent donc se faire financer par des sociétés au taux de location et finissent par consacrer la majeure partie de la valeur de leurs prises au remboursement de ces sommes.
    Il me faut concurrencer ces entreprises pour acheter mon permis, ce que je ne suis pas en mesure de faire. La location est ma seule option. Les coûts de fonctionnement d'une entreprise de pêche commerciale sont élevés. La plupart de ces coûts et des risques financiers doivent en outre être payés à l'avance. Une entreprise n'est pas viable financièrement si son propriétaire rapporte à la maison seulement 20 % de la valeur de ses prises avant impôt.
    Je vous ai livré un aperçu des difficultés que doivent surmonter bon nombre de pêcheurs indépendants de la Colombie-Britannique, dont moi.
    Je vous remercie encore de votre temps et de l'attention que vous portez à ces questions.
    Merci.
     Il vous reste encore une minute, madame Desbiens.

[Français]

     D'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'adresser à Mme Sutcliffe.
    Quelles seront les conséquences sur les pêches au Canada en général si, de toute urgence, on n'arrive pas à contrôler l'ampleur des investissements étrangers? Quelles seront les conséquences à court terme?

[Traduction]

    Encore une fois, je pense qu'il faut établir une distinction entre la notion d'investissements étrangers et la notion de propriété étrangère et de contrôle de l'accès aux pêches, car ce sont deux choses totalement différentes qui n'ont pas du tout les mêmes répercussions.
    En Colombie-Britannique, des entreprises rattachées à des investissements étrangers ou à des propriétaires étrangers sont de très bonnes joueuses et partenaires de l'industrie des pêches. Je dirais même qu'elles sont de bonnes citoyennes dans les communautés où elles mènent leurs activités. Par contre, d'autres cas sont moins reluisants. Cela dépend vraiment du modèle d'entreprise.
     Le problème en ce moment, c'est que ces investissements faits par de grandes sociétés pénètrent dans l'industrie et prennent le contrôle de l'accès aux ressources et de toute la chaîne d'approvisionnement sous forme d'intégration verticale. L'argent qui reste dans les communautés ne laisse à ces dernières que peu de possibilités de croissance et peu de latitude pour innover sur le plan de l'utilisation des ressources. La situation est néfaste non seulement en Colombie-Britannique, mais partout où ces conditions existent.
    Je ne veux pas dire que... Je ne dis pas qu'il faut écarter les entreprises, les investissements et les investissements étrangers, car tout cela crée également de belles occasions. Je pense seulement qu'il faut examiner la politique pour déterminer quels sont ses effets les plus délétères.
(1700)
    Merci, madame Desbiens.
    Nous passons à Mme Barron pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Sutcliffe, madame Orr, monsieur Louis, je suis heureuse de vous voir tous les trois. J'aurais aimé que vous soyez ici en personne, mais je vous remercie de vous être joints à nous.
    Madame Sutcliffe, ma première question est pour vous.
    Je me demande si vous pouvez en dire plus long à ce sujet. Nous avons tous entendu le ministère des Pêches et des Océans dire que la Colombie-Britannique est nécessairement différente de la côte Est puisque l'élaboration de la politique repose sur des objectifs de conservation. Je me demande si vous pouvez en dire plus à ce sujet et quelle est votre réponse à cette affirmation.
    Oui, et merci de poser la question.
    Je dois dire que très peu de choses me frustrent plus que cette affirmation que nous entendons sans cesse, à l'exception peut-être de l'analogie d'une omelette.
    Je pense que nous ne devons pas oublier que le problème que nous avons à propos du contrôle de l'accès à nos ressources halieutiques ne change rien à notre capacité d'atteindre nos objectifs de conservation. Nous ne parlons même pas de la souplesse qui pourrait être nécessaire à certains endroits pour que les pêcheurs puissent faire des échanges entre eux, pour répondre par exemple aux besoins relatifs aux prises accessoires. Nous parlons des personnes qui détiennent et contrôlent les permis et les quotas. On peut encore établir des limites et des contrôles en ce qui a trait aux permis et aux quotas, atteindre tous ces objectifs de conservation et offrir toute la souplesse nécessaire relativement aux échanges de prises accessoires et pour toutes les autres choses dont les gens parlent, comme l'utilisation d'excellents systèmes de surveillance.
    Il n'est pas nécessaire de toucher à la moindre de ces choses lorsque nous affirmons ne pas vouloir de concentration des entreprises en matière de permis et de quotas. C'est une fausse dichotomie, et j'espère vraiment que les gens du ministère vont cesser de tenir ces propos.
    Merci beaucoup, madame Sutcliffe.
    Ma prochaine question est pour Mme Orr.
    Madame Orr, pensez-vous que le sondage est en fait la seule mesure qui a été prise jusqu'à maintenant par le ministère en réponse au rapport de 2019 du comité des pêches qui comprenait de nombreuses recommandations fondées sur les témoignages entendus?
    De plus, pouvez-vous en dire plus sur le sondage qui a été mené? Quelles sont vos observations sur la différence entre les personnes qui utilisent les permis et celles qui les possèdent, et les conséquences sur le sondage puisqu'il ne fait pas cette distinction?
    Merci.
    Je pense que le sondage ne pose pas les questions aux bonnes personnes, et c'est ce qui posera problème dans les résultats qui seront obtenus ainsi. Le sondage ne va pas donner l'information ni les données qui seront utiles pour savoir à quoi ressemblent vraiment les investissements étrangers et la concentration des entreprises.
    Je suis désolée; pouvez-vous répéter la première question?
    La première question visait à savoir ce qui explique selon vous le peu d'action observée par rapport aux recommandations formulées dans le rapport de 2019.
    Je crois comprendre que c'est un problème de capacité. C'est la raison que le ministère nous a donnée.
    Je vois, merci.
    Quelle est la pétition que vous avez présentée, madame Orr? Pouvez-vous en dire plus sur la raison pour laquelle vous l'avez présentée et les réactions que vous avez observées jusqu'à maintenant?
    Les gens étaient surpris. La plupart des personnes avec qui nous avons parlé de la pétition ne savaient pas du tout que le Canada n'imposait pas déjà une certaine limite aux investissements étrangers et à la concentration des entreprises. Elles ont appris avec horreur qu'on allait permettre un marché noir ouvert pour nos ressources halieutiques.
    Nous avons lancé la pétition parce qu'il fallait attirer de nouveau l'attention sur cette question et que nous voulions que le ministère prenne des mesures sérieuses pour résoudre le problème. La pétition avait pour but d'attirer l'attention en espérant provoquer des changements.
    Merci, madame Barron.
    Nous passons maintenant à M. Small pour un maximum de quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question est pour Mme Orr.
    Si les permis ne sont pas détenus par des pêcheurs, peu importe de qui il s'agit, qui selon vous devrait les détenir?
(1705)
    Merci.
    Ce sont les propriétaires-exploitants indépendants et les Premières Nations qui devraient être titulaires des permis de pêche.
    Je vois. Si jamais nous commençons à nous engager dans cette voie, quelle serait votre vision pour apporter les changements nécessaires? Les propriétaires-exploitants devraient-ils être indemnisés? Y aurait‑il une sorte de programme de redistribution? Qui pourrait alors avoir droit à ces permis?
    C'est énorme, d'après ce que vous nous avez dit ici aujourd'hui.
    En effet. Je pense que c'est une solution complexe que nous devons envisager.
    Premièrement, il faut mettre fin à la propriété étrangère. Deuxièmement, il faut séparer les flottilles. Troisièmement, il faut élaborer une politique du propriétaire-exploitant.
    Sur la côte Est, on a accordé sept années pour faire la transition. C'était entre 2007 et 2014. Ces sept années devaient donner aux investisseurs le temps nécessaire pour céder leurs permis.
    Nous pensons qu'il y a deux manières différentes de procéder. Le gouvernement, c'est‑à‑dire le ministère de Pêches et des Océans, pourrait peut-être récupérer ces permis afin de les redistribuer à des propriétaires-exploitants indépendants. L'autre modèle est une sorte de marché ouvert: les permis seraient revendus par les personnes qui les possèdent à des propriétaires-exploitants indépendants comme on le fait actuellement, mais d'ici une date butoir afin de permettre aux pêcheurs de salon de céder leur permis.
    Je pense qu'une commission provinciale des prêts serait très utile à cette fin en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique et l'Alberta sont les seules provinces à ne pas en avoir une au Canada. Ce genre de programme de prêts, à l'échelle provinciale, aide les propriétaires-exploitants de la côte Est à prendre de l'expansion. Ils se procurent alors des permis ou ils achètent des navires, ou ils mettent à niveau les leurs. Ce type de programme aiderait les propriétaires-exploitants de la côte Ouest à obtenir les permis dont on se serait défaits.
    À quel point ce nouveau programme fonctionne‑t‑il bien dans le Canada atlantique? Pensez-vous qu'il a atteint ses objectifs, croyez-vous que des groupes ou des personnes le contournent d'une manière ou d'une autre, et que le problème persiste? Selon vous, est‑ce que c'est possible au Canada atlantique?
    Pensez-vous que c'est ce qui finirait par se produire en Colombie-Britannique?
    Je sais que cela se produit sur la côte Est d'après mes échanges avec notre syndicat affilié, la Fish Food & Allied Workers Union. Ce n'est pas parfait. Je pense que nous pouvons apprendre beaucoup de la façon dont on a élaboré le programme.
    Ce que je sais — et vous allez entendre Rick Williams le dire lorsqu'il témoignera —, c'est qu'il y a des données convaincantes provenant des pêcheurs qui déclarent des revenus sur la côte Est ainsi que de très bonnes données sur ce que les débarquements rapportent aux collectivités de la côte Est depuis l'entrée en vigueur de la politique concernant la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien. Le programme n'est pas parfait, mais il est certainement mille fois mieux que la situation à laquelle nous faisons face sur la côte Ouest.
    Si des particuliers ou des entreprises devaient céder ces permis, qu'arriverait‑il au prix selon vous? Pensez-vous que le prix diminuerait et que ces permis seraient plus abordables pour les pêcheurs, ou qu'il demeurerait inchangé et que la commission des prêts serait incapable d'offrir le financement nécessaire aux pêcheurs?
    Il est difficile de répondre à l'avance. Je pense que la valeur des permis demeurerait probablement inchangée au début.
    Je sais que la commission, dans certains cas sur la côte Est du Canada, offre des prêts pouvant atteindre un million de dollars. Ce serait important sur la côte Ouest pour permettre à quelqu'un de devenir propriétaire-exploitant et d'acheter un permis et un navire.
    Il est aussi difficile de prévoir l'effet sur le volume, car sur la côte Ouest, nous avons énormément de permis et de quotas détenus par des entreprises. Il serait intéressant de voir et de prédire un glissement vers un nouveau type de propriété, sans aucun doute.
    Merci, monsieur Small.
    Nous allons maintenant passer à M. Cormier pour un maximum de quatre minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par m'adresser à Mme Sutcliffe.
    Madame Sutcliffe, trouvez-vous normal que, en 2023, les ressources canadiennes qui appartiennent aux Canadiens soient si faciles d'accès pour les entreprises étrangères?

[Traduction]

    Je suis désolée. Je n'ai pas compris la première partie de la question. Pouvez-vous la répéter?

[Français]

    Trouvez-vous normal que, en 2023, les ressources canadiennes relatives aux pêches soient si faciles d'accès pour les entreprises étrangères?
(1710)

[Traduction]

    Merci de poser la question.
    Je suppose que cela dépend de la définition de « normal ». Malheureusement, je pense que c'est ce que nous voyons dans beaucoup de nos secteurs au Canada et que c'est devenu relativement normal, mais je ne pense assurément pas que c'est une bonne chose compte tenu des effets dévastateurs sur notre capacité à profiter davantage des ressources.
    Une fois de plus, pour moi, ce qui importe n'est pas tant la personne et l'endroit où elle se trouve, mais plutôt les répercussions, et cela joue sans aucun doute un rôle de premier plan dans la détérioration des avantages que nous tirons de la pêche.

[Français]

    Quelles seraient vos recommandations pour qu'on arrive à une solution qui ferait que tout le monde y gagnerait, qu'il s'agisse des usines, des pêcheurs ou des travailleurs dans les usines? Quelle solution proposeriez-vous pour changer cette façon de faire?

[Traduction]

    Je n'aurais aucune hésitation à répéter ce que Mme Orr a dit. Il faut sans aucun doute limiter les investissements étrangers dans les permis et les quotas, et miser sur une politique de séparation des flottilles et une politique du propriétaire-exploitant. Comme Mme Orr l'a mentionné, une transition sur plusieurs années serait nécessaire pour y parvenir.
    Personne ne parle de retirer soudainement les actifs sans indemniser les gens ou ne dit que cela se ferait du jour au lendemain. Nous reconnaissons qu'il faudra du temps et un soutien financier pour les pêcheurs.
    Je vais ajouter que je pense, d'après certaines de mes analyses récentes, que le prix des permis diminuerait. Je sais qu'ils coûtent extrêmement cher au Canada atlantique, mais c'est surtout attribuable à l'énorme rentabilité de l'industrie de la pêche. Je crois que le prix des permis dont la valeur est gonflée bien au‑delà de la valeur de production va diminuer, car le prix est exagéré pour d'autres raisons. Le prix des autres permis ne diminuera pas. C'est effectivement ce qu'ils valent puisque la ressource est très rentable.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Orr, je sais qu'Unifor représente beaucoup de travailleurs de partout au pays. En ce moment, on parle du domaine des pêches, mais vous savez que les investissements étrangers sont quand même permis dans d'autres secteurs de notre économie. Mentionnons les secteurs des technologies ou du pétrole, par exemple.
    Pourquoi pensez-vous qu'on devrait faire autrement dans le domaine des pêches? Pourquoi devrait-on interdire ces investissements étrangers ou les réduire?

[Traduction]

    Merci.
    Il est important de souligner que nous ne demandons pas l'élimination de la participation étrangère dans notre économie des pêches. Ce que nous voulons éviter, c'est l'intégration verticale de ces entreprises au point ou elles possèdent l'ensemble de la chaîne, de la valeur créée au moment où le poisson est pêché jusqu'au transport outre-mer, du début jusqu'à la fin. Lorsque nous avons ce niveau d'intégration verticale, il est extrêmement difficile pour les propriétaires-exploitants de livrer concurrence.
    Nous connaissons des entreprises dont le siège social se trouve à l'étranger, mais qui ont des succursales au Canada. Elles achètent du poisson. Je ne pense pas que le problème soit là. Je ne crois pas qu'une seule personne ici estime que c'est le problème. Nous avons un problème lorsque ces entreprises prennent la majeure partie des permis et des quotas et contrôlent la productivité du poisson.
    Merci, monsieur Cormier. C'est tout le temps que nous avions pour la première partie de la réunion, les 45 premières minutes.
    Je remercie Mme Orr, Mme Sutcliffe et M. Louis d'avoir comparu encore une fois devant le Comité aujourd'hui et de nous avoir fait profiter de leurs connaissances alors que nous essayons de terminer cette étude et d'écrire un bon rapport sur le sujet.
    Comme je l'ai dit plus tôt, s'il y a quoi que ce soit que vous n'avez pas pu dire aujourd'hui, vous pouvez certainement en faire part à la greffière, et nous veillerons à ce que ce soit également ajouté à l'étude.
    Nous allons suspendre la réunion un instant afin de passer au prochain et dernier groupe de témoins du Comité aujourd'hui.
(1710)

(1715)
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
    Nous allons maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la deuxième heure.
    Nous avons Jennifer Silver, professeure associée à l'Université de Guelph, qui comparaît à titre personnel.
    Le représentant du Conseil canadien des pêches — bien entendu, et il n'en est pas à sa première comparution devant le Comité — est Paul Lansbergen, le président.
    Le représentant du Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership est Andrew Olson, qui est directeur général.
    Vous avez exactement cinq minutes chacun pour faire vos déclarations liminaires.
    Nous allons commencer par Mme Silver, s'il vous plaît.
    Je suis très heureuse que vous m'ayez invitée à témoigner ici. Merci beaucoup.
    Cet important sujet d'actualité renvoie à une question urgente: qui tire profit des ressources halieutiques de notre zone économique exclusive, qui sont culturellement importantes, nutritives et d'une grande valeur économique?
    En 2019, j'ai parlé au Comité permanent des pêches et des océans de mes recherches sur la délivrance de permis sur la côte Ouest. Aujourd'hui, je vais aborder certains éléments pertinents de ces travaux qui attestent effectivement d'une concentration dans ce secteur. Je prendrai ensuite les deux dernières minutes de mon temps de parole pour résumer quelques arguments tirés de publications savantes qui démontrent pourquoi l'accès à la pêche et les avantages qui en découlent doivent être systématiquement pris en compte par les systèmes de gestion dirigés par l'État, tels que celui que nous avons au Canada.
    En ce qui concerne la recherche sur la côte Ouest, il convient d'abord de noter — et cela fait maintenant l'objet d'un examen à ce stade‑ci, comme on vous l'a dit à la première partie de la réunion — que les entreprises de pêche peuvent enregistrer et détenir de nombreux permis et différents types de quotas. Les titulaires de permis peuvent ensuite participer à diverses pêches ou générer des revenus en louant une partie ou la totalité de leurs permis et de leurs quotas à d'autres. Les permis et les quotas de la côte Ouest peuvent être très coûteux.
    L'étude a recensé tous les permis de la côte Ouest enregistrés en 2019 — donc en une seule année — ainsi que leurs titulaires et le nombre de permis détenus par chacun. Les données relatives aux détenteurs de permis et à la nature des permis proviennent d'une feuille de calcul accessible au public. Ma recherche porte uniquement sur de l'information accessible au public. Bien que cette feuille puisse être téléchargée gratuitement, la tâche s'est rapidement compliquée, car la feuille comporte des centaines de milliers de lignes et de nombreuses colonnes. Pour dénombrer les détenteurs de permis en fonction des types de permis, nous avons mis au point un code informatique qui extrait automatiquement les données et les met en correspondance.
    Pour ce qui est de l'année 2019, nous avons compté 6 563 permis enregistrés par 2 377 titulaires uniques. Il y avait effectivement une poignée de portefeuilles — à vrai dire, 38 — qui détenaient 20 permis ou plus, et six qui en détenaient 50 ou plus. Ensemble, les 38 portefeuilles — les particuliers, les entreprises et ainsi de suite — contrôlaient 26 % de tous les permis de la côte Ouest en 2019. Il y avait 1 357 portefeuilles qui détenaient un seul permis et 499 qui en détenaient seulement deux. Globalement, ces portefeuilles contrôlaient 36 % de tous les permis.
    Comme vous l'avez maintenant entendu un certain nombre de fois, contrairement à la politique de la région atlantique, qui encadre et soutient une flotte côtière de propriétaires exploitants, il n'existe aucune distinction de ce type dans la région du Pacifique et il n'y a aucune limite à ce qu'une entité détentrice peut détenir, qu'il s'agisse d'un pêcheur, d'un transformateur ou d'un investisseur spéculatif. En outre, la détention de permis, les accords de location et d'autres types d'accords économiques ne sont pas pris en compte dans le contexte de l'évaluation de la pêche ou au regard d'un quelconque objectif socioéconomique. En ce sens, il est juste de dire que l'accès et la répartition des bénéfices de la pêche dans le Pacifique sont laissés aux forces du marché.
    Je voudrais, pendant la dernière ou les deux dernières minutes de mon temps de parole, parler de la recherche en matière de sciences halieutiques et de politique marine au Canada et dans d'autres pays ayant un historique et des systèmes de gestion des pêches similaires. Ces points sont pertinents au‑delà de la région du Pacifique, notamment en ce qui concerne les investissements étrangers et spéculatifs.
    Premièrement, la propriété et le financement étrangers façonnent la pêche industrielle et les chaînes de valeur des produits de la mer. Une métaétude mondiale publiée en 2016 a mis en évidence la portée internationale d'une petite poignée d'entreprises transnationales privées et leur importance disproportionnée. L'étude estime qu'un groupe de 13 entreprises transnationales détenait de 11 à 13 % de l'ensemble des prises marines et de 19 à 40 % des prises des stocks les plus importants et les plus précieux. Elles possédaient et géraient toutes de nombreuses filiales. Environ six d'entre elles en possédaient au moins 100. Les auteurs de cette étude ont souligné que ces entreprises sont grandes et puissantes, que leurs activités commerciales englobent généralement de nombreux nœuds dans les chaînes de valeur des produits de la mer, et qu'elles procèdent fréquemment à des « fusions stratégiques avec les principaux détenteurs de marchés ou de quotas en effectuant des acquisitions directes ».
    Deuxièmement, et pour conclure, je tiens à transmettre un message optimiste qui émane des sciences halieutiques: il est tout à fait possible de reconstituer les stocks de poisson de manière à ce que, année après année, les rendements se stabilisent, voire augmentent. L'approche de l'analyse comparative fondée sur des données scientifiques joue un rôle essentiel, et les modifications apportées en 2019 à la Loi sur les pêches contribuent à intégrer la reconstitution, le suivi et l'analyse comparative dans le cadre du plan de gestion intégrée des pêches du ministère des Pêches et des Océans.
    Comme votre comité le sait très bien, la reconstitution des stocks de poissons nécessite un suivi, une gestion et un travail de restauration intensifs. Les collectivités côtières autochtones et non autochtones de l'ensemble du Canada se sont mobilisées et continuent de le faire pour diriger, soutenir et mettre en œuvre ces travaux, surtout ceux qui visent à soutenir la santé et la fonction des écosystèmes.
    Le gouvernement fédéral joue également un rôle de premier plan grâce au financement, à la recherche scientifique et à la prise en charge des coûts de gestion. En bref, notre pays investit et continuera d'investir dans la reconstitution des pêches. C'est la bonne voie à suivre. La science nous dit que cet investissement peut être payant pour les écosystèmes, les gens et le porte-monnaie. Mais le porte-monnaie de qui?
(1720)
    Cette question de politique se pose toujours. C'est pourquoi l'accès aux pêches et les bénéfices qui en découlent doivent relever directement de la gestion des pêches et des politiques en la matière, et non pas être laissés aux forces du marché.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant au témoin suivant. Monsieur Lansbergen, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Bonjour. Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui.
    Comme beaucoup d'entre vous le savent, le Conseil canadien des pêches est l'association nationale qui représente les transformateurs d'espèces sauvages du Canada. Tous nos membres sont aussi des pêcheurs.
    L'ensemble des membres du Conseil sont des entreprises privées. La plupart sont des entreprises familiales, certaines depuis plusieurs générations. D'autres sont détenues et exploitées par des communautés autochtones, et nombre d'entre elles ont pour mission de réinvestir dans leurs communautés. Quelques membres sont des entreprises ou des coopératives de transformation appartenant à des groupes de pêcheurs côtiers indépendants.
    Toutes nos entreprises ont à cœur leur personnel, leurs partenaires et leurs communautés. Elles gèrent nos ressources de façon responsable. Ensemble, nous veillons au bien des ressources et à la prospérité de l'industrie.
    Je devrais souligner que même nos plus grandes entreprises sont petites par comparaison avec nos concurrents mondiaux.
    En règle générale, nous devrions applaudir les entrepreneurs canadiens qui travaillent fort pour démarrer leur entreprise et qui réussissent à devenir propriétaires d'une première usine de transformation du poisson, puis d'une deuxième, puis d'une troisième, et ainsi de suite.
    Nous devrions aussi applaudir ceux qui réussissent à exploiter plus d'un navire. La prospérité et la possibilité de contribuer à sa communauté devraient être considérées comme des réussites dignes d'être célébrées et non comme des résultats négatifs.
    Le Canada, une petite économie ouverte, a toujours eu de la difficulté à mettre en place des politiques industrielles favorisant la croissance de ses entreprises et de ses entrepreneurs. C'est un défi de taille, et les forces du marché ont tendance à évoluer beaucoup plus rapidement que les politiques gouvernementales.
    Il convient de souligner que dans le secteur des pêches, la chaîne d'approvisionnement est beaucoup plus intégrée que les politiques gouvernementales nous portent à le croire. À de nombreux égards, la prospérité des transformateurs dépend de la prospérité des pêcheurs et vice-versa.
    Monsieur le président, comme les membres du Comité le savent, le MPO a réalisé un sondage sur la propriété effective. Au début de la semaine, le ministère a publié les résultats préliminaires pour le Canada atlantique. Environ 98 % des permis sont détenus par des Canadiens. Je m'attends à des résultats semblables du côté de la Colombie-Britannique. Je suis impatient que tous les résultats soient rendus publics afin d'ajouter des données à la discussion.
    J'aimerais maintenant parler des investissements étrangers, notamment pour les différencier de la propriété étrangère.
    Vous êtes nombreux à savoir que le secteur des produits de la mer comporte son lot de défis et qu'il est difficile à comprendre pour ceux qui n'en font pas partie, y compris les institutions financières. Pour cette raison, les établissements de crédit ont tendance à le sous-évaluer, ce qui pousse certaines entreprises à solliciter des fonds auprès d'autres établissements que les banques à charte, parfois à des taux plus élevés.
    Pour les entreprises qui veulent faire des investissements importants, les institutions financières étrangères qui comprennent le secteur sont une option attrayante. Les banques islandaises disposées à consentir des prêts aux entreprises canadiennes en sont un exemple. À mes yeux, ce n'est pas nécessairement négatif.
    Nous ne sommes certainement pas le seul secteur au Canada qui doit se tourner vers d'autres pays pour trouver du capital financier. Nous devons continuer à investir, à soutenir la concurrence et à répondre aux attentes des clients.
    Votre étude porte également sur la concentration des entreprises. Le critère utilisé par le Bureau de la concurrence est le ratio de concentration des quatre plus grandes entreprises: si la part du marché pertinent détenue par les quatre plus grandes entreprises est inférieure à 65 %, le Bureau ne s'inquiète généralement pas. Même au‑delà de ce seuil, d'autres facteurs sont pris en considération avant qu'un jugement ne soit rendu par rapport à la puissance commerciale.
    Outre le pourcentage maximal, l'autre élément clé du ratio est la définition du terme « marché pertinent ». Les fruits de mer sont les produits alimentaires les plus échangés au monde. Quant à moi, le marché pertinent n'est ni une ville, ni une région, ni une province, ni même tout le Canada. Ce serait peut-être même dur de défendre la position que l'Amérique du Nord est un marché pertinent pour la majorité des pêches canadiennes. Chaque année, nous exportons dans plus de 130 pays, et nos importations pour le marché intérieur proviennent de quelque 150 pays.
    Sauf tout le respect que je vous dois, et sans vouloir minimiser l'importance de votre étude, je dois admettre que mes préoccupations se rapportent à d'autres enjeux. Je m'intéresse aux mesures que prend le MPO pour combler les lacunes dans les connaissances scientifiques au sujet des pêches et à leur incidence sur les décisions relatives à la gestion des pêches et sur les politiques stratégiques en général. Je veille à ce que notre secteur soit consulté de manière sérieuse sur les questions liées à la conservation marine. Je me concentre sur les façons de faire en sorte que la réconciliation avec les Autochtones soit fondée sur la renonciation volontaire des permis commerciaux. Voilà les enjeux principaux qui ont un effet sur la prospérité et l'avenir de notre secteur et des membres du Conseil.
    Je vous remercie pour votre attention. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
(1725)
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Olson. Vous disposez de cinq minutes.
    Je suis Andy Olson, directeur général de Nuu-chah-nulth Seafood. Nous sommes une entreprise de pêche commerciale détenue entièrement par cinq Premières Nations de la côte Ouest de l'île de Vancouver. Nous faisons partie de l'IPCIP. Notre entreprise est aussi propriétaire de la St. Jean's Cannery, à Nanaimo.
    Je vais parler d'abord de la propriété étrangère et du contrôle par les entreprises dans la région du Pacifique.
    La propriété et le contrôle des ressources halieutiques du Canada par des entreprises étrangères suscitent de réelles inquiétudes. Ils ont des répercussions sur le coût de la réconciliation. En outre, le risque pour le Canada et ses citoyens est considérable: il va de la perte de possibilités et d'avantages pour les communautés autochtones, rurales et côtières aux répercussions sur le coût de la réintégration et du rachat des permis et de l'accès aux quotas.
    À mes yeux, les prochaines étapes sont évidentes: il faut protéger les ressources halieutiques du Canada en les considérant comme des atouts stratégiques. Ce travail est déjà amorcé pour les ressources minérales rares du Canada; on doit l'entreprendre immédiatement pour les pêches. Un tel processus d'examen gouvernemental exhaustif permettra de commencer à réparer les dommages causés par le statu quo des 150 dernières années.
    Les communautés autochtones, rurales et côtières sont l'épine dorsale du littoral canadien, et si elles ne tirent pas profit des ressources locales et si elles n'ont pas la possibilité de travailler dans leur région, elles ne peuvent pas survivre. Sans ces communautés côtières et rurales, qui surveillera les vastes zones frontalières et qui se préoccupera des questions litigieuses en matière de sécurité alimentaire? Si nous poursuivons dans cette voie, le Canada rachètera ses propres produits de la mer à des personnes qui les contrôlent depuis des bureaux ou des pays à l'étranger.
    Par ailleurs, le coût de la réconciliation ne va pas cesser d'augmenter si les ressources comme les permis et les quotas sont vendus sur un marché non réglementé qui permet la propriété étrangère, la concentration des entreprises et la spéculation par les investisseurs. L'accès illimité aux permis et aux quotas en vue de leur vente à des propriétaires étrangers n'était pas autorisé dans le passé, et jusqu'à il y a une vingtaine d'années, la majorité des administrateurs d'une entreprise détenant des permis de pêche devaient être des citoyens canadiens. Cette restriction a été entièrement supprimée.
    Les investissements étrangers sont une chose, mais le contrôle des ressources canadiennes par des organisations étrangères inconnues en est une autre, et c'est très préoccupant. Tout ce que le récent sondage sur la propriété des permis et des quotas a montré, c'est que le Canada ne sait pas qui possède et contrôle les permis dans la région du Pacifique.
    La concentration des entreprises, la propriété étrangère et la spéculation par les investisseurs ne s'arrêtent pas aux permis et aux quotas, mais s'étendent désormais à la production primaire et à la transformation. Cela comprend le contrôle de la glace, du déchargement aux quais, de l'entreposage frigorifique, de la transformation et des réseaux de distribution. Les pêcheurs devraient être des partenaires et partager les profits, plutôt que d'assumer la majeure partie des risques et de recevoir une partie nettement inférieure des bénéfices.
    À l'heure actuelle, en raison du contrôle des permis, de l'équipement à terre et, dans certains cas, des navires de pêche, les pêcheurs se retrouvent au milieu, avec une plus petite part des revenus. Les quelques entreprises restantes sont presque toutes détenues en partie ou en totalité par de grandes sociétés ou des investisseurs étrangers. Elles travaillent avec les détenteurs de permis et de quotas et les investisseurs, ce qui augmente leurs coûts. À cause des taux de location élevés, les pêcheurs gagnent plus difficilement leur vie.
    Dans certaines pêches en plongée, si vous ne travaillez pas avec des acheteurs particuliers, il peut être difficile, voire impossible, de faire transporter vos produits vers le marché par l'une des rares entreprises de camionnage qui transportent des fruits de mer vivants. L'été dernier, j'ai entendu dire que les pêcheurs qui ne travaillaient pas avec les quelques entreprises qui achètent de grandes quantités de saumon se voyaient refuser l'accès à la glace et au carburant.
    Lorsque les entreprises rendent les pêcheurs dépendants d'elles par des pratiques agressives et parfois déloyales, ces derniers ont plus de difficulté à survivre. Quand de grandes entreprises en possession d'un grand nombre de permis et de quotas ne travaillent pas avec les communautés autochtones, locales, rurales et côtières, mais envoient plutôt les ressources dans des régions métropolitaines ou même dans d'autres pays pour qu'elles y soient traitées, le Canada n'en tire aucun bénéfice, si ce n'est celui des quelques actionnaires qui peuvent se permettre d'investir.
    Le Canada doit intégrer les pêches à un programme d'atouts stratégiques et les protéger pour les Canadiens de demain. Les communautés côtières et rurales, qu'elles soient autochtones ou non, ont besoin que ce travail commence immédiatement pour ne pas perdre ce qui reste et pour commencer à reconstruire ce qui a disparu. Des programmes tels que la Stratégie de l'économie bleue, l'IPCIP, l'IPCIN, l'IPCIA et la Supergrappe de l'économie océanique devraient favoriser la croissance de l'ensemble de l'économie canadienne et soutenir les entreprises et les populations locales, autochtones et côtières.
(1730)
    Les programmes comme l'IPCIA, l'IPCIN et l'IPCIP tentent d'aider les peuples autochtones à pratiquer la pêche commerciale, mais ils doivent faire concurrence aux intérêts étrangers et à la spéculation, tout en dépensant l'argent des contribuables canadiens. Des fonds sont prévus dans les budgets, mais les prix continuent d'augmenter plus rapidement que le financement, et les groupes autochtones doivent trouver des façons de combler l'écart.
    Ne serait‑il pas catastrophique pour le Canada de constater, dans un avenir pas si lointain, qu'une grande partie de ses ressources alimentaires et halieutiques appartient à un autre pays ou à une société sous contrôle étranger? Je ne pense pas que nous voulions nous retrouver dans une telle situation.
    Je vous remercie pour votre déclaration.
    Nous passons maintenant à la première série de questions. Monsieur Small, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Olson.
    Vous avez conclu en parlant de la sécurité alimentaire. C'est intéressant. Au bout du compte, quel pourrait être le pire résultat de l'augmentation de la propriété étrangère, sur le plan de la sécurité alimentaire nationale?
    Les organisations étrangères ont une raison de vouloir contrôler l'accès aux produits alimentaires: elles savent qu'il faut des produits alimentaires ailleurs. Elles veulent contrôler les ressources d'une manière ou d'une autre pour être certaines d'y avoir accès à l'avenir. Que ce soit la pêche, la transformation, l'ajout de valeur ou autre, elles tiennent à contrôler chaque maillon de la chaîne.
    Le problème, c'est que nous devenons alors dépendants de ces organisations, et nous ne savons même pas à qui elles appartiennent. Nous ignorons qui en sont les propriétaires et où ils sont situés, et nous ne savons pas où le poisson est envoyé. Souvent, le poisson est transformé dans d'autres pays, pour ensuite être vendu au Canada. Nous ignorons s'il s'agit du même poisson, car il y a aussi des problèmes de contrefaçon.
    Les préoccupations sont multiples.
(1735)
    Monsieur Olson, y a‑t‑il toujours un pourcentage de propriétaires exploitants indépendants en Colombie-Britannique?
    D'après moi, ce pourcentage est très faible.
    Un des problèmes, c'est qu'au lieu de se retirer et de vendre leurs permis, les pêcheurs... Grâce à leurs permis, ils peuvent assumer le rôle de bailleur. Ils deviennent des bailleurs plutôt que des pêcheurs actifs et ils tirent des recettes d'une feuille de papier qu'ils ont pu acheter parce qu'ils avaient le capital nécessaire quand elle était à vendre. Les pêcheurs n'ont pas le même accès.
    Monsieur Olson, les pêcheurs peuvent-ils, oui ou non, vendre leurs prises de manière concurrentielle?
    Souvent, les pêcheurs qui achètent ou louent leur accès en passant par une entreprise... À titre d'exemple, un pêcheur peut s'adresser à moi pour louer un permis par l'intermédiaire de mon entreprise de pêche commerciale soutenue par l'IPCIP, puis emprunter l'argent à une entreprise de pêche. C'est alors cette entreprise qui contrôle le poisson. C'est elle qui fixe le prix auquel elle achètera les prises du pêcheur. Elle ne détient peut-être pas le permis, mais c'est elle qui détermine le prix. Les pêcheurs dépendent des entreprises parce qu'ils ont besoin d'argent pour se procurer un permis.
    Un propriétaire exploitant est le détenteur de son permis. Il paie les droits de permis au Canada et il va pêcher. Quand un pêcheur comme M. Louis loue un permis, tout le monde sur le navire doit payer une partie des droits. Le propriétaire du navire, qui détient le permis, répercute les coûts sur les membres de l'équipage. Tous les membres de l'équipage doivent maintenant en payer une partie, ce qui n'était pas le cas auparavant. Les propriétaires exploitants n'avaient pas ces coûts à payer, et la dépense n'était pas portée au compte du navire; elle était portée à un compte particulier.
    Si la concentration des entreprises est telle que vous la décrivez, quelle est la solution? Le problème semble complexe.
    Il faudra déployer des efforts multiples.
    Vous devez vous dire qu'un permis représente la possibilité de pêcher. Voilà ce qu'un permis de pêche devrait être. C'est comme un permis de conduire. Une personne qui obtient un permis de conduire peut conduire sa voiture parce qu'elle a passé l'examen et payé les frais.
    Dans la région du Pacifique, les permis sont devenus un bien matériel, tout comme les biens immobiliers. Voilà pourquoi la situation est la même que dans le domaine de la spéculation immobilière: les investisseurs ont recours à des fonds étrangers rattachés ou non à de vraies affaires. Certains investisseurs et spéculateurs étrangers font du blanchiment d'argent.
    Le problème est complexe, mais il faut s'y attaquer au plus vite. Autrement, la situation ne fera qu'empirer.
    Merci, monsieur Small.
    Monsieur Kelloway, la parole est à vous pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux de vous voir tous les trois pour la dernière partie de notre réunion. Vos témoignages nous sont très utiles.
    Nous avons parlé des propriétaires exploitants avec vous et avec le groupe de témoins précédent, et de leur importance sur la côte Est. En fait, c'est inscrit dans la loi. Il s'agit d'un important pas en avant pour la prospérité des communautés, et il faudra l'améliorer de façon constante.
    J'aimerais revenir à une chose que j'ai entendue. Je crois que c'est vous, monsieur Olson, qui en avez parlé. Madame Silver, vous avez peut-être aussi abordé la question. Vous avez parlé de concentration étrangère. Je viens d'une île où, au cours de la première partie du XXe siècle, une seule société était propriétaire d'un très grand nombre de mines; on l'appelait « la société ». Elle était aussi propriétaire de magasins. Les travailleurs vivaient dans les « maisons de la société ». La concentration de la richesse, la consolidation et le manque de choix, surtout pour les travailleurs de l'industrie minière, ne datent pas de si longtemps.
    Cela m'a fait penser à la Colombie‑Britannique. Je ne veux pas dire que la situation est exactement la même, mais votre travail, madame Silver, m'a fait réfléchir à certains sujets. Vous avez parlé de vos travaux de recherche. J'aimerais savoir si vous avez établi des modèles en ce qui a trait aux propriétaires exploitants de la Colombie‑Britannique. S'ils étaient plus présents dans la province, est‑ce que l'argent émanant de la chaîne d'approvisionnement resterait dans les communautés et irait dans les poches des pêcheurs et des entrepreneurs locaux?
    Avez-vous des données que vous pourriez nous transmettre ou dont nous pourrions discuter au sujet de ce modèle? Je ne peux vous dire si ce serait 30, 50 ou 75 %, mais je crois qu'une bonne partie des revenus reviendrait aux communautés locales. On parle toujours des stratégies économiques rurales et côtières. À mon avis, pour que ces stratégies fonctionnent, l'argent doit rester dans les communautés.
(1740)
    Merci.
    J'ai beaucoup aimé votre introduction. J'ai cru entendre un accent du Cap‑Breton.
    Qu'est‑ce qui vous fait dire cela?
    Un député: Ne vous vantez pas.
    M. Mike Kelloway: Non, je ne me vante pas.
    Je suis née en Nouvelle‑Écosse et j'y ai grandi.
    Je sais que Mme Sutcliffe, du premier groupe de témoins, s'est penchée sur l'effet multiplicateur...
    Elle nous transmettra des renseignements.
    Oui, j'en suis certaine.
    Je crois que vous parlez d'une sorte d'effet multiplicateur... En gros, je n'ai pas de chiffres précis à vous donner, mais j'aborderais la question de la façon suivante: l'histoire des côtes et des pêches de la Colombie‑Britannique nous dit que les communautés qui se trouvent le long de la côte étaient florissantes à une époque et comptaient de nombreux navires actifs sur les quais, de même que de petites et moyennes usines de transformation qui étaient ouvertes plusieurs mois par année. Il fallait des gens pour réparer les filets et entretenir le moteur des navires. Cela démontre qu'à une époque, lorsque la structure de la pêche différait de celle d'aujourd'hui, il y avait des entreprises prospères dans le domaine, au‑delà des entreprises de pêche elles-mêmes. Tout cela gardait les communautés actives et occupées.
    Bon nombre de ces communautés, notamment Prince Rupert et Ucluelet, ne sont plus les mêmes aujourd'hui. Voilà ce que je dirais, pour vous donner une idée des renseignements que Mme Sutcliffe vous transmettra et pour répondre à votre question.
    Merci, madame Kelloway. Vous avez dépassé votre temps de parole de quelques secondes.
    Nous allons maintenant entendre Mme Desbiens, qui dispose d'au plus quatre minutes. Allez‑y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lansbergen, tout à l'heure, vous avez dit que vous étiez davantage préoccupé par la protection de la ressource et par des problèmes liés à certaines ressources.
    Selon les témoignages que nous entendons, on tend vers une exploitation verticale, la concurrence étant garante d'un prix juste. Or on sent que cette concurrence s'effrite aux mains de quelques entreprises qui ont recours à cette stratégie.
     Lorsque vient le temps de s'occuper de la ressource, ne croyez-vous pas que tout cela devient encore plus problématique, parce qu'on a moins de pouvoir sur les gens qui exploitent les pêches?

[Traduction]

    Je crois qu'il y a quelques éléments à aborder ici.
    Nous avons besoin de plus de données sur la concentration et sur les comportements des entreprises dans le secteur. Si nous agissons à titre de gardiens responsables de l'environnement, alors les ressources seront préservées de façon durable pour les prochaines générations. Le Canada occupe la deuxième place mondiale en ce qui a trait à la certification par des tiers de la gestion durable des pêches par l'industrie. Je ne suis donc pas trop inquiet à ce sujet.
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons besoin de plus de données pour mieux répondre à certaines de ces questions.

[Français]

     Merci.
    Madame Silver, j'aimerais savoir ce que vous pensez d'une perspective qui pourrait être intéressante.
    Verriez-vous d'un bon œil que les produits de la pêche soient considérés comme une ressource naturelle par le Bureau de la concurrence, au même titre que le bois, les minéraux et les énergies fossiles? Le Bureau de la concurrence pourrait-il jouer un rôle important si on considérait les ressources de la pêche comme faisant partie de son mandat?
(1745)

[Traduction]

    C'est une question intéressante.
    Les pêches sont une ressource publique qui doit être gérée pour le bien des Canadiens. En me préparant pour la réunion d'aujourd'hui, j'ai cherché à savoir comment un pays comme la Nouvelle‑Zélande percevait la question. Ses ressources halieutiques ont une très grande valeur. Le pays compte un bureau d'investissement à l'étranger, en plus d'un ministère des Pêches, qui surveille les intérêts étrangers qui veulent acheter des quotas ou devenir en partie propriétaires d'entités de pêche et de transformation.
    Permettez-moi de citer un document d'information produit par le département d'État des États‑Unis:
La loi sur la surveillance des investissements et la Loi sur les pêches de la Nouvelle‑Zélande exigent le consentement des ministères pertinents afin qu'une personne de l'étranger puisse détenir des intérêts dans un quota de pêche ou un intérêt de 25 % ou plus dans une entreprise qui détient ou contrôle un quota de pêche.
    Je ne crois pas que personne soit d'avis qu'il faut empêcher toute forme d'investissement étranger ou tout élément de propriété étrangère dans les pêches. En tant que chercheuse, je crois que le processus n'est pas aussi transparent qu'il devrait l'être, ce qui ne nous permet pas de pouvoir répondre aux questions du Comité ou de présenter des données probantes, par exemple.
    Nous savons que d'autres pays qui ont des ressources halieutiques de grande valeur les traitent à titre de ressources stratégiques, parce qu'elles sont précieuses. Il y a aussi les questions relatives à la souveraineté alimentaire dont il faut tenir compte.
    Je crois que nous pouvons tirer des leçons des lois et approches des autres pays qui considèrent les pêches à titre de ressource publique plutôt qu'à titre de ressource stratégique.
    Merci, madame Desbiens. Vous êtes à quatre minutes exactement. Le temps passe vite.
    Nous allons maintenant entendre Mme Barron, qui dispose d'au plus quatre minutes.
    Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins: Mme Silver, M. Lansbergen et M. Olson. Ma première question s'adresse à M. Olson.
    Monsieur Olson, j'aimerais tout d'abord vous remercier pour tout le travail que vous faites par l'entremise de Nuu-chah-nulth Seafood et de St. Jean's Cannery. Je suis heureuse de vous voir à Ottawa tandis que je suis à Nanaimo à l'heure actuelle.
    Nous avons entendu les représentants de Coastal First Nations. Dans une lettre à l'intention du ministère des Pêches et des Océans, l'alliance a expliqué comment la concentration d'entreprises et d'investisseurs et le nombre croissant de titulaires étrangers de permis et de quotas entraînaient une augmentation des prix, et comment ils menaçaient les pêcheries sur la côte Ouest, ce qui minait directement l'important processus de réconciliation avec les peuples autochtones et leur accès aux pêches.
    Pourriez-vous nous donner votre avis sur le sujet?
    Notre organisation détient et gère les permis et les quotas pour permettre aux pêcheurs de prendre part à l'industrie. Étant donné le marché actuel, je ne peux pas acheter de permis et de quotas sans une subvention du gouvernement fédéral pour contrebalancer les coûts. Autrement, le rendement du capital investi n'est pas suffisant pour mes directeurs et il ne s'agit pas d'un investissement viable.
    Ce n'est pas logique, mais c'est la situation dans laquelle des groupes comme Coastal First Nations se retrouvent, parce qu'ils ne reçoivent pas de subventions. C'est l'argent qu'on leur a donné. Ils ont un budget limité, alors que le prix des permis continue de grimper, du moment où l'accord est signé jusqu'à ce qu'ils se retrouvent sur le marché pour acheter les permis. Certains prix ont augmenté de 100 à 150 %. Comment peuvent-ils rivaliser avec de l'argent qui n'est peut-être pas réel?
    Je crois que nous devons garder cela en tête. La spéculation est comparable à celle du marché immobilier de Vancouver, et nous savons que cet argent n'est pas réel.
    Merci, monsieur Olson.
    À titre de précision, la lettre à laquelle je faisais référence s'adressait à la ministre Joyce Murray.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Silver.
    Nous venons d'entendre de la part de M. Lansbergen — et de nombreux autres intervenants — qu'il faut plus de renseignements et plus de données, ce que nous savons tous. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et sur l'importance — si vous jugez que c'est important — d'avoir un registre public et transparent qui désigne clairement les titulaires des permis, par exemple?
(1750)
    Je vous remercie pour votre question.
    Je suis en faveur d'une telle politique, pour plusieurs raisons. Premièrement, en tant que chercheuse et personne invitée à comparaître devant des gens comme vous à l'occasion, j'aimerais pouvoir présenter des données — autres que celles émanant des délibérations parlementaires et du ministère des Pêches et des Océans — qui expliquent de manière précise, et au‑delà d'une seule année, les modèles de recherche associés à la propriété et à la façon dont les permis et les quotas sont utilisés. Il y a le volet recherche et la possibilité d'avoir accès aux données probantes.
    Dans le cadre de la gestion des pêches et de son travail, le ministère veut prendre des décisions sur toutes sortes de questions en se fondant sur des données probantes. Il prend des décisions au sujet du nombre total de prises permises par année en fonction de données biologiques et écologiques, et évalue année après année les pêches et la santé des stocks en fonction de ces données.
    Il serait très utile d'avoir aussi des données permettant d'évaluer les questions sociales, économiques et culturelles. Nous pourrions donc réaliser une étude systémique des volets socioéconomiques et culturels associés à la pêche.
    Merci, madame Barron.
    Nous allons maintenant entendre M. Arnold, qui dispose d'au plus quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie une fois de plus les témoins.
    Je vais commencer avec Mme Silver.
    Madame Silver, vous avez dit qu'il y avait 38 portefeuilles riches en accès en Colombie‑Britannique, associés à 20 permis ou plus, et six associés à 50 permis ou plus.
    Pourriez-vous nous transmettre un résumé de ces portefeuilles? Cela nous serait très utile.
    Oui, je peux le faire. En fait...
    La réponse courte à votre question, c'est oui; je ne veux pas prendre trop de votre temps.
    Merci.
    Savez-vous pourquoi il est si compliqué de déterminer à qui appartient quoi dans le cadre de votre travail? Vous avez dû créer des systèmes logiciels pour fouiller les données.
    Pourquoi le ministère responsable de la question n'a‑t‑il pas un meilleur système de suivi?
    Je crois que les renseignements sur la propriété sont complexes. Il y a le titulaire de permis et l'exploitant. Dans certaines pêcheries, le permis est octroyé à un navire. Il y a aussi le quota associé à ce permis.
    Les pêcheries sont toutes gérées de façon distincte. Il y a un plan de gestion intégrée des pêches pour le saumon, et un autre pour le hareng. Il y a divers groupes de personnes responsables de chacun de ces plans. C'est très compliqué sur le plan administratif.
    Je ne sais pas à quoi ressemblent les systèmes internes. Il y aurait moyen de créer un système — je crois que le ministère y travaille, d'après les témoignages que j'ai entendus lundi — qui permettrait d'alimenter automatiquement une base de données lorsqu'un permis est enregistré chaque année. Un tel système coûte cher à créer. Il faut de bons ingénieurs informatiques. D'autres administrations l'ont déjà fait.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Lansbergen.
    Monsieur Lansbergen, pouvez-vous nous parler des effets de l'évaluation des stocks de poissons sur la valeur des permis? Si les stocks sont sains, le permis de pêche coûte plus cher; si les stocks sont plus bas, le prix est moins élevé. Pouvez-vous nous en dire plus sur le sujet?
    Je n'ai pas de données sur cette question en particulier. Votre description me semble logique. Si les stocks de poissons sont abondants, le potentiel de revenus pour l'avenir sera plus stable et donc l'accès à ces stocks coûtera plus cher.
    C'est bien. Merci.
    Monsieur Olson, les gens que vous représentez semblent vouloir un accès accru aux pêches. Est‑ce exact? Est‑ce qu'il y a des particuliers qui souhaitent prendre part à l'industrie? Nous avons entendu dire, de façon anecdotique, que certaines communautés avaient de la difficulté à recruter des jeunes pour travailler dans le secteur. Pouvez-vous nous en parler?
(1755)
    Dans les communautés pour lesquelles je travaille, de nombreux jeunes souhaitent prendre part aux activités de pêche et travailler pour les entreprises communautaires. Le prix des navires représente toutefois un enjeu.
    Les gens doivent aussi apprendre et réapprendre certaines compétences, comme on le fait sur la côte Est, lorsqu'ils reprennent les activités et participent à la pêche commerciale. On le fait à plus petite échelle, localement.
    Les Autochtones se tournent maintenant davantage vers la pêche communautaire de plusieurs espèces, à plus petite échelle et avec de plus petits navires. Nous prenons part à cette transition. Par exemple, la communauté de Port Alberni compte des centaines de pêcheurs âgés de 15 à 90 ans. Ce sont des propriétaires exploitants. La nation a accès aux permis et les membres de la communauté profitent pleinement de cet avantage. La nation ne touche pas de revenus des pêches.
    Je vais vous donner un exemple pour répondre à la question précédente de M. Kelloway: dans cette communauté, les pêcheurs peuvent pêcher pour 800 000 $ de saumon quinnat en une nuit au mois d'août, lorsque la pêche ouvre. Ces 800 000 $ représenteront près de 8 millions de dollars de revenus pour la communauté, parce que ces gens y dépenseront l'argent gagné. Ils dépensent tout leur argent dans la communauté, et pas ailleurs. Ils ne vivent pas à Vancouver; ils vivent à Port Alberni, une communauté de 25 000 personnes. L'injection de 8 millions de dollars dans l'économie locale en une seule nuit peut changer toute la donne.
    Les maires et les habitants de ces communautés reconnaissent la valeur de ces pêcheurs. Nous devons miser sur ces possibilités à petite échelle. C'est ce que nous voulons. Nous nous battons pour ces pêcheurs qui ont la possibilité de garder cet argent et de faire croître l'économie de leur communauté.
    Merci, monsieur Arnold. Vous avez quelque peu dépassé votre temps de parole.
    Nous allons maintenant entendre M. Hardie, pour terminer. Allez‑y.
    Je ne m'attendais pas à avoir de nouveau la parole, mais j'ai tout de même une question à poser.
    Monsieur Olson, nous entendons dire que certaines bandes ont accès aux permis et aux quotas, mais qu'elles les louent à d'autres, tout comme certains exploitants dont nous avons parlé. Est‑ce qu'il faudrait aussi aborder cette question ou est‑ce qu'on risque alors de les priver de leurs revenus?
    C'est une situation complexe, dans laquelle je me retrouve moi-même en tant que gestionnaire d'une entreprise qui loue les permis aux pêcheurs afin de générer des revenus pour l'économie de base des Premières Nations. C'est le défi auquel je dois faire face... offrir une possibilité aux pêcheurs qui ne sont pas titulaires de permis et qui n'ont pas les moyens d'en acheter un. Ils doivent les louer. C'est la seule façon pour eux de pouvoir participer aux activités de pêche. Ils n'ont pas les 800 000 $ nécessaires à l'achat d'un permis. Le rendement du capital investi est insensé.
    Le défi auquel...
    Si vous me le permettez, monsieur Olson, j'aimerais poser une dernière question à Mme Silver.
    Le rapport de 2019, Partager les risques et les retombées, présentait de nombreuses recommandations. Avez-vous pu dégager celles qui étaient les plus pertinentes et qui entraîneraient les meilleurs résultats?
    Vous poussez les limites de ma mémoire. Nous avons parlé de transparence. Si le ministère avait un système de données permettant la recherche des détenteurs de permis, cela nous permettrait de comprendre et de surveiller la situation.
    Je dois m'arrêter là. Je n'ai pas le rapport avec moi et je ne me souviens plus de ses recommandations.
    Il n'y a pas de problème. Vous pourriez peut-être nous transmettre une réponse par écrit pour nous orienter.
    Bien sûr.
    Merci, monsieur le président. Je crois qu'il ne nous reste plus de temps, n'est‑ce pas?
    Merci, monsieur Hardie. Il est exactement 18 heures, et nous devons nous arrêter.
    Je tiens à remercier Mme Silver, M. Lansbergen et M. Olson d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui. Nous vous remercions pour les précieux renseignements que vous nous avez transmis et qui nous aideront pour la préparation de notre rapport.
    Je rappelle aux membres du Comité que nous entendrons d'autres témoins sur le sujet la semaine prochaine.
    Je remercie M. Waugh d'avoir remplacé M. Bragdon et d'avoir rehaussé le niveau d'intelligence de ce côté de la table.
    Merci aux membres du personnel d'avoir rendu la réunion d'aujourd'hui possible. Je vous souhaite une belle fin de semaine.
    La séance est levée.
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