:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes concernant le processus de nomination à la magistrature fédérale.
[Traduction]
La force de notre démocratie canadienne est due en partie à ses piliers constitutionnels, à son respect de la primauté du droit et au respect mutuel que se portent les trois branches du gouvernement — la branche législative, la branche exécutive et la branche judiciaire. En ce qui concerne plusieurs domaines, les trois branches du gouvernement ont des rôles interreliés, mais distincts. C'est le cas des affaires judiciaires, en particulier. Une fois que le gouverneur général signe un décret nommant une personne à la magistrature fédérale, cette dernière entre dans la branche judiciaire et jouit des droits et responsabilités conférés à la magistrature — notamment l'indépendance et la sécurité de son poste — définis en droit constitutionnel canadien.
Toutefois, en vertu de la partie VII de la Loi constitutionnelle de 1867, la branche législative et la branche exécutive du gouvernement ont également des rôles fondamentaux liés aux questions judiciaires. En vertu de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement est chargé de créer et de maintenir nos tribunaux fédéraux et de fixer les salaires des juges de nomination fédérale. Le débat tenu sur la question au Parlement et l'adoption du projet de loi C-17 en décembre 2006 témoignent de la compétence du Parlement en ce domaine.
La branche exécutive a également été chargée, en vertu de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, d'une responsabilité importante concernant les affaires judiciaires : la nomination des juges fédéraux. Cette prérogative n'a pas changé depuis 1867, le ministre de la Justice étant chargé de faire des recommandations au Cabinet fédéral lui demandant d'approuver la nomination de candidats à la magistrature fédérale. Constitutionnellement, ce pouvoir juridique est au coeur même du processus de nomination à la magistrature fédérale.
Le 1er février 2007, la magistrature fédérale canadienne comptait 1 054 juges, dont 825 à plein temps, et 229, à titre de juges surnuméraires. Ces derniers sont des juges qui, en vertu de la Loi sur les juges et de récentes modifications qui lui ont été apportées, peuvent choisir de quitter leurs fonctions à plein temps pour une charge moins lourde, en fonction de leurs services antérieurs au sein de l'appareil judiciaire.
Tous ces juges doivent prendre leur retraite à 75 ans. Il y a donc un roulement constant, et le nombre des juges fluctue, de sorte que l'exécutif doit procéder à des nominations en vue de remplacer ceux et celles qui prennent leur retraite, qui sont malheureusement décédés en poste ou qui ont choisi de devenir surnuméraires. Il incombe au ministre de la Justice de faire des recommandations au gouverneur général par l'entremise du Cabinet, en vue de nommer des candidats qui viendront combler ces postes vacants.
Quant aux postes vacants qu'il fallait combler à la magistrature fédérale, lorsque le présent gouvernement a pris le pouvoir après les élections générales de janvier 2006, il y avait 23 postes vacants de juges fédéraux. Il a agi avec la plus grande diligence pour combler les postes vacants, et il continuera d'agir ainsi. Depuis le 23 janvier 2006, 58 juges ont été nommés — 20 en ne comptant que l'Ontario. Il s'agit d'une réalisation fort respectable, étant donné que, pour toute l'année 2004, seulement 41 juges fédéraux ont été nommés dans l'ensemble du pays. Tout de même, je dois admettre qu'au 1er février 2007, nous avions 45 postes de juges fédéraux vacants.
Il importe toutefois de souligner que les deux tiers de ces vacances se sont produites depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-17 le 14 décembre 2006. Comme vous le savez, ce projet de loi offre de nouvelles options aux juges qui envisagent de devenir surnuméraires. C'est la raison pour laquelle la liste des postes vacants, qui faisait état de 15 postes à peine avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-17, a triplé quasi instantanément — parce que 30 juges de tout le pays ont choisi de devenir surnuméraires en vertu des nouvelles règles d'admissibilité.
Je suis résolu à combler ces vacances de façon opportune, tout comme l'était mon prédécesseur, et je continuerai de demander à mon personnel de m'aider à préparer des recommandations au Cabinet, pour que celui-ci puisse approuver la nomination de nouveaux juges.
[Français]
Depuis 1988, le ministre de la Justice a reçu l'aide du comité consultatif de la magistrature fédérale pour la préparation de recommandations devant être approuvées par le Cabinet et portant sur la nomination des nouveaux juges.
[Traduction]
Même si l'administration des demandes de candidature et le fonctionnement des CCMF relèvent toujours du Bureau du commissaire à la magistrature fédérale depuis 1988, des changements structuraux jalonnent le parcours des CCMF eux-mêmes. Au cours des 20 dernières années, des changements ont été apportés aux CCMF — en 1991, en 1994 et en 1999, toujours en vue de créer un processus qui donne au ministre de la Justice accès à des conseils sur le mérite et l'excellence juridique des postulants à la magistrature.
En novembre 2006, mon prédécesseur a annoncé des changements au processus qui aideraient davantage le comité à fournir au ministre des évaluations de candidats potentiels. Les changements ont touché la composition et les activités des CCMF, mais le but fondamental est demeuré le même : évaluer les candidats et conseiller le ministre sur leur aptitude à la magistrature fédérale.
En ce qui a trait à la composition des CCMF, on a toujours sollicité l'avis de tout un éventail d'intervenants. Depuis 1988, ces intervenants sont représentés par des hommes et des femmes que choisit le ministre de la Justice. Des intervenants du barreau de chaque province et territoire, de la section provinciale de l'Association du Barreau canadien et de la magistrature d'une province ou d'un territoire, ainsi que les procureurs généraux provinciaux et le grand public ont fourni dans le passé au ministère de la Justice des conseils sous forme d'évaluations de candidats pouvant être nommés aux cours supérieures provinciales et fédérales.
Un des changements apportés en novembre 2006 au processus des CCMF consiste en la représentation possible d'un autre milieu important au sein de chacun des CCMF. Un représentant des organismes d'exécution de la loi — c'est un milieu qui participe tout autant à l'administration de la justice que celui des avocats et des juges — permettra d'élargir la base d'examen des candidats potentiels et de situer dans une nouvelle perspective le dossier des personnes compétentes et qualifiées dont la candidature à la magistrature m'a été recommandée.
Ce changement, que mon prédécesseur a apporté en novembre dernier, élargit la base d'intervenants qui contribueront à cette discussion et à l'évaluation de la compétence et de l'excellence requises pour être nommé à la magistrature.
D'un point de vue opérationnel, les CCMF de 2006 continueront d'évaluer les candidats et de faire état à mon intention de la qualité et du mérite qu'ils peuvent avoir comme candidats à la magistrature. Presque invariablement, les évaluations réalisées par ces comités débouchent sur un consensus et mènent à une recommandation à mon intention. Il arrive donc rarement que les comités doivent procéder à un vote en rapport avec une candidature particulière. S'il le faut, les résultats du vote seront enregistrés sur la feuille de commentaires du dossier du candidat, qui m'est transmise directement avec le dossier de chacun d'entre eux. Je prends en considération les résultats du vote et les commentaires que le comité me transmet quand vient le temps de décider s'il faut recommander le candidat en question à la magistrature.
Autre changement annoncé en rapport avec les CCMF de 2006 : faire du candidat choisi par la magistrature le président du CCMF. Celui-ci pourrait donc exercer un contrôle important sur le déroulement des discussions et gérer les activités et les attentes en matière d'évaluations des candidats. Dans les rares cas où un vote devient nécessaire, le président doit s'abstenir, à moins de devoir briser l'égalité. Compte tenu de l'importance de la fonction directive de la présidence, je ne crois pas que le candidat choisi par la magistrature ait moins d'influence en 2006 que dans les CCMF antérieurs.
Un dernier changement opérationnel a été annoncé en novembre : l'élimination de la désignation « fortement recommandé(e) » qui a parfois été donnée à un candidat. Comme c'est le cas pour d'autres aspects du processus, les désignations « recommandé(e) » et « fortement recommandé(e) » n'ont pas toujours existé. Je me souviens de l'époque où les CCMF étaient tenus de désigner les candidats comme étant seulement « qualifié(e) » ou « non qualifié(e) ». Les désignations « dans l'incapacité de recommander », « recommandé(e) » et « fortement recommandé(e) » ont été appliquées après le changement apporté en 1988 au processus. Malheureusement, la désignation « fortement recommandé(e) » n'était pas fondée sur des critères qui auraient permis au CCMF de déterminer objectivement les cas où la désignation s'appliquerait. On se demande si de tels critères pourraient même être définis, étant donné la variation des contextes de pratique où évoluent les avocats canadiens.
De même, l'expérience a servi à démontrer que l'utilisation de la désignation « fortement recommandé(e) » perdait parfois de son sens, car le pourcentage des candidats recevant la désignation variait sensiblement d'un endroit à l'autre au pays. Il est difficile d'imaginer pourquoi il y aurait proportionnellement plus d'avocats qui seraient fortement recommandés sur un territoire plutôt qu'un autre au Canada. Il semble par ailleurs qu'un bien plus grand nombre d'avocats venant de grands cabinets aient reçu la cote « fortement recommandé(e) » que d'avocats oeuvrant dans de petits cabinets ou dans des villes de moindre taille.
Enfin, la feuille de commentaires fournie par les CCMF pour chaque candidat donne davantage de précisions sur les points forts et les points faibles du candidat qu'une mention brève comme « recommandé(e) » ou « fortement recommandé(e) ».
Tous les CCMF de 2006 sont maintenant sur pied sauf un, vous serez heureux de l'apprendre, et plusieurs se sont déjà réunis pour évaluer plus de 150 candidats qui, partout au Canada, attendent l'examen de leur demande de nomination à la magistrature fédérale. Je suis convaincu que les CCMF de 2006 mèneront leur examen et leur évaluation des candidats avec la même expertise, la même diligence et la même conscience que les CCMF antérieurs, et qu'ils me remettront des recommandations qui me permettront de nommer à la magistrature en temps opportun des candidats dont le mérite et l'excellence sur le plan juridique sont manifestes.
Enfin, je voudrais ajouter quelques mots, brièvement, à propos d'un sujet lié au processus de nomination à la magistrature fédérale — les demandes de ressources judiciaires supplémentaires qui demeurent en suspens. Je présume que les membres du Comité savent qu'un certain nombre d'administrations, dont l'Ontario, ont déclaré avoir besoin de juges supplémentaires, au-delà des postes officiellement à combler. Je tiens à dire que je suis prêt à prendre ces demandes en considération. Toutefois, j'en suis sûr, tous les membres du comité savent que la création de nouveaux postes de juge entraîne d'importantes dépenses pour le Trésor. Il est donc non seulement raisonnable, mais aussi responsable de veiller à ce qu'il y ait un indicateur objectif clair de la nécessité d'une telle dépense. Par conséquent, je chercherai d'abord et avant tout à combler de façon opportune tous les postes actuellement vacants.
Comme je l'ai fait voir, nous faisons des progrès importants maintenant que les nouveaux CCMF sont en place. Une fois les postes vacants comblés, je serai en mesure de mieux évaluer l'ensemble des besoins des tribunaux demandeurs, en fonction de leur effectif de juges actuel.
En outre, le gouvernement ne peut décider à lui seul de pourvoir des postes supplémentaires, même là où il est justifié de les établir. Il faut plutôt apporter des modifications à la Loi sur les juges, afin de donner au gouvernement l'autorité nécessaire pour procéder à de telles nominations. J'espère pouvoir compter sur l'appui de tous les partis pour adopter rapidement un tel amendement, là où il serait clairement justifié d'octroyer des dépenses supplémentaires à ce sujet.
[Français]
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, de la déclaration que vous avez faite. J'entrerai dans le vif du sujet, sans tarder.
Il y a bien lieu de croire, à mon avis, que ce magouillage des comités consultatifs sur la magistrature — appelons-les les CCMF — vise à donner au nouveau gouvernement l'occasion de tripatouiller les comités, les CCMF, et donc d'exercer une influence indue sur le processus de recommandation — d'une façon qui ne se faisait pas à l'époque du gouvernement libéral et certainement pas à l'époque du gouvernement conservateur précédent, dont vous faisiez partie, le gouvernement Mulroney.
Pour prendre le cas du Nouveau-Brunswick, que je connais un peu mieux que celui des autres provinces, je peux vous dire que le comité comptait sept membres. En somme, trois d'entre eux provenaient du fédéral. Voyons-le comme cela. C'était des gens, des profanes, de manière générale, que le gouvernement fédéral avait nommés. Ils venaient de diverses couches de la société. Les quatre autres provenaient de divers milieux, notamment le procureur général, mais je crois que nous sommes tous conscients de la composition du comité.
Ce qui s'est produit, avec ce que le ministre qui vous a précédé vous a imposé, c'est qu'il y a maintenant un comité composé de huit personnes au Nouveau-Brunswick, si on compte le représentant des milieux policiers qui a été ajouté. Je ne vais pas vous demander de vous prononcer sur l'utilité d'avoir un représentant des forces policières au sein des comités; je vais plutôt aller à ce qui m'apparaît être le coeur de la question. Je me préoccupe du fait que le président n'ait pas droit de vote, sauf en cas d'égalité — à moins que j'aie tort sur ce point, dans le cas du Nouveau-Brunswick... cela veut dire que quatre personnes qui viennent d'être nommées directement par le nouveau gouvernement conservateur peuvent battre aux voix, si vous voulez, les trois autres membres du comité, qui proviennent du milieu juridique. Voyons-le comme cela. C'est ma première question.
C'est autour de cette notion que s'articule ma question, en fait. Je parle des observations de la personne récemment nommée pour représenter les milieux policiers, pour ainsi dire... est-ce que ce sont les dirigeants ou les agents qui oeuvrent sur le terrain qui devraient être représentés, voilà une toute autre question. La représentante a fait valoir que l'appareil judiciaire fonctionnait très bien. Pendant toute sa vie professionnelle à titre de policière, l'appareil judiciaire ne lui a jamais causé de difficulté. À mon avis, cela devrait nous faire conclure qu'il n'est pas justifié de changer un système qui nous a si bien servi jusqu'à maintenant.
Je voudrais savoir si vous, qui venez d'être nommé ministre de la Justice et qui avez travaillé ici comme secrétaire parlementaire et qui assumez maintenant les fonctions de ministre, pendant la longue carrière politique que vous avez eue, monsieur le ministre... croyez que l'appareil judiciaire n'était pas adéquat, d'où l'idée de proposer de magouiller dans le dossier et tripatouiller le comité comme nous voyons que cela s'est fait.
C'est la question toute légère que je vous poserai en premier lieu, monsieur le ministre.
:
Je ne saurais parler au nom du gouvernement précédent, mais je peux certainement justifier les nominations qui ont été faites par le gouvernement qui est en place en ce moment. De fait, pendant les années où j'ai exercé les fonctions de secrétaire parlementaire, de membre de votre comité et de vice-président de votre comité, je savais que nous prenions pour critère l'idée de choisir le candidat le meilleur, ayant toute la compétence voulue sur le plan judiciaire, les grands juristes qui sont prêts à rendre service à leur pays en travaillant dans la branche judiciaire. Rien n'a changé de ce point de vue.
J'étais membre du comité au moment où Ray Hnatyshyn, qui était à l'époque le ministre de la Justice du Canada, a présenté cette proposition. Il ne s'agissait pas de tripatouiller les comités au profit du gouvernement fédéral, quel que soit le sens que l'on donne à ce terme. À ce moment-là, et c'est le cas aussi aujourd'hui, c'était l'occasion de solliciter des personnes qui s'intéressent à notre système judiciaire et de leur demander de nous offrir des conseils. D'ailleurs, c'est un dossier qui n'allait pas rester lettre morte. C'était en 1988.
Je crois qu'il y avait cinq membres à l'époque. J'ai fait partie du gouvernement qui a modifié la règle encore une fois, en 1991, pour que quelques autres personnes siègent au comité en question. Je crois que les gouvernements libéraux qui ont pris le relais ont apporté au moins deux modifications eux-mêmes, soit en 1994 et en 1999. Depuis 18 ans et demi, il y a donc cette notion qui a été introduite, puis il y a eu des changements. Il y a eu des modifications.
Quant à la dernière modification, celle qui consiste à inclure un représentant des milieux policiers, elle me paraît heureuse. Au fil des ans, j'ai eu le privilège de rencontrer des directeurs des services policiers et des associations du domaine. À l'époque où j'étais avocat dans le secteur privé, j'ai pu rencontrer des policiers aussi. Je peux vous dire que ceux-ci tiennent tout autant que nous à veiller à ce que notre système judiciaire fonctionne. Le fait qu'ils soient représentés -- c'est la grande modification, monsieur le président, nous accueillons un représentant des milieux policiers... je crois que cela se passera très bien. Encore une fois, ils tiennent à notre système judiciaire, cela ne fait aucun doute dans mon esprit, et je crois que les choses vont bien se passer.
Bonjour, monsieur Nicholson.
J'ai une question à vous poser. Je vais vous lire une résolution qui a été votée à la Chambre des communes le 7 juin 2005 et qui disait ceci :
Conformément à l'ordre adopté le vendredi 3 juin 2005, la Chambre procède au vote par appel nominal différé sur la motion de M. Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, appuyée par M. Côté (Portneuf-Jacques-Cartier) :
Que la Chambre dénonce les récents propos du juge Michel Robert selon lesquels une discrimination basée sur l'opinion politique est acceptable dans la nomination des candidats à la magistrature fédérale et qu’elle demande au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de créer un sous-comité spécial ayant pour mandat d’étudier la procédure de nomination des juges à la magistrature fédérale et de faire des recommandations de réforme, notamment dans le but d’éliminer du processus la partisanerie politique, avant le 31 octobre 2005.
Il y a eu 157 votes en faveur et, naturellement, il y en avait 124 contre, et vous savez de qui il s'agit.
J'aimerais savoir si, à l'intérieur de ce que vous êtes en train de préparer, vous répondez à ce désir. Tout à l'heure, M. Murphy a posé une question à savoir si les comités étaient « paquetés ». C'est un terme qu'on utilise; il m'a été traduit de cette manière de l'anglais au français. En 2005, c'est-à-dire l'année dernière, un juge en chef est sorti de sa réserve et a dit que la partisanerie n'était pas une condition pour ne pas nommer quelqu'un. Le Bloc québécois a, à bon escient, décidé qu'effectivement, cela devait changer. Je ne comprends pas pourquoi aujourd'hui il change d'opinion, mais c'est la situation.
Selon vous, à titre de ministre de la Justice, est-ce que le changement, ou ce que vous proposez comme changement, peut répondre à cet ordre que la Chambre a donné à l'époque et dans lequel, justement, on reprochait aux libéraux d'être un peu trop partisans dans leurs nominations. C'est la Chambre qui s'est prononcée là-dessus.
:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi d'abord de remercier mon collègue Réal, qui me permet d'utiliser un peu de son temps. Cela m'apparaît important d'intervenir. D'ailleurs, je lui en ai parlé parce que je suis un des députés qui n'ont aucune formation juridique. J'avais entendu parler déjà de l'importance de nommer un policier au comité de sélection, mais je ne pensais pas me retrouver plus tard au Comité de la justice. Il me semble important de donner mon point de vue sur ce sujet.
D'abord, le problème n'en est pas un de partisanerie politique, à moins que le ministre ne dise qu'il veut des policiers au sein des comités de sélection qui soient uniquement d'allégeance conservatrice. Je ne pense pas, cependant, qu'il veuille se rendre jusque-là.
Mon collègue Réal Ménard a raison : le problème en est un d'équilibre. Dans une société, il y a un pouvoir exécutif, qui est le Conseil des ministres et le premier ministre, le législatif, qui comprend l'ensemble des collègues députés et qui votent des lois, ainsi que le judiciaire. Lorsqu'on fait en sorte que ces trois composantes puissent évoluer dans leur contexte respectif, on crée alors un équilibre important dans la société. Lorsqu'on se met à jouer avec cet équilibre, cela remet en question des notions fondamentales de la société. Il faut faire attention avant de procéder.
Je comprends que, du côté de l'exécutif, c'est le ministre qui, finalement, nomme les comités de sélection. Il n'a pas besoin d'une caution législative pour procéder au changement. Par contre, il soumet la question au Comité de la justice, et l'ensemble de la députation essaie d'apporter une contribution pour maintenir le juste équilibre dans la société.
À mon avis, il y a un problème sur le plan judiciaire. Dans ce cas, deux composantes forment le judiciaire : les juges et les corps policiers. Ces derniers font des enquêtes et, dépendamment des provinces, ce sont eux, ou le procureur de la province, qui portent des accusations. J'ai souvent lu, dans des décisions de la cour, qu'il est important qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts dans la décision d'un juge, mais il est également important qu'il n'y ait pas apparence de conflit d'intérêts dans sa décision.
Si on permet à des policiers, même s'ils sont minoritaires au comité de sélection, d'avoir un mot à dire dans la nomination des juges, on commence à jouer avec les apparences de conflit d'intérêts. Non pas que le juge se dira qu'un policier a soutenu sa candidature et qu'il lui est donc redevable, mais il y a tout de même une certaine apparence de conflit qui, à mon avis, peut remettre en question le parfait équilibre qu'on a actuellement.
C'est là , monsieur le ministre, que se situe le problème. Je vous demande un peu plus d'explications parce que je préférerais que les policiers continuent à faire leurs enquêtes et, dans certaines provinces, à porter des accusations. Le pauvre type qu'on accuse et qui se sait innocent veut absolument s'assurer que le juge qui va entendre sa cause ne doit sa nomination à personne, sauf aux membres de la société qui ont le pouvoir de procéder à sa nomination, c'est-à-dire vous-même et l'exécutif, le Cabinet des ministres.
J'ai donc besoin d'être rassuré parce que j'ai l'impression qu'on ouvre la porte à une apparence de conflit d'intérêts. Si on veut que nos citoyens, autant au Québec qu'au Canada, aient confiance en leur système de justice, il faut séparer les corps policiers des juges. Leur travail est complémentaire. On ne peut pas procéder à des nominations ou à des prises de décision qui peuvent amener le citoyen à se dire que la société ne fonctionne pas correctement.