Conformément à l’ordre de renvoi du 29 janvier 2018, le Comité poursuit son étude du projet de loi Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017.
Aujourd’hui, le Comité entendra des témoignages sur le milieu de travail et les ressources dont disposent les employés du Parlement du Canada.
Nous sommes vraiment ravis d’accueillir un excellent groupe de témoins ce soir. De l’Association canadienne des employés professionnels, nous avons Greg Phillips, président, et Colleen Bauman, associée au cabinet Goldblatt Partners LLP; des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada — Local 232, nous recevons Nasha Brownridge, présidente, et Nina Amrov, déléguée principale; et du Syndicat des employés-e-s de la Sécurité et de la Justice, nous accueillons Bethany Sutton, directrice des politiques par intérim, Projets et relations média, et Nancy Peckford, conseillère principale en politiques.
Bienvenue à tous, et merci.
Chaque organisation aura sept minutes pour prononcer ses remarques liminaires.
Nous allons commencer par l’Association canadienne des employés professionnels. Greg Phillips et Colleen Bauman, les sept prochaines minutes sont pour vous.
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Honorables députés, nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant vous pour vous faire part de notre opinion concernant le projet de loi .
Je m’appelle Greg Phillips, et je suis le président de l’Association canadienne des employés professionnels, l’ACEP, qui représente quelque 14 000 fonctionnaires. La grande majorité de nos membres sont des économistes et des spécialistes des sciences sociales qui prodiguent des conseils au gouvernement en matière de politique publique. Nous représentons aussi les traducteurs et interprètes qui travaillent chaque jour à préserver et à promouvoir la dualité linguistique du Canada. Enfin, nous avons aussi le grand honneur de représenter les 90 analystes et adjoints de recherche employés par la Bibliothèque du Parlement.
Je suis accompagné aujourd’hui de Colleen Bauman, associée au cabinet ottavien de Goldblatt Partners LLP. Elle possède une vaste expérience des questions de harcèlement dans bien des milieux de travail, y compris à la fonction publique fédérale. Je suis aussi accompagné de Claude Vézina, directeur exécutif de l’ACEP, qui supervise les employés responsables d’aider les membres aux prises avec des problèmes de harcèlement en milieu de travail.
Comme vous le savez sûrement, le problème du harcèlement et de la violence dans les milieux de travail canadiens, y compris à la fonction publique fédérale, est omniprésent. Non seulement le harcèlement cause du tort aux victimes en tant que telles, mais il mine aussi le moral et la productivité au travail. L’ACEP est ravie que le gouvernement prenne des mesures avec le projet de loi pour contribuer à prévenir et à régler ce problème. Nous sommes particulièrement soulagés de voir que la mesure législative élargit la protection pour englober les employés parlementaires, y compris nos membres à la Bibliothèque du Parlement.
L’ACEP se bat depuis de nombreuses années pour que les employés parlementaires jouissent des mêmes protections que les autres employés fédéraux. Traditionnellement, les employés du Parlement n’étaient même pas visés par la Loi canadienne sur les droits de la personne. En 2005, l’ACEP est intervenue pour les appuyer dans Canada c. Vaid, affaire dans laquelle la Cour suprême du Canada a reconnu que la Loi canadienne sur les droits de la personne s’applique à tous les employés du gouvernement fédéral, y compris ceux qui travaillent pour le Parlement. Bien qu’il soit positif de voir que le projet de loi élargit les protections prévues dans le Code canadien du travail pour englober les employés parlementaires, il est dommage qu’il ait fallu attendre jusqu’à 2018 pour que cela se produise.
Bien que l’ACEP appuie pleinement l’instauration d’une mesure législative exhaustive pour régler le problème du harcèlement tant dans les milieux de travail parlementaires que les autres milieux de travail fédéraux, nous nous préoccupons du fait que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne va pas suffisamment loin et laisse à la réglementation trop de détails à déterminer. Aujourd’hui, j’aimerais parler brièvement de trois éléments du projet de loi C-65 qui préoccupent l’ACEP: le fait qu’il ne définit pas le concept de « harcèlement »; qu’il ne garantit pas que les employés auront droit à la tenue d’enquêtes indépendantes et impartiales dans les cas de plaintes de harcèlement; et qu’il ne prévoit pas de recours pour les victimes de harcèlement.
Le gouvernement a déclaré que le projet de loi s’inscrit dans l’engagement qu’il a pris d’éliminer le harcèlement et la violence dans les milieux de travail fédéraux; cependant, on s’étonne de voir que cette mesure omet de définir le concept même qu’elle essaie d’éliminer, laissant plutôt le soin à la réglementation de le faire ultérieurement. L’ACEP fait valoir que la notion de « harcèlement » est trop importante pour laisser un règlement la définir. Les employés et leurs représentants ont besoin de savoir maintenant si la loi optera pour une approche étroite et restrictive à l’égard du harcèlement, excluant ainsi des victimes des protections qu’elle offre, ou si elle sera définie de façon générale et englobera tous les types de harcèlement personnel, comme les comportements qui rendent un milieu de travail intimidant, dégradant ou hostile.
L’ACEP fait valoir que le projet de loi devrait être modifié maintenant pour qu’on y ajoute une définition générale et calculée de « harcèlement » qui offrira la protection la plus vaste possible aux employés. L’ACEP estime qu’une définition semblable à celle qui figure actuellement dans la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement, du Conseil du Trésor, qui englobe le harcèlement personnel et le harcèlement fondé sur des motifs, serait un bon départ.
Le deuxième point qui nous préoccupe avec le projet de loi est qu’il ne garantit pas aux employés l’accès à des enquêtes indépendantes et impartiales en cas de plaintes de harcèlement. La présence d’un enquêteur indépendant et impartial est la marque d’une enquête équitable sur le plan procédural. Une enquête indépendante fait en sorte que toutes les parties — les plaignants, les répondants et les témoins — sentent qu’ils peuvent s’exprimer librement et participer pleinement à l’enquête sans craindre des représailles ou des conséquences négatives. En effet, une des préoccupations les plus communes dont les membres nous ont fait part en ce qui touche le processus actuel est que l’enquête concernant leur plainte n’était ni juste ni impartiale.
Le projet de loi prévoit que ces employés peuvent déposer plainte pour harcèlement en milieu de travail et que, dans les cas où l’employeur et l’employé n’arrivent pas à trouver de terrain d’entente, la plainte peut être renvoyée directement à la ministre pour enquête, sans passer par le comité de santé et de sécurité au travail. Cependant, il ne garantit pas que l’enquête menée concernant la plainte de harcèlement sera indépendante et impartiale. L’ACEP propose que le projet de loi soit modifié pour qu’on y ajoute ce type d’exigence.
Le dernier point préoccupant dont je veux parler aujourd’hui est le défaut du projet de loi d’offrir des recours aux victimes de harcèlement. On dit généralement qu’il n’y aura pas de droit sans recours. Autrement dit, un droit n’a aucun sens s’il n’y a aucun recours lorsqu’il est enfreint.
Des recours efficaces font en sorte que les victimes soient remises à la place où elles auraient été si leurs droits n’avaient pas été violés. À l’heure actuelle, si une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne concernant des cas de harcèlement basé sur des motifs de distinction est fondée, on pourrait offrir, entre autres mesures réparatrices, d’accorder à la victime les droits, les possibilités ou les privilèges qui lui ont été refusés, et de la dédommager pour tout salaire perdu, pour toute souffrance ou douleur ressentie, ou pour tout traitement discriminatoire délibéré ou inconsidéré.
En revanche, à l’heure actuelle, les enquêtes en matière de harcèlement menées au titre de la politique du Conseil du Trésor pourraient conclure qu’il y a eu harcèlement, mais sans offrir de recours à la victime. Un régime de prévention du harcèlement qui ne permet pas d’accorder des mesures réparatrices ou qui les limite à 20 000 $ pour la douleur et la souffrance, comme les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne en vigueur décourageront les victimes de porter plainte. L’ACEP estime que le régime de prévention du harcèlement prévu dans le projet de loi devrait offrir des mesures réparatrices et des recours réels aux victimes de harcèlement.
En conclusion, l’ACEP voit le projet de loi comme une étape très positive pour régler le problème de harcèlement dans les milieux de travail fédéraux. Elle espère que la réticence que nombre d’employés ont actuellement à signaler le harcèlement et la violence en milieu de travail sera abordée et atténuée au moins dans une certaine mesure par la mesure législative à l’étude. Cependant, nous vous demandons d’envisager d’accroître son efficacité en y ajoutant une définition de « harcèlement », une garantie d’enquête indépendante et impartiale, et une disposition de recours pour les victimes. Ces trois ajouts encourageront un nombre accru de victimes à faire des signalements et accroîtront l’efficacité de la mesure législative pour éradiquer le harcèlement et offrir des recours significatifs.
Merci.
Bonsoir. J’aimerais commencer par remercier les membres du Comité d’avoir invité TUAC — Local 232 à témoigner concernant une mesure législative très importante, et tous vos partis politiques respectifs pour avoir donné le consentement unanime qui a permis de soumettre ce projet de loi rapidement à l’examen du Comité.
Il est assez déconcertant que les employés de la Chambre des communes ou le personnel politique ne soient pas couverts par le Code canadien du travail, ce qui fait en sorte que certains travailleurs se retrouvent avec peu de sécurité d’emploi et moins de droits que d’autres employés au Canada. Nous sommes heureux de voir que, pour la première fois dans l’histoire, ce projet de loi élargira les dispositions en matière de santé et de sécurité pour englober ces travailleurs, mais nous remarquons qu’il est toujours limité à cet égard.
Je plaisante souvent que je porte diverses casquettes. Ici, je suis présidente de TUAC — Local 232, qui représente environ 250 employés du NPD à la Chambre des communes. Je suis aussi une jeune attachée politique qui a fait du bénévolat et travaillé dans des cabinets de députés, en plus d’avoir travaillé dans divers ministères au sein de la fonction publique. Je suis aussi l’amie, la fille, la collègue et la partenaire de quelqu’un. Dans ces divers rôles, j’en suis venue à connaître trop bien la culture omniprésente du harcèlement sur la Colline du Parlement, à être témoin de harcèlement et aussi à en subir. Dans mes différentes fonctions, j’ai reçu des confidences, j’ai consolé des gens et j’ai prodigué des conseils. J’ai aussi fait des confidences et demandé des conseils à d’autres personnes.
Je suis reconnaissante que notre personnel soit représenté par un syndicat qui a traditionnellement insisté sur l’importance des dispositions sur la prévention du harcèlement, et qui dispose de personnes formées, de processus et de procédures pour traiter précisément la question.
Ces casquettes dont je vous ai parlé me placent aussi dans une position unique pour témoigner devant vous aujourd’hui, comme le fait l’existence même de notre syndicat. Nous reconnaissons les défis particuliers que ce projet de loi présente, notamment le concept du privilège parlementaire qui vous protège vous, les députés, mais qui ne nous empêchera pas d’essayer du mieux que nous pouvons de veiller à ce que les intérêts, les droits et la sécurité de nos employés ne soient pas laissés de côté, et nous espérons que vous vous joindrez à nous dans nos efforts.
Premièrement, nous ne saurions trop insister sur l’importance d’ajouter au projet de loi une définition vaste, exhaustive, mais flexible de ce en quoi consiste ou non le harcèlement. Une définition peut s’avérer être un outil efficace non seulement pour cerner des cas de harcèlement, mais aussi comme mesure préventive. Notre convention collective comprend une définition qui a été élaborée entre notre syndicat et les équipes de gestion au fil des ans. Elle a été utile à notre section locale pour aider notre personnel et notre direction à reconnaître les cas de harcèlement et à confirmer les expériences des particuliers.
Nous croyons qu’il est difficile, voire impossible, de gérer ce qui n’est pas défini dans la loi, et nous recommandons de ne pas laisser cet aspect être réglé par règlement, car nous croyons que cela nuira à l’efficacité à long terme de cette mesure législative. Nous nous préoccupons vivement du fait que l’on permette à un conseil largement partisan de prendre des décisions sur ce projet de loi en ce qui concerne le personnel parlementaire au stade de la réglementation.
En outre, nous recommandons au Comité d’envisager d’imposer de la formation obligatoire en matière de gestion et de prévention du harcèlement aux employeurs, notamment aux députés. À chaque élection, des personnes talentueuses de divers milieux au Canada se retrouvent au Parlement, et il arrive que ces députés nouvellement élus aient peu ou pas d’expérience de gestion. Ils se retrouvent soudainement propulsés dans ce rôle de gestionnaires de personnel dans un milieu très complexe où tout bouge très vite.
À titre de section locale, nous pouvons dire que bien des situations que nous gérons se rapportent directement à cette situation. Dans certains cas, des gestionnaires nouvellement nommés doivent apprendre des méthodes de gestion efficaces. C’est une solution simple à un problème important, qui va au-delà des efforts de la Chambre des communes pour offrir de la formation aux députés sur la prévention du harcèlement sexuel, solution qui, même si elle représente une avancée importante, nous laisse des préoccupations, ou du moins bien des questions. Il est absolument essentiel de former nos employeurs à communiquer sainement avec leur personnel pour prévenir toute forme de harcèlement, et cette formation ne peut pas être facultative. On a essayé, ce qui n’a pas donné les résultats à l’échelle que nous savons tous être nécessaire.
Ensuite, notre section locale a les mêmes préoccupations que nombre d’autres syndicats concernant l’exclusion des comités de santé et de sécurité de ce processus. Cela est peu judicieux et pourrait faire en sorte qu’une personne soit moins disposée à signaler un cas de harcèlement ou de violence. Ce projet de loi doit être modifié pour veiller à ce que les syndicats soient en mesure de continuer à prévenir et à régler les cas de harcèlement, ainsi qu’à soutenir les survivants par la suite.
Nous aimerions aussi demander des clarifications sur la façon dont ce projet de loi influera sur la capacité du syndicat d’enquêter sur les allégations de harcèlement et de prendre des mesures à cet égard dans le contexte des processus et des cadres existants. Sur ce point, nous croyons que toute mesure législative efficace de prévention du harcèlement doit d’abord s’assurer que les employés ont la capacité et le droit de former un syndicat et d’être représentés par lui, sans entraves. Ce n’est malheureusement pas le cas du personnel politique à l’heure actuelle.
Un autre point crucial est que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne traite pas pleinement des recours et des répercussions. Nous nous préoccupons particulièrement d’éventuels recours et répercussions lorsqu’un député est à l’origine du harcèlement. C’est la question que j’ai soulevée plus tôt lorsque j’ai mentionné les cas où le privilège parlementaire devient trop évident. Comment faire pour protéger les employés qui ont été victimes de harcèlement dans un milieu de travail parlementaire? Non seulement le privilège fait en sorte que les députés ne puissent pas être congédiés ou soumis à des mesures disciplinaires au sens traditionnel du terme, mais il leur donne la pleine autonomie lorsqu’il est question d’embaucher leurs employés, de leur imposer des mesures disciplinaires ou de les gérer.
Qu’arrive-t-il donc à un employé qui a été victime de harcèlement et qui pourrait être tenu de continuer à travailler pour ou avec son harceleur afin de subvenir à ses besoins? D’ailleurs, qu’arrive-t-il pendant qu’il suit ce processus?
Cela nous amène à nos commentaires finaux. Premièrement, nous demandons qu’on accorde aux employés des congés payés supplémentaires pour régler des cas de harcèlement par l’intermédiaire du processus proposé. Il est inimaginable qu’un employé, en particulier un dont le collègue ou l’employeur est responsable du harcèlement allégué, n’ait pas droit à des congés payés au-delà des jours de vacances et des congés de maladie payés que lui offre actuellement la Chambre des communes.
Enfin, dans ses commentaires, la ministre a parlé des questions de protection de la vie privée et de confidentialité, et de la crainte des personnes qui signalent des cas de harcèlement dont elles ont été victimes. Les membres du personnel ont toujours peur des représailles s’ils dénoncent ces situations. Ils craignent de perdre leur gagne-pain, leur carrière et leur réputation. Le personnel politique peut aussi craindre de ternir la réputation de son parti et de son employeur. Les femmes en particulier s'inquiètent aussi pour leur sécurité physique.
Malgré l’exigence de faire appel à un tiers compétent dans la loi actuelle, il est très probable que, à un moment du processus, y compris pendant le stade de médiation qu’a décrit la ministre, un employeur prenne connaissance des allégations et de l’identité du plaignant.
Cela devient problématique puisque, à notre connaissance, ce projet de loi ne contient pas de dispositions qui protègent le personnel contre les résiliations abusives. Pour les membres de notre unité de négociation, nous avons un processus clair et défini par lequel les contrats des membres du personnel peuvent être résiliés par l’intermédiaire d’une série d’avertissements oraux et écrits ainsi que d’une procédure de règlement des griefs et d’arbitrage. Cependant, ce n’est pas le cas dans d’autres bureaux politiques. En conséquence, je pose la question: qu’est-ce qui empêche un député ou un employeur de mettre fin au contrat d’un employé qui a eu recours à cette procédure ou déposé plainte?
Les membres du Comité doivent sérieusement envisager la possibilité que les employés continueront de craindre de perdre leur moyen de subsistance et leurs emplois même si ce projet de loi est adopté. Bien que cette mesure législative prévoie une procédure pour gérer les cas de harcèlement, elle n’offre pas nécessairement de protections concrètes aux employés non syndiqués.
Ce n’est pas nécessairement le processus en tant que tel qui encouragera les employés à rendre compte de leurs expériences, mais bien le fait de savoir qu’ils ne craignent rien, qu’ils seront écoutés et qu’ils ne seront pas pénalisés — et ne pourront pas l’être — pour avoir fait un signalement.
Encore une fois, nous aimerions remercier les membres du Comité de nous avoir accueillies ici aujourd’hui et de nous avoir donné la possibilité de formuler des commentaires et des recommandations sur cette mesure législative cruciale. Nous nous réjouissons à la perspective de répondre à vos questions.
Merci.
Je représente le Syndicat des employés-e-s de la Sécurité et de la Justice. Nous représentons 16 000 membres qui travaillent dans 17 ministères partout au pays.
En écoutant les délibérations des réunions précédentes, nous avons entendu les membres du Comité demander à nos collègues de Service correctionnel Canada et de la GRC — et la majorité de nos membres travaillent pour Service correctionnel Canada et la GRC — quelles mesures auraient dû prendre les ministères ou les organismes pour lutter contre le harcèlement. Je pense que le Comité voulait mieux comprendre la situation dans le cadre de son étude du projet de loi. Nous aimerions vous fournir quelques exemples dans le but de l'améliorer.
Premièrement, nous avons pu constater que les procédures internes des ministères et des organismes ne font l'objet, bien souvent, d'aucune mesure de surveillance. Nous recevons souvent de très bons rapports, parfois externes, parfois internes, qui contiennent d'excellentes recommandations et qui permettraient de beaucoup mieux lutter contre le harcèlement, mais souvent, ces recommandations ne sont pas suivies.
Nous avons deux exemples à SCC et à la GRC. Dans le cas à SCC, il s'agissait d'une situation scandaleuse de harcèlement et de violence sexuelle. Dans celui à la GRC, il s'agissait d'une mauvaise compréhension vraiment honteuse de ce qu'était le harcèlement. La situation s'est produite dans une division. Dans les deux cas, on a rédigé d'excellents rapports. Dans un cas, il s'agissait d'un rapport externe, et dans l'autre cas, d'une collaboration, et c'était une première, entre le syndicat et la gestion. D'excellentes recommandations ont été faites, et si elles avaient été suivies, des changements importants auraient pu se produire dans les deux milieux de travail.
Malheureusement, dans le cas à SCC, bon nombre de recommandations n'ont tout simplement pas été suivies. Dans celui à la GRC, on a pris des extraits du rapport, et ce qui restait dans ces extraits n'avait absolument rien à voir avec les problèmes recensés ou les recommandations faites pour lutter contre le harcèlement. En fait, tous les exemples liés au problème de harcèlement ont été supprimés du rapport, et c'est ce qui a été diffusé aux employés.
Comme vous pouvez l'imaginer, à la lumière de ces situations, nous appuyons totalement l'idée d'avoir un ministère externe, comme le ministère du Travail, pour aider à trouver une personne compétente. Nous soulignons toutefois — et ces exemples l'ont clairement démontré — qu'il est indispensable que la personne compétente ait l'expertise nécessaire dans le domaine du harcèlement, car nous savons que beaucoup, beaucoup de gens compétents ne l'ont pas. Dans les deux cas mentionnés, c'était souvent le syndicat qui fournissait une bonne part de l'expertise. Ainsi, au moment de choisir la personne compétente — un choix fait par une personne ayant aussi l'expertise nécessaire —, nous recommandons vivement au Comité de proposer qu'il y ait à la table un expert syndical afin que la personne choisie soit à même de faire les recommandations et les changements qui s'imposent.
Nous croyons, tout comme nos collègues, qu'il est indispensable que la loi contienne une définition du mot « harcèlement ».
De plus, nous croyons fermement — et j'y ai fait référence au début — en l'importance d'avoir une reddition de comptes solide sur la mise en oeuvre des recommandations contenues dans les rapports.
Enfin, une recommandation faite dans les deux ministères et qui n'a pas été suivie, même si elle était cruciale, consistait à nommer, dans chaque division de la GRC, une personne aux échelons supérieurs qui comprend bien en quoi consiste le harcèlement. En situation de contestation, ces personnes peuvent se réunir pour former un groupe spécial. À SCC, de même, on avait recommandé qu'une personne aux échelons supérieurs soit responsable du changement organisationnel.
Merci beaucoup de votre temps.
En fait, je porte deux chapeaux aujourd'hui. Je suis ici à titre de conseillère en politiques occasionnelle auprès du Syndicat des employés-e-s de la Sécurité et de la Justice, et à titre de directrice générale d'À voix égales, pour qui je ferai quelques observations. Je suis d'accord avec bon nombre de déclarations faites par Bethany et nos collègues. Le milieu parlementaire n'est pas différent de ce qu'on voit, en fait, sur la Colline du Parlement. Nous saluons le projet de loi que nous considérons comme un premier pas très important, mais je pense qu'il nécessite des amendements substantiels pour s'assurer de bien faire les choses.
En résumé, À voix égales a examiné les lois et les politiques en milieu de travail partout au pays, et nous avons trouvé neuf critères qui, à mon avis, pourraient s'appliquer au milieu de travail parlementaire tout comme à de nombreux ministères et organismes sous réglementation fédérale au nom de qui ce projet de loi a été rédigé. Très brièvement, nous avons dix points sur lesquels nous aimerions que vous vous penchiez. Bon nombre d'entre eux ont déjà été abordés. Il faut d'abord et avant tout que la partisanerie politique soit absente de toutes les étapes du processus. Nous savons que sur la Colline du Parlement et dans des organismes sous réglementation fédérale comme la GRC, la politique partisane est souvent la première considération, pas explicitement, mais implicitement, dans la façon pour l'employeur de s'occuper de comportements souvent honteux.
Il est clair, dans notre esprit, qu'une définition de « harcèlement sexuel » est une mesure prudente pour aller de l'avant. Il faut, en outre, prendre conscience que le harcèlement peut se produire à l'extérieur du milieu de travail, un élément crucial tant au sein des organismes sous réglementation fédérale que, bien sûr, sur la Colline du Parlement, étant donné le nombre important d'activités qui se déroulent à l'extérieur du milieu de travail, ou d'un bureau de circonscription. Il faut aussi que de la formation obligatoire soit donnée par des experts qualifiés, et je pense qu'il est très clair que la formation doit être obligatoire.
Il faut également s'assurer que les personnes compétentes qui sont nommées sont vraiment indépendantes, comme l'ont déjà mentionné beaucoup d'autres avant nous, et qu'elles ont les compétences nécessaires, autrement, ce projet de loi ne sera utile à personne. Nous sommes, nous aussi, très préoccupés par la question de la confidentialité à Service correctionnel Canada, à la GRC et sur la Colline du Parlement. Nous savons que la confidentialité est une question très épineuse et que beaucoup de gens ne dénoncent pas parce qu'ils se méfient du processus. Il faut s'assurer que les résultats de l'enquête sont communiqués clairement et que les recours sont précisés. Nous savons que la politique de la Chambre des communes, que beaucoup de partis ont travaillé d'arrache-pied pour améliorer, n'est souvent pas utilisée, car les gens craignent que leur emploi ou leur identité ne soit pas protégé.
Il ne me reste que trois points. Nous voulons que des limites de temps soient prévues dans le projet de loi afin que les enquêtes ne s'éternisent pas pendant des mois, voire des années, comme on le voit souvent. Il est essentiel, de plus, d'avoir des services d'emploi et de counseling, en particulier sur la Colline du Parlement où nous savons que l'environnement peut être très toxique dans certaines circonstances. Il faut aussi veiller à ce que les gens puissent avoir le soutien dont ils ont besoin à la conclusion de l'enquête.
Ce que nous savons du harcèlement, c'est qu'il a pour effet d'inciter des femmes à renoncer à venir travailler sur la Colline, où elles auraient voulu contribuer activement à servir le pays, en travaillant dans un bureau de député pour le faire et pour mieux comprendre la vie politique. Si leur expérience s'avère très négative, nous les perdons. Nous perdons potentiellement une députée, une élue, et je dirais qu'au SESJ à la Chambre, nous voyons cela souvent. Nous entendons également souvent des femmes hautement qualifiées qui quittent Service correctionnel Canada en disant: « Je ne peux pas faire ça, non. Je dois partir. » C'est aussi vrai à la GRC.
Je vais m'arrêter ici.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos recommandations concises, constructives et pragmatiques qui étaient parfois redondantes.
Nous nous entendons tous assurément pour dire que ce projet de loi est important, mais nous pensons qu'il devrait avoir plus de mordant, et vous nous avez donné des pistes ce soir. Si vous avez des recommandations ou des amendements à proposer au Comité, nous serions... Nous devons procéder très rapidement. Comme vous le savez, nous sommes sur la voie rapide et nous avons jusqu'à la semaine prochaine pour présenter nos amendements. Vous avez parlé, par exemple, de la définition. C'est certainement un élément qui nous intéresse.
J'ai appris en cours de route que l'enquêteur du ministère du Travail ne s'occupe pas des détails de l'enquête, ce qui veut dire que l'enquêteur indépendant est toujours embauché par l'employeur lorsqu'il y a un lien, et nous croyons que l'employeur pourrait y voir une preuve d'impartialité. La question que je veux vous poser est, étant donné que vous représentez surtout les employés, comment voyez-vous le rôle du syndicat lorsqu'un employé va de l'avant?
Monsieur Phillips, ma première question pour vous est la suivante. Vous avez parlé du comité de santé et sécurité en milieu de travail, je crois. Pourriez-vous m'expliquer comment nous pourrions amender le projet de loi pour arriver...? Ou madame Bauman...
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Merci beaucoup de la question.
On a souvent entendu dans les médias, et même dans les réseaux de murmures, que les accusés de harcèlement ne savaient pas qu'ils commettaient une tel acte. Ils ne se rendaient pas compte qu'ils instauraient un climat de malaise pour les gens de leur entourage.
Notre préoccupation est de trouver une définition qui servira d'outil de prévention. Par exemple, si l'on transmet l'information au sujet du harcèlement de manière efficace et qu'on informe les gens de manière concise, personne ne pourra dire qu'il ne savait pas que c'était un comportement inapproprié ou un acte de harcèlement. Une fois que l'on aura trouvé une définition, il n'y aura plus de déni plausible.
Notre convention collective comporte une définition claire et concise. En fait, certains de nos membres viennent nous voir pour nous dire qu'ils ont vécu cette expérience, mais qu'ils ne croyaient pas qu'il s'agissait de harcèlement. En nous appuyant sur notre définition, nous pouvons dire à ces personnes qu'il s'agissait effectivement de harcèlement ou, au contraire, que ce n'en était pas. Par la suite, nous traitons la situation en bonne et due forme.
Une définition bien élaborée permet de valider l'expérience de la personne et de déterminer si elle a vécu du harcèlement ou non. Nous pensons qu'il serait très important que cette définition soit établie dès maintenant, et qu'elle soit non seulement établie par voie de règlements, mais bien inscrite dans un projet de loi adopté par le Parlement. De cette façon, on obtient à la fois le consentement des parlementaires et le consentement du public à propos de la définition du harcèlement.
Par exemple, notre définition a été établie grâce à une collaboration entre la direction et le syndicat.
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Merci à vous tous de votre présence et de vos précieux témoignages.
J'ai demandé l'avis d'autres témoins sur l'importance de l'indépendance. J'ai d'ailleurs eu le privilège de visiter, en janvier, l'Établissement à sécurité maximale d'Edmonton et de rencontrer certains des employés du SESG, ainsi que les agents correctionnels et la direction. Comme je crois l'avoir déjà mentionné au Comité, lorsque j'ai lu le rapport qui a été produit au sujet de cet établissement, j'ai fait des cauchemars le soir même. C'est tout simplement ahurissant de penser que cette situation a persisté pendant 10 ans et que des gens devaient continuer à se présenter au travail et à faire face à ces... Comme Nancy l'a dit, le mot « flagrant » ne suffit même pas.
J'ai lu le rapport, et on y trouve de très bonnes recommandations. Comme prochaine étape, il y a un rapport et des recommandations. Je sais que d'aucuns sont d'avis qu'il faut également assurer une certaine indépendance dans la mise en oeuvre de ces recommandations. Ai-je raison de penser ainsi? Par ailleurs, il faut prévoir une obligation de rendre des comptes, pas nécessairement par l'entremise de SCC, mais peut-être par l'intermédiaire du ministère du Travail. Un rapport a été rédigé, nous avons fait des recommandations, et il est à espérer qu'une personne indépendante... aidera à mettre le tout en oeuvre et à en rendre compte.
Je me demande si vous pourriez dire un mot là-dessus et si vous estimez qu'une telle démarche serait utile en guise de suivi. Cela irait dans le sens de vos propos sur les recours et les mesures de réparation, notamment lorsqu'il y a une sorte de lien hiérarchique.
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Ayant visité plusieurs établissements au cours des dernières années, j'ai pu constater que le degré de harcèlement est fort variable; cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de harcèlement. Je pense notamment à l'Établissement d'Edmonton.
Mme Pam Damoff a eu l'occasion de visiter divers établissements. Je pense certainement qu'il existait un sentiment profond de déconnexion dans l'Établissement à sécurité maximale d'Edmonton. Nous nous y sommes rendus la semaine dernière, et le directeur nous a indiqué que l'établissement est une île en soi, complètement déconnectée de la culture globale de Service correctionnel Canada, ce qui est déplorable, à dire vrai. À d'autres endroits, le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice réclame des enquêtes parce qu'il sait qu'ils sont également le théâtre de comportements troublants. La situation varie donc effectivement selon l'endroit.
Cela signifie-t-il que ce n'est qu'à Edmonton que le leadership est nécessaire? Absolument pas. Je pense qu'il y a un besoin criant de meilleurs mécanismes, et je laisserai Bethany traiter de la question, car un sentiment s'étend à l'échelle de toute la culture. La situation varie toutefois d'un endroit à l'autre.
Ce que je trouve remarquable à propos de l'Établissement d'Edmonton, c'est à quel point la situation a perduré et le rôle fondamental que le commissaire a joué. Malheureusement, j'ai le regret de dire que nous n'avons pas bénéficié d'un tel leadership. Le Syndicat s'est souvent fait dire qu'il chassait des fantômes et qu'à moins que les gens ne révèlent leur nom et leur vie personnelle, rien ne justifiait une enquête.
Voilà pourquoi ce projet de loi est si important à la GRC, à SCC et dans certains établissements. Il faut absolument qu'il y ait un mécanisme de sécurité à l'extérieur du ministère. C'est également vrai pour la Colline du Parlement.
Je le répète, je suis enchantée qu'un mécanisme de sécurité soit envisagé. Nous voulons que vous instauriez un mécanisme adéquat, car nous savons que nous n'avons qu'une occasion d'agir, outre lors des examens quinquennaux, et il importe de veiller à ce que le mécanisme soit le plus solide possible.
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Nous avons entrepris une évaluation conjointe du bien-être en milieu de travail, dans le cadre de laquelle nous avons constaté que les employés et nos membres se réjouissaient de nous voir collaborer. Ils ne voulaient pas avoir l'impression de n'être qu'un syndiqué ou un employé, car ils sont les deux. Heureux de ne pas se sentir déchirés, ils nous ont remerciés de collaborer. Je pense donc qu'il est absolument crucial que les syndicats s'impliquent; dans le cas présent, c'est certainement le syndicat qui possédait l'expertise de haut niveau.
Sachez que dans cet organisme, il s'est passé quelque chose lors de la semaine d'information sur le harcèlement, et cela a un lien avec un certain nombre de questions dont nous avons discuté aujourd'hui. La personne au sommet de la hiérarchie au sein de l'organisation a fait référence à la femme y occupant le poste le plus élevé en employant un terme à connotation sexuelle devant des centaines d'employés, sûrement par inadvertance. Comme cette personne était profondément désolée et bourrelée de remords lorsqu'elle a présenté ses excuses devant 300 personnes, les gestionnaires ont affirmé, en pleine semaine de lutte contre le harcèlement, qu'ils voulaient des blagues en milieu de travail.
L'organisation a entamé un examen exhaustif de cet incident dans l'espoir que la GRC puisse bénéficier d'une expertise en matière de lutte au harcèlement à tous les échelons; or, il s'est avéré que cette expertise était absente à tous les niveaux. Les responsables n'ont donc pas été en mesure d'expliquer au personnel pourquoi... Pour le syndicat, il importait peu que l'incident ait eu lieu. Ce qui comptait, c'est le fait que l'organisation ait été complètement incapable de gérer cette affaire et d'expliquer au personnel en quoi consistait le harcèlement, et ce, même si c'était la semaine de lutte au harcèlement et que tout le monde avait suivi la formation.
Je sais que cela fait partie du défi à relever. Il est absolument nécessaire d'offrir de la formation. Dans ces milieux de travail, même quand on tient une semaine de lutte au harcèlement et offre de la formation à cet égard, 95 % des employés ne comprennent pas la définition de harcèlement de la GRC, que nous jugeons pourtant correcte. Je pense que nous pourrions tous vous présenter des définitions décentes. Nous avons constaté que 95 % des employés de tous les échelons de la GRC ne comprennent pas la définition de harcèlement.
J’allais poser une question à propos du whip, mais étant donné que vous avez formulé ces observations et que je travaille ici depuis 14 ans, je peux vous dire que l’une des premières choses que l’on fait ici consiste à déterminer qui est le whip afin d’obtenir la liste des gens qui sont à la recherche d’un emploi. Au fil des ans, le bureau du whip m’a été très utile lorsque je cherchais du personnel.
Il ne serait peut-être pas pratique de retirer complètement le whip du processus si un problème survient. Les whips ne devraient peut-être pas participer au processus dans la mesure où ils le font en ce moment, mais je pense qu’ils devraient tout de même y jouer un rôle étant donné qu’ils sont les gardiens de chaque parti lorsqu’un problème se produit. Ils rendent des comptes au chef du parti lorsqu’il y a des problèmes. Je pense qu’il importe que les whips interviennent dans une certaine mesure, mais cette question sera débattue à cette table.
J’ai toutefois une question à vous poser. Elle est liée aux gens qui ont été victimes de harcèlement et, en particulier, de harcèlement sexuel et qui ont maintenant du mal à s’en sortir en tant que victimes. Une discussion a eu lieu à cet égard. Je crois que c’est vous qui avez parlé d’apporter un soutien aux victimes et de ce à quoi ressemblerait ce soutien.
Nous avons entendu le témoignage de la Chambre et ses explications quant à ce qu’elle considère comme l’aide à apporter à toute personne qui en a besoin. Pourriez-vous nous dire si l’aide qui existe à l’heure actuelle est adéquate? Dans certains cas, je suppose qu’une telle personne pourrait ne pas être en mesure de continuer à travailler dans cet environnement, si elle éprouve des difficultés et s’il y a des éléments qui déclenchent des souvenirs du harcèlement ou de l’agression. Si la personne éprouve vraiment des difficultés, les mesures que nous prenons sont-elles adéquates, ou faut-il les modifier? Dans l’affirmative, comment pensez-vous que les mesures devraient être modifiées?