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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 125 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1130)

[Français]

[Traduction]

    J'espère que vous avez passé une merveilleuse fin de semaine et que vous avez pu vivre des moments riches de sens dans vos communautés hier, à l'occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
    Chers collègues, nous sommes ici pour la 125e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je vous rappelle, comme toujours, que pour protéger la santé et le bien-être de nos interprètes — qui travaillent si dur pour nous —, vous êtes priés de déposer vos casques d'écoute sur les autocollants devant vous lorsque vous ne les utilisez pas.
    Je remarque que nous avons quelques invités parmi nous aujourd'hui. Bienvenue, monsieur Nater et bienvenue, monsieur Louis. Monsieur Ruff, c'est un plaisir de vous voir ici.
    Chers collègues, comme vous le savez, nous entamons notre première série de questions et réponses concernant le projet de loi C‑377, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada. Il est toujours agréable qu'un collègue puisse se joindre à nous pour nous faire part de son point de vue et de son témoignage sur un projet de loi que nous étudions.
    M. Ruff, notre collègue de Bruce—Grey—Owen Sound, qui est le parrain du projet de loi, aura la parole pendant 10 minutes. C'est un plaisir de vous voir à notre comité, monsieur. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration liminaire, après laquelle nous passerons à la période de questions et réponses, comme d'habitude. Sur ce, monsieur Ruff, vous avez la parole.
    Est‑ce que je dispose de 10 minutes?
    Vous avez un maximum de 10 minutes. Si vous n'en voulez pas, vous...
    Excellent. J'ai écourté mes propos pour qu'ils durent environ cinq minutes. Je vais parler plus lentement pour les interprètes, alors ils seront contents.
    Oui, vous avez une précision militaire.
    Monsieur le président, nous sommes réunis pour parler de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C‑377, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, qui ajouterait le paragraphe suivant:
Le sénateur ou le député qui présente une demande d’habilitation de sécurité de niveau secret délivrée par le gouvernement fédéral est, aux fins d’examen de sa demande, réputé avoir besoin des renseignements visés par celle-ci.
    Qu'est‑ce que cela signifie vraiment? Cela signifie que, aux fins de la demande d'habilitation de sécurité, les parlementaires ont un besoin de savoir. L'aspect le plus important à comprendre, c'est que ce projet de loi permettrait aux parlementaires de demander seulement une cote de sécurité de niveau secret. Le gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, ne pourrait pas empêcher un parlementaire de faire une demande. C'est tout ce que le projet de loi ferait; il permettrait aux parlementaires de présenter une demande.
    Le projet de loi ne garantit pas que les demandes des parlementaires, s'ils en présentent, seront acceptées. Ils devront encore se soumettre au même processus de vérification et d'habilitation de sécurité du gouvernement. Je détiens une cote de sécurité de niveau secret depuis des décennies. J'ai une cote de sécurité de niveau très secret depuis plus de 15 ans. Le fait d'avoir une habilitation de sécurité ne garantit pas qu'on a accès à tous les renseignements classifiés qu'on veut, quand on le veut, ou portant sur n'importe quel dossier classifié. Il faut tout de même démontrer au gouvernement le besoin de savoir pour avoir accès aux renseignements classifiés. Il s'agit, dans les faits, du deuxième garde-fou du principe du « besoin de savoir » pour protéger les renseignements classifiés.
    Pourquoi est‑il si important d'accorder aux parlementaires une cote de sécurité de niveau secret? Le préambule de mon projet de loi, le projet de loi C‑377, dit:
devant les menaces à la paix et à la sécurité mondiales posées par des acteurs étatiques ou non étatiques malveillants, le gouvernement fédéral doit prendre des décisions difficiles en matière de sécurité nationale, et ce, sans déroger à son obligation constitutionnelle de rendre des comptes au Parlement et dans le respect de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits;
    Ce libellé souligne la nécessité d'améliorer la transparence, la reddition de comptes et la sensibilisation entourant les menaces en constante évolution qui pèsent sur le Canada et sur nos institutions et processus démocratiques. Mais, au bout du compte, il faut que le Parlement rétablisse la confiance dans ces mêmes processus et institutions démocratiques.
    Examinons certains témoignages que vous avez entendus à votre comité au cours de la dernière année. Vous avez reçu Vincent Rigby. Il a été conseiller à la sécurité nationale et au renseignement de janvier 2020 à juin 2021. Il a déclaré qu'il fallait accroître la transparence en produisant des évaluations annuelles des menaces publiques, en répondant aux rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement — ou CPSNR —, en publiant les priorités en matière de renseignement et, surtout, en communiquant plus de renseignements aux députés.
    Dans la conclusion de l'ouvrage Top Secret Canada: Understanding the Canadian Intelligence and National Security Community, publié sous la direction de Stephanie Carvin, Thomas Juneau et Craig Forcese, on lit:
Les Canadiens (et leurs dirigeants politiques) doivent connaître le contexte pour éviter de basculer brusquement de l'indifférence à la panique lorsque des incidents de sécurité se produisent. De même, la transparence et la littératie en matière de sécurité nationale aident les citoyens à faire la différence entre les vrais scandales et le bruit. De façon plus générale, les Canadiens devront acquérir une compréhension renouvelée des dilemmes difficiles qui se posent souvent lorsqu'il s'agit de protéger un État libre et démocratique.
    Examinons quelques exemples parlementaires réels où l'accès à des renseignements classifiés est devenu un sujet politique épineux sous le gouvernement libéral actuel et sous l'ancien gouvernement conservateur: respectivement, les laboratoires de Winnipeg et le dossier des détenus afghans. Comment le Parlement a‑t‑il fini par réagir à ces deux dossiers? Des comités spéciaux ont été créés à la dernière minute, ce qui a entraîné une politisation indue de tout le processus. Au lieu de cela, si les députés avaient déjà eu une habilitation de sécurité, le processus aurait été accéléré et la politisation minimisée.
    Examinons l'exemple plus récent de l'ingérence étrangère. Nous savons que les parlementaires sont ciblés — et ce n'est pas nouveau. Nous pouvons penser au rapport annuel de 2019 du CPSNR, dans lequel on recommandait que les parlementaires soient informés des menaces auxquelles ils font face en raison de l'ingérence étrangère. Cette recommandation a été de nouveau soulignée et mise en évidence dans la plus récente enquête publique en cours sur l'ingérence étrangère; dans l'examen de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement — dans le rapport; et dans le plus récent rapport du CPSNR, qui vient d'être déposé en mai.
(1135)
    Ce que j'essaie de dire — et nous avons entendu certains de ces commentaires de la part de parlementaires qui ont reçu des mémoires génériques en réaction à l'ingérence étrangère —, c'est que ces documents ne sont pas suffisamment précis et détaillés pour faire comprendre aux parlementaires les menaces qui pèsent contre eux.
    En réponse à ces rapports, le gouvernement a déposé le projet de loi C‑70, et je félicite le Parlement d'avoir accéléré son adoption avec l'appui de tous les partis, car un élément pertinent du projet de loi C‑70 a apporté des modifications à la Loi sur le SCRS. Ces changements permettent maintenant au SCRS d'échanger des renseignements classifiés à l'extérieur du gouvernement fédéral, avec d'autres ordres de gouvernement — les provinces et les territoires, les municipalités et les Premières Nations — et avec l'industrie et d'autres intervenants.
    Cependant, il reste un obstacle à éliminer: ces personnes doivent encore obtenir une habilitation de sécurité pour être informées. Sans autorisation, elles ne peuvent pas avoir accès à cette information à moins qu'il s'agisse d'une menace imminente, que la vie de quelqu'un en dépende ou qu'une grave menace plane sur la population. Toutes sortes d'exceptions permettent à nos organismes de sécurité nationale, y compris le SCRS, d'apporter leur aide.
    Enfin, j'aimerais rappeler au Comité la recommandation qui a fait consensus dans votre groupe et que vous avez formulée plus tôt cette année dans le rapport sur la question de privilège concernant le député de Wellington—Halton Hills et d'autres députés. La recommandation 3 dit:
Que le gouvernement travaille avec les whips des partis reconnus pour faciliter les habilitations de sécurité, au niveau secret ou supérieur, des membres du caucus qui ne sont pas des conseillers privés (en particulier ceux et celles qui siègent à des comités ayant des mandats concernant les affaires étrangères, la défense nationale et la sécurité nationale), qui satisfont aux exigences du « besoin de savoir, » afin de s'assurer qu'ils peuvent être informés de manière adéquate sur les questions importantes de sécurité nationale, y compris les activités des services de renseignement étrangers qui sont dirigées contre le Parlement, les partis ou les membres des caucus et qui constituent des menaces.
    Essentiellement, ce comité a déjà recommandé et appuyé les objectifs dans le projet de loi C‑377.
    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions de mes honorables collègues.
    Merci beaucoup, monsieur Ruff.
    Très bien, chers collègues, nous allons passer directement à notre première série de questions.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Ruff.
    Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi ce projet de loi est nécessaire. Vous avez mentionné avoir une cote de sécurité de niveau très secret en raison de votre service dans les Forces armées canadiennes. Est-il juste de dire que les députés, à moins qu'ils aient une habilitation de sécurité en raison d'un emploi antérieur ou qu'ils soient parmi les rares membres nommés au CPSNR — auquel vous siégez — n'ont presque aucune chance d'obtenir une habilitation de sécurité de niveau secret ou toute autre habilitation de sécurité?
(1140)
    Je suis d'accord avec M. Cooper; il a bien résumé la situation.
    Elle nous ramène aux principes entourant la protection des renseignements classifiés dans ce pays et au principe du « besoin de savoir. » Comme je l'ai souligné dans ma déclaration préliminaire, il y a vraiment deux critères. Premièrement, l'emploi occupé doit justifier l'accès à l'information ou le besoin de savoir. Dans mon cas, en tant qu'ancien membre des Forces armées canadiennes, j'ai dû demander une cote de sécurité de niveau secret. Lorsque j'ai accepté des postes pour lesquels je devais obtenir une cote de sécurité de niveau très secret, j'en ai fait la demande et je l'ai obtenue. Cependant, pour en venir à mon propos, cela ne veut pas dire qu'on a accès à des renseignements; tout dépend du poste occupé.
    Au Parlement, les membres du Cabinet, les membres du Conseil privé, les secrétaires parlementaires et, maintenant, les membres du CPSNR ont des cotes de sécurité, et la liste s'arrête là. Il se peut qu'il y ait de rares exceptions où un député réussit à en obtenir une auprès du gouvernement, mais je ne suis au courant d'aucun exemple. Le fait est que le gouvernement pourrait tout simplement refuser la demande à tout moment et dire: « Vous savez quoi? Vous n'avez pas ce besoin de savoir. »
    L'objectif de ce projet de loi est de reconnaître ce besoin de savoir. Encore une fois, je peux simplement revenir aux deux exemples passés que j'ai soulignés: les dossiers des détenus afghans et les laboratoires de Winnipeg. La raison que le gouvernement a donnée pour ne pas remettre de documents aux comités compétents qui étudiaient ces enjeux à l'époque était la première: « Les députés n'ont pas d'habilitation de sécurité. »
    Merci.
    Votre projet de loi modifie la Loi sur le Parlement du Canada en établissant une présomption selon laquelle un député ou un sénateur a accès à une cote de sécurité de niveau secret, ou se la verra accorder, sur la base d'un besoin de savoir. Je tiens à préciser qu'il ne s'agit que d'une présomption. Le projet de loi permettrait simplement au député ou au sénateur de commencer la première étape du processus, et c'est tout. Est‑ce exact?
    C'est exact. Le projet de loi établit simplement que, à titre de parlementaires, nous avons un besoin de savoir. Je vous ai donné des exemples passés. En particulier, l'exemple le plus pertinent et auquel nous sommes tous confrontés aujourd'hui est celui de l'ingérence étrangère. Nous devons être en mesure de prendre l'enjeu au sérieux.
    C'est une de mes bêtes noires depuis des décennies — bien avant mon élection. Le Canada fait piètre figure en matière de... Nous classifions les renseignements à outrance. Nous ne comprenons pas... nous manifestons un intérêt de pure forme au sujet de la sécurité nationale.
    La première étape pour rétablir cette confiance dans nos processus démocratiques consiste à permettre à ceux qui représentent la population canadienne — c'est‑à‑dire les députés et les sénateurs élus — à mieux comprendre les menaces auxquelles nous sommes confrontés, parce que des décisions difficiles doivent être prises.
    Je suis désolé d'informer ceux qui ne le savent peut-être pas, mais le monde devient plus instable et plus compliqué que jamais. Pour nous attaquer à cette situation, nous devons tout d'abord penser plus intelligemment et nous sensibiliser davantage, ici, au Parlement.
    Mon projet de loi rend seulement la première étape possible. Un parlementaire n'aurait pas nécessairement accès aux renseignements.
    J'aimerais aussi que vous nous en disiez davantage sur le fait que seule la cote de sécurité de niveau secret est visée. C'est différent, par exemple, d'une cote de sécurité de niveau très secret.
    Pouvez-vous expliquer les différences entre une habilitation de sécurité de niveau secret et une habilitation de sécurité de niveau très secret? Aussi, pourquoi a‑t‑on choisi de miser sur une habilitation de sécurité de niveau secret pour les députés et les sénateurs?
    C'est une bonne question.
    Vous pouvez chercher sur Google les règles du Secrétariat du Conseil du Trésor pour trouver les différences entre les différentes cotes: fiabilité approfondie, confidentiel, secret et très secret. Mais, en résumé, voici la façon la plus facile de les différencier.
    À mon avis, 95 % des renseignements qui doivent être communiqués à un ministère ou à un parlementaire ne dépassent jamais le niveau secret.
    La différence entre les niveaux secret et très secret... C'est avec la cote très secrète que nous avons obtenu cette information, étant donné la nécessité de protéger les sources, qu'il s'agisse de personnes, de techniques ou de quoi que ce soit d'autre. Mais qu'est‑ce que ça peut bien faire! Nous devons connaître l'essentiel de l'information. C'est pourquoi le niveau secret est approprié.
    Encore une fois, les ressources nécessaires pour communiquer au niveau très secret sont très coûteuses. En réponse à une autre question, je pourrais vous parler en détail des lacunes dans les systèmes de communication classifiés au pays.
(1145)
    Merci beaucoup, monsieur Cooper.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur Ruff. Je vous remercie de votre présence et de votre témoignage.
    J'ai encore du mal à comprendre les intentions réelles derrière ce projet de loi. Je l'examine et je remarque ce passage: « réputé avoir besoin des renseignements visés par [cette demande]. »
    Ce libellé me semble particulièrement préoccupant, étant donné que si, en tant que député, je veux demander une habilitation de sécurité de niveau secret... Je ne l'ai pas en ce moment, pour autant que je sache. En fait, en tant que secrétaire parlementaire, je l'ai peut-être.
    Si un député disait vouloir avoir accès à un certain type de renseignements ou à des renseignements liés à la sécurité nationale, on considérerait qu'il a un « besoin de savoir. » Est‑ce que j'interprète mal l'intention?
    Vous hochez la tête, alors veuillez clarifier le libellé pour moi, parce que c'est ainsi que je l'interprète. Il est très vague.
     Oui et non. L'article dit précisément « [...] aux fins d'examen de sa demande [...] ».
     J'aimerais beaucoup que tous les députés et sénateurs, une fois nommés ou élus, passent par le processus d'habilitation de sécurité et que s'ils échouent — parce qu'il n'y a aucune garantie d'obtenir une telle habilitation —, ce soit largement publicisé. Sur le plan politique, je ne pense pas que ce soit acceptable, alors cela n'arrivera jamais.
    Pour ma première ébauche, j'ai vraiment eu de la difficulté à trouver une façon de procéder sans empiéter sur les questions de privilège parlementaire et d'accès à l'information. C'est pourquoi j'ai écrit le projet de loi à titre de première étape pour aborder la question. Il vous permet de présenter une demande sans que l'on puisse vous refuser de le faire. C'est tout ce que veut mon projet de loi.
     C'est pourquoi ce deuxième article... J'aimerais que le langage soit encore plus simple. Quand on travaille avec les rédacteurs, il arrive parfois que... Je ne suis pas avocat, alors la rédaction de certaines de ces dispositions... C'est ainsi que la mesure législative a été rédigée. C'est là son intention. Elle vous permet uniquement de présenter une demande et le besoin de savoir ne s'applique qu'à la présentation de cette demande.
     Vous avez présenté un très bon exemple, monsieur Turnbull. Vous avez probablement une cote de sécurité de niveau secret sans le savoir. Combien de documents secrets avez-vous lus depuis que vous êtes secrétaire parlementaire? Probablement très peu. Je dirais même aucun, parce que si vous ne savez même pas que vous avez une telle habilitation, alors vous n'avez probablement pas lu de documents secrets, même si vous pourriez le faire.
    Je crois que vous avez peut-être tort à ce sujet, mais ce n'est pas grave.
    Ce que je veux dire, toutefois, c'est qu'en ce qui a trait au besoin de savoir, si moi ou un autre député du Parlement présentons une demande — je vais parler en mon nom — et que l'on considère automatiquement que j'ai besoin des renseignements, si je passe le processus de vérification, alors j'aurai accès à ces renseignements. C'est ce qui me pose problème, parce que selon sa formulation, le projet de loi n'établit pas clairement qu'il y aurait un autre contrôle afin de déterminer si j'ai réellement besoin d'obtenir l'information.
    Vous comprendrez qu'il peut être préoccupant de penser qu'un député du Parlement puisse présenter une demande d'habilitation de sécurité de niveau secret et que l'on juge ensuite qu'il a besoin de connaître les renseignements pour lesquels il a présenté une demande. S'il passe à travers le processus, il aura donc accès à cette information.
     Oui, c'était le but de ce que j'ai souligné — la deuxième étape et le « besoin de connaître ». L'habilitation ne garantit pas l'accès. J'ai eu une cote de sécurité de niveau très secret, que j'ai maintenue lorsque j'ai pris ma retraite de l'armée, parce que si je n'avais pas réussi à me faire élire, je me serais probablement tourné vers la consultation ou la passation de marchés en matière de défense, ou vers un autre travail nécessitant une telle habilitation.
     Par conséquent, mon habilitation de sécurité a été transférée des Forces armées canadiennes à une entreprise privée, qui s'est ensuite enregistrée auprès de Travaux publics à l'époque — maintenant SPAC — afin que je la maintienne. Cependant, j'ai siégé ici pendant deux ans et demi avant d'être nommé au CPSNR. En fait, j'ai pris la parole à la Chambre un jour pour demander à obtenir des renseignements classifiés sur les menaces à la sécurité nationale qui, selon les dires du gouvernement, existaient. Le gouvernement m'a‑t‑il donné accès à un seul de ces documents classifiés? Non. Je siège au CPSNR. Cela signifie‑t‑il que le Secrétariat peut demander et obtenir tous les documents que je veux lire? Absolument pas, et je détiens pourtant les cotes de sécurité les plus élevées qui soient.
     C'est le deuxième principe. Le gouvernement peut toujours décider quels renseignements sont partagés avec qui, et ce sans égard au ministère qui présente la demande. C'est ainsi que fonctionne le processus. Ensuite, il faut se pencher sur la question des ressources que j'ai mentionnées. À moins d'utiliser un système qui vous permet de lire des documents classifiés, vous ne pouvez pas les lire à moins que quelqu'un n'en imprime une copie papier. Ensuite, il y a un tout autre processus à suivre, qui vous permet de savoir quelles sont les exigences pour protéger ces renseignements.
(1150)
     Je comprends cela.
     Vous dites qu'il y a un autre « besoin de connaître », à un un deuxième niveau, qui est déterminé par le gouvernement et qui n'est pas inclus ou mentionné dans votre projet de loi. Sur quoi repose‑t‑il? Est‑ce sur la mesure législative que modifie le projet de loi? Pouvez-vous nous le dire précisément?
     C'est ce qui me préoccupe lorsque je lis ce projet de loi: il semble ouvrir grand les portes. Vous dites que non, et je vous remercie de cette précision, mais je veux savoir où se situe l'autre « besoin de connaître » dans la loi et m'assurer qu'il y a une autre barrière que les gens doivent franchir.
     Ce qui m'inquiète, c'est que les gens pourraient avoir accès à des renseignements qu'ils sont réputés avoir besoin de connaître, mais auxquels ils ne devraient peut-être pas avoir accès, ou alors qu'il n'y a rien qui justifie de façon rationnelle l'accès à ces renseignements.
     Il y a beaucoup de renseignements auxquels j'aimerais avoir accès. J'aimerais avoir accès à l'information dont il est question dans le rapport du CPSNR sur les allégations d'ingérence étrangère dans la course à la direction du Parti conservateur. J'aimerais y avoir accès et en avoir le coeur net.
    Monsieur Turnbull, je vais devoir vous demander de conclure.
    Oui.
    À l'heure actuelle, le chef de l’opposition n'a pas d'habilitation de sécurité, ce que je trouve quelque peu suspect. Je ne comprends pas comment ce peut être acceptable pour un membre de votre caucus. Je m'éloigne du sujet, mais je serai heureux d'en discuter à un autre moment.
    Monsieur Turnbull, je vais devoir vous demander de vous arrêter là. Merci.
    Madame Gaudreau, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Sans vouloir faire un jeu de mots, j'ai également besoin de savoir quelque chose. Quels sont les avantages de faire ce changement-là quant à notre rôle et à nos privilèges parlementaires?

[Traduction]

    Comme je l'ai souligné, l'élément clé, ce sont les menaces auxquelles nous faisons face. Notre rôle en tant que parlementaires est de demander des comptes au gouvernement. C'est la raison d'être du Parlement. C'est ainsi que tout notre système de gouvernement britannique est conçu.
    Nous en avons eu des exemples au fil de l'histoire — j'en ai évoqué deux — et, plus récemment, celui de l'ingérence étrangère. Si un député fait directement face à des menaces d'ingérence étrangère, et que vous n'êtes pas au courant, vos mains sont liées. Encore une fois, tous les commentaires qui ont été formulés dans les recommandations du CPSNR au cours des cinq dernières années, depuis le rapport annuel de 2019, indiquent que les parlementaires et les sénateurs doivent être informés de ces menaces. Si vous n'êtes pas au courant, il est très difficile pour nous de nous en occuper.
    C'est notre rôle d'adopter ensuite les lois que le gouvernement en place présente pour essayer de régler le problème. Si nous ne comprenons pas la nature de ces menaces, il nous est très difficile de bien faire notre travail et d'adopter les meilleures lois et les meilleures mesures de protection pour les Canadiens. C'est ce que j'essaie de faire.
    C'est la même chose que pour les membres des Forces armées canadiennes ou des forces de l'ordre. En raison de votre poste, vous devriez avoir un niveau d'habilitation de sécurité plus élevé que le Canadien moyen, parce que vous devez savoir pour faire votre travail.
    Je pense simplement que les parlementaires ont besoin d'être mieux informés et d'être mieux sensibilisés afin que, lorsque la deuxième étape du principe du besoin de connaître se présente, vous puissiez vous occuper de la question et obtenir l'accès, s'il est justifié, et que vous présentiez des arguments convaincants au gouvernement en place.

[Français]

     Je comprends le besoin de savoir. Je comprends aussi son impact, particulièrement dans le dossier de l'ingérence étrangère. Ce n'est pas pour rien que plusieurs recommandations ont été formulées dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑70.
    D'un autre côté, quelles sont les conséquences néfastes? Que peut-il arriver suivant une telle demande? Il y a les questions portant sur la cote de sécurité et la protection des parlementaires, et il y a celles touchant l'information. Celle-ci doit être dite, elle doit être connue, mais cela a un prix.
    Quel serait le risque?
(1155)

[Traduction]

     Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir. Si vous parlez du risque de fournir cette information aux députés, alors c'est une excellente question dont le Comité devrait être saisi. Encore une fois, mon projet de loi ne s'attaque pas à cette question, parce que je sais qu'il est très difficile d'aller au fond des choses dans un projet de loi d'initiative parlementaire. Cependant, prenons seulement deux ou trois exemples précis.
     Nous avons eu deux comités spéciaux sur le dossier des détenus afghans et sur les laboratoires de Winnipeg. Y avait‑il un risque? Parmi ces parlementaires qui ont reçu la cote de sécurité appropriée, y en a‑t‑il qui ont divulgué au public des choses qu'ils n'auraient pas dû divulguer? Le CPSNR a été créé en 2017. Il traite des renseignements de nature très délicate à un niveau beaucoup plus élevé. Y a‑t‑il eu une seule fuite de renseignements auprès du public?
     Il y a des conséquences, vous savez, et cela fait partie du processus que j'essaie de faire comprendre à tout le monde. Lorsque vous passez par le processus d'habilitation de sécurité et que vous présentez une demande, vous comprenez mieux l'importance de protéger les renseignements de nature délicate ou classifiée.

[Français]

     Ce qui est essentiel, dans ma question, c'est de savoir jusqu'où on devrait aller. Quelles conséquences peut avoir le fait d'avoir accès à de l'information très secrète?
    Actuellement, à la Chambre des communes, nous utilisons beaucoup d'informations pour atteindre nos fins. Jusqu'à quel degré le besoin de connaître est-il légitime, positif et avantageux? Je comprends très bien que si je suis ciblée par de l'ingérence étrangère, j'ai besoin de le savoir. Cependant, ai-je besoin de savoir ce qui se passe ailleurs? Voilà ma question.

[Traduction]

     Encore une fois, mon projet de loi ne règle pas tout cela; il ne fait que franchir la première étape qui permet à tout parlementaire de demander une habilitation de sécurité. Comme je l'ai dit, cela ne garantit pas que vous allez l'obtenir, et il est fort possible que certains parlementaires n'obtiennent pas la cote de sécurité de niveau secret. Encore une fois, cela ne garantit pas l'accès.
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, l'avantage ici, c'est que l'on élimine la politisation. Quel que soit le parti politique au pouvoir, la population n'aura pas de doute, parce que tous les députés qui représentent les gens auront obtenu une cote de sécurité.
     Si un comité ou le Parlement détermine qu'il doit avoir accès à certains renseignements, cela aura une importance beaucoup plus grande que si nous nous levons à la Chambre. Cela ne permettra pas de manipuler le gouvernement, mais nous aurons en place une mesure qui permettra aux comités et au Parlement de demander des renseignements. Il ne s'agit pas de s'adresser à n'importe qui, n'importe comment. Il y a un processus à respecter.
    Merci, madame Gaudreau.
    Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Je vous remercie de nous présenter ce projet de loi aujourd'hui.
    J'ai beaucoup de questions au sujet de qui a accès à l'information et qui n'y a pas accès.
    Vous avez donné l'exemple de certains comités. Dans le cas des comités spéciaux créés par le Parlement, si les parlementaires ont une habilitation de sécurité, alors ils auront un meilleur accès à l'information dont ils ont besoin, mais cela ne garantit pas que tous les membres d'un comité obtiendront la cote. La composition des comités change constamment. Certains événements se produisent et nous devons être dans nos circonscriptions. Parfois, nous sommes malades. Ces choses‑là arrivent.
    Si vous siégez à un comité qui traite de renseignements de nature délicate où tous les membres ont une habilitation de sécurité et que vous êtes malade un jour, vous aurez besoin d'un remplaçant. Si ce remplaçant n'a pas obtenu une cote de sécurité, alors le comité ne peut pas poursuivre ses travaux. Est‑ce exact?
    Un député: Non.
(1200)
    Pas du tout, parce que c'est le but du projet de loi. Lorsque j'ai eu l'idée au départ, c'était pour que les membres du comité de la défense, du comité des affaires étrangères et du comité de la sécurité publique aient tous une habilitation de sécurité de niveau secret. Il fallait ensuite déterminer le nombre approprié et la façon d'en assurer le contrôle.
    Non, mon projet de loi permet à tous les parlementaires... Idéalement, après les prochaines élections fédérales, les 343 députés élus obtiendront une cote de sécurité de niveau secret, s'ils en font la demande, parce que je ne vais pas intervenir au sujet des privilèges parlementaires, comme je l'ai dit plus tôt. S'ils décident de faire la demande, ils pourront le faire. Ainsi, tous les partis politiques auront cette souplesse, parce que techniquement, tous les membres de leur caucus, tous les députés du Parlement et tous les sénateurs pourraient avoir une cote de sécurité de niveau secret s'ils en faisaient la demande et s'ils répondaient aux critères établis.
    Qu'arriverait‑il s'ils n'obtenaient pas la cote de sécurité?
    S'ils n'obtiennent pas la cote de sécurité? C'est une autre très bonne question. Lorsque j'ai abordé la question avec des bureaucrates, ils m'ont dit que c'était une excellente idée. J'ai parlé à des gens au Bureau du Conseil privé et à la sécurité nationale. Ils m'ont dit que c'était une excellente idée, mais qu'elle ne serait pas acceptée sur le plan politique parce que mes collègues s'inquiéteraient des conséquences d'un refus, s'il était rendu public, mais...
    Nous sommes tous égaux, pourtant. Cela ne nuirait‑il pas à l'égalité entre les députés? Même si une personne décidait de ne pas faire la demande, pour des raisons personnelles... Votre propre chef a décidé de ne pas obtenir une habilitation de sécurité. C'est un choix. Comment peut‑on assurer l'équilibre et veiller à ce que nous soyons tous égaux?
    Permettez-moi de préciser une chose: M. Poilievre est un ancien membre du Conseil privé; c'est un ancien ministre. Il a obtenu une cote de sécurité, de niveau très secret...
    Il a choisi de ne pas la demander...
    ... et lorsqu'il était ministre, cette cote était renouvelée tous les deux ans, sous le gouvernement précédent.
    Le gouvernement actuel, en 2019... Selon la réponse que j'ai obtenue, qui a été signée par M. Duguid, le gouvernement a changé les règles en 2019. Aujourd'hui, une fois que les ministres ont obtenu une cote de sécurité, ils n'ont plus à la renouveler. On ne fait plus aucune vérification, alors...
    Très bien. Il a décidé de ne pas avoir accès à certains renseignements, mais si les députés font un tel choix en décidant de demander ou non une cote de sécurité, cela ne vient‑il pas nuire à l'équilibre, à l'équité et à l'égalité parmi eux?
    C'est une excellente question, mais à l'heure actuelle, les députés n'ont accès à rien, n'est‑ce pas? Mon projet de loi ne s'attaque pas à... C'est une discussion importante, que nous devrions avoir. Mon projet de loi ne va pas aussi loin.
    Il vous permet seulement de demander une habilitation de sécurité. C'est tout. Ensuite, il permet au Parlement et aux comités de faire valoir au gouvernement en place qu'ils devraient avoir accès à certains renseignements supplémentaires.
    Il va jusque là, en ce sens que si les députés n'obtiennent pas cet accès, on crée une division et, comme vous l'avez dit, ce pourrait même être un enjeu politique: cela pourrait être utilisé contre eux.
    Si l'on parle de la primauté du droit, où les gens doivent prendre une décision sur la personne qui va les représenter, alors rien ne doit interférer avec cette décision. Toutefois, une habilitation de sécurité supplémentaire ou le fait d'avoir accès à des renseignements auxquels d'autres n'ont pas accès aura une incidence sur cette décision, non?
    Non, parce qu'il s'agit simplement des règles en vigueur. Selon les règles actuelles du Conseil du Trésor, si vous avez accès à des renseignements classifiés et que vous ne les protégez pas, il y a des conséquences. C'est l'idée. Si un député ne se conforme pas à ces règles, les services de sécurité — les forces de l'ordre, le SCRS, tous les acteurs de ce processus d'examen — disent au gouvernement de ne pas lui accorder d'habilitation de sécurité parce qu'il n'est pas digne de confiance.
    C'est vraiment ce à quoi se résume la question, et c'est une préoccupation légitime. Cependant, il s'agit d'une question de protection des renseignements personnels qui ne devrait jamais se poser. On pourrait avancer de nombreux arguments, mais encore une fois, ce choix revient à la personne en tant que député. Voilà pourquoi on ne peut pas rendre la chose obligatoire. Certains d'entre nous aimeraient que ce soit obligatoire et que cela devienne... Pour cela, on ne peut pas accorder cette habilitation à une personne qui n'est pas digne de confiance, car c'est ce que les fonctionnaires de notre gouvernement... C'est leur rôle: protéger ces renseignements. Ils ne donneront pas accès à des renseignements à quiconque n'a pas... si l'on n'est pas certain qu'ils sont sûrs et qu'ils vont assurer une protection adéquate des renseignements classifiés dans ce pays.
     Mais dans une certaine mesure, le pouvoir exécutif ne le fait‑il pas déjà entre...
    Monsieur Ruff et madame Mathyssen, il ne vous reste que quelques secondes.
    Au lieu que le SCRS s'en charge, la branche exécutive du gouvernement ne fait-elle pas déjà ce travail? Vous dites que vous déplacez peut-être ces facteurs de décision...
(1205)
    Non, pas du tout.
    Mme Lindsay Mathyssen: ... ou vous contestez...
    M. Alex Ruff: Ce n'est pas l'organe exécutif qui prend la décision d'accorder ces habilitations de sécurité. Regardez ce qui s'est passé avec les deux comités spéciaux. Chaque parti devait proposer des noms. Les personnes ont ensuite été soumises à un contrôle avant de recevoir une habilitation ou d'avoir accès à des renseignements.
    Merci beaucoup, madame Mathyssen.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Monsieur Ruff, quel est le nombre approximatif de Canadiens qui ont demandé une habilitation de sécurité secrète ou qui en possèdent actuellement une? Avez-vous ces statistiques?
    Oui. Ecoutez, j'ai posé une autre question à inscrire au Feuilleton que quelqu'un dans la salle a peut-être signée dernièrement.
    Ces 10 dernières années, on a enregistré environ 250 000 demandes d'habilitations de sécurité secrètes dans l'ensemble des ministères. Ce n'est évidemment pas énorme, mais c'est sur une période de 10 ans. Savez-vous combien de ces quelque 250 000 demandes d'habilitation de sécurité secrète ont été rejetées? Il y en a eu 23 au niveau secret.
    Il y a eu 250 000 demandes au cours des 10 dernières années et pourtant, dans l'état actuel des choses, on exclurait un député en exercice, qui pourrait faire partie du cabinet, être secrétaire parlementaire et avoir obtenu une habilitation au cours d'une carrière antérieure. C'est étrange. Ce n'est pas très logique, étant donné que la fonction principale des parlementaires est de demander des comptes au gouvernement sur les questions de sécurité nationale, de politique étrangère, de défense nationale, de sécurité publique, et autres.
    Comment expliquer que 250 000 Canadiens possèdent une habilitation de sécurité secrète, alors que si, en tant que député, j'en faisais la demande, il est presque certain qu'on me la refuserait?
    C'est pourquoi on a déposé le projet de loi C‑377, monsieur Cooper.
     Vous avez mentionné dans votre témoignage une recommandation clé du rapport de ce comité sur la question de privilège relative au député Michael Chong et à d'autres députés, qui a découlé du fait que le gouvernement ne les a pas informés qu'eux et leurs familles étaient ciblés par le régime de Pékin. On recommande « Que le gouvernement travaille avec les whips des partis reconnus pour faciliter les habilitations de sécurité, au niveau secret ou supérieur... afin de s’assurer qu’ils peuvent être informés de manière adéquate sur les questions importantes de sécurité nationale ».
    C'est en fait ce que votre projet de loi inscrirait dans la loi... ou du moins, pour être clair, je suppose qu'il s'agit de la première étape dans ce sens, n'est‑ce pas?
    Oui. Ce comité a en fait déjà formulé à l'unanimité une recommandation qui va beaucoup plus loin que ce que je propose. Mon projet de loi permettrait simplement aux parlementaires de demander une habilitation de sécurité secrète. Il ne leur permet pas l'accès à l'information. En tant que comité, vous avez déjà décidé à l'unanimité que certains comités devaient non seulement avoir une habilitation, mais une habilitation plus élevée que le niveau secret. C'est ce que vous avez décidé ici. Certains comités obtiennent donc les renseignements et sont informés à leur sujet.
    Encore une fois, je soutiens totalement cette recommandation du Comité PROC. Mon projet de loi ne va pas aussi loin.
    Lors du débat en deuxième lecture sur votre projet de loi, le secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique a déclaré, à propos de votre projet de loi, « ce projet de loi ne tient pas compte de la nature des renseignements que [les députés et les sénateurs] visés rechercheraient, de l'endroit où ils y auraient accès physiquement, de la manière dont ils les conserveraient et, de façon ponctuelle, de ce qui en résulterait réellement. »
    Ces arguments du secrétaire parlementaire ne passent‑ils pas à côté de l'objectif de votre projet de loi?
    En effet. C'est l'étape suivante.
    Encore une fois, mon projet de loi ne porte que sur le droit et le privilège des parlementaires leur permettant de présenter une demande d'habilitation de sécurité de niveau secret. Ces préoccupations sont valables. Une fois qu'un comité a pris une décision, la situation serait la même si le Comité PROC disait: « Voici une étude que ce comité pourrait mener ». Il s'agirait peut-être plutôt du comité BOIE, et la question serait la suivante: « Si tous les membres d'un comité possèdent l'habilitation requise, et si le Parlement décide qu'il souhaite réaliser à l'avenir plus d'études de nature confidentielle, comment doit‑on aborder la question des ressources? »
    Ce que je veux dire, c'est que lorsque j'étais dans l'armée, le dernier poste que j'ai occupé avant de partir pour l'Irak consistait à gérer une formation conjointe pour l'ensemble des Forces armées canadiennes. J'ai mis au point un exercice de gestion important en collaboration avec le Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique. Dans le cadre de ce projet, 47 ministères et organismes gouvernementaux différents ont participé à l'élaboration d'un scénario imaginant l'explosion d'un engin nucléaire improvisé à Peggy's Cove et la manière dont nous ferions face à cette situation. Encore une fois, il ne s'agissait pas d'une initiative du ministère de la Défense ou des Forces armées canadiennes, mais nous savons qu'il s'agit de la force de dernier recours.
    L'un des principaux problèmes que nous avons relevés, et tout ceci n'est pas classifié, est le manque d'infrastructures et même le manque de personnel gouvernemental disposant des habilitations requises dans l'ensemble du pays aux autres paliers de gouvernement. Combien de personnes au sein d'un hôpital ont une habilitation de niveau secret ou ont accès à des renseignements de niveau secret? Si une menace terroriste se profilait à l'horizon et que vous vouliez être prêt à en affronter les conséquences, à quel niveau les choses se passeraient-elles?
    Je pourrais m'étendre longuement sur les difficultés et sur les infrastructures et investissements nécessaires pour permettre l'échange de renseignements classifiés, mais, encore une fois, ces questions dépassent la portée de mon projet de loi.
(1210)
     Merci beaucoup, monsieur Cooper.
    Madame Romanado, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ruff, je vous remercie d'être ici. Vous savez que j'ai soutenu votre projet de loi en deuxième lecture pour qu'il soit renvoyé à un comité, et je pense qu'il est important que nous ayons une conversation sérieuse sur la manière dont nous classons les renseignements. Je pense qu'il y a une surclassification, mais ce n'est pas l'objet de ce projet de loi.
    Vous soulignez très clairement, au paragraphe 13.1(1) proposé que « aux fins d’examen de sa demande », un député est réputé avoir besoin des renseignements visés par celle‑ci. Je pense qu'il y a une certaine confusion au sujet du déroulement du processus d'attribution d'une habilitation de sécurité.
    Je ne veux pas parler de « besoin de savoir », car on en parle à un stade ultérieur du processus, mais il s'agit plutôt d'une raison de déposer une demande. Pourquoi devez-vous présenter une demande? Pour obtenir une habilitation, il faut avoir une raison de déposer une demande. Dans le cas des membres du personnel qui travaillent dans des cabinets ministériels, une personne autorisée doit donc inscrire leur nom sur la liste pour qu'ils puissent déposer une demande. Une fois que la personne a présenté sa demande, elle doit suivre la procédure et sa demande doit être acceptée.
    Si sa demande est acceptée, et si elle obtient l'habilitation de sécurité, elle ne pourra pas alors aller lire les dossiers sur JFK et accéder à toute l'information qui existe. Ce n'est pas le cas. C'est là qu'intervient le « besoin de savoir », qui permet de catégoriser les renseignements auxquels la personne aura accès.
    Les ministres qui sont membres du Conseil privé n'ont pas accès à tous les documents ministériels classifiés qui existent. Il existe une autre procédure pour demander l'accès à des renseignements particuliers. Nous n'ouvrons donc pas la boîte de Pandore à n'importe quel député qui voudrait savoir où se trouvent nos ressources en matière de renseignement ou autre. Je pense qu'il est très important que les députés le comprennent, car ce texte vous autorise à présenter une demande d'habilitation. Est‑ce exact?
     Votre explication est beaucoup plus claire que celle que j'ai fournie. Je vous en suis reconnaissant. C'est pourquoi le préambule est aussi long. En fin de compte, comme vous le savez, ce projet de loi ne contient qu'une ou deux phrases, c'est tout.
    Il ne vise qu'à vous permettre de déposer une demande. Il ne supprime aucune des protections ou garanties nécessaires qui sont déjà en place.
    Mon objectif était en partie de venir ici aujourd'hui pour avoir cette conversation et en parler. Nous n'avons jamais l'occasion d'en parler, et il est très important que le Parlement se penche sur la question et prenne la sécurité nationale et le renseignement plus au sérieux. Le meilleur moyen de le faire est de s'informer sur la manière dont nous protégeons les renseignements.
    J'ai également siégé au comité de la défense nationale. J'ai ici une lettre, signée par le président du comité de la défense nationale de l'époque, adressée à un ancien ministre de la Défense nationale, datée du 7 décembre 2017, dans laquelle on explique au ministre que, lors des études sur « la participation du Canada à l'OTAN » et « le Canada et la crise en Ukraine », les renseignements dont le Comité avait besoin pour réaliser cette étude n'étaient pas disponibles, et que:
Comme il n’a pas eu accès à certains renseignements essentiels au moyen de séances d’information ou de documents, le Comité estime qu’il n’a pas été en mesure d’achever de façon efficace et complète les travaux liés à cette étude.

La première question semble découler de l’obligation des fonctionnaires de confirmer les titres de compétence en matière de sécurité des députés avant de fournir des renseignements au Comité. En conséquence
    Nous accomplissons ici un travail exceptionnel, qui a des répercussions sur des situations mondiales. Malheureusement, nous ne pouvons pas le mener à bien parce que nous n'avons pas accès aux renseignements nécessaires.
    Je crois honnêtement que nous sommes tous des députés honorables et qu'étant donné que nous sommes chargés de préserver notre propre sécurité nationale, nous n'utiliserions pas ces renseignements à des fins néfastes. Je ne pense pas non plus que nous nous lèverions à la Chambre des communes et que nous utiliserions le privilège parlementaire pour diffuser ce genre de renseignements, car nous comprenons très bien ce que cela signifierait. Je pense que nous avons là une occasion d'apprendre à avoir ces conversations difficiles, parce que le paysage des renseignements et de la sécurité nationale a changé. Pensez-vous qu'il est temps de commencer à avoir ces conversations et de faire avancer les choses pour s'assurer que les députés puissent s'acquitter de leur tâche?
(1215)
     Tout à fait. Comment l'ancien ministre de la Défense nationale a‑t‑il répondu à la demande du comité de la défense ou à sa recommandation d'accorder un accès accru?
    Il ne pensait pas que les membres du comité de la défense nationale avaient accès à des renseignements secrets.
    J'ai terminé. Merci.
    Merci beaucoup, madame Romanado.

[Français]

     Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Nos échanges sont très intéressants.
    J'aimerais revenir sur l'incident concernant Peggy's Cove. Nous souhaitons certainement avoir la cote de sécurité nécessaire pour savoir certaines choses, mais comment cela fonctionne-t-il?
    Selon ce que je comprends, quand on a une cote de sécurité « Très secret », on a aussi les mains liées en ce qui a trait à l'information à laquelle cela donne accès. Comment cela fonctionne-t-il quand les gens obtiennent l'accès à de l'information?

[Traduction]

    Vous n’avez pas accès à l'information si vous n'avez pas d'habilitation, et c'était là le problème, même dans le cas d'une menace imminente, comme dans ce scénario. Là encore, le but n'était pas de s'assurer que les parlementaires disposaient des renseignements — le gouvernement les avait, bien entendu —, mais bien de veiller à ce que tous les niveaux de gouvernement puissent y accéder. Lorsqu'il s'agit d'une...
    Encore une fois, j'utilise l'exemple d'une menace pour la sécurité et pas d'une situation exigeant la gestion des conséquences d'un tremblement de terre, d'une inondation ou d'un incendie. Il s'agit ici d'une menace pour la sécurité et des mesures à mettre en œuvre dans une telle situation. Je le mentionne parce que j'ai élaboré le scénario et dirigé l'exercice. L'exercice ne portait pas sur la réponse à l'explosion initiale d'un engin explosif improvisé ayant submergé le système et exigeant l'intervention de l'armée pour soutenir différents niveaux de ressources en Nouvelle-Écosse. Il ne concernait pas non plus notre dépendance par rapport à nos alliés, notamment les Américains, en matière de capacités. J'ai inséré dans l'exercice un passage qui disait: « Il pourrait maintenant y avoir un autre explosif improvisé à Montréal. Il y a maintenant une menace. Comment allons-nous informer les autorités compétentes à Montréal? » Devinez quoi? La moitié des fonctionnaires provinciaux ne possédaient pas les habilitations nécessaires, et c'était également le cas de tous les employés des hôpitaux et du système de transport.
    Voilà ce qu'apportera le projet de loi C-70. Il contribuera à résoudre une partie de ce problème, puisque le SCRS est enfin autorisé à communiquer des renseignements classifiés à des niveaux de gouvernement autres que le seul gouvernement fédéral. Nous allons dans la bonne direction en ce qui concerne la communication de certains renseignements.
    Il s'agit simplement d'un ajout à ces mesures, dans le cadre parlementaire, qui devrait... Mme Romanado a cité un excellent exemple: le comité de la défense, le comité des affaires étrangères et le comité de la sécurité publique ont tous réalisé des études dans lesquelles ils ont soulevé la question en disant: « Nous aimerions en savoir plus afin de pouvoir formuler des recommandations pertinentes et solides au Parlement et au gouvernement en place, pour répondre aux menaces et combler les lacunes au Canada ».

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je poserai mes autres questions plus tard.
    Merci, madame Gaudreau. Vous vous arrêtez toujours à temps.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie pour terminer.
    L'une des préoccupations que j'ai entendues en tant que membre du comité de la défense est que nous surclassons les renseignements. Ne craint‑on pas que si les personnes qui détiennent déjà les renseignements et les classent comprennent que tous les députés peuvent obtenir ces renseignements, elles classent différemment et augmentent leur niveau de sécurité, ce qui les rendrait encore plus inaccessibles?
     Pas du tout. Pour avoir travaillé dans ce secteur pendant 25 ans, je peux vous dire que ce ne serait pas le cas. Vous pouvez consulter les règles du Conseil du Trésor, et chaque ministère a ses propres lignes directrices relativement à la classification des renseignements. Elles ne sont en rien liées à la façon dont on accorde l'accès ou les habilitations. Tout repose sur le fait que les renseignements constituent ou non une menace pour la sécurité du Canada en cas de divulgation.
(1220)
    J'étais également préoccupée par le fait que tous les députés bénéficieraient d'une cote de sécurité, en fonction du succès de leur demande, mais si cette demande n'était pas fructueuse, cela ne serait‑il pas considéré comme une violation de leur privilège parlementaire, parce que le fait d'être député vous donne accès à cette information? N'y a‑t‑il pas une sorte de faille à cet égard?
    C'est comme je le disais. Ce n'est pas parce que vous avez une cote de sécurité que vous avez accès à quoi que ce soit. Vous pourriez faire valoir que je suis membre du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et que j'ai accès à certaines informations. Le fait que certains députés aient accès à des informations est‑il une violation de votre privilège parlementaire? Non. Cette situation n'est pas différente. Elle indique simplement que vous avez le droit de présenter une demande. C'est tout ce que cette mesure accomplit.
    Je parle d'une situation où l'on présente une demande, mais où l'on n'obtient pas l'accès. Le projet de loi stipule que je peux présenter une demande parce que je suis députée, mais si je n'obtiens pas cet accès, cela ne risque-t‑il pas de poser un problème de violation de mon privilège parlementaire?
    Non, parce qu'il n'y a rien dans la Loi sur le Parlement du Canada qui indique que vous avez le droit d'avoir accès à des renseignements classifiés. Mon projet de loi vous permettrait seulement de demander une attestation de sécurité. Il ne porte pas atteinte à votre privilège parlementaire. Si votre demande était rejetée, cela soulèverait une question valable dont nous devrions débattre. Ce serait une préoccupation non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour le Parlement si des parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, ne réussissaient pas à obtenir une cote de sécurité.
    D'accord, mais là encore, l'échec de ma demande ne constitue-t‑il pas une atteinte à mon privilège parlementaire? Vous dites que nous avons tout à fait le droit de remettre en question l'échec de ce processus, alors cela ne serait‑il pas soumis au Président de la Chambre comme une atteinte au privilège parlementaire?
    Si un député ou un sénateur souhaite rendre public le fait qu'il n'a pas réussi à obtenir une cote de sécurité, je l'en félicite. Cependant, je ne crois pas que cela donnerait une bonne image du gouvernement qui a nommé le sénateur ou que cela améliorerait la capacité de ce député à être réélu s'il tente de convaincre sa circonscription de le réélire en dépit du fait qu'il ne peut pas obtenir une cote de sécurité dans notre pays.
    Madame Mathyssen, c'est tout le temps dont nous disposons. Voulez-vous que je vous accorde 20 secondes pour obtenir des précisions, si vous avez une question à ce sujet?
     Pourrions-nous lui demander d'obtenir des précisions, s'il vous plaît?
    Merci, monsieur le président. Je pense que nous touchons au cœur du problème.
    Le projet de loi compromet le principe de la primauté du droit démocratique et porte atteinte à votre privilège parlementaire si l'habilitation de sécurité vous est refusée.
    C'est une question valable que notre comité peut se sentir libre d'aborder et de s'efforcer de régler à la prochaine étape, mais je précise encore une fois que mon projet de loi ne garantit rien. Il vous donne simplement le droit de présenter une demande, et je mets le Parlement en garde contre l'idée de décider ou de statuer que tous les députés et les parlementaires doivent automatiquement avoir accès à une habilitation de sécurité de niveau secret. Je n'appuierais pas cette idée. Personnellement, je voterais contre cette mesure si elle était proposée.
    Vous pouvez choisir de présenter une demande ou non, et je mentionne encore une fois qu'un processus est prévu pour le faire. Et, si vous estimez que nous devons modifier les règles du Conseil du Trésor concernant les conditions à remplir pour obtenir une habilitation de sécurité, cette idée est acceptable, mais mon projet de loi n'aborde pas cette question et ne cherche pas à le faire. Il vous donne simplement la possibilité de demander une cote de sécurité de niveau secret et de ne pas vous voir refuser cette possibilité.
     D'accord. Je vous remercie beaucoup de ces précisions, madame Mathyssen et monsieur Ruff.
    Je vous remercie infiniment de vos interventions, monsieur Ruff. Nous avons eu une discussion intéressante, et le témoignage que vous avez apporté aujourd'hui nous a été précieux. Je vous en remercie donc.
    Chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance pendant que nous passons à la deuxième heure de témoignages concernant la mesure législative.
(1220)

(1230)
    Chers collègues, nous allons reprendre nos délibérations pendant la deuxième heure de la séance.

[Français]

    Nous accueillons maintenant deux témoins.

[Traduction]

    M. Wark est un agrégé supérieur au Centre for International Governance Innovation.
    Soyez le bienvenu, monsieur Wark. Il y a longtemps que nous nous sommes vus.
    Nous accueillons également Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, par vidéoconférence.
    Chers collègues, nous suivrons les mêmes protocoles que d'habitude.
    Professeur Leuprecht, je vais vous donner la parole pendant cinq minutes. Vous serez suivi de M. Wark, qui disposera aussi de cinq minutes, puis nous entamerons nos séries de questions.
    Chers collègues, je vous rappelle amicalement, ainsi qu'aux témoins, que lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, vous devez la poser sur l'autocollant qui se trouve devant vous.
    Cela dit, professeur Leuprecht, nous allons vous céder la parole pendant cinq minutes.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette réunion.
    Je vais intervenir en anglais, mais vous pourrez poser vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

    Je comparais devant vous en ma qualité de professeur et d'expert en la matière. J'ai récemment corédigé un livre intitulé Intelligence as Democratic Statecraft: Accountability and Governance of Civil-Intelligence Relations across the Five Eyes Security Community. Cet ouvrage a été publié par la maison d'édition Oxford University Press, qui compte parmi les maisons d'édition universitaires les plus réputées au monde. J'étudie également la démocratie constitutionnelle, et j'ai corédigé un livre intitulé Essential Readings in Canadian Constitutional Politics. Ces deux domaines de compétence s'appliquent au projet de loi.
    La convention constitutionnelle de base qui sous-tend les démocraties parlementaires fondées sur le modèle de Westminster est celle d'un gouvernement responsable, ce qui veut dire que le gouvernement, par l'intermédiaire du parlement, rend des comptes à la population. Le principe de subsidiarité est la responsabilité ministérielle, ce qui signifie que les ministres sont responsables de leurs ministères et de leurs organismes.
    Ces dernières années, le rôle du parlement et sa capacité à demander des comptes au gouvernement ont été considérablement réduits, alors que la taille de la bureaucratie a augmenté de 45 % depuis 2015 et que les dépenses publiques n'ont jamais été aussi élevées.
    Comme le montre Donald Savoie dans son dernier livre, la fonction publique s'atrophie et perd de son efficacité. Cela est attribuable en partie au fait que les ministres ne semblent guère assumer la responsabilité de ce qui se passe dans leurs ministères. Ils préfèrent apparemment rejeter la faute sur les fonctionnaires. En réponse, les fonctionnaires hésitent énormément à prendre des risques. Malgré cela, le rôle du parlement qui consiste entre autres à demander des comptes au gouvernement est entravé parce que la fonction publique relève du pouvoir exécutif.
    En donnant aux parlementaires la possibilité de demander une habilitation de sécurité de niveau secret, le projet de loi fait un petit pas pour renforcer la suprématie parlementaire et rétablir un certain équilibre dans les relations entre le parlement et le pouvoir exécutif. L'accès à des documents qui seraient autrement protégés et la possibilité pour les fonctionnaires de témoigner franchement devant un comité au sujet des documents protégés pendant une séance à huis clos améliorent la capacité du parlement à demander des comptes au gouvernement. Ce changement ne doit pas être pris à la légère. Il modifie également le caractère même d'un parlement ouvert fondé sur le principe de Westminster.
    En 2015, le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en promettant d'être ouvert et transparent. Au sein du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le gouvernement a agi rapidement pour permettre aux parlementaires de procéder à des examens de la sécurité et du renseignement. La prochaine étape logique pour permettre au parlement de demander des comptes au gouvernement consiste à autoriser les députés et les sénateurs à demander une cote de sécurité de niveau secret.
    Pouvons-nous confier aux parlementaires des renseignements protégés, voire classifiés? Mon livre montre que nous le pouvons. Les membres du cabinet et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement se voient déjà confier des informations privilégiées. Dans les démocraties occidentales, les cas de divulgation intentionnelle ou accidentelle d'informations privilégiées par des parlementaires sont rares. Cela est attribuable au fait que les parlementaires savent qu'en tant que représentants légitimement élus par le peuple, ils ont une responsabilité particulière. L'accès aux documents sensibles et protégés pendant des réunions à huis clos réduit également les incitations à la démagogie en comité.
    En revanche, les membres du personnel politique divulguent sans cesse des informations de manière stratégique. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons eu connaissance d'une fuite apparente d'un ministère visant le journal Globe and Mail. Étant donné la manière dont le gouvernement a instrumentalisé les dispositions relatives au secret à des fins partisanes — dans le cas du Laboratoire national de microbiologie, par exemple — et, comme nous l'apprend la commission Hogue, peut-être aussi le traitement sélectif des renseignements relatifs à la sécurité nationale, si les membres du personnel politique ont accès à des documents sensibles et protégés, il devrait en être de même pour les parlementaires.
    Le projet de loi C‑377 respecte les principes relatifs à l'identité des personnes qui ont besoin de savoir et à l'information dont elles ont besoin de prendre connaissance, parce que les comités parlementaires présenteraient en fin de compte au gouvernement en place les documents auxquels les députés devraient avoir accès et dans quel but, et les chefs de parti seraient responsables des députés qu'ils nomment à titre de membres des comités.
     Le gouvernement peut rejeter les appels à des enquêtes de sécurité sélectives des parlementaires, dans lesquels on fait valoir que le Parlement n'est pas à la hauteur de la tâche, que la proposition est en quelque sorte américaine, qu'elle ne fonctionne pas ailleurs, ou même qu'il faudrait laisser les juges s'en charger. Cela vous rappelle‑t‑il quelque chose? Eh bien, ce sont là les objections présentées par le gouvernement conservateur de M. Harper à l'idée d'accorder aux parlementaires précisément les pouvoirs d'examen que le gouvernement libéral leur a par la suite conférés au sein du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
(1235)

[Français]

    Je vous remercie de votre attention et de l'intérêt que vous portez à cette question.
    Merci, monsieur Leuprecht.

[Traduction]

    Je vous suis reconnaissant de votre déclaration préliminaire.
    Monsieur Wark, vous avez la parole pendant un maximum de cinq minutes.
    Pour commencer, je veux simplement formuler deux brèves observations. Premièrement, je suis un grand partisan des projets de loi d'initiative parlementaire, et j'ai contribué à deux d'entre eux dans le passé. Ces projets de loi étaient tous deux liés à des questions de surveillance. Comme M. Ruff, j'ai également obtenu une habilitation de sécurité de niveau secret, de niveau très secret et de niveau code très secret, et je dirais à cet égard que les cotes de sécurité ne sont pas le Saint Graal pour comprendre les enjeux et les menaces en matière de sécurité nationale et de renseignement.
    Le projet de loi C‑377 donnerait aux parlementaires canadiens le pouvoir sans précédent de demander, de leur propre chef, une habilitation de sécurité de niveau secret afin d'avoir accès à des renseignements classifiés. Ce pouvoir n'a pas d'équivalent chez les parlementaires de nos partenaires du Groupe des cinq, qui sont des démocraties fondées sur le modèle de Westminster. Les parlements du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande partagent tous avec celui du Canada la responsabilité fondamentale de demander des comptes au gouvernement. Dans leur cas, lorsqu'il s'agit de questions relatives à la sécurité nationale et au renseignement qui exigent l'accès à des renseignements ou des dossiers classifiés, cette responsabilité est confiée à des comités d'examen et de surveillance spéciaux. Au Royaume-Uni, il s'agit de l'Intelligence and Security Committee, en Australie, du Parliamentary Joint Committee on Intelligence and Security et en Nouvelle-Zélande, de l'Intelligence and Security Committee. Tous ces comités ont des caractéristiques uniques, mais dans le cas de la Nouvelle-Zélande, le comité est composé, entre autres, du premier ministre et du chef de l'opposition.
    Au Canada, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement est l'organe, créé par le Parlement en 2017, qui est chargé d'examiner les questions de sécurité nationale et de renseignement. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a un accès considérable à des documents classifiés qui est assujetti à certaines restrictions, à savoir les documents confidentiels du Cabinet, les enquêtes en cours qui pourraient aboutir à des poursuites criminelles et les renseignements protégés par le secret professionnel de l'avocat, par exemple. Ses membres doivent obtenir une cote de sécurité de niveau très secret et renoncer à la protection du privilège parlementaire s'ils divulguent des renseignements classifiés sans autorisation. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement publie des rapports depuis six ans, le dernier en date étant celui qui porte sur l'ingérence étrangère. Il a, à mon avis, rendu un service public considérable et publié de nombreuses études importantes. J'encourage tous les membres du Comité à soutenir le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et à prêter attention à ses études: utilisez-les pour demander des comptes au gouvernement.
    Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement n'est pas mentionné dans le projet de loi C‑377. Il a fallu de nombreuses années — des décennies, en fait — pour mettre en place le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et ce serait une grave erreur de l'affaiblir maintenant, ce que ce projet de loi ferait, je pense. Le Parti conservateur s'est opposé à la mesure législative au moment de son adoption, mais une version antérieure de cette mesure datant d'une étude entreprise en 2004 avait reçu le soutien de tous les partis.
    Certains députés peuvent penser que certains aspects de la mesure législative originale, qui a permis au gouvernement de créer le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, doivent être revus et modifiés. Vous ne seriez pas les seuls à le penser. L'article 34 de la loi initiale prévoyait un examen complet de la loi par le Parlement au bout de cinq ans. Cet examen aurait dû commencer en 2022, mais il n'a pas encore été amorcé, ce qui constitue un grave manquement à une obligation législative et une occasion manquée par le Parlement.
    Je pense que le projet de loi C‑377 est totalement inutile, étant donné que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement existe en tant qu'entité parlementaire conçue pour demander des comptes, de manière non partisane, au nom de la Chambre des communes et du Sénat. Même si vous ne partagez pas ce point de vue, je tiens à vous faire remarquer ce qui suit — et il y a eu, bien sûr, des discussions à ce sujet au cours de l'heure précédente. Selon moi, le projet de loi C‑377 ne définit pas de véritable principe du besoin de savoir, et laisse ainsi cette question à la discrétion de chaque parlementaire. Les demandes d'habilitation de sécurité de niveau secret ne sont pas limitées aux membres des comités qui étudient les questions de sécurité nationale et de renseignement. Même si c'était le cas, le projet de loi créerait un dédoublement manifeste du rôle du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et il compromettrait, je crois, l'objectif de ce comité. Le projet de loi C‑377 autoriserait des procédures d'habilitation de sécurité pour tous les parlementaires d'une manière qui, selon moi, est extrêmement problématique et difficile à justifier. Cela aurait des répercussions sur les processus d'habilitation de sécurité menés par le SCRS, ce qui pourrait nuire à leur rigueur et laisserait sans réponse — comme nous l'avons découvert au cours de votre première heure de discussion — la question de savoir ce qui se passerait si un demandeur se voyait refuser une habilitation. À mon avis, le projet de loi C‑377 compromettrait gravement la capacité du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et des parlementaires eux-mêmes à demander des comptes au gouvernement au sujet d'importantes questions de sécurité nationale et de renseignement, et il ne répond à aucun besoin réel... ou cas. Il pourrait aussi accroître le risque de divulgation non autorisée de renseignements classifiés. Une meilleure solution consisterait à mettre en place un système — et j'insiste sur le terme « système » — qui permettrait aux chefs de parti d'obtenir des cotes de sécurité et de recevoir des renseignements classifiés, comme le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement l'a suggéré lui-même.
    Enfin, j'encourage les parlementaires à s'engager dans une autre direction, celle d'une véritable stratégie de déclassification, qui, je pense, profiterait à tous les parlementaires et les membres du public canadien, car elle permettrait de mieux renseigner les Canadiens sur les questions de sécurité nationale.
(1240)
    Merci.
     Merci beaucoup, monsieur Wark.
    Monsieur Ruff, j'imagine que vous avez des observations à formuler, alors vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première observation en opposition au témoignage de M. Wark, c'est que je ne peux pas parler ici au nom du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR. Je ne peux parler qu'en tant que membre de ce comité depuis quelques années. Vous voyez, le CPSNR est vraiment privilégié en ce sens qu'il s'exprime par l'intermédiaire de ses rapports. Je suis effectivement d'accord pour dire que ce comité est très impartial, mais sa valeur réside aussi en partie dans le fait que tout se déroule à un niveau secret, un équivalent du huis clos, de sorte qu'il est à l'abri d'une possible politisation.
    Là où je ne suis pas d'accord avec M. Wark, c'est que le CPSNR n'est pas un comité dont la fonction est de surveiller les obligations redditionnelles. Ce dont il a parlé, c'est d'un comité d'examen. Le CPSNR pourrait se transformer. Si le gouvernement actuel avait décidé d'entamer il y a deux ans l'examen dont nous avons besoin, nous aurions peut-être vu une évolution en conséquence, et mon projet de loi n'aurait alors peut-être pas été nécessaire. Or, ce n'est pas le cas, et nous attendons toujours cet examen. Encore une fois, pour revenir un peu en arrière, mon projet de loi ne garantit pas l'accès à quoi que ce soit. Il ne remet rien en cause. Il permet simplement aux parlementaires de présenter une demande.
    C'est tout ce que je tenais à dire. Je ne m'attends pas à ce qu'on me donne immédiatement une réponse à ce sujet.
     Professeur Leuprecht, j'aimerais que vous nous en disiez plus long au sujet de deux éléments particuliers. D'abord, il y a votre observation, parce que mon expérience personnelle des réunions à huis clos, des réactions franches et des témoignages de nos fonctionnaires, quel que soit leur ministère d'appartenance, qu'ils soient de la Défense nationale, du SCRS, de la Sécurité publique ou de la GRC, montre qu'il est utile d'aller au cœur de certains des risques de sécurité auxquels nous sommes confrontés et de permettre au Parlement d'aborder les problèmes et les préoccupations qu'il perçoit à l'égard du gouvernement en place.
    Par ailleurs, j'aimerais donner l'occasion à quelqu'un qui a une opinion différente de celle de M. Wark de commenter les remarques de ce dernier.
    À vous, professeur Leuprecht, de répondre si vous le souhaitez.
(1245)
    D'accord, pour m'assurer de ne pas brûler les étapes, je crois que la discussion à huis clos est une possibilité de très grande valeur. Je veux dire que si vous regardez les conseils de gouvernance publique — je siège à deux d'entre eux pour la province de l'Ontario, par exemple —, certaines questions doivent être débattues en public, en particulier les questions qui concernent les finances, celles qui engagent la confiance, peut-être les questions ayant trait au discours public, à toutes sortes de projets de loi sur l'argent et à d'autres choses de ce genre. Cependant, je pense qu'une grande partie du travail des comités parlementaires pourrait en fin de compte bénéficier de discussions plus éclairées — on pourrait dire la même chose des parlementaires — qui permettraient de mieux comprendre comment fonctionne le gouvernement et pourquoi les fonctionnaires prennent les décisions qu'ils prennent.
    D'après mon expérience, les fonctionnaires sont plutôt réticents à formuler en public des observations qui pourraient être interprétées comme des critiques à l'endroit du gouvernement en place — et c'est ce qu'ils devraient faire pour préserver leur neutralité et leur objectivité. Je pense que cette mesure permettrait aux comités de mieux comprendre comment les choses fonctionnent.
    Je ne vois pas cela comme étant une occasion en or pour les parlementaires d'avoir accès. Je pense également que le fait de parler ici de renseignements très secrets embrouille quelque peu la question. Je veux dire qu'une grande partie de ce dont nous parlons est simplement la possibilité d'avoir accès, dans de nombreux cas, à des documents que le gouvernement protégerait pour un certain nombre de raisons — comme le fait le gouvernement dans la pratique —, et d'avoir une discussion plus franche.
    En pratique, je considère simplement que c'est une occasion de donner plus de pouvoir au Parlement. Je pense également que la discussion sur le CPSNR embrouille la question, dans le sens où nous savons tous que le CPSNR est un comité de parlementaires et non un comité parlementaire. Ce projet de loi permettrait plutôt, je dirais, de donner un nouveau départ aux comités parlementaires, étant donné que la capacité qu'avaient les comités et le Parlement en général de demander des comptes au gouvernement — et pas seulement à ce gouvernement, car c'est une tradition plus ancienne au Canada — s'est atrophiée. Tout le monde est au courant de la centralisation des pouvoirs que pratique le Cabinet du premier ministre. Le CPSNR fait effectivement la même chose parce qu'il rend compte au pouvoir exécutif, ce qui rétablit un certain équilibre avec le Parlement.
    Dans 45 secondes, voulez-vous donner à M. Wark l'occasion de formuler d'autres observations?
    En tant que membre du CPSNR, je tiens à souligner à nouveau que nous sommes un comité de parlementaires et non un comité parlementaire. À moins que la fonction du comité ne change, nous n'avons pas pour rôle d'assurer ce contrôle. Nous sommes là pour examiner et nous remplissons un rôle très important. Cependant, je peux vous garantir que, compte tenu de la quantité de travail que nous pourrions accomplir, nous n'y touchons même pas. Ce sont d'autres comités parlementaires qui doivent s'en charger.
    Très brièvement, nous allons passer à M. Wark.
    Bien sûr.
     Merci, monsieur Ruff.
    Je suis heureux que vous ayez aimé le temps que vous avez passé au sein du CPSNR. J'ai participé à la rédaction du projet de loi et j'ai été impliqué de diverses façons dans le comité depuis sa création à la fin de 2017. Je le connais très bien.
     Vous pouvez faire une distinction entre un comité du Parlement et un comité parlementaire, mais en fait, le CPSNR est inspiré du Comité du renseignement et de la sécurité du Royaume-Uni, qui se qualifie maintenant de comité de parlementaires. Il y a très peu de différence entre les deux. Le projet de loi pourrait être amendé à cet égard si l'on juge important de faire cette distinction.
     En ce qui concerne mon collègue, M. Leuprecht, je dirai simplement que lui et moi nous nous connaissons depuis longtemps. Je pense que nous serions fondamentalement en désaccord sur la question de savoir si votre projet de loi, monsieur Ruff, serait la prochaine étape après le CPSNR ou — et c'est ce que je crois — s'il lui porterait un coup fatal. Je pense que la distinction entre les deux est très nette.
    Je vous remercie.
     Merci beaucoup, monsieur Ruff.
    Madame Romanado, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et, par votre intermédiaire, j'aimerais souhaiter la bienvenue au Comité à nos témoins.
    Ma première série de questions s'adresse à M. Leuprecht.
     Je crois savoir que vous êtes spécialiste des relations canado-américaines, de la sécurité continentale et du NORAD. Quel effet l'adoption du projet de loi C‑377 aurait-elle sur notre principal partenaire en ce qui concerne la défense au sud de la frontière?
    C'est une bonne question.
     Je présume que l'une des conclusions que vous tirez est la possibilité que des documents que les États-Unis auraient communiqués au Canada finissent par être divulgués intentionnellement ou par inadvertance dans le cadre de ce processus. Étant donné le nombre de fuites émanant du Congrès, je dirais que le Canada a probablement beaucoup plus de raisons de s'inquiéter que n'en ont les États-Unis, dans la mesure où certains des renseignements le concernant pourraient être divulgués par inadvertance ou délibérément.
    Au contraire, je pense que cela permettra aux parlementaires d'être mieux informés et de contribuer à une discussion plus éclairée sur les enjeux clés de l'heure avec notre allié le plus important et le plus stratégique.
(1250)
    Ma prochaine question s'adresse à M. Wark.
    De toute évidence, je pense que la question de la sécurité nationale, la question du renseignement — dont nous avons beaucoup parlé au cours des deux dernières années dans le contexte de nos discussions sur l'ingérence étrangère — comporte un volet éducatif qui est vraiment important pour les parlementaires ainsi que pour tous ceux qui nous appuient. Cela permet à tous de comprendre un peu mieux ce qu'est le renseignement, ce qu'est l'information, ce qu'est la preuve, etc.
     Je pense qu'en passant par le processus d'obtention de l'habilitation de sécurité et en comprenant à quoi ressemble l'ingérence étrangère, les parlementaires seront mieux en mesure de repérer d'éventuelles violations, d'éventuels risques. Nous travaillerions en étroite collaboration avec la communauté du renseignement. On nous a signalé très clairement que la communauté du renseignement ne comprend pas ce que nous faisons et que nous ne comprenons pas ce qu'elle fait.
     L'une des autres questions est que si nous devions faire cela, je présume que tous les membres du personnel qui nous soutient dans ce que nous faisons, que ce soit au sein du Comité ou non, devront également obtenir une habilitation de sécurité. Je dis cela parce qu'il est évident qu'en ce qui concerne le traitement des documents, qu'il s'agisse de l'accès aux documents ou non, ce n'est pas comme si je pouvais envoyer un courriel et dire: « Veuillez imprimer ceci et le mettre dans mon dossier des affaires courantes. » Étant donné qu'ils n'ont pas l'autorisation nécessaire, quelles seraient certaines des ramifications ou conséquences involontaires de ce que nous envisageons de faire et de l'élargissement du champ d'application de l'accès aux documents?
    Je dirais deux choses.
     Tout d'abord, au risque de me répéter — et je serai heureux d'en dire plus à ce sujet si cela intéresse le Comité —, le fait d'avoir une habilitation de sécurité à quelque niveau que ce soit et d'avoir accès à de l'information classifiée n'est pas une panacée. Cela ne vous permet pas d'acquérir le type de connaissances générales que tous les parlementaires devraient et doivent avoir sur les questions de sécurité nationale et le renseignement. Les parlementaires et les Canadiens disposent dans le domaine public d'une grande quantité de renseignements qui sont, je le crois, peu étudiés, y compris les rapports antérieurs du CPSNR, de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou OSSNR, du Bureau du commissaire au renseignement et de leurs prédécesseurs, ainsi que tous les autres types de documents publics qui sont publiés.
     Je dirais que la compréhension de ces renseignements qui fond partie du domaine public sera bien plus précieuse que l'accès à des bribes de renseignements classifiés provenant de la communauté de la sécurité et du renseignement. Je me base en partie sur ma propre connaissance de ce qui est disponible. C'est merveilleux d'avoir une cote de sécurité de niveau « très secret ». C'est galvanisant. Vous avez accès à des renseignements particuliers. La cote « secret » a moins de valeur. Au sein du gouvernement, tout le monde a une cote de sécurité de niveau secret, mais ce n'est pas une panacée.
    Une voix: Sauf pour les parlementaires.
    M. Wesley Wark: Oui, sauf pour les parlementaires, mais il reste que ce n'est pas une panacée. Il y a beaucoup de choses à étudier au nom des parlementaires.
     Sur le plan des conséquences, l'autre chose, c'est que cela ouvrirait la porte à une foule de problèmes. Il est important que les membres du Comité comprennent que le contrôle de la sécurité du personnel est effectué par le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS. L'enquête de sécurité du SCRS aboutit à une recommandation, généralement adressée à un administrateur général ou à un sous-ministre. Cette recommandation n'est rien d'autre qu'une recommandation. Il appartiendrait à la personne chargée d'approuver ou de rejeter les habilitations de sécurité aux parlementaires de porter ce jugement. Comment ce processus fonctionnerait‑il? Je ne vois pas très bien comment cela pourrait fonctionner correctement.
    Franchement, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre de ce processus, je serais également très préoccupé par la rigueur des habilitations de sécurité du SCRS, parce que ce dernier sera placé devant le problème de déterminer, sur la base de renseignements ambigus concernant la loyauté, la fiabilité et les antécédents, s'il veut vraiment se lancer dans le refus d'une habilitation de sécurité à un élu du Parlement. Je m'inquiéterais vraiment de l'incidence que cela aurait sur la culture du SCRS en matière d'habilitation de sécurité, qui est déjà suffisamment mise à l'épreuve.
     Je vous remercie.
(1255)
    J'ai terminé.
    Merci.
    Merci, madame Romanado.

[Français]

     Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Wark, je vais revenir à vos derniers propos.
    Vous venez de mentionner qu'il existe un écart considérable entre les députés et les agences de renseignement pour ce qui est de l'accès au renseignement. En fait, cela fait des mois qu'on étudie la culture du renseignement et, de toute évidence, elle est pratiquement inexistante.
    Le projet de loi C‑377 — qui est inutile, selon ce que vous nous dites d'entrée de jeu —, pourrait-il contribuer à rapprocher les deux groupes et à améliorer la culture du renseignement?

[Traduction]

    Tout d'abord, je ne qualifierais certainement pas le projet de loi de M. Ruff d'inutile. Les projets de loi d'initiative parlementaire sont habituellement des affaires un peu idéalistes et, comme je l'ai dit, je les soutiens pleinement. Ils sont un élément important de la possibilité pour le Parlement de débattre de questions qui, autrement, ne seraient pas portées à son attention.
    Je doute que cette mesure puisse à elle seule améliorer ce que nous appelons souvent la « culture du renseignement » au sein du gouvernement fédéral. La raison en est que la culture du renseignement est fondamentalement une question de comprendre la nature des menaces qui pèsent sur la sécurité de notre pays et de comprendre les forces, les limites, les mécanismes de gouvernance et la façon de fonctionner des communautés du renseignement.
    Vous n'avez pas besoin d'une habilitation de sécurité pour comprendre ces problèmes fondamentaux. Je pense que le fait d'avoir une habilitation de sécurité vous enfermerait dans le problème des déficiences culturelles que nous connaissons en matière de renseignement, au lieu de contribuer à le résoudre.
    Je vous remercie.

[Français]

    Quand je disais que, selon vous, le projet de loi C‑377 était inutile, je reprenais le mot « inutile » parce que c'est celui que vous avez utilisé. Vous avez plutôt voulu dire qu'il n'est pas nécessaire. Vous avez bien reformulé vos propos. Je ne veux pas subir de représailles.
     Ce que je comprends, c'est que le gouvernement a tenté à plusieurs reprises de protéger de l'information, que les parlementaires veulent savoir et qu'il existe un comité de parlementaires, que vous avez d'ailleurs contribué à mettre en œuvre, mais il n'a pas suffisamment de pouvoirs d'analyse.
     C'est pour cette raison que, selon vous, le projet de loi C‑377 n'est certainement pas nécessaire si nous nous concentrons sur les renseignements déjà accessibles.
    Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Merci, madame Gaudreau.
    Tout d'abord, comme M. Ruff le comprendra, le CPSNR choisit ses propres sujets d'étude. Bien sûr, au cours d'une année donnée, il ne peut pas tout couvrir, mais il peut choisir des sujets d'étude importants. Il l'a fait et j'espère qu'il continuera à le faire.
    Mon message principal au Comité est le suivant: s'il vous plaît, ne portez pas atteinte à cette création qui a mis tant de temps à se mettre en place et qui est, je pense, une institution importante grâce à laquelle le Canada essaie de rattraper ses homologues du Groupe des cinq. À l'instar de ces derniers, nous tentons de donner à un comité parlementaire, un comité de parlementaires — à vrai dire, je ne pense pas qu'il y ait une grande différence entre ces deux choses —, la capacité d'accéder à des renseignements classifiés et de mener des études approfondies avec l'aide d'un secrétariat d'experts bien propre à lui qu'aucun autre comité parlementaire ne pourrait avoir, faute de ressources.
     Je pense qu'il s'agit d'une institution importante, et ma véritable crainte concernant ce projet de loi n'est pas son utilité ou son absence d'utilité. Ma véritable crainte, c'est l'affaiblissement de la chose très importante que nous avons créée en 2017, qui est encore en train de mûrir, mais qui mérite de survivre et, assurément, de faire l'objet d'un examen parlementaire en temps opportun.

[Français]

    Je comprends très bien votre souci.
    D'entrée de jeu, j'aimerais féliciter les interprètes, qui font un travail extraordinaire. Cela dit, monsieur Wark, j'aimerais que vous nous fassiez parvenir vos remarques liminaires, car celles-ci contenaient beaucoup d'éléments d'information. D'ailleurs, j'ai essayé de tout noter par écrit.
    Si j'ai bien compris, le Groupe des cinq n'a pas ce type de cote de sécurité.
    Outre les pays qui font partie du Groupe des cinq, quels pays ont accès aux parlementaires, ne serait-ce que pour l'analyse?
(1300)

[Traduction]

    J'ai parlé à la greffière d'une étude réalisée par un groupe de réflexion genevois qui a beaucoup travaillé sur la surveillance et l'examen parlementaires et qui s'est penché sur cette question. L'étude décrit les différents types de processus mis en œuvre par les différents parlements.
    Il est certain que certains parlements européens accordent des habilitations de sécurité à leurs députés, principalement sur la base de leur rôle au sein de certains comités. Si je me souviens bien, c'est le cas pour des parlements aussi différents que ceux de la Pologne, de la Slovaquie, etc. Bref, il y a assurément des pays européens qui ont adopté cette façon de faire.
     Il est également important de signaler qu'aucun de ces pays ne dispose d'un comité spécialisé comme le CPSNR.
    C'est bien entendu une autre façon de procéder, mais elle est loin d'être aussi puissante que celle que nous avons créée et que nous pouvons potentiellement réformer et rendre encore plus forte.
     Je vous remercie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Wark. Vous m'avez bien éclairée.
    Merci, madame Gaudreau.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez la parole.
    Nous avons beaucoup parlé de la transparence en matière d'information. Au comité de la défense, bien sûr, j'ai entendu dire que les Canadiens classifient 70 % de renseignements de plus que les Américains
    Pouvons-nous discuter de la question de savoir si ce projet de loi va dans le sens de la transparence et examiner s'il n'y aurait pas une autre façon de procéder? Je crois comprendre qu'il y a — et j'ai assurément eu recours à eux — des bureaux de l'ombudsman au sein du Parlement. Il y a les fonctionnaires du Parlement. Il y a la vérificatrice générale. Il y a des commissaires, etc. Au lieu de procéder de cette manière, ne serait‑il pas plus judicieux, du point de vue de la transparence, d'examiner s'il est possible de donner à ces acteurs, dans ce contexte parlementaire, plus de pouvoirs, plus de responsabilités et un meilleur accès à l'information, et de leur demander de se rapporter directement au Parlement, ce genre de choses?
     J'aimerais entendre les deux témoins, d'abord M. Wark, puis M. Leuprecht.
    Madame Mathyssen, je vous remercie de votre question.
    Très rapidement, je dirais deux choses pour répondre directement à votre question. Je ne pense pas que cela améliorerait nécessairement la transparence, parce que si un député obtenait une cote de sécurité de niveau secret et recevait des renseignements classifiés, il ne serait pas en mesure de les divulguer dans un contexte public, à moins d'invoquer le privilège parlementaire à cette fin, ce qui créerait un gros problème.
    Il y a deux choses que je préconiserais. Premièrement, j'aimerais que le gouvernement tienne vraiment les promesses qui ont été intégrées à l'engagement de transparence en matière de sécurité nationale, engagement qui a été pris en 2017. Ce n'est pas une mesure législative; c'est simplement un engagement. Il s'agit néanmoins d'un ensemble important de principes qui n'ont jamais été appliqués comme il se doit.
    Deuxièmement, pour revenir à ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous n'avons pas au Canada une stratégie de déclassification ou un moyen par lequel des renseignements déjà classifiés peuvent être systématiquement déclassifiés ou rendus publics dans l'intérêt public. C'est une grave lacune qui nous différencie de la plupart de nos homologues du Groupe des cinq, en particulier les États-Unis et le Royaume-Uni.
    J'ai deux observations à faire. Premièrement, nous savons que le régime d'accès à l'information au Canada laisse grandement à désirer. Nous avons tous lu le récent article paru dans le Globe and Mail. Nous avons lu les rapports de la commissaire à l'information. C'est un principe fondamental de la démocratie. Je pense que les comités parlementaires peuvent servir à combler cette lacune.
    Je pense aussi que M. Wark et moi partons peut-être d'hypothèses différentes. C'est un peu la conversation que nous avons eue il y a 10 ans au sujet d'un projet de loi très controversé, et les gens avaient alors sorti les pires scénarios possibles et imaginables. Nous parlons ici de sécurité nationale, de renseignements classifiés. Je pense vraiment que cela vient obscurcir la conversation. Une cote de sécurité de niveau secret donnerait à certains parlementaires siégeant à des comités la possibilité de consulter des documents protégés et de nature délicate et de s'entretenir régulièrement avec des fonctionnaires dans le cadre de leurs fonctions d'examen. Ce serait ex post facto. Nous ne parlons pas de surveillance. Nous parlons ici d'examen. Cela porterait sur des questions courantes et ordinaires qui, de l'avis d'un comité, doivent peut-être faire l'objet d'une discussion qui ne peut pas se dérouler largement en public.
    Nous ne parlons pas de sécurité nationale. Nous ne parlons pas ici de renseignements hautement classifiés qui pourraient devenir accessibles aux députés. Je pense que nous parlons simplement d'augmenter d'un cran la capacité des députés, et surtout des comités parlementaires, de demander des comptes au gouvernement.
    Monsieur Wark, je suppose que vous n'êtes pas d'accord avec moi, mais pour ce qui est de savoir si un comité fait rapport au pouvoir exécutif ou au Parlement, j'estime qu'il existe une différence importante et fondamentale entre la branche exécutive et la branche législative dans le contexte de notre discussion sur la notion de gouvernement responsable et la suprématie du Parlement.
(1305)
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit, monsieur Wark, au sujet de l'énorme problème que posent les parlementaires qui communiquent ces renseignements, ou de la possibilité qu'ils obtiennent ces renseignements et qu'ils invoquent ensuite le privilège pour les communiquer. De toute évidence, les membres du CPSNR ont renoncé à leurs droits à cet égard. Pouvez-vous nous en parler davantage? Ce n'est pas prévu dans cette loi.
    Non, en effet.
    J'ai deux choses à dire. J'aimerais d'abord répondre brièvement à mon collègue, M. Leuprecht.
    Allez‑y.
    Il est vrai que cela fait partie des dispositions de la loi qui a créé le CPSNR: en effet, ceux qui y siègent doivent obtenir une cote de sécurité de niveau très secret. Ils deviennent des personnes astreintes au secret à perpétuité en vertu de la Loi sur la protection de l'information. Ils doivent prêter un serment de loyauté. Ils renoncent au privilège parlementaire. Ce point a été contesté devant les tribunaux, mais pour être honnête, je ne pense pas que la contestation soit très sensée. C'est ainsi que fonctionne le CPSNR. C'est aussi la façon dont fonctionnent les organismes homologues du Groupe des cinq.
    En ce qui concerne l'observation de M. Leuprecht, très brièvement, le CPSNR ne relève pas uniquement de l'exécutif. Bien sûr, le CPSNR publie et distribue ses rapports, qui sont déposés au Parlement. Le CPSNR fait rapport au Parlement, et c'est là une fonction importante. Nous pouvons parler des façons dont l'exécutif contrôle certains aspects de la protection de l'information dans les versions non caviardées des rapports du CPSNR, mais c'est peut-être une discussion pour un autre jour.
    Merci beaucoup, madame Mathyssen.
    Monsieur Ruff, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux deux témoins, car vous avez tous les deux souligné ce point. Vous avez insisté sur le manque d'éducation et de sensibilisation à l'égard des questions de sécurité nationale en général auprès de la population canadienne, mais en particulier au sein du Parlement. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Pensez-vous que le Parlement pourrait aller beaucoup plus loin pour aborder de façon beaucoup plus avisée les questions liées à la sécurité nationale et au renseignement?
    Personnellement, en tant que professeur, je suis profondément préoccupé par le niveau d'appauvrissement du discours politique dans ce pays. À mon avis, la première étape pour améliorer légèrement la teneur des discours politiques dans l'ensemble du pays serait de faire en sorte que les députés aient la possibilité d'avoir des conversations éclairées, d'acquérir une connaissance un peu plus étendue du fonctionnement général du gouvernement et de tenir des discussions un peu plus détaillées, surtout à la lumière des lacunes dont nous avons déjà parlé en ce qui concerne la capacité d'accéder à l'information ou, à l'occasion, l'obstruction partisane du gouvernement — et je ne parle pas seulement du gouvernement actuel —, afin qu'ils puissent accéder à la bonne information en temps opportun, tout en ayant une meilleure compréhension du processus.
    Les députés sont des gens que nous élisons, et je ne vois pas en quoi cela poserait problème. Je suppose que je suis un démocrate dans le sens général du terme, mais je crois simplement que nous pouvons, en fin de compte, faire confiance à nos parlementaires, et je pense que, dans l'ensemble, malgré tout le caractère théâtral des interventions à la Chambre des communes, les parlementaires que je rencontre, peu importe leur parti politique, sont des gens exceptionnellement responsables et matures.
    Merci de [inaudible].
    Je vous remercie.
    Très brièvement, je pense que quiconque étudie les questions de sécurité nationale et de renseignement au Canada sera d'accord avec M. Ruff pour dire qu'il y a un problème lié à ce que l'ancien directeur du SCRS, David Vigneault, a souvent qualifié de manque de littératie en matière de sécurité nationale. C'est un problème. Je ne pense pas que la solution passe par l'octroi d'habilitations de sécurité à tous les députés. Je tiens à souligner que le projet de loi de M. Ruff ne limite pas le processus de demande d'habilitation de sécurité aux membres des comités désignés. Il en a été question dans la discussion. Même si c'était le cas, je continuerais de m'inquiéter du risque que cela porte atteinte au rôle fondamental et important que joue le CPSNR.
    Le groupe de réflexion auquel je participe depuis 2020, le Centre for International Governance Innovation, a publié en 2021 un rapport important intitulé Reimagining a Canadian National Security Strategy, qui a été conçu, en partie, pour essayer d'améliorer la sensibilisation du public.
    Encore une fois, je reviens au fait que les députés en particulier ne peuvent pas se considérer comme des consommateurs passifs qui attendent d'obtenir des séances d'information. Il y a de nombreuses façons dont ils peuvent se renseigner grâce à l'information d'ordre public sur les menaces en matière de sécurité nationale et de renseignement.
(1310)
    Je veux aborder ce sujet parce que M. Wark en a parlé à quelques reprises, et ce sera intéressant. Je vais en discuter avec mes collègues du CPSNR. Mon projet de loi ne mine en rien le travail du CPSNR. Je n'ai aucune inquiétude quant à la pérennité du CPSNR. Je pense que tout le Parlement reconnaît le travail précieux que le CPSNR a été en mesure d'accomplir, un point c'est tout. Il y a amplement de travail que le Parlement doit faire pour régler cela.
    Pour en venir à mon argument et à la raison pour laquelle j'ai posé cette question tendancieuse sur la littératie en matière de sécurité nationale, la seule façon est de s'engager dans cette voie. Il faut que les gens soient plus sensibilisés. Il y a une foule de renseignements qui circulent. Par contre, les parlementaires ne peuvent pas tout étudier. Nous dépendons beaucoup d'études ciblées lorsqu'un enjeu devient la question du jour, et c'est le rôle des comités du Parlement, et non d'un comité de parlementaires, d'assurer cette reddition de comptes et cette surveillance. Je pense que c'est la raison pour laquelle certains de ces éléments sont importants, parce que si vous voulez éliminer la politisation du débat et des discussions, vous devez tenir des discussions éclairées, et vous ne pouvez pas en avoir sans entrer dans les détails.
    Bref, au risque de me répéter, je dirai que mon projet de loi ne garantit pas l'accès à quoi que ce soit. Il ne fera que donner aux parlementaires le droit de demander une habilitation de sécurité. Personne ne verra quoi que ce soit ou personne n'obtiendra quoi que ce soit à moins que les modalités aient été établies à la table des comités respectifs et avec le gouvernement en place.
    Merci beaucoup, monsieur Ruff.
    Monsieur Leuprecht, je vois que vous avez levé la main. Selon le protocole du Comité, un député doit demander à un témoin de répondre. J'espère qu'une question vous sera adressée et que vous aurez l'occasion d'ajouter vos observations à ce sujet.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Malgré le témoignage de M. Ruff, qui affirme que son intention n'est pas de miner le travail du CPSNR... ce que je comprends. Je lui en suis reconnaissant, et je le crois sur parole. Je ne pense pas que ce soit son intention.
    Néanmoins, monsieur Wark, vous avez dit que ce projet de loi « porterait un coup fatal » au CPSNR. Ce sont des mots assez forts. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Je ne pense pas que vous ayez nécessairement eu l'occasion de le faire jusqu'ici. Vous avez décrit les répercussions sur l'habilitation de sécurité. Quels autres aspects du rôle ou du travail du CPSN, que vous avez qualifié de fondamental, subiraient un coup fatal?
    Merci, monsieur Turnbull.
    Très rapidement, il y a deux choses. Premièrement, si le Parlement souhaite modifier la loi originale afin de faire passer le CPSNR d'un comité de parlementaires à un comité parlementaire, il devrait le faire. Ce serait une solution facile pour établir une distinction sémantique qui, bien franchement, ne me paraît pas importante.
    Le CPSNR est un comité très spécial doté de ressources très spéciales. C'est un comité multipartite. Il a un secrétariat d'une dizaine de personnes, qui ont toutes une habilitation de sécurité et une connaissance considérable du milieu du renseignement en matière de sécurité nationale, ce qui, je le répète, n'est pas accessible aux comités parlementaires ordinaires.
    À mon avis, le CPSNR a fait ses preuves au cours des six dernières années, mais le Parlement ne lui fait toujours pas confiance. Soyons honnêtes. Le gouvernement a proposé, par exemple, que le CPSNR soit l'entité chargée d'étudier les problèmes d'ingérence étrangère. Le Parlement a initialement rejeté cette idée en alléguant que ce n'était pas suffisant. Le gouvernement a également proposé que le CPSNR soit l'entité chargée d'étudier la question des atteintes à la sécurité et des questions connexes en ce qui concerne le laboratoire de Winnipeg. Cette proposition n'a pas été retenue par le Parlement. J'en déduis que le Parlement ne faisait pas suffisamment confiance au CPSNR pour lui confier ces fonctions.
    Il y a encore, au cours des six premières années de son existence, un facteur de confiance qui remonte peut-être à une partie de l'opposition politique initiale au CPSNR. C'est pourquoi je crains que le fait d'accorder cette habilitation de sécurité à tous les députés, qu'ils siègent ou non aux comités respectifs, risque de porter un coup fatal au CPSNR, soit l'instrument clé du Parlement pour étudier les questions de sécurité nationale et de renseignement d'une manière rigoureuse et approfondie, chose qui n'est faisable à aucun autre comité parlementaire.
(1315)
    D'après ce que vous venez de dire, vous semblez observer une tendance du Parlement à résister et à ne pas faire pleinement confiance au travail que le CPSNR devrait entreprendre.
    C'est ce que j'ai observé dans certains cas.
    Est‑ce, en l'occurrence, un prolongement de cette tendance, à votre avis?
    Je crains que oui. C'est pourquoi j'ai dit que cela « porterait un coup fatal ». Il s'agit de savoir dans quelle mesure le Parlement est prêt à faire confiance au CPSNR et à compter sur sa capacité de porter à l'attention des parlementaires, à des fins de reddition de comptes, des questions qui sont d'un grand intérêt public.
    Je vous remercie.
    Vous avez également mentionné le risque accru de divulgation non autorisée, ce qui me préoccupe également. L'une des questions ou l'une des ramifications de ce projet de loi serait la suivante: si de nombreux autres députés ont désormais une cote de sécurité de niveau secret et ont accès à de l'information liée à la sécurité nationale et au renseignement, comment pouvons-nous garantir les mesures de protection nécessaires dans la façon dont ces documents sont communiqués? Les membres de leur personnel devront-ils obtenir une cote de sécurité?
    Il semble y avoir toute une série d'autres facteurs à envisager pour tenir compte des répercussions de ce projet de loi. Cela ne vous préoccupe‑t‑il pas également?
    Merci, monsieur Turnbull.
    Très brièvement, comme M. Ruff le sait très bien, il y a des processus et des mesures de protection qui doivent être en place pour traiter les renseignements classifiés — pour les stocker, les conserver, etc. Tout cela devrait être mis à la disposition des députés, des sénateurs et probablement de leur personnel, selon les modalités du processus qui serait mis en œuvre, si le projet de loi d'initiative parlementaire était établi.
    Je ne veux pas insister sur l'idée qu'on ne peut pas faire confiance aux parlementaires pour ce qui est des renseignements classifiés. Ce qui me préoccupe au sujet du risque accru, pour être honnête, c'est en partie la façon dont cette initiative serait interprétée par nos partenaires du Groupe des cinq, compte tenu de la tension qui existe toujours au sujet des types de renseignements qui peuvent être fournis au Canada et de la mesure dans laquelle ils peuvent être protégés par les Canadiens. Je pense que nos partenaires du Groupe des cinq soulèveraient certaines questions, notamment parce qu'ils ne partagent pas cette pratique.
    Merci beaucoup, monsieur Turnbull.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Monsieur le président, j'en aurais beaucoup à dire à ce sujet, mais je vais simplement revenir à ce dont il est question aujourd'hui.
    Ce qu'on recherche, ce sont les éléments pertinents qui peuvent assurer notre sécurité à l'échelle nationale. Or, je me rends compte qu'au cours des six dernières années, il y a eu de l'obstruction. Il s'agit, comme vous l'avez dit, d'obstruction partisane. Cela fait en sorte que, d'une part, on veut cacher de l'information, peut-être parce qu'on a peur de faire la lumière sur la situation, mais que, d'autre part, en proposant le projet de loi C‑377, on essaie de tout savoir.
    Je vous ai entendu dire que l'organisation actuelle n'a pas assez de mordant. Le pouvoir exécutif publie un rapport, ce dont je n'étais même pas au courant. Il y a donc beaucoup d'éléments d'information à laquelle nous, comme parlementaires, pourrions avoir accès.
    Dans le contexte actuel, même si un projet de loi de ce genre est adopté, il va y avoir des changements. Les rôles vont changer. L'objectif est de regagner la confiance de notre société démocratique.
     J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet avant de décider si je suis favorable ou non à ce projet de loi.
(1320)

[Traduction]

     Monsieur le président, très brièvement — au risque de me répéter encore une fois —, les parlementaires s'acquitteraient encore mieux de leurs fonctions en se renseignant et en approfondissant leurs connaissances sur la sécurité nationale et le renseignement lorsqu'ils en ont l'occasion. Ils peuvent pour cela s'appuyer en grande partie sur des informations accessibles au public.
    Le Parlement doit demander des comptes au gouvernement sur son engagement envers la transparence en ce qui touche la sécurité nationale. Il doit faire pression sur ce point. Ce serait merveilleux si nous pouvions rajeunir la Loi sur l'accès à l'information. Je suis tout à fait d'accord avec M. Leuprecht pour dire que le système est complètement brisé.
     Il est fort possible également que les parlementaires ne comprennent pas ce qui se passe, d'où l'importance capitale du processus de déclassification. Dans le système actuel, dès qu'un document est classifié, il le reste indéfiniment, sauf si quelqu'un présente une demande d'accès, auquel cas les renseignements en question sont considérés comme la propriété de cette personne. Ils ne sont pas rendus publics.
     J'aurais peine à imaginer un système plus inopérant. Il faut le réformer, mais personne ne s'est encore engagé dans cette avenue.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais savoir si le témoin peut nous faire parvenir le rapport de 2021 intitulé « Reimagining a Canadian National Security Strategy ».

[Traduction]

    Monsieur Wark, si vous avez accès... Nous pouvons nous organiser pour l'obtenir, mais nous voudrions le consulter à la suite de la demande de Mme Gaudreau. Merci.
     Madame Mathyssen, vous êtes la dernière à prendre la parole. Vous avez deux minutes et demie.
    Je suis toujours heureuse de poser mes questions en dernier.
    Je remercie les témoins de leur présence. Vous avez tous les deux mentionné l'accès aux renseignements. Voilà pourquoi je tenais tant à ce que nous ayons cet examen au comité de la défense. Nous étudions le rapport en ce moment — un document qui s'annonce passionnant.
    Monsieur Wark, sauf erreur, vous avez souligné que l'examen du CPSNR aurait dû être fait depuis un certain temps. Dans ces circonstances, advenant que nous apportions des modifications à cette mesure législative, pensez-vous — cette question s'adresse aux deux témoins — que ce soit nécessaire d'y intégrer un mécanisme d'examen?
     Monsieur le président, c'est une question intéressante, mais je vais fournir une réponse brève.
     Le cadre de gouvernance du processus proposé par M. Ruff renferme de nombreuses zones d'ombre concernant notamment plusieurs points que nous avons soulevés tels que les mécanismes d'attribution des cotes de sécurité par le SCRS de même que la question du destinataire des recommandations et des suites à donner à ces recommandations lorsque viendra le temps d'approuver ou de rejeter une cote de sécurité. Je serais bien embêté de trouver qui pourrait examiner un processus comme celui‑là.
     Merci.
    La parole est à vous, monsieur Leuprecht.
    La tenue d'un examen à point nommé est inscrite dans la loi. Par exemple, les Australiens prévoient un examen réalisé par un juge de l'extérieur tous les cinq ans pour l'ensemble de l'appareil de sécurité nationale. Le problème que nous avons au Canada, c'est que les mécanismes inscrits dans les lois ne sont pas appliqués par les gouvernements pour toutes sortes de raisons.
    Il y a la question de l'examen, mais il y a aussi celle du type d'examen. Doit‑on privilégier un examen mené par un comité parlementaire ou un examen externe? Peu importe le mécanisme choisi, il faudra vérifier si les effets produits permettront d'atteindre les objectifs établis.
     Selon moi, les effets permettraient de rééquilibrer les choses et de remédier à l'asymétrie entre le Parlement et le pouvoir exécutif concernant l'accès aux renseignements.
    Merci beaucoup, madame Mathyssen.
     Chers collègues, voilà qui met fin aux témoignages. J'aurais quelques points à régler rapidement avec le Comité qui ne concernent pas les témoins.
    Monsieur Wark, monsieur Leuprecht, merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Je vous souhaite une bonne fin de journée. Merci infiniment des observations que vous avez fournies.
     Chers collègues, très rapidement... Nous avions changé l'heure de la réunion de jeudi, qui devait se tenir de 10 h 30 à 13 h 30. Nous en avons seulement de réunion pour deux heures parce que nous n'aurons pas suffisamment de témoins. Voulez-vous tenir la réunion selon l'horaire habituel, soit de 11 heures à 13 heures, ou voulez-vous conserver l'horaire modifié en la ramenant à 11 h 30 à 13 h 30?
    Une voix: De 11 heures à 13 heures...
    Le président: Très bien. La réunion aura lieu de 11 heures à 13 heures...
    Je regarde...
(1325)

[Français]

    Comme nous allons avoir du temps dans une semaine, nous nous en occuperons à ce moment-là.

[Traduction]

    Chers collègues, je constate que nous avons le consentement unanime. La réunion se tiendra donc à l'heure habituelle.
    Je voudrais aussi vous indiquer que l'analyste m'a annoncé qu'il allait nous faire parvenir sous peu la version définitive de la traduction de son rapport sur le projet pilote au Nunavut établi par le directeur général des élections. Nous recevrons le document très bientôt. Restez à l'affût parce que nous allons devoir consacrer du temps à ce rapport dans le cadre des travaux du Comité.
     Sur ce, chers collègues, nous avons eu une réunion très productive. Je vous souhaite à tous une bonne semaine.
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