:
Bonjour, madame la présidente.
[Traduction]
Je remercie les membres du Comité de leur invitation.
[Français]
Le projet de loi , qui modifie le texte de la Loi constitutionnelle de 1867, est habile: il arrive à maquiller le déclin du poids politique du Québec derrière un gel du nombre de sièges que ce dernier possède à la Chambre des communes. Pour tout dire, le projet de loi C‑14 amoindrit ce déclin. Sans ce projet de loi, le poids politique du Québec à la Chambre passerait de 23,1 % à 22,5 %; avec ce projet de loi, il passera de 23,1 % à 22,8 %. Bref, cela représente une différence d'environ 0,3 point de pourcentage quant au poids politique du Québec.
Il ne faut pas confondre ici la réduction du nombre de sièges, que le projet de loi évite, et la réduction du poids politique du Québec, que le projet de loi consacre.
Pour certains, le déclin du poids politique du Québec est inévitable. Pour d'autres, il est possible d'agir, et je suis de cet avis. Le projet de loi propose d'agir en ce sens, mais très modestement, très provisoirement et sans vue d'ensemble du problème.
La cause du problème est complexe. D'une part, il y a une réalité factuelle, à savoir que le déclin démographique du Québec à l'intérieur de la fédération est un phénomène pratiquement continu depuis 1867. D'autre part, les causes de ce déclin sont multiples. Certaines sont liées à des choix politiques qu'a faits le Québec. Cependant, parmi toutes ces causes, il y a toujours la question de savoir si l'action du gouvernement fédéral est davantage associée au problème ou à la solution.
Or, le problème est d'autant plus important qu'il va s'accroître au cours des prochaines années. Il est connu que la politique du gouvernement actuel vise à augmenter substantiellement la population canadienne. On parle de pratiquement doubler les seuils d'immigration à moyen terme. Les cibles étaient de 280 000 immigrants par année lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Selon les objectifs actuels, le nombre annuel d'immigrants passerait à 430 000. C'est donc dire que l'impasse est totale. En effet, du point de vue du Québec, la politique actuelle se résume au choix suivant: maintenir son poids politique en suivant la cadence canadienne en matière d'immigration, ou bien opter pour des seuils d'immigration réduits et ainsi cultiver sa capacité d'intégrer les immigrants, d'être pour eux un creuset, une terre d'accueil, et de les franciser.
On éprouve soudainement le besoin de situer la question de la réforme de la carte électorale et du poids politique du Québec dans un portrait plus global. C'est une question délicate, qui touche à la nature même du pacte qui, depuis 1867, unit le Québec à cette fédération. La question suivante se pose: qu'est-on prêt à faire, à Ottawa, pour maintenir le poids politique du Québec? La représentation du Québec dans les institutions fédérales n'est pas uniquement l'affaire de la Chambre des communes. On peut agir à la Chambre, mais on peut aussi le faire ailleurs. Je pense que, sur plusieurs fronts, on pourrait faire davantage de choses et les faire d'une meilleure façon.
Une autre question se pose: qu'est-ce qu'Ottawa peut faire pour améliorer la capacité du Québec à suivre une politique démographique semblable à celle du reste du Canada? Là aussi, l'actualité récente nous fournit plusieurs idées, nous indique plusieurs gestes qui pourraient être faits. Cela dépasse évidemment la question précise du projet de loi , mais, même à l'égard du dossier précis et technique de la carte électorale, le Parlement pourrait faire mieux que de simplement geler le nombre de sièges par province.
Après tout, le Québec forme une nation, comme nous le rappelait une résolution de la Chambre adoptée dans les années 2000.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada, notamment dans son renvoi de 2014 relatif à la Loi sur la Cour suprême, consacrait et reconnaissait cette spécificité nationale du Québec, et elle le faisait dans un dossier qui touchait le poids politique du Québec et sa représentation au sein d'une institution fédérale, en l'occurrence la Cour suprême du Canada.
D'ailleurs, en vertu du projet de loi no 96 qui vient d'être adopté au Québec, il sera désormais écrit noir sur blanc dans la Loi constitutionnelle de 1867, au nouvel article 90Q.1, que « les Québécoises et les Québécois forment une nation ». Ce projet de loi, comme le projet de loi vise à le faire, modifie directement et explicitement le texte de la Constitution.
Il y a des aspects de la composition de la Chambre des communes qui ne sont cependant pas modifiables par le projet de loi . Le principe de la représentation proportionnelle, lui, ne peut être modifié qu'avec l'appui de sept provinces représentant 50 % de la population. Néanmoins, le principe de la représentation proportionnelle est une règle, un principe, un objectif constitutionnel et, comme tous les autres principes, règles et objectifs constitutionnels, il n'est pas absolu. Il peut faire l'objet de limites raisonnables d'accommodement. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a d'ailleurs maintes fois rappelé que son interprétation de la représentation proportionnelle n'était pas une conception purement mathématique. Elle a reconnu une marge de manœuvre immense à l'intérieur de chaque province pour tolérer certains écarts entre certains types de territoires. Ce genre...
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La marge de manœuvre qui a été reconnue dans la jurisprudence portait sur des écarts au principe de représentation proportionnelle qui existent à l'intérieur d'une même province, entre les représentants d'une ville et ceux d'un territoire rural. Il n'empêche que, dans ses décisions, la Cour suprême a démontré que son interprétation n'était pas simplement fondée sur un impératif mathématique ou arithmétique.
Par ailleurs, dans la pratique, dans nos lois, et même dans le texte de notre Constitution, on a consacré de petites exceptions à la représentation proportionnelle. Je pense à la clause de représentation sénatoriale, selon laquelle une province a droit à un nombre de députés au moins égal à son nombre de sénateurs. D'ailleurs, cela a été confirmé en 1982 et est maintenant protégé de façon très explicite par l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a aussi une clause équivalente pour les territoires. Dans ce cas particulier, cette clause n'a aucun autre fondement que l'action du Parlement fédéral. On a donc fait une exception à la représentation proportionnelle pour les territoires par la même procédure qu'on pourrait utiliser pour essayer d'aménager la carte et la représentation électorales ici.
Dans le cas du Sénat, on a aussi multiplié les exceptions au fil du temps. Il y avait une logique, qui n'est pas la représentation proportionnelle, qui présidait à la répartition des sièges du Sénat en 1867. Par exemple, lors de l'adhésion de Terre‑Neuve, on lui a donné des sièges, mais qui ne comptaient pas dans le nombre de sièges des Maritimes.
Il y a donc une logique de 1867 sur la répartition des sièges au Sénat qui a été consacrée par la Constitution, qui est difficile à modifier, mais il n'empêche qu'on a créé de petites exceptions par la modification constitutionnelle unilatérale, ne serait-ce que pour les territoires et pour Terre‑Neuve.
Il ne faut donc pas considérer le principe de représentation proportionnelle comme absolu, comme si c'était le seul fondement constitutionnel qui était en cause dans ce genre de dossier extrêmement délicat.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais souhaiter la bienvenue au professeur Taillon.
Cela fait au moins 20 ans que je lis les nombreux articles qu'il fait paraître dans des publications, des journaux et des revues du Québec. Je suis un admirateur de sa pensée, quoique je ne sois pas toujours d'accord sur ses conclusions. Je dois avouer qu'aujourd'hui, c'est une de ces fois où je ne suis pas tout à fait d'accord sur les propositions du professeur Taillon. Toutefois, il mérite certainement que nous examinions en profondeur ses idées et les solutions qu'il propose.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le professeur Taillon de comparaître devant nous aujourd'hui. Je le remercie également de reconnaître que le projet de loi est certainement une solution préférable à la pure représentation populaire, laquelle ferait perdre au Québec une partie importante de son poids démographique.
Je devrais mentionner que cette situation ne touche pas seulement le Québec. C'est le dossier que nous examinons aujourd'hui, mais, si nous nous fions aux projections démographiques, lors du prochain découpage des circonscriptions, d'autres provinces du pays feront probablement face à la situation que le Québec est en train d'examiner maintenant.
J'aimerais poser une question au professeur Taillon.
Vous dites que les causes du problème sont complexes et multiples. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Sur le plan de l'immigration, vous mentionnez que le Québec a une certaine capacité d'intégration, notamment en ce qui touche la francisation des immigrants économiques. Pour ma part, je viens d'une région du Québec qui est le deuxième pôle d'attraction des nouveaux arrivants au Québec, et une grande partie de ces gens viennent de l'Afrique de l'Ouest francophone.
Est-ce que ce serait une bonne solution si le Québec augmentait le nombre d'immigrants économiques venant de pays francophones, comme ceux d'Afrique, qui viendraient s'installer au Québec?
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Je remercie le député de sa question.
Le jour où le poids politique de l'Ontario sera deux fois celui du Québec n'est pas loin. Faites le calcul pour les autres provinces. On voit la dynamique qui se dessine pour le Canada de demain: le déséquilibre démographique que l'on connaît déjà va s'accroître.
L'immigration n'est qu'un facteur parmi d'autres, mais il s'agit d'un facteur important. Lorsqu'on discute de l'avenir de cette fédération et du poids politique des uns et des autres, il faut voir les choses dans une perspective plus large que la simple question de la carte électorale.
Il y a plusieurs décennies, Ottawa et Québec ont signé un accord pour donner un peu plus d'autonomie au Québec relativement au choix de certaines catégories d'immigrants et aux politiques d'intégration. Encore ici, il faut aborder la question dans une perspective plus large. Ottawa joue encore un rôle important en la matière. Dans les dernières semaines, les personnes en provenance de l'Afrique francophone ayant fait des demandes de permis de séjour temporaire pour les études ou des demandes de permis à plus long terme ont vu leurs dossiers être...
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Je suis parfaitement d'accord avec le député sur le fait qu'il s'agit de l'une des nombreuses solutions. Je déplore que, dans le traitement de certains types de demandes à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, les dossiers provenant de l'Afrique francophone rencontrent des obstacles.
C'est un phénomène dont on parle dans l'actualité, mais on peut l'observer sur une plus grande période. Le Québec et la francophonie canadienne avaient un poids politique en 1867, et l'appartenance du Québec à la fédération a signifié un déclin de ce poids politique. C'est une réalité factuelle, mais on ne sait pas à qui revient la faute. Peut-être que cela aurait été pire si le Québec avait été un pays indépendant, mais peut-être que cela aurait été mieux; on ne le saura jamais.
La question est délicate, parce qu'elle touche aux liens qui unissent le Québec à la fédération. Il faut trouver des solutions. Cela passe notamment par la carte électorale et la représentation au Sénat, mais aussi par la manière dont Ottawa se comporte au Québec lorsqu'il reçoit des demandes de gens qui veulent venir bâtir le Canada de demain en français, une langue qu'ils maîtrisent déjà. Or, le traitement de ces dossiers est retardé, même que ces demandes sont souvent refusées.
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Merci, madame la présidente.
D'abord, je dois saluer le témoin qui est venu nous éclairer sur un sujet extrêmement important pour le Québec.
Je suis tout à fait d'accord sur ce qu'il a dit en introduction: ce projet de loi ne fait que maquiller ou amoindrir temporairement le déclin du poids politique du Québec. On sait depuis un bout de temps que le Québec perd de son poids politique, c'est assez évident, et ce projet de loi n'offre pas de solution définitive.
D'un côté, on a ce problème et, de l'autre, on aurait des ébauches de solution.
L'année passée, le Parlement a accepté l'idée non seulement que le Québec était une nation, mais que le français était sa langue commune. Je pense que c'est assez clair. Ce n'est pas une province comme les autres, c'est une nation. C'est la seule province qui est considérée comme une nation, alors il faut que des pouvoirs soient liés à cette désignation de nation.
Au mois de mars, nous avons déposé une autre motion, qui a été adoptée par une forte majorité, disant que le Québec ne devait pas perdre de députés. Le projet de loi vient consolider cette position de la Chambre. Cependant, la motion disait aussi que le poids politique du Québec à la Chambre des communes ne devait pas diminuer, ce que ce projet de loi ne respecte pas.
Étant donné que tout le monde, à quelques exceptions près, est d'accord pour dire que le Québec est une nation et qu'on doit préserver son poids politique, je pense que la table est mise pour que ce projet de loi aille plus loin.
Mon collègue de Hull—Aylmer parle d'immigration. Le gouvernement Legault a demandé plus de pouvoirs en immigration, la semaine dernière, et le gouvernement fédéral a refusé. Alors, je ne sais pas pourquoi on parle de cela ici. Je pense que le dossier est clos. C'est une impasse de ce côté.
Je vais poser une question simple à M. Taillon pour qu'il nous éclaire davantage sur ce problème. Que pourrait faire le Parlement pour garantir — je dis bien « garantir » — au Québec un poids politique à tout le moins constant au sein des institutions fédérales?
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J'ai deux solutions à proposer.
D'une part, au même titre qu'un aménagement est fait au principe de la représentation proportionnelle pour les territoires, on peut imaginer un léger écart, un écart raisonnable et justifié, un écart statistiquement marginal qui permettrait de maintenir le poids du Québec autour de 25 % et de mettre fin à ce déclin.
Or, cela demande du courage politique, parce que cela pourrait effectivement susciter des débats quant à savoir si cela est conforme au principe de la représentation proportionnelle. Je pense qu'un Parlement qui en aurait la volonté pourrait défendre, comme il le fait pour les territoires, le fait qu'il s'agit d'un aménagement et que, pour l'essentiel, le principe de la représentation proportionnelle est respecté.
C'est une première solution.
D'autre part, il faut songer à d'autres manières d'améliorer le poids politique du Québec au sein du Parlement.
Par exemple, il faudrait que les sénateurs soient enfin nommés à partir des recommandations formulées par les provinces. Cela permettrait d'injecter enfin une dose de fédéralisme dans le Parlement fédéral.
Il faudrait aussi faire la même chose pour les autres nominations de compétence fédérale, comme la nomination de juges à la Cour suprême et dans les cours supérieures. Il faut enfin que le fédéralisme ait un sens dans l'organisation de cet immense pouvoir de nomination qui appartient actuellement au fédéral. En fin de compte, on a en ce moment un Parlement où c'est le qui nomme tous les sénateurs, tous les juges, tous les ambassadeurs, en plus d'appliquer une discipline de parti à la majorité des députés de la Chambre des communes. Il faut inverser la tendance de la concentration du pouvoir en injectant plus de fédéralisme dans le Parlement et, évidemment, plus de démocratie.
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La Constitution du Canada consacre la représentation proportionnelle comme une limite à la capacité du Parlement d'agir seul lorsqu'il modifie la Constitution canadienne sur ces questions.
Le député a raison de mentionner que la jurisprudence de la Cour suprême a clairement indiqué qu'elle n'avait pas une approche strictement mathématique ou arithmétique pour traiter ces questions et que ce n'était pas la seule préoccupation.
Les questions liées à la représentation électorale sont délicates. Le Canada a réussi à éviter le piège américain de transformer le débat sur la carte électorale en débat sur les intérêts partisans de chacun à délimiter les circonscriptions à sa manière. La Cour suprême a justement cultivé une certaine marge de manœuvre, pour autant qu'on respecte l'esprit de la chose, si je puis dire. Dans ce contexte, elle s'appuie beaucoup sur le concept de la représentation effective, comme le député l'a mentionné. Pour la Cour suprême, la représentation proportionnelle n'est pas un absolu. Il est plutôt question de la volonté de tendre effectivement vers cet objectif, mais dans un contexte où, dans une fédération aussi complexe que le Canada, il faut aussi intégrer d'autres préoccupations.
Cela dit, la marge de manœuvre pour des écarts statistiques ou mathématiques entre les circonscriptions rurales et les circonscriptions urbaines d'une même province sera toujours plus grande que la marge de manœuvre qui existe probablement, à mon avis, pour des aménagements entre des territoires et des provinces de façon globale. Il est évident qu'une petite marge de manœuvre peut être exploitée. Elle l'est déjà et elle l'a été pour d'autres questions, alors elle pourrait l'être aussi pour la question du poids politique du Québec.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis heureuse de questionner le professeur. J'ai bien aimé son exposé.
L'un des aspects auxquels j'ai consacré beaucoup de temps et sur lequel j'ai entendu le point de vue de beaucoup de dirigeants autochtones de partout au Canada, c'est le fait que notre démocratie s'est édifiée et continue de s'édifier sur une façon de faire qualifiée de coloniale, qui réduit souvent au silence les Premières Nations de notre pays. Dans nos discussions sur l'équité et sur la nouvelle perception de la démocratie, il importe de ne jamais oublier ces voix qu'on a tues et les moyens pris pour les isoler.
Je représente de nombreuses communautés. Le taux de participation aux scrutins qu'on y organise, bien sûr, est de 90 à 95 %, ce qui prouve que ces communautés sont en prise très directe sur un système démocratique. Mais leur lien avec la démocratie canadienne n'est pas le même, en partie, d'après moi, en raison de leur non‑représentation.
La représentation à la Chambre des communes est en grande partie proportionnelle à la population, mais il y a des exceptions, comme celles, que vous avez relevées, de provinces ayant moins de sièges à la Chambre des communes qu'au Sénat. Dans ce contexte, importe‑t‑il que nous examinions la représentation dans un sens plus large, particulièrement celle des Premières Nations du Canada?
On a beaucoup discuté de moyens pour amplifier ces voix. Actuellement, le système s'en remet aux partis pour nommer des candidats et faire entendre ces voix, mais, à cette fin, ne devrait‑on pas réserver expressément des sièges de députés et de sénateurs aux communautés autochtones?
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Je remercie la députée de sa question.
Vous aurez compris que ma présentation initiale était centrée sur la question fort délicate du poids politique du Québec, qui décline constamment depuis 1867. Néanmoins, la question de la représentation autochtone dans les institutions fédérales est évidemment de première importance. Elle confirme le problème que j'essayais de souligner, c'est-à-dire que ce pays ou cette fédération ne peut pas fuir indéfiniment certains débats.
Les préoccupations autochtones sont multiples, mais on ne pourra pas repartir sur de nouvelles bases et établir une relation d'égal à égal avec les peuples autochtones sans que certains débats constitutionnels aient lieu. Il faudra peut-être un jour aménager une place pour des représentants des Premières Nations au Sénat, à la Chambre des communes ou dans une chambre qui leur serait dédiée et qui serait compétente en certaines matières. Ce sont toutes des solutions qui doivent être envisagées.
Le fait qu'il y ait des gains pour les uns ne doit pas éclipser les préoccupations des autres. C'est pour cela que ces questions doivent être abordées plus globalement, au-delà de la simple question de la carte électorale.
À terme, il y a moyen de faire plus de place à la représentation des peuples autochtones dans les institutions fédérales, tout en provincialisant davantage notre Sénat et en ayant des aménagements sur la distribution des sièges à la Chambre des communes.
La seule façon d'y arriver est de tenir compte de toutes les préoccupations et de trouver des solutions pour les régler. Sinon, très rapidement, cette fédération replongera dans le tabou constitutionnel et dans le refus de discuter de ces questions, qui sont pourtant fondamentales. On ne pourra pas indéfiniment reporter ces débats.
:
J'aime bien ce que vous dites.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises la nécessité de ce débat sur la Constitution, un débat qui serait intéressant.
Je voudrais savoir quels autres pays ont organisé ce genre de discussion. Certains modèles, d'après vous, sont‑ils intéressants? La représentation est un enjeu incroyablement important. Le Canada rassemble beaucoup d'identités, et les Canadiens en sont fiers, mais j'estime que nous ne donnons pas toujours la force qu'il faudrait aux diverses voix.
Dans nos systèmes fédéraux, on continue de privilégier les hommes blancs, souvent hétéros. Pour discuter de la façon de représenter l'identité, comment s'assurer que ces voix se feront mieux entendre? Comme vous faites précisément allusion à un débat dans le cadre constitutionnel actuel, sous quelle forme se déroulerait‑il? Certains pays l'ont‑ils fait avec plus d'efficacité que d'autres? Avez-vous des exemples à offrir?
Je suppose que, lorsque vous aurez terminé, mon temps sera écoulé.
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La question comporte deux volets.
Pour ce qui est du droit comparé, je n'ai malheureusement pas l'exemple parfait sous les yeux qui pourrait répondre aux préoccupations de la députée. À propos des questions autochtones, par contre, je serais curieux de tourner le regard du côté de la Nouvelle‑Zélande et de l'Australie, qui vivent des difficultés et des défis semblables aux nôtres et qui ont elles aussi des solutions souvent parcellaires et imparfaites. Cela pourrait être une source d'inspiration mutuelle.
En ce qui concerne le débat constitutionnel, je voudrais juste ajouter que l'adoption du texte du projet de loi constitue déjà un débat constitutionnel en soi. Le texte même du projet de loi C‑14 nous dit de quelle façon serait dorénavant libellé le texte de la Loi constitutionnelle de 1867.
Le problème, c'est que la Constitution du Canada est complexe. Elle est composée de toutes sortes de règles. Il y en a que le Parlement du Canada peut modifier seul et d'autres qui demandent l'accord de sept provinces représentant 50 % de la population. Vu notre histoire et nos difficultés politiques, on a tendance à balayer sous le tapis tous les débats qui exigent plus qu'une action unilatérale du Parlement fédéral.
Le débat constitutionnel existe quand même. Il est sous nos yeux par l'entremise du projet de loi . C'est simplement qu'on s'empêche d'emprunter d'autres chemins que le chemin le plus facile, qui est celui de la procédure prévue permettant au Parlement fédéral d'agir seul.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie le professeur Taillon d'être ici.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez beaucoup parlé de la décision du Parlement de reconnaître le Québec comme nation à l'intérieur d'un Canada uni. Vous m'avez rappelé les débuts de la Confédération et les cours d'initiation à la science politique, qui nous ont fait connaître Cartier et Macdonald ainsi que la naissance du Canada d'aujourd'hui.
Dans l'Ouest, on nous a enseigné que Cartier et Macdonald poursuivaient, sous le régime de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, des intérêts économiques largement centrés sur deux provinces, le Québec et l'Ontario. Fait également intéressant, quand je suis retourné consulter ce texte, je n'y ai trouvé aucune allusion aux régions ni même dans la version originelle de notre Constitution, qui, évidemment, est encore en vigueur.
En Colombie-Britannique… J'ai bien aimé votre remarque sur la possibilité d'élire un sénateur, mais, pour parler franchement, si l'Ouest n'obtient aucune sorte de reconnaissance, il y aura d'épiques batailles constitutionnelles. Je suis d'accord avec vous sur un point, ces conversations difficiles doivent avoir lieu.
La Constitution de 1982 accorde notamment une place aux droits de l'individu. Je représente des individus qui paient autant d'impôts fédéraux que les contribuables du Québec. J'éprouve beaucoup de difficultés à affirmer que notre vote vaut moins que celui d'un Québécois.
Je ne suis pas le seul à le dire. Donald Savoie, titulaire d'une chaire de recherche du Canada, a longuement parlé des tentatives de l'élite laurentienne, au Québec et en Ontario — il s'agit du Canada, et c'est sérieux — ainsi que de la concentration du pouvoir programmée dans notre Constitution de 1867, encore en grande partie en vigueur aujourd'hui, dans la formation de notre fonction publique.
Que répondez-vous à un Canadien de l'Ouest qui réclame seulement une voix égale au chapitre, dans notre fédération? Ensuite, si le Québec était aussi sous-représenté que la Colombie-Britannique, les Québécois se rebelleraient. C'est également arrivé en Colombie-Britannique et en Alberta, en 1993, et nous ne sommes pas loin, même d'après votre analyse d'aujourd'hui, de le revoir.
Peut-être que si nous adoptons le seuil dont nous discutons aujourd'hui, reconnaître la 43e législature comme la norme nouvelle de représentation à la Chambre des communes, mais, ensuite, prendre les moyens d'augmenter le nombre de sièges attribués à l'Ouest, croyez-vous que beaucoup de Québécois l'accepteraient?
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Soyons factuels: il n'existe pas de sous-représentation des provinces de l'Ouest ou du Québec à la Chambre des communes, puisque c'est la représentation proportionnelle qui s'applique. Il existe cependant une sous-représentation au Sénat, et c'est un réel problème et un réel défi, mais c'est malheureusement devenu un tabou constitutionnel.
À la Chambre des communes, le principe de la représentation proportionnelle est le fruit d'un compromis historique négocié en 1867. Par la voie de l'Acte d'Union, pour pratiquer une politique d'assimilation des Canadiens français, lord Durham avait recommandé un principe de représentation égalitaire, qui, à l'époque, permettait de sous-représenter le poids politique des francophones. Les francophones du Québec en particulier et du Canada en général ont connu, de 1840 jusqu'au tournant démographique de 1850, une période de sous-représentation qui était une profonde injustice historique. C'est pour cela qu'en 1867, ils se sont ralliés à l'idée que la représentation proportionnelle comportait un certain idéal de justice dans la répartition des sièges, mais qu'en contrepartie, cela devait s'inscrire dans un pacte de nation à nation.
Or, jamais le Québec n'aurait pu anticiper que la suite de cette confédération se traduirait par le Règlement 17 ou le non-respect des droits linguistiques au Manitoba. On croyait naïvement que le développement de l'Ouest canadien allait perpétuer le poids politique des francophones et des anglophones que l'on connaissait dans ce petit Canada à quatre partenaires qu'on créait en 1867.
La suite n'a pas permis la concrétisation du pacte fait en 1867 et des promesses qui en découlaient. Résultat des courses, aujourd'hui la relation entre le Québec et le Canada s'inscrit dans une dynamique de déclin. Ce déclin est-il la faute du Québec ou celle du Canada? C'est un débat politique sur lequel je ne me prononce pas. Comment l'aménage-t-on? Ce n'est pas simple.
Ça s'appelle rectifier les faits. Le Québec n'a jamais prévu la répartition actuelle de la population. C'est le vide constitutionnel dans lequel nous nous retrouvons. Le nouveau seuil pour protéger le nombre de sièges du Québec présente un problème à moins que nous ne suivions votre conseil, entamer une autre discussion constitutionnelle avec les provinces.
Le problème n'est pas seulement imputable aux gouvernements libéraux, puisque les gouvernements conservateurs y ont aussi eu un rôle. Le sparadrap que nous appliquons aujourd'hui pour le corriger, il faudra l'arracher dans une dizaine d'années. La même discussion se répétera tant que les provinces ne conviendront pas entre elles d'une sorte d'équité nouvelle, particulièrement, si je peux le préciser, celles qui paient la note de la péréquation. Essentiellement, nous attendrons l'arrivée soudaine d'un autre parti réformiste ou d'un autre bloc québécois, peut-être d'un deuxième parti séparatiste à la Chambre des communes, qui viendra défendre les droits perçus de sa région.
Merci, madame la présidente.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie le professeur Taillon de sa présence et de son témoignage.
Je suis une députée du Québec. Présentement, la population du Québec représente 22,98 % de la population du Canada. Vous recommandez qu'on augmente le pourcentage de représentation à 25 %. Étant donné que cela touche la Constitution, il faudrait obtenir l'accord de sept provinces et territoires.
Monsieur Taillon, pensez-vous honnêtement que ce soit possible, d'ici la fin de l'année ou la fin du mois de juin de l'an prochain, d'avoir des discussions avec les provinces et les territoires et d'en arriver à un accord afin d'augmenter le pourcentage de représentation du Québec à 25 %?
Présentement, le projet de loi garantit que le Québec et toutes les autres provinces ne perdront pas de sièges. Cependant, votre recommandation ou celle du Bloc québécois nécessiterait de rouvrir la Constitution.
Avez-vous des commentaires à cet égard?
:
J'y arrive, madame la présidente.
C'est la même chose quand on parle ici du concept de nation. Jacques Parizeau avait qualifié cela de hochet. Lorsque nous avons présenté à la Chambre la motion sur le concept de la nation québécoise, on a dit qu'on allait adopter cela sans problème. La motion a effectivement été acceptée par une forte majorité. On voulait s'assurer que ce serait un hochet, un petit jouet que les Québécois pourraient utiliser par plaisir. Par la suite, cependant, nous arrivons dans une situation où nous devons rappeler que, lorsqu'on accepte de dire que le Québec est une nation, on doit faire certaines actions pour respecter cette idée.
Mon collègue de a dit qu'il ne pouvait pas comprendre que les Québécois aient plus de pouvoirs que lui alors qu'il payait comme eux de l'impôt. Pourquoi ne se soulève-t-il pas contre l'idée que l'Île‑du‑Prince‑Édouard a une représentativité quatre fois plus grande? En effet, cette province devrait être représentée par un seul député, mais elle en compte quatre. Il ne se soulève pas contre cela parce que ce n'est payant de le faire.
L'histoire du Québec nous a montré à maintes reprises que le Québec devait être traité comme une minorité et que cette démarche ne devait pas être bloquée. La Loi constitutionnelle de 1867 a institutionnalisé notre statut de minorité et, quand on parle comme ce député l'a fait, on continue le travail.
J'aimerais savoir ce que le témoin pense du débat historique sur la démarche visant à établir en tant que minorités le Québec ainsi que l'ensemble des francophones du Canada.
:
C'est une question complexe, mais il est évident qu'au tournant des années 1890 et jusqu'au début des années 1960, il y a eu une politique intentionnelle, volontaire et assumée pour endiguer la francophonie au Canada, notamment à l'extérieur du Québec. Cette période sombre de notre histoire a aujourd'hui des conséquences démographiques et cela se répercute sur le problème du poids politique du Québec à la Chambre des communes.
Des promesses de 1867 n'ont pas été tenues. Le Québec était heureux de se rallier au principe de représentation proportionnelle. On le trouvait juste, parce qu'on avait été victime de l'injustice de 1840. Or, cela venait aussi avec l'idée que ce pays reposait sur un pacte entre deux nations et sur l'idée que le développement à venir de cette fédération allait respecter cet esprit, lequel a été trahi par la suite.
Aujourd'hui, cette histoire est écrite et on ne peut rien y faire. Cependant, il y a des choses qu'on pourrait faire maintenant pour injecter un peu plus de fédéralisme et donner un peu plus d'influence aux provinces dans les institutions fédérales. À cet égard, je pense que beaucoup de solutions se trouvent du côté du Sénat. Ce sont des solutions qui permettraient au Québec, mais également aux autres provinces, d'avoir une plus grande voix. Autrement dit, il y a beaucoup trop de pouvoir concentré dans le bureau du . Si ce pouvoir était enfin un peu fédéralisé, le Québec en sortirait gagnant. Il pourrait choisir lui-même les sénateurs pour le représenter. Je ne dis pas que le Québec pourrait élire ses sénateurs, mais il pourrait les choisir et ceux-ci seraient ensuite nommés par le premier ministre du Canada. Il en irait de même pour les autres provinces. On aurait alors une solution gagnante pour tout le monde.
À la Chambre des communes, il ne faut pas que cette représentation proportionnelle issue du compromis de 1867 devienne un calcul mathématique rigoureux visant constamment à confirmer le déclin du Québec. Il y a une marge de manœuvre qu'on peut exploiter. La preuve, c'est que le projet de loi fait preuve d'un peu de créativité pour amoindrir de 0,3 point de pourcentage ce déclin. Pendant combien de temps cela tiendra-t-il? Ce ne sera sûrement pas très longtemps. La Chambre des communes sera probablement appelée à recommencer ce débat dans quelques années.
Cela dit, on voit qu'il y a une marge de manœuvre. Un gouvernement et un Parlement qui voudraient faire quelques pas de plus dans ce dossier pourraient le faire, mais il faudrait aussi aborder la question plus globalement et essayer d'attaquer de front les manières d'éviter le déclin du poids politique des francophones en général au pays et du Québec. Le Québec demeure la seule province majoritairement francophone et la seule province de tradition juridique civiliste. C'est donc une province qui a un projet de société particulier. De quelle manière la fédération aménage-t-elle l'intégration de cette province un peu particulière? C'est ce qui est au cœur du débat.
:
Bonjour, madame la présidente. Merci.
[Français]
Je suis très heureux de comparaître devant vous pour discuter du projet de loi .
Madame la présidente, vous avez bien signalé la présence de mes collègues du Bureau du Conseil privé, alors je ne répéterai pas cette information.
[Traduction]
Madame la présidente, 2021 a été une année de recensement décennal, ce qui enclenche, parce que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales nous oblige à la faire, la révision qui se déroule actuellement en tenant compte des calculs du directeur général des élections.
Le 15 octobre 2021, ce dernier a annoncé la redistribution des sièges à la Chambre des communes entre les provinces et les territoires, d'après la formule constitutionnelle et les variations démographiques survenues depuis 10 ans. La redistribution qu'il proposait entraînerait une augmentation de 4 du nombre de sièges, qui passeraient de 338 à 342, la Colombie-Britannique en gagnant 1, l'Alberta 3, l'Ontario 1, tandis que le Québec en perdrait 1.
[Français]
La perte d'un siège à la Chambre des communes est importante. Nous comprenons les inquiétudes des citoyens du Québec. C'est une position qui a été exprimée par mes collègues du caucus libéral du Québec et par d'autres collègues à la Chambre des communes également.
C'est la raison pour laquelle préserver les sièges du Québec à la Chambre des communes demeure une priorité pour notre gouvernement. Le projet de loi est la réponse du gouvernement à cette priorité.
[Traduction]
Le projet de loi vise à modifier l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, pour qu'aucune province n'ait moins de sièges que pendant la 43e législature — la dernière, en deux mots. Il remplacera la disposition de maintien des droits acquis, qui remonte au premier mandat de M. Mulroney au Parlement, par une disposition équivalente calée sur l'année 2021. Il s'ensuit que la redistribution ne fera perdre aucun siège au Québec.
Le projet de loi ne concerne pas seulement le Québec. La modification proposée s'appliquerait, évidemment, à toutes les provinces, en élevant leur nombre minimal de sièges et en protégeant ce minimum dans l'éventualité d'une variation démographique ultérieure.
Chers collègues, la modification est minime, mais elle a des conséquences énormes. Elle préservera les 78 sièges du Québec à la Chambre des communes, tout en respectant les gains de sièges de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario.
De plus, le projet de loi préserve la formule d'attribution des sièges, le mode de calcul de leur nombre et les mesures de protection en vigueur. Visiblement, par exemple, la « clause sénatoriale », la règle de représentation et la « clause territoriale » ne bougent pas d'un iota.
[Français]
Dix commissions de délimitation des circonscriptions électorales ont été établies par proclamation le 1er novembre de l'année passée, soit une commission par province. Il s'agit de commissions indépendantes et non partisanes. En effet, l'indépendance de ces commissions est un élément fondamental du processus de révision des limites des circonscriptions électorales.
J'aimerais saisir cette occasion pour remercier de leur service et de leur travail les membres des diverses commissions d'un bout à l'autre du pays.
[Traduction]
Les commissions se sont mises au travail après la publication des données définitives du recensement, en février dernier. En prévision de leurs projets de révision, elles tiendront des consultations publiques, puis elles soumettront leurs rapports à l'étude du Parlement, pour finalement décider des révisions à faire dans chaque province.
Pour que sa nouvelle disposition de maintien des droits acquis s'applique au processus actuel de redistribution, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions transitoires pour assurer, nous l'espérons, une mise en œuvre en douceur. À cette fin, nous avons évidemment eu une conversation avec le directeur général des élections Perrault. Par exemple, à son entrée en vigueur, le projet de loi exigerait que ce fonctionnaire recalcule le nombre de sièges à la Chambre des communes en tenant compte du nouveau plancher de 2021. Ça signifie que la commission québécoise préparerait une proposition qui tiendrait compte du nouveau nombre de sièges, autrement dit 78. Mais elle disposera du même échéancier de 10 mois que les autres commissions, pour terminer son travail de redistribution exigé par la loi.
De plus, les dispositions transitoires assurent la poursuite ininterrompue du travail des autres commissions provinciales. Si, par exemple, la commission du Québec avait besoin de plus de temps pour terminer son travail, du fait de ce nouveau calcul, ça ne retarderait pas la mise en œuvre des conclusions des autres commissions.
Enfin, madame la présidente, l'examen de ce projet de loi par les députés est une étape importante. Je vous remercie, vous et les membres de votre comité, de votre travail. Visiblement, le gouvernement est déterminé à collaborer avec tous les partis et tous les députés sur cette question importante. Il me tarde que nous en discutions, vous et moi, dans les 50 minutes qui restent.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
:
Madame la présidente, je remercie M. Kmiec de sa question.
Je le remercie également de son exposé fouillé, à la deuxième lecture.
Visiblement, je ne discuterai pas des options que j'ai exposées au Cabinet, ce qui serait inapproprié, mais nos amis ne devraient pas s'étonner que nous cherchions un moyen d'assurer le maintien de la représentation du Québec. Nous étions conscients de la nécessité de ne pas nous y prendre d'une manière susceptible d'enclencher une formule de révision constitutionnelle, c'est‑à‑dire nécessitant l'accord de sept provinces rassemblant 50 % de la population.
D'après nos conseillers juridiques, certaines options proposées auraient enclenché cette formule. Nous avons donc pensé que c'était la seule façon simple et précise de préserver le nombre de sièges de la dernière législature à la Chambre des communes.
:
Merci, madame la présidente.
Visiblement, nous n'envisageons, pour le moment, aucun projet de loi pour la redistribution des sièges. Nous considérons comme important que les commissions puissent, au mieux, terminer leur travail à l'intérieur des échéanciers prévus par la loi.
La représentation proportionnelle modifiée permet d'attribuer moins d'électeurs à une circonscription du Labrador, par exemple, en raison de la géographie, que pourrait en compter une circonscription à St. John's. Évidemment, des exemples existent depuis longtemps dans les territoires. Ma propre province, le Nouveau-Brunswick, doit compter 10 députés, en raison de la « clause sénatoriale ». Si on essayait de diviser la population de la province pour arriver au quotient électoral — le nombre national —, il pourrait être inférieur à 10 députés, mais c'est un exemple dans lequel ma province comptera toujours 10 députés ou l'Île‑du‑Prince-Édouard, toujours 4. L'application rigoureuse de la formule nationale à la représentation proportionnelle à la population pourrait donner un résultat différent.
:
Madame la présidente, je vous remercie de cette question. Elle découle essentiellement d'un souci compréhensible pour un processus opportun et ordonné.
Si, dans sa sagesse, le Parlement décide, par exemple, de conserver 78 sièges au Québec, il est évident que la commission de délimitation des circonscriptions de cette province respectera cette décision. Si, dans la période de transition, des élections devaient survenir avant que la commission ait terminé son travail, comme M. Sutherland vient de me le faire remarquer, le nombre de sièges du Québec resterait à 78, ce qui n'est pas une situation idéale.
Voilà pourquoi j'espère que les députés et les sénateurs, dans l'éventualité d'un consensus pour appuyer ce projet de loi, pourront le faire de manière à ne pas créer trop d'incertitude pour la commission. Elle travaillera très fort et sérieusement. Visiblement, l'incertitude qu'elle pourrait affronter n'est pas idéale.
Je m'en soucie, mais j'ignore si, peut-être, M. Sutherland ou Mme Pereira peut citer d'autres circonstances où on a produit cette sorte de cartes hybrides, si vous me passez le terme.
Peut-être que l'un d'eux le sait. Nous serons évidemment heureux de communiquer plus de détails par écrit à la présidence.
Si M. Sutherland peut répondre, je lui cède la parole.
:
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci au ministre et à son équipe d'être des nôtres aujourd'hui.
C'est dur parce que M. Kmiec a déjà posé quelques-unes de mes questions.
En ma qualité de députée du Québec, je tenais absolument à ce que le Québec ne perde pas de siège. Il est clairement ressorti des discussions du caucus du Québec qu'il n'était pas question que le Québec perde un siège et que sa représentation diminue. Le projet de loi semble répéter les mesures prises dans le passé. La même modification mineure a été apportée durant la 33e législature, puis encore une fois en 2011 afin d'éviter que des sièges soient perdus.
Durant la première partie de la réunion, un de mes collègues a mentionné qu'il s'agissait d'une solution temporaire. Il y a un problème à régler, et toutes les quelques années, on se penche sur les données du recensement et sur la représentation, et on apporte des modifications mineures.
Je vais poser une question qui ne plaira probablement pas à mes collègues. Le temps est‑il venu de prendre en considération, par exemple, la proposition du Bloc québécois, qui vise à augmenter la représentation du Québec ou à garantir le seuil de 25 %? Je crois que pour ce faire, il faudra utiliser la formule de modification de la Constitution.
Devons-nous commencer à réfléchir à la possibilité de rouvrir la Constitution et aux différentes façons d'assurer la représentation à l'échelle du Canada, qu'il soit question des sièges à la Chambre des communes ou au Sénat? Pouvez-vous nous fournir des détails à ce sujet, s'il vous plaît?
:
Madame la présidente, je remercie Mme Romanado pour la question. Elle a raison. Elle fait partie de mes collègues du caucus, et durant nos discussions, nous avons reconnu l'importance de maintenir les 78 sièges du Québec. Mme Romanado est une députée du Québec et sa voix est importante. Elle était certainement importante pendant le processus de rédaction du projet de loi.
Je ne savais pas qu'on allait me poser des questions sur la modification de la Constitution. Je croyais que les questions porteraient sur les efforts déployés au cours d'une législature précédente en vue de modifier le système électoral. Je me souviens qu'après 2015, nous avons eu du succès à ce chapitre. Cette question ne semble pas faire partie du programme, et franchement, madame Romanado, la modification de la Constitution non plus.
Des gouvernements successifs, y compris ceux de M. Harper et de M. Chrétien... Rouvrir la Constitution pour changer la formule de représentation ou le nombre de sièges au Sénat ne compte pas parmi les priorités du gouvernement. Comme d'autres, je suis d'avis que même s'il y a consensus, par exemple, sur une question aussi précise que celle‑ci, quand les premiers ministres sont convoqués pour discuter de la Constitution, chacun ajoute de nombreuses questions à l'ordre du jour, et c'est difficile d'obtenir des résultats. Selon nous, de telles discussions nous détournent des dossiers qui tiennent à cœur à la population canadienne et qui requièrent un véritable travail de collaboration avec nos partenaires de la fédération.
Nous cherchons principalement à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour trouver des solutions qui ne demandent pas de modifier la Constitution, mais qui servent mieux la population canadienne. Je suis heureux de travailler en ce sens au quotidien au nom du gouvernement.
:
Il s'agit d'un gel, monsieur le ministre.
Voici ce que je comprends de ce que vous avez dit. Je dois dire que vous êtes un politicien d'expérience. D'ailleurs, j'aimerais que vous écourtiez vos réponses. C'est que vous êtes tellement intéressant qu'on oublie le reste.
D'après vos propos, techniquement, le fait que le Québec soit reconnu comme une nation ne lui accorde pas plus de pouvoirs.
Le 2 mars, à la Chambre, vous avez voté en faveur d'une motion qui comportait deux aspects. Vous saviez bien que j'allais vous parler de cela. Premièrement, la motion demandait qu'il n'y ait aucune perte de sièges à la Chambre pour le Québec. J'avoue que le projet de loi constitue une victoire là-dessus. Deuxièmement, la motion demandait qu'il n'y ait aucune réduction du poids politique du Québec. Or, selon la mouture actuelle du projet de loi C‑14, le Québec garde ses 78 sièges actuels, mais le total des sièges au Canada passe de 338 à 343. Je suis convaincu que vous êtes assez fort en mathématiques pour savoir que le poids du Québec n'est pas protégé. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui permettra d'empêcher la diminution du poids politique du Québec à court, moyen ou long terme. Cela, nous pouvons en convenir.
Pourquoi n'avez-vous pas agi, alors que la motion a été adoptée par une forte majorité? D'ailleurs, je ne suis pas allé vérifier, mais je suis convaincu que vous avez voté en faveur de cette motion. M. Turnbull fait signe que oui. Pourquoi n'a-t-on pas donné suite à ce deuxième aspect de la motion?
:
C'est une excellente question.
Je salue d'ailleurs M. Therrien, qui est, lui aussi, un politicien d'expérience doté d'un bon jugement. Je le vois dans sa façon de poser ses questions. Il essaie de me piéger dans un cul-de-sac. J'accepte cela, même que l'avocat que je suis admire cela. J'étais tellement nul en mathématiques et en sciences que j'ai décidé de faire des études en droit, et je n'ai même pas étudié le droit fiscal.
Cela dit, M. Therrien a raison, nous avons interprété la motion de façon à protéger le poids politique du Québec. Si son nombre de sièges avait diminué de 78 à 77, cela n'aurait pas constitué, à notre avis, une protection du poids politique du Québec.
Je ne cacherai pas que nous n'allons pas entamer une discussion concernant des modifications à la Constitution ni aller devant les tribunaux afin de déterminer si un projet de loi adopté par la Chambre des communes est en dehors de la Constitution canadienne.
:
On peut passer beaucoup de temps à citer d'autres experts. Par exemple, M. Emmett Macfarlane, qui est professeur de science politique à l'Université de Waterloo et expert en droit constitutionnel, a tenu les mêmes propos que M. Pelletier.
Ce qui nous importe, c'est de ne pas réduire le nombre de sièges du Québec. Nous avons été très clairs sur ce point. Quant à l'idée de garantir un pourcentage fixe, peu importe les changements démographiques, je vais laisser cela de côté pour mes amis d'autres provinces.
J'aurais bien aimé que le Nouveau‑Brunswick se trouve, comme la Colombie‑Britannique, l'Alberta ou l'Ontario, devant le problème d'avoir une population croissante. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Comme l'a dit M. Therrien, nous sommes toutefois protégés par la clause sénatoriale.
Somme toute, nous croyons que c'est une façon chirurgicale et appropriée de maintenir 78 sièges au Québec.
:
Je remercie le ministre pour sa réponse.
Ma prochaine question concerne le caractère très colonialiste du régime dont nous parlons. Il y a longtemps que le colonialisme opère au Canada et qu'il réduit les communautés autochtones au silence. Nous savons que d'autres pays ont cherché à modifier leurs processus électoraux de sorte de donner une plus grande place aux communautés autochtones.
Nous savons aussi, sur le plan statistique, que la participation aux élections ayant lieu dans les communautés autochtones est extrêmement élevée, contrairement à la participation des Autochtones aux autres élections tenues au pays. Des discussions sont-elles en cours pour trouver des façons d'amplifier la voix des communautés autochtones? Des objectifs ont-ils été établis en ce qui concerne la représentation des Autochtones et l'amplification de leurs voix au sein des deux chambres du Parlement?
Je cite l'exemple de la Nouvelle-Zélande. Nous savons à quel point cette question est importante. Pour que le processus de réconciliation donne des résultats concrets, des efforts doivent être déployés à tous les échelons. Il va sans dire que si les premiers peuples du pays étaient représentés au Parlement, le processus serait plus complet et collaboratif. Du travail est‑il fait sur ce plan? Examine‑t‑on les régimes qui fonctionnent ailleurs et réfléchit‑on aux moyens de les adapter à la réalité canadienne?
:
Madame la présidente, la question soulevée par Mme Blaney mérite l'attention de l'ensemble des parlementaires. Elle a mentionné les deux chambres: la Chambre des communes, bien entendu, ainsi que nos collègues du Sénat.
Nous avons tenté, au moyen du processus de nomination des sénateurs, de nommer plusieurs Autochtones au Sénat. D'après mes discussions avec mes collègues du Sénat, ces personnes ont joué un rôle important dans les discussions et le travail de cette chambre, mais il est toujours possible d'en faire plus.
Mme Blaney a parlé d'autres pays. C'est tout à fait juste que la Nouvelle-Zélande joue un rôle de chef de file dans ce domaine. De mémoire, dans quelques provinces canadiennes, l'Assemblée législative a délibérément décidé de prendre des mesures pour faire en sorte que la carte électorale amplifie la voix des Autochtones et même celle d'autres groupes minoritaires — je pense aux francophones en Nouvelle-Écosse —, des groupes qui, comme Mme Blaney l'a souligné à juste titre, sont souvent mal représentés dans le cadre des processus de redécoupage électoral.
Nous ne travaillons sur aucun plan ou aucune mesure législative à ce sujet en ce moment, mais je sais que le directeur général des élections — j'ai participé à la réunion du Cabinet qui a eu lieu ce matin — vient de publier un rapport ou des recommandations portant sur plusieurs éléments des deux dernières élections générales.
Bien entendu, madame la présidente, si votre comité ou d'autres comités de la Chambre des communes ont des idées à cet égard ou souhaitent se pencher sur la question, nous serons ravis de participer aux discussions, mais je ne vais pas prétendre que le Cabinet travaille sur des lois ou des décisions à ce sujet.
Je le répète, nous savons qu'un processus de redécoupage électoral vient de commencer. Par conséquent, nous voulons éviter d'élargir la discussion à un point tel que les commissions de délimitation des circonscriptions soient incapables de réaliser leur travail dans les délais prescrits par la loi. Si nos collègues le souhaitent, nous serons ravis d'examiner la question avec eux après le processus en cours, car nous reconnaissons l'importance de la question que Mme Blaney a bien fait de soulever.
:
Si la loi actuelle est maintenue, il y aura un processus de redistribution après chaque recensement décennal, donc dans 10 ans, oui.
J'y vais de mémoire, mais j'ai été surpris. Si l'on prend les prévisions relatives à l'augmentation de la population dans l'actuel... Si l'on regarde les déplacements de population des 10 dernières années et qu'on projette les mêmes déplacements au cours des 10 prochaines années, on pourrait penser que le nombre de sièges à la Chambre des communes augmenterait de manière considérable dans 10 ans. Le nombre est étonnamment petit, si l'on présume que le Parlement de l'avenir ne changera pas les formules.
C'est une conversation que le Parlement tiendra tous les 10 ans. Nous croyons qu'il s'agit de la bonne façon de faire pour refléter les déplacements de population au pays.
C'était six sièges. Selon les projections,
[Français]
si la tendance se maintient, comme le disait Bernard Derome le soir des élections,
[Traduction]
nous prévoyons l'ajout de six sièges dans 10 ans. Bien sûr, cela dépend d'une série de facteurs démographiques.
:
Merci, madame la présidente. J'ai les mêmes sentiments que vous, à propos de ma circonscription, Whitby. Nous aimerions que des projets y soient approuvés également.
Pour revenir à la question dont nous sommes saisis, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier, vous et les membres du Conseil privé, de témoigner devant nous aujourd'hui. C'est une conversation importante.
Il est évident qu'en ce moment, le Québec profitera de ces changements puisqu'il ne perdra pas de siège, mais ce qui a été révélateur pour moi dans votre déclaration préliminaire, c'est que les modifications chirurgicales — je crois que c'est le mot que vous avez employé — qui sont proposées dans le projet de loi profiteront à toutes les autres provinces et aux territoires également.
Par l'entremise de la présidente, j'aimerais savoir si le ministre voit des inconvénients pour les autres provinces et les territoires.
:
Bien sûr, madame la présidente, j'ai hâte d'annoncer plusieurs investissements importants tant dans la circonscription de Waterloo que dans celle de Whitby. M. Turnbull et moi avons parlé de certains projets prioritaires dans sa circonscription, et j'espère pouvoir en faire l'annonce avec lui cet été.
Toutefois, comme M. Turnbull l'a bien expliqué, selon la proposition législative actuelle — le projet de loi — , la Colombie-Britannique obtiendrait un siège de plus, l'Alberta trois et sa province, l'Ontario, un. On obtiendrait ce résultat en appliquant la formule utilisée par le directeur général des élections dans le cadre du dernier recensement décennal. Nous sommes d'avis qu'il s'agissait d'une mesure corrective pour préserver les 78 sièges du Québec, mais nous ne voulions absolument pas ignorer l'importance de reconnaître la croissance de la population de ces trois provinces, comme vous l'avez dit, monsieur Turnbull.
On pourrait faire valoir qu'en ajoutant un siège au Québec, on diviserait ceux de ces provinces. Nous ne croyons pas que les effets soient importants. Sur un total de 342 sièges, un siège dans une province en particulier ne représente pas, à mon avis, une diminution considérable par rapport à la croissance de la population de ces provinces, dont la vôtre fait partie, monsieur Turnbull.
Madame la présidente, par votre entremise, j'aimerais faire référence au projet de loi , un projet de loi d'initiative parlementaire, et citer Emmett Macfarlane une fois de plus. Il a dit que lorsqu'on ne respecte plus la représentation en fonction de la population et qu'on adopte des politiques ou des changements constitutionnels pour protéger une province au détriment des autres — et ce sont les paroles de M. Macfarlane —, c'est là que les amendements constitutionnels deviennent nécessaires, et ils vont bien au‑delà du Parlement à lui seul.
Ce que nous avons entendu, c'est qu'en fonction du recensement, le Québec représente actuellement un peu moins de 23 % de la population du Canada. Or, selon la proposition du projet de loi , on garantirait un minimum de 25 % au Québec, sans égard au déclin de la population.
Est‑ce qu'on appliquerait alors la formule de modification? La question que je veux poser est la suivante: est‑ce que vous prévoyez maintenir ce processus, si tel est le cas? Il me semble que de passer par un projet de loi d'initiative parlementaire peut entraîner quelques problèmes. Pourriez-vous nous en parler, monsieur le ministre?
:
Oui, et il y a aussi les berges de la rivière Saint‑Régis, mon ami. J'attends. Nous allons nous en reparler.
Revenons à notre dossier.
Un constitutionnaliste a comparu devant nous tantôt. La question était claire. Je crois que c'est Mme Romanado qui la lui a posée. Au sujet de notre proposition d'avoir une représentation de 25 % comme le suggérait l'accord de Charlottetown, il a dit que c'était possible. Est-ce que cela devrait être 25 % ou 24 %? Selon lui, c'est là que la chose pouvait devenir discutable.
On fait allusion à certains constitutionnalistes, mais je suis un peu déçu, parce que j'aurais aimé les entendre. Je sais bien que le ministre ne peut pas les inviter. Cela dit, M. Turnbull a renchéri là-dessus tantôt en citant un de ces constitutionnalistes. M. Turnbull est toujours perspicace lorsqu'il s'exprime; je l'aime beaucoup. Or, j'aurais aimé parler à ce constitutionnaliste et lui poser des questions. C'est ce que je trouve dommage. Il y a maintenant des balles qui arrivent du champ gauche. Par contre, le seul constitutionnaliste que nous ayons entendu nous a dit que cette modification était possible.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais citer quelques faits au ministre.
Depuis 1987, les tribunaux reconnaissent que des exceptions existent pour assurer la représentation effective et que le Parlement fédéral a le pouvoir d'adopter des mesures en ce sens. On ne parle donc pas ici d'obtenir l'accord de sept provinces représentant 50 % de la population. La Cour suprême a reconnu le principe fondamental de la représentation effective comme un droit garanti à l'électeur par la Charte. Ce principe comprend deux conditions. Tout d'abord, il doit y avoir une égalité relative, c'est-à-dire que le poids du vote d'un électeur ne doit pas être disproportionné par rapport à celui d'un autre électeur. M. Vis a mentionné cela tantôt, avec raison, en se demandant pourquoi son vote serait moins important que celui d'un autre électeur ailleurs. On conçoit donc qu'il faille respecter l'idée selon laquelle un électeur est un électeur, peu importe où il se trouve. Cependant, il y a une deuxième condition au principe de la représentation effective: il doit aussi y avoir un respect des communautés naturelles. On précise qu'il faut prendre en considération des facteurs comme les caractéristiques géographiques, l'histoire et les intérêts des collectivités. C'est ce qui est écrit.
C'est cette deuxième condition, que je mentionne au ministre, qui donne au Parlement fédéral la possibilité de changer la loi, comme il l'a fait dans le cas du seuil minimal. Or, bizarrement, lorsque nous proposons d'établir une proportion minimale de 23 %, 24 % ou 25 %, cela ne fonctionnerait pas. Je voudrais savoir pourquoi cela ne fonctionnerait pas, alors qu'ici, on semble dire assez clairement que c'est possible.
J'aimerais entendre les commentaires du ministre là-dessus.
:
Merci encore, madame la présidente.
J'aime beaucoup la discussion d'aujourd'hui. Elle me fait penser à l'un de mes chercheurs préférés du Nouveau-Brunswick, Donald Savoie. Il était chaire de recherche en administration publique... il l'est peut-être toujours.
Dans son livre datant de quelques années, intitulé La démocratie au Canada, il faisait référence à l'élite laurentienne et abordait la question du nombre d'Ontariens et de Québécois dans la fonction publique. Il faisait aussi valoir que la culture de la fonction publique à Ottawa n'était pas très représentative de la culture de l'Ouest canadien.
Je sais que le ministre est au courant de cette réalité, mais est‑il vrai que dans certaines parties de la Colombie-Britannique, et dans une bonne partie de l'Alberta, les gens se sentent déconnectés de nos institutions ici, à Ottawa?
Ma femme est originaire d'Ottawa; elle habite maintenant en Colombie-Britannique. Lorsqu'elle est arrivée ici, elle m'a dit: « Brad, je n'avais aucune idée des écarts de richesse qu'il y avait au pays; je pensais que toutes les régions du pays avaient un bel anneau de glace comme celui de la région de la capitale nationale, qui est financé par les contribuables. »
Ma question s'adresse à nos fonctionnaires. Selon vous, que peut faire la fonction publique du Canada pour assurer une représentation plus adéquate des valeurs de l'Ouest canadien, y compris la valeur associée à l'argent des contribuables?
:
Madame la présidente, très rapidement, je sais que nous n'avons plus beaucoup de temps, mais M. Vis a parlé de M. Donald Savoie, que j'ai la chance de compter parmi mes amis. C'était un grand ami de mon père. Je le vois souvent au Nouveau-Brunswick.
Vous avez raison, monsieur Vis, il a publié quelque 30 livres, je crois. Mon préféré s'intitule Moi, je suis de Bouctouche. C'est une communauté de ma circonscription dans laquelle il a grandi.
Il a bien ciblé la difficulté — dans la fonction publique, mais aussi dans d'autres institutions nationales, à mon avis — d'assurer une représentation appropriée des régions. Je me préoccupe des minorités francophones à l'extérieur du Québec. Nous nous préoccupons bien sûr aussi des Autochtones. La diversité de notre pays n'est souvent pas bien représentée. Je parle de la diversité régionale, mais aussi d'autres diversités qui ne sont pas bien reflétées dans nos institutions comme la fonction publique et d'autres.
Le gouvernement déploie des efforts continus à cet égard, et nous accueillons toutes les suggestions. Comme votre femme, j'ai aussi grandi à Ottawa pour ensuite aller vivre au Nouveau-Brunswick. Je suis allé vers une autre côte, mais je comprends tout à fait le point de vue soulevé par M. Vis.
:
Je remercie mon collègue de sa question.
Monsieur Fergus, j'ai bien compris l'importance que vous accordez au projet du tramway de Gatineau. Nous nous en sommes parlé plusieurs fois et j'ai aussi eu des discussions avec des ministres du gouvernement du Québec. Je crois que l'on privilégie la tenue d'une étude d'ingénierie environnementale. J'ai été surpris, car c'est quand même assez cher. J'ai bon espoir que nous serons en mesure d'en parler très bientôt aux citoyens de votre circonscription.
Je vais conclure sur la question des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Comme je l'ai dit dans mon allocution d'ouverture, conformément à la loi fédérale, des commissions indépendantes et non partisanes ont été mises sur pied. Je soumets respectueusement à nos collègues qu'il faut être conscient du travail important que font ces personnes. Je pense que M. Fergus l'a bien souligné. J'en ai personnellement discuté avec M. Perrault, le directeur général des élections, il y a quelques semaines.
Je mise donc sur la sagesse du Comité et de nos collègues de la Chambre des communes pour que le projet de loi soit adopté à l'étape de la troisième lecture, puis au Sénat. C'est ce que j'espère, étant donné qu'il y avait un important consensus lors de l'étape de la deuxième lecture. M. Kmiec et d'autres députés y ont d'ailleurs fait référence. Si c'est la volonté du Parlement d'adopter le projet de loi, j'espère que l'on sera soucieux du besoin d'éviter que la commission accuse un retard déraisonnable, surtout dans votre province, monsieur Fergus. Comme on l'a dit, ce ne serait pas idéal de se retrouver dans une situation où il y aurait deux échéanciers. Ce ne serait pas respectueux envers les membres de la commission. De plus, je pense que cela ne donnerait pas les résultats importants auxquels s'attendent les résidants du Québec quant à leur nouvelle carte électorale.