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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Nous recevons dans un premier temps M. Dan Stanton, ancien directeur général du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS; et M. Artur Wilczynski, ancien sous-ministre adjoint et directeur général responsable des opérations de renseignement au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST.
Vous avez droit à cinq minutes chacun pour nous présenter vos observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
Pour ne pas perdre de temps, nous allons d'abord entendre M. Stanton qui va céder directement la parole à M. Wilczynski. Les questions des députés viendront par la suite.
Bienvenue au Comité.
À vous la parole, monsieur Stanton.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous les membres du Comité.
Je prends la parole aujourd'hui parce que je ne souscris pas à la décision de ne pas tenir une enquête publique sur les allégations d'ingérence étrangère. Je vais traiter des motifs avancés pour justifier cette décision.
En outre, je ne veux pas laisser porter à l'opposition tout le fardeau des efforts à déployer pour réclamer un vote en faveur de la tenue d'une enquête publique. J'aimerais plutôt voir le gouvernement — et particulièrement, ceci dit très respectueusement, le — revenir sur sa décision de ne pas tenir une telle enquête.
L'examen du rapporteur spécial n'a relevé « aucun exemple où un ministre, le premier ministre ou leurs bureaux respectifs se sont abstenus, en connaissance de cause ou par négligence, de donner suite aux renseignements, conseils ou recommandations fournis. » Le rapporteur met l'accent sur l'appareil gouvernemental et les décideurs en reconnaissant avoir bel et bien constaté des lacunes importantes et préoccupantes dans la communication du renseignement, notamment lorsqu'il est de nature confidentielle.
Il est indiqué que le n'a pas accès aux courriels très secrets qu'utilisent les responsables de la sécurité nationale pour communiquer du renseignement, y compris concernant les possibles menaces à l'endroit de députés. Cela a entraîné des « situations où les renseignements qui devraient être portés à l'attention » de nos dirigeants politiques ne se rendent pas jusqu'à eux « parce qu'ils se perdent dans les dédales de documents au gouvernement. »
Pour ce qui est des menaces ciblant le , le rapport nous apprend que les informations à ce sujet ont été transmises par courriel au et à son chef de cabinet par le truchement du réseau Très secret, sans toutefois que les deux destinataires disposent des identifiants requis pour se connecter à ce réseau.
Je pose en tout respect la question. Comment se fait‑il que l'on n'ait pas signalé une omission d'agir en réponse à des avertissements provenant de notre service du renseignement alors même que les décideurs à Sécurité publique Canada et plusieurs conseillers à la sécurité nationale et au renseignement n'ont jamais pu prendre connaissance des rapports en question ou n'y avaient tout simplement pas accès?
On dit que certaines allégations relayées par le Globe and Mail et par Global News n'étaient pas fondées et ont été citées hors contexte. De quelles allégations s'agit‑il? Je pense qu'il serait important de le savoir.
Le Canada vient tout juste d'expulser un diplomate chinois. Devrions-nous revoir cette décision de le déclarer persona non grata?
Des experts en matière de sécurité ont indiqué au rapporteur — et il en fait état dans son rapport — que nous ne pouvions pas tenir une enquête publique, car cela risquait de nous attirer les foudres du Groupe des cinq. Pour avoir moi-même travaillé pendant de nombreuses années avec les agences du renseignement d'origine humaine et d'origine électromagnétique de 9 des 12 partenaires du Groupe des cinq, je peux vous assurer qu'ils ont une grande estime pour les agences et les infrastructures de renseignement et de sécurité nationale du Canada.
Le Groupe des cinq a survécu aux torts considérables causés par différentes fuites, de Kim Philby jusqu'à Edward Snowden, et a des préoccupations beaucoup plus importantes par rapport à la cible chinoise que notre éventuelle enquête sur l'ingérence étrangère que l'on pourrait considérer comme légèrement plus banale, mais certes seulement d'intérêt national. Il y a aussi les rapports du côté du Groupe des cinq — et je suis effectivement convaincu qu'il y en a sans doute eu — qui peuvent être caviardés avant divulgation. De plus, ils peuvent être analysés en convoquant des témoins ou en obtenant des contributions à huis clos dans le cadre d'une enquête publique. Le Groupe des cinq ne va pas faire obstacle à une telle enquête. Ce n'est pas comme si ce groupe allait se poser comme étant le grand inquisiteur surveillant de sa tribune notre enquête publique en nourrissant de graves préoccupations.
Nous avons des précédents en matière d'enquête publique sur les questions de sécurité nationale. Rappelons notamment la commission d'enquête menée par le juge John Major sur l'attentat à la bombe contre le vol 182 d'Air India — dont on soulignera l'anniversaire le mois prochain, soit dit en passant. Dans le cadre de cette enquête, on est passé à huis clos pour entendre les témoignages et prendre connaissance des rapports lorsque le contenu était confidentiel. On pourrait faire de même avec une enquête publique sur l'ingérence étrangère alors que le pourrait demander au commissaire d'examiner en privé les informations confidentielles.
Enfin, j'aimerais traiter de la question de privilège touchant la campagne d'intimidation à l'encontre du député de . Je tire une très grande fierté de mes 30 années de service au SCRS et du travail qu'accomplit cette organisation au quotidien pour garder les Canadiens en sécurité.
Cela dit, j'estime que dès la réception de renseignements crédibles indiquant que les proches d'un député étaient ciblés par la République populaire de Chine, on aurait dû en priorité en informer le député concerné. Le SCRS aurait dû aviser directement, plutôt que d'attendre que l'appareil gouvernemental règle ses problèmes de courriel.
Merci, madame la présidente.
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Merci, monsieur Stanton. Merci, madame la présidente.
Je veux commencer par dire que l'ingérence étrangère vécue par M. Chong et d'autres députés est incompatible avec la démocratie. Les menaces contre les députés sont inexcusables et menacent l'intégrité de nos institutions démocratiques et leur capacité à représenter les Canadiens.
Dans son témoignage, M. Chong a soulevé une série de questions essentielles pour répondre aux menaces posées par des acteurs étatiques hostiles tels que la Chine et la Russie. Dans son rapport, le rapporteur spécial a également souligné des éléments qui nuisent à la capacité du Canada à répondre à l'ingérence étrangère. Tous deux ont soulevé des questions essentielles, et je vais essayer de répondre à quelques-unes d'entre elles.
[Traduction]
Pendant des années, j'ai été moi-même un utilisateur du renseignement. À titre de directeur général à Sécurité publique Canada, puis à Affaires mondiales Canada, j'ai dû prendre connaissance d'informations classifiées au plus haut niveau provenant des spécialistes du renseignement canadien et de nos partenaires internationaux. J'ai été régulièrement en contact avec des sous-ministres, des ministres et des membres de leur personnel pour discuter d'une vaste gamme de questions.
Après avoir été ambassadeur, je suis revenu travailler au Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, à titre de directeur général des Opérations de renseignement. Le CST m'a recruté en raison de mes années d'expérience comme utilisateur du renseignement. Mon mandat consistait notamment à offrir une meilleure expérience d'utilisation à ceux qui consomment les produits de renseignement du CST. J'étais responsable du programme des agents de relations avec la clientèle. J'étais également président du conseil de gouvernance du réseau Très secret, la plateforme permettant aux clients de tout le gouvernement d'avoir accès au renseignement classifié au plus haut niveau.
[Français]
Mon expérience m'a permis de mieux comprendre la collecte, l'analyse, la diffusion et l'utilisation des renseignements. C'est pourquoi je suis d'accord avec de nombreux observateurs pour dire que la diffusion, la consommation et l'utilisation du renseignement au Canada doivent être modernisées. Cette question n'est pas nouvelle. C'est en partie pour relever certains de ces défis que j'ai été nommé au Centre de la sécurité des télécommunications. Malheureusement, il s'agit toujours d'un travail en cours.
[Traduction]
Bien que certains utilisateurs du renseignement aient pu établir des partenariats efficaces avec ceux qui le produisent, notamment au sein du personnel des Forces armées canadiennes et d'autres organisations vouées à la sécurité, des lacunes importantes demeurent. C'est dans le contexte de cette modernisation inachevée que je n'ai été guère surpris par l'expérience vécue par ou les observations communiquées par M. Johnston. Les utilisateurs du renseignement se plaignent souvent de problèmes semblables qui exigent une solution systémique.
Je travaillais au CST, notre organisme national du renseignement électromagnétique. Au Canada, le renseignement est produit par un large éventail d'intervenants incluant le SCRS, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, et le Bureau du Conseil privé. Il faut ajouter à cela les rapports diplomatiques classifiés produits par Affaires mondiales Canada. Et je vous ai parlé seulement du renseignement produit ici même au pays. Nous avons également accès aux renseignements provenant du Groupe des cinq, de l'OTAN et d'autres partenaires.
C'est un vaste écosystème de l'information. L'objectif est de s'assurer que les bonnes personnes puissent consulter la bonne information au moment voulu pour pouvoir prendre des décisions dans l'intérêt national du Canada. Nous investissons des ressources importantes dans la collecte du renseignement. Il nous faudrait investir davantage aux fins de son évaluation et de son utilisation. Nous devons mieux coordonner la diffusion du renseignement.
Pour un utilisateur du renseignement, il est difficile d'établir un ordre de priorité entre les différentes informations classifiées arrivant de sources multiples à un débit qui fait en sorte qu'il est presque impossible de gérer le tout efficacement. Les divers utilisateurs, qu'il s'agisse des ministres, des sous-ministres, de leur personnel ou d'autres hauts fonctionnaires, doivent être mieux formés pour bien comprendre en quoi consiste le renseignement et comment le mettre à contribution efficacement dans le cadre du processus décisionnel. Il nous faut instaurer au Canada une meilleure culture du renseignement.
Cette culture est relativement adéquate lorsqu'il s'agit de contrer les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada et des Canadiens. Elle est nettement plus fragile lorsqu'on est confronté à des problématiques nouvelles et émergentes, et que de nouveaux consommateurs ne s'y connaissant pas très bien en renseignement doivent déterminer comment utiliser le peu de temps à leur disposition pour prendre connaissance des documents classifiés au plus haut niveau.
Il faut qu'une plus grande transparence entoure notre processus du renseignement de telle sorte que les Canadiens comprennent mieux en quoi cela consiste et quelles utilisations on peut en faire. Il faudrait aussi que les mécanismes de diffusion du renseignement soient mieux coordonnés. Nous devons valoriser et habiliter davantage ceux et celles qui communiquent le renseignement aux clients en plus d'améliorer les systèmes utilisés à cette fin. Ce rôle devrait incomber au bureau de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, ou CSNR. On pourrait s'inspirer à cette fin du bureau du directeur du renseignement national des États-Unis. Même si les changements politiques peuvent permettre des avancées importantes, je pense qu'il serait utile d'inscrire dans la loi le rôle de la CSNR.
Enfin, j'estime que les sous-ministres devraient avoir davantage de comptes à rendre quant à la manière dont leur organisation utilise le renseignement qu'elle sollicite. Dans l'état actuel des choses, ce sont les entités qui collectent et évaluent le renseignement qui doivent satisfaire aux exigences établies pour l'ensemble du gouvernement. Les différents utilisateurs devraient être tenus de faire rapport pour indiquer comment ils se sont servis du renseignement obtenu pour produire des résultats qui servent les intérêts du Canada.
La plus grande partie de cette information devra être classifiée, mais j'estime qu'il s'agit là de solutions stratégiques importantes qui pourraient sûrement contribuer à régler quelques-uns des problèmes soulevés par et par le rapporteur spécial.
Notre régime du renseignement est aux prises avec des difficultés systémiques. J'ose espérer que nous consacrerons le temps et les ressources nécessaires pour en venir à bout. Je serais ravi de pouvoir en dire davantage au Comité quant aux prochaines étapes à envisager.
Merci beaucoup, madame la présidente.
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Ce n'est guère inspirant. Il faut considérer… Il est question ici de menaces, et c'est un député qui est visé en l'espèce. Pour une grande partie du renseignement lié à une éventuelle menace, qu'il s'agisse de terrorisme, d'espionnage ou de choses semblables, il y a d'emblée un mécanisme qui est mis en branle. On n'attend pas que le SCRS transmette ses évaluations via le système de courriel. Il s'agirait donc d'une évaluation de la menace étrangère qui serait accompagnée de toutes sortes d'autres informations sans doute communiquées de façon routinière.
J'ai entendu des gens demander pourquoi le SCRS n'appelle pas ou n'indique pas d'une autre manière qu'il y aurait tout lieu que l'on s'intéresse à tel ou tel courriel. Dans le domaine du renseignement de sécurité, on ne veut surtout pas que les agences influent sur l'argumentaire ou fassent valoir aux décideurs qu'ils devraient s'intéresser à ceci ou cela.
En fait, je ne crois pas que ce rapport se soit retrouvé dans le système alors que son auteur, le SCRS, estimait que des mesures immédiates s'imposaient. Cela s'inscrit simplement dans un processus de routine. Pour avoir moi-même travaillé 32 ans dans le secteur de la collecte d'information, je trouve cela plutôt désolant. Des risques considérables sont courus et des investissements importants sont consentis pour produire les rapports de renseignement, si bien que l'on aimerait que quelqu'un puisse en prendre connaissance ou s'y intéresser.
Cet examen initial nous apprend peut-être que les lacunes sont plus criantes qu'on le croyait, si l'on retrouve ainsi des rapports à la dérive au sein du système.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux deux témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Je vous suis vraiment reconnaissant de nous faire bénéficier de votre expertise pour l'étude de cette importante question. J'estime que votre apport est précieux.
Monsieur Stanton, peut-être pourrais‑je d'abord vous poser une question qui va un peu dans le sens de celles de M. Cooper.
Dans le cas particulier qu'évoquait M. Cooper, nous formulons en quelque sorte certaines hypothèses en nous basant sur le contenu du rapport du très honorable David Johnston. S'il a pu affirmer de telles choses dans son rapport, c'est bien sûr parce qu'il a pu prendre connaissance de grandes quantités de renseignement classifié. Je voulais juste savoir si vous étiez au fait de ces informations sur lesquelles il s'est fondé.
Vous nous faites bénéficier de votre grande expertise de la question, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que vous ne savez pas exactement quelles sont les informations détaillées que David Johnston a pu consulter. Est‑ce que vous pouvez nous le confirmer?
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C'est utile, car je ne voudrais pas vous placer dans une position où vous auriez à confirmer ou à infirmer certaines choses dont vous n'êtes pas au courant. Je pense que cela vous placerait dans une situation injuste et compromettante.
M. Dan Stanton: Oui.
M. Ryan Turnbull: Je pense que bon nombre de nos échanges sur l'ingérence étrangère sont devenus trop partisans sur la Colline. Il est tellement important d'en discuter. Je pense que le rapport de David Johnston, que j'ai examiné minutieusement à plusieurs reprises, met vraiment en évidence les aspects à améliorer. Du moins de notre côté, au gouvernement, nous espérons que nous en arriverons à des recommandations détaillées et faites de bonne foi qui peuvent améliorer notre système du renseignement.
À mon avis, ce qui ressort le plus du rapport, c'est la manière dont l'information est traitée, coordonnée, fournie et utilisée dans la prise de décisions.
Monsieur Stanton, je vais peut-être commencer par vous. Vous pourriez peut-être vous exprimer à ce sujet. Je passerai ensuite à M. Wilczynski.
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Je vous remercie d'avoir posé la question, monsieur Turnbull, car je ne voudrais pas que quiconque interprète mes propos de manière partisane. Je suis l'antithèse de la partisanerie. C'est pourquoi je ne veux pas de vote à la Chambre. J'essaie d'éviter la tenue d'un vote qui sèmerait la division.
J'ai soulevé la question des lacunes, du système de courriel et d'autres aspects dans le contexte où l'examinateur, M. Johnston, nous dit qu'il n'y avait aucun signe d'ingérence, de négligence ou de quoi que ce soit en réponse au rapport. Je me demande simplement comment on peut tirer ces conclusions lorsque les décideurs politiques qui prennent ces décisions n'ont pas vu, entendu, lu ou trouvé un rapport.
Compte tenu de ces lacunes dans la communication de l'information, comment pouvons-nous en arriver à la conclusion que les décideurs ont pris leurs décisions en ayant la compétence ou en n'ayant pas la compétence pour le faire?
Je ne voulais pas le dire de manière partisane, mais pour répondre à la question que vous m'avez posée initialement, je n'ai aucune information concernant ce côté‑là de la Chambre. J'ai passé toute ma vie dans ce que l'on appelait la « collecte », sur le terrain et au quartier général, à recueillir de l'information et à la transmettre à ceux qui l'utilisent, et je ne sais donc pas si le système... Je m'en tiens simplement à ce que M. Johnston a déclaré publiquement, à savoir qu'il a constaté et reconnu qu'il existait des lacunes très importantes dans la communication du renseignement.
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Bien sûr. Nous pouvons améliorer les choses de bon nombre de façons.
Tout d'abord, nous devons nous assurer que tous les ministères ont accès au réseau très secret, de sorte qu'ils puissent recevoir l'information. Au sein de ces ministères, l'accès doit être géré du point de vue de la stratégie et de l'intervention, plutôt que de la sécurité technique et ministérielle, comme c'est le cas aujourd'hui.
Je pense également que nous devons moderniser et améliorer la coordination concernant les agents des relations avec la clientèle. Il s'agit des personnes qui rencontrent les clients au sein du gouvernement pour s'assurer qu'ils obtiennent l'information au bon moment. À l'heure actuelle, ils sont trop peu nombreux. Ils sont actuellement employés par le Centre de la sécurité des télécommunications. Ce sont mes anciens collègues et, une fois encore, ils relevaient de moi, même s'ils fournissaient un service pangouvernemental dans de nombreux cas. Ils doivent être plus nombreux et mieux formés. À mon avis, ils doivent être à un niveau supérieur lorsqu'ils rencontrent des sous-ministres et d'autres hauts fonctionnaires afin de s'assurer qu'ils peuvent collaborer.
Un autre élément important consiste à s'assurer de recevoir un écho. Lorsque des utilisateurs lisent le renseignement, ils devraient dire aux gens qui en ont fait la collecte s'il s'agit ou non de l'information qu'ils voulaient obtenir. C'est qu'une partie du défi est de veiller à ce que les gens consacrent du temps au renseignement, et trop souvent, lorsque l'information ne correspond pas aux attentes des utilisateurs, on n'en est pas informé. Cela a une incidence sur le volume de renseignements transmis aux principaux clients, ce qui, à mon avis, est un élément du problème dans le système actuel.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens aussi à vous remercier, chers témoins, car vous me rassurez dans un certain sens. Vous me rassurez parce que, depuis le 7 novembre, nous sommes inquiets et tentons par tous les moyens de faire la lumière.
Quand je vous entends dire qu'il n'y a aucune raison de ne pas tenir une enquête publique et indépendante, que la nomenclature des mesures prises a déjà été faite, et que ça fait plus de 30 ans que vous travaillez dans le domaine, je me pose la question suivante: puisque nous pouvons revenir sur notre décision, comme vous l'avez dit, pourquoi n'y a-t-il pas présentement d'enquête publique indépendante, selon vous?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je trouve cette discussion très intéressante. Comme vous, je suis préoccupée par le fait que tant de Canadiens sont en train de perdre confiance dans nos institutions démocratiques. C'est une chose qui m'inquiète, et je pense qu'elle nous inquiète tous, ici, je l'espère.
L'autre chose qui me préoccupe, c'est qu'il semble que le débat porte actuellement sur la question de savoir si le rapporteur spécial devrait ou non occuper ce poste. Il me semble que ce n'est pas ce sur quoi nous devrions nous concentrer. Nous devons nous concentrer sur les problèmes. Il semble que ce soit un obstacle à cet égard en quelque sorte, ce qui m'inquiète.
Vous avez tous deux parlé quelque peu de la mesure dans laquelle l'information aurait dû être communiquée plus efficacement et plus rapidement à . Bien sûr, je sais que quelqu'un dans mon groupe parlementaire est confronté au même problème ou à un problème similaire, à savoir que cette personne n'a simplement pas reçu l'information.
Grâce à votre expertise, pourriez-vous nous dire s'il s'agit ici d'une lacune législative? Parle‑t‑on d'une lacune dans le processus? Qu'est‑ce qui empêche la communication de l'information? Cela me semble étrange. On dirait que nos règles législatives stipulent que l'information doit être communiquée au ministre et que c'est ensuite le ministre qui décide. Il me semble que si un député, un candidat à une élection, est pris pour cible, il doit être mis au courant. Le fait qu'il n'en soit pas informé constitue une question de sécurité.
Je me demande seulement...
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Permettez-moi de répondre à cette question, car j'ai eu cette expérience et j'ai déjà parlé de ce type de question à des députés dans le passé. Lorsque le service mène ces entrevues, il y a un certain nombre de choses qu'il peut divulguer. Je vais devoir vous dire qui je suis, puis vous allez me dire des choses. C'est donc un peu comme un échange d'informations.
Ensuite, lorsque de l'information arrive... Il se peut qu'une partie de l'information sur qui a été reçue n'ait pas été jugée crédible. Peut-être provenait-elle d'une source dont la fiabilité est inconnue. Peut-être provenait-elle d'une autre partie ou d'une autre source quelconque. Ce n'est pas comme si, au moment où le service reçoit l'information, il allait voir le député et lui disait « écoutez, nous croyons comprendre que vous... ». Il doit évaluer le tout. Le processus d'évaluation peut consister en un certain nombre d'entretiens.
Dans ma conclusion, j'ai dit que, lorsque le service a manifestement compris que c'était exact, qu'une entité de la République populaire de Chine le visait, il aurait dû l'en informer, mais il n'a pas toujours le luxe d'avoir un portrait précis et complet de la situation au moment où la menace est observée.
Je ne sais pas quel est le mécanisme, si ce n'est qu'il faut faire confiance aux gens du service du renseignement, avoir confiance qu'ils le sauront lorsqu'ils arriveront à un point où ils doivent agir ou transmettre l'information aux décideurs politiques.
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J'allais seulement ajouter ce que je pense être un sujet de discussion important: Quels critères s'appliquent exactement lorsqu'il s'agit de communiquer l'information?
Comme l'a souligné mon collègue, M. Stanton, il faut vraiment bien évaluer la menace, par rapport à n'importe quel type d'information qui est porté à l'attention des services de renseignement où l'on nomme un député ou où l'on s'adresse à un député.
Le problème, c'est que si l'on part de l'idée qu'on le fait « chaque fois que quelqu'un dit quelque chose à propos d'un député », on s'ouvre à un tout nouveau vecteur de menace en ce qui a trait à la désinformation, aux erreurs et aux campagnes d'information.
Je pense qu'il faut faire preuve de jugement lorsque cette situation se produit. On doit se baser sur une évaluation du niveau de menace pour le député en question ou tout autre Canadien et se demander si communiquer avec les personnes ciblées les aiderait à gérer le risque, ou s'il y a une autre démarche plus appropriée qui atténuerait le risque pour elles et, dans le cas des députés, pour l'institution.
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C'est une bonne question.
Il y a de bons véhicules pour le faire. L'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement font de l'excellent travail. Leur principal objectif consiste à examiner la conformité des organismes du renseignement. Ils se concentrent là‑dessus, et pas tellement sur les rouages du gouvernement, sur sa façon de fonctionner. Ce serait bien sûr utile d'en savoir plus à cet égard.
D'après ce que je constate, principalement dans les médias, au Parlement et partout ailleurs, bien des Canadiens sont frustrés ou insatisfaits de voir qu'il y a si peu de clarté dans le processus. Les fuites nous inquiètent aussi, et je suis tout à fait contre les fuites. Je témoigne publiquement et je dis que je souhaite une enquête en partie parce que j'aimerais que les fuites cessent elles aussi, justement.
C'est un peu curieux pour moi, à titre de spécialiste de la sécurité, de demander une enquête publique, car c'est contre-nature, d'une certaine façon. Mais ma conscience me dit que c'est la meilleure façon de procéder présentement, parce que je pense que bien des gens ne veulent pas attendre deux ou trois ans.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Par votre entremise, je tiens à remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. J'aimerais poursuivre dans la foulée des questions que nous avons entendues aujourd'hui.
Messieurs, dans votre témoignage, j'entends beaucoup les mêmes conclusions que celles qu'on trouve dans le rapport du rapporteur spécial sur la gouvernance de la communication entre la communauté du renseignement et l'appareil gouvernemental. Le problème a été soulevé, et vous en avez fait mention aussi.
Monsieur Wilczynski, vous avez fait état du sujet très intéressant de l'éducation et de la formation pour apprendre à faire la différence entre le renseignement et les preuves. Il faut des années pour devenir un consommateur averti et bien comprendre ce qu'est le renseignement. Je dois dire que mon fils est agent de renseignements dans les Forces armées canadiennes. Croyez-moi: nous n'en parlons pas à table.
Toutefois, M. Johnston dit très clairement dans son rapport qu'il a eu accès aux documents du Cabinet, à des renseignements très secrets, et que ses conclusions se fondent sur ces preuves. Il a joint à son rapport une annexe confidentielle, qui montre comment il a pu tirer ses conclusions.
Il a aussi offert aux chefs des partis d'opposition d'obtenir une cote de sécurité de niveau très secret pour avoir accès aux mêmes renseignements, afin que les parlementaires puissent déterminer d'eux-mêmes si ses conclusions sont fondées. Ils peuvent être en désaccord avec ces conclusions et le dire publiquement. Cependant, l'occasion leur a été offerte.
Quelle est votre position, à ce sujet?
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C'est justement là où je voulais en venir. Je pense qu'il s'agira d'une approche à multiples volets. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et le rapporteur spécial examinent la question. L'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et notre comité se penchent aussi sur la question, comme de nombreux autres organismes.
Le rapporteur spécial a aussi mentionné qu'il voulait sensibiliser les Canadiens afin de regagner leur confiance, en leur expliquant ce qu'est le renseignement, ce qui constitue une preuve, comment ils peuvent jouer un rôle en apprenant à reconnaître les signes et à qui s'adresser pour transmettre l'information.
En tant qu'agents de renseignement, vous savez que c'est en rassemblant les différentes informations qu'on peut y voir plus clair et que ces informations peuvent provenir de diverses sources, comme de discussions avec un député qui a vu quelque chose qu'il devrait signaler...
Ne diriez-vous pas que ce que le rapporteur spécial fait et propose peut insuffler plus de confiance chez les Canadiens, qui s'inquiètent de la situation, mais que son travail de sensibilisation sur ce qu'est le renseignement est utile aussi?
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... voulez comprendre pourquoi je suis plus qu'un peu hésitant à l'égard de cette façon de faire.
Il s'agit de sécurité de l'information. On parle ici de documents hautement confidentiels. Nous avons l'obligation de protéger l'information, et je pense que nous devons la protéger de la façon la plus robuste possible. C'est pourquoi je crois fondamentalement, comme mon collègue, qu'il y a des institutions au Canada qui peuvent examiner cette information de manière indépendante et aussi transparente que possible, qui ont à la fois les moyens physiques de le faire dans des lieux sécurisés et la technologie nécessaire.
Je n'ai pas eu l'occasion de constater ce même niveau de sécurité pour des documents hautement confidentiels ici, je suis désolé de le dire. Tant mieux si je me trompe, mais encore une fois, j'ai toujours travaillé à la gestion des risques et je pense que le risque est trop grand ici, compte tenu du fait qu'il faut protéger l'information.
Encore une fois, je pense qu'il vaudrait mieux confier la tâche à une commission d'enquête disposant du personnel et des installations nécessaires pour traiter l'information de manière appropriée. Je comprends que de nombreux comités se penchent sur la question, mais ma préférence, du point de vue de la sécurité, irait à une procédure d'enquête formelle, parce qu'elle aurait les moyens nécessaires pour gérer l'information.
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Merci, monsieur Cooper.
Il y a beaucoup de choses que je ne contrôle pas, et qu'aucun d'entre nous ne contrôle, en fait. Comme vous le savez, nos ressources sont très limitées. Comme vous le savez, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre doit se réunir quatre heures par semaine. Et comme vous le savez, nous avons bien plus d'heures de réunion que cela. Nous devons également jongler avec les personnes qui se sont engagées à comparaître et celles qui ne l'ont pas fait.
La motion qui a été proposée au Comité ne me donnait pas beaucoup de latitude. Je respecte cela. Nous avons obtenu de Jody Thomas qu'elle s'engage à nous consacrer deux heures. Puisque nous avons obtenu une heure supplémentaire, a pu nous donner une heure. Nous pouvons toujours essayer de les faire revenir, par exemple.
J'essaie de rassembler les pièces d'un casse-tête dans le contexte d'un emploi du temps complexe. Je suis sûre que certains savent qu'en ce moment même, à la Chambre des communes, quelqu'un a soulevé une question de privilège dont ce comité sera saisi. Jour après jour, j'essaie de gérer nos objectifs et nos priorités, car ils changent continuellement. Pour nous, c'est difficile. Je vous comprends. Je lis dans les deux langues officielles les lettres que vous m'écrivez et j'ai toujours plaisir à les lire. Vous n'avez pas besoin d'en envoyer autant, mais je garde celles que je reçois près de mon cœur.
Nous avons le conseiller à la sécurité nationale et aux renseignements qui va comparaître pendant deux heures. Il accomplit, comme nous le souhaitons, l'important travail d'assurer la sécurité de notre pays. Le va comparaître pendant une heure. Vous voulez qu'il passe une deuxième heure avec nous, et nous allons faire de notre mieux pour que cela se réalise.
Le cabinet du a confirmé qu'il serait possible de concilier son emploi du temps et le nôtre. C'est la même chose pour la . Nous nous trouvons en quelque sorte dans un cirque aux multiples chapiteaux. Soyez assuré, monsieur Cooper, que je prends vos demandes très au sérieux et que je ferai tout ce que je peux pour y répondre.
Sur ce, messieurs Stanton et Wilczynski, nous avons aimé entendre vos points de vue aujourd'hui. En tout cas, moi, je les ai appréciés. Je vous ai observés dans d'autres comités. J'aime le duo que vous formez. Vous pourriez aller très loin. J'ai également remarqué que vous...
Un député: Partez en tournée.
Un député: Le CST et le SCRS ensemble.
La présidente: J'ai peut-être un titre accrocheur pour cela: « Le CST et le SCRS: les événements inédits qui se produisent une fois que vous êtes à la retraite... »
Vous avez évoqué certains documents et des renseignements supplémentaires. Si vous pouviez les transmettre au greffier, nous les mettrons dans les deux langues officielles et les joindrons à tout le reste. Si, ce soir, vous pensez à quelque chose que vous auriez aimé dire ou que vous auriez dû ajouter, n'hésitez pas à nous en faire part demain ou après-demain. Nous accueillons volontiers tous ce que vous pouvez nous donner comme information. Si vous souhaitez revenir au Comité, faites-en la demande, mais nous pourrions bien vous devancer à cet égard.
Sur ce, nous vous souhaitons une excellente journée.
Un des témoins de notre deuxième groupe va témoigner par vidéoconférence. Nous allons donc procéder à une vérification du son.
Je suspends très brièvement la réunion. Nous reprendrons dans deux minutes.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Il y a trois semaines, j'ai comparu avec réticence devant ce comité. J'ai essayé de dire quelque chose d'utile qui pourrait vous aider, vous et les Canadiens, à comprendre les rapports sur l'ingérence de la Chine, sujet auquel j'ai consacré beaucoup de temps en tant que journaliste d'enquête. J'étais réticent parce que, comme je l'appréhendais, si les membres de ce comité ont écouté ce que j'avais à dire, j'étais quand même convaincu, à la fin de ma comparution, que plusieurs d'entre vous n'avaient pas entendu ce que j'avais à dire. Cette distinction est importante.
Je sais que vous écoutez ce que des témoins comme moi ont à dire à travers le prisme de la politique et que vous décidez ensuite si cela a une valeur politique ou non. Je comprends. La politique, c'est ce que vous faites.
J'aime à penser qu'en tant que journaliste d'enquête, mon rôle est de découvrir la vérité, alors je vous en prie, écoutez ce que j'ai à dire.
Lors de ma dernière comparution, j'ai dit plusieurs choses qui, à mon avis, sont pertinentes pour la question sérieuse qui nous occupe et qui exige une réflexion sérieuse de la part de personnes sérieuses — pas une prise de position, mais une réflexion.
Premièrement, j'ai rappelé au Comité, aux Canadiens et à mes collègues du quatrième pouvoir — dont beaucoup sont soudainement tombés profondément et follement amoureux d'un service de renseignement dont ils ne savent rien — qu'en plus de l'ineptie et du racisme au sein du SCRS, les agents du renseignement font tout le temps de grosses erreurs sur beaucoup de choses importantes.
C'est sur ces mêmes agents du renseignement invisibles qu'un juge de la Cour fédérale a jeté le blâme en 2020 pour leur « mépris institutionnel du devoir de franchise ou, à tout le moins, pour leur approche institutionnelle cavalière à cet égard et, malheureusement, à l'égard de la primauté du droit ». Autrement dit, le SCRS ne dit pas toujours la vérité et enfreint la loi. Je suppose que ce fait est nouveau pour la plupart d'entre vous et pour trop de journalistes, rédacteurs en chef et chroniqueurs naïfs qui n'ont pas la moindre idée de la façon dont le SCRS fonctionne.
En gardant cette mise en garde à l'esprit, j'exhorte le Comité, les Canadiens et mes collègues à traiter avec prudence et scepticisme les bribes d'information divulguées au compte-gouttes par ce qui constitue vraisemblablement une poignée de membres de la structure du renseignement de sécurité du Canada, laquelle n'a pour ainsi dire pas de comptes à rendre.
J'ai aussi rappelé au Comité que le terme anglais pour « renseignement » est « intelligence », un mot accrocheur. Cela ne constitue toutefois ni une preuve ni un élément de preuve. Le renseignement doit être considéré dans son contexte. L'information doit être corroborée, et elle peut être embellie et modifiée pour correspondre à un récit qui ne ressemble guère à la vérité, surtout lorsqu'elle est divulguée par des agents du renseignement qui, si j'ose dire, peuvent avoir leurs propres objectifs et qui savent, premièrement, que l'information très secrète peut être déformée à leur avantage et, deuxièmement, qu'ils peuvent influencer les journalistes pour que ceux‑ci déforment à leur tour leurs histoires, lesquelles vont faire plus de bruit, et ce, pour le plus grand plaisir de ces agents du renseignement.
Mais ce que j'ai souligné de plus important, c'est que les fuites ont causé un tort profond à certains de nos concitoyens canadiens en soulevant des questions injustifiées sur leur loyauté à l'égard de la feuille d'érable.
Ces quelques agents du renseignement, qui préfèrent travailler dans l'ombre, savent qu'ils ne subiront aucune conséquence pour les préjudices qu'ils ont causés aux Canadiens d'origine chinoise, qui aiment aussi ce pays. Pourquoi? Parce qu'ils s'en sortent toujours.
La semaine dernière, dans son rapport, le rapporteur spécial a confirmé l'essentiel de ce que je vous ai dit il y a trois semaines. David Johnston n'est pas mon ami. Nous ne sommes pas voisins. Je ne suis membre d'aucune fondation dont il est membre. En fait, je ne suis membre d'aucune fondation. En outre, quiconque connaît mes écrits sur l'actuel ne pourrait dire de moi que je suis un laquais des libéraux.
M. Johnston a eu raison d'écrire que de nombreux reportages alimentés par ces fuites sélectives comportaient des « spéculations non étayées », qu'ils se fondaient sur des « renseignements limités », et qu'il y avait « absence de contexte ». Enfin, il a écrit: Lorsque des renseignements sur l’ingérence étrangère sont fournis sans considération ni contexte, cela peut faire en sorte que le public se retourne contre les communautés visées. »
Interrogez sur les dommages que cela peut causer. Un journal télévisé a qualifié de traître. M. Johnston a découvert que cette accusation grave, absolument catégorique, qui a changé la vie de M. Dong, était catégoriquement fausse.
Ce que nous voyons, c'est « Maher Arar: la suite ».
Cette sinistre affaire a un air de déjà‑vu. Un ancien directeur du SCRS et conseiller à la sécurité nationale d'un autre premier ministre avait publiquement colporté des insinuations similaires en 2010.
Paradoxalement, dans un éditorial de l'époque, le Globe and Mail avait dénoncé ces remarques comme étant « imprudentes » et « insensées ». On pourrait en dire autant aujourd'hui de ce même journal.
Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais adresser mes questions à M. Wernick, par votre intermédiaire, madame la présidente.
Monsieur Wernick, vous avez été greffier du Conseil privé. À ce titre, avez-vous été surpris que le conseiller à la sécurité nationale confirme la réception par le BCP, en juillet 2021, d'une note du SCRS concernant la campagne d'intimidation menée par Pékin à l'encontre de , que Michael Chong n'en ait jamais été informé et qu'il l'ait appris dans le Globe and Mail?
Deuxièmement, avez-vous trouvé surprenant que le n'en ait apparemment aucune idée — c'est du moins ce qu'il a dit — et qu'il l'ait appris par les médias?
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Il se peut que le système soit confié à un robot conversationnel. Je n'ai aucune idée du fonctionnement actuel.
Cependant, au Bureau du Conseil privé, nous faisions le suivi de nos envois, et je sais que le Cabinet du premier ministre faisait le suivi de ce qu'il recevait. Il y avait également des personnes au Bureau du Conseil privé, rattachées au bureau du greffier, qui faisaient beaucoup de travail de suivi. Ces gens suivaient les documents. Ils avaient des dates, ils avaient des numéros, et il y avait un registre.
En gros, deux types de renseignements étaient communiqués à l'étage inférieur. Certains renseignements étaient fournis à titre d'information et ne nécessitaient pas de décision. D'autres étaient soumis pour décision et étaient adressés au premier ministre. C'est dans ces cas‑là que nous passions le plus de temps à faire du suivi et à essayer d'obtenir une réponse du premier ministre ou une décision de sa part: oui, non, peut-être ou « je veux en savoir plus », par exemple.
Il y avait des gens qui faisaient ce genre de suivi au bureau du greffier et au Cabinet du premier ministre.
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Merci, madame la présidente.
Je pense que je vais commencer par M. Wernick, puisqu'il est dans la salle. Je passerai ensuite à l'autre témoin.
Ma première question porte sur les fuites qui se produisent à partir du SCRS, ce que nous soupçonnons. Bien sûr, cette question reste ouverte et n'a pas encore été résolue. Nous avons également entendu aujourd'hui l'autre témoin dire que l'auteur de la fuite pourrait avoir des objectifs.
Je voudrais aussi savoir si, de votre point de vue, vous pensez qu'un État étranger pourrait être impliqué dans toute cette affaire dont nous sommes saisis aujourd'hui. Pensez-vous qu'il existe un plan plus vaste visant à perturber notre démocratie? Dans l'affirmative, j'aimerais entendre vos commentaires, ainsi que vos suggestions, peut-être.
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Je vous remercie de la question. Je pense que c'est important.
Tout d'abord, je vous recommanderais de faire preuve de moins de déférence envers les responsables de la sécurité qui témoignent devant des comités parlementaires comme le vôtre.
J'ai été particulièrement étonné de la déférence témoignée par les députés du Bloc québécois envers les responsables de la sécurité, car s'ils connaissaient un tant soit peu l'histoire des services de sécurité du Canada, ils sauraient que la Commission d'enquête McDonald a démontré qu'au Québec, l'ancien service de sécurité de la GRC était responsable d'une foule d'activités illégales, ce qui a mené à la création du SCRS.
Ensuite, je vous recommanderais de vous renseigner davantage sur l'histoire des institutions que vous examinez. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai souligné qu'un juge de la Cour fédérale avait conclu, en 2020 — pas en 1960, pas en 1980, mais en 2020 —, que le SCRS mentait et enfreignait régulièrement la loi. Il n'est pas le seul juge de la Cour fédérale à avoir conclu que le SCRS agissait de la sorte.
Je vous suggère aussi de lire mon livre, à titre de référence, pour avoir une meilleure compréhension du fonctionnement des services de renseignement au Canada. Vous feriez ensuite preuve de beaucoup moins de déférence à leur égard et seriez moins enclins à vous incliner devant leur expertise.
Je vais m'arrêter là.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie nos deux témoins de leur présence.
Monsieur Wernick, je vous remercie d'être revenu aussi rapidement. Je suis heureuse de vous revoir.
Nous voulons régler cette question de privilège, qui, à mon avis, est extrêmement importante. Nous avons entendu très clairement de sources multiples que M. Chong n'avait pas été mis au courant des problèmes assez tôt. C'est un élément important de cette question.
Il semblerait aussi qu'il y a eu un blocage dans la communication de ces renseignements à M. Chong, notamment en ce qui a trait aux courriels contenant des renseignements très secrets.
Vous parlez beaucoup des projets de loi et de changements. J'aimerais parler du système qui est en place actuellement et qui ne nous sert pas, car il crée un sentiment de méfiance non seulement chez les Canadiens, comme vous l'avez dit, mais aussi potentiellement chez nos partenaires du Groupe des cinq. Pourriez-vous nous en dire plus sur le travail que vous avez accompli? Avez-vous des idées par rapport aux questions législatives ou à la façon dont ces renseignements devraient être envoyés rapidement aux personnes qui en ont besoin? Il faut bien sûr veiller à ce qu'ils soient suffisamment importants avant de les transmettre.
Je m'en tiendrai à cela.
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C'est une question difficile. J'en parle un peu dans mon livre, si vous me permettez de faire un peu de publicité gratuite.
Le problème, lorsque vous occupez les postes les plus élevés — si vous êtes le premier ministre du Canada, le chef de cabinet du premier ministre ou le greffier du Conseil privé —, c'est que vous devez traiter d'une foule d'enjeux en parallèle. Vous êtes constamment en train d'accomplir plusieurs tâches à la fois. Vous ne pouvez pas tout lire. Vous ne pouvez pas rencontrer tout le monde. Vous ne pouvez pas recevoir tout le monde. Vous devez choisir la façon dont vous allez gérer votre temps, ce qui sera envoyé au premier ministre, ce qu'il aura le temps de lire... le premier ministre tient plusieurs rôles. Il s'agit de la reddition de comptes du greffier et de la fonction publique, et il s'agit de la reddition de comptes du chef de cabinet sur le plan politique.
Vous ne pouvez pas simplement appliquer des règles ou un algorithme qui vous permettront de faire le tri et de bien faire les choses à tout coup. Il peut y avoir des manquements de jugement parce que vous ne pouvez pas savoir à l'avance qu'une question s'avérera aussi importante qu'elle l'a été, et il arrive que des renseignements qui se révèlent banals et sans importance soient envoyés.
Ce qu'il faut retenir, c'est que les services de renseignement évaluent l'information sans relâche. Je crois avoir entendu la fin de cette conversation. Quels renseignements sont fiables? Qu'est‑ce qui est important? Il existe 200 pays dans le monde. Allons-nous surveiller tout ce que chaque pays fait en détail? Non, il y en a qui sont plus importants que d'autres.
C'est la raison pour laquelle nous avons ces postes de conseiller à la sécurité nationale, de greffier ou de chef de cabinet du premier ministre: les gens qui occupent ces postes font des choix et mettent en place des processus qui réduisent le risque d'erreurs. Cet exercice nous a appris qu'il y a des lacunes à combler.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Wernick, je suis vraiment fascinée par ce que vous avez dit, à savoir qu'il devrait y avoir plus de parlementaires qui passent par le processus d'obtention de l'habilitation de sécurité et d'accès à l'information.
Dans ce contexte, pensez-vous que les députés ont besoin d'une meilleure formation sur la sécurité nationale et la façon de protéger les intérêts du pays? Je pense que c'est un point intéressant, parce que cela implique un niveau de responsabilité plus élevé pour nous, en tant que parlementaires, si nous connaissons ces renseignements et si nous devons savoir comment les traiter. Avec un peu de chance, une telle démarche nous détournerait d'une réalité très partisane pour nous axer sur le bien du pays.
Je me demande si vous pourriez parler de la formation dont les députés pourraient avoir besoin pour faire ce travail.
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C'est un véritable art de mener des enquêtes à bien. Pour réaliser le travail, il faut sans contredit posséder des compétences organisationnelles. Je crois que c'est une raison qui explique que les juges sont souvent vus d'un bon œil pour cette tâche: ils sont habitués à diriger des salles d'audience.
Dans le cas qui nous occupe, je crois que quelqu'un qui ne s'y connaît pas en sécurité et en renseignement, et qui n'a pas d'expérience ou d'antécédents dans ce domaine, ne saurait peut-être pas quelles questions poser et quelles pistes explorer. C'est un des facteurs.
Mon collègue voudra peut-être renchérir sur ce sujet. Voici ce qui pose problème, si vous optez pour des gens bien ancrés dans la communauté de la sécurité et du renseignement: ont-ils l'objectivité nécessaire par rapport aux institutions dans lesquelles ils ont évolué et pour lesquelles ils travaillent? Ce n'est pas une mince affaire que de trouver quelqu'un qui a suffisamment de connaissances et de distance pour faire un bon travail. C'est pourquoi j'aurais tendance à porter mon regard sur Canberra pour y trouver le conseiller en sécurité nationale du gouvernement australien. Je ne blague qu'à moitié. On trouve difficilement ces compétences chez une personne.
Chaque enquête porte sur son propre sujet et a son propre objectif. Je me tourne vers l'Australie et le Royaume-Uni parce qu'ils sont aussi régis par le système de gouvernement britannique et que quiconque y travaille comprend bien la reddition de comptes des ministres et des premiers ministres. Les Américains, les Français ou les Allemands ont un appareil gouvernemental complètement différent.