:
Nous allons maintenant entreprendre la seconde heure de notre séance. Je veux d'abord et avant tout remercier sincèrement la ministre Joly et le ministre Leblanc.
Je sais à quel point il a été difficile pour vous de remanier vos horaires pour pouvoir être des nôtres aujourd'hui, mais je veux que vous sachiez que tous les membres du Comité vous en sont très reconnaissants.
Je vous laisse le soin de présenter les gens qui vous accompagnent en vous demandant de vous en tenir à cinq minutes pour vos observations préliminaires. Je rappelle à tous que les interventions doivent se faire par l'entremise de la présidence. Je vous rappelle également la discussion que nous avons eue concernant l'interprétation et la nécessité d'éviter que plusieurs personnes parlent en même temps. Vous devez en outre, après avoir fait un commentaire ou posé une question, laisser suffisamment de temps à votre interlocuteur pour qu'il vous réponde. Je crois avoir démontré que j'accordais toujours le temps nécessaire pour les échanges importants et productifs, surtout lorsque le sujet est aussi primordial que celui que nous abordons aujourd'hui.
Nous allons maintenant entendre le ministre Leblanc qui a droit à cinq minutes.
Bienvenue, monsieur le ministre.
:
Merci, madame la présidente.
Merci, chers collègues, pour votre invitation. Je suis bien sûr très heureux de me présenter devant vous avec ma collègue, Mélanie Joly, mais je suis également accompagné, en ma capacité de ministre responsable des institutions démocratiques, par quelqu'un que vous connaissez bien. Al Sutherland est le secrétaire adjoint du Cabinet pour l'appareil gouvernemental — un titre impressionnant — et les institutions démocratiques.
[Français]
Il est essentiel de travailler à la préservation de l'intégrité de nos élections pour maintenir la légitimité et la crédibilité des processus démocratiques du Canada.
[Traduction]
Il va de soi que l'ingérence étrangère dans les élections canadiennes n'est pas acceptable, mais je peux vous garantir que les élections tenues au Canada sont libres et justes et que les experts non partisans en matière de sécurité nationale qui surveillent les menaces pesant sur nos élections sont convaincus que nos résultats électoraux sont tout à fait valables.
En sa qualité de chef de file mondial dans différents secteurs économiques, technologiques et scientifiques, le Canada a toujours été exposé à des activités d'ingérence étrangère.
[Français]
C'est pourquoi, à une époque où de nombreuses démocraties ont déjà fait face à des activités d'ingérence étrangère, il demeure important pour le Canada de se préparer à l'évolution de cette menace. C'est ce que nous avons fait au moyen d'un vaste éventail de mesures novatrices visant à lutter contre ces menaces si complexes.
Le Canada a ouvert la voie parmi ses partenaires internationaux en élaborant le Plan pour protéger la démocratie canadienne, annoncé au début de l'année 2019. Cette stratégie comporte quatre champs d'action distincts.
[Traduction]
Comme vous le savez, la première partie de notre plan met l'accent sur la résilience citoyenne grâce à la planification et à la prévention en favorisant une plus grande maîtrise des médias numériques. Depuis 2000, nous avons ainsi rejoint plus de 12 millions de Canadiens en réalisant, dans le cadre de l'Initiative de citoyenneté numérique, des projets qui aident les gens à détecter la fraude, la désinformation et la manipulation en ligne.
Le deuxième élément de notre plan vise à rendre notre gouvernement mieux apte à repérer les menaces, les nouvelles tactiques et les vulnérabilités de nos systèmes. C'est dans le cadre de ces mesures que nous avons pris pour la première fois les dispositions nécessaires pour accorder des autorisations de sécurité aux représentants des différents grands partis politiques canadiens de telle sorte qu'ils puissent protéger leur organisation, leurs candidats et, par le fait même, notre démocratie.
Comme je l'ai répété à maintes reprises à la Chambre des communes, nous avons aussi établi un Protocole public en cas d'incident électoral majeur pour veiller à ce qu'un groupe d'experts indépendant soit en place pendant la période d'application de la convention de transition, soit la période électorale, afin de pouvoir informer rapidement et efficacement les Canadiens de tout incident mettant en péril la tenue d'une élection libre et juste. Nous avons en outre mis sur pied le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections pour appuyer les efforts de cet important groupe d'experts.
[Français]
En troisième lieu, en tant que défi mondial, la lutte contre l'ingérence étrangère exige une coopération internationale. À cet égard, le Canada est également intervenu sur la scène internationale en dirigeant la création du Mécanisme de réponse rapide du G7, qui a permis d'établir une approche coordonnée avec nos alliés pour répondre aux menaces étrangères visant la démocratie.
Le quatrième point de notre plan combine la sensibilisation et l'action par l'augmentation de la transparence, de l'authenticité et de l'intégrité sur les plateformes de médias sociaux. En mai 2019, nous avons publié la Déclaration du Canada sur l'intégrité électorale en ligne. La Déclaration a été mise à jour en juin 2021 et bénéficie de l'appui de nombreuses plateformes, dont Microsoft, Facebook, Twitter, Google, TikTok, YouTube et LinkedIn.
[Traduction]
Le plan du Canada tient compte du fait que les défis associés à l'ingérence étrangère et à la désinformation sont trop complexes et incessants pour que l'on puisse s'y attaquer sans aide.
Il n'est pas rare que des observateurs félicitent le Canada pour le haut degré d'intégrité de nos élections fédérales. Cette reconnaissance est en grande partie attribuable à la Loi électorale du Canada et aux modifications qui y ont été apportées grâce à l'adoption de la , notamment à la lumière des recommandations formulées par ce comité lors de législatures précédentes.
Il en résulte que notre loi, et cela s'applique également à notre régime de financement des partis politiques et à Élections Canada, est considérée comme étant l'une des plus rigoureuses au monde.
[Français]
Nous continuons, comme gouvernement, à améliorer les mesures mises en place, car l'évolution des menaces visant notre démocratie se poursuit aussi et le Canada doit être prêt.
Cela conclut mes propos, madame la présidente.
Je vous remercie encore une fois.
:
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis ravie de comparaître devant vous aujourd'hui. Je veux vous remercier de m'avoir invitée à venir discuter avec vous de l'ingérence étrangère et, plus particulièrement, de la question de l'ingérence étrangère dans les élections fédérales au Canada.
Nous savons tous que notre monde vit une période critique. Les structures du pouvoir sont en train de changer à l'échelle planétaire. Des régimes démocratiques sont menacés et, dans certains cas, pris à partie. Nous savons que le Canada n'est pas à l'abri, surtout dans le contexte d'un monde aussi interconnecté que le nôtre. Le fait est qu'il n'est plus possible de tenir quoi que ce soit pour acquis, ce qui nécessite notamment une grande vigilance dans la protection de notre démocratie.
[Français]
Les rapports d'ingérence étrangère chinoise dans l'élection de 2019 sont profondément troublants. Évidemment, nous prenons ces allégations très au sérieux. Je parlerai de la Chine de façon plus détaillée dans un instant.
J'aimerais d'abord dire que la protection de notre démocratie contre toute forme d'ingérence est une priorité pour notre gouvernement. Nous n'accepterons jamais d'ingérence étrangère dans notre démocratie, sous aucune forme, un point c'est tout.
Il est de notre devoir de nous assurer que nos élections sont toujours légitimes, crédibles et fiables. C'est pourquoi nous avons adopté une stratégie qui englobe tout le gouvernement afin de contrer les menaces à l'intégrité électorale et à la souveraineté du Canada. D'ailleurs, mon collègue M. LeBlanc en a parlé un peu plus tôt. Il s'agit d'un processus simple, clair et impartial qui permet d'informer les Canadiens de toute menace visant une élection après son déclenchement. Un groupe fédéral qu'on appelle le « P5 », composé d'experts en matière de sécurité nationale, d'affaires étrangères, d'élections et de droit, est chargé de s'occuper de ce processus.
Par ailleurs, un groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections soutient le « P5 ». Il s'agit d'un autre élément important de ce plan.
Nous avons également mis en place le Mécanisme de réponse rapide du Canada, ou MRR, qui est responsable de repérer des signes d'ingérence étrangère et qui coordonne l'échange d'information et la réponse au sein du G7 en ce qui concerne les menaces étrangères à la démocratie.
Le groupe du Mécanisme de réponse rapide du Canada a organisé, lors de la dernière élection fédérale, une formation sur l'ingérence étrangère à l'intention des ministères et des organismes concernés. Il a de plus contribué à des séances d'information sur les menaces, et ce, à l'intention des hauts fonctionnaires, des partis politiques et des médias.
J'aimerais maintenant parler des campagnes de désinformation et d'ingérence menées par la Russie et la Chine.
[Traduction]
Le Canada a été l'une des cibles de choix de la désinformation russe au cours des dernières années, mais ce n'est pas d'hier que la Russie a recours à la désinformation et à la propagande pour atteindre ses objectifs. C'est un fait bien connu, au même titre que les tactiques utilisées par le Kremlin qui est à l'origine de discours polarisants ayant pour but de miner la confiance et la cohésion sociale en Occident. Le Canada continue de travailler avec ses partenaires internationaux pour surveiller les tactiques employées par la Russie, et notamment ses campagnes de désinformation, et mettre en commun les renseignements à ce sujet.
C'est en reconnaissance de l'importance de ce travail que le a annoncé l'été dernier l'expansion du Mécanisme de réponse rapide afin d'inclure une équipe se consacrant à la désinformation russe dans le cadre de la stratégie du Canada en Europe de l'Est et dans le Caucase.
La Chine utilise des moyens de plus en plus sophistiqués pour mener des campagnes en ligne visant à influencer les Canadiens et les citoyens du reste du monde. Pékin peut rapidement saturer de messages les plateformes de médias sociaux, mais dispose également d'outils assez souples pour cibler de façon très précise les publics anglophone, francophone et sinophone du Canada. Certains considèrent qu'il est plus facile pour la Chine d'étendre son influence en ligne depuis que les entreprises de médias sociaux ont suspendu les comptes et les activités d'obédience russe en raison de l'invasion de l'Ukraine.
Le mois dernier, j'ai soulevé la question des allégations d'ingérence étrangère par la Chine auprès de mon homologue chinois, Wang Yi, en marge du G20. Je lui ai fait savoir directement que le Canada n'allait tolérer aucune forme d'ingérence étrangère.
Comme je l'ai indiqué lors du lancement récent de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, nous comptons en faire davantage pour lutter contre l'ingérence étrangère et la désinformation. Cette stratégie reconnaît l'influence grandissante exercée par la Chine à l'échelle planétaire. On y indique que les moyens mis en œuvre au niveau national pour contrer la Chine permettront notamment de renforcer la défense des infrastructures et de la démocratie contre l'ingérence étrangère. Cela vise notamment l'ingérence dans nos processus électoraux.
Je vais m'en tenir à ces remarques pour l'instant, madame la présidente. Je serai ravie de répondre à toutes les questions.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Je vous en remercie. S'il est possible de soumettre ce document au Comité, cela nous serait très utile.
Monsieur le ministre, nous avons également reçu des documents de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement. À la page 57 — et je veux lire le passage parce que je pense que c'est assez important —, on dit ce qui suit au sujet des partis politiques:
Conformément au Protocole, les membres des partis politiques ayant obtenu la cote de sécurité nécessaire ont également reçu régulièrement des mises à jour sur les menaces. Nous avons reçu des commentaires positifs de la part des parties sur cette expérience, notamment du [Parti conservateur du Canada].
Il est en fait écrit « PCC ». Ce qui est intéressant à cet égard, c'est que l'opposition officielle ne cesse de dire qu'il s'agit d'une révélation pour elle, qu'à ce moment précis, elle est préoccupée par le problème de l'ingérence dans les élections, alors qu'en fait, il semble qu'elle ait été informée de ces menaces crédibles de temps à autre, assez régulièrement.
Est‑ce que l'un ou l'autre des ministres pourrait nous en parler et nous dire à quelle fréquence cela se produit?
:
Très brièvement, madame la présidente, je peux parler de ce que M. Turnbull a dit. Nous pensions qu'il était important que les principaux partis politiques aient une autorisation de sécurité et aient accès à cette information. Il s'agit de protéger notre démocratie et de veiller à ce que les institutions politiques importantes de notre démocratie, comme le Parti conservateur du Canada, aient accès à cette information et puissent prendre les mesures nécessaires pour protéger leur propre infrastructure dans l'espace politique.
Il est également important que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui comprend des députés de la Chambre, évidemment, et des sénateurs, soit informé par les responsables du renseignement. Nous pensons qu'il est important que ces gens soient, eux aussi, tenus au courant afin que tout le monde puisse avoir une idée des mesures très rigoureuses dont vous avez parlé, monsieur Turnbull, que notre gouvernement prend.
Peut-être que Mme Joly voudrait ajouter brièvement quelque chose.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous aider à faire la lumière là-dessus. Les gens qui nous écoutent sont particulièrement inquiets au sujet de la désinformation, des cyberattaques et de tout cela.
Dans les documents datant de 2019 que nous avons reçus du Bureau du Conseil privé, il y a différents résumés sur lesquels j'aimerais avoir plus d'explications. Il y a notamment la question du groupe d'experts qui a été formé. En 2019, on mentionnait que le groupe d'experts qui menait des activités de surveillance sur une base hebdomadaire n'avait observé aucune activité qui atteignait le seuil à partir duquel une annonce publique était nécessaire ou à partir duquel cette activité pouvait nuire à la capacité du Canada en matière d'élections.
C'est sur la notion de seuil que je veux mettre l'accent. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus. Que faut-il pour qu'une annonce publique soit nécessaire?
:
Madame la présidente, je ferai d'abord quelques commentaires. Je sais que Mme Joly voudra aussi ajouter ses commentaires.
Mme Gaudreau vient de soulever une question importante. Comme nous l'avons dit, il y a toujours des personnes qui essaient de s'immiscer, d'intervenir ou de s'ingérer dans les élections. Pendant une période électorale, le groupe d'experts, présidé par le greffier ou la greffière du Conseil privé et composé de hauts fonctionnaires du ministre des Affaires étrangères et d'autres ministères et agences ayant une responsabilité en matière de sécurité, a lui-même la capacité discrétionnaire d'avertir publiquement les Canadiens en cas d'activités d'ingérence, s'il juge que celles-ci atteignent un certain seuil où il devient dans l'intérêt public de le faire. Cette décision repose entièrement sur le jugement de ce groupe d'experts. On comprend bien que, dans un contexte électoral, ce n'est pas à un ministre d'un gouvernement sortant de prendre ce genre de décision. Nous avons délibérément confié cette responsabilité à ce groupe d'experts.
Ces experts évaluent une série de facteurs. Par exemple, ils établissent la fiabilité des renseignements, évaluent le risque qu'il y ait des répercussions dans plusieurs circonscriptions et déterminent si l'activité en question s'étend à l'échelle régionale ou nationale. Ils évaluent une série de facteurs, de façon indépendante du gouvernement, et ils décident s'il faut avertir ou non les Canadiens en cas d'activités d'ingérence.
Comme on le sait très bien, la bonne nouvelle, c'est que cette situation ne s'est pas produite lors des deux dernières élections.
Madame Joly, voulez-vous ajouter un commentaire en réponse à la question de Mme Gaudreau?
Je remercie Mme Gaudreau de sa question.
Nous avons tous à cœur la protection de notre démocratie. Il était important pour nous de mettre sur pied ce système.
Essentiellement, chaque fois qu'il y a des élections, ce n'est plus le Cabinet et le gouvernement dûment élu précédemment qui interviennent. C'est la fonction publique qui assure la transition pendant les élections.
À l'époque, le processus a été mis en place parce qu'il y avait vraiment une préoccupation à l'égard de la désinformation en ligne. C'est pourquoi j'ai indiqué plus tôt, en réponse à une question de mon collègue M. Turnbull, quelles campagnes de désinformation pourraient influencer le vote des citoyens.
Quant à la question du seuil, c'est laissé à la discrétion de la fonction publique. Elle est en mesure de prendre des décisions éclairées en s'appuyant sur l'information provenant des agences de sécurité et sur l'information disponible publiquement.
Monsieur Morrison, voulez-vous ajouter des commentaires à ce sujet?
Comme je l'ai dit auparavant, je faisais partie du groupe d'experts pendant l'élection de 2021, mais pas pendant celle de 2019. Dans un sens, nous avons été chanceux.
[Traduction]
Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas observé de recrudescence. La question du seuil n'est donc pas vraiment entrée en jeu.
Nous avions certainement été informés et nous avions fait des scénarios. Cependant, lors des deux élections, le groupe d'experts n'a pas eu à faire face à une situation dans laquelle un certain seuil avait été atteint.
:
Étant donné qu'il ne me reste qu'une minute, je vais procéder rapidement. En fait, je vais explorer un peu plus la question du groupe de travail.
On nous avait également fourni un résumé des leçons tirées. Nous savons tous qu'ici, nous avons le privilège d'avoir un bulletin de vote en format papier, ce qui aide à prévenir toute forme de situation qui pourrait avoir une influence sur les résultats d'une élection. Par ailleurs, on parle beaucoup de transparence et de sensibilisation.
Je comprends que, depuis 2019, le nombre de cas d'ingérence étrangère signalés n'a pas augmenté, mais quelles leçons ont été tirées et quelles recommandations ont été proposées? Les choses évoluent quand même à une vitesse fulgurante en matière de désinformation et de cyberattaques.
Je pense qu'il vous reste 30 secondes pour répondre à ma question.
:
Madame la présidente, j'aimerais ajouter quelque chose à la réponse de Mme Joly.
Mme Gaudreau a absolument raison de dire qu'il faut tirer des leçons de tout cela. Il s'agit de nouvelles expériences pour l'appareil de sécurité nationale du gouvernement.
Le protocole exige la tenue d'un examen indépendant par un expert. C'est pourquoi, à la suite de l'élection de 2019, j'ai choisi l'ancien sous-ministre M. Jim Judd pour faire cet examen. Il a remis son rapport au et à moi. Nous avons ensuite transmis ce rapport au Comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui a dévoilé publiquement une version des leçons tirées.
La bonne nouvelle, c'est que le même exercice a été entamé après l'élection de 2021. J'ai déjà mandaté M. Morris Rosenberg, un ancien sous-ministre aux ministères de la Justice et des Affaires étrangères, notamment, pour faire ce travail. D'ailleurs, je le rencontre vendredi de cette semaine. Dans la mesure du possible, nous vous ferons connaître ses conclusions, comme il se doit.
:
Madame la présidente, peut-être qu'Al Sutherland aimerait ajouter quelque chose, car c'est une question importante.
Mme Joly l'a très bien dit. Comme Mme Blaney, je crois que la confiance du public est essentielle. Les acteurs étatiques, les acteurs malveillants, cherchent justement à saper cette confiance.
La question est très pertinente. C'est pourquoi, dans la mesure du possible, le gouvernement et plus particulièrement les organismes de sécurité nationale qui sont chargés de veiller à ce que les processus démocratiques soient libres et équitables doivent pouvoir garantir aux Canadiens que c'est le cas, comme l'ont fait Mme Thomas, conseillère à la sécurité nationale auprès du , et un certain nombre d'autres responsables.
Tout comme Mme Joly, je n'ai pas cette prétendue liste de 11 candidats. J'ai vu la nouvelle dans les médias. J'ai discuté avec des responsables de la sécurité et on n'a pas produit de listes de ces noms, mais si des candidats ont peut-être ex post facto fait l'objet d'une tentative, je ne sais pas comment ils en sont informés ou s'ils en sont informés. Peut-être qu'Al Sutherland ou quelqu'un d'autre a des renseignements à ce sujet.
:
Je n'ai pas non plus la liste des 11 personnes.
Ce que je peux dire, c'est que dans le cadre des élections de 2019 et de 2021, nous avons été en contact surtout avec les présidents de campagne et les responsables de l'information des principaux partis. Je dois dire que j'ai été très satisfait de la collaboration dont ils ont fait preuve. Il était clair que la partisanerie avait été laissée de côté, et nous avons été témoins d'une volonté réelle qui, je pense, était admirable.
Les réunions que nous avons eues ont servi à soulever les questions relatives à la technologie, parce qu'il s'agit en grande partie de cyberactivités. Donc, pour chacun des partis, nous parlions des questions liées aux exigences en matière de technologie et des types de failles et des choses simples dont vous avez également entendu parler dans le cadre de vos séances d'information avec le CST, comme l'authentification à deux facteurs. Puis, des séances d'information de la GRC, du SCRS et du CST ont eu lieu pour faire le point sur les questions.
C'était une expérience en 2019. Nous l'avons refaite en 2021, et je dirais qu'elle a dépassé nos attentes en raison du sérieux dont a fait preuve chacun des partis à cet égard. À mon avis, c'était une partie très utile du protocole de protection des élections. Cela signifie que nous avons créé... Puisque tout le monde avait une autorisation de sécurité, nous pouvions organiser des séances d'information secrètes. Nous avons créé un lien d'information, de sorte que si les partis avaient des problèmes, ils pouvaient s'adresser à nous et les soulever individuellement ainsi qu'en groupe.
:
Madame la présidence, je veux m'assurer de comprendre la réponse de M. Sutherland, car elle est importante.
Le mécanisme — et votre question, madame Blaney, est, selon moi, tout à fait appropriée — serait probablement le groupe qui a été établi, où Al Sutherland et ses collègues étaient des participants actifs avec des représentants désignés des partis. Si un candidat avait des inquiétudes au sujet de circonstances particulières, celles‑ci seraient vraisemblablement soulevées, dans le cadre d'une campagne, auprès des responsables de la campagne, lesquels pourraient alors s'adresser à M. Sutherland et à d'autres experts dans ce contexte.
Monsieur Sutherland, je suppose que, de la même manière, il y aurait un processus à double sens par lequel vous auriez des représentants désignés de tous les partis politiques, ayant une habilitation de sécurité, avec lesquels vous et vos collègues pourriez parler s'il survenait un incident particulier nécessitant leur attention.
:
Je voudrais juste terminer ma réponse. Merci.
Oui, je reçois parfois des breffages sur des tentatives d'ingérence étrangère de la part de certains acteurs étrangers. Lorsque de tels cas sont portés à mon attention, je travaille avec mon collègue , parce que nos agences de sécurité nationale ont un boulot à faire.
Mon boulot par la suite, en tant que ministre des Affaires étrangères, est de soulever ces situations auprès des représentants des États étrangers en question pour leur dire, essentiellement, que l'ingérence étrangère est inacceptable chez nous. C'est ce que j'ai fait la dernière fois, au G20, auprès de mon homologue Wang Yi.
Quant aux élections de 2019 et de 2021 en particulier, comme je vous l'ai dit, je n'ai pas d'information là-dessus. Vous avez également entendu les commentaires du à ce sujet.
:
Merci, madame la présidente.
Pour reprendre là où nous en étions, les ministres Joly et LeBlanc persistent à dire qu'ils ne savent pas si les candidats ont reçu de l'argent. Lors d'une récente réunion du comité de la défense, qui a été mentionnée aujourd'hui, Mme Thomas, qui, comme vous le savez, est la conseillère en sécurité nationale du , a déclaré: « [...] nous n'avons pas été témoins de versements d'argent à ces 11 candidats, un point c'est tout. »
Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Vous a‑t‑on transmis les mêmes renseignements lors de vos séances d'information?
:
Merci, madame la présidente.
Une chose est sûre, c'est que nous sommes tous d'accord sur le fait que tout ce qui constitue de l'espionnage et de l'ingérence étrangère est une menace importante.
J'ai entre les mains le texte provenant du document intitulé « Canada: National Security Outlook 2019 », qui résume les menaces dans le contexte de l'élection canadienne. Ce qu'on indique clairement, c'est que le Canada est une cible attrayante, étant donné la position qu'il adopte. On précise également que les efforts qui sont faits pour essayer d'influencer le processus des élections ont généralement un objectif parmi les quatre principaux objectifs observés. C'est là que je fais le lien avec la seule et unique question que je vais poser. L'un des objectifs de l'ingérence étrangère serait de porter atteinte à l'intégrité du processus électoral ou de semer le doute quant à son intégrité. C'est préoccupant et il faut éviter cela.
Mes concitoyens me posent la question suivante: comment se fait-il que, malgré toutes les occasions qu'ont les parlementaires d'aller collecter certains éléments d'information, que ce soit lors de la période des questions orales ou ailleurs, ils ne soient pas bien au fait de ce qui se passe? J'aimerais que vous aidiez mes concitoyens à mieux comprendre, afin d'éviter qu'ils perdent confiance en notre démocratie.
Nous passons des semaines à colliger des informations. Est-ce normal que nous ne soyons pas au courant de toute la situation? Je parle de nous, les parlementaires, mais même de vous, les ministres. Évidemment, je ne serai jamais ministre, car les députés du Bloc québécois ne sont pas appelés à être ministres. Je parle quand même de tous les parlementaires dans cette enceinte.
:
Je remercie la députée de sa question.
Mme Gaudreau a parfaitement raison. Nous partageons entièrement la volonté du Bloc québécois et d'autres parlementaires de renforcer la confiance si précieuse du public dans l'intégrité et la transparence du processus électoral.
On a vu, dans d'autres pays qui ne sont pas très loin d'ici, ce qui peut arriver si le public manque de confiance envers un résultat, un processus ou une méthode de comptage des votes. Il y a des exemples bien inquiétants qui se sont produits pas très loin d'ici, où notre gouvernement a d'ailleurs été appelé à intervenir.
Je sais qu'on manque de temps, mais je tiens à rappeler une chose qui est importante pour nous. Il s'agit de la décision de demander au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, présidé par notre collègue , de se pencher sur ces enjeux. Ce comité a eu accès à ces renseignements de manière hautement confidentielle et il peut poser des questions de suivi. Il a une importante ligne de transparence. Je pense que c'est cet organisme qui peut rassurer nos concitoyens. Il fait son travail tout en respectant les obligations liées à la sécurité nationale.
:
Merci, madame la présidente.
Je veux revenir au processus, parce qu'il me fascine vraiment. Je pense que le fait de rendre le processus plus clair pour les Canadiens contribuera à améliorer la confiance envers ces systèmes et à nous permettre de formuler les critiques nécessaires.
En ce qui concerne le processus, ce que j'essaie de comprendre, je crois, c'est si, lorsque l'on constate qu'il y a eu ingérence, des mesures sont prises à l'encontre de ceux qui l'ont exercée. L'affaire est-elle transmise aux forces de l'ordre? Dans ce contexte, y a‑t‑il des lacunes législatives qui empêchent de prendre des mesures et qui doivent être comblées?
Ce que je veux dire dans la dernière partie de la question, c'est que nous entendons clairement ce que les ministres et le ministère ignorent, mais je ne comprends pas ce que vous savez ni comment vous examinez les circonstances pour que, sur le plan législatif et sur le plan des processus, les mesures prises soient renforcées tandis que nous faisons face à une augmentation de l'ingérence étrangère.
:
Encore une fois, madame la présidente — et peut-être que M. Sutherland veut ajouter quelque chose — la question de madame Blaney met en lumière une préoccupation que nous partageons tous. Il s'agit de circonstances nouvelles pour les démocraties ouvertes comme celle du Canada, et ces circonstances évoluent. Les rapports de renseignement que certains collègues ont lus indiquent clairement que le Canada est une cible pour les raisons précises que Mme Gaudreau et d'autres ont soulevées.
Cela contribue à un manque de confiance et de foi dans les institutions, qui sont fondamentales pour la bonne gouvernance de toute démocratie moderne. Toutes ces allégations nous préoccupent donc grandement. C'est pourquoi nous avons pris une série de mesures que nous pensons être responsables et appropriées.
Nous cherchons constamment à renforcer et à renouveler ces mesures. Elles ont évolué de 2019 à 2021. Aucune de ces mesures n'était en place auparavant.
Je sais que le présent comité produira un rapport ou formulera des recommandations à l'intention du gouvernement qui éclaireront la prise d'autres mesures. Mme Joly a, à juste titre, indiqué le travail effectué à l'échelle internationale avec des partenaires du G7. Son ministère a reçu du financement additionnel dans les budgets précédents pour que nous disposions du genre de capacité nécessaire pour nous renseigner sur les pratiques exemplaires d'autres pays partenaires démocratiques.
:
Il est important de faire la distinction entre le niveau ambiant dont les ministres ont parlé, soit le fait qu'il y a toujours un niveau de base d'interférence étrangère... Si, en tant que gouvernement, nous réagissions à tous les cas, en période électorale, vous concluriez que l'élection n'était pas légitime, ce qui serait inexact. Ce serait une fausse impression.
Par conséquent, ce qui est établi dans la directive du cabinet est important, à mon avis. Il y a un seuil à atteindre, un niveau d'impact ou d'impact potentiel, et un mécanisme est en place pour de tels cas. Il s'agit du groupe d’experts du Protocole public en cas d’incident électoral majeur, un nom que seul un bureaucrate pourrait inventer. En cas d'incident dépassant un certain niveau d'impact, le groupe de cinq personnes serait habilité à intervenir et à expliquer aux Canadiens ce qui s'est passé et ce qui peut être fait pour en éviter les conséquences.
Le fait que le groupe d'experts ne soit pas intervenu lors des élections de 2019 ou de 2021 devrait rassurer les Canadiens quant à la légitimité et au bon déroulement de nos élections, malgré ce niveau ambiant d'ingérence — que je qualifierais, à l'instar de M. Morrison, de faible niveau — et à l'absence...
Madame la présidente, par votre intermédiaire, le ministre LeBlanc continue de se cacher derrière des considérations de sécurité nationale. Le SCRS est d'avis que la réponse du gouvernement à l'ingérence étrangère devrait viser la pleine transparence pour que les cas d'ingérence étrangère soient rendus publics. Voilà la recommandation du SCRS au gouvernement. La façon de répondre aux questions très directes ici aujourd'hui était tout sauf transparente.
Par votre intermédiaire, madame la présidente, pour revenir à l'affirmation de la ministre Joly selon laquelle elle n'a eu aucune information ni aucune connaissance de l'ingérence de Pékin lors des élections de 2019 ou 2021, nous avons un document d'information de renseignement étranger daté du 21 février 2020. Le document ne contient aucune allégation, mais on y présente une évaluation d'un réseau d'ingérence efficace, en ces termes: « les enquêtes sur les activités liées aux élections fédérales canadiennes de 2019 ont révélé l'existence d'un réseau actif d'ingérence étrangère » par Pékin.
Lors de l'élection de 2021, le ministre a parlé du mécanisme de réponse rapide. Une analyse du mécanisme de réponse rapide révèle qu'il y a eu ingérence de la part de Pékin sur les plateformes de médias sociaux. À la lumière de tout cela, comment la ministre peut-elle prétendre qu'elle ne sait pas, qu'elle n'a aucune connaissance... Ce n'est tout simplement pas crédible.
:
Monsieur Cooper, je pense qu'il y a quelque chose qui devrait être très clair pour chacun de nous. Nous avons un intérêt commun à lutter contre l'ingérence étrangère. Aucune personne ni aucun parti ne bénéficie d'une ingérence étrangère, quelle qu'elle soit. Évidemment, nous voulons nous assurer que notre démocratie fonctionne et que la volonté du peuple canadien est respectée dans tous les aspects du processus démocratique.
Cela dit, quand il s'agit d'ingérence étrangère, nous avons des organismes de sécurité nationale qui sont habilités à enquêter. Ensuite, en tant que pays, selon le principe de la primauté du droit, des poursuites sont possibles. Notre rôle consiste à nous assurer que ce travail est fait. Voilà pourquoi je vais le faire, en collaboration avec le . Je veillerai également à ce qu'il dispose des bonnes ressources afin que la GRC puisse lutter contre tout acteur étranger qui tente de nuire à notre processus démocratique.
En fin de compte, j'aimerais pouvoir travailler avec vous tous pour lutter contre la désinformation en ligne. C'est un enjeu très important auquel toutes les démocraties du monde doivent s'attaquer.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier les ministres qui se sont présentés ici aujourd'hui, ainsi que les fonctionnaires qui les accompagnent.
Ma première question s'adresse à M. LeBlanc.
J’ai été non pas choqué, mais surpris par vos propos. En tant que ministre des Affaires intergouvernementales, de l'Infrastructure et des Collectivités, vous êtes responsable du processus démocratique. Cela fait partie de votre mandat. Or, vous avez dit qu'avant 2015, soit avant l'arrivée de ce gouvernement, il n'y avait pas de système solide pour faire enquête sur des questions d'ingérence étrangère dans nos élections.
N'y avait-il vraiment aucun processus en place?
:
Vous avez malheureusement raison, monsieur Fergus.
Avant l'élection de 2015, sous le gouvernement conservateur, il n'y avait pas du tout de système ou de transparence à cet égard comme il en existe depuis l'élection générale de 2019, c'est-à-dire celle qui a eu lieu après l'élection où nous avons succédé au gouvernement conservateur. Le protocole est dirigé par les hauts fonctionnaires responsables des agences de sécurité nationale. Ils ont l'obligation solennelle d'avertir le public quand une activité d'ingérence étrangère atteint un seuil où elle présente une menace à la démocratie canadienne.
Par souci de transparence, ces éléments sont maintenant accessibles au public et peuvent mieux être compris par les Canadiens, et les partis politiques peuvent participer à des séances de breffage. Rien de tout cela n'existait avant l'élection de notre gouvernement en 2015. Évidemment, je ne peux pas parler au nom du gouvernement de M. Harper. Aujourd'hui, les conservateurs s'indignent certainement de ces allégations d'ingérence, mais, quand ils avaient la possibilité de mettre en place des mesures de protection, ils n'ont pas été à la hauteur et ne l'ont pas fait.
Sur ce, madame la ministre Joly, monsieur le ministre LeBlanc et tous les fonctionnaires, je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
Monsieur le ministre LeBlanc, vous êtes venu ici à quelques reprises. Je tiens à remercier votre équipe d'avoir répondu si rapidement et d'avoir veillé à ce que vous puissiez comparaître devant votre comité préféré, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Cela dit, je vous souhaite à tous les deux le meilleur en cette période des Fêtes. Joyeux Noël et meilleurs vœux. Nous avons hâte de vous revoir l'année prochaine.
À tous les membres du Comité, nous nous reverrons en 2023. D'ici là, je vous souhaite que le meilleur. Portez-vous bien et soyez prudents.
Il n'y aura pas de réunion jeudi, puisque nous avons été si productifs et efficaces.
Prenez soin de vous. Merci à toutes les équipes de soutien; mes meilleurs vœux à vous aussi.
À la prochaine.