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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 120 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 septembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1645)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bonjour, chers collègues. Nous sommes prêts à commencer. Nous avons testé le son de ceux qui...
    J'invoque le règlement, monsieur le président. Il est 16 h 45. Nous avons donc 15 minutes de retard. Le ministre peut‑il nous dire s'il va rester 15 minutes de plus à la fin?
    Il acquiesce d'un signe de tête.
    Les tests de son ont été faits. Tout va bien.
    Je demanderais aux témoins de ne pas causer des bruits forts qui pourraient nuire à l'ouïe des interprètes. À cette fin, veillez s'il vous plaît à ne pas accrocher la tige de votre microphone. Si vous n'avez pas la parole, veuillez éteindre votre microphone, et si vous ne vous servez pas de votre oreillette, je vous demanderais de la poser sur l'autocollant devant vous, qui ressemble à un sous-verre.
    Nous sommes très heureux d'accueillir le ministre de l'Environnement et du Changement climatique.
    Monsieur le ministre, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire de 10 minutes. C'est bien ça? Vous avez la parole. Nous serons heureux de vous entendre.

[Français]

    Chers collègues, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître pour discuter de la situation du caribou boréal au Québec.
    Le caribou boréal est une espèce indicatrice de la santé globale de la forêt. Le déclin de sa population est considéré comme ce qu'on appelle communément un « canari dans la mine », c'est-à-dire un signe que l'écosystème de la forêt boréale se dégrade. Nous comprenons depuis longtemps que cet écosystème est important, non seulement pour la santé du caribou, mais aussi pour notre air, notre eau, notre climat et notre économie.
    La richesse naturelle québécoise et canadienne est ancrée dans notre culture et fait partie de notre folklore. Nous bénéficions toutes et tous des bienfaits et services gratuits qu’elle nous fournit. Tous les jours, ces services sont, notamment, un air pur, le fait de tempérer les canicules et les vagues de chaleur, le filtrage de notre eau, communément appelée or bleu au Québec, et la séquestration du carbone. Bien sûr, cela permet aussi de soutenir des économies telles que celles du bois d’œuvre, des pâtes et papiers, de la biomasse et j’en passe. Cependant, tous ces services et bienfaits ne peuvent être tenus pour acquis. Il est de notre responsabilité collective d’assurer la santé de nos écosystèmes, puisque nous continuons à bénéficier de toute la richesse et des occasions que la nature nous offre.
    Comme vous le savez déjà, le Canada a reçu le monde entier à Montréal en décembre 2022, lors de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité, la COP15. Grâce au leadership du Canada et de ses alliés, un nouveau Cadre mondial pour la biodiversité a été adopté. Le gouvernement du Québec y a d’ailleurs souscrit et s’est engagé à contribuer aux objectifs mondiaux de protéger au moins 30 % des terres et des océans d’ici 2030 et de mettre un frein au déclin de la biodiversité.
    Nous félicitons souvent le Québec pour son leadership environnemental et social, ce qui passe par la tarification du carbone, une politique essentielle à tout plan climatique et pour stimuler l’innovation dans une économie verte, l’électrification des transports, les services de garde et bien d’autres. Malheureusement, certains de ces succès sont dans l’ombre d’un échec qui ne date pas d’hier. C’est en réaction à cet échec que le gouvernement fédéral a commencé le processus de développement d’un ordre de protection pour conserver l’habitat de trois hardes de caribous au Québec dont le rétablissement fait face à une menace imminente.
(1650)

[Traduction]

    En 2003, le caribou boréal a été inscrit sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril, ou LEP. Les tendances des populations de caribous indiquent que l'espèce est en déclin dans tout le Canada. Au Québec, par exemple, la majorité des dix populations identifiées par la province est en déclin. En 2023, le gouvernement québécois estimait que la population provinciale comptait moins de 7 400 individus, ce qui représente une baisse nette au cours des dix dernières années. Deux de ces populations, Val‑d'Or et Charlevoix, sont maintenues dans des enclos ouverts à l'année, avec des populations de 9 et 39 caribous respectivement.
    La population de Pipmuacan a diminué de 24 % entre 2012 et 2020. Sans action urgente, il y a un risque élevé que toutes ces populations n'existent plus à l'état sauvage et qu'elles soient vouées, à défaut d'adopter un plan approprié, à vivre dans des enclos jusqu'à la fin de leurs jours. Ce n'est pas acceptable.

[Français]

     Nous négocions avec le gouvernement du Québec depuis 2016. Nous lui avons offert de partager les coûts liés au rétablissement et à la protection de l'habitat du caribou, tout en avançant des ententes de conservation avec d'autres provinces et territoires du pays.
    En 2022, nous avons cru avoir une résolution: une lettre conjointe et l'engagement clair du gouvernement du Québec à déposer une stratégie sur le rétablissement du caribou d'ici juin 2023. Cette dernière comprendrait notamment la façon dont nous allons protéger au moins 65 % de l'habitat du caribou. Sept ans après le début de nos délibérations et en parallèle avec les conclusions de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, qui confirme que cette espèce est en déclin au Québec, le gouvernement provincial doit en faire plus, le plus rapidement possible, afin de protéger et de restaurer l'habitat de cette espèce.
    Après une décision du gouverneur en conseil, prise l'an dernier, visant à privilégier une approche de collaboration — approche que nous avons toujours mise en priorité —, nous avons attendu la stratégie du gouvernement du Québec. Hélas, celle-ci n'est jamais venue. À la suite de nombreuses demandes, mon ministère a réalisé une évaluation scientifique et factuelle des menaces imminentes qui pèsent sur les aires de répartition du caribou boréal au Québec. Cette évaluation rigoureuse s'appuie sur les meilleures données et informations disponibles et démontre clairement que les populations de caribou boréal du Québec sont confrontées à de multiples menaces imminentes.
    Fort de cette évaluation, le 10 mai 2024, j'ai émis l'opinion que le caribou boréal faisait face à des menaces imminentes pour son rétablissement. J'étais donc légalement obligé, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, de recommander au gouverneur en conseil un décret d'urgence visant à assurer la protection de l'espèce. Le 19 juin 2024, le Canada a annoncé qu'il procédait à l'élaboration d'un décret d'urgence ciblé pour protéger l'habitat des trois populations de caribou boréal les plus en péril au Québec.
    Notre gouvernement a adopté une approche raisonnable et équilibrée sur cette question. Cette approche vise à protéger le meilleur habitat disponible pour le caribou, tout en limitant autant que possible l'impact socioéconomique. Notre gouvernement n'envisage pas ce décret d'urgence à la légère, tout comme le précédent gouvernement conservateur n'a assurément pas pris à la légère la décision, en 2013, d'appliquer un décret d'urgence dans les Prairies pour le tétras des armoises.
    Les outils de la réussite de la survie et du rétablissement du caribou sont partagés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et doivent inclure les communautés autochtones, les municipalités, l'industrie, les syndicats et la société civile. Cela ne peut être un succès sans que la province soit un partenaire disposé à agir, car elle a la responsabilité principale de la gestion de la faune et de nombreux outils clés.
    Bien que nous ayons invité le gouvernement du Québec à participer aux consultations, la province a jusqu'à maintenant refusé de le faire. De plus, elle n'a pas fourni de données pour appuyer l'analyse socioéconomique. Tout au long de ce processus, nous avons fait preuve d'ouverture à l'endroit du gouvernement du Québec, afin de tenter de trouver une solution collaborative. Personnellement, j'ai toujours espoir que nous pourrons trouver une approche équilibrée, de concert avec le gouvernement du Québec, qui dispose de la boîte à outils réglementaire et législative la plus flexible pour une approche à l'égard du caribou.
    Le 30 avril 2024, Québec a déposé une série de mesures locales limitées pour trois projets pilotes, dont deux concernent le caribou boréal. Cependant, les mesures proposées ne sont pas clairement définies, font l'objet de consultations, et il n'y a toujours pas d'échéancier quant à leur mise en œuvre. Si Québec prend des mesures suffisantes, la mise en place du décret fédéral pourrait ne pas être nécessaire. Cependant, vu la menace qui pèse sur le caribou, si le gouvernement du Québec n'adopte pas une approche adéquate, alors nous avons la responsabilité légale et morale d'intervenir.
    Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
     Merci, monsieur le ministre.
    Je tiens à souligner que le ministre est accompagné de deux représentants de son ministère, soit de Mme Tara Shannon, sous-ministre adjointe, Biodiversité et Service canadien de la faune, ainsi que de M. Derek Hermanutz, directeur général, Direction de l'analyse économique.
    Nous passons maintenant aux questions et aux commentaires, et c'est M. Martel qui va ouvrir le bal.
(1655)
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, êtes-vous conscient que votre décret va créer une crise sociale et que vous allez tuer des jobs?
     Comme je le disais dans mon allocution, nous avons pris une approche semblable à celle que le gouvernement conservateur a prise en 2013 pour un décret d'urgence.
    Monsieur le ministre, combien de jobsvotre décret va-t-il tuer?
    Comme j'essayais de le dire en répondant à votre question, nous venons tout juste de terminer les consultations avec l'ensemble des intervenants sur les questions socioéconomiques et, évidemment, sur la question de la protection du caribou. Nous allons analyser…
    Monsieur Martel, voulez-vous ajouter un commentaire?
    Oui. J'ai demandé une réponse à ma question: je veux savoir combien de jobs son décret risque de tuer.
    D'accord. Le ministre a bien entendu la question. Je demanderais qu'on lui donne la chance d'y répondre.
    Monsieur le ministre, allez-y.
     Merci, monsieur le président.
    Nous en sommes à l'étape de l'analyse. Au cours des prochaines semaines, nous allons analyser l'ensemble des mémoires et des témoignages qui ont été déposés dans le cadre des consultations afin d'élaborer le décret, ce qui n'est pas encore fait. C'est ce que nous allons faire au cours des prochaines semaines.
    Vous me demandez de répondre à une question, alors que nous sommes encore en train d'élaborer le décret.
    Monsieur le ministre, vous êtes censé savoir combien de jobs va coûter votre décret. Votre ministère a fait l'analyse. Selon votre ministère, 1 400 jobs, au minimum, vont être perdus, et environ 900 millions de dollars en retombées économiques, en tout et partout. Que dites-vous de ça? Il s'agit de 1 400 jobs, au minimum, qui seront perdus à cause de votre décret.
     Comme vous le savez, cette analyse est basée sur des données préliminaires puisque le décret final n'a pas encore été adopté. Ce sont des estimations, et ça pourrait beaucoup varier en fonction du décret final.
    Monsieur le ministre, qu'allez-vous dire aux gens? Ce sont 1 400 jobs qui vont être perdus. Qu'allez-vous dire à ces gens, qui ont des familles, qui ont des maisons dans les communautés et qui vont perdre leur job? Que vont-ils faire par la suite? De plus, ça va mettre des communautés en péril. Qu'allez-vous leur dire?
     Vous savez peut-être que je viens d'une petite ville au Québec, qui s'appelle La Tuque. C'est une ville qui vit de la forêt depuis très longtemps. Il y a une usine de pâtes et papiers et des scieries autour de la ville. C'est une réalité que je comprends très bien. Ça me sidère un peu que votre parti n'ait aucune compréhension de l'adéquation entre l'état de la forêt et l'état d'une industrie comme celle de la foresterie. C'est parce qu'on n'a pas pris soin de nos forêts que, dans ma ville de La Tuque, il ne reste que quelques centaines d'emplois à l'usine, alors qu'il n'y a pas si longtemps, il y en avait des milliers.
    Monsieur le ministre…
    Pourquoi est-ce le cas? C'est parce que l'état de la forêt se dégrade.
    Monsieur le ministre, j'ai rencontré les travailleurs, j'ai rencontré des représentants d'entreprises. Ils sont extrêmement inquiets. Ils ne savent pas ce qui va arriver demain. Ce sont leurs jobs. Ils sont contents d'être dans leur communauté. Ils ont acheté des maisons. Ils ne savent pas s'ils vont être obligés de déménager tout à l'heure. Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire. Je veux savoir si vous avez un plan pour ces travailleurs, parce que si votre décret est déposé, des jobs vont être perdus.
     J'ai moi aussi rencontré des travailleurs. J'ai rencontré des syndicats. J'étais à La Tuque il y a deux semaines. J'étais au Lac‑Saint‑Jean l'an passé. Je suis allé à Chibougamau. Je me suis assis avec ces gens. J'ai rencontré des représentants d'entreprises également. Une chose pourrait faire que le décret fédéral ne sera pas mis en œuvre: que le gouvernement du Québec dépose ce qu'il s'est engagé à déposer. S'il fait cela, car c'est tout ce que je demande, il n'y aura pas décret fédéral.
    Monsieur le ministre, je ne sais pas pourquoi vous vous en prenez toujours au gouvernement du Québec.
    On parle du gouvernement du Canada. Qu'est-ce que les libéraux ont fait jusqu'à présent, depuis 2015? Qu'ont-ils fait pour l'industrie forestière, pour le secteur forestier? Qu'ont-ils fait? L'entente sur le bois d'œuvre n'est même pas réglée et on en parle, année après année. Ça fait six ans que je suis ici et, chaque fois, on parle de l'entente sur le bois d'œuvre. Qu'avez-vous fait pour les travailleurs et pour les entreprises forestières, jusqu'à maintenant, pour favoriser leur prospérité? Qu'avez-vous fait pour eux?
     Monsieur le président, je pensais que je venais témoigner sur la question du caribou. Je pense que nous nous éloignons un peu du sujet. Si mon collègue veut avoir des données sur les…
(1700)
    Je parle des travailleurs.
    Un instant, monsieur Martel.
    Continuez, monsieur Guilbeault.
    Si M. Martel veut des informations sur ce que d'autres ministères ont fait pour le secteur forestier, nous pourrons certainement fournir ces informations au Comité. Je suis le ministre de l'Environnement et du Changement climatique. Je ne suis pas le ministre responsable de l'innovation, des sciences, de l'industrie ou du développement économique.
    Il y a effectivement eu des subventions. Par exemple, il y a FPInnovations dans ma circonscription, qui fait de la recherche sur l'industrie, sur les nouveaux produits forestiers, et ainsi de suite, et qui a bénéficié d'une subvention dernièrement.
    Allez-y, monsieur Martel.
    Monsieur le ministre, votre décret va engendrer de sérieuses répercussions. Les travailleurs sont inquiets.
    Que vais-je dire ou qu'allez-vous dire à Éric, à Jean-Marc, à Mathieu, à Lise, à la famille Girard et à la famille Tremblay, qui travaillent dans le secteur forestier? Qu'allez-vous leur dire s'ils perdent leur job à cause de votre décret? Qu'allez-vous leur dire?
     Vous savez probablement que l'ensemble des experts, les syndicats, les peuples autochtones, les groupes écologistes, donc les travailleurs eux-mêmes, disent que l'avenir de leur secteur est lié à la santé de la forêt.
     Vous êtes les seuls, vous et vos collègues du Parti conservateur, à ne pas sembler comprendre cela. Tous les autres intervenants le comprennent. On ne peut pas avoir une foresterie durable si l'état de notre forêt continue de se dégrader. Vous êtes les seuls à ne pas comprendre cela.
    Monsieur le ministre, que va-t-on faire des jobs perdus, 1 400 au minimum? Que va-t-on faire de ces travailleurs? L'être humain est-il pris en considération? La mairesse de Sacré-Coeur dit que sa communauté va devenir un village fantôme. Avez-vous rencontré cette dame? Que pouvez-vous lui dire?
    Monsieur le ministre, j'ai accordé quelques secondes supplémentaires, mais le temps est écoulé. Votre réponse devra être brève.
     Il y avait beaucoup de questions dans cette demande.
    Oui, vous aurez peut-être l'occasion…
     Tenons-nous compte des répercussions socioéconomiques? La réponse est oui, bien entendu.
    D'accord, merci.
    C'est au tour de M. Longfield, qui est en ligne, je crois.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, pour votre comparution.
    Je vais poser mes questions en anglais.

[Français]

    Vous pouvez parler en français, si vous voulez.

[Traduction]

    Je sais que c'est une question qui concerne le Québec, mais c'est aussi une question nationale et internationale.
    Au début de votre déclaration liminaire, vous avez parlé des accords internationaux que nous avons signés. En 2015, nous avons notamment souscrit aux objectifs de développement durable avec 193 autres pays. Vous avez des obligations légales au titre de la Loi sur les espèces en péril, mais ce n'est pas vous qui avez décidé de proposer le décret d'urgence, n'est‑ce pas?
    Je vous remercie de la question, monsieur Longfield.
    Voici comment fonctionne la Loi sur les espèces en péril. Disons que les experts d'Environnement et Changement climatique Canada arrivent à la conclusion selon laquelle une province ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger l'habitat d'une espèce en voie de disparition. Une fois que cette décision a été prise, j'ai l'obligation juridique de recommander au Cabinet de prendre un décret d'urgence. Ensuite, le Cabinet pourra décider s'il veut aller de l'avant ou non.
    L'an dernier, en 2023, j'ai fait une recommandation semblable au Cabinet, et celui‑ci m'a alors demandé si je pouvais essayer de négocier avec le gouvernement du Québec, ce que nous avons tenté de faire pendant plus d'un an. Malheureusement, ces discussions et ces négociations ont échoué. C'est pourquoi j'ai dû retourner au Cabinet pour lui demander à nouveau un décret d'urgence, qui a été accordé cette fois‑ci.
    C'est une décision du Cabinet, et non pas du ministre de l'Environnement. La décision revient au Cabinet.
    Merci.
    Pour que ce soit bien clair, si le Québec avait pris les mesures nécessaires, vous n'auriez pas à demander un tel décret.

[Français]

    Merci. Je vais quand même répondre en français, car il s'agit d'une question importante.
    Je demeure convaincu que nous pouvons en arriver à une entente si le gouvernement du Québec est prêt à y mettre du sien. À la fin de 2022, ce dernier s'était engagé auprès de nous, dans une lettre ouverte, à présenter un plan pour le rétablissement du caribou, plan qui se fait attendre depuis 2016, quand même. Il nous avait alors dit que, d'ici juin 2023, il présenterait ce plan sur la façon de protéger au moins 65 % de l'habitat. C'est le gouvernement du Québec qui a dit cela. Or, nous sommes en septembre 2024 et nous n'avons toujours pas reçu ce plan.
    Si le gouvernement du Québec décide d'aller de l'avant avec le plan, comme il s'est engagé à le faire, je me ferai un plaisir de retourner voir le gouverneur en conseil pour lui dire que nous n'avons plus besoin du décret d'urgence.
(1705)

[Traduction]

    Merci. C'était la prochaine question que je me posais.
    C'est une ordonnance temporaire. Elle ne sera en place que le temps nécessaire, mais nous avons des engagements juridiques que nous devons respecter.

[Français]

    Vous avez raison.
    Pourquoi est-ce que je dis que je j'ai confiance que nous pourrons arriver à nous entendre avec Québec? C'est parce que nous avons réussi à nous entendre avec l'Ontario, l'Alberta et la Colombie‑Britannique sur la question du caribou. Je ne vois donc pas pourquoi, si nous avons réussi à nous entendre avec toutes ces provinces, il ne serait pas possible de trouver un terrain d'entente avec le gouvernement du Québec.

[Traduction]

    Ce n'est donc pas une question de politique. C'est une question de légalité, d'après ce que je comprends.
    Vous hochez la tête en signe d'assentiment.
    En ce qui concerne les objectifs de développement durable, ou ODD, je crois que le 15e porte sur la vie terrestre. Ils comprennent également la durabilité économique, environnementale et sociale, y compris les emplois et le soutien à la transition, de sorte que tous ces objectifs concordent avec les trois piliers de la durabilité acceptés par 193 pays.
    Il me semble que cet aspect soit trop souvent laissé de côté. Lorsque les pays se sont réunis aux Nations unies, 193 d’entre eux ont déterminé la façon dont nous, en tant que planète, allons aborder la durabilité. Le caribou fait partie de la discussion, mais les travailleurs aussi.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
    Oui, absolument, et nous publions un rapport annuel sur la progression de la mise en œuvre de nos objectifs de développement durable au Canada.
    Ce que vous avez dit a trouvé écho dans le cadre de la biodiversité de Kunming à Montréal en 2022. À ce moment, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, 193 pays et le gouvernement du Québec ont convenu ensemble que, pour que des secteurs comme la foresterie et d'autres soient durables, nous devons protéger au moins 30 % de nos terres et de nos océans d'ici 2030. C'est quelque chose que vous avez entendu des travailleurs — des représentants syndicaux — dire ici. Ils comprennent que l'avenir du secteur n'est pas fondé sur les profits à court terme, mais plutôt sur la durabilité à long terme de la forêt afin de garantir la pérennité du secteur forestier.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    La parole est maintenant à Mme Pauzé.

[Français]

     Je laisse mon temps de parole à mon collègue, Mario Simard.
    Merci d'être présent, monsieur le ministre. Vous savez, le secteur forestier, c'est une chaîne: si on coupe un maillon de la chaîne, on a un effet négatif sur l'ensemble de la filière forestière. Quand j'analyse les données qui me sont présentées, et même le rapport venant de votre ministère, je vois un effet disproportionné sur le secteur forestier.
    Vous devez prendre en considération la conjoncture. Depuis les quatre dernières années, le secteur forestier a dû combattre des feux de forêt — qui entraînent un manque à gagner considérable pour les gens du secteur —, des épidémies, des infestations de tordeuse des bourgeons de l'épinette, un manque criant de soutien financier de la part du gouvernement fédéral et des tarifs disproportionnés. Il faut mettre tout cela ensemble et, si vous allez de l'avant avec le décret, je vous garantis que vous allez déstructurer complètement le secteur forestier au Québec. Je vous dis cela parce que la majorité des petites communautés dévitalisées du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et de la Côte‑Nord vivent essentiellement de la forêt.
    Dans le rapport que vous avez déposé, il y a 1 400 emplois directs qui sont mis en péril par le décret. Si, en plus, on calcule les emplois indirects et induits, je vous dis sincèrement que ce serait une catastrophe. Je comprends que vous voulez faire pression sur Québec. Je suis d'accord avec vous, il faut trouver un moyen de protéger le caribou. Cependant, si vous allez de l'avant, je vous garantis que vous allez déstructurer un nombre considérable de communautés au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. Vous allez les affamer. Ce n'est pas un petit mot, vous allez les affamer, et je ne suis pas certain que vous allez réussir à sauver le caribou.
    Dans le secteur forestier, on peut écouter les biologistes de la grande faune qui défendent très bien le caribou. Or, il faut aussi voir l'ensemble de l'écosystème. Si on sort les compagnies forestières de la forêt, il n'y aura plus d'aménagement forestier. On aura donc des forêts moins résilientes et plus propices à des feux et à des épidémies d'insectes. Cela doit aussi faire partie de votre réflexion.
    Je sais que vous pouvez indiquer que Québec tarde à agir. Par contre, je pense que la meilleure solution qui est devant vous, c'est de reculer. C'est peut-être, aussi, d'engager une conversation avec Québec et différents intervenants pour trouver une solution qui va permettre à la fois de sauver le caribou et, surtout, de maintenir ces emplois.
    Depuis 2019 que je suis député, je n'ai jamais vu un geste positif pour l'industrie forestière de la part de votre gouvernement. Si j'étais en mesure de vous rendre les témoignages que j'ai reçus de l'ensemble des acteurs du secteur forestier, c'est un cri du cœur que je vous lancerais.
    Ce que je vous demande, aujourd'hui, c'est d'être conscient de ça. Je comprends très bien votre volonté, qui est louable, mais je pense que les effets négatifs sont beaucoup plus grands que les effets positifs.
(1710)
    Je vous remercie de cette question, mais je ne suis pas sûr que ce soit une question. Merci de cette intervention.
    Vous parlez de ma volonté. Vous comprenez que c'est une obligation légale que j'ai comme ministre de l'Environnement. Je ne prends pas la décision d'adopter un décret ou non en me levant le matin, dépendamment du côté du lit où je me suis levé. Ça ne fonctionne pas comme ça. J'ai une obligation légale de faire cette recommandation au Cabinet. Par la suite, le Cabinet décide des prochaines étapes et, dans ce cas-ci, le Cabinet a décidé qu'on devait aller de l'avant. Ce n'est pas une décision qui a été prise à la légère.
    Vous savez probablement que nous avons signé l'an passé une entente globale avec la Colombie‑Britannique sur la conservation de la nature, qui inclut la protection de plusieurs espèces. Le gouvernement fédéral y a investi près de 500 millions de dollars et la province, à peu près la même chose. Nous ne demandons pas aux provinces de porter sur leurs épaules le fardeau d'atteindre des objectifs de conservation d'espèces sans les accompagner au moyen de différents types de programmes, dont certains peuvent justement s'adresser aux travailleurs forestiers.
    Monsieur Guilbeault, vous avez l'obligation légale d'agir. On a aussi des obligations pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre qu'on s'est fixées.
     Pourtant, je vois des millions d'incohérences. Vous avez donné 34 milliards de dollars pour acheter un pipeline, mais votre plan le plus ambitieux pour faire la transition énergétique ne se chiffre qu'à 40 milliards de dollars. Donc, d'un côté, un seul projet d'hydrocarbures a coûté 34 milliards de dollars. De l'autre, le projet le plus ambitieux de votre histoire pour lutter contre les changements climatiques et vivre la transition énergétique a coûté 40 milliards de dollars. C'est épouvantablement incohérent, mais je sais que vous êtes capable de vivre avec ça, parce qu'en politique, des fois, on doit faire des compromis.
    Je vous demande aujourd'hui de faire un compromis qui fera que des tas de petites collectivités du Québec, y compris La Tuque, dont vous êtes originaire, pourront continuer à vivre du secteur forestier, à contribuer à la construction de résidences à faible intensité carbonique au moyen de l'utilisation du bois, à contribuer à remplacer des produits qui ont une empreinte carbone considérable au moyen de la bioéconomie.
    Si vous allez de l'avant, vous mettez tous ces éléments en péril. Selon l'analyse très conservatrice que vous avez produite — ce n'est pas une insulte —, le décret aurait pour conséquence de mettre 55 entreprises sur le carreau. Ces 55 entreprises sont majoritairement dans de petites communautés dévitalisées. Je comprends que vous ayez l'obligation de déposer ce décret, mais je pense que le gouvernement n'en est pas à un compromis près. La meilleure décision que vous pourriez prendre est d'attendre, d'écouter encore Québec, et d'essayer de trouver ensemble un compromis.
    Monsieur Simard, votre temps de parole est écoulé.
    Est-ce que je peux répondre?
    Est-ce qu'il peut répondre rapidement? C'est un ministre.
    Je comprends, mais il pourra répondre à un autre moment.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui pour cette étude importante.
    Nous sommes au comité de l'environnement, je vais donc parler d'environnement. Vous avez parlé de beaucoup de choses importantes dans votre allocution d'introduction, comme la biodiversité et les changements climatiques. À ce sujet, j'ai devant moi une liste non exhaustive décrivant le bilan de votre gouvernement.
    Sous le gouvernement libéral, le Canada a le pire bilan de réduction des gaz à effet de serre des pays membres du G7. De tous les membres du G20, le Canada est le pays qui finance le plus, avec de l'argent public, l'industrie pétrolière et gazière. Quand les Nations unies ont demandé à leurs États membres de taxer les profits excessifs du secteur pétrolier et gazier, les lobbyistes de ce secteur sont débarqués dans le bureau de la ministre des Finances, et vous avez reculé lors du dernier budget.
    On n'a toujours pas de plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier. Le commissaire à l'environnement et au développement durable sonne l'alarme sur le fait qu'on ne peut pas faire confiance à votre plan pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour les grandes sociétés, il y a tellement d'échappatoires dans votre plan que des compagnies comme Suncor paient un quatorzième du prix du carbone payé par un travailleur moyen ou une famille moyenne.
    Enfin, comme l'a dit mon collègue, votre gouvernement a acheté un pipeline pour 34 milliards de dollars, un pipeline tellement inutile que même le secteur privé ne voulait pas prendre le risque de l'acheter et de l'agrandir.
    On veut sauver le caribou forestier, mais, si on sauve le caribou alors que la planète brûle et que la forêt autour du caribou brûle, qu'est-ce qu'on aura accompli?
(1715)
    Merci pour la question.
    D'abord, sauf votre respect, plusieurs choses que vous avez dites sont erronées. Nous avons, entre 2019 et 2022, le meilleur bilan de réduction des émissions de gaz à effet de serre de tous les pays du G7. Nous sommes le seul pays du G20 à avoir éliminé les subventions aux combustibles fossiles. Tous les pays du G20 s'étaient engagés à le faire à Pittsburgh en 2009, mais aucun autre ne l'a fait. Nous nous sommes engagés à aller plus loin en éliminant le financement public du secteur pétrolier par l'entremise des sociétés d'État, comme Exportation et développement Canada ou la Banque de développement du Canada. Aucun autre pays du G20 ne s'est engagé à le faire.
     C'est un engagement qui n'est toujours pas rempli.
    Nous avons dit que nous allions le faire cette année. Ça aurait été plus rapide si nous avions pu continuer à travailler avec vous. Ce sera un peu plus lent, mais nous sommes le seul pays du G20 à avoir pris cet engagement.
    Concernant notre plan, l'Institut climatique du Canada, une organisation indépendante, a souligné qu'au rythme où vont les choses, nous atteindrons notre objectif intérimaire de 2026, une première dans l'histoire du pays. La dernière fois que les émissions de gaz à effet de serre ont été aussi basses au Canada, O. J. Simpson était en procès et le iPhone était inventé, mais pas encore commercialisé. Alors, nos émissions n'ont pas été à un aussi bas niveau depuis 25 ans.
    Bien sûr, il faut travailler sur la conservation. C'est pourquoi, par exemple sur le plan de la conservation maritime et océanique, nous sommes passés de 1 % en 2015 à 16 %, et nous sommes en voie d'atteindre 30 % pour 2030. Pour ce qui est de la conservation terrestre, nous en sommes à peu près à 15 %. Je suis le premier à reconnaître que nous devons en faire plus.
    Ce que vous avez fait de plus, c'est offrir la plus grande subvention jamais accordée à une compagnie pétrolière en achetant le pipeline Trans Mountain pour 34 milliards de dollars avec l'argent des contribuables. Le crédit d'impôt que vous donnez pour le captage de carbone, une technologie dont l'efficacité n'a pas été prouvée, est aussi une immense subvention. Alors, quand vous dites que vous avez éliminé toutes les subventions aux compagnies pétrolières, ce n'est pas vrai. Vous continuez à le faire, de manière directe ou indirecte, en permettant des échappatoires épouvantables à la tarification du carbone pour cette industrie et en ne fixant pas de plafond d'émissions, qu'on attend toujours désespérément, alors qu'on est en 2024 et que les libéraux sont au pouvoir depuis 2015.
    Monsieur Boulerice, on est censé parler du caribou, aujourd'hui.
    Eh bien, moi, j'aime parler de la forêt, et quand elle brûle, il y a un lien.
    D'accord, mais revenons à la forêt.
    Revenons à la forêt.
    Monsieur le ministre, si le gouvernement du Québec traîne les pieds et que le caribou, qu'on ne voudrait vraiment pas voir disparaître, est à risque, le fait que vous soyez peut-être forcé, ultimement, d'imposer un décret n'est-il pas un constat d'échec en soi quant à votre capacité de vous entendre avec le gouvernement du Québec?
    Comme je le disais plus tôt, nous avons réussi à nous entendre avec plusieurs gouvernements provinciaux sur la question du caribou. Je continue d'espérer que nous allons réussir à nous entendre. Certains parlent du décret comme d'un décret radical, ou quelque chose comme ça. Vous avez probablement entendu M. Martin‑Hugues St‑Laurent, professeur titulaire en écologie animale à l'Université du Québec à Rimouski. Il dit que le décret s'apparente davantage à un compromis qu'à une stratégie radicale de protection sous cloche de verre, et que, malgré la somme d'évidences qui font largement consensus dans la communauté scientifique, plusieurs acteurs du milieu investissent d'importants efforts pour insuffler un vent de désinformation et de déni de la science dans les médias, contribuant à la polarisation sociale observée relativement à cet enjeu.
    Si plus de gens travaillaient à essayer de trouver une solution et que moins de gens essayaient de souffler sur les braises de la désinformation et des campagnes de peur, on ferait probablement plus de progrès.
     Il reste 45 secondes.
    Je suis très sensible aux cris du cœur des communautés locales, de l'industrie forestière et des travailleurs syndiqués, et au fait qu'il faut en arriver à un décret pour préserver une espèce menacée. Si le caribou forestier disparaît, on ne pourra pas le faire revenir. On n'est pas dans Jurassic Park.
    Quelles consultations avez-vous menées auprès des communautés autochtones, pour lesquelles le caribou est un symbole important et une bonne partie de leur identité et de leur mode de vie?
(1720)
    Il reste 15 secondes.
    Il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais je pourrai faire part au Comité du nombre de rencontres que nous avons tenues et des mémoires qui ont été déposés par des intervenants des industries forestière, minière et touristique, des municipalités, des travailleurs et des Premières Nations. Nous avons rencontré des centaines de personnes.
    Merci.
    Nous passons au deuxième tour.
    Monsieur Paul‑Hus, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre.
    Je salue également les deux autres témoins.
    Monsieur le ministre, plus tôt, vous avez dit que des gens qualifiaient votre décret de radical. C'est nous qui avons mentionné clairement que la menace de votre décret était radicale, parce qu'il n'y a aucun équilibre dans l'approche proposée. Vous avez décidé d'imposer un décret qui va mettre en péril des dizaines d'entreprises et des milliers d'emplois.
    J'aimerais savoir quelles sont les discussions que vous avez eues avec le chef du Bloc québécois, M. Blanchet, concernant le dossier du caribou, puisqu'on sait qu'il y avait une très bonne relation entre vos deux partis.
     D'abord, je suis en profond désaccord sur votre caractérisation du décret. Ce décret n'est pas plus radical que celui que le Parti conservateur, sous Stephen Harper, avait adopté en 2013 pour une autre espèce. C'est la même procédure.
    Votre approche est radicale, mais je veux savoir quelles discussions vous avez eues avec M. Blanchet.
     Je pense que ce que je vais dire va faire sourire bien du monde: si mon approche est radicale, ça voudrait dire que le Parti conservateur du Canada est radical en matière d'environnement. Je ne suis pas sûr que nous voulons aller là.
    Je vous parle de la relation avec M. Blanchet. De quoi avez-vous discuté avec lui concernant le décret sur le caribou?
     J'ai eu une discussion avec le chef du Bloc québécois au mois de juin, si ma mémoire est bonne. C'était une discussion téléphonique qui a duré quelques minutes.
     Avez-vous négocié un arrangement cet été?
     Comment la lettre s'est-elle signée entre les membres de votre parti et le Bloc québécois? Comment en est-on venu à signer une lettre commune adressée ici, au Comité?
    Pardon?
    Je peux vous le dire, moi.
    C'est parce que vous n'avez pas répondu.
    C'est moi qui ai répondu.
    Durant l'été, il y a eu des négociations.
    Veuillez intervenir une personne à la fois. Je pense que la question a été posée.
    Monsieur le ministre, nous vous écoutons.
    En fait, je ne suis pas sûr de comprendre la question.
    J'ai passé beaucoup de temps à parler du caribou. Nous étions là-dessus. Il y a eu des demandes de rencontres. Le Parti conservateur voulait organiser des rencontres. Le Bloc québécois ne donnait pas de réponse. À un moment donné, une lettre a été envoyée au Comité de la part des députés libéraux et des députés du Bloc québécois, dans laquelle on demandait une rencontre.
    Quelles négociations y a-t-il eu pour mener à cette lettre?
     Vous m'avez demandé quelles négociations j'ai eues avec le chef du Bloc québécois. Ma réponse est la suivante: je n'ai pas eu de négociations. J'ai eu une discussion avec le chef du Bloc québécois, qui me demandait des précisions, lorsque le décret a été annoncé au mois de juin dernier. Je n'ai pas parlé de cette question au chef du Bloc québécois au mois de juillet. Je ne lui en ai pas parlé au mois d'août non plus.
    Monsieur le ministre, ça fait plus d'un an et demi que nous sommes clairs concernant le décret. Nous avons mentionné que cette approche était radicale. Le Bloc québécois n'était pas dans le décor. Il a commencé cet été, après les vacances, à mettre de la pression sur vous.
    Le Bloc québécois a décidé de ne pas appuyer notre motion de confiance. De votre côté, considérez-vous, aujourd'hui, qu'il a eu des négociations avec vous? C'est parce qu'une des conditions du Bloc québécois, entre autres, est d'arrêter le décret. Y a-t-il une demande qui a été faite à votre bureau pour arrêter le décret?
     Encore une fois, je le répète: si ce décret-ci est radical, celui que les conservateurs ont adopté en 2013 devrait aussi être qualifié de radical. C'est la même approche que nous avons prise.
    On tourne en rond, monsieur le ministre. C'est correct.
    Si vous avez des questions pour le Bloc québécois, je vous invite à les poser au Bloc québécois.
    C'est bon. On va passer…
    Je peux répondre…
    Monsieur Simard, s'il vous plaît, j'ai la parole. Merci. Si vous voulez…
    À l'ordre.
    Monsieur Simard, vous n'avez pas la parole. Nous allons continuer les questions-réponses entre M. Paul-Hus et le ministre, pour l'instant. Nous discuterons d'autres choses peut-être à la pause.
    Je ne sais pas où nous sommes rendus. Est-ce bien le ministre qui va répondre aux questions? Où en sommes-nous?
    Monsieur le président, j'ai essayé de répondre à la question, à savoir si j'ai eu des négociations avec le chef du Bloc québécois sur cette question. Ma réponse était non et elle va demeurer la même. Non, je n'ai pas eu de négociations avec le chef du Bloc québécois sur cette question.
    Parfait, merci.
    Tantôt, dans les réponses que vous avez données à d'autres collègues, ici, vous avez mentionné, au début, que vous n'aviez aucune raison d'être concerné, que vous n'étiez pas concerné par les répercussions économiques. Par la suite, vous avez dit que vous preniez en compte ces répercussions, mais vous avez mentionné clairement que ce n'était pas votre problème, parce que vous êtes au ministère de l'Environnement et du Changement climatique et que c'est le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industriequi s'occupe des répercussions économiques.
(1725)
    Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Je tiens quand même…
    C'est ce que vous avez dit. On vérifiera le témoignage, monsieur le ministre.
    Absolument. Avec plaisir.
    Maintenant, j'aimerais savoir une chose.
    Quand vous avez présenté votre proposition de décret au Cabinet, vos collègues du ministère de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie et du ministère des Finances ont-ils posé des questions sur l'impact économique de ce décret? Ça semble venir de vous, mais vous avez mentionné tantôt que le Cabinet avait dû l'approuver. Or, si le Conseil des ministres l'a approuvé, il doit y avoir des ministres du secteur économique qui se sont interrogés sur l'impact. S'ils n'ont pas posé de questions, il y a un méchant problème au Cabinet, n'est-ce pas?
     Non, pas du tout. Tout ce que vous venez de dire, ou à peu près, est faux.
    D'abord, je n'ai pas dit que je n'étais pas préoccupé par les répercussions socioéconomiques. J'ai précisé que nous avions fait une analyse socioéconomique, et que nous allions continuer de faire une analyse socioéconomique. J'ai dit que je n'étais pas ministre responsable de l'innovation et du développement économique. Si vous voulez avoir des informations sur les subventions qui ont été fournies par ce ministère, on pourra certainement vous les fournir.
     Quand vous avez présenté le décret, monsieur le ministre…
    Monsieur Paul-Hus, si vous m'en laissez la chance, je pourrai répondre à votre question.
    Évidemment, je ne peux pas parler des discussions que nous avons au Cabinet. Comme vous le savez probablement, ces discussions sont secrètes. Cependant, une analyse socioéconomique des répercussions potentielles est présentée lors de ces discussions.
     Merci, messieurs.
    Madame Chatel, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce comité, et c'est vrai que beaucoup d'inquiétudes ont été soulevées. Toutefois, le cri du cœur qui venait des travailleurs, entre autres, était vraiment à propos de l'état de la santé de la forêt boréale. Les travailleurs pensent à leur emploi aujourd'hui, mais aussi à la pérennité des emplois, surtout en milieu rural. Je le sais parce que, dans ma circonscription, nous avons des communautés rurales et des industries forestières. Il y a vraiment une inquiétude de la part des travailleurs, mais aussi de l'industrie pour ce qui est de s'assurer que la forêt est sereine.
    On parle beaucoup du caribou, mais pouvez-vous préciser une chose? Que voulez-vous dire quand vous dites que c'est un « canari dans la mine »? Qu'est-ce que ça veut dire pour l'état de la santé de la forêt boréale?
     Vous avez raison, j'ai eu plusieurs discussions en personne, par exemple avec les travailleurs à Chibougamau. Plus récemment, j'ai aussi tenu des discussions de manière virtuelle. Contrairement au Parti conservateur du Canada, ces gens comprennent que l'avenir de leurs emplois et du secteur dépend de la santé de la forêt. Ils comprennent aussi que l'un ne va pas sans l'autre.
     Le caribou est une espèce baromètre, en quelque sorte. Si cette espèce se porte bien, on peut supposer que les écosystèmes en question se portent bien. Évidemment, il faut faire des études pour s'en assurer.
    Il faut quand même préciser — je pense que ça va répondre partiellement à ce que M. Simard disait tout à l'heure — qu'on a déjà réussi à rétablir la population du caribou au Canada, grâce à des ententes avec les provinces et les peuples autochtones. Il est possible de le faire, mais il faut que tout le monde s'assoie à la table et veuille trouver une solution. Présentement, beaucoup de gens sont à cette table, mais le gouvernement du Québec n'y est pas. Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement du Québec s'assoie à la table avec nous et l'ensemble des autres intervenants et intervenantes pour trouver une solution.
    Le cri du cœur de tous les intervenants, qu'il s'agisse de l'industrie forestière, des travailleurs ou des groupes environnementaux, c'est justement qu'on s'assoit à la table pour trouver des solutions. Des solutions, il y en a, et les travailleurs en ont proposé. Ils sont tous d'accord pour dire que la forêt boréale a besoin d'amour en ce moment.
    Pouvez-vous nous expliquer brièvement l'état des consultations et nous parler des considérations socioéconomiques contenues dans le décret? On en a parlé, et vous nous avez dit avoir écouté les intervenants.
    Je vais laisser M. Hermanutz ou Mme Shannon vous donner plus de précisions sur les aspects socioéconomiques, mais je peux donner quelques chiffres au sujet des consultations.
    Parmi les gens qui ont participé aux consultations, plus de 400 personnes provenaient de l'industrie forestière et des syndicats, environ 60 personnes provenaient de l'industrie minière ou étaient des travailleurs du secteur minier, 30 personnes provenaient du secteur du tourisme, 26 personnes représentaient diverses municipalités, et 105 personnes provenaient d'autres secteurs des régions. De plus, 200 personnes des Premières Nations et 59 groupes écologiques ou experts ont été consultés. En fait, nous pouvons vous fournir la liste des représentants des différentes municipalités, municipalités régionales de comté, compagnies, associations et syndicats qui ont été rencontrés. J'ajoute que, à la demande de deux communautés autochtones, la période de consultation a été prolongée d'un mois. Nous avons tenu d'importantes consultations.
     Votre collègue du Bloc québécois nous disait que la solution pourrait être d'attendre avant de déposer le décret, mais ça fait huit ans que nous attendons. À quel moment se dit-on que ce n'est pas sérieux, qu'il y a quelqu'un autour de la table qui n'est pas sérieux? Comme je viens de le dire, ça fait huit ans que nous attendons. Vous avez entendu plusieurs experts dire que le décret n'est pas radical, mais qu'il est un compromis. Certains pensent même que ça aurait dû être fait depuis longtemps. Ce n'est pas comme si nous n'avions pas donné au gouvernement du Québec la chance de s'asseoir à la table et de proposer des solutions. Nous l'avons fait à plusieurs reprises, mais il ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, hélas.
(1730)
    Après les consultations, quelles vont être les étapes? Vous avez dit que le processus menant au décret n'avait pas encore été finalisé.
    C'est exact. Nous devons analyser l'ensemble des témoignages et les mémoires qui ont été déposés dans le cadre des consultations. Ensuite, les experts du ministère vont rédiger le décret et celui-ci va être présenté au gouverneur en conseil.
     Merci.
    Madame Pauzé, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Nous qualifions effectivement le décret de radical et nous disons qu'il n'est peut-être pas équilibré, parce que M. Branchaud, qui est venu témoigner devant le Comité sur ce dossier au mois d'août, disait que ça prenait 200 individus pour qu'il y ait des chances de survie, alors que vous voulez mettre en place un décret pour seulement neuf individus.
    Cela dit, je vais poser une question sur un autre thème, celui des mines. Dans un article du Devoir, que j'ai apporté, on parle du projet Novador de la société aurifère Probe Gold en Abitibi‑Témiscamingue. Pour appuyer ce projet, le gouvernement serait disposé à exclure la zone en question pour permettre à Probe Gold de s'y installer. L'entreprise reconnaît, comme le rapportait Le Devoir le 13 septembre, que le projet impliquera beaucoup d'activités en milieu naturel, y compris une perturbation ou une destruction de certaines composantes du milieu, par exemple le détournement de cours d'eau, comme des rivières, ou la perte de milieux humides. On ajoute que tout le complexe industriel sera d'ailleurs implanté au cœur de l'habitat essentiel de la population de caribous de Val‑d'Or, selon les constats de votre ministère.
    Oui, il y aura une évaluation environnementale, mais il reste que le gouvernement pourrait autoriser ce projet, quelles que soient les conclusions de l'évaluation environnementale, « si l'intérêt public justifie ces effets », comme le rapporte l'article. Il me semble qu'on a deux poids, deux mesures en ce qui concerne la mine d'or et le secteur forestier. Déjà, l'or, ce n'est pas ma tasse de thé. On va permettre à cette entreprise de perturber profondément la population de caribous dans cette région en excluant cette zone de l'application du décret. Pourquoi?
     Il reste 30 secondes, monsieur le ministre.
    D'abord, puisque vous m'avez cité M. Branchaud, permettez-moi de vous citer ce qu'il a dit devant ce comité: « Le décret d'urgence proposé par le gouvernement canadien est justifié et mesuré. » Voilà ce qu'il pense du décret, lui. Je n'ai pas l'article auquel vous faites référence sous les yeux, mais nous pourrons certainement fournir une réponse à ce sujet.
    Cependant, vous savez que nous avons un processus d'évaluation d'impact très rigoureux. Quand nous avons adopté l'ancien projet de loi C‑69, nous avons décidé de dépolitiser les évaluations d'impact et de confier ça à des experts. J'ai écouté les experts de l'Agence d'évaluation d'impact du Canada chaque fois qu'ils m'ont fait une recommandation, à la suite de nombreuses consultations et de nombreuses études. S'ils me font une recommandation positive, je la suis. Quand ils me font une recommandation négative, je les écoute aussi. Je les écoute autant dans un cas que dans l'autre.
     Merci.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vais revenir sur le fait que ça traîne depuis huit ans. J'ai été un peu surpris d'entendre mes collègues du Bloc québécois dire qu'il faudrait peut-être encore attendre un peu. Selon votre ministère, combien de temps peut-on encore attendre?
     Le décret d'urgence est une façon pour nous de dire qu'on ne peut plus attendre et qu'il faut que des mesures soient mises en place, des mesures qui ont été promises à de nombreuses reprises et qui n'ont toujours pas été mises en place. Certaines n'ont même pas été annoncées, puisque ce que Québec nous a présenté était nettement insuffisant. Je ne veux pas répéter ce que plusieurs experts vous ont dit, puisque vous les avez entendus.
(1735)
     Quelles sont les prochaines étapes et quel est le calendrier pour celles-ci?
    Comme je l'expliquais à votre collègue Mme Chatel, on doit compiler et évaluer l'ensemble des témoignages livrés dans le cadre des consultations et faire la rédaction du décret. Il n'y a donc pas de décret encore. On doit le rédiger et il doit être approuvé par le gouverneur en conseil. On parle encore de quelques mois pour finaliser le processus. Je n'ai pas de calendrier exact.
     Un des éléments perturbateurs pour le caribou forestier, évidemment, c'est la multiplication des routes. Une des conséquences de celle-ci est un accès plus facile pour les prédateurs. On a entendu des gens du Parti conservateur dire que, pour sauver le caribou forestier, il fallait tuer des loups.
    Est-ce une solution envisageable, selon vous?
    Vous savez probablement qu'il y a 500 000 kilomètres de chemins forestiers au Québec. On fait le tour de la Terre en 20 000 kilomètres et des poussières. Nous pensons que ça pourrait certainement être un axe d'intervention, c'est-à-dire qu'on pourrait fermer certains de ces chemins et les reboiser. Il ne s'agit pas de fermer tous les chemins, évidemment. Il y en a qui sont utilisés à des fins récréotouristiques, et nous comprenons ça. Une évaluation doit être faite, mais a-t-on besoin de 500 000 kilomètres de chemins forestiers, au Québec?
    Quant à la solution proposée par le Parti conservateur, soit d'éliminer les prédateurs, ce n'est pas une solution viable ni souhaitable.
     Monsieur Boulerice, vous avez le temps de faire un petit commentaire de 10 secondes.
    Ça ira. Merci beaucoup, monsieur le président.
    De rien.
     Monsieur Martel, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, vous avez pu remarquer que je deviens assez émotif quand je parle des travailleurs, parce que je les ai rencontrés. Je me suis rendu dans leur milieu et j'ai perçu une détresse dans leurs yeux. Ces gens aiment la forêt et leur travail. Ils sont présentement extrêmement angoissés, car ils ne savent pas ce qui va arriver. Avez-vous rencontré la mairesse de Sacré-Cœur?
    J'ai rencontré les travailleurs à plusieurs reprises. Encore récemment, j'ai participé à une réunion avec des représentants syndicaux de plusieurs compagnies et secteurs de la foresterie. Par contre, je n'ai pas rencontré la mairesse.
    Je suis un gars de région. Or, le secteur forestier, pour les régions, c'est gros.
    La mairesse a déclaré quelque chose d'extrêmement important à mes yeux: si vous imposez le décret, Sacré-Cœur va devenir un village fantôme. Elle était désemparée, elle ne croyait pas que ça pourrait arriver. On ne comprenait pas ce qui arrivait et les travailleurs ne comprenaient pas non plus.
    J'ai alors peine à croire que le ministre de l'Environnement et du Changement climatique puisse rester insensible à cela et ne pas être allé la rencontrer. Que pouvez-vous dire à la mairesse?
    C'est curieux, parce que ce n'est pas le message que m'ont transmis les travailleurs que j'ai rencontrés.
    Quels travailleurs avez-vous rencontrés, monsieur le ministre: ceux de Boisaco?
    Nous avons rencontré des travailleurs de plusieurs entreprises. Je vous ai dit que je m'étais rendu sur place, à Chibougamau. J'en ai rencontré à cet endroit, au Lac‑Saint‑Jean et virtuellement. Ces gens comprennent que l'avenir de leurs emplois et du secteur forestier dépend de la santé de la forêt, ce que vous et vos collègues du Parti conservateur semblez ne pas comprendre ou ne pas vouloir comprendre. J'hésite entre les deux, je ne sais pas trop.
    Monsieur le ministre…
    Vous parlez des conséquences du décret alors que celui-ci n'est même pas rédigé. Nous avons réalisé une analyse sur certaines bases préliminaires.
    Je sais que vous aimez les campagnes de peur.
     Non, monsieur le ministre.
    C'est le modèle de la maison, je comprends ça, mais la réalité, c'est que nous tenons compte de l'ensemble des répercussions, y compris les répercussions socioéconomiques des décisions que nous prenons. C'est une obligation.
     Monsieur le ministre, nous parlons du décret.
    Vous n'êtes pas capable de nous garantir que votre décret va permettre à la population de caribous d'augmenter ou d'être sauvée. Par contre, nous savons avec certitude qu'il va tuer des jobs. C'est insensé, ça ne marche pas.
    Je pense à ces gens qui ont acheté des maisons, qui vont perdre leur job, qui n'ont connu que ça de génération en génération et je me dis que le ministre ne peut pas être insensible à ça.
(1740)
     Bien sûr que non.
    Ce qui me sidère, c’est que, vous et votre parti, lorsqu'il est question du caribou, de la conservation, des répercussions sur la santé, de la pollution par le plastique ou des changements climatiques, vous jouez à l’autruche. Vous n’avez aucune solution à proposer. Pour vous, il faudrait sacrifier le caribou, car ça n’a pas d’importance.
    Monsieur Guilbeault…
    L'état de la forêt peut aller aux égouts, on s'en fout.
    Monsieur Guilbeault, ce n'est pas vrai.
    Avant de céder la parole, je vous répète que vous n'êtes pas capable de me garantir que, si vous imposez votre décret, la population du caribou va augmenter ou que vous allez la sauver. Pouvez-vous me le garantir?
    J'ai dit tout à l'heure à votre collègue que nous avions réussi, au Canada, à restaurer des populations de caribous en travaillant ensemble. Nous pouvons le faire et nous l'avons déjà fait.
    Je vais céder la parole à un autre collègue. Merci.

[Traduction]

    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Il vous reste 45 secondes.
    Monsieur Guilbault, dans votre allocution liminaire, vous avez mentionné la taxe sur le carbone. Allez-vous éliminer cette taxe pour le chauffage des maisons de tous les Canadiens cet hiver?

[Français]

     Vous faites erreur: j'ai parlé du système de tarification du carbone au Québec, qui utilise une forme de plafonnement et d'échange. Ce système est différent de celui du fédéral.

[Traduction]

    Un instant! Attendez, attendez...

[Français]

    Je parlais du système provincial. Je peux vous relire avec plaisir le passage de…

[Traduction]

    Je n'entends pas l'interprétation. Pourriez-vous reprendre?

[Français]

    Un instant. Merci.

[Traduction]

    Vous n'avez pas entendu l'interprétation?
    Non. Il y a eu un long délai. Je n'ai donc pas entendu la première partie.
    D'accord. Je vous donne quelques secondes supplémentaires. Cependant, comme je l'ai dit à M. Boulerice, nous sommes ici pour parler du caribou, et non de la tarification du carbone.
    M. Dan Mazier: Monsieur le président...
    Le président: Je sais que vous pouvez trouver une façon de faire un lien.
    Trouver une manière? C'est lui qui l'a dit.
    Le président: Allez‑y.
    M. Dan Mazier: Je veux simplement une réponse claire: allez-vous supprimer la taxe carbone des factures de chauffage cet hiver pour tous les citoyens canadiens?

[Français]

     Donc, vous avez fait référence à mon allocution. Dans mon allocution, j'ai parlé du gouvernement du Québec. Nous le félicitons souvent pour son leadership environnemental par rapport à la tarification du carbone. Bref, je parlais de la tarification du carbone du gouvernement du Québec, qui est faite au moyen d'un système de plafonnement et d'échange, ce qui est complètement différent de ce qui se fait dans le reste du pays.
     Merci.
    Madame Chatel, vous avez la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je ne sais pas où mes collègues conservateurs étaient durant toutes les séances du Comité sur le caribou, mais nous avons entendu les syndicats. Ils nous ont lancé un cri du cœur et nous ont demandé de nous occuper de la santé de la forêt, puisque des emplois sont en jeu. Ils étaient là. Ils nous ont dit quelles étaient les solutions. La santé des travailleurs, de leur emploi et de leur avenir dans les régions rurales forestières passe vraiment par la santé de la forêt. Ils ont proposé certaines solutions que mes collègues conservateurs ont complètement ignorées. Entre autres, ils ont dit qu'il fallait repenser la forêt de manière à avoir plusieurs options pour développer l'industrie forestière. Une autre des solutions proposées était d'en faire plus avec la ressource. Au lieu d'envoyer des quatre-par-quatre aux États‑Unis, il s'agit de faire plus de transformation.
    Je sais que ce n'est pas votre portefeuille, mais est-ce qu'il y a des discussions à ce sujet avec l'industrie forestière?
     C'est surtout mon collègue, le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, et d'autres collègues au Cabinet qui ont ces discussions. Lorsque j'étais à Chibougamau, j'ai visité l'usine de Chantiers Chibougamau. Ça vaudrait la peine que le Comité aille la visiter. On fait une numérisation 3D de chaque bout de bois qui entre dans cette usine pour maximiser ce qu'on peut aller chercher en matière de coupe. On fait des ponts et des stades avec ça. Cette entreprise innove beaucoup. Je pense que ce genre d'innovation est l'avenir de la forêt au Québec et, probablement, ailleurs au pays. Il y a énormément de choses qui se font dans la forêt.
    Vous avez raison, les conservateurs se « préoccupent » du sort des travailleurs quand nous sommes en campagne électorale. Cependant, quand les travailleurs viennent ici et expliquent ce qui devrait être fait, on les ignore. On fait comme s'ils n'avaient rien dit et qu'ils avaient un message semblable à celui de M. Martel. Or, vous l'avez entendu, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé et ce n'est pas du tout la position des travailleurs.
(1745)
    Il est choquant de voir qu'ils font de la politique sur le dos des travailleurs. Les syndicats des travailleurs se déplacent au Comité pour leur dire les solutions, mais ils les ignorent complètement. J'en suis sidérée.
    Quelles sont les mesures qui pourraient être mises en place à court terme pour minimiser les répercussions d'un décret éventuel? Nous ne connaissons pas les détails d'un tel décret, mais, selon ce que je comprends, la province doit fournir un plan sérieux pour protéger le caribou. D'ailleurs, c'est ce que tous les intervenants sont venus demander. Donc, un autre cri du cœur est que le Québec doit être un partenaire en matière de solutions. Toutefois, si ça n'arrive pas et qu'on doit se diriger vers un décret, quelles sont, selon vos analyses, les mesures qui pourraient le plus minimiser l'impact socioéconomique et l'impact sur le secteur forestier au Québec?
    Tout à l'heure, j'ai donné un exemple à votre collègue M. Simard, du Bloc québécois. Dans le cadre d'une entente que nous avons signée avec la Colombie‑Britannique, le gouvernement fédéral va investir près de 500 millions de dollars au cours des prochaines années, et la province va investir sensiblement le même montant, en réponse à des problèmes très semblables. Nous avions déjà une entente avec la Colombie‑Britannique sur la protection du caribou. Maintenant, nous avons aussi une entente sur la protection des forêts anciennes, sur la création d'autres espaces protégés et sur des mesures pour aider les travailleurs qui pourraient subir des répercussions dans certains secteurs.
    Alors, nous sommes prêts à avoir de telles conversations pour voir quels leviers fédéraux peuvent être utilisés. Nous sommes prêts à faire des investissements de centaines de millions de dollars au Québec pour aider à soutenir à la fois la biodiversité et les emplois. Par contre, encore une fois, il faut que le gouvernement du Québec s'assoie à la table avec nous et que nous puissions avoir de telles conversations, comme nous l'avons fait avec plusieurs autres provinces au pays.
    On a parlé des travailleurs, mais il y a aussi l'industrie forestière. Il y a deux compagnies forestières dans ma circonscription. Elles sont prêtes à adopter cette vision selon laquelle il faut faire plus de transformation et innover davantage. Est-ce qu'elles pourraient bénéficier, elles aussi, de ces investissements visant à repenser la forêt?
     Ce genre d'investissement, pour ce qui est de l'innovation technologique ou industrielle, est beaucoup plus du ressort de notre collègue M. Champagne, au ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. Chez nous, nous avons quand même certaines mesures en matière de reboisement. C'est le genre de chose sur laquelle nous travaillons avec le ministère des Ressources naturelles.
    D'accord.
    Merci.
     Ceci met fin à la première heure de la réunion.
    Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous devez nous quitter, mais que les représentants du ministère qui vous accompagnent aujourd'hui peuvent rester une heure de plus. Se joindront à eux Marie-Josée Couture, directrice générale par intérim, Service canadien de la faune, et Nicholas Winfield, directeur général, Service canadien de la faune.
     Madame Couture et monsieur Winfield, veuillez prendre place à la table. Nous allons poursuivre la réunion.
    Puisqu'il n'y a pas eu d'interruption de la réunion, le prochain tour de questions ne sera pas de six minutes par personne. Nous continuerons avec les tours de questions de cinq minutes et de deux minutes et demie.
    Nous allons commencer par M. Martel.
(1750)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de s'être déplacés et d'être ici en personne. C'est très apprécié.
    J'aimerais savoir si le décret qui est proposé garantit à 100 % le rétablissement des trois populations de caribou visées.

[Traduction]

    Oui. Ce n'est pas un problème pour moi.
    Le décret ne garantit pas de résultats. Cependant, comme nous l'avons vu avec les décrets actuels, les populations des espèces ciblées n’ont pas diminué. Dans la plupart des cas, les choses se sont plutôt améliorées. Je ne parle pas seulement de...
    Ce serait le premier décret pour le caribou boréal, mais des décrets sont en place pour d’autres espèces, soit le tétras des armoises dans les Prairies et la rainette faux-grillon de l’Ouest à deux endroits au Québec.
    Mon collègue Nicholas Winfield peut ajouter des précisions à ce sujet, si vous le souhaitez.
    C’est la première étape vers le rétablissement d’une espèce, mais ce n’est pas la seule étape nécessaire pour assurer le rétablissement d’une population.
    Merci.

[Français]

    On parle des changements climatiques. Il fait 26 degrés aujourd'hui dans différentes régions. Il y a les changements causés par l'homme, mais qui ne sont pas industriels. Il y a la préférence des caribous dans leur quête de nourriture. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
     Êtes-vous conscients du fait que le principe de cloche de verre ne contre pas toutes les menaces pour le caribou?

[Traduction]

    Tout d’abord, sur le premier cas... Je reviens sur l’évaluation de la menace imminente que nous avons effectuée en nous fondant sur des données scientifiques. L’évaluation de la menace s'attarde à l'incidence attribuable aux activités humaines sur les espèces. Elle n’aborde pas toutes les répercussions, alors oui, nous savons que d’autres facteurs ont une incidence sur les espèces.
    M. Windfield peut peut-être apporter des compléments d’information.
    Je ne connais pas le terme « cloche de verre » que vous avez employé, mais je suppose que vous voulez dire qu'il suffit d'isoler le problème sous le verre et de supposer ensuite que vous pouvez résoudre tous les problèmes à l'intérieur de cette cloche.
    Chacune de ces populations occupe une aire de répartition et possède une aire de répartition géographique passée, à savoir un secteur géographique où elle s'est installée. L'évaluation scientifique a porté sur ce qui est nécessaire pour rétablir ces populations dans leur aire de répartition géographique passée, en tenant compte des perturbations humaines. Il y a des variables d'habitat — la perte d'habitat — et des variables relatives aux prédateurs qui entrent en jeu, ainsi que le succès de reproduction.
    Tous ces éléments ont été pris en compte dans l'évaluation des répercussions sur la population. L'adoption d'un décret d'urgence est un pas vers le rétablissement de la population, mais ce n'est pas la seule mesure requise pour y arriver.

[Français]

     Je viens de la région du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. J'aimerais savoir si l'analyse tient compte du fait qu'au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, chez nous, dans ma circonscription, nous coupons déjà l'ensemble du bois qui est attribué et qu'il y a aussi des réactions en chaîne. Est-ce que ça a été pris en considération?
(1755)

[Traduction]

    Je peux essayer de répondre à cette question.
    Les trois secteurs où l'ordonnance est envisagée sont des régions où le niveau de perturbation est plus élevé que le minimum requis pour assurer la survie de la population. Les taux de perturbation augmentent, de sorte que la capacité de ces espèces à se rétablir suit une tendance à la baisse. Le tout découle des niveaux de perturbation dans ces régions.
    D'accord. Merci.
    Nous devons nous arrêter là, car vous avez dépassé les cinq minutes.
    Passons maintenant à M. van Koeverden.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les représentants du ministère de s'être joints à nous aujourd'hui.
    J'ai quelques questions concernant nos obligations, mais avant de les poser, je voulais vous interroger sur l'inévitable déclin des populations de caribous si le statu quo et les pratiques actuelles sont maintenus sans aucune surveillance, aucun changement, ni aucune innovation.
    La question a déjà été posée: est‑il garanti que les populations augmenteront? Nous savons tous qu'il n'y a pas de garanties dans ce type de travail, mais il y a des obligations à respecter d'un point de vue juridique, et il y a aussi de très bonnes données scientifiques, sur lesquelles il faut se fonder pour atteindre nos objectifs.
    Ma question est la suivante: qu'adviendra‑t‑il si le statu quo est maintenu?
    Je répondrai d'abord puis je demanderai à mes collègues d'ajouter quelque chose s'ils le souhaitent.
    Pour dire les choses simplement, si le statu quo est maintenu, c'est‑à‑dire qu'aucune mesure n'est prise pour protéger les caribous, leur déclin risque de s'accentuer. En ce qui concerne les hardes qui sont dans des enclos, si rien n'est fait pour protéger l'habitat qu'elles pourraient occuper à l'avenir, nous prévoyons que ces hardes ne pourraient plus survivre à l'état sauvage.
    Merci.
    Mes questions initiales portaient sur nos obligations juridiques, nous qui avons signé divers accords sur la préservation et la conservation de la biodiversité. Je crois comprendre que la province de Québec a souscrit à des obligations similaires, qu'elle a signé tous les mêmes accords qui sont de portée internationale.
    Pouvez-vous indiquer au Comité si vous estimez qu'il s'agit de mesures facultatives, d'un choix qui s'offre au gouvernement provincial du Québec et au gouvernement du Canada? Sinon, estimez-vous que, en tant que signataires de ces accords internationaux, nous avons l'obligation de préserver la biodiversité et de protéger les espèces en péril, qui ne peuvent ni voter ni faire pression sur le gouvernement?
    Le Canada est partie à la Convention sur la diversité biologique. Le gouvernement du Québec y joue un rôle très actif au nom des gouvernements locaux. Le Canada et le gouvernement du Québec ont tous deux avalisé le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Il comprend un certain nombre d'objectifs et de cibles. La cible 4 de ce cadre consiste à arrêter l'extinction d'espèces et favoriser leur rétablissement. Il ne s'agit pas nécessairement d'une obligation juridique ferme; c'est une obligation morale et un engagement que le Canada et le Québec ont pris dans le contexte de ce Cadre mondial de la biodiversité.
    Si une personne, une organisation ou un gouvernement signait ce genre d'accord et n'y donnait pas suite au moyen d'engagements et d'actions, serait‑ce une question de moralité ou d'intégrité, d'être passé de la parole aux actes?
    Je dois préciser que, dans le contexte du cadre, le Canada est obligé de déposer chaque année auprès des Nations unies un rapport d'étape par rapport à ces cibles. Donc, oui, on nous remettrait en question si nous ne réalisions pas de progrès par rapport à ces cibles.
(1800)
    Le temps qu'il me reste me permet de poser une question sur la sylviculture durable.
    L'un d'entre vous quatre serait‑il prêt à en parler? Je sais que nous discutons ici de caribous, mais les Canadiens ont besoin de bois d'œuvre, d'une économie et d'emplois. Il est donc raisonnable de dire que nous avons également besoin d'un secteur forestier.
     Au cours des dernières réunions, certains participants au Comité ont parlé d'une foresterie véritablement durable. Pouvez-vous nous donner un aperçu des autres juridictions qui ont pris des mesures pour s'assurer que leur secteur forestier n'entraîne pas le déclin inévitable des espèces en péril? Que pouvons-nous apprendre de certains d'entre eux?
    Je ne pense pas que nous soyons tous les quatre bien placés pour répondre aux pratiques forestières. Ce que nous pouvons dire, c'est que nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du Service canadien des forêts lorsque nous abordons des questions liées aux espèces en péril.
    Merci beaucoup.
    Nous allons devoir nous arrêter là et passer à Mme Pauzé.

[Français]

     Ai-je la parole pour cinq minutes, monsieur le président?
    Non, vous disposez de deux minutes et demie, parce que c'est un troisième tour.
    D'accord. J'ai beaucoup de questions, mais je n'ai pas beaucoup de temps pour les poser.
    Madame Shannon, tantôt, j'ai posé une question au ministre à propos du projet Novador. Vous étiez là. À moins que je ne me trompe, quand l'entreprise a déposé ce projet, le caribou forestier était déjà considéré comme une espèce en péril. Pourquoi avez-vous laissé le projet cheminer de la sorte si vous saviez, dès les premiers échanges, que le projet Novador s'implanterait dans l'habitat essentiel d'une des hardes?

[Traduction]

    Je ne suis pas en mesure de parler du projet en question. Nous n'aurions joué aucun rôle dans l'approbation de l'évaluation environnementale.

[Français]

     Je vais vous poser une autre question.
    Tantôt, on a parlé du contrôle des prédateurs, mais il semblait que ce n'était pas une bonne chose. Or, il y a des chercheurs qui disent que les gouvernements de la Colombie‑Britannique et du Manitoba, entre autres, ont mis en place de telles mesures de contrôle des prédateurs et que, lorsqu'elles sont appliquées avec rigueur et jumelées à une stratégie ciblée de restauration et de préservation, les résultats sont au rendez-vous. Avez-vous une opinion sur une telle approche?

[Traduction]

    Je répondrai brièvement, puis je demanderai à M. Windfield de compléter.
    Je pense que le contrôle des prédateurs est une possibilité. C'est l'un des outils. Ce n'est pas le seul. La fermeture et la réhabilitation des routes sont également très importantes, parce que les routes fragmentent l'habitat du caribou. Lorsque l'habitat du caribou est fragmenté, son état empire.
    Je vais demander à M. Windfield de compléter ma réponse.

[Français]

     Ce n'est pas nécessaire.
    Je comprends que, contrairement à ce qui a été dit tantôt, le contrôle des prédateurs est une des façons de faire. Ça a bien fonctionné en Colombie‑Britannique.
    Hier, j'ai trouvé un article qui rapporte que, au printemps 2022, le gouvernement fédéral a signé une entente avec le gouvernement de l'Ontario sur la conservation du caribou. Ça s'est passé dans un contexte où le gouvernement ontarien avait aboli les mesures provinciales de protection environnementale et fait fi des exigences fédérales relatives aux espèces en péril afin de faire avancer ses projets d'exploitation forestière et minière non durable. Il n'existe aucune mesure de protection significative pour l'habitat des caribous.
    Aurions-nous deux poids, deux mesures? Ce qui s'applique à Québec dans un décret ne se serait-il donc pas appliqué pour l'Ontario?
     Malheureusement, nous en sommes à trois minutes.
    Madame Shannon, vous pourrez répondre lorsque vous reprendrez la parole.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Je trouve que la question de Mme Pauzé est excellente. En fait, j'aimerais bien entendre la réponse.
    D'accord.

[Traduction]

    Merci pour la question relative à ce qui se passe en Ontario.
    Nous avons signé un accord avec l'Ontario il y a deux ans pour travailler avec eux afin de trouver des solutions entourant leur gestion de la forêt boréale. En effet, il y a des problèmes semblables de déclin des populations dans cette province.
    La province s'engage à trouver un équilibre entre la conservation du caribou boréal et le maintien de la foresterie. Je ne dis pas que la situation actuelle est acceptable, mais nous avons reconnu que les changements et l'avancement des politiques et des procédures en Ontario sont nécessaires, et la province en convient.
(1805)

[Français]

     Merci beaucoup.
    Il a beaucoup été dit que le fait d'avoir une forêt mature ou assez vieille est extrêmement important pour la survie et le retour à la croissance du caribou forestier. Pour ma part, je suis toujours inquiet lorsqu'on détruit des forêts matures et qu'on fait ensuite des tentatives de reboisement, qui équivalent parfois à des plantations d'arbres, sans nécessairement créer de vraies forêts.
    Qu'avez-vous comme vision ou projet pour, justement, créer un habitat du caribou forestier qui correspond à ses besoins en ce qui concerne notamment les forêts matures?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Vous avez raison de dire que toutes les preuves scientifiques donnent à penser que le caribou boréal a besoin de forêts matures et de paysages interreliés qui lui permettent de s'échapper des prédateurs, d'accéder à des aliments, et ainsi de suite. La stratégie de rétablissement prévoit plus de 65 % d'habitats non perturbés pour assurer une probabilité de survie à 60 %.
    Par conséquent, tout ce que nous faisons dans les négociations avec les provinces sur la planification des aires de répartition vise à trouver des façons de gérer une forêt pour assurer un approvisionnement constant de forêts plus anciennes qui sont interreliées entre elles. Vous avez donc bien compris la question, et de nombreuses provinces et leurs experts sont en train d'élaborer leurs plans forestiers en fonction de cet objectif.
    D'accord. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Leslie.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur cette dernière remarque. Il semble que nous adoptions, à bien des égards, une approche consistant à « se dépêcher, puis attendre ». Je comprends que le ministre ait déclaré qu'il était absolument nécessaire d'agir, mais nous semblons imposer des mesures qui ne produiront aucun effet avant des décennies. Nous parlons de fermetures de routes et de reboisement; cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il s'agit de régions isolées. Nous ne plantons pas des arbres semi-matures; il s'agira donc d'un processus très long.
    L'analyse socioéconomique préliminaire produite par le ministère indique que les avantages supplémentaires d'un décret ne peuvent pas être évalués en raison de l'incertitude concernant la manière dont un décret d'urgence augmenterait la probabilité de rétablissement des espèces. Le ministre Guilbeault a déclaré à tort que les enclos de maternité et les réductions de la prédation par les loups ne fonctionnent pas. Je suis reconnaissant à la Fédération canadienne de la faune, ou FCF, d'avoir clarifié que ces mesures fonctionnent en fait. Il est peut-être juste de dire qu'il ne s'agit pas d'une solution à long terme et que nous devrions peut-être encore entreprendre des efforts de ce type, mais les données scientifiques contenues dans un article révisé par des pairs et rédigé par l'un de nos précédents intervenants d'Ecological Applications montrent que le meilleur moyen d'obtenir un taux d'accroissement annuel instantané est l'enclos et la réduction de la population de loups.
    Ma question au ministère et à la FCF est donc la suivante: pourquoi adopterions-nous une approche dont nous ignorons si elle portera ses fruits et dont nous savons que, dans l'affirmative, elle prendra beaucoup de temps, alors que, si nous nous trouvons dans une situation de décret d'urgence, nous pourrions prendre des mesures plus immédiates, plus efficaces et qui nous donneraient le temps d'adopter ces solutions plus importantes et à plus long terme?
    Je pense que le Québec a déjà reconnu la situation, ce pour quoi les animaux ont été mis dans des enclos. Nous avons financé la mise en enclos de ces animaux afin d'au moins garantir leur survie à court terme. Le Québec gère ces populations en considérant qu'elles augmenteront grâce à la reproduction en captivité et qu'elles seront ensuite libérées dans la nature. Par contre, il n'y a pas d'habitat pour les accueillir. Les mesures proposées visent à faire en sorte que ces animaux disposent d'un habitat.
    Vous avez tout à fait raison de dire que la solution passe par un équilibre entre la gestion des prédateurs, et de la faune aussi, par l'élevage en enclos et la reproduction en captivité, combinée à la présence d'un habitat où retourner. Vous avez également raison de dire que cela prendra du temps. Partout ailleurs, la planification de l'aire de répartition consiste à établir des solutions sur plusieurs décennies pour veiller à ce que ces animaux aient un habitat suffisamment grand auquel retourner afin de survivre.
    Dans quelle mesure êtes-vous convaincu de la réussite de cette opération? Trois options s'offrent à vous. Vous pouvez ne rien faire; vous pouvez prendre un décret d'urgence qui détruira un certain nombre d'industries, d'emplois et de collectivités du Québec; ou vous pouvez adopter une approche visant à gagner du temps et collaborer par la suite avec le gouvernement de la province appropriée en vue d'élaborer un plan rigoureux pour atteindre cet objectif.
    Parmi ces trois approches, laquelle serait la plus rapide, selon vous?
(1810)
    L'approche consistant à ne rien faire aboutira à leur disparition. Le décret d'urgence vise à garantir l'existence d'un habitat pour ces animaux. La troisième option est celle que nous aimerions choisir, c'est‑à‑dire négocier avec le Québec, mais en ce qui a trait à la rapidité, nous avons besoin de négocier avec un partenaire pour réussir à rétablir l'espèce.
    Quel est le meilleur scénario en ce qui concerne le temps requis pour réussir à accroître la population de cette espèce en mettant uniquement en place ce décret d'urgence?
    Il y a trois populations de caribous forestiers. Il y a neuf caribous en captivité à un endroit. Il y en a 35 à un autre endroit. À Pipmuacan, le nombre de caribous diminue à tel point que le nombre requis actuellement pour assurer la viabilité de la population s'élève à 200. Nous essayons de faire en sorte que les caribous de Pipmuacan, qui vivent encore à l'état sauvage, puissent être assez nombreux pour être autosuffisants.
    Je comprends, mais combien de temps cela va‑t‑il exiger? Vous fermez la route, et vous essayez de faire respecter cette fermeture. Quel est l'échéancier de cette intervention?
    Dans le cas de Pipmuacan, il faut enrayer un déclin. Dans le cas de Charlevoix et de Val‑d'Or, il faut créer un habitat qui, dans 40, 50 ou 60 ans, sera suffisant pour que les animaux reviennent.
    Que se passera‑t‑il si les prédateurs les tuent tous dans les 40, 50 ou 60 prochaines années?
    Il n'y aura alors plus de caribous forestiers.
    Alors pourquoi ne pas prendre des mesures pour éviter que cela ne se produise?
    M. Nicholas Winfield: Ils sont dans un enclos...
    M. Branden Leslie: Je ne comprends pas cela.
     Ils sont dans un enclos.
    Un enclos impénétrable?
    Non, ils sont dans un enclos, et ils sont protégés contre les prédateurs...
    D'accord.
    ... comme mesure de dernier recours. Ils se trouvent déjà dans une situation d'urgence précaire.
    Cet enclos a‑t‑il déjà été pénétré? Je sais que, dans le cas de la Colombie-Britannique, des carabiniers font le tour des filets de l'enclos de mise bas de la Première Nation, et c'est ce qu'ils font. Y a‑t‑il déjà eu un cas où cela n'a pas fonctionné?
    Vous pouvez répondre rapidement à cette question. Y a‑t‑il eu pénétration d'un enclos?
    Je ne sais pas.
    Une voix: Bonne question.
    Nous allons céder la parole à Mme Chatel.

[Français]

     Depuis le début, il est manifeste que les caribous sont vraiment dans un enclos pour s'assurer qu'ils ne disparaissent pas. Le but est de rétablir leur environnement.
    On a beaucoup parlé de l'importance de préparer une solution. Les témoins nous l'ont dit. Il faut que tous les paliers de gouvernement travaillent ensemble pour arriver à une solution. Le cri du cœur des travailleurs forestiers était vraiment qu'il faut repenser la forêt et assurer sa pérennité, parce qu'ils en dépendent. Leurs maisons, leurs familles, leurs enfants et leur avenir dans leurs régions dépendent des emplois qui sont liés à la forêt et la forêt n'est pas en santé, comme le démontre la disparition du caribou. C'est donc un cri d'alarme, un cri du cœur.
    Pouvez-vous nous parler de l'historique de vos discussions avec la province de Québec? C'est un partenaire clé. Il faut vraiment que le Québec soit à la table de ces discussions et qu'ensemble, nous trouvions des solutions. Pouvez-vous nous résumer l'historique des échanges que vous avez eus avec vos collègues québécois?
     Je vais céder la parole à Marie-Josée Couture.
    Effectivement, nous avons collaboré avec le gouvernement du Québec. Nous avons eu deux ententes avec lui. Il y a eu une entente en 2018, puis une autre en 2019, qui a duré jusqu'en 2022. En vertu de ces ententes, nous soutenions des activités qui étaient entreprises par le gouvernement du Québec en lien avec le caribou. Nous soutenions ces activités dans l'attente de l'élaboration de la stratégie. Donc, il y a plusieurs types d'activités qui ont été soutenues financièrement par le gouvernement du Canada.
     Donc, vous avez déjà eu des ententes avec Québec. Ça implique une négociation et une collaboration. Où en êtes-vous maintenant dans ces ententes et dans ces discussions avec vos collègues fonctionnaires du côté québécois?
    Le ministre l'a mentionné tout à l'heure. Nous avions repris des négociations en 2022 pour en arriver à une nouvelle entente. Ces négociations ont été suspendues dans l'attente de la stratégie dont le Québec avait annoncé le dépôt. Par contre, les discussions entre les fonctionnaires se sont quand même poursuivies, mais pas au même rythme qu'auparavant, puisque la stratégie attendue du gouvernement du Québec constituait une pièce clé de ces négociations.
(1815)
    C'est parfait.
    Dans certains témoignages entendus au Comité, nous sentons l'inquiétude des gens qui vivent dans ces communautés et qui craignent pour leurs emplois et pour leur avenir. Nous avons entendu parler de beaucoup d'anxiété quant à la façon dont les gouvernements s'assurent vraiment de la pérennité de la forêt.
    Avez-vous un calendrier en vue de la promulgation de ce décret, et pouvez-vous nous le communiquer? Où en est-on dans les étapes? Quelles seront les prochaines? Quand, exactement, les décisions seront-elles prises?

[Traduction]

     La période de consultation a pris fin officiellement le jour où nous avons reçu ce document, c'est‑à‑dire dimanche dernier, le 15. Nous devons procéder à une analyse de tous les commentaires. Le ministre a indiqué que de nombreux commentaires ont été formulés par tous les secteurs et que nous allions donc préparer un rapport sur ce que nous avons entendu.
    Comme l'a indiqué le ministre, l'élaboration d'un décret exige un certain temps. Nous parlons de plusieurs mois. Nous n'avons pas de calendrier précis pour le moment. Je peux simplement dire qu'il s'agit d'un processus qui prendra plusieurs mois.

[Français]

    Si le Québec arrive avec une solution et un plan au cours de cette période, le décret pourrait donc être retiré. Est-ce exact?

[Traduction]

    Pourrions-nous obtenir une brève réponse à la question suivante?
    Si le gouvernement du Québec présente un plan, le décret pourrait ne pas être adopté. Je pense que c'est la question qui se pose, n'est‑ce pas?
    Oui.

[Français]

     C'est ce qui met fin au premier tour de questions. Nous procéderons maintenant à un deuxième tour, où les interventions seront de cinq minutes.
    Monsieur Mazier, vous avez la parole.

[Traduction]

    Monsieur Hermanutz, le 10 mai, le ministre Guilbeault a recommandé qu'un décret d'urgence soit pris. Est‑ce, oui ou non, le cas?
    Madame Shannon, la parole est à vous.
    Je n'ai pas la séquence des événements sous les yeux pour le moment, mais oui, au mois de mai, le ministre a constaté que le caribou forestier du Québec faisait face à une menace imminente.
    Le décret d'urgence a été pris. D'accord. Je vous remercie de votre réponse.
    Le 19 juin, le gouvernement libéral a annoncé qu'il prendrait un décret d'urgence. Est‑ce exact, oui ou non?
    Oui, un avis été publié le 19 juin indiquant que le gouvernement procédait à un processus réglementaire.
    Oui, il s'agissait d'une consultation en vue de prendre un décret d'urgence.
     Monsieur Hermanutz, le gouvernement envisage‑t‑il d'interdire la construction de routes dans le cadre de ce décret d'urgence?
    Je vais m'en remettre à ma collègue à cet égard.
    La question des routes et de leur fermeture serait un enjeu à prendre en considération dans le cadre de l'élaboration d'un décret, lequel n'a pas encore été élaboré.
    La question des routes est envisagée.
    Oui, cela pourrait faire partie des mesures envisagées.
    Vous envisagez d'interdire la construction de routes par l'intermédiaire de ce décret. D'accord.
    Le gouvernement actuel envisage‑t‑il, oui ou non, d'interdire le prolongement des routes existantes par l'intermédiaire de ce décret d'urgence?
    Monsieur le président, je me contenterai peut-être d'indiquer qu'en ce qui concerne les caribous, la question des routes fera partie des sujets abordés dans le cadre de l'examen d'un décret. Tous les aspects des routes seront examinés dans le contexte de l'habitat essentiel du caribou forestier.
    Là encore, ces enjeux devront être déterminés et définis dans le cadre de l'élaboration du décret d'urgence en tant que tel.
    Ils envisagent donc d'interdire la construction de routes par l'intermédiaire de ce décret d'urgence.
    Le décret n'a pas encore été élaboré.
    Mais ils envisagent cette possibilité.
    C'est un enjeu qui ferait l'objet d'un examen...
    Oui.
    ... dans le contexte de l'habitat essentiel du caribou forestier.
    D'accord.
    Je vais céder la parole à M. Leslie.
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
(1820)
    Vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci.
    Je vais commencer par vous interroger, monsieur Hermanutz.
     L'analyse indique que « si le décret d'urgence est pris, 10 projets miniers seront annulés, et des coûts de 20 à 45 millions de dollars seront occasionnés ». Avez-vous calculé la perte d'emplois qui en résulterait?
    En ce qui concerne l'exploitation minière, je n'ai pas les chiffres sous les yeux. Je pense que l'analyse semble indiquer que ces projets sont menacés et qu'ils font partie de l'analyse. Elle n'indique pas que ces projets seront nécessairement éliminés.
    Je comprends cela.
    Dans votre analyse, vous concluez que « environ 1 400 emplois directs pourraient disparaître dans le secteur forestier » si le décret radical du ministre Guilbeault est pris, un chiffre qui est légèrement inférieur à celui qu'avancent de nombreux experts du secteur, mais qui n'en reste pas moins très important.
    Pourriez-vous nous décrire les répercussions qu'aurait, selon vous, l'adoption de ce décret sur les collectivités où vivent ces 1 400 personnes, conformément à la modélisation que vous avez réalisée?
    Je peux commencer par décrire l'analyse que nous avons effectuée. Elle a été réalisée en collaboration avec le Service canadien des forêts.
    Selon RNCan et le Service canadien des forêts, environ 1 400 emplois directs dans le secteur forestier pourraient être menacés. Je précise encore une fois que cela ne veut pas dire qu'ils seront nécessairement...
    Ce nombre d'emplois pourrait‑il être plus élevé?
    C'est la meilleure estimation à laquelle nous sommes arrivés à ce moment‑là.
    Est‑il possible que ce chiffre soit en fait beaucoup plus élevé?
    Il s'agit d'emplois directs. Nous prenons aussi en compte les emplois indirects. Comme nous l'avons déterminé dans le cadre de l'analyse, 800 emplois indirects pourraient être en danger.
    C'est le maximum. Vous pensez que, si vous adoptez cette mesure, il n'y a aucune chance que plus de 2 200 emplois soient éliminés par ce...
    Non. Il y a évidemment une incertitude à ce sujet. Ce chiffre pourrait être plus élevé ou plus bas. Il se situe au milieu de notre fourchette. Comme l'a dit le ministre, je voudrais souligner qu'il s'agit d'une analyse très préliminaire. Nous attendons avec impatience les résultats des consultations.
    Dans l'analyse des éventualités, vous indiquez que le décret d'urgence radical pourrait « ternir la réputation du Canada en tant que destination minière fiable », une réputation que nous avons déjà vue s'effondrer en raison de la réglementation excessive qui découle des décisions prises récemment par le gouvernement libéral.
    Quelle est la valeur monétaire de l'atteinte à la réputation du Canada que l'adoption de cette approche pourrait entraîner?
    Tout d'abord, ce commentaire a été formulé par les experts du secteur minier de RNCan. Je ne crois pas que l'on puisse quantifier la valeur monétaire de cette atteinte.
    Il vous reste environ 10 secondes, monsieur Leslie.
    Pensez-vous que les analyses effectuées par ECCC et RNCan vous ont permis de saisir pleinement les conséquences que cette décision pourrait avoir si elle est prise?
    Pourrions-nous obtenir un oui ou un non en réponse à cette question?
    Je pense que c'est le cas sur le plan macroéconomique. Nous attendons avec impatience de recevoir davantage d'informations au cours des consultations auprès de chaque scierie et chaque collectivité.
     Mme Chatel est la prochaine intervenante.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Shannon, on parlait justement des risques réputationnels. En Europe, on est en train d'établir des normes pour l'achat de produits forestiers qui respectent nos engagements de la COP15 et ceux relatifs à la protection de la biodiversité. Les forums internationaux en parlent. Si nous ne protégeons pas les espèces en péril, quel sera le prix réputationnel à payer pour le Canada, notamment au moment d'exporter nos produits forestiers?

[Traduction]

    Je ne sais pas si c'est quelque chose que je peux quantifier. Ce que je peux dire, c'est que des organisations internationales qui s'intéressent à ce type de certification nous ont fait part de leurs préoccupations. Nous constatons qu'elles se préoccupent de la situation du caribou forestier, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada.

[Français]

     Je veux juste mentionner à mes collègues conservateurs qu'il y a un prix économique à nos exportations si nous ne protégeons pas notre biodiversité. Nos produits ne seront pas achetés. Il ne sera plus possible de les exporter. Ce qui est bon pour l'environnement est bon pour l'économie. C'est ce que nous devons avoir en tête comme mentalité.
    Nous avons parlé d'autres pays, de ce qui se fait ailleurs, mais, ici, au Canada, y a-t-il d'autres provinces qui ne protègent pas le caribou dans la mesure nécessaire, en vertu de la Loi fédérale sur les espèces en péril?

[Traduction]

    Toutes les autres provinces du Canada ont signé un accord au titre de l'article 11 de la Loi sur les espèces en péril afin de faire progresser les mesures de conservation sur leur territoire. Dans le cadre de ces accords, le gouvernement fédéral fournit des fonds pour soutenir les mesures relatives à la planification de l'aire de répartition et d'autres mesures nécessaires à la conservation de l'espèce.
    De même, Environnement Canada travaille avec des groupes et des communautés autochtones afin de les aider à conserver et maintenir les populations de caribous forestiers.
(1825)

[Français]

     Merci.
    J'aimerais vraiment revenir aux consultations que vous avez eues. Nous en avons eu, ici. Vous avez sûrement suivi les témoignages.
    J'ai vu un consensus émerger, pas nécessairement parmi les membres du Comité, mais parmi les témoins. Je vais vous lancer un défi: voyez-vous un consensus émerger de ces consultations? Dans vos consultations, avez-vous vu qu'il y a une zone où tout le monde pourrait être gagnant, à moyen et à court termes?

[Traduction]

    Je demanderai à Mme Couture de répondre à la question concernant les consultations. Elle a mené une grande partie de ces consultations.
    Je dirais qu'il est clair que tout le monde s'entend pour dire que la situation des caribous forestiers est problématique et que ces gens souhaitent que l'on trouve un juste équilibre entre l'environnement et l'économie. Oui, je pense qu'une grande partie des gens s'entendent sur le plan macroéconomique.

[Français]

     En fait, Mme Shannon a raison. L'importance pour toutes les parties de s'asseoir ensemble et de travailler ensemble est peut-être un autre thème dans la même lignée. C'est souvent ressorti comme thème ou comme piste de solution lors des consultations, pas systématiquement, bien sûr.
     Monsieur le président, ai-je encore du temps?
    Vous avez 30 secondes.
    D'accord. Je vais intervenir en 30 secondes.
    Effectivement, nous avons senti l'urgence de la situation et j'ai senti que ce décret a sonné l'alarme. C'est un cri du cœur, surtout des travailleurs qui vivent de la foresterie et de l'industrie forestière, et des personnes qui les représentent, comme la mairesse qui est venue témoigner ici, au Comité. Il faudrait avoir une discussion beaucoup plus approfondie. Là, on a une urgence qu'on doit traiter, mais on doit parler et repenser ensemble la forêt. Sentez-vous ce même désir?
    Il ne reste pas vraiment de temps pour répondre à votre question.
    Sentez-vous ce même désir?
    Oui ou non? Sentez-vous ce même désir?
    D'accord. Merci, madame Couture. Excusez-moi de vous avoir bousculée, mais sinon, nous allions prendre du retard.
    Madame Pauzé, vous avez la parole.
     Monsieur Winfield, tantôt, vous parliez des ententes. Je vais être plus éditoriale qu'autre chose, mais je veux revenir sur le fait que, depuis des années, l'Ontario a aboli ses mesures de protection environnementale provinciale. Ensuite, la province a ignoré les exigences fédérales sur les espèces en péril pour faire avancer son exploitation forestière. Quand vous avez signé cette entente, en 2022, elle ne contenait aucune mesure de protection notable pour protéger l'habitat menacé des caribous. J'appelle ça deux poids, deux mesures, selon la province.
    Je vais y aller avec une question au sujet de l'analyse socioéconomique préliminaire. Le décret d'urgence représente des coûts de 650 à 850 millions de dollars sur 10 ans pour le secteur forestier. Pour ce qui est du secteur minier, il s'agit de 20 à 45 millions de dollars, sur 10 ans aussi. Puisque l'impact économique est 20 fois moindre pour le secteur minier que pour le secteur forestier, et qu'on sait que l'activité minière est nuisible, pas juste pour le caribou, mais qu'elle est aussi destructrice pour l'environnement, pourquoi exempter toutes les sociétés minières en entier dans votre décret?
    Vous me dites que ce décret n'a pas encore été rédigé, mais il me semble qu'on devrait avoir une approche plus équilibrée, qui considère l'ensemble des facteurs. J'ai l'impression qu'on punit la forêt pour donner aux mines.

[Traduction]

     Je vous remercie de votre question.
    Lors des consultations, nous avons discuté de ce qui pourrait être exclu du décret. Il ne s'agit pas de ce qui sera exclu du décret, mais simplement d'une approche pour trouver un juste équilibre entre les gains en matière de biodiversité ou de conservation et les pertes économiques.
    Il y a une différence dans l'envergure des changements apportés au paysage par les activités forestières et l'exploitation minière. Les deux secteurs doivent être gérés efficacement pour protéger le caribou, mais l'une des différences concerne l'empreinte physique et l'ampleur de l'impact. Dans le cas de l'industrie forestière, l'empreinte sur les forêts, et donc sur l'habitat du caribou, est généralement plus importante que celle de l'exploitation minière, mais dans les deux cas, elles doivent être gérées de manière durable.
    Je prends bonne note de votre argument, et je vous remercie de votre question.
    Mon collègue peut parler des aspects socioéconomiques.
(1830)

[Français]

     Oui.
    Excusez-moi, mais le temps est écoulé.
    Je croyais avoir cinq minutes de temps de parole.
    Non, c'est cinq minutes pour les libéraux et les conservateurs, mais vous disposiez de deux minutes et demie. Parfois, M. Boulerice offre aux témoins de répondre à votre question, ce qui est très gracieux de sa part, mais c'est à lui de décider.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Monsieur Winfield, un peu plus tôt, vous avez dit que, pour qu'il y ait 60 % de chances de survie, il fallait réduire le taux de perturbation pour atteindre 65 % d'habitat non perturbé. Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Si on atteint ce seuil, il restera encore 40 % de chances de non-survie, n'est-ce pas?

[Traduction]

     Oui, vous avez bien compris.
    Dans la stratégie de rétablissement préparée en 2012, il existait une corrélation scientifique entre le degré de perturbation et le recrutement de jeunes dans le taux de reproduction. Dans ce document, compte tenu des préoccupations concernant les répercussions sur l'industrie forestière et les répercussions sur d'autres aspects du paysage, une décision politique a été prise pour reconnaître que la relation n'aboutissait encore qu'à une probabilité de réussite de 60 %.
    La relation reconnaît l'incidence de ces politiques sur l'industrie forestière. Le document rédigé en 2012 adoptait déjà une approche fondée sur les risques afin de réduire au minimum les répercussions socioéconomiques.

[Français]

    Ça reste quand même surprenant. C'est énorme, 40 % de chances de non-survie. C'est presque une chance sur deux.

[Traduction]

    La probabilité de réussite est de 60 %, alors que celle d'échec est de 40 %.

[Français]

     On entend souvent dire que les projets miniers, les projets de terres rares ou de métaux rares, les éoliennes et d'autres projets d'énergie renouvelable, par exemple, feraient partie des exceptions prévues par le décret, qui sont probablement évaluées par vous en ce moment.
    Si tout est une exception, que va-t-il rester, à la fin?

[Traduction]

    Veuillez répondre rapidement.
    Les faits que nous avons recueillis au cours des consultations seront examinés afin de déterminer ce qui est possible, ce qui peut être exempté et ce qui ne peut pas l'être.
    M. Martel est le prochain intervenant.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Winfield, je sais bien que le décret est encore loin, mais j'ai compris qu'il n'y avait pas de garantie. Tout à l'heure, c'est moi qui vous ai posé des questions, et vous m'avez dit que c'était une première étape. Si le décret ne fonctionne pas, qu'allez-vous faire?

[Traduction]

    Seul l'avenir nous le dira. Je ne peux pas prédire ce que nous ferons à l'avenir.
    Tout d'abord, il n'y a pas de décret en place pour le moment. Si un décret est mis en place, nous continuerons d'évaluer ses répercussions, et nous déterminerons quelles seront les prochaines étapes.

[Français]

     On peut lire que la protection demandée pour la population de caribous du secteur Pipmuacan vise à éviter qu'on se retrouve dans 10 ans dans une situation semblable à celle de Charlevoix. On s'entend là-dessus. Cependant, comment peut-on émettre l'hypothèse que, dans 10 ans, la situation pourrait être semblable à celle de Charlevoix, alors qu'on me dit qu'il n'y a qu'un seul inventaire de référence, réalisé en 2019, dans le secteur Pipmuacan?
(1835)

[Traduction]

    J'essaie de comprendre la question. Je pense que vous faites allusion à la certitude que nous avons que les mesures que nous proposons empêcheront la population de décliner, et la réponse à cette question, c'est que la probabilité de protéger la population n'existe que lorsque l'habitat est suffisamment important pour que les animaux survivent.
    Je ne peux pas garantir le résultat, mais sans habitat, ces animaux n'ont aucune possibilité de contrer le déclin de leur population.

[Français]

     L'analyse économique tient-elle compte des réactions en chaîne?
    Il y a eu tellement de répercussions sur le secteur forestier, dernièrement, que cette nouvelle baisse de disponibilité forestière fait que ce n'est pas seulement une baisse de régime. C'est la différence entre faire des profits et subir des pertes. Il pourrait réellement y avoir une fermeture complète du secteur.

[Traduction]

    Je répondrais à cette question en disant qu'au cours de l'analyse, nous examinons les emplois directs, ainsi que les emplois indirects, au niveau macroéconomique, et nous reconnaissons qu'au cours de la dernière décennie, le secteur forestier québécois a fait face à des difficultés en raison d'autres facteurs externes, dont la volatilité des prix du bois d'oeuvre et des droits de douane, et que l'emploi dans ce secteur a chuté de près de 7 % au cours de la dernière décennie.

[Français]

     Dans l'analyse, on peut lire que la main-d'œuvre est vieillissante. On parle de 27,7 % dans le secteur forestier versus 23,3 % dans les autres secteurs. Ce n'est pas clair: jugez-vous qu'il s'agit d'un facteur atténuant ou aggravant?

[Traduction]

    Je pense que c'est l'un des éléments de contexte que nous voulions intégrer dans l'analyse. Nous examinons ce décret particulier, mais nous voulons le placer dans le contexte des difficultés que rencontre le secteur forestier québécois.

[Français]

    Pour moi, il s'agit assurément d'un facteur aggravant.
    Vous êtes-vous penché sur le fait que le secteur forestier est une des principales activités économiques des régions qui sont les plus vieillissantes au pays?

[Traduction]

     Nous n'avons pas examiné d'autres secteurs dans le cadre de cette analyse. Nous nous sommes concentrés sur l'industrie forestière et l'exploitation minière.
    Je vous remercie.
     Mme Taylor Roy nous amènera à la fin de cette heure de la séance.
    Vous avez la parole, madame Taylor Roy, pendant cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Winfield, je voudrais juste vous dire que je vous suis reconnaissante d'avoir terminé votre réponse à la dernière question en affirmant que le caribou forestier n'a aucune chance de survivre si un décret d'urgence n'est pas mis en place. Nous pouvons nous interroger sur les chances de succès de ce programme, mais nous savons que ces animaux ne seront plus là, qu'ils disparaîtront si nous ne faisons rien.
    Comme vous le savez, depuis 2002, cette espèce figure sur la liste des espèces en péril. De nombreux travaux ont été réalisés au fil des ans et, comme l'ont dit plusieurs témoins, ces animaux sont les plus étudiés au Canada. Nous savons beaucoup de choses à leur sujet.
    Il semble y avoir une tension entre la rentabilité à court terme et le maintien des emplois. Bien entendu, les emplois sont très importants. En fait, le gouvernement actuel a créé plus d'emplois que n'importe quel autre gouvernement, mais le gouvernement a pour rôle d'envisager les résultats à long terme, et pas seulement les profits à court terme. Je me demandais si vous pouviez replacer cette responsabilité dans le contexte de ces emplois dans le secteur forestier.
    Quand une Loi canadienne sur les emplois durables est en place et que nous savons qu'une transition doit avoir lieu et que la santé des caribous est étroitement liée à la santé de ces forêts, nous pouvons nous demander si ces emplois existeront plus longtemps que deux ou trois ans, disons, si les caribous disparaissent et que ces circonstances liées au changement climatique, aux feux de forêt et à tous ces autres phénomènes continuent de se multiplier. Si nous nous contentons de sauver les emplois et les types d'emplois qui existent actuellement, au lieu d'envisager des emplois à long terme pour ces collectivités si précieuses, envisageons-nous une solution à court terme plutôt qu'une solution à long terme?
(1840)
    Je ne pense pas que nous soyons bien placés pour parler de l'avenir de l'industrie forestière en soi. Pour ce qui est de votre commentaire au sujet du caribou boréal et de sa santé en tant qu'indicateur de la santé des forêts, je pense que nous devons en tenir compte et y prêter attention, non seulement pour le bien du caribou, mais aussi pour l'avenir des forêts.
    J'aimerais ajouter que, dans le cadre des consultations, nous avons évidemment entendu les membres des syndicats nous parler de l'importance de trouver un équilibre entre la protection des caribous et la santé du secteur. Nous comprenons qu'ils souhaitaient que l'on garantisse la durabilité du secteur forestier.
    Je vais en rester là.
    Merci.
    Je sais que cette demande de décret d'urgence a été présentée par plusieurs Premières Nations du Québec, qui se préoccupent beaucoup pour la santé du caribou boréal. Comme je l'ai dit, nous le savons depuis longtemps.
    Quelque chose indique‑t‑il que les producteurs de bois, les entreprises forestières et les usines de pâtes et papier ont pris des mesures pour résoudre elles-mêmes ce problème?
    Nous entendons souvent dire qu'il n'est pas nécessaire que le gouvernement intervienne dans tout, que nous n'avons pas du tout besoin de lui et que si les entreprises font des bénéfices, tout ira bien. Je me demande ce que les entreprises font pour garantir la durabilité à long terme de leur industrie forestière et pour fournir des emplois aux travailleurs à long terme, et pas seulement à court terme.
    Mes collègues du Service canadien des forêts, qui ne sont pas présents, seraient mieux placés pour répondre à cette question. Je souligne cependant que dans ses observations liminaires, le ministre a parlé de certaines innovations qu'il a relevées dans le secteur forestier au Québec et ailleurs.
     Encore une fois, je laisserai cette question dans son intégralité à mes collègues du secteur forestier, qui ne sont malheureusement pas présents aujourd'hui.
    Merci.
    Je pense que c'est important, parce qu'ils sont au fait de ces problèmes depuis longtemps. Je pense que ces entreprises innovent parfois, mais qu'elles ne prennent les mesures nécessaires pour résoudre certains de ces problèmes que lorsqu'elles sont confrontées à un véritable problème et à des mesures strictes.
     En ce qui concerne l'équilibre entre la protection de notre biodiversité, de notre climat et de nos forêts d'un côté, et les bénéfices à court terme et l'optimisation de l'extraction de l'autre, ces entreprises doivent également jouer un rôle. Les syndicats et les travailleurs semblent être d'accord. Ils veulent préserver la santé de la forêt et la durabilité de l'industrie à long terme, pour eux‑mêmes et peut-être pour leurs enfants. Toutefois, il semble que nous ne puissions pas compter sur un engagement total de la part de certaines de ces entreprises forestières.
    Merci beaucoup.
    Notre deuxième heure est terminée. Je tiens à remercier les fonctionnaires d'avoir été présents et d'avoir répondu à toutes les questions des députés.
     Nous allons faire une petite pause, le temps d'accueillir le prochain groupe de témoins. Cela ne devrait pas prendre longtemps.
    Merci encore.
(1840)

(1845)

[Français]

     Nous reprenons la séance.
    Je tiens à souligner que les tests de son ont été effectués auprès des témoins qui se joignent à nous à distance par l'entremise de l'application Zoom.
    Nous entendrons deux témoins, dont un groupe de trois représentants de Boisaco inc.: M. Joyce Dionne, travailleur de l'équipe de récolte; M. Joseph‑Pierre Dufour, mécanicien de machines fixes; et Mme Valérie Dufour, coordonnatrice des ventes et transports. Nous accueillons aussi, à titre personnel, M. Jean‑Pierre Jetté, ingénieur forestier.
    Monsieur Jetté, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions au sujet du caribou forestier.
    Je suis ingénieur forestier, retraité du ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, où j'ai travaillé pendant 30 ans. Je demeure toujours actif, notamment en travaillant sur les questions d'aménagement en forêt boréale.
    Au cours des 15 à 20 dernières années, j'ai été témoin des débats concernant le sort du caribou forestier. Tout au long de cette période, j'ai toujours senti que la grande majorité des acteurs du milieu étaient soucieux de trouver un équilibre et que personne ne souhaitait de catastrophe pour les communautés forestières. Il s'agit là, à mon avis, d'un atout précieux à cultiver. Cette quête d'équilibre passe certainement par une optimisation des efforts de protection. Les contours des secteurs à protéger ont été redessinés mille fois. Les mesures à moindre impact pour l'industrie ont été souvent examinées.
     Or, pour arriver à dégager un espace de solution consensuelle, il faut aussi examiner l'autre bout du spectre. Le modèle d'affaires actuel et sa chaîne de valeur doivent aussi faire partie de l'équation. Ceux‑ci ne sont pas immuables et doivent évoluer. La défense du statu quo à tout prix n'est pas une posture qui porte au compromis, d'autant plus qu'une évolution du modèle d'affaires pourrait faire une place au caribou tout en offrant des perspectives économiques intéressantes. Nous nous devons d'explorer cette voie.
     Plusieurs acteurs du monde forestier évoquent la nécessité de mettre en place une transition juste. J'abonde en ce sens, mais j'ajoute qu'une discussion concrète et rigoureuse sur le sujet fait indéniablement partie d'un processus de concertation. Il faut maintenant dépasser le stade des idées générales et entreprendre l'élaboration d'un plan de transition juste. À mon avis, un tel plan doit comporter trois volets.
     En premier lieu, il faut mettre en place des mesures d'atténuation à court terme pour pallier les impacts immédiats. Plusieurs options sont possibles. À titre d'exemple, mentionnons la possibilité de réviser des structures d'approvisionnement des usines. Ça s'est déjà fait par le passé. Aussi, des programmes sylvicoles requérant la main-d'œuvre habituellement impliquée dans la récolte sont envisageables. Par ailleurs, d'autres chantiers régionaux pourraient fournir de l'emploi à certaines catégories de travailleurs, je pense entre autres aux chantiers éoliens.
     Le deuxième volet, le plus important, concerne la transition industrielle en tant que telle. Déjà, la filière du sciage est dans un processus de consolidation. Dans ce contexte, il y aura des gagnants avec des usines plus rentables, mais il y aura aussi des perdants avec des villages qui verront leur usine fermée. C'est alors qu'il faut envisager le développement de nouveaux créneaux basés sur une approche de valeur ajoutée ou sur l'exploitation de bois actuellement disponible, mais sous-utilisé par l'industrie. Il y a là des quantités appréciables de bois à valoriser. La chimie du bois pourrait offrir des options intéressantes.
     Finalement, le troisième volet consiste à apporter des correctifs afin de s'assurer d'un approvisionnement prévisible pour la prochaine génération industrielle. Plusieurs problèmes compromettent actuellement l'offre de bois attendue, même en faisant abstraction du caribou. Le débat entourant le décret devrait conduire à la mise sur pied d'un groupe de travail chargé de préparer un plan de transition. Pour réussir, ce groupe devrait faire appel à des experts indépendants et assurer la transparence dans sa démarche. Il devra aussi bénéficier d'un soutien financier de la part des deux ordres de gouvernement. Réaliser un tel chantier ne sera pas chose facile et les résultats restent incertains, mais je me refuse à croire qu'ils seront nuls. Sinon, quelle est l'autre option?
    Il faut un brin de naïveté pour penser que la controverse du caribou va s'éteindre doucement au fur et à mesure que les derniers individus seront mis en enclos. Si un plan crédible de protection du caribou n'est pas mis en place rapidement, le conflit va perdurer et éventuellement se radicaliser. Ceci aura notamment pour conséquence de créer un repoussoir pour les investisseurs. Ce sont pourtant des joueurs essentiels dans la modernisation d'une filière bois que l'on souhaite robuste et durable au bénéfice des communautés forestières. Profitons du fait que tous souhaitent cet avenir pour les communautés et intégrons tous les ingrédients dans la discussion. Nous pourrons ainsi trouver un espace de solution qui sera véritablement rassembleur.
    Je pense que mon message principal est de dire qu'il y a des options, et c'est peut-être la seule voie de passage dont nous disposons.
(1850)
     Je vous remercie, monsieur Jetté.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de Boisaco.
    Monsieur Dufour, vous avez la parole
(1855)
     Bonjour, je m'appelle Joseph-Pierre Dufour.
    Après 40 ans de développement, notre structure actuelle, qui exploite les ressources forestières renouvelables, utilise maintenant la matière à 100 %. Bien que nous soyons dépendants d'une ressource unique, sa valorisation s'applique dans différents secteurs économiques.
    Si vous connaissez déjà le complexe de Sacré‑Cœur, vous savez qu'en plus de l'usine de Boisaco, qui produit du bois d'œuvre, il est également composé de l'usine Sacopan, qui utilise les copeaux pour produire des panneaux de porte, de Granulco, qui les utilise pour la conception de granules, et de Ripco, qui transforme les rabotures de bois en litière équestre. Pour s'assurer que rien n'est perdu, nos centrales thermiques et chaufferies brûlent l'écorce pour nos procédés nécessitant de la chaleur et, enfin, envoient les cendres aux agriculteurs locaux. Je pense que notre complexe est un modèle exemplaire, soutenu par la communauté locale et basé sur une vision de développement durable.
     Le décret d'urgence présenté met en péril plus de 600 emplois directs, des centaines d'emplois indirects, des entrepreneurs et des commerces. De nombreuses familles seraient touchées par la disparition du seul moteur économique de la région. Dans une population de 5 000 habitants répartis sur quatre municipalités, il est évident que ce serait catastrophique pour la Haute‑Côte‑Nord et que ça aurait également des répercussions néfastes pour les régions du Saguenay et de Charlevoix.
    Soyons réalistes, nous n'allons pas réinventer l'économie de la Haute‑Côte‑Nord du jour au lendemain. Nous ne sommes pas dans un grand centre, mais dans une région relativement isolée et éloignée, où les emplois intéressants dans nos métiers respectifs sont à des centaines de kilomètres. Ce qui risque surtout d'arriver si le pire se concrétise, c'est de voir partir de nombreuses familles pour d'autres régions, car ici, il n'y aura plus vraiment d'emplois pour les faire vivre.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Madame Dufour et monsieur Dionne, il vous reste trois minutes en tout.
     Je vous remercie, monsieur le président.
     Je m'appelle Valérie Dufour et j'ai le privilège de travailler pour Boisaco inc. De plus, je suis conseillère municipale pour Sacré-Cœur. Mon conjoint et moi travaillons tous les deux grâce à l'exploitation forestière du groupe Boisaco.
    Si je comparais aujourd'hui devant vous, c'est pour que vous sachiez que, depuis l'annonce de l'éventuelle adoption du décret, nos vies sont littéralement sur pause. À titre d'exemple, quand mes enfants m'ont demandé cette année ce que nous allions faire pendant les vacances estivales, j'ai été obligée de leur répondre qu'il n'y aurait pas de vacances cet été. Je leur ai dit que, si le décret est adopté tel quel, papa et maman vont perdre leur travail et devoir déménager de Sacré-Cœur. Je leur ai promis que j'allais tout faire en mon pouvoir pour essayer de rester chez nous à Sacré-Cœur.
    Ma famille n'est pas la seule famille à vivre de tels moments d'incertitude et d'angoisse. La fermeture des usines du groupe Boisaco serait catastrophique pour Sacré-Cœur et ses citoyens. En mon nom et en celui de mon conjoint, de mes enfants, de ma famille, de mes amis, de mes collègues et des citoyens de mon village, je vous demande de revoir le décret et de trouver des solutions plausibles. Je garde espoir que tous ensemble, nous allons pouvoir trouver des solutions qui vont nous permettre de conserver nos emplois et de continuer de gagner dignement nos vies. C'est un énorme cri du cœur que je vous lance ce soir au nom de tous les papas et de toutes les mamans qui ont, comme moi, promis à leurs enfants qu'ils pourraient travailler et rester chez eux à Sacré-Cœur.
    Merci beaucoup.
     Je vous remercie, madame Dufour.
    Monsieur Dionne, si vous avez des éléments à ajouter, vous disposez d'environ une minute.
    Je m'appelle Joyce Dionne et je suis spécialisé en récolte de bois chez Boisaco. Chez nous, la famille Dionne récolte le bois depuis plus de 50 ans. Même les enfants ont la même passion que nous. Je dirige une équipe de 15 hommes, tous aussi fiers que moi de leur métier forestier. L'annonce du décret est pour nous une catastrophe. Il met en péril les familles des travailleurs forestiers.
    Le travail de récolte et d'aménagement permet de créer une forêt renouvelable, dont nous prenons tous soin en respectant la biodiversité et les normes environnementales. De plus, l'aménagement forestier diminue grandement le risque d'incendie et permet à la population de bénéficier du secteur pour ses loisirs.
    Il y a moyen que tout le monde y trouve son compte sans la perte de milliers d'emplois directs et indirects. Je pense sincèrement qu'avec les connaissances que possède Boisaco du territoire et les exigences du gouvernement, nous sommes en mesure de trouver des solutions ensemble afin d'abolir ce décret. Pour mieux comprendre le secteur en question, j'aimerais que les membres de votre comité viennent visiter notre territoire. Ils pourront alors en avoir une meilleure idée afin de prendre une décision plus réfléchie.
    Il y a 25 ans, quand j'ai commencé en foresterie dans ce même territoire, il y avait 40 abatteuses et trois scieries. Aujourd'hui, nous comptons moins de 10 abatteuses et une seule scierie sur le territoire, et nous ne sommes pas en mesure de l'exploiter. Où cela va-t-il s'arrêter? À cause du décret, je ressens le stress, l'angoisse et le découragement qui perturbent tout le monde autour de moi. J'aimerais que vous pensiez à l'avenir de nos jeunes en foresterie, qui serait également compromis par ce décret. N'oubliez pas que nous dépendons tous de la forêt.
    Je vous remercie de votre écoute.
(1900)
     Merci beaucoup, monsieur Dionne.
    Nous commençons ce tour de questions par M. Martel, pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de s'être déplacés aujourd'hui.
    Monsieur Dufour, on dirait toujours que la forêt a une mauvaise réputation. On dirait toujours que les gens parlent de la forêt comme dans les années 1960. Pourtant, ça s'est beaucoup amélioré. Je suis convaincu que vous aimez la forêt et je voudrais que vous me parliez des bienfaits de l'industrie forestière.
    Je travaille plus du côté de la transformation. Comme je l'ai expliqué, dans notre complexe, tout ce qu'on fait est en fonction d'un développement durable, avec les deuxième et troisième transformations. On ne perd aucune matière. Celle-ci est utilisée à 100 %.
    Pour ce qui est de la récolte en forêt, M. Dionne serait plus en mesure de vous répondre.
    Monsieur Dionne, je vous laisse continuer.
    Il est sûr que, depuis 25 ans, tout s'est amélioré en forêt. Nous faisons des coupes spéciales avec toutes sortes d'aménagements, en tenant compte de la protection des espèces menacées. Nous prenons soin de tout.
    Ce n'est plus ce que c'était il y a 50 ans. Ne pensez pas que les forestiers sont des « débâtisseurs » de forêt, ce n'est pas ça du tout. Ils ne font pas que ramasser leur cash et s'en aller chez eux. Tout le monde a à coeur la forêt.
    Monsieur Dionne, dans le secteur forestier, on entend toujours dire que les travailleurs le sont de génération en génération. Souvent, ce sont les enfants qui continuent à travailler en forêt. Chez vous, à Sacré-Cœur, est-ce que ça ressemble un peu à ça?
     À Sacré‑Cœur, tout le monde travaille pour Boisaco. Les gens sont fiers de leur usine. Le bonheur, ça se partage. Le monde est heureux. Sans y être obligés, les enfants sont prêts à continuer ce que leurs parents ont fait. Ils sont fiers de ça.
     Merci.
    Madame Dufour, si M. Guilbeault impose son décret, qu'est-ce que ça représentera pour vous et votre famille?
     Il est certain que nous ne pourrons plus demeurer à Sacré‑Cœur. Mon conjoint et moi travaillons tous les deux du côté des opérations forestières. Si, par malheur, le décret était adopté tel quel, une des répercussions serait probablement la fermeture de Boisaco. Ça voudrait dire la perte de nos emplois, à moi et à mon conjoint. Nous aurions à nous exiler. C'est loin de ce que nous voulons. Nous avons eu le privilège d'exercer nos métiers à l'extérieur, dans de grands centres urbains, mais l'appel de la forêt, l'appel de notre communauté, est vite revenu. Nous sommes à Sacré‑Cœur par choix; nous avons choisi de travailler ici.
    Merci, madame Dufour.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez encore deux minutes et demie.
    Madame Dufour, c'était touchant quand la mairesse a affirmé que, si le décret était imposé, il y aurait un risque que la communauté disparaisse. Je vous donne la parole.
(1905)
    Effectivement, la survie du village est menacée. Le groupe Boisaco, ce n'est pas juste une entreprise qui engage des gens et qui crée de l'emploi, c'est un partenaire pour notre municipalité. Quand nous organisons des événements ou que nous achetons des biens, Boisaco est toujours derrière nous. Nous pouvons toujours compter sur lui. Pour nous, c'est une aide inestimable.
    Si le décret est imposé, comment envisagez-vous le futur? Pensez-vous présentement à ce que vous allez faire avec vos biens, avec votre maison, et où vous allez déménager? Avez-vous envisagé ça avec votre mari?
     Oui, nous avons été obligés d'y penser. Nous souhaitons de tout cœur que ça n'arrive pas, mais nous vivons des moments d'angoisse épouvantable. Si le complexe Boisaco ferme et que je dois reloger ma famille, je vais devoir vendre ma maison afin d'en acheter une autre. Or, on sait très bien que le village de Sacré‑Cœur risque de fermer, et c'est une source d'inquiétude, puisque nous ne réussirons pas à vendre notre maison. J'ai trois jeunes enfants, comment vais-je faire pour déménager, pour relocaliser ma famille?
     Merci, madame.
    Monsieur van Koeverden, vous avez maintenant la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui participent à la réunion de ce soir.
    Pour commencer, j'aimerais exprimer ma gratitude à tous les travailleurs du secteur forestier. Le bois ainsi que les pâtes et papiers sont des produits durables par rapport aux autres produits, comme le plastique. Je vous remercie grandement pour votre travail consciencieux, pour vos efforts en matière de plantation d'arbres et de reboisement, ainsi que pour votre contribution à l'économie canadienne.

[Traduction]

     En tout cas, vous me semblez angoissés, et je tiens à vous dire que je compatis, car il s'agit d'une période très difficile et stressante pour vos familles. Vous travaillez dur pour subvenir aux besoins de vos proches et contribuer à l'économie canadienne, et je tiens à le souligner.
    Ma question s'adresse à M. Jetté. Elle porte sur l'avenir de la foresterie au Canada et sur notre capacité et, franchement, notre obligation de veiller à ce qu'elle en ait un. Nous devons assurer l'avenir de l'économie forestière au Canada, car nous en dépendons. Nous dépendons de ses produits et de ses contributions à l'économie. Les travailleurs dépendent de l'argent qu'elle génère pour subvenir aux besoins de leur famille.
     De mon point de vue... Nous avons construit une terrasse en bois cet été. Ce bois a été récolté au Canada. Nous devons veiller à ce que l'économie du bois d'œuvre et celle des pâtes et des papiers soient durables au Canada. Pour ce faire, nous devons notamment garantir le respect de nos engagements en matière de biodiversité.
    On a parlé à plusieurs reprises d'équilibre au sein de ce comité. Des travailleurs, des représentants de l'industrie et des scientifiques sont venus exprimer divers degrés d'urgence en ce qui concerne la population de caribous et l'industrie elle-même.
    Monsieur Jetté, selon vous, comment pouvons-nous trouver un équilibre pour les travailleurs canadiens, pour l'économie canadienne et pour l'avenir de l'industrie forestière, qui doit protéger l'ensemble de la forêt et pas seulement les bois?

[Français]

     Je pense qu'une bonne partie de la solution réside dans les usines, dans l'industrie. On a souvent dit que l'industrie devait se renouveler, pour toutes sortes de raisons autres que le caribou. La situation du caribou nous rapproche brutalement de l'échéance, mais, de toute façon, il faut faire des changements. Profitons de l'occasion pour faire ces changements, pour les accélérer et pour trouver une voie de passage permettant à la fois de protéger le caribou et, surtout, d'assurer un avenir à cette industrie.
    Ces changements passent par une modernisation de la filière du bois. Comme je le disais tantôt, la modernisation doit se faire non seulement en investissant davantage dans les produits à haute valeur, mais aussi en essayant de valoriser les quantités très importantes de bois qui ne le sont pas en ce moment au Québec. Si elles ne sont pas valorisées, c'est parce qu'elles ne répondent pas aux besoins de la structure actuelle de l'industrie. Il s'agit là d'un élément important. Je vais donner un exemple. En 2020, la Stratégie nationale de production du bois du gouvernement du Québec indiquait que, chaque année, 11 millions de mètres cubes de bois feuillu ne sont pas utilisés par l'industrie. Évidemment, c'est à l'échelle du Québec, mais, dans la Stratégie, on souhaitait déjà que la chaîne de valeurs soit ajustée de manière à valoriser ce bois.
    N'y a-t-il pas là une façon potentielle de trouver un moyen de rassurer les gens? L'angoisse est palpable et il est important d'écouter les gens. Peut-on la diminuer, non pas en défendant le statu quo, mais en posant un regard sur le futur, qui, on l'espère, serait durable?
(1910)
     Merci pour votre réponse.

[Traduction]

     Combien de temps me reste‑t‑il?
    Vous avez un peu plus d'une minute.
    D'accord. Merci, monsieur le président.
    Nous avons également entendu, au sein de ce comité, des chefs des Premières Nations qui, il y a plus de 10 ans, ont dû prendre des mesures extraordinaires pour mettre fin à la chasse au caribou, une pratique qui existait depuis des temps immémoriaux. Toutefois, au vu du déclin des populations, ils ont dû prendre ces mesures extraordinaires.
    Je tiens également à souligner qu'un grand nombre de membres des Premières Nations qui vivent au Québec travaillent dans les industries des pâtes et papiers, du papier et du bois d'œuvre, ce qui pose un autre problème si l'on souhaite assurer un « équilibre ». Si nous voulons que dans 50 ans il y ait des caribous et un secteur forestier, nous devons apporter un changement. Nous devons apporter certaines modifications au statu quo actuel. Les fonctionnaires qui viennent de nous quitter ont déclaré que le statu quo entraînerait la poursuite du déclin des populations de caribous.
    J'aimerais poser une question à...
    Vous n'avez pas vraiment le temps de poser une autre question.
    Excusez‑moi, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps.
    D'accord, merci.

[Français]

     Madame Pauzé, vous avez la parole.
    Je laisse la parole à ma collègue Marilène Gill.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur Jetté.
    J'aimerais également remercier Mme Dufour, M. Dufour et M. Dionne.
    Vous savez que je vous comprends tous. Je suis une fille de la Côte‑Nord.
    J'aimerais commencer par un petit commentaire personnel. Mme Dufour m'a extrêmement touchée quand elle parlait de quitter sa maison et de quitter sa région. Ce qu'elle vit présentement, je l'ai vécu à un autre moment et d'une façon un peu différente. Le père de mes deux plus vieux enfants a travaillé chez Sacopan. Ensuite, il a travaillé pour Kruger à Longue-Rive, en Haute‑Côte‑Nord. Puisque la scierie a fermé ses portes, nous avons ensuite déménagé à Baie‑Comeau, avec toutes les répercussions que ça suppose sur nos vies, sur nos familles, et même sur la communauté.
    Oui, je parle de moi, parce que je l'ai vécu dans mes tripes, mais je parle aussi des communautés. On ne peut pas dire que la municipalité de Longue‑Rive est redevenue ce qu'elle était par le passé. Nous avons de nombreuses communautés qui sont mono-industrielles et j'entends ici des solutions qui tiennent de la naïveté, ce que je n'aime pas. On ne peut pas s'en aller à 400 kilomètres de chez soi pour travailler sur des éoliennes alors qu'on a toujours été dans une communauté forestière sur le bord du Saguenay. Port‑Cartier, ce n'est pas Sacré‑Cœur.
    Je dois vous dire que, à plusieurs reprises, j'ai demandé à M. Guilbeault d'aller visiter cette communauté. C'était bien avant que Mme Boulianne en devienne la mairesse. Évidemment, pour moi, plusieurs choses sont en jeu, tout comme pour vous, toute l'équipe de Boisaco, j'en suis certaine.
    Premièrement, il y a la question de la paix sociale, outre tout ce qu'on dit concernant nos familles. On parle beaucoup des Premières Nations, mais, en même temps, je me demande si on parle à toutes les Premières Nations. Est-ce qu'on parle souvent de leurs connaissances? Je suis allée sur le terrain et j'ai parlé avec leurs membres. Pour ce qui est du caribou, selon eux, il s'en va vers l'est. Il faut aussi voir ce que les Premières Nations vivent comme réalité. Les caribous ne sont pas nécessairement dans le secteur du réservoir Pipmuacan. Ils ne resteront pas là non plus. L'activité anthropique ne se limite pas à l'industrie forestière, elle inclut les loisirs. Bref, il y en a toutes sortes.
    Moi aussi, j'ai été défaite, hier, en prenant connaissance d'un article qui dit que, pour ce qui est de l'Ontario, le gouvernement fédéral a eu une entente avec le gouvernement Ford pour l'industrie. C'est drôle, ça ressemble à deux poids, deux mesures. Le gouvernement fédéral ne fait pas d'efforts, contrairement au gouvernement du Québec. Vous avez vu Mme Blanchette Vézina, Mme Champagne Jourdain, Mme Laforest et M. Montigny. Ils sont allés auprès de vous, comme l'a fait aussi mon équipe, pour dire que le Québec est là et que le Québec va vous aider. En fait, ce que le fédéral fait avec l'Ontario, c'est qu'il ne demande pas la même chose. Moi, ça m'épate. Je pense que le gouvernement doit en tenir compte.
    Ce qui vient me chercher aussi — et j'aimerais entendre ensuite vos commentaires là-dessus — c'est à quel point Sacré‑Cœur est un modèle. On nous dit qu'il faut utiliser tous les arbres, toutes les essences, toutes les parties de l'arbre, mais Boisaco le fait déjà, comme l'a dit M. Dufour en début de réunion. Des entreprises comme Sacopan, Ripco et Granulco utilisent déjà tout le bois. Il n'y a plus rien qu'on n'utilise plus. Qui plus est, c'est justement une des volontés de Boisaco — je pense que c'est M. Dionne qui en a parlé — de respecter l'environnement et d'être une entreprise durable.
    Depuis tout à l'heure, j'entends donc des préjugés ici. J'entends que votre entreprise n'est pas durable. J'entends qu'il va falloir aller plus loin. Cependant, vous allez déjà plus loin que la majorité des entreprises. Là, ce que le gouvernement va faire avec ce décret, c'est de dire qu'il y a là un super modèle de durabilité pour toutes les entreprises au Québec, et même au Canada, mais qu'il va quand même fermer le village. C'est inacceptable. Je vous remercie d'être là pour contester ce décret. Nous voulons des solutions rapides. On parle beaucoup du caribou et des solutions rapides. J'aimerais aussi entendre vos commentaires là-dessus.
    Madame Dufour, vous avez parlé d'angoisse. On se demande ce que ce décret va provoquer, mais il a déjà des effets. Il est déjà en train de détruire l'industrie chez nous et de détruire des villages. Il est certain que nous serons avec vous. Sacré‑Cœur ne fermera pas, mais j'aimerais entendre vos commentaires sur tout ce que j'ai dit, et que vous complétiez mes propos. Il faut que les gens entendent d'autres réalités que seulement certains préjugés ou stéréotypes qu'on entend ici au Comité.
    Madame Dufour, monsieur Dufour et monsieur Dionne, prenez le reste du temps.
(1915)
     Il reste une minute et demie. Si vous pouvez vous partager cette minute et demie, nous resterons dans les temps.
     Je vais donner une réponse globale. Ce que Boisaco a à cœur, c'est le développement de toutes ses usines. Au cours des années, elle n'a fait que ça. Nous réussissons maintenant à consommer 100 % de l'arbre et à en valoriser toutes les parties, de sorte qu'il n'y a aucun gaspillage. Ce ne sont pas toutes les usines qui réussissent à faire ça et il est important d'en tenir compte. Il est sûr que cette annonce cause beaucoup d'angoisse aux familles, présentement. Alors, il est important que ça ne prenne pas un an ou deux pour savoir ce qui va se passer.
    Je ne sais pas si M. Dufour veut ajouter quelque chose.
    Nous avons l'impression qu'on veut punir une entreprise qui est un modèle pour l'industrie. On ne veut peut-être pas nous punir, mais c'est nous qui écopons, en tout cas. C'est dommage.
    Vous êtes pris en otage.
    Oui, effectivement. Nous, les communautés locales, avons l'impression d'être prises en otage par ce décret. Nous comprenons qu'on veuille protéger l'espèce, mais d'en arriver à un plan de protection aussi draconien…
     Merci.
    Nous allons passer à M. Boulerice.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici avec nous, même si c'est de façon virtuelle, pour cette étude qui est importante pour bien des gens.
    Madame et messieurs, ça me touche aussi beaucoup de vous entendre parler de vos histoires et de vos réalités, que je connais peu, contrairement à d'autres, mais sur lesquelles j'apprends beaucoup depuis plusieurs semaines. Ce sont des questions extrêmement délicates, et je comprends parfaitement que ça suscite beaucoup d'inquiétude et d'angoisse. Nous allons essayer de trouver le bon chemin pour faire ce que nous devons faire collectivement, à la fois pour la protection de l'environnement et de la biodiversité et pour le développement régional et le maintien des emplois.
    Monsieur Jetté, vous avez dit deux mots importants: « transition juste ». Chacun inclut un peu ce qu'il veut dans cette notion. Je suis très fier du travail que nous avons accompli, notamment avec Charlie Angus, concernant un projet de loi sur les emplois durables, afin que les travailleurs et les travailleuses aient leur place à la table, ainsi que les syndicats.
    Vous avez commencé à parler de ce à quoi pourrait ressembler, en trois points, le début d'une transition juste et des changements dans l'industrie. La première chose dont vous avez parlé, ce sont les mesures d'atténuation. J'aimerais comprendre un peu plus de quoi vous parlez. Ensuite, je vous poserai d'autres questions.
(1920)
     La transition industrielle est en cours, mais nous ne sommes pas sûrs qu'elle va être juste. Il est donc important de se préoccuper du sort des catégories de travailleurs qui peuvent être touchés par des changements. Pour une certaine catégorie de travailleurs, et je pense notamment aux travailleurs forestiers, il existe un paquet d'options leur permettant de continuer à travailler dans leur domaine. Je parlais de programmes sylvicoles, par exemple, où on pourrait utiliser ces gens. Quand j'ai donné l'exemple de l'éolien, je pensais au projet de mégaparc dans les deux régions, où il y aura notamment de la construction de chemins à faire. Ce sont des choses comme ça.
    Il faut savoir que l'autre transition à laquelle on semble être en train d'assister, c'est-à-dire la consolidation des usines de sciage, va rendre des volumes disponibles. C'est là que la décision, pour revenir au mot « juste », ne devient plus qu'une question d'affaires, mais aussi une question sociale. Relativement aux changements qu'on est en train de voir, comment peut-on aider Sacré‑Cœur? Comment peut-on aider Saint‑Ludger‑de‑Milot, un village du Lac‑Saint‑Jean où une usine a annoncé sa fermeture?
     Il ne s'agit pas de faire un plan de transition en disant qu'au Canada, on va se concentrer sur les bioproduits. Non. Il faut savoir ce qu'on fait à Saint‑Ludger‑de‑Milot, en fonction du bois qu'on peut trouver, qui n'est pas nécessairement du bois de sapin ou d'épinette avec lequel on fait des deux-par-quatre. Il faut trouver autre chose. On a de l'argent, de la technologie et de l'expertise. On a des chimistes qui connaissent ces choses-là. Est-ce qu'on peut mettre tout ça ensemble et mettre le paquet pour aider des villages comme Saint‑Ludger‑de‑Milot quand on voit qu'il y a un problème social? C'est ça, un plan de transition juste. C'est une transition raisonnée en fonction des intérêts des communautés, des travailleuses et des travailleurs.
     J'ai été quand même étonné du chiffre que vous avez cité d'un rapport du gouvernement du Québec, à savoir que 11 millions de mètres cubes de bois par année sont sous-utilisés ou non utilisés. Vous avez beaucoup parlé de valorisation dans cette transition. Avez-vous des pistes à suggérer au Comité sur ce bois sous-utilisé ou non utilisé?
    En ce moment, je vois quatre sources. Je vous ai donné l'exemple des feuillus qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont pas la qualité de bois requise pour répondre à la structure actuelle. Cependant, cela ne veut pas dire qu'avec la biochimie, on ne pourrait pas leur trouver des applications dans les bioproduits. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je sais qu'il y a des cas où on commence à le faire. Il faut employer les grands moyens.
    La deuxième source concerne le bois brûlé; environ 920 000 hectares de forêts ont brûlé. Pour l'industrie du sciage, la capacité d'aller chercher ce bois est très faible et, après un an, ce bois n'est plus bon. Par conséquent, il reste quelque 900 000 hectares de bois. Que peut-on en faire? Avec les changements climatiques, il y aura d'autre bois brûlé. N'y aurait-il pas là un filon à exploiter?
    Ensuite, sur la Côte‑Nord, l'industrie est moins intéressée au sapin, qui est laissé de côté parce qu'il ne répond pas aux besoins du sciage. Alors, à quel autre besoin peut-il répondre?
    La dernière source concerne les déchets de construction qui, à l'heure actuelle, finissent dans les sites d'enfouissement. Étant en bois, ils émettent du méthane, ce qu'il y a de pire pour produire des gaz à effet de serre. Dans ce cas, peut-on penser à instaurer une économie circulaire en récupérant cette matière pour en faire autre chose, par exemple des bioproduits et de l'énergie?
    Je laisse le soin aux experts de se prononcer, mais, comme vous le constatez, il existe des pistes de solution. Il faut se retrousser les manches et s'entraider. Il faut être solidaire du message qu'on entend et là, à mon avis, il faut donner un message d'espoir. Nous avons la technologie pour faire cette transition.
(1925)
    Merci.
    Nous entamons le deuxième et dernier tour.
    Monsieur Martel, vous avez la parole.
    Est-ce que c'est bien le deuxième et dernier tour?
    Oui.

[Traduction]

    Vous allez vous exprimer encore deux fois.
     Oui.
    M. Martel va commencer le tour de cinq minutes.

[Français]

    D'accord. Après ce tour, il n'y en a plus. C'est ce que je voulais savoir. C'est là qu'on était confus. Merci, monsieur le président, c'est plus clair.
    Madame Dufour, ce que j'entends, c'est qu'en raison de ce décret, le village de Sacré‑Cœur peut disparaître. Est‑ce que vous avez eu la visite du ministre?
    J'imagine que vous me parlez du ministre Guilbeault.
    Oui, je fais référence au ministre Guilbeault, c'est son décret.
     Non, nous n'avons pas eu la visite de M. Guilbeault.
     Est-ce que vous auriez aimé entendre quelque chose de sa part? En tant qu'être humain, trouvez-vous la disparition de la communauté assez tragique? Comment voyez-vous cette situation? Est-ce que vous aimeriez qu'il aille au moins vous voir et discuter un peu avec vous?
     Effectivement, nous aurions vraiment souhaité qu'il vienne nous rencontrer pour voir notre réalité. Ce soir, je vous ai un peu fait part de ce que ma famille et moi vivons, mais je parle au nom de toutes les familles de Sacré‑Cœur. Notre famille n'est pas la seule à vivre cela.
    On a l'impression qu'il a fait un décret en s'appuyant sur ses connaissances, évidemment, mais sans tenir compte du côté humain, de ce qu'on vit, de ce que nos enfants vivent, de ce que les citoyens de Sacré‑Cœur vivent. Nous travaillons, nous nous prenons en main, nous gagnons notre vie de façon digne. Nous avons l'impression qu'on nous a balayés du revers de la main en ne nous consultant pas et en ne prenant pas en compte notre réalité.
     Merci, madame Dufour.
    Monsieur le président, je voudrais déposer une motion.
     D'accord, mais avant cela, je peux clarifier quelque chose. Je pense que je comprends mieux votre question au sujet des tours. Le deuxième tour…

[Traduction]

    J'étais avant lui dans la liste.
    Je n'ai entendu que lui. Je suis désolé.
     Vous l'avez regardé droit dans les yeux.
    Je suis désolé, mais je l'ai entendu en premier.
    Cependant, j'aimerais préciser quelque chose, monsieur Martel. Le deuxième tour offrira deux occasions aux conservateurs de s'exprimer. Vous allez commencer, puis vous aurez à nouveau l'occasion de vous exprimer. C'est peut-être la raison pour laquelle vous pensiez qu'il y aurait un troisième tour, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit du deuxième tour, mais vous allez intervenir deux fois.

[Français]

    Est-ce que c'est bon?
    Oui. Ça veut dire que nous avons un autre tour de parole. J'en ai un autre.
    Dans le deuxième tour, il y a six interventions, deux pour les libéraux, deux pour les conservateurs…
    D'accord.
    D'accord. Vous pouvez poursuivre avec votre motion.
    À la suite des témoignages que j'ai entendus tout au long des dernières rencontres, j'aimerais dédier la motion suivante aux travailleurs qui sont présents, ici. La motion dit ce qui suit:
Étant donné que le décret proposé par le ministre de l'Environnement à la province de Québec va:

a) supprimer au moins 1 400 emplois, selon les analyses d'Environnement et Changement climatique Canada;

b) entraîner la disparition de certaines communautés québécoises, comme Sacré-Cœur, dont la mairesse a déclaré que le village « deviendra alors un village fantôme, ou presque. »;

c) rendre le logement encore plus cher, alors que la province de Québec est déjà au milieu d'une crise du logement causée par ce gouvernement libéral;

d) être une attaque directe contre les champs de compétence du Québec;

Par conséquent, le Comité fait part à la Chambre de son opposition au décret d'urgence du ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, et demande instamment au gouvernement d'annuler immédiatement son projet d'imposer ce décret au Québec.
(1930)
    C'est parfait.
    Monsieur van Koeverden, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Martel, pour cette motion.
    Nous aimerions avoir un peu de temps pour l'examiner. Par respect pour les témoins qui se sont joints à nous aujourd'hui et parce que l'heure passe, je demande que nous ajournions rapidement le débat sur cette motion et que nous poursuivions la réunion afin que nous puissions entendre ces témoins importants.
    Merci, monsieur le président.
     Nous allons voter.
    Nous aimerions avoir du temps pour lire la motion.
    Vous souhaitez ajourner le débat. S'agit‑il de la motion officielle?
    Voyons voir. Je crois percevoir une nuance. Il veut ajourner le débat. Il veut essentiellement ajourner le débat sur cette question.
    J'aimerais faire preuve de respect à l'égard des témoins.
    Si la majorité est d'accord avec M. van Koeverden, alors c'est réglé, nous allons poursuivre. D'accord, c'est ce que je voulais savoir.
    Quelle est la motion? Que propose‑t‑il?
    Il propose d'ajourner le débat.
    Il propose de clore le débat sur la motion...
    Il propose d'ajourner le débat sur la motion.
    Il s'agit d'une motion dilatoire, monsieur le président.
    Oui, c'est exact, et nous n'en débattons pas. Il demandait des éclaircissements. Oui, c'est bien ce dont il s'agit.
     (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
    Le président: Nous passons maintenant à M. Longfield, qui aura cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Excusez-nous d'avoir interrompu notre réunion.
    Je m'intéresse beaucoup à la durabilité de l'industrie du bois d'œuvre et de la foresterie. J'ai moi‑même travaillé dans ce secteur à Winnipeg, mais aussi dans diverses usines en Ontario et à Saguenay. J'ai vu ce qui est arrivé à l'industrie du papier lorsqu'on a cessé de lire les journaux. La Chine s'est emparée du marché du papier bon marché. L'industrie du papier a commencé à produire un papier de meilleure qualité pour tenter de maintenir la valeur au Canada. Nous devons absolument préserver la santé de l'industrie forestière du Canada.
    Monsieur Dionne, vous avez parlé des efforts déployés pour assurer la durabilité. Depuis les années 1970, le secteur a changé. La durabilité de l'industrie forestière est un exemple pour tous les secteurs. Vous avez parlé d'engagement. Je n'essaie pas d'imposer un engagement, mais je pense qu'il est important d'établir que nous devons travailler ensemble pour assurer la durabilité de l'industrie. Vous avez mentionné que c'était nécessaire pour les animaux et les caribous.
     Pourriez-vous, monsieur Dionne, nous parler un peu du contexte de la durabilité, pour éclairer les discussions du Comité?

[Français]

     En ce qui concerne la durabilité, avec les années, tout s'améliore. Tantôt, on parlait du bois feuillu. Pour nous, chez Boisaco…
     Excusez-moi.

[Traduction]

    Je n'entends pas la traduction. Je suis désolé de vous interrompre.

[Français]

     Est-ce que ça va être interprété?

[Traduction]

    Mon français n'est malheureusement pas aussi bon que celui de M. van Koeverden. J'ai grandi au Manitoba, et quand j'étais en Abitibi, on m'a demandé: « Avez-vous appris votre français au Manitoba? ». J'ai répondu: « Oui. » Ce n'était pas du bon français.

[Français]

    Est-ce que je peux répondre? Est-ce que ça va être interprété?

[Traduction]

    Oui, s'il vous plaît. Je vous remercie. C'est très bien.

[Français]

     Ça fonctionne, maintenant. Vous pouvez continuer, monsieur Dionne.
     En ce qui concerne la durabilité, dans le passé, on se préoccupait du bois, mais on n'avait pas l'ingénierie qu'on a aujourd'hui.
    Je vais vous donner un exemple de ce qu'on a fait chez Boisaco. Boisaco a aussi une usine de transformation du bois de tremble. On ne veut pas gaspiller le bois feuillu. Or, quand on récolte du tremble, il y a aussi du bouleau. On cherchait donc une façon de ne pas gaspiller le bouleau. Depuis cette année, on fait des granules de bois avec le bouleau. C'est une preuve que tout peut se faire. On essaie toujours d'être d'avant-garde.
(1935)

[Traduction]

     C'est très bien. Je pense que vous êtes en avance sur l'Ontario, parce que l'Ontario gaspille encore beaucoup dans le processus de production. Certaines usines pourraient être financièrement viables si elles trouvaient de la valeur dans les copeaux au sol et si elles trouvaient de la valeur en faisant ce que vous faites pour transformer vos activités.
     Le problème auquel nous sommes confrontés est qu'en tant que gouvernement fédéral, nous sommes soumis à une obligation légale. Nous essayons d'amener la province de Québec à la table des négociations parce que cet accord ne peut pas fonctionner sans elle, et elle ne répond pas à nos appels.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance de la participation du Québec? Nous avons les communautés autochtones et les entreprises, mais la province ne participe tout simplement pas aux négociations.

[Français]

     Je ne peux pas parler pour le gouvernement du Québec, mais je sais que beaucoup de travail a été fait dans les dernières années et qu'il se préoccupe aussi du caribou forestier. Je ne sais pas où la communication entre le gouvernement fédéral et le Québec s'est perdue dans cette histoire. Cependant, je sais que le gouvernement du Québec a les connaissances pour trouver un terrain d'entente par rapport à tout ça. Par contre, je ne peux pas parler pour lui et je ne veux pas me lancer là-dedans.

[Traduction]

    Je le sais. J'aimerais que vous puissiez m'en parler, et je suis d'accord.
    Les hardes ne sont pas les mêmes en Colombie-Britannique et en Ontario. Le Québec a ses propres problèmes, au sujet desquels nous avons reçu de nombreux témoignages.
    Il est très important que vous sachiez que le gouvernement fédéral veut que vous réussissiez. Nous avons besoin d'un secteur forestier fort. Le secteur fait un travail remarquable en matière de conservation, mais nous devons également protéger la biodiversité des animaux dans les forêts. Pour ce faire, la province doit participer aux négociations.
    Je vais rendre mon temps de parole, à moins que quelqu'un ne souhaite formuler des commentaires.
    Monsieur Jetté ou monsieur Dufour, souhaitez-vous faire un commentaire?

[Français]

    Je pense que le gouvernement du Québec n'avait pas les bras croisés concernant la protection du caribou. J'imagine qu'il était peut-être encore trop tôt pour évaluer l'efficacité des mesures qu'il avait déjà mises en place.

[Traduction]

     Oui, et ils sont les partenaires de cet accord particulier. Nous devons simplement les amener à participer aux négociations.
    Merci, monsieur le président.
    Nous passons maintenant à Mme Pauzé.

[Français]

     Je cède mon temps de parole à ma collègue Marilène Gill.
     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais m'adresser à M. Dionne, qui n'a peut-être pas tout à fait terminé, ainsi qu'à M. Dufour…
    Vous avez deux minutes et demie.
    En effet.
    Monsieur Dufour et monsieur Dionne, étant donné que j'ai parlé énormément tout à l'heure, j'aimerais vous céder la parole. Si vous aviez l'occasion de dire au ministre Guilbeaultce qu'il faut faire, qu'est-ce que vous lui diriez? Évidemment, je vais aussi l'inviter de nouveau à venir chez nous pour voir ce qui se passe sur le terrain.
     Il est certain que la menace d'un décret d'urgence qu'a fait planer le gouvernement du Canada visant la protection du caribou peut forcer le gouvernement du Québec à implanter des mesures supplémentaires. Par contre, est-il raisonnable de prendre en otage toute notre population? Nous avons l'impression d'être les vraies victimes qui pourraient subir les conséquences d'une chicane entre deux ordres de gouvernement.
    Ce que je demande au ministre Guilbeault, c'est de suspendre son décret. Son décret sème une terreur totale. La terreur ne peut pas régler grand-chose dans les conflits et, au lieu de se concentrer à les régler, les gens ont peur. Ils se concentrent juste là-dessus. Il faut essayer de trouver un terrain d'entente, de montrer qu'il y a quand même d'autres solutions que de fermer Sacré‑Cœur pour la survie du caribou. Je suis sûr qu'il y a d'autres options. C'est ce que j'avais à dire.
(1940)
    Ça sème le chaos au sein de la population, et on ressent les tensions au sein des communautés. Nous n'avons jamais vécu ça dans notre secteur de la Haute‑Côte‑Nord. C'est incroyable.
    Madame Dufour, pour conclure, pouvez-vous me dire ce que vous pensez des deux poids deux mesures avec l'Ontario?
    Tout à l'heure, M. Jetté parlait de récoltes de bois brûlé. Oui, on fait des récoltes de bois brûlé avec l'appui du gouvernement du Québec. Il y a des plans spéciaux pour cela. Le groupe Boisaco a déjà participé à de tels plans. D'ailleurs, nos entreprises du groupe Boisaco, qui sont Bersaco et Valibois, récoltent aussi en partie les feuillus. Nous travaillons fort, nous nous sommes pris en main en tant que société. Il ne s'agit pas juste d'un travail pour nous, nous sommes parties prenantes de ces entreprises.
    C'est parfait.
    Nous avons l'impression qu'on ne nous écoute pas et que notre réalité n'est pas prise en compte.
     D'accord.
    Nous passons maintenant à M. Boulerice.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je trouve que les témoignages d'aujourd'hui sur un dossier extrêmement complexe sont très intéressants. Je suis désolé de l'angoisse que peuvent vivre en ce moment les communautés comme celle de Sacré‑Cœur. Ce doit être assez terrible. De notre côté, nous devons composer avec plusieurs facteurs également, dont l'obligation du gouvernement fédéral au regard des espèces en péril. On ne peut pas simplement ignorer cette situation et dire qu'on ne va rien faire. On ne peut pas non plus essayer de tout faire en même temps. C'est ce qui est difficile de notre côté de la clôture.
    Parlant de clôture, M. Winfield, du Service canadien de la faune, nous parlait tantôt des enclos, utilisés comme mesure temporaire pour protéger les trois hardes qui sont vraiment menacées. Il a dit quelque chose qui m'a beaucoup frappé, c'est-à-dire qu'on ne peut pas non plus relâcher ces animaux complètement dans la nature, parce qu'ils n'ont aucun endroit où aller. D'autres témoins nous avaient aussi parlé de ça auparavant. Dans le cadre de l'aménagement du territoire et de la protection ou du réaménagement de l'habitat qui offrirait un jour à ces animaux un endroit où aller, n'y a-t-il pas aussi un petit filon de création d'emplois, monsieur Jetté?
    Parlez-vous de reboisement?
    Je parle de reboisement, exactement.
     À part certaines exceptions, par exemple dans le cas des feux de forêt qui entraînent des problèmes de régénération, la forêt se régénère en général assez bien. Le problème, c'est le temps: ça prend beaucoup de temps. Alors, si on ne diminue pas la pression de coupe sur l'habitat du caribou, il n'aura aucun endroit où aller entre-temps. On peut faire de la plantation, et on en fait déjà, mais ce n'est pas la même catégorie de travailleurs.
    Ce n'est pas une solution miracle.
    Je ne suis pas contre l'idée, mais, dans un contexte de plan de transition juste, ce n'est pas le meilleur filon. Il faut y aller selon les catégories de travailleurs avec qui on fait affaire. Il y a peut-être d'autres options d'atténuation à moyen terme. Par exemple, si on était capable d'établir…
     Excusez-moi, monsieur Jetté, mais je dois vous arrêter ici, parce que les deux minutes et demie sont écoulées.
    J'avais une autre idée.
    Monsieur Martel, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Dufour, madame Dufour et monsieur Dionne, qui vous a transmis cette passion pour le secteur forestier? Vient-elle de vos parents? Comment se fait-il que vous soyez aussi attachés à ce secteur?
    Dans mon cas, j'ai déjà travaillé dans d'autres secteurs et dans d'autres régions, y compris des grands centres. Je suis parti quelques années, mais j'étais attaché à ma région. Je suis natif d'ici, aux Bergeronnes. Je suis donc revenu dans mon habitat naturel.
(1945)
    Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter?
    Pour ma part, mon grand-père et mon père ont fait partie de Samoco, donc ça s'est transmis. Je suis quand même allée voir ailleurs, mais l'amour de la forêt et de notre village est vite revenu. Il faut vivre dans un village pour comprendre ce que c'est. Du lundi au vendredi, notre voisin est notre collègue, et le samedi, c'est notre ami. La forêt fait partie de nous. Nous passons la semaine dans la forêt et, pour relaxer la fin de semaine, nous retournons à la pêche ou nous partons en véhicule tout-terrain. Ça fait partie de nous.
     Merci.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue.

[Traduction]

    Merci, monsieur Martel.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais dire aux témoins que je ne suis évidemment pas originaire du Québec, mais que lorsque je me suis présenté en politique l'année dernière, mon programme portait surtout sur la protection de notre mode de vie rural. Je me sens très solidaire avec nos témoins d'aujourd'hui, car il me semble qu'ils défendent leur propre mode de vie, alors qu'un gouvernement animé par l'idée selon laquelle « Ottawa ne peut pas se tromper » ne tient pas compte de leur moyen de subsistance, mais aussi de leur communauté dans son ensemble. Je vous remercie pour vos témoignages passionnés et personnels.
    Pendant la conversation que nous avons eue avec le ministre Guilbeault il y a quelques heures, j'ai remarqué qu'en réponse à une question de Mme Chatel, il a dit que lorsque les travailleurs comparaissent devant le Comité, les conservateurs ne tiennent pas compte de ce qu'ils disent. C'est faux. Nous vous entendons.
    Mon collègue, M. Martel, défend très bien non seulement les droits de sa circonscription, mais aussi le travail important que le secteur forestier et ses travailleurs accomplissent dans tout le Québec et partout au Canada. Lorsqu'il s'est entretenu avec la mairesse de Sacré-Cœur, il lui a demandé ce qui se passerait si l'on promulguait l'arrêté. Elle a laissé entendre que la région deviendrait « une ville fantôme ». Le ministre Guilbeault a répondu que c'était curieux, parce que ce n'était pas le message que les travailleurs lui avaient transmis lorsqu'il les avait rencontrés.
    Pour conclure cette réunion, j'aimerais que M. Dufour, Mme Dufour et M. Dionne nous disent quel est, selon eux, le point de vue des travailleurs. Sont‑ils terrifiés à l'idée que leurs moyens de subsistance et leurs communautés sont sur le point d'être détruits, ou sont‑ils en fait d'accord avec le décret imposé par Ottawa et les conséquences qu'il aura sur leurs moyens de subsistance?
    Je vais commencer par M. Dionne.

[Français]

    Pour vous donner un exemple, je dirais que ça me fait penser à ce qui s'est passé à Lebel‑sur‑Quévillon en 2000. Il pourrait arriver une situation semblable.
     Il est sûr que certains travailleurs sont terrifiés. Nous les entendons et nous les écoutons. Nous sommes avec eux tout le temps et nous vivons leur réalité. Cependant, ils sont tellement passionnés par la forêt qu'ils vont rester là. Ils nous appuient jusqu'au bout, ils n'abandonneront pas. Il est sûr et certain que tous les travailleurs de Boisaco ne lâcheront pas. Ils sont prêts. C'est ça, leur vie, et il faut s'organiser pour que tout le monde puisse continuer de vivre selon ses propres choix, tout en respectant tout le monde.

[Traduction]

    Je vous laisse conclure, madame Dufour.

[Français]

    Comme je le disais en début de réunion, les gens de Sacré‑Cœur sont des gens passionnés. Sacré‑Cœur, c'est notre habitat, notre milieu et notre forêt. Ça fait partie de nous. Oui, nous vivons de l'angoisse. Nous savons que, si le décret est mis en place, nous allons devoir nous exiler, et ce n'est pas ce que nous voulons. Nous sommes amoureux de la forêt et de notre village. Nous voulons rester chez nous.
    Merci.
     Pour clore cette réunion de trois heures, je donne la parole à Mme Chatel.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers témoins, je vous remercie.
    Ce que vous nous dites aujourd'hui, je l'entends chez moi. Il y a des communautés rurales dans ma circonscription. Vous connaissez peut-être, dans le nord de l'Outaouais, la vallée de la Gatineau et Maniwaki. Il y a la compagnie Louisiana-Pacific Canada ltée et la compagnie Produits forestiers Résolu.
    L'angoisse que vous vivez, elle a été vécue par plusieurs familles, comme vous, touchées. L'accès à la fibre, c'est un grand enjeu dans le secteur forestier. Le cri du cœur que nous avons entendu au cours des réunions du Comité par les travailleurs et par les compagnies forestières, c'est qu'on doit travailler ensemble.
    Madame Dufour, je vous vois. Votre cri du cœur, c'est de demander aux paliers de gouvernement, aux industries, aux travailleurs de travailler ensemble, parce qu'il y en a, des solutions.
    Moi, j'ai vu en comité que les conservateurs n'écoutaient pas les travailleurs et leurs cris du cœur. Ils ne veulent pas travailler ensemble. Ils veulent créer une division parmi nous. Ce que j'entends de nos concitoyens et de vous, c'est vraiment qu'il faut s'asseoir ensemble et trouver des solutions.
    Nous avons entendu aussi au cours de ce témoignage de la part de tous les témoins quelque chose que nous avons confirmé avec le ministre tout à l'heure: il manque quelqu'un d'important à l'appel pour arriver à sauver à la fois l'économie et l'écologie, ce qu'il est possible de faire puisque, quand on travaille ensemble, on peut innover et trouver des solutions. Il manque la province de Québec, qui n'est pas à la table pour trouver des solutions. Moi, c'est mon cri du cœur: il faut absolument demander à la province de Québec de se joindre à l'effort, de s'asseoir avec le gouvernement fédéral et de trouver des solutions pour Sacré‑Cœur, pour Boisaco et pour aussi la pérennité. Vous avez trois enfants et je connais plein de familles. Nous voulons aussi des métiers pour nos enfants. Nous ne voulons pas qu'ils quittent nos régions. Nous voulons qu'ils puissent, eux aussi, travailler dans le secteur forestier.
    Madame Dufour, pouvez-vous nous parler de l'espoir que vous avez que les gouvernements et les partis politiques travaillent ensemble pour trouver une solution pour vous?
(1950)
     Je pense que Boisaco et le village de Sacré-Cœur sont le plus bel exemple qu'on peut avoir de tout le monde qui travaille ensemble. Il y a les gens qui sont aux récoltes, il y a les gens qui sont aux usines, il y a l'administration, il y a Ripco et il y a Granulco. Tous ensemble, nous avons réussi à trouver des solutions pour prendre toutes les ressources de l'arbre et ne pas avoir de pertes.
    Boisaco aide Sacré‑Cœur et redistribue à la communauté. C'est peut-être à petite échelle, ce n'est pas aussi gros que les gouvernements, mais une entreprise comme Boisaco, avec un village comme Sacré‑Cœur, a réussi en 40 ans à faire des choses. J'aimerais que tout le monde voie ce qu'est Sacré‑Cœur et ce qu'est Boisaco. J'aimerais qu'on voie l'importance que le groupe Boisaco a pour notre village et la fierté que chaque employé a de travailler chez Boisaco. J'aimerais que chaque élu puisse voir ça et puisse en prendre exemple. Si tout le monde prenait ça en exemple, on devrait en arriver à quelque chose qui a du bon sens.
     Madame Dufour, vous venez de dire quelque chose d'important et je pense que vous donnez une leçon à la fois aux conservateurs et au gouvernement du Québec. Il s'agit de travailler ensemble, comme la communauté le fait, pour vraiment arriver à des solutions innovantes. Quand on travaille ensemble, il y en a, des solutions, et ce sont des solutions pour votre communauté.
    Vous avez le défi du caribou, mais chez nous, c'est autre chose. Le défi de la forêt, lui, est partout. Il faut repenser la forêt.
    Monsieur Jetté, c'est ce que vous disiez. Vous donnez de l'espoir, mais il faut qu'on travaille ensemble pour repenser la forêt de manière durable et pour que les enfants dans ma circonscription et dans les communautés autochtones et les enfants de Mme Dufour puissent avoir eux aussi la chance de travailler dans ce secteur. Pouvez-vous m'en parler brièvement?
     Malheureusement, monsieur Jetté, le temps est écoulé. Veuillez m'excuser.
    J'aimerais remercier les témoins de nous avoir consacré du temps pour nous faire part de leurs perspectives et de leurs expériences de vie.
    Sur ce, nous devons lever la séance.

[Traduction]

     J'ai juste une petite question. Qu'allons-nous faire maintenant? Allons-nous passer à l'étude...
(1955)
    Nous en discuterons lundi. Nous disposons d'environ une demi-heure pour les travaux futurs.
     Merci.

[Français]

     Bonne soirée à tous et à toutes, et à la prochaine.
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