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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 128 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 28 octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

    Je vous souhaite une bonne semaine.
    Je vous informe que les tests de connexion ont été effectués avec tout le monde sauf un témoin. On est en train d'y travailler. Évidemment, nous allons commencer par les autres témoins.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Je ne comprends pas ce que vous dites.
    Excusez-moi, mais il est 11 heures.
    De quoi parlez-vous?

[Français]

     Je disais tout simplement que les tests de connexion avaient été effectués.
    J'ai également souhaité un bon lundi et une bonne semaine à tout le monde.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, alors.
    Déjà?
    Oui.
    C'est au tour de M. Longfield.
    Allez‑y.
    Je me demandais seulement si nous pouvions avoir une mise à jour concernant le ministre Boissonnault.
    En fait, j'aimerais beaucoup vous en donner une.
    Il dit probablement en décembre.
    Il dit « probablement ». Cela fait plus de 20 jours. Il devait être ici la semaine dernière lorsque l'ordonnance a été émise. Pourquoi décembre?
    Je ne sais pas.
    Je pense que les gens à Jasper…
    Ils disent qu'il n'est pas disponible avant décembre, donc nous travaillons sur le dossier. Nous voulons qu'il comparaisse ici.
    Il va laisser les gens à Jasper attendre si longtemps avant de leur dire ce qu'il va faire.
    Non, je ne crois pas que ce soit son intention.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Ce genre de propos au sujet de la disponibilité d'un ministre et de la présomption que le ministre fait attendre les gens n'est pas convenable et n'est pas digne de notre comité.
    Nous ne voulons pas présumer de ce que va faire…
    Il y a 2 000 personnes sans abri présentement. Je crois que c'est en quelque sorte une priorité, et que l'on devrait utiliser un certain langage.
    Je ne pense pas que nous voulions présumer de ce que le ministre va faire ou miner… Nous travaillons sur le dossier en vue d'une comparution en décembre. C'est tout.
    Monsieur Longfield, avez-vous toujours besoin…?
    J'ai hâte d'entendre le témoignage lorsque nous serons rendus là.
    J'aimerais prendre 10 minutes pour faire le point sur quelques questions d'ordre administratif à la fin de la réunion. C'est l'une des choses que je voulais mentionner, donc je suis content que vous en ayez parlé.
    Nous allons commencer. Nous reprenons notre étude sur les finances. Je demanderais aux témoins qui comparaissent en ligne d'éteindre leur micro s'ils ne répondent pas à une question ou qu'ils ne font pas leurs déclarations liminaires.
    Nous sommes prêts. Commençons par M. de Arriba-Sellier, directeur, Erasmus Platform for Sustainable Value Creation, Rotterdam School of Management, Université Erasmus.
    Monsieur de Arriba-Sellier, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Lorsque vos cinq minutes seront écoulées, je vais devoir vous arrêter, mais ce n'est pas pour être malpoli; ce sont les règlements. Vous pourrez toujours faire des commentaires plus tard au moment de répondre aux questions.
    Merci. Allez‑y.

[Français]

    Je remercie le Comité de m'avoir invité à témoigner et à contribuer à son étude. Je ne peux qu'émettre le vœu que d'autres Parlements du monde suivent votre exemple et se saisissent du sujet.

[Traduction]

    Je m'appelle Nathan de Arriba-Sellier. Je suis directeur de Erasmus Platform for Sustainable Value Creation, comme l'a souligné le président, aux Pays‑Bas, d'où je me joins à vous aujourd'hui.
    J'ai un doctorat de l'Université de Leyde et de l'Université Erasmus de Rotterdam. Avant d'occuper mon poste actuel, j'étais directeur de recherche dans le cadre de l'initiative de Yale sur les finances durables et chargé de cours en droit et en politique en matière financière de l'Université Yale, juste au sud d'où vous vous trouvez.
    J'aimerais commencer mon témoignage en vous rappelant quelques faits.
    Depuis 2005, le Canada a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 7 %, ce qui est bien moins que d'autres pays semblables. De plus, le Canada n'est pas encore en voie de respecter ses engagements juridiques au titre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. En fait, l'Indice de performance environnementale — l'EPI — classe le Canada au 166e rang mondial en ce qui concerne les prévisions pour qu'il atteigne la carboneutralité d'ici 2050.
    Pendant ce temps, les changements climatiques continuent sans relâche et il est de moins en moins possible que l'on puisse limiter le réchauffement mondial à 1,5 degré Celsius, comme l'ont mentionné les Nations unies pas plus tard que cette semaine.
    Par conséquent, le système financier canadien est très vulnérable aux risques climatiques, tant des risques physiques que des risques de transition. Je n'ai pas besoin de vous rappeler certains exemples de risques physiques qui menacent régulièrement et de plus en plus vos électeurs.
    Les risques de transition augmentent aussi, peu importe ce que décide de faire ou non le Canada. L'économie et le système financier canadiens sont et seront influencés par les initiatives externes, comme la Inflation Reduction Act des États‑Unis, le pacte vert pour l'Europe et les politiques de la République populaire de Chine, qui est rapidement devenue le plus grand producteur d'énergie renouvelable et de véhicules électriques.
    Les solutions ne viendront pas du marché. Déjà, en 2007, comme l'a souligné à juste titre Lord Nicholas Stern, professeur à la London School of Economics, « les changements climatiques sont le résultat du plus gros échec du marché jamais vu ». Qu'il y ait un engouement ou non pour au chapitre de l'environnement, de la société et de la gouvernance, le marché a, jusqu'à présent, été incapable de régler son propre échec. On a pu voir cela récemment quand les cinq grandes banques canadiennes, contrairement à leurs homologues européennes et américaines, ont augmenté leur financement dans le domaine de l'énergie fossile malgré leurs engagements d'atteindre la carboneutralité.
(1105)

[Français]

     Les solutions doivent donc être dictées par la puissance publique, d'autant plus que c'est bien le gouvernement du Canada qui est lié par l'Accord de Paris, et non pas les entreprises.
    Dans le secteur financier, on a pris de premières initiatives timides en matière de supervision prudentielle, comme la ligne directrice B‑15 du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF.
    Je souhaite revenir avec vous sur plusieurs initiatives en cours.
    Parlons d'abord des normes d'information sur la durabilité proposées par le CCNID, soit le Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité.
    Il est capital d'exiger la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, y compris celles du champ d'application 3, car s'en abstenir reviendrait à distordre la véritable empreinte carbone des entreprises concernées. Il existe un fort consensus en la matière.
    Ainsi, l'ISSB, soit l'International Sustainability Standards Board, a-t-il adopté cette norme à l'unanimité. Ces normes sont-elles par elles-mêmes suffisantes? La réponse est non, mais c'est un premier pas nécessaire, car on ne peut pas gérer ce qu'on ne mesure pas.
    Il faudrait aussi s'assurer que les informations financières et celles sur la durabilité fournies par les entreprises sont cohérentes.
    Ensuite, il y a la taxonomie canadienne.
    D'une part, je vous encourage à profiter de la réforme de la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour que la taxonomie fasse partie des obligations de publication afin de renforcer la transparence. Cela ne veut pas dire que toutes les entreprises doivent suivre la taxonomie, mais qu'elles doivent publier dans quelle mesure elles investissent dans des activités alignées sur la taxonomie.
    D'autre part, j'attire votre attention sur l'importance d'en exclure les activités liées aux énergies fossiles, quelles qu'elles soient. Pourquoi? Parce qu'une taxonomie donne un signal aux investisseurs et aux entreprises sur les activités économiques qui soutiennent la transition vers la carboneutralité. L'inclusion des énergies fossiles décrédibiliserait la taxonomie canadienne, comme cela a été le cas pour la taxonomie européenne, avec le gaz. Je vous renvoie aux conclusions scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Chaque année compte et les énergies fossiles ne font pas faire partie de la solution.
    Enfin, il y a le projet de loi S‑243, édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat proposée par la sénatrice Rosa Galvez. Je soutiens ce projet de loi, et j'invite le Comité et la Chambre des communes à s'en saisir dès que la procédure parlementaire le permettra. Une fois adopté, il ferait avancer le Canada vers la carboneutralité de manière décisive et réduirait nettement les risques de transition auxquels le système financier et l'économie canadienne sont exposés.
    En guise de conclusion, j'attire votre attention sur la politique monétaire, qui est souvent l'angle mort de ces débats. Dans le cadre de la stratégie de l'ensemble du gouvernement, la politique monétaire a son rôle à jouer. La Banque du Canada peut, dans le cadre de son mandat, soutenir la prévention et la réduction des risques climatiques, tout en soutenant la transition vers la carboneutralité.
    Je me tiens à votre disposition pour vous fournir plus de détails sur ces différents éléments et répondre à toute autre question que vous jugerez utile de me poser.
    Merci.
    Merci, monsieur de Arriba‑Sellier.
    Nous passons maintenant à M. Keith Stewart, stratège principal en matière d'énergie de Greenpeace Canada.
    Monsieur Stewart, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Je m'appelle Keith Stewart. Je suis stratège principal en matière d'énergie pour Greenpeace Canada et chargé de cours à temps partiel à l'Université de Toronto, où j'enseigne un cours et les politiques énergétiques et environnementales.
    Je rencontre les banques canadiennes au sujet de leur financement en matière de combustibles fossiles depuis 2008, donc si je semble un peu impatient, c'est parce que, après les quelque dix premières années d'attente, une certaine frustration se fait sentir.
    Cela fait aussi neuf ans que Mark Carney a fait son discours sur la « tragédie à l'horizon » dans le cadre duquel il soulignait que le secteur des finances avait une vision à court terme en ce qui concerne la façon dont il mène ses activités, alors que trois ans sont considérés comme une vision à long terme.
    Cette myopie structurelle a rendu les banquiers essentiellement aveugles aux risques des changements climatiques, ou pire encore, ils peuvent voir les risques et ont même pu commencer à les mesurer, mais les incitatifs en place ne leur permettent pas de réagir adéquatement, donc nous nous dirigeons vers un désastre. Cette myopie peut être réglée, mais les représentants élus devront s'en mêler. Ce n'est pas nouveau pour les gouvernements, puisque nous réglementons les banques pour les protéger d'elles-mêmes depuis 1929.
    En ce qui concerne les changements climatiques, les banques ont été très claires: elles ne seront pas des chefs de file. Elles ne feront pas cela seules. Nous voyons cela dans leurs bilans. Les cinq grandes banques du Canada sont encore parmi celles qui financent le plus les combustibles fossiles dans le monde. Selon un récent rapport international, en 2023, elles ont versé plus de 130 milliards de dollars à des entreprises produisant des combustibles fossiles, et plus d'un billion de dollars à des entreprises productrices de pétrole, de gaz et de charbon depuis que l'Accord de Paris a été signé. C'est un billion de dollars qui sert à aggraver la crise des changements climatiques, ce qui éclipse ce que le gouvernement fédéral dépense pour tenter d'éteindre le feu des changements climatiques.
    Leur manque de leadership est aussi reflété dans leur défaut de respecter leur engagement d'atteindre la carboneutralité alors qu'il y a une augmentation massive des investissements relatifs à l'ESG aux États‑Unis. Elles peuvent déclarer qu'elles ont le courage de leurs convictions, mais ces convictions semblent changer selon qu'elles écrivent au trésorier de l'État du Texas qui est républicain, pour lui dire qu'elles appuient le financement des combustibles fossiles, ou qu'elles présentent, comme au printemps dernier, un témoignage devant le Comité selon lequel elles ont à cœur de mettre un frein aux changements climatiques.
    Nous voyons aussi une absence de leadership dans leurs activités de lobbying, lesquelles visaient à ralentir la transition énergétique. Elles disent qu'elles veulent que la transition se fasse dans l'ordre même si la plus grande source de désordre, c'est une météo extrême due aux changements climatiques et qui cause des incendies, des inondations, des bris de routes, la destruction de maisons et de la sécheresse.
    Qu'il s'agisse de Jasper en juillet ou de la Floride le mois dernier, les coûts de l'inaction sont tout autour de nous, et nous ne devrions pas en faire fi.
    Une femme sage a déjà dit que, lorsque quelqu'un vous dit qui il est, croyez‑le. Les banques nous disent qu'elles sont prêtes à suivre, non pas à diriger en ce qui concerne les changements climatiques, or il manque toujours une réglementation financière dans la stratégie climatique du Canada.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander encore une fois de sauver les banques d'elles-mêmes, et par conséquent de nous aider à nous sauver du chaos des changements climatiques en vous servant de tous les outils réglementaires et législatifs à votre disposition pour harmoniser le système financier canadien avec l'Accord de Paris sur le climat.
     À cette fin, je me joins à mes collègues du mouvement environnemental pour vous dire que nous espérons que votre rapport inclura des recommandations qui viseront, premièrement, à écarter tout combustible fossile d'une quelconque taxonomie financière durable; deuxièmement, à élaborer des règlements en vertu du droit existant pour exiger de toutes les institutions financières et de toutes les grandes entreprises de ressort fédéral qu'elles mettent en place un plan de transition en matière de changement climatique qui s'aligne avec l'objectif de 1,5 degré indiqué dans l'Accord de Paris et, troisièmement, à appuyer l'adoption d'un projet de loi complet comme le projet de loi S‑243, soit la Loi sur la finance alignée sur le climat.
    Nous avons vu récemment un certain mouvement au chapitre de la taxonomie qui est en cours d'élaboration. Les règles de taxonomie et de divulgation sont importantes, mais, tel qu'elles ont été planifiées, elles ne permettront d'offrir que de l'information que d'autres personnes peuvent utiliser pour faire, espérons‑le, la bonne chose.
    Nous devons cesser d'espérer que ceux qui ont beaucoup d'argent feront la bonne chose et les obliger à cesser de faire partie du problème et à commencer à constituer une bonne partie de la solution en matière de changement climatique.
    Merci de m'avoir accordé de votre temps et de m'avoir écouté.
(1110)

[Français]

     Merci, monsieur Stewart.
    Nous passons maintenant à Me Julien Beaulieu, qui est avocat et chercheur au Centre québécois du droit de l'environnement.
    Maître Beaulieu, vous avez la parole.
    Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui.
    Je représente le Centre québécois du droit de l'environnement, ou CQDE, le seul organisme à but non lucratif à offrir une expertise indépendante en droit de l'environnement au Québec.
    Aujourd'hui, je vais vous parler des risques associés à l'écoblanchiment, soit la communication d'informations fausses, trompeuses ou sans preuve sur les caractéristiques environnementales. L'écoblanchiment est un problème majeur, car il empêche les investisseurs de faire des choix éclairés, et il ralentit la transition et érode la confiance des marchés. L'écoblanchiment peut également déstabiliser le système financier, notamment en menant à des ventes précipitées d'actifs financiers.
     Il existe malheureusement des risques importants d'écoblanchiment dans le secteur financier au Canada. Par exemple, plusieurs instruments financiers émergents, comme les obligations vertes, les obligations liées à la durabilité et les crédits de compensation carbone volontaires, ne sont assujettis à aucune exigence minimale, tant sur le plan du contenu que sur le plan procédural.
    Comme vous le savez sans doute, le projet de loi C‑59, qui a été adopté en juin dernier, constitue une certaine avancée en matière de lutte à l'écoblanchiment. Depuis, les organisations doivent détenir des preuves lorsqu'elles font des allégations environnementales. En d'autres mots, si on dit être « vert », il faut être capable de le démontrer, ce qui est une bonne chose. Cependant, ces mesures ne s'appliquent qu'aux divulgations volontaires portant sur les avantages environnementaux. Il est donc possible qu'elles ne soient pas applicables à certaines allégations, comme celles portant sur les risques environnementaux, par opposition aux répercussions.
     Évidemment, ces mesures n'exigent aucune divulgation d'information aux investisseurs et n'imposent aucun langage commun sur la façon de communiquer ces informations. Enfin, même si, en vertu de cette loi, les organisations sont tenues d'avoir des preuves pour soutenir leurs allégations, ces preuves n'ont pas à être divulguées au public, ce qui complexifie l'identification des cas d'écoblanchiment.
    Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé deux mesures qui pourraient aider à améliorer la situation. Premièrement, le gouvernement a annoncé qu'il obligerait les grandes entreprises de compétence fédérale à divulguer publiquement des informations en lien avec les changements climatiques, ce qui risque d'inclure une certaine forme de divulgation des émissions de GES par ces entreprises.
    Cette mesure est positive, mais, pour s'assurer de son efficacité, il faut qu'elle porte sur la divulgation, aussi bien des risques que des effets environnementaux. Les citoyens, les consommateurs et les investisseurs veulent savoir quelles sont les répercussions environnementales des activités des entreprises et veulent que cette information soit divulguée dans un format clair et standardisé. Des règles de divulgation générales qui permettraient aux entreprises d'omettre ou de maquiller l'information défavorable doivent absolument être évitées. De plus, il faut que ces divulgations aillent au-delà des questions climatiques et que, pour ce faire, on y inclue notamment la biodiversité, la pollution, l'extraction des ressources naturelles, et ainsi de suite.
    La seconde mesure annoncée par le gouvernement, il y a quelques jours, est la création d'un groupe indépendant de consultants qui sera responsable de développer une taxonomie financière. Cette taxonomie, qui ne sera pas rendue publique avant un an, créerait un système de classification et établirait des critères officiels pour qu'un projet soit qualifié de « vert » ou de « transition ». Cette mesure a, elle aussi, beaucoup de potentiel. Par contre, pour que cette taxonomie atteigne ses objectifs, trois éléments, dont certains ont déjà été mentionnés par mes collègues, sont essentiels: (i) elle doit inclure des critères crédibles, fondés sur la science, qui ne donnent pas le feu vert à des projets nuisibles à l'environnement; (ii) elle doit être obligatoire pour empêcher l'émergence de taxonomies concurrentes plus faibles — jusqu'à maintenant, c'est une taxonomie volontaire qui a été annoncée, ce qui n'est pas suffisant, selon moi; (iii) elle doit disposer d'une structure de gouvernance qui garantisse que ses critères restent robustes face à de futures pressions politiques.
    Une fois la taxonomie adoptée, et en tenant pour acquis qu'il s'agira d'une bonne taxonomi, il faudra rapidement l'intégrer dans l'écosystème réglementaire, notamment en forçant les organisations à divulguer leur niveau d'alignement, en normalisant l'étiquetage des produits financiers, en forçant les sociétés d'État à se fixer des objectifs en fonction de la taxonomie, et ainsi de suite.
    Afin de compléter ces deux mesures, nous suggérons de rendre les obligations de divulgation des institutions financières fédérales plus contraignantes, plus précises et plus englobantes, notamment en convertissant les actuelles obligations prudentielles en obligations réglementaires et en imposant la divulgation des impacts climatiques, et pas uniquement des risques, mais aussi de l'information sur d'autres aspects environnementaux comme la biodiversité.
    Enfin — nous pourrons en parler davantage au cours de la séance —, nous recommandons de bonifier les activités de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, pour ce qui est de la finance durable, et de réglementer l'utilisation et la distribution de crédits carbone volontaires, c'est-à-dire les fameux crédits que certains d'entre nous utilisent pour contrebalancer l'effet de nos vols d'avion, par exemple. Nous croyons que ce domaine mériterait aussi d'être réglementé.
    Je m'arrête ici et vous remercie.
(1115)
     Merci beaucoup, maître Beaulieu.
    Maintenant, c'est au tour du professeur Aswath Damodaran, professeur à la Stern School of Business, de l'Université de New York.

[Traduction]

    Monsieur Damodaran, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
    Merci d'être présent avec nous aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous parler du point de vue de quelqu'un que je ne suis pas: je ne suis pas un climatologue. Je ne suis pas un expert de la finance. Je ne suis pas un macro-économiste. Je ne suis pas un chercheur universitaire. Je suis un dilettante, qui s'intéresse à beaucoup de choses, et j'ai passé plus de 40 ans à observer la façon dont les entreprises et les investisseurs se comportent. Ce que j'ai découvert, c'est que la psychologie et la perception ont beaucoup plus d'incidence sur ce comportement que les modèles économiques.
    En tant que personne de l'externe, je vais vous expliquer mon point de vue sur ce que j'ai vu se produire au chapitre des changements climatiques. Ce ne sera peut-être pas diplomatique, mais je préfère entrer dans le vif du sujet.
    Voilà ce que j'ai vu au cours des 20 dernières années: le changement climatique est le sujet le plus publicisé, le sujet contre lequel on nous met le plus en garde et la crise existentielle la plus abordée à ma connaissance. Vous dites que l'on comprend pourquoi; très bien.
    Ensuite, les gouvernements partout dans le monde affirment qu'ils prennent les changements climatiques au sérieux. En fait, chaque année, ils se réunissent; la réunion la plus récente était la COP28. Cet environnement est empreint d'hypocrisie, tout comme ce qui a été dit à Dubaï. On parle de la façon dont on va changer le monde. On établit des objectifs qui, comme tout le monde le sait, ne seront jamais atteints. Je vous garantis qu'il y aura une COP29, peut-être à Riyad, où on refera encore une fois tout le processus.
    Toutes les sociétés et les entreprises se disent vertes. Elles déclarent être préoccupées par les changements climatiques. Je vais avoir un haut‑le‑cœur la prochaine fois que je vais voir le terme « carboneutralité » dans les états financiers d'une entreprise ou quand une ligne aérienne me demandera de débourser 40 $ de plus si je veux réduire mon empreinte carbone.
    Dans le cadre de ce processus, les entreprises ont été aidées et conseillées par des consultants et des experts qui leur ont fourni les mots à la mode. Voyons la réalité en face: ESG n'est qu'un acronyme. Cette réalité ne mérite même pas d'être une idée ou un concept — c'est un acronyme.
    La durabilité est tout autant un terme creux. Ces consultants ont dit à ces entreprises qu'elles peuvent avoir le beurre et l'argent du beurre, qu'elles peuvent être vertes et avoir plus d'argent.
    C'est le même phénomène avec les investisseurs. Ils ont investi des billions de dollars. Ne me dites pas que nous n'avons pas investi suffisamment d'argent dans des domaines verts. Ils ont investi des billions de dollars, et on leur a promis qu'ils obtiendraient un excellent rendement tout en étant vertueux.
    On a trouvé de nombreuses façons de montrer aux clients à quel point ils sont géniaux. Ils peuvent acheter des produits verts. Ils peuvent investir dans des fonds verts. Ils peuvent se comporter mal, à longueur de journée, revenir à la maison, acheter des fonds relatifs à l'ESG et dire « tout va bien maintenant ».
    Voici la réalité qui, selon moi, fait le plus réfléchir. Après 20 ans, et après avoir investi des billions de dollars, et en avoir discuté en long et en large, vous remarquerez que notre quantité d'énergie produite par des combustibles fossiles demeure presque inchangée. En fait, vous savez que notre dépendance aux combustibles fossiles a diminué davantage entre 1975 et 1995 qu'au cours des 20 dernières années. Pourquoi? En raison de la seule source d'énergie de rechange que la plupart des gens militant pour l'énergie verte déclarent détester: l'énergie nucléaire.
    Au cours des 20 dernières années, notre dépendance envers les combustibles fossiles est passée de 85 à 81,5 %. Nous avons réduit notre dépendance de 3,5 %, et nous avons déboursé 10 billions de dollars pour ce fait extraordinaire. Je vais vous laisser faire les calculs par vous-mêmes. Si vous voulez vraiment réduire la dépendance envers les combustibles fossiles de 50 %, faites le calcul. Cette notion selon laquelle vous pouvez être vertueux sans faire de sacrifice est au cœur de ce problème.
    Je ne peux pas vous donner de conseils sur ce que vous devriez faire en ce qui concerne les banques et votre fonds de pension, mais je vais vous dire ce que je pense. Je pense que vous devez arrêter de parler d'apocalypse. Pensez-vous réellement que de dire aux gens que ce sera la fin du monde dans 35 ans fera en sorte qu'ils se comporteront mieux? C'est comme de dire à quelqu'un qui a 60 jours à vivre « comporte-toi de façon saine ». Cela n'arrivera pas. Même si vous croyez que ce sera la fin du monde si les objectifs en matière de changement climatique ne sont pas atteints, le dire aux gens est la pire stratégie psychologique.
    Ensuite, il faut retirer la notion de vertu de cette discussion. La notion selon laquelle si vous croyez que les changements climatiques sont importants, vous êtes une bonne personne, et si ce n'est pas le cas, vous n'êtes pas une bonne personne, contamine la discussion. Le parfait devient l'ennemi du bien.
    Soyons honnêtes: la plupart des recherches relatives à l'ESG, et à la durabilité ne valent pas le papier sur lequel elles sont rédigées, mais les recherches qui se penchent davantage sur le dossier ont conclu qu'il est préférable d'avoir des teintes de gris que du blanc et du noir, qu'il est préférable d'investir dans une innovation brune qu'une innovation verte et d'accepter les teintes de gris, et qu'un changement graduel sera beaucoup plus efficace que de dire « Eh bien, si vous ne faites pas ça, nous allons mourir ».
(1120)
    Monsieur Damodaran, c'est une déclaration fascinante, et je pense que nous aurons une excellente discussion aujourd'hui, mais je dois vous arrêter afin de passer aux questions et aux réponses et d'explorer ces idées davantage.
    Nous allons commencer par M. Mazier pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Damodaran, mes questions s'adressent à vous aujourd'hui.
    Est‑ce que les déposants canadiens sont exposés à un risque si le gouvernement rend obligatoires des taux d'ESG ou des déclarations d'intérêt liées au changement climatique pour les institutions financières?
    Cela revient à ce que j'ai dit, soit que le sacrifice va au cœur du fait d'être bon. Si vous allez demander aux banques de faire quelque chose, vous devez demander « Qui paie pour cela? » Ce sont les banquiers. Cela ne provient pas de la richesse personnelle des banquiers. La capitalisation boursière des cinq plus grandes banques canadiennes, ensemble, serait une infime portion des coûts nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de changement climatique.
    Si vous demandez aux banques d'assumer ces coûts — et ce que j'entends, quand on dit ça, c'est que vous devez prêter de l'argent à des entreprises d'énergie verte à des taux plus bas que le taux du marché, parce que si c'est au taux du marché, vous n'avez pas besoin de tout cela — devinez qui assumera les coûts? Ce seront les déposants. Est‑ce que c'est vraiment ce que vous voulez dans le cadre de ce processus?
    Le fait d'agir comme si les banques étaient de grandes entreprises technologiques ayant des centaines de milliards de dollars à dépenser revient à se leurrer, donc, en fin de compte, si vous imposez des choses aux banques, les gens qui paieront pour cela — et je peux presque vous garantir le résultat —, ce ne seront pas les actionnaires et les gestionnaires; ce seront les déposants, et je pensais que votre rôle, c'était de les protéger.
(1125)
    Merci.
    Cela concerne ma prochaine question. Quelle sera l'incidence sur l'épargne-retraite si le gouvernement force les caisses de retraite canadiennes à divulguer de l'information liée aux changements climatiques pour tenter d'atteindre les objectifs en matière de changement climatique de Paris?
    Je vais être très honnête: j'appelle ça « une diarrhée de divulgation ». Cela se passe partout — dans les entreprises, dans les caisses de retraite.
    Savez-vous quel sera le résultat final de toute cette divulgation? Nous devenons immunisés. Nous aurons 150 pages… en fait, si vous voulez réellement avoir des lois inefficaces, adoptez plus de lois sur la divulgation. Cela immunisera en fait davantage les gens, qui ne voudront plus débattre de changement climatique parce que vous allez intégrer des choses importantes et des choses sans importance dans cette divulgation. Si, en fait, il y a un coût que doivent assumer les caisses de retraite, alors vous devez encore vous demander « Est‑ce que c'est le bon groupe de personnes qui doit assumer les coûts? »
    Est‑ce que le fait que le gouvernement réglemente la cote d'ESG et les divulgations d'intérêt relatives au changement climatique des institutions financières a une incidence sur la réduction des émissions?
    Eh bien, même les services relatifs à l'ESG ne savent pas ce que servent à mesurer les critères d'ESG. L'ESG est la notion la plus diffuse, la plus mal définie… C'est comme essayer de clouer du Jell‑O au mur. Si les services d'ESG ne savent pas ce qu'ils mesurent, comment diable les gouvernements pourront-ils exiger des entreprises qu'elles suivent les règles à cet égard? Encore une fois, on va tout droit à la catastrophe.
    Il n'y aurait essentiellement aucune façon de mesurer la réduction de nos émissions.
    Eh bien, les entreprises peuvent divulguer ce qu'elles veulent, mais si vous regardez le résultat final, quelque chose ne fonctionne pas. En fait, si vous recueillez ce que les entreprises disent qu'elles ont fait et que vous regardez le résultat, vous allez dire « Pourquoi est‑ce que cela ne se reflète pas dans les résultats? » Il y a loin de la coupe aux lèvres. La divulgation de ces données ne semble pas être reflétée dans les derniers chiffres.
    Je pense que c'est une question que nous devrions poser: Pourquoi, après 20 ans où l'on a forcé les entreprises à divulguer ces données, et encore plus au cours des dernières années, est‑ce que rien n'a changé sur le terrain?
    Merci.
    Dans l'une de vos présentations, vous avez parlé de « l'assiette au beurre de l'ESG ». Pouvez-vous expliquer ce que vous vouliez dire et comment les banques et les consultants bénéficient le plus des cotes d'ESG et des divulgations liées au changement climatique?
    BlackRock était vraiment en tête de file pour ce qui est d'accéder à l'assiette au beurre, et ce, très tôt. En fait, Larry Fink a dit que le monde ne sera pas en sécurité si nous n'avons pas d'ESG. J'ai jeté un œil sur le Fonds de durabilité de BlackRock, qui est un fonds axé sur l'ESG, et je l'ai comparé au fonds ordinaire. Dans 497 cas sur 500, les actions de fonds ordinaires se retrouvaient dans le fonds de durabilité. La différence, c'était que BlackRock demandait cinq fois plus d'argent pour le Fonds de durabilité que pour le fonds ordinaire.
    Lorsque vous regardez les gestionnaires de fonds, les banquiers et les consultants, vous voyez que chacun d'eux fait des investissements qui touchent l'ESG, et les responsables de ce secteur font de l'argent en vendant cette notion aux gens, encore une fois, en faisant valoir l'idée que vous pouvez être bons et accumuler plus de valeur en même temps.
    Merci.
    Est‑ce qu'il a été prouvé qu'augmenter les taux relatifs à l'ESG ou les divulgations des impacts climatiques augmente la valeur ou diminue le risque?
    Pas à ma connaissance. Comme je l'ai dit, j'ai consulté chaque document de recherche à cet égard. Les documents où il est indiqué que c'est le cas sont des plaidoyers que l'on fait passer pour des documents de recherche.
    Après tout, je vis dans le monde de la valeur. C'est ce que je fais. J'assigne une valeur aux entreprises. Je n'ai pas encore vu d'entreprise où les critères ESG ont fait augmenter sa valeur. Cela leur en fait perdre, mais lorsque les critères ESG font augmenter la valeur d'une entreprise, c'est en raison du marketing. À ce moment‑là, vous jouez le système. Vous encouragez ce que vous appelez l'écoblanchiment en mettant cette idée dans la tête des entreprises.
    Merci.
    Vous avez dit ce qui suit dans le Financial Times:
Cette définition inconstante avantage les défenseurs des critères ESG, puisque, comme les socialistes du XXe siècle qui, pour expliquer chacun de leurs échecs, répondaient toujours que leurs idées n'avaient jamais été mises en œuvre adéquatement, ils répondent à chaque critique touchant l'ESG en disant que le concept est mal défini ou mal mis en œuvre.
    Que voulez-vous dire par cela?
(1130)
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Damodaran.
    Merci.
    On me reparle beaucoup de ce commentaire. En vérité, en ce qui concerne ce que mesure l'ESG, si vous mettez 100 défenseurs de l'ESG dans une même salle, il y aura 100 définitions différentes. Peu importe ce que vous critiquez, ils diront que ce n'était pas leur ESG que vous critiquez. C'est très pratique, mais pas tellement honnête.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Ali pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. van Koeverden.
    Merci aux témoins d'être présents aujourd'hui.
    Monsieur de Arriba-Sellier, quelles sont les pratiques exemplaires mondiales dont vous pouvez nous parler pour garantir que le secteur privé fasse des affaires d'une façon qui appuie les objectifs relatifs au changement climatique et à l'environnement?
    Merci beaucoup. C'est une question très intéressante. Bien entendu, je ne pense pas qu'on ait le temps de toutes les examiner ni même d'en examiner une bonne partie en cinq minutes.
    Ce que je dirais, c'est que je suis en accord avec certains commentaires qui viennent d'être formulés quant au fait que l'ESG est un ramassis de tout et de rien, mais les changements climatiques constituent un risque bien réel. À cet égard, vous pouvez voir des politiques qui peuvent en fait changer les choses. Par exemple, l'Union européenne vient d'adopter la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui oblige chaque grande entreprise à avoir un plan de transition pour atteindre la carboneutralité. Cela peut être très efficace.
    Comme j'y ai fait allusion dans mes déclarations liminaires, je crois qu'il faut concevoir des règles sur la divulgation tant que les divulgations sur la durabilité sont alignées sur la divulgation financière. Par exemple, les entreprises ne peuvent pas clamer leur engagement à atteindre la carboneutralité sans que cela ne soit reflété dans leurs états financiers. C'est, je crois, semblable à ce que M. Damodaran disait.
    Une autre politique qui pourrait être utile, par exemple, c'est la politique de l'Union européenne sur les banques. Les règlements de l'Union européenne sur les banques ont récemment été modifiés pour exiger des directeurs de banque qu'ils aient suffisamment d'expertise au sujet des risques climatiques et des changements climatiques, ainsi qu'un plan de transition, etc. Encore une fois, cela peut aussi être important et mener à quelque chose.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Keith Stewart.
    Présumons que notre objectif commun est de nous assurer que le secteur financier établit des objectifs relatifs au changement climatique et à l'environnement, selon vous, quel rôle doit jouer le gouvernement pour permettre cet alignement?
    Je partage la frustration qui a été exprimée au sujet de programmes volontaires, qui demandent aux gens de faire la bonne chose parce que c'est la chose à faire. Ce qui importe, aux yeux des entreprises, c'est le profit, la motivation et les règles… obéir aux règles.
    Ce que nous devons vraiment faire, c'est avoir des règles qui façonnent la sphère financière afin de réellement investir dans des solutions influant sur le changement climatique. Y a‑t‑il un coût associé au fait de passer à l'acte face aux changements climatiques? Oui. Y a‑t‑il un coût associé à l'inaction face au changement climatique? Absolument.
    Il y a diverses choses qui peuvent être faites conformément aux règlements existants. Certains de mes collègues ont présenté des propositions détaillées qui expliquent en quoi le fait d'exiger des entreprises qu'elles aient des plans de transition pour atteindre la carboneutralité ou des plans de transition relatifs au changement climatique pourrait aider à arriver à nos fins. Nous avons aussi suggéré des choses comme modifier les exigences liées au capital à risque et imposer une double importance relative.
    Le gouvernement peut se servir d'une multitude d'outils. Nous avons des exemples provenant de l'Union européenne et d'ailleurs dont nous pourrions nous inspirer, mais nous devons vraiment harmoniser là où va l'argent avec ce que nous devons faire pour protéger les gens. Ce n'est pas le cas présentement, parce que nous sommes obsédés par les intérêts à court terme. C'est le travail du gouvernement d'adopter un point de vue à long terme et d'aider à façonner le terrain pour que nous allions tous dans la même direction, plutôt que d'investir de l'argent dans des choses qui ne font qu'aggraver le problème — les combustibles fossiles — pendant que le gouvernement tente de compenser en faisant ses propres investissements.
    Nous devons en fait aligner les finances privées et les finances publiques et des choses comme la Loi sur la finance alignée sur le climat ou les plans de transition relatifs au changement climatique qui ont été proposés. Ce sont les outils dont on peut se servir pour rassembler les deux secteurs et pour nous permettre d'avancer dans la même direction et d'accélérer la transition énergétique qui nous protégera de ces risques en matière de changement climatique, et qui protégera également notre économie de ce que M. Arriba-Sellier a qualifié de risque de transition, l'un étant de ne pas réussir à combler la demande de pétrole dans un monde où le pétrole est l'exportation numéro un. Si nous ne nous y prenons pas bien, nous serons écrasés.
    Merci.
(1135)
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Environ 45 secondes.
    Puis‑je les céder à M. van Koeverden?
    Merci, monsieur Ali.
    J'ai deux questions rapides.
    Monsieur Arriba-Sellier, à votre connaissance, y a‑t‑il actuellement une loi ou un règlement canadien qui oblige ces grandes banques à dire qu'elles sont carboneutres?
    D'accord, merci.
    RBC et TD — toutes les grandes banques — disent qu'elles aimeraient être carboneutres.
    Monsieur Stewart, RBC finance actuellement les sables bitumineux à hauteur d'environ 13,4 milliards de dollars, et elle a investi environ 42 ou 43 milliards de dollars dans les combustibles fossiles. Est‑ce compatible avec un objectif visant la carboneutralité?
    Il vous reste 10 secondes.
    En bref, non. Les banques canadiennes sont parmi celles qui investissent le plus dans les combustibles fossiles si on regarde les taux, et nous devons changer cela.

[Français]

     D'accord.

[Traduction]

    Si elles disent une chose…

[Français]

    Monsieur van Koeverden, votre temps de parole est écoulé.
    Madame Pauzé, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie beaucoup tous les témoins de leur présence.
    Monsieur Stewart, beaucoup de questions que j'aurais aimé vous poser l'ont déjà été par mes collègues.
    Je vais donc vous poser une autre question.
    On sait que les banques canadiennes ont refusé de se désinvestir des combustibles fossiles et que le gouvernement libéral continue de fournir des milliards de dollars en subventions. On ne peut pas empêcher le gouvernement de faire des promesses en matière de changement climatique. Cependant, peut-on empêcher les banques de continuer d'investir dans le secteur qui est responsable de l'échec climatique?
    J'aimerais que vous me répondiez brièvement, parce que j'ai beaucoup de questions à poser à M. Beaulieu.

[Traduction]

    J'aimerais seulement répéter certains points que j'ai fait valoir plus tôt. La seule façon de réellement changer cela, c'est de mettre en œuvre des règles qui changeront la situation.
    Il y a aussi un problème culturel au Canada. Le PDG de la CIBC se plaît à dire que le pétrole c'est « une affaire de famille » au Canada, et que les banques canadiennes s'alignent étroitement avec notre industrie du pétrole parce que c'est une grande industrie d'exportation, et que cela nous rend aussi particulièrement vulnérables à la transition énergétique.
    Je vais m'arrêter là.

[Français]

     Merci, monsieur Stewart.
    Monsieur Beaulieu, je pense que vous êtes un spécialiste de l'écoblanchiment. Nous en avons beaucoup parlé lors de précédentes réunions.
    Une taxonomie pourrait-elle empêcher le financement des projets pétroliers et gaziers?
     Non. Pas du tout.
    On peut se demander pourquoi il y a autant d'hésitation à l'adopter et à l'intégrer dans les obligations réglementaires. Cela n'empêchera personne d'investir dans quelque secteur de l'économie que ce soit. Une taxonomie est une étiquette. Cela crée donc simplement une étiquette. Ensuite, on laisse le marché décider où les capitaux devraient être investis.
    Veut-on investir des capitaux dans des projets de transition ou des projets verts, ou veut-on continuer d'investir dans les actifs traditionnels?
    Il faut arrêter de penser qu'une taxonomie...
     Il ne faut pas croire que cela va tout régler.
     Oui. Cela a du potentiel et cela a des effets positifs, parce que cela clarifie les règles du jeu.
    En fait, cela règle deux problèmes, dont un problème de coordination. Le professeur Damodaran en a parlé. Cela fait en sorte que les gens utilisent les mêmes définitions et les mêmes mots, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Ainsi, quand on parle d'un projet vert, on comprend ce dont il s'agit, et il en va de même quand on parle de taxonomie. Cela peut régler des problèmes d'information liés à la divulgation en forçant les gens à divulguer dans quelle mesure ils sont alignés sur les objectifs de la taxonomie.
    Toutefois, cela n'empêche pas le financement de certaines activités.
    Cela peut-il même favoriser l'écoblanchiment?
     Cela peut favoriser l'écoblanchiment si le gouvernement du Canada adopte une définition officielle qui dit qu'un certain projet est vert, alors que la science dit autre chose. Cela entraînerait des problèmes de crédibilité liés à une taxonomie qui endosserait certaines activités qui ne sont pas vertes ou qui ne font pas l'objet d'un consensus.
    On peut se permettre de pécher par excès de prudence, dans ce domaine, sachant que cela n'empêchera pas le financement d'activités qui ne sont pas vertes ou de transition. Cela dit, au moins, on ne leur accordera pas cette étiquette et on ne leur donnera pas cet avantage supplémentaire qui permettrait aux entreprises d'obtenir une prime verte associée à une obligation verte, par exemple.
    Lors d'autres rencontres que nous avons tenues à ce sujet, beaucoup de gens sont venus nous dire que le Canada n'avait pas encore de taxonomie, alors qu'il y en avait une à peu près partout ailleurs sur la planète — j'exagère un peu — et que le Canada était donc très en retard.
    Comme cela existe ailleurs, mon collègue M. van Koeverden suggérait que l'on fasse du copier-coller pour gagner du temps. Or on a décidé de mettre sur pied un comité qui ne sera formé que dans un an. Or il me semble que nous faisons face à une urgence climatique.
    Y aurait-il une façon de s'assurer que ce cadre de référence est mis en pratique rapidement?
(1140)
     Oui. Comme l'a dit une de mes collègues, si on met en place un comité pour créer un comité qui va finir par adopter quelque chose, cela risque de prendre du temps, et le cadre pourrait ne pas voir le jour ou ne pas être utilisé. C'est cela, le problème. On ne peut pas créer un dictionnaire qui finira sur une tablette. On veut un dictionnaire qui sera utilisé par les gens, par les investisseurs et par les institutions financières. Une taxonomie dont on ne se sert pas est parfaitement inutile.
    Une façon de la rendre utile est de l'intégrer dans les obligations de reddition de comptes et dans les cibles. Beaucoup de sociétés de la Couronne ont des objectifs d'investissement responsable et doivent investir une certaine partie de leurs capitaux dans certaines activités. Intégrons cela dans leurs obligations de reddition de comptes et dans leur mandat d'investissement.
    Il y aura des obligations de divulgation pour les sociétés fédérales. Alors, faisons en sorte qu'elles divulguent aussi le pourcentage de leurs actifs qui répond aux critères de la taxonomie. Ainsi, on donne plus de mordant à celle-ci.
    Cela devient donc transversal.
    Le projet de loi C‑59 à propos de la Loi sur la concurrence a été adopté au mois de juin. Est-ce suffisant, d'après vous, pour lutter contre l'écoblanchiment?
     Ce n'est pas suffisant, et ce, pour deux raisons.
    Premièrement, cela s'applique seulement aux déclarations volontaires. Si une entreprise décide volontairement de dire qu'elle est verte ou durable, ou encore qu'elle respecte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, peu importe, elle devra le prouver. Toutefois, si une entreprise décide de ne rien dire, elle ne donne aucune information au marché pour prendre des décisions. Cela ne règle donc pas le problème d'asymétrie de l'information.
    Deuxièmement, on oblige les entreprises à fournir des preuves chaque fois qu'elles avancent quelque chose, par exemple lorsqu'elles se disent vertes; or il n'y a pas d'obligation de divulguer ces preuves. Imaginons que, demain matin, mon conseiller financier me dit d'investir dans un produit qui répond aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ou dans un produit durable; il m'assure que je peux le faire en toute confiance, puisque les entreprises sont obligées, en vertu de la loi, de prouver que le produit en question est vert. Si je lui demande de me montrer ces preuves, il pourra me dire qu'il ne le peut pas.
    D'accord.
    Pourquoi les initiatives de divulgation volontaire ne suffisent-elles pas?
     Les six minutes sont écoulées, mais vous pourrez peut-être répondre à cette question lors d'une autre intervention, maître Beaulieu.
    Madame Collins, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leur présence, ici, aujourd'hui.
    Je tiens particulièrement à souligner les commentaires de M. Stewart et de M. de Arriba-Sellier à propos de l'ajout des combustibles fossiles à la taxonomie et des dangers que cela représente.
    Ma question s'adresse sans doute à vous deux, mais je commencerai par vous, monsieur Stewart.
     Le gouvernement a récemment annoncé son cadre relativement à la taxonomie tant attendue, et la porte a manifestement été laissée ouverte pour l'ajout des combustibles fossiles.
    Pouvez-vous nous parler un peu des dangers? Croyez-vous, comme beaucoup d'autres l'ont mentionné, qu'il serait préférable de ne pas avoir de taxonomie, plutôt que d'en avoir une qui inclut les combustibles fossiles?
    Oui, tout se joue dans les détails.
    Comme l'a dit M. Damodaran, si on vous laisse définir vous-même ce qui est écologique, vous allez vous retrouver avec un million de définitions. Pour ce qui est de la taxonomie, il faut garder à l'esprit le fait que cela ne veut pas dire qu'il vous est interdit d'investir dans les combustibles fossiles à tout jamais; on dit plutôt qu'il faudrait placer la barre très haut avant de pouvoir déclarer que quelque chose est écologique. Il y a très clairement un vif débat, autant l'intérieur qu'à l'extérieur du gouvernement, sur l'inclusion des combustibles fossiles.
    L'Association canadienne des producteurs pétroliers affirme que les exportations de gaz naturel devraient être réputées écologiques, parce qu'elles permettraient de réduire les émissions liées au charbon ailleurs. Nous recommandons de placer la barre haut et en harmonie avec l'avis scientifique de 1,5 degré. L'Agence internationale de l'énergie et l'Organisation des Nations unies ont toutes deux publié des lignes directrices expliquant comment y arriver. Le Groupe d'experts de haut niveau des Nations unies sur les engagements des entités non étatiques en faveur de zéro émission nette a un tableur Excel que vous pouvez télécharger. C'est une liste de vérification de ce qui est compatible et de ce qui ne l'est pas.
    Une grande partie du travail est terminée, mais il y a tout de même une volonté politique d'ajouter les combustibles fossiles, parce que les combustibles fossiles ont une très grande influence dans la politique canadienne. Si vous vous appuyez sur la science, alors les combustibles devraient être exclus, mais comme le gouvernement a renvoyé la question à un comité, beaucoup de choses vont dépendre de la composition de ce comité.
    Nous allons surveiller cela, mais je dirais qu'il serait préférable de n'avoir aucune taxonomie que d'en avoir une mauvaise.
(1145)
    Merci beaucoup.
    Monsieur de Arriba-Sellier, dans le même ordre d'idées, vous avez parlé du fait que nous devons exclure les combustibles fossiles de la taxonomie et de certains des dangers qui ont été observés à l'étranger. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    La taxonomie de l'Union européenne est un cas que je connais très bien. L'Union européenne était censée être parmi les premiers à adopter une taxonomie, et elle affirmait, à l'époque, que sa taxonomie était le modèle idéal. L'inclusion, à des fins politiques, du gaz dans la taxonomie — laquelle était peut-être nécessaire à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine — a coûté à la taxonomie énormément de crédibilité dans le milieu des investisseurs
    C'est très important que vous respectiez un certain nombre de critères au moment d'établir une taxonomie. Il y a certains critères dans la taxonomie de l'Union européenne qui devraient être repris, et peut-être qu'ils devraient être aussi respectés un peu plus. Des contestations ont été portées devant les tribunaux de l'Union européenne, par exemple, et sa taxonomie a posé des critères fondés sur la science, y compris le principe de ne causer aucun préjudice important, c'est‑à‑dire que toutes les activités visées par la taxonomie ne doivent entraîner aucun préjudice important à l'égard des objectifs environnementaux comme l'atténuation des changements climatiques. Alors, l'ajout des combustibles fossiles causera immanquablement des préjudices graves à l'égard de l'objectif de l'atténuation des changements climatiques. Il y a aussi le principe de précaution.
    Je ne sais pas si le principe de précaution existe en droit canadien. Je sais qu'il s'agit d'un principe de droit dans bon nombre de pays ainsi qu'en droit international. C'est un principe important, parce que certaines choses sont tout bonnement imprévisibles. Par exemple, cela fait des années qu'on documente les conséquences du torchage du méthane, mais ce n'est qu'assez récemment que nous avons découvert à quel point cela est catastrophique en équivalents de gaz carbonique.
    Il est important que ces trois principes — le fondement scientifique, le principe de ne causer aucun préjudice important et le respect du principe de précaution — soient respectés dans la future taxonomie canadienne, si la taxonomie varie.
    Comme les études récentes ont montré une augmentation des émissions attribuables au gaz, surtout le méthane, et que cela avait un effet nuisible sur notre atmosphère et sur la hausse des températures, pourriez-vous nous parler un peu plus de ce genre de recherche, qui tente de prédire si le gaz va remplacer le charbon et nous dire s'il y a un fondement scientifique à l'allégation selon laquelle cela permettra d'une façon ou d'une autre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre? Pourquoi, selon vous, le gouvernement laisse‑t‑il la porte ouverte à cela?
    Je ne suis pas climatologue, alors je ne peux pas vraiment me prononcer quant à la science elle-même, mais comme vous, j'ai lu des études scientifiques, corroborées dans les revues scientifiques Nature et Science, et aussi par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, et ces études montrent effectivement que le gaz ne serait pas propice à la transition, contrairement à ce qu'on croyait. Même dans la taxonomie de l'Union européenne, les critères sont relativement stricts.
    Pour répondre plus directement à votre question, j'aimerais revenir sur l'un des points soulevés par M. Damodaran, à propos de psychologie. Une fois la taxonomie établie — et je pense que M. Beaulieu l'a dit aussi —, c'est comme si on autorisait l'étiquette écologique, et si on autorise l'étiquette écologique, alors tout le monde en voudra, surtout les adeptes de l'écoblanchiment.

[Français]

     Nous devons nous arrêter là, malheureusement.
    Nous passons au deuxième tour, qui sera écourté en raison du temps dont nous disposons. Chacun aura trois minutes de temps de parole, tandis que les députés du Bloc québécois et du NPD auront une minute et demie chacune.
    Je cède maintenant la parole à M. Kram pour trois minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je m'adresserai à M. Damodaran en premier.
    Monsieur, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles avait le plus diminué entre 1975 et 1995 en comparaison de n'importe quelle autre période, et que cela était attribuable à l'adoption de l'énergie nucléaire. Je crois que vous avez aussi parlé « d'hypocrisie » pour décrire le préjugé des militants environnementaux contre l'énergie nucléaire.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce préjugé existe en premier lieu et quels seraient certains des avantages d'adopter l'énergie nucléaire?
(1150)
    Notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles a diminué grâce à l'énergie nucléaire.
    Je pense, encore une fois, que cela s'explique en partie par la tendance à voir le monde en noir et blanc. Si vous refusez les nuances de gris, vous n'avez d'autre choix que de ranger chaque chose d'un côté ou d'un autre, et je ne sais pour quelle raison, peut-être en est‑ce une de sécurité, par-dessus tout, mais l'énergie nucléaire se retrouve souvent du mauvais côté. Une fois que vous vous êtes rangé du mauvais côté, c'est définitif.

[Français]

     Je m'excuse de vous interrompre.
    Allez-y.
     Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais l'objet de notre réunion d'aujourd'hui est la finance durable. Nous avons déjà tenu quatre rencontres sur l'énergie nucléaire et nous avons un rapport à ce sujet. Je ne comprends pas pourquoi l'énergie nucléaire revient sur le tapis. Nous sommes censés parler de finance.
    Oui, mais je pense que le sujet est assez large pour pouvoir y inclure une discussion sur le nucléaire.
    Nous allons continuer. Il reste deux minutes.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, lorsqu'on voit le monde en noir et blanc, une fois que vous êtes rangé du mauvais côté, c'est définitif.
    Je pense que c'est une partie du problème que j'ai soulevé. Les puristes vont ranger chaque type d'énergie d'un côté ou de l'autre, et cela empêche toute possibilité de compromis.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Damodaran, les entreprises qui adoptent des politiques environnementales, sociales et de gouvernance obtiennent-elles un rendement supérieur, par rapport aux entreprises qui n'en ont pas?
    Non. Dans les faits, les taux supérieurs de rendement des entreprises qui ont des normes ESG sont surtout attribuables, vers le début du processus, aux grandes entreprises de technologie qui ont été qualifiées de bonnes entreprises relativement aux normes ESG.
    Cela n'avait rien à voir avec les politiques ESG. Je dis souvent que c'est un effet secondaire accidentel.
    Dans l'éventualité où des entreprises qui adopteraient des politiques ESG obtiendraient effectivement des taux de rendement supérieurs, alors toutes les entreprises feraient de même, et une réunion comme celle de notre comité aujourd'hui n'aurait plus de raison d'être, n'est‑ce pas? Ai‑je visé juste, monsieur?
    Tout à fait.
    Si les politiques ESG et les pratiques durables étaient si avantageuses pour le bilan d'une entreprise, alors pourquoi aurait‑on besoin de telles normes en premier lieu? Les entreprises le feraient de leur propre initiative.
    Monsieur Damodaran, dans votre déclaration préliminaire, vous avez aussi donné l'exemple de frais de 40 $ qu'on vous demande de payer, à l'achat d'un billet d'avion, pour réduire votre empreinte carbonique. Quels conseils donneriez-vous aux gens, la prochaine fois qu'on leur demandera de payer des frais de 40 $ pour faire réduire leur empreinte carbonique, la prochaine fois qu'ils achèteront un billet d'avion?
    Il vous reste 30 secondes, monsieur.
    Vous seriez fou de payer. Je ne paierais pas.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, monsieur?
    Cet argent sera peut-être utilisé pour planter un arbre en Oregon, mais l'argent pourrait aussi aboutir dans les poches de quelqu'un. Je pense, pour revenir à l'assiette au beurre dont j'ai parlé, que nous voyons très peu de résultats, malgré tout cet argent.

[Français]

     Merci.
    Madame Chatel, la parole est à vous.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Le Comité a eu la chance de recevoir des économistes de l'OCDE, de même que plusieurs économistes du Canada. Ils nous ont tous mentionné que le Canada devait impérativement agir dans le domaine de la finance durable, parce qu'il s'agit d'une question de compétitivité internationale. On voit le flux des capitaux étrangers se diriger vers des pays qui ont adopté la taxonomie et la divulgation obligatoire des grandes entreprises.
     J'aimerais beaucoup qu'on parle plus en profondeur de l'importance de l'annonce faite par le gouvernement au mois d'octobre, le 9 octobre plus précisément, sur deux grands piliers de cette finance verte. Il y a évidemment la taxonomie d'une finance verte, d'une finance de transition, et la divulgation obligatoire.
    Monsieur de Arriba‑Sellier, je vais d'abord m'adresser à vous. Pouvez-vous nous décrire les avantages d'une telle taxonomie en Europe, tant pour l'économie des pays que pour la compétitivité des entreprises européennes qui cherchent à attirer les capitaux étrangers?
     Merci beaucoup.
     Je pense que les taxonomies, qu'elles soient en Europe ou ailleurs, donnent aux entreprises un sens de la direction des politiques publiques. Les taxonomies elles-mêmes sont un support, notamment à des politiques publiques. En Europe, sur la base de la taxonomie, on a donc développé d'autres réglementations sur la divulgation des informations, sur le devoir de vigilance, mais également sur les obligations des banques, etc.
    Dans le cas des pays en développement comme la Chine et le Brésil, qui ont aussi adopté des taxonomies, on voit aussi des politiques monétaires, des politiques de crédit, des politiques économiques d'investissement, des politiques fiscales qui pourraient même aussi soutenir la taxonomie, et cela pourrait effectivement conduire à une dynamique positive d'investissement. En fin de compte, cela pourrait non seulement soutenir la lutte contre le changement climatique, mais aussi le développement économique.
(1155)
     Merci beaucoup.
    Cela nous aiderait donc à atteindre nos cibles par rapport au réchauffement climatique, et ce serait aussi un avantage pour notre économie. C'est donc vraiment bénéfique, à la fois pour l'économie et pour l'environnement.
    C'est bien. Merci beaucoup.
    Vous êtes à trois minutes de temps de parole.
    Dans ce cas, j'aimerais demander rapidement à M. Beaulieu…
     Il ne vous reste plus de temps de parole.
    D'accord.
    Je vous remercie tout de même.
     Je suis désolé.
    Madame Pauzé, vous avez la parole pour une minute et demie. Cela vous laisse assez de temps pour une bonne question.
     Merci.
    Monsieur Beaulieu, je pense aux crédits de compensation carbone volontaires. Tout ce qui touche la divulgation volontaire peut-il entraîner des risques d'écoblanchiment?
    Il est intéressant que le professeur Damodaran en ait parlé. Il semble d'ailleurs avoir une réponse.
    Pour ma part, je crois qu'il faudrait pouvoir acheter ces crédits de compensation, mais qu'ils soient de qualité. Il faudrait une information adéquate sur ce que c'est. Il ne faudrait pas laisser croire que, grâce à ces crédits, on résoudra la crise climatique et que toute entreprise pourra compenser n'importe quoi.
     Le problème ne se trouve pas dans le fait que les crédits existent. C'est bien qu'il y en ait. Cela peut permettre d'investir de l'argent dans des projets de reforestation ou de conservation. Les crédits ont leur rôle à jouer.
    Cela dit, ils présentent deux problèmes. Parfois, ils sont de très mauvaise qualité et ils sont utilisés pour toutes sortes de choses qui n'ont aucun sens...
     Je vous arrête. Merci.
    J'ai une question à poser à M. Stewart.
    Que devrait-on faire pour que les banques canadiennes soient tenues responsables du rôle qu'elles jouent dans l'alimentation de la crise climatique? Y a-t-il quelque chose à faire?
    Veuillez répondre rapidement.

[Traduction]

    Nous devons les obliger à adopter des plans de transition climatiques qui sont en harmonie avec la cible de 1,5 degré. Il y a toutes sortes de façons d'y arriver, mais c'est la priorité, parce qu'autrement, elles vont poursuivre leurs activités comme si de rien n'était. C'est ce que nous constatons, depuis qu'elles ont annoncé leurs engagements d'émissions nettes zéro en 2021: nous n'avons observé aucune différence importante dans leur façon d'agir.
    Merci.
    La parole va maintenant à Mme Collins pour une minute et demie.
    Monsieur Stewart, selon un reportage qui est paru plus tôt ce mois‑ci, si Bay Street était un pays, alors elle arriverait cinquième parmi les plus grands pollueurs climatiques au monde. Ces données sont choquantes, en plus d'être une honte pour le Canada, surtout que nos banques investissent tant dans les combustibles fossiles.
    Pouvez-vous nous parler un peu des risques économiques, des risques que vous voyez, de façon générale, relativement à cette information?
    Oui. Les banques canadiennes et les fonds de pension sont de grands investisseurs dans les combustibles fossiles.
    Je pense que le risque est double: d'abord, il y a le risque d'aggraver les changements climatiques et de subir les conséquences physiques que cela suppose. Nous avons vu ce risque se concrétiser, quand des tempêtes extrêmes ont détruit un grand nombre d'infrastructures.
    Puis, il y a ce qu'on peut appeler le risque découlant de la transition. Disons que les banques canadiennes, les assureurs, etc. continuent d'investir massivement au Canada et à l'étranger dans les combustibles fossiles, et que la planète réussit à se détourner des combustibles fossiles — ce qui, par exemple, est le but de l'Agence internationale de l'énergie —, alors nous assisterons, même sans aucune nouvelle politique climatique, à un resserrement du marché des combustibles fossiles et nous serons pris avec une foule d'éléphants blancs.
    Si cela arrive, nous devrons en payer le prix. Nous finirons par devoir dépolluer tous les vieux puits en utilisant l'argent des contribuables, parce que les entreprises auront fait faillite. Déjà, elles sont très habiles pour ce qui est de nous refiler les coûts. Le reste d'entre nous s'expose également à un énorme risque.
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Deltell pour trois minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup tous les témoins de ces informations pertinentes.
    Maître Beaulieu, vous avez beaucoup parlé, et à juste titre, de l'écoblanchiment. Des gens disent avoir de bonnes intentions ou présentent une belle image, mais, finalement, ce n'est pas tout à fait vrai dans le cas de certaines entreprises ou de certaines personnes.
    J'aimerais que vous nous parliez de l'approche qu'adoptent bien des entreprises, des organismes ou même des individus à ce sujet. Ils prennent l'avion, se déplacent, assistent à des conférences à l'autre bout du monde, en plein désert et, à leur retour, ils achètent des arbres ou des crédits carbone pour se donner bonne conscience.
    J'aimerais connaître votre opinion en matière d'écoblanchiment dans ces situations.
(1200)
     C'est une question très intéressante, parce qu'on voit de plus en plus d'écoblanchiment. Je l'ai constaté récemment, lors d'un festival de camionneurs, où on compensait toutes ces émissions de GES et on se présentait comme étant écoresponsable. On peut se réjouir du fait qu'ils ont compensé leurs émissions de GES, mais, au bout du compte, cela reste un événement très polluant qui ne devrait pas être considéré comme écoresponsable ou durable.
    On peut mettre en place, de manière très concrète, des mesures pour restreindre les cas dans lesquels on peut utiliser ces crédits et le genre d'allégation qui peut être fait grâce à ces crédits. Par exemple, on peut définir des conditions minimales pour l'utilisation et la distribution de crédits. On peut présenter tous les critères minimaux pour être certain que les crédits sont de qualité. En outre, on peut restreindre le contexte dans lequel ils peuvent être utilisés. Par exemple, devrait-on permettre à une compagnie d'aviation d'offrir des vols carboneutres? On ne devrait peut-être pas le permettre. On devrait peut-être permettre l'utilisation des crédits comme bonne mesure en s'assurant qu'on explique bien que ces crédits ne rendent pas les vols d'avion carboneutres, que l'aviation continue d'être un secteur polluant et qu'une transition est nécessaire. Il faut baliser l'utilisation des crédits carbone.
    Ce qu'a fait la Californie est très intéressant. Elle a adopté une loi qui oblige toutes les entreprises utilisant ou distribuant des crédits carbone ou compensatoires à divulguer de l'information sur la qualité de ces crédits. On a donc de l'information sur la qualité et les critères, et on définit à quelles fins les crédits peuvent être utilisés. Le Canada pourrait faire la même chose. Cela pourrait se faire au moyen d'amendements à la Loi sur la concurrence, par exemple. Il y a eu des amendements à cette loi récemment et on pourrait en faire d'autres. On pourrait aussi établir un règlement ou adopter une loi distincte, comme la Californie l'a fait, pour baliser l'utilisation de ces crédits.
    Je suis d'accord sur le fait qu'il y a des risques importants liés à l'utilisation des crédits carbone ou compensatoires. Il semble que tout le monde autour de la table estime que ces crédits peuvent poser des risques d'écoblanchiment assez importants. Il faut baliser leur utilisation.
    Quand le ministre de l'Environnement comparaît ici, il dit toujours qu'il achète tout de suite des crédits carbone lorsqu'il participe à une conférence à l'étranger. Pensez-vous qu'on devrait plutôt favoriser une participation virtuelle? Par exemple, j'assiste de façon virtuelle aux réunions internationales de la COP. Cela ne coûte rien aux contribuables et n'a pas d'impact sur l'environnement, d'autant plus que je me rends à Ottawa en voiture électrique.
    Pensez-vous que le gouvernement devrait avoir des règles un peu plus sévères quand vient le temps de participer à des événements à l'étranger, alors qu'on nous présente de beaux grands principes, mais que la facture environnementale est beaucoup plus élevée que si notre participation était virtuelle?
    Veuillez répondre très rapidement, maître Beaulieu.
     Je pense que nous devrions tous réduire nos vols autant que nous le pouvons. C'est pour cette raison que je vous parle de gouvernance en ce moment.
     C'est parfait.

[Traduction]

    Monsieur van Koeverden, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais reprendre là où s'est arrêté M. Beaulieu, si vous me le permettez.
    J'ai l'impression qu'il y a une certaine confusion au Comité, aujourd'hui, quant à la question de savoir si la taxonomie obligerait toutes les entreprises à adopter des cadres de travail environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou si elles seraient tout simplement tenues d'être honnêtes et directes quant à la faisabilité de leurs objectifs déclarés, parce que nous savons qu'elles ont pris ces engagements à des fins de marketing. Pouvez-vous nous expliquer cela clairement?
    M. Damodaran a laissé entendre que l'adoption d'une taxonomie rendrait certains de ces engagements obligatoires. Est‑ce bien le cas?
    Non. Une taxonomie ne fait que créer une étiquette.
    Disons que vous voulez émettre une obligation verte. Tout le monde sait ce que suppose une obligation verte. Si vous voulez émettre une obligation de transition, alors tout le monde sait ce que suppose une obligation de transition. Vous voudrez peut-être tout de même émettre une obligation ordinaire ou une obligation brune — ou peu importe comment vous appelez cela —, mais au moins, nous saurons ce que ces trois critères précis veulent dire. Tout le monde s'entend pour dire que ces critères doivent être respectés. Nous évitons ainsi la « diarrhée de divulgation » évoquée par M. Damodaran.
    Nous nous assurons de cette façon que tout le monde respecte les mêmes règles. Nous comprenons le sens des mots. Ensuite, s'il y en a qui veulent investir de manière écologique, alors grand bien leur fasse. Si d'autres veulent poursuivre leurs stratégies d'investissement traditionnelles, alors, même si nous ne dirons pas « grand bien leur fasse », ils auront tout de même cette possibilité.
    Quoi qu'il en soit, au bout du compte, ce seront les organismes de réglementation provinciaux qui réglementeront ces obligations. Ce n'est pas ce que fait la taxonomie, dans le cadre actuel.
    Pour que ce soit clair, présentement, les banques peuvent parler de carboneutralité, d’investissements verts ou d’investissements très écologiquement durables, mais comme il n’y a pas de registre… La taxonomie définit ce genre de choses. S’il n’y a pas de définitions, les banques peuvent être aussi malhonnêtes qu’elles le veulent.
(1205)
    Elles peuvent s’engager à investir 200 milliards de dollars dans des projets durables, mais ce sont elles qui définissent ce que « durables » veut dire. C’est aussi la raison pour laquelle vous voudrez peut-être définir le terme « durables » également, en plus de trouver d’autres termes ou d’exiger, à tout le moins, que les banques fournissent de l’information très précise sur ce qu’elles entendent par « durables ».
    Pour faire le lien avec ce que je disais à propos de la Loi sur la concurrence, si vous affirmez que vous investissez dans des projets durables, vous devez avoir des preuves, mais vous n’êtes pas obligé de divulguer ces preuves. Si vous exigez des banques qui affirment qu’elles sont durables qu’elles s’expliquent et qu’elles en fournissent toutes les preuves, alors cela vient ajouter un critère supplémentaire de transparence.
    Merci.
    Monsieur le président, j’aimerais déposer la motion dont j’avais avisé le Comité tout récemment, à propos du projet de loi C‑73, Loi concernant la transparence et la responsabilité en rapport avec certains engagements du Canada dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.
    Je vais la relire, pour le Comité: « À cet effet, le Comité tient au minimum cinq réunions : invite les responsables du ministère de l’Environnement et d’Environnement et Changement climatique Canada; que cette étude débute dans les sept jours suivant l’adoption de cette motion. »
    Sur ce, je remercie les témoins de leur temps. Nous avons eu une discussion très intéressante et dynamique, qui nous sera d’une grande aide pour rédiger notre rapport. Merci, encore une fois. Vous pouvez vous déconnecter et quitter la réunion.
    Maintenant, adoptons-nous la motion, ou souhaitez-vous en débattre?
    Allez‑y, monsieur Kram.
    Monsieur le président, je crois que M. van Koeverden a dit qu’il ne faisait que déposer la motion, sans la proposer. Est‑ce bien cela?
    Non, pour que ce soit clair — vous m’excuserez monsieur Kram et monsieur le président — je voulais dire que je l’avais déjà déposée et que je la proposais aujourd’hui.
    Vous proposez la motion.
    Voulez-vous ajouter quoi que ce soit, monsieur van Koeverden?
     La parole va à Mme Pauzé, puis ce sera à Mme Collins.

[Français]

     J'aimerais proposer un amendement favorable, monsieur le président.
    Oui, madame Pauzé.
     À la fin de la motion de M. van Koeverden, on mentionne « Que cette étude débute dans les 7 jours suivant l'adoption de cette motion ». Personnellement, je propose que l'étude commence une fois qu'on aura terminé les réunions sur la finance durable.
    Si j'ai bien compris, ce serait le cas. Cela semble être rédigé de manière à nous permettre de terminer les témoignages; il nous reste deux réunions à cet égard, la semaine prochaine... En fait, vous avez raison de dire que cela pourrait interrompre les réunions sur la finance.
    J'aimerais faire une proposition, monsieur le président.
    Il reste trois réunions, en principe. Dans la motion originale sur la finance durable, déposée par le Bloc québécois, on parle de la ministre des Finances et du ministre de l’Environnement.
    Serait-il possible que Mme la greffière prépare un tableau dans lequel se trouverait ce qui se trouve dans la motion et les témoins que nous avons reçus?
    À mon avis, s'il ne reste que la ministre des Finances et le ministre de l'Environnement, nous pourrions tenir une dernière réunion avec eux la semaine prochaine.
    Est-ce possible?
     Je pense que ce l'est en principe, mais ce n'est pas aussi simple. D'ailleurs, j'allais en discuter à la fin de la séance, mais je vais saisir l'occasion de le faire maintenant.
    On pourrait inviter les ministres aux deux réunions de la semaine prochaine, mais il n'est pas certain qu'ils pourront accepter. S'ils ne le peuvent pas, on devra reporter les prochaines réunions sur la finance pour tenter de trouver des dates où les ministres peuvent être avec nous, ou alors il faudra inviter leurs fonctionnaires seulement.
    C'est toute une discussion. À mon avis, si on veut terminer l'étude sur le système financier la semaine prochaine, il faut que M. van Koeverden accepte qu'on ne commence pas la préétude avant la semaine du 18 novembre, étant donné que la semaine du 11 novembre est une semaine de congé. Il faudrait donc s'entendre sur le fait qu'on va tenter notre chance auprès des deux ministres pour la semaine prochaine. Si cela ne fonctionne pas, on laisse tomber ou on invite les fonctionnaires.
    Madame Collins, je sais que vous voulez avoir la parole au sujet de la motion, mais la discussion porte sur l'amendement.
    Monsieur van Koeverden, accepteriez-vous un amendement favorable pour nous permettre de terminer l'étude sur la finance la semaine prochaine?
(1210)

[Traduction]

    Je pense que c’est tout à fait acceptable. C’était mon intention. Je me demandais seulement combien il nous restait de réunions sur la finance durable, avant que nous ne commencions à examiner les témoignages. Il nous reste présumément une réunion le 30 octobre, puis une autre le 4 novembre. Avez-vous dit qu’une troisième est prévue le 6 novembre?
    Toutes les réunions de cette semaine et de la semaine prochaine portent sur la finance durable, puis les audiences seront terminées.
    Excellent.
    Pouvons-nous tous convenir d’entreprendre une étude sur le projet de loi C-73 à notre retour, alors?
    Oui. Je pense même que nous pourrions supprimer l’alinéa b) au complet. Nous sommes d’accord pour dire que nous devrions entreprendre cette étude, mais nous voulons d’abord terminer l’étude sur la finance durable avant de commencer.
    Cela me va, si nous avons besoin de l’amendement.
    J’ai quelques renseignements supplémentaires à vous donner. Avant cela, nous pourrions entreprendre l'étude préalable le 18 novembre. Cependant, cela voudrait dire que le commissaire, qui est censé témoigner le 18 novembre, ne pourrait pas le faire.
    Pardon, c’est Innovation, Sciences et Développement économique Canada qui est au programme pour le 18 novembre.
    Vous devez donner la parole à Mme Collins.
    Son intervention porte sur la motion principale. Elle pourra prendre la parole plus tard. Nous sommes en train de discuter de l’amendement.
    J’ai aussi levé la main pour intervenir sur l’amendement.
    D’accord.
    Je ne sais pas si nous allons avoir le temps pour notre deuxième groupe d’aujourd’hui, mais allez‑y, madame Collins, au sujet de l’amendement.
    Nous avons récemment tenu une réunion complète de travaux du Comité, durant laquelle M. van Koeverden aurait pu présenter sa motion, puisqu’il l’avait déposée avant cette journée complète de travaux du Comité. Je préférerais que nous procédions ainsi, pour éviter d’empiéter sur les témoignages très importants qui étaient prévus aujourd’hui.
    De mon point de vue, je veux vraiment m’assurer que les nations de Fort Chipewyan ont une étude qui…
    J’ai aussi de l’information à ce sujet. Le comité des transports nous a répondu pour nous dire qu’il va tenir une réunion sur les travaux futurs. Corrigez-moi si je me trompe, madame la greffière, mais ce comité reconnaît l’importance d’entreprendre une telle étude. Il va en étudier la possibilité, alors nous n’avons pas de réponse pour l’instant.
    Selon la motion que nous avons adoptée, si ce comité ne nous répondait pas avant aujourd’hui pour nous dire qu’il entreprenait cette étude, alors c’est nous qui prévoyons la faire.
    Si on propose un amendement en vue d’une étude préalable sur le projet de loi C‑73… Je suis vraiment en faveur d’une étude sur le projet de loi C‑73, pour que nous puissions examiner les énormes écarts législatifs et pour que nous puissions renforcer la loi relativement à la reddition de comptes en matière de diversité biologique, mais je veux aussi m’assurer que cela n’enlève pas du temps pour l’étude importante sur la contamination à Fort Chipewyan, et c’est la raison pour laquelle je propose de faire cela par après.
    Qui est le prochain intervenant à propos de l’amendement?
    Allez‑y, monsieur Mazier.
    Mme Collins a soulevé de très bons points. Nous avons un programme très chargé. Nous avons un ministre qui refuse de témoigner à propos du parc Jasper. Nous n’avons pas terminé en ce qui a trait à l’initiative Accélérateur net zéro. Pour faire suite à ce que Mme Collins disait, nous avons tenu toute une réunion durant laquelle cela aurait pu être proposé. Je pense que nous sommes tout simplement un peu trop occupés.
    Je propose que nous ajournions le débat.
(1215)
    Nous allons voter sur la motion visant à ajourner le débat.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)

[Français]

     Monsieur le président, je ne suis pas certaine d'avoir bien suivi.
    Je voudrais ajourner le débat pour le reprendre en lien avec les témoins qui sont ici pour discuter de la finance durable. Sinon, nous devrons reporter encore l'étude portant sur la finance durable. Je ne sais plus s'il fallait...
     Le débat est clos, il n'est pas suspendu.

[Traduction]

    Le débat est ajourné.
    Le débat est ajourné.

[Français]

    C'est fini, nous n'en parlerons plus aujourd'hui.
    Nous poursuivons la réunion avec le deuxième groupe de témoins.

[Traduction]

    Monsieur le président, j’aimerais obtenir une précision.
    Allez‑y.
    Si l’un d’entre nous proposait la motion à la toute fin, lorsque nous aurons terminé avec les témoins…
    La question est réglée. C’est réglé pour toute la réunion, je crois. Le débat est ajourné pour toute la réunion. Je ne pense pas que nous pouvons en discuter aujourd’hui. Est‑ce exact?
    Laissez-moi vérifier rapidement avec la greffière.
    Je crois que Mme Pauzé et moi-même espérions pouvoir en discuter plus tard au cours de la réunion, après que les témoins seront partis.
    Comme nous passons à un autre sujet maintenant et que nous accueillons les témoins, en théorie, nous pourrions reprendre le débat. Quelqu’un pourrait proposer une motion pour rouvrir le débat sur le sujet, quand nous aurons terminé avec notre prochain groupe. Rendu là, il devrait être vers 13 h 20. J’ai demandé un peu plus de temps afin que nous puissions poursuivre jusqu’à 13 h 30, mais je ne sais pas si ma demande a été acceptée, alors pour l’instant, nous avons jusqu’à 13 h 15. Pourquoi ne pas accueillir le prochain groupe et voir ce qu’il en sera à 13 h 15 ou à 13 h 20. Si nous avons plus de temps, alors quelqu’un pourra proposer la motion.
    Attendons et voyons de quoi il retourne. Nous devrons procéder ainsi.
     Allons-nous accueillir notre prochain groupe? Les témoins nous attendent. Il reste à faire les préparatifs avec eux, alors nous allons prendre une pause de quelques minutes.
(1215)

(1220)
    Nous reprenons avec notre deuxième groupe.
    Merci à tous les témoins de votre patience. Nous avons eu un court contretemps.

[Français]

     Nous recevons le professeur associé François Delorme, qui témoigne à titre personnel.

[Traduction]

    M. Alex Edmans témoigne aussi à titre personnel.
    Parmi les représentants de l’Association des banquiers canadiens, je crois que M. Bryan Radeczy, directeur, Stabilité financière, va présenter la déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par M. Delorme. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de cette invitation à comparaître devant vous, aujourd'hui.
     J'aimerais commencer par dire un bref mot sur mes antécédents, ce qui va aider à mieux comprendre mon témoignage.
    J'ai travaillé cinq ans à l'OCDE, soit l'Organisation de coopération et de développement économiques, et près de 15 ans au ministère des Finances, à Ottawa. J'ai également occupé le poste d'économiste en chef à Industrie Canada. Je peux donc dire que j'ai vu et observé de l'intérieur comment fonctionne le système, puisque j'ai moi-même contribué à faire fonctionner ce système, où les objectifs privés à court terme priment les objectifs à plus long terme, lesquels visent le bien commun, comme le climat ou le vieillissement de la population. J'ai pris un peu de recul depuis, et j'en ai conclu que les politiques publiques plus incisives en ce qui a trait aux politiques économiques ou à la finance sont nécessaires. J'y reviendrai un peu plus loin.
    D'un point de vue plus personnel, cet automne, j'enseigne quatre fois par semaine à des étudiants dans la vingtaine qui sont, pour la plupart, écoanxieux en raison de la progression des effets néfastes des changements climatiques. La semaine dernière, j'ai donné une conférence devant des étudiants d'un cégep. Il s'agissait de jeunes d'environ 17 ans qui n'ont presque pas voix au chapitre au sein de nos institutions. Ils se demandent pourquoi les gens des générations précédentes, dont la mienne, n'ont pas été assez nombreux à se mobiliser et à prendre les choses en main. Les baby-boomers ont une énorme dette envers les jeunes. Ils ont privatisé la richesse et socialisé les coûts.
    Dans un contexte plus personnel, je sais que le Comité est aussi au courant du fait que les gaz à effet de serre ont augmenté de 1,3 %, en 2023. Nous n'avons pas emprunté la bonne trajectoire, ce qui rend les choses encore plus dramatiques, à mon avis, en fonction de ce que j'ai dit auparavant.
    L'autre chose que j'aimerais aussi dire est que, selon moi, le compte à rebours commence à partir de 2030, et c'est ce qui est le plus important. Nous devons changer nos politiques publiques et infléchir la trajectoire dans la lutte contre les changements climatiques jusqu'en 2030. C'est extrêmement important. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC, nous le répète et nous le martèle. Pour ma part, je mets toujours cet aspect en évidence dans mes interventions publiques et dans les recherches que je fais sur le climat.
    Toute personne ayant des notions en économie ou en finance sait que l'économie et la finance sont intimement liées. L'épargne de l'une alimente les investissements de l'autre. Pourtant, le développement et la finance durables ne sont, pour l'instant, que des oxymores. En effet, la maximisation des rendements à court terme n'est tout simplement pas compatible avec une stratégie climatique. Cela est bien démontré, notamment dans les travaux d'Alain Grandjean, de Julien Lefournier ou de Gaël Giraud, en Europe, sur la finance verte.
    Dans un contexte de libre marché, on pourrait comparer une entreprise qui s'impose des règles environnementales plus strictes que les autres à une entreprise qui s'infligerait un handicap sur le plan de la compétitivité et des coûts. Ce serait donc mortel, compte tenu des règles actuelles.
    Il faut donc que l'État fasse ce pour quoi il existe: se porter garant du bien commun en légiférant. Les pays qui ont pris de l'avance sur ce front vont protéger leurs acquis. C'est la raison pour laquelle, par exemple, l'Europe a mis en place la première phase de sa taxe sur le carbone aux frontières pour corriger l'écart de sévérité des réglementations. Le Royaume‑Uni fera de même en 2027. Comme vous le savez, il s'agit d'imposer des tarifs douaniers sur le carbone, c'est-à-dire sur les biens importés à forte intensité en carbone.
    Le gouvernement du Canada a mis en place une tarification du carbone rigoureuse en plus d'une trajectoire ambitieuse qui doit atteindre 170 dollars la tonne de CO2 en 2030. Ce prix est inférieur à ce que montrent la plupart des modèles d'analyses des coûts économiques. Ce prix devrait être beaucoup plus élevé. Étant donné que le Canada dispose déjà d'un système de tarification du carbone rigoureux, les entreprises canadiennes pourraient ne pas encourir l'ajustement tarifaire qui sera mis en œuvre dans l'Union européenne. Cela donnerait à nos entreprises un avantage sur des concurrents qui ne disposent pas déjà d'un système de tarification du carbone comparable à celui de l'Union européenne.
    L'autre chose que je veux mentionner a été évoquée par le groupe de témoins précédent...
(1225)
    Concluez très rapidement, s'il vous plaît, monsieur Delorme. Les cinq minutes sont déjà écoulées.
    Je vous accorde 15 secondes de plus.
     Je voudrais terminer en disant qu'il nous faut des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou critères ESG, vérifiables. À la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, nous avons fait une étude pour démontrer que, en ce moment, les critères ESG ne sont pas de vrais critères et ne sont pas vérifiables. On ne peut pas les suivre sur un laps de temps.
     D'accord, merci.
    Madame Pauzé, la parole est à vous.
     Oui, je m'excuse. J'entendais évidemment M. Delorme parler en français, mais j'entendais, en même temps, l'interprétation en anglais. D'ailleurs, même en vous parlant en ce moment, j'entends l'interprétation en anglais.
    Qu'est-ce que cela peut signifier?
    Apparemment, c'est maintenant réglé.
    Merci.
     Monsieur Delorme, vous aurez l'occasion de nous faire part de vos idées lorsque nous passerons à la période des questions et réponses.

[Traduction]

    Monsieur Edmans, c’est à votre tour, allez‑y. Vous avez cinq minutes.
    Génial. Je vous remercie beaucoup de m’avoir invité à participer à cette étude sur un sujet si important.
     D’entrée de jeu, je devrais déclarer que je suis un grand partisan des politiques environnementales, sociales et de gouvernance. Je comprends l’importance de prendre en considération les facteurs ESG, autant pour la société que pour la valeur financière à long terme. Malgré tout, mes opinions sur le sujet seront un peu plus nuancées, et j’espère que ces nuances seront utiles au Comité.
    Le texte de la motion mentionne des mécanismes qui permettraient l’alignement avec l’Accord de Paris en favorisant la « réduction des risques inhérents ». Il est important de bien comprendre quels sont ces risques. Il doit s’agir de risques pour la société — ce qu’on appelle souvent des impacts — ou s’il s’agit de risques pour le portefeuille d’une institution financière, ce qu’on appelle communément la dépendance. Bien sûr, les deux se recoupent dans de nombreux cas, et une grande partie des études que je mène portent sur le recoupement entre ce qui est bon pour la société et ce qui est bon pour les actionnaires, mais il y a des cas où les deux ne se rejoignent pas, et il est donc crucial de garder à l’esprit ces concessions. Par exemple, lorsqu’il y peu de mesures gouvernementales, alors les investissements dans les combustibles fossiles posent un risque limité pour votre portefeuille. À dire vrai, boycotter les combustibles fossiles pourrait entraîner encore plus de risques, même s’il y a un risque pour la société en général.
    Je reconnais aussi que l’alignement avec l’Accord de Paris est mentionné. Cependant, certaines informations laissent penser que nous visons 2,7 °C plutôt que 1,5 °C. Ce n’est pas clairement indiqué qu'il serait prudent d’avoir un portefeuille qui aurait un meilleur rendement avec un objectif de 1,5 °C. Donc, la question est: quel devrait être l’objectif? Devrions-nous seulement tenir compte des risques pour le portefeuille, ou croyons-nous plutôt que les institutions financières ont l’obligation morale et sociétale de tenir compte des risques pour la société en général? Ce n’est pas clair.
    À mes yeux, l’objectif n’est pas clairement indiqué, alors j’aimerais formuler quelques conseils quant aux conséquences éventuelles des différents objectifs.
    Les banques — une partie de la motion mentionne les « institutions bancaires » — doivent effectivement être solvables, pour le bien de leurs déposants et de la société en général. Dans le cas contraire, les pertes pourraient s’avérer douloureuses, parce qu’il faudrait les renflouer. Donc, c’est tout à fait possible que des décisions de prêts d’investissement qui seraient bonnes pour la lutte contre les changements climatiques le soient moins pour leur portefeuille. Si les décisions étaient bonnes pour leur portefeuille, alors, comme M. Damodaran l’a dit plus tôt au cours de la réunion, pourquoi aurions-nous besoin de réglementation pour encourager les banques à prendre cela en considération? Elles le feraient, quoi qu’il arrive. Aussi, pourquoi mettre l’accent sur les risques climatiques et non pas sur les risques liés aux cyberattaques ou aux pandémies? Il y a beaucoup d’autres risques importants pour les banques.
     En ce qui concerne les caisses de retraite, qui sont aussi mentionnées, l’objectif n’est pas clair, encore une fois. Cela pourrait être de maximiser le revenu de retraite pour les retraités, mais pour moi, en tant que retraité, ce n’est pas mon objectif. J’investis dans des fonds sensibilisés aux changements climatiques, et je peux choisir de sacrifier mon rendement. Je peux me le permettre. D’autres personnes ne le pourraient peut-être pas, alors leurs objectifs pourraient être purement financiers.
    Cependant, tenons pour acquis que nous nous soucions des impacts et que nous voulons effectivement un objectif qui dépasse le simple rendement financier, pour créer des retombées sur la société en général. La façon d’y arriver n’est pas claire. Une façon serait le désinvestissement. On mentionne souvent, par rapport à l’alignement avec l’objectif de carboneutralité ou avec l’Accord de Paris qu’un portefeuille doit se dessaisir de ses investissements dans les combustibles fossiles, mais il y a beaucoup de données d’études universitaires qui laissent croire que le désinvestissement, en particulier des marchés boursiers, a une incidence limitée. Si vous vendez quelque chose qu’une autre personne va racheter, alors, en raison de la fluidité et de la liquidité des marchés financiers, l’incidence réelle sur le capital est plutôt faible.
    Une autre façon serait les engagements. Les engagements reviennent souvent à de la microgestion. D’un côté, des investisseurs mal informés pourraient imposer aux entreprises des règles qui ne s’adaptent pas à toutes, alors que d’un autre côté, une entreprise pourrait être mieux placée pour comprendre les risques les plus importants.
    Finalement, disons que nous nous soucions des répercussions sur la société en général. Les répercussions sur la société en général dépassent les simples impacts environnementaux. Je suis d’accord avec ce que M. Damodaran disait, à propos du problème que cela représente de voir le monde en noir et blanc.
    Je reviens tout juste du Forum économique mondial, qui s’est tenu à Dubaï, où il était question de la transition juste. Une Africaine s’est levée et a dit qu’en Afrique 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Nous discutions de transition juste, alors que 600 millions de ses concitoyens n’ont rien à partir de quoi effectuer une transition. Une autre personne a parlé d’un médecin au Sierra Leone. À cause d’une coupure de courant, des bébés sont morts au service de néonatalité. Il y a des problèmes que nous ne reconnaissons pas forcément, en Occident. Votre comité se trouve au Canada, et ses priorités sont donc peut-être canadiennes, mais nous avons tendance à voir la différence entre l’Occident et l’Afrique en noir et blanc. Il y a peut-être des gens au Canada qui sont dans une situation de pauvreté énergétique.
    Malgré tout, je n’essaie absolument pas de dire que les changements climatiques ne sont pas un problème grave: ce l’est, absolument. J’ai consacré une grande partie de ma carrière à ce sujet, mais j’espère avoir mis en relief certaines des préoccupations et certaines des concessions difficiles qui pourraient découler de cet objectif.
(1230)
    Merci beaucoup.
     La parole va maintenant à M. Bryan Radeczy, de l’Association des banquiers canadiens.
    Allez‑y, je vous prie.
    Merci d'avoir invité l'Association des banquiers canadiens à comparaître cet après-midi, afin de participer à l'étude du Comité sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien.
    Je m'appelle Bryan Radeczy, et je suis directeur, Stabilité financière, à l'ABC. Je suis accompagné aujourd'hui par mon collègue Darren Hannah, vice-président principal, Stabilité financière et Politiques bancaires.
    L'ABC est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères et de leurs plus de 280 000 employés, qui contribuent à stimuler la croissance et la prospérité économiques du pays. L'ABC préconise l'adoption de politiques publiques qui favorisent le maintien d'un système bancaire solide et dynamique, capable d'aider les Canadiennes et les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers.
    Les changements climatiques constituant l'enjeu incontournable de notre époque, les banques canadiennes sont résolues à faire leur part pour contribuer à la solution. Nos banques sont conscientes du rôle essentiel que joue le secteur financier dans la transition ordonnée vers une économie à faibles émissions de carbone et dans le renforcement de la résilience du système financier canadien. Cela suppose de collaborer avec les clients de divers secteurs afin de les aider à atteindre la carboneutralité et à saisir les occasions de transition énergétique.
    En finançant la transition climatique, les banques aident le Canada à atteindre ses objectifs de carboneutralité, et la société à répondre aux demandes énergétiques intermédiaires dans ce contexte d'instabilité mondiale. Nos six grandes banques canadiennes ont participé au Conseil d'action en matière de finance durable du gouvernement fédéral. Nous prenons acte des mises à jour fournies par le gouvernement au début du mois sur ses projets de développement d'une taxonomie canadienne et espérons voir les progrès futurs dans ce domaine.
    Une telle taxonomie devrait apporter plus de clarté et de certitude aux entreprises qui investissent dans les nouvelles technologies et les projets de transition énergétique, ainsi qu'aux institutions financières qui les soutiennent. Il importe de noter que, même en l'absence d'une taxonomie propre au Canada, nos grandes banques ont pris des engagements en matière de finance durable à hauteur de milliards de dollars. Cet investissement est soutenu par les engagements de nos six grandes banques canadiennes à titre de membres de l'alliance bancaire net zéro.
    Nos banques préparent et publient des rapports annuels sur le climat et le développement durable dans lesquels elles donnent des détails sur leurs émissions, leurs objectifs et leurs progrès vers l'atteinte des objectifs, ainsi que des informations sur leurs activités de finance durable. Elles collaborent également avec les organismes de réglementation et de normalisation, tant nationaux qu'internationaux.
    À la suite de la publication des principes relatifs aux changements climatiques par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, en juin 2022, le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, l'organisme de réglementation du secteur bancaire au Canada, a publié, en mars 2023, sa ligne directrice B‑15 sur la gestion des risques climatiques. À l'époque, le BSIF avait fait un pas de plus que le Comité de Bâle en intégrant un ensemble d'attentes minimales obligatoires en matière de communication des informations financières en lien avec les changements climatiques, axées sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, les indicateurs chiffrés et les objectifs.
    Ces informations sont fondées sur les travaux du Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques, le GTIFCC, du Conseil de stabilité financière, que nos grandes banques mettent en œuvre volontairement depuis plusieurs années. Les grandes banques canadiennes sont tenues de respecter les attentes du BSIF en matière de communication à partir de la fin de leur exercice financier 2024, et nos petites et moyennes banques le sont également, mais à partir de la fin de leur exercice 2025.
    À une plus large échelle, le Conseil des normes internationales d'information sur la durabilité, le CNIID, a entrepris de mettre au point des normes qui créeraient une base mondiale d'informations sur la durabilité. Le CNIID a amplifié les travaux du GIFCC et a publié ses normes inaugurales en juin 2023, notamment une norme sur la communication des informations financières relatives aux changements climatiques. Le BSIF a déjà intégré cette norme dans la ligne directrice B‑15 en mars dernier. Il faut aussi savoir que, si elles sont adoptées par les différents pays, les normes du CNIID s'appliqueront plus largement à tous les secteurs de l'économie.
    Bien que le BSIF ait déjà pris des mesures à cet égard, il convient de noter qu'un nouveau Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité, le CCNID, a été créé et consulté plus tôt cette année au sujet des normes inaugurales qui imitent étroitement celles du CNIID. Nous attendons que le CCNID finalise ses normes qui, nous l'espérons, seront adoptées par d'autres organismes de réglementation et d'autres secteurs partout au Canada.
    À cette fin, nous soulignons l'intérêt du gouvernement à rendre obligatoire pour les grandes sociétés privées sous réglementation fédérale la communication d'informations financières en lien avec les changements climatiques, et à envisager, pour les petites et moyennes entreprises, des moyens de communiquer ces mêmes informations sur une base volontaire.
    Les investisseurs et les analystes sont à la recherche d'informations internationales harmonisées qui facilitent les comparaisons. Nous sommes encouragés par le fait que les organismes canadiens de réglementation et de normalisation collaborent avec leurs homologues à l'échelle internationale et ont déjà entamé le processus d'application, au Canada, des normes de référence mondiales.
    Une taxonomie canadienne revêt une grande importance dans le rehaussement du niveau de finance durable. Les gouvernements, les organismes de réglementation, les organismes de normalisation, les banques et le secteur privé ont tous un rôle à jouer dans la prise de mesures concrètes qui soutiennent la transition énergétique au Canada. Nous pensons qu'il est important de se féliciter des progrès réalisés jusqu'à présent, tout en restant conscients du travail qu'il reste à faire.
    Merci, et nous attendons avec impatience vos questions.
(1235)
    Merci beaucoup, monsieur Radeczy.
    Pour la première série de questions, nous commencerons par M. Kram; allez‑y, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici.
    Monsieur Radeczy, j'aimerais donner suite à ce que vous avez dit sur les attentes du BSIF en matière de communication d'informations. Selon votre compréhension, la communication d'informations sur les changements climatiques est-elle déjà obligatoire, selon le processus du BSIF? Est‑ce bien ça?
    Conformément à la ligne directrice du BSIF, la communication d'informations sur les changements climatiques sera obligatoire, pour nos grandes banques, à compter de la fin de l'exercice 2024 et le sera pour nos petites et moyennes banques, à compter de la fin de l'exercice 2025. Toutefois, nos grandes banques communiquent déjà les informations sur une base volontaire, conformément au cadre du GIFCC — le Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques — depuis plusieurs années également.
    D'accord. Merci d'avoir apporté cette clarification.
    J'aimerais revenir à M. Edmans.
    Monsieur Edmans, vous avez parlé du chevauchement entre ce qui est bon pour la société et ce qui est bon pour les actionnaires des sociétés. Quels conseils donneriez-vous aux décideurs afin que les gouvernements travaillent en collaboration avec le secteur privé pour atteindre ces deux buts, lesquels peuvent, comme vous l'avez mentionné, se chevaucher ou non à n'importe quel moment?
    Je crois que nous devons oublier l'étiquette ESG.
    Voici les problèmes avec les facteurs ESG: tout est rassemblé, de la même façon, sous l'étiquette ESG. Toutefois, certaines choses se chevauchent et d'autres, non, donc il est important de les prendre en considération chacune de leur côté.
    Quel est l'aspect pour lequel les retombées sur la société sont également avantageuses, en fin de compte, pour la rentabilité de la société? C'est le capital humain. Dans mes premiers travaux, j'ai parlé entre autres du fait que quand on traite bien ses employés, les profits sont, en fin de compte, plus satisfaisants. C'est un concept que j'appelle l'internalité. Même en l'absence de réglementation gouvernementale, les sociétés ressentent les effets de leurs investissements dans le capital humain.
    Les changements climatiques, par exemple, sont une externalité par laquelle vous obtenez des retombées positives pour la société et même pour d'autres entreprises, mais, si vous êtes une entreprise de combustibles fossiles, c'est très coûteux de réduire significativement la production.
    Ce sont des cas dans lesquels, si vous dites à une entreprise de réduire sa production ou de faire ceci ou cela, cela pourrait nuire aux retombées financières, et n'oubliez pas que les retombées financières ne vont pas seulement dans les poches de capitalistes sans nom et sans visage: elles pourraient se retrouver dans les poches de pensionnés et de déposants, si vous êtes une banque, et c'est pourquoi il faut tenir compte des retombées financières, et, s'il y a des compromis, nous devons les reconnaître et non pas croire que tout le monde peut gagner.
(1240)
    Puisqu'il semble y avoir de nombreuses possibilités d'externalités positives et négatives et d'internalités — pour reprendre vos termes —, j'ai l'impression qu'il serait extrêmement difficile pour un gouvernement de créer un système taxonomique incorporant toutes ces différentes facettes. Pourriez-vous nous dire s'il est possible de le faire et si oui, comment?
    Je crois qu'il serait extrêmement difficile d'établir une taxonomie. Je ne sais pas qui a l'autorité suprême pour décider de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas et de ce qui doit être pris en considération ou pas.
    C'est pour cela que les facteurs ESG sont devenus un tel problème. Certains secteurs, disons par exemple le secteur de la défense, étaient dits de mauvais et maintenant ils sont dits bons. C'est parce que l'importance que nous accordons aux différents critères évolue avec le temps.
    Récemment, j'ai rejoint le conseil consultatif sur la durabilité de Novo Nordisk, qui est à l'origine de certains des médicaments pour la perte de poids. Nous avons décidé d'envoyer certains de ces médicaments à des pays en voie de développement, même si cela nous fait perdre des revenus. C'est mauvais pour notre empreinte carbone parce que nous devons expédier les médicaments aux pays en voie de développement, mais malgré cela, c'est un énorme avantage pour ce qui est de la réduction de l'obésité. Dans les faits, si vous réduisez l'obésité, vous pourrez réduire, au final, les changements climatiques, car les gens qui ne deviennent pas diabétiques n'ont pas besoin de se déplacer à l'hôpital pour un traitement de dialyse trois fois par semaine.
    Toute taxonomie va, généralement, ignorer bon nombre de ces critères. C'est très difficile de délimiter exactement ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Je ne voudrais pas être dans les souliers du responsable de la réglementation qui prétend détenir tous les savoirs pour trancher ces questions extrêmement complexes.
    Peut-être que, monsieur Edmans, si vous étiez le responsable de la réglementation, vous auriez des pouvoirs considérables et une sécurité d'emploi considérable. Êtes-vous d'accord pour dire que c'est probablement le cas?
    Tout à fait, et j'aurais donc le pouvoir de décider de la réussite ou de l'échec des entreprises.
    Dans une séance précédente, quelqu'un a dit: « Eh bien, c'est une taxonomie. C'est seulement une description. C'est neutre sur le plan des valeurs. » Ce n'est pas neutre.
    Je comprends que les articles 6, 8 et 9 de la taxonomie de l'Union européenne étaient censés être seulement descriptifs, en utilisant le bleu, le vert et le rouge, et vous voulez investir dans les fonds bleus, verts et rouges. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Si vous êtes un fonds relevant de l'article 9, vous avez beaucoup plus de chances d'obtenir du capital que si vous êtes un fonds relevant de l'article 8. Donc, si nous classons certaines activités dans la catégorie verte, elles attireront plus de capital que celles qui n'ont pas cette classification, et il est probable que les entreprises déploieront beaucoup d'efforts pour cocher la case et obtenir la classification, plutôt que de faire la bonne chose.
    Dans mes propres recherches sur différents sujets — la diversité, l'équité et l'inclusion —, ce que j'observe, c'est que lorsque la diversité démographique, qui entre souvent en jeu dans les taxonomies, n'a aucun lien avec l'équité et l'inclusion véritables dans la main d'œuvre — aucun lien avec l'inclusivité dans la culture de l'entreprise —, nous pouvons nous concentrer sur les choses qui ont une incidence sur la taxonomie sans créer de valeur pour la société dans son ensemble.
    Monsieur Edmans, dans votre déclaration préliminaire, vous avez donné des exemples clairs des initiatives de l'Afrique et du Sri Lanka pour les changements climatiques et le réchauffement planétaire.
    Quelle est la meilleure façon pour les pays développés, comme le Canada et le Royaume-Uni, de collaborer avec ces pays sous-développés, puisque le réchauffement planétaire est un problème mondial? En particulier, pouvez-vous suggérer des technologies qui pourraient être envoyées dans les pays en voie de développement?
    Il reste seulement environ cinq secondes, donc vous pourriez répondre pendant une prochaine question.
    Madame...
    Je vais seulement dire qu'il faut comprendre ces questions.
    Vous pouvez également soumettre votre réponse par écrit. Elle sera annexée à notre rapport.
    Madame Chatel, allez‑y.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Delorme, j'ai souri quand vous avez parlé de votre parcours au ministère des Finances et à l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, puisqu'il est très semblable au mien.
    Le Comité a eu le plaisir de recevoir M. Miller, un représentant de l'OCDE, qui nous a parlé des avancées de l'OCDE, ainsi que M. Usher, des Nations unies.
    Si vous me le permettez, j'aimerais aborder la question de la compétitivité de l'économie canadienne sur la scène internationale. À mon avis, il s'agit d'une question importante. Mes collègues conservateurs évoquent souvent l'idée d'abandonner le système de tarification du carbone, ce qui nous exposerait, comme vous l'avez dit, à des tarifs européens sur nos exportations. D'autres remettent en cause la finance durable, ce qui risque de réduire l'attractivité du Canada auprès des investisseurs étrangers.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur les conséquences possibles de l'inaction relativement à ces deux sujets?
(1245)
    L'arbitrage est fait en fonction du court terme, et non du moyen ou du long terme Le Canada peut décider de supprimer des mesures écofiscales pour ne pas handicaper sa compétitivité, mais, à un moment donné, cela va le rattraper. Le chemin qu'on n'aura pas fait au cours des trois à cinq ans qui viennent, il faudra le parcourir. On peut bien parler, mais le climat se fiche pas mal de ce qu'on décide ou non. Le réchauffement climatique va se poursuivre. De plus, les coûts d'adaptation et d'atténuation vont continuer d'augmenter. On peut procrastiner et essayer de se soustraire temporairement à des problèmes ou à des faiblesses sur le plan de la compétitivité, mais, plus tard, on n'en sera frappé que plus durement.
    Pouvez-vous nous parler de la récente annonce du Canada quant à la finance verte, durable, et de leur impact sur les petites et moyennes entreprises? Notre économie est largement basée sur les petites et moyennes entreprises.
    Je vois que ces entreprises ne seront pas soumises à la divulgation obligatoire. Personnellement, je crains pour la compétitivité de nos petites et moyennes entreprises dans la transition de la finance vers une finance verte. Je veux que ces entreprises soient compétitives et qu'elles puissent obtenir des investissements à moyen terme.
    Pouvez-vous nous en dire plus à cet égard?
    Selon moi, si les grandes entreprises sont assujetties à des règles de divulgation plus strictes, il va y avoir un effet d'émulation. Les chaînes de valeur vont se propager. De toute façon, les petites et moyennes entreprises vont être amenées à prendre des mesures qui auront été adoptées par de plus grandes entreprises. Je pense que tout le monde y gagnera. Je pense aussi que cela montre qu'il faut qu'il y ait des efforts et des mécanismes de coordination, pas seulement en ce qui concerne le milieu des affaires, mais aussi entre les différents pays et avec nos compétiteurs.
    Vous avez parlé de la compétitivité de l'Europe comparativement à celle du Canada. Le Canada accuse déjà un retard de deux ans par rapport à l'Europe, et nous allons y ajouter une autre année.
    Quel est le risque d'avoir attendu si longtemps avant d'avoir une finance durable?
    Le risque, c'est ce que j'ai mentionné précédemment. Nous gagnons du temps, mais un rajustement sera nécessaire. Plus on attend, plus celui-ci devra être incisif. Dans une vision à court terme, cela se défend, mais, dans une vision à moyen ou à long terme, ce n'est pas une bonne décision.
     Nous allons donc souffrir un peu au cours des prochaines années, mais ce sera pour mieux récolter le bénéfice de nos efforts. Est-ce bien ça?
    C'est ce que je crois, et je pense que, plus tôt nous nous y mettrons, mieux ce sera.
    C'est excellent.
    On a parlé beaucoup de l'harmonisation des différentes taxonomies. Sur le plan de la finance, il va y avoir un guide sur la taxonomie canadienne, ce qui est bien, parce que je pense que nous devons avoir notre propre taxonomie. Cela étant dit, il va y avoir un exercice de coordination des différentes taxonomies, soit européennes, australiennes et canadiennes.
    Quelles recommandations faites-vous aux organismes internationaux qui se pencheront sur la question?
(1250)
     Je pense qu'on doit absolument accélérer les efforts vers cette harmonisation. De toute façon, on l'a vu, le G20 a adopté une taxe d'un minimum de 15 % sur les grandes entreprises et les multinationales, justement pour niveler le terrain et éviter les stratégies d'optimisation fiscale internationales. Je pense qu'on doit faire exactement la même chose en ce qui a trait à la taxonomie verte.
     C'est un excellent projet.
     Je suis malheureusement désolé.
    Madame Pauzé, la parole est à vous.
    Encore une fois, je remercie tous nos témoins de se livrer à cet exercice, dans lequel on essaie de mieux comprendre les retards du Canada par rapport à la finance durable.
    Monsieur Delorme, vous êtes une bête de l'intérieur, comme vous nous l'avez dit. Vous avez connu tant le ministère des Finances que l'OCDE. Vous avez remarqué à quel point les objectifs sont à court terme, alors qu'on a besoin de long terme.
    Pensez-vous qu'il est nécessaire de changer de paradigme dans l'économie et la finance? Si oui, quel changement faudrait-il apporter, et pourquoi?
    Je le crois absolument, parce qu'on voit bien que la dynamique dans laquelle nous sommes, en ce moment, met l'accent sur les rendements à court terme ou les profits à court terme, ce qui se défend, logiquement, dans une optique de court terme. Toutefois, le climat et les bouleversements climatiques ne s'inscrivent pas dans une logique de court terme. Ça s'inscrit dans une logique de moyen terme.
    J'insiste là-dessus parce qu'on vise un réchauffement maximal de 1,5 oC d'ici 2100, mais les injonctions du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, sont qu'on doit prendre des mesures incisives d'ici 2030. C'est pour ça que j'ai mentionné l'effet du compte à rebours dans mes remarques préliminaires. Donc, je trouve que c'est bien beau de parler de net zéro et de carboneutralité d'ici 2050, mais ce n'est pas pertinent pour déterminer les politiques publiques que l'on doit adopter pour changer nos trajectoires en ce qui a trait au réchauffement climatique.
    Il y a ici des gens qui représentent l'Association des banquiers canadiens, mais nous avons également reçu les PDG des banques.
    Pourquoi considérez-vous qu'on ne peut pas laisser le milieu de la finance prendre lui-même de telles décisions?
    La motivation des grandes entreprises et du milieu bancaire — cela se défend encore — n'est pas de s'occuper du réchauffement climatique ou, en tout cas, ce n'est pas leur but principal. Ils ne s'occupent pas, non plus, de la lutte contre l'itinérance. Il faut donc forcer les entreprises privées à lever le menton et à regarder vers un horizon qui est beaucoup plus lointain.
    Je n'ai pas pu le mentionner précédemment, mais je vais aller très brièvement. Nous avons fait une étude, l'année dernière, sur les critères ESG, et nous nous sommes aperçus que, premièrement, les critères ESG sont déficients dans toutes les compagnies. Il y a vraiment un grand potentiel d'écoblanchiment. Et là, c'est l'économiste qui parle. Peut-on vraiment mesurer les progrès sur les plans environnementaux, sociaux et de gouvernance? M. Edmans en a parlé au cours de son témoignage, tout à l'heure, il faut conjuguer ces trois points du triangle.
    Deuxièmement, est-ce qu'on peut, quantitativement, suivre les progrès? Quand on applique cette grille, on s'aperçoit que, pour le commun des mortels, il est impossible, avec ce qu'on a, en ce moment, dans les rapports financiers, de vraiment donner la bénédiction aux grandes entreprises ou au milieu bancaire comme quoi les critères ESG sont des critères robustes. Ça, c'est extrêmement important parce qu'on parle beaucoup des critères ESG. On se drape dans ces critères, mais ce n'est pas encore assez robuste. M. Edmans en a parlé, aussi, tout à l'heure.
     Alors, vous êtes pour davantage de contraintes. D'ailleurs, il y a un témoin du groupe précédent qui avait dit que les entreprises ne savent pas quoi mesurer dans les critères ESG. De plus, comme la divulgation actuelle, ça n'a rien changé sur le terrain. Donc, est-ce que vous…
     En effet, souvent, on ne sait pas quoi mesurer, mais même quand on sait quoi mesurer, on ne sait pas comment bien le mesurer pour que ce soit comparable d'une compagnie à l'autre et qu'on puisse savoir si une compagnie a un bilan plus positif qu'une autre en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Or c'est assez important.
     Vous avez dit qu'il serait important d'imposer des contraintes supplémentaires aux institutions financières. Quelles mesures seraient à privilégier?
(1255)
    Il faut bien documenter et augmenter la transparence. En ce sens, l'adoption du projet de loi S‑243 sur la finance alignée sur le climat serait une excellente chose en ce qui a trait à la divulgation, qui serait volontaire, mais encadrée de façon robuste en ce qui concerne les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance du milieu financier.
    Vous faites référence au projet de loi de la sénatrice Rosa Galvez. Pouvez-vous nous dire, de façon plus précise, pourquoi nous avons vraiment besoin de ce projet de loi? Est‑il suffisant? Pourrait-il aller plus loin?
     On ne peut pas être contre la vertu. C'est certainement un pas dans la bonne direction.
     Tantôt, on a aussi parlé d'un des objectifs de l'Accord de Paris, celui de limiter l'augmentation de la température moyenne de la planète à 1,5 degré Celsius.
    Comment peut-on s'assurer que les banques transfèrent leurs fonds de l'industrie des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables? Y a-t-il une façon de s'en assurer?
    Il y a une façon de s'en assurer. Il faut trouver une façon de rendre les investissements verts plus rentables que les investissements bruns. Il faut trouver une façon de faire en sorte que les banques, en agissant selon la logique du marché, puissent y trouver leur compte.
    Doit-il y avoir des crédits d'impôt pour les actifs verts? Doit-on restreindre l'accès aux actifs bruns? Je pense qu'il faut faciliter cette transition. On peut croire que le milieu financier pourrait le faire de lui-même, mais ce serait trop long.
     Merci.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste quatre secondes.
    Madame Collins, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier tous les témoins d'être ici.
    J'ai quelques petites questions à poser à M. Delorme et je souhaite approfondir davantage les « plans de transition ».
    Vous avez dit que les engagements volontaires des institutions financières pourraient être insuffisants. Pourriez-vous en dire plus au Comité sur le plan de transition climatique, sur l'importance des plans de transition climatique, et sur la portée qu'ils pourraient avoir?

[Français]

    D'abord, il faut que les plans de transition soient plus transparents et que les critères de divulgation soient plus clairs. À cet égard, je pense que les nouvelles règles du Bureau du surintendant des institutions financières qui entreront en vigueur vont être positives.
    Je crois qu'il faut accélérer la transition et qu'on ne peut pas le faire si on a un mode de divulgation qui est volontaire. Il faut forcer les entreprises à adopter des règles plus transparentes, sinon, on n'y arrivera pas.
    À mon avis, c'est une question de vitesse. On ne peut pas faire de petits pas. Désormais, il faut faire de grands pas, et le fait d'avoir des règles plus contraignantes va contribuer à accélérer cette transition.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Pourriez-vous parler davantage des autres pays qui obligent légalement ces choses‑là et des risques auxquels font face les systèmes financiers canadiens pour ce qui est de la concurrence internationale, puisque nous n'avons pas de bonnes réglementations financières axées sur le climat, et nous dire quelle est notre position comparativement aux autres pays?

[Français]

    Je ne suis pas un spécialiste de la taxonomie verte, mais je peux vous dire que les initiatives prises par le Bureau du surintendant des institutions financières sont bonnes. Cependant, on devra peut-être aller plus loin et créer un organisme indépendant, comme au Royaume‑Uni, pour évaluer la pertinence des mesures adoptées en vue de la transition. À cet égard, comme Mme Pauzé l'a souligné, le Canada est en retard de quelques années sur l'Europe. Il faut donc absolument accélérer ce processus.
    Comme je l'ai dit, les règles du Bureau du surintendant des institutions financières sont un pas dans la bonne direction, mais il faudrait avoir plus d'indépendance ou de distance par rapport au milieu financier. À cette fin, on pourrait créer un organisme indépendant, à l'instar de ce qui se fait au Royaume‑Uni.

[Traduction]

    Une chose que nous avons entendue d'autres témoins, dans d'autres séances de cette étude, était qu'il y a des conflits d'intérêts lorsque des directeurs du secteur de l'énergie fossile siègent également aux conseils des institutions financières.
    Selon vous, est‑ce que cela représente un problème de gouvernance, en particulier puisque nous savons qu'un directeur bancaire sur cinq est directement lié aux sociétés de combustibles fossiles?
(1300)

[Français]

     Je ne peux répondre que par un mot, et c'est oui.

[Traduction]

    C'est fantastique.
    Monsieur le président, il me reste combien de temps?
    Il vous reste environ deux minutes et demie.
    Excellent.
    Monsieur Edmans, vous avez récemment publié un article dans lequel vous dites — et vous l'avez également répété dans vos observations aujourd'hui — qu'il y a très peu de gestionnaires de portefeuille d'actions qui sont prêts à sacrifier des retombées financières pour assurer un rendement en matière de durabilité environnementale, largement en raison des préoccupations concernant les obligations fiduciaires, et que les votes et l'engagement sont principalement influencés par des considérations financières.
    Compte tenu de ce que vous avez dit aujourd'hui au Comité, pourriez-vous nous parler davantage de l'ensemble des règlements que vous voudriez que le gouvernement adopte pour favoriser la prise de décisions financières axées sur le climat, plutôt que les décisions des secteurs plus polluants?
    Certainement.
    Nous ne savons pas exactement si la réglementation pallierait le problème.
    Vous avez tout à fait raison; c'est le statu quo en vigueur. Les gestionnaires de portefeuille ne vont pas tenir compte de questions qu'ils estiment être sans importance.
    Toutefois, ce qui peut les porter à faire cela, c'est les exigences de leurs propres clients. S'il y a un mandat pour un fonds, disant qu'il peut uniquement être investi dans un secteur X et pas dans un secteur Y, c'est quelque chose qui peut les influencer à investir de manière différente, mais cela viendra des clients de ces fonds, et pas nécessairement de la réglementation.
    L'un des problèmes, si c'est réglementé, nous ramène à la discussion précédente sur les taxonomies. C'est très difficile de déterminer ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Peut-être qu'un client peut décider pour lui-même, mais je n'aime vraiment pas l'idée d'organismes réglementaires qui décident au nom de tous les clients.
    Cela s'est d'ailleurs produit dans mon secteur, l'éducation. Il y a un certain temps, les États-Unis ont adopté le principe « no child left behind », c'est‑à‑dire « pas d'enfant laissé de côté », et les Américains se sont dit: « Essayons d'établir une taxonomie et mesurons les écoles selon qu'elles ont un bon rendement ou un mauvais rendement, et allouons du capital aux écoles avec un bon rendement et pas aux autres. » Cela ressemble à l'idée d'allouer du capital pour la transition, mais le résultat a été que de nombreuses écoles visaient uniquement la réussite aux examens.
    Lorsqu'il y a des enjeux aussi complexes et qu'il y a autant d'éléments mouvants, c'est très difficile pour les organismes de réglementation de se doter d'une taxonomie qui prend tout cela en compte. Il incombe aux clients d'exprimer leurs souhaits pour ce qui est des mandats des fonds afin de guider les investisseurs dans l'allocation de leur capital.
    Merci.
    Monsieur le président, est‑ce que j'ai encore du temps?
    Il vous reste 15 secondes.
    D'accord. Je vais céder ce temps, et je vais reprendre à la prochaine question.
    Le Comité vous remercie.
     Monsieur Mazier, allez‑y.
    Vous disposez également de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Edmans, si les fonds de retraite canadiens se détachent des secteurs du gaz et du pétrole, est‑ce qu'il y aurait des retombées quelconques sur la réduction des émissions, ou est‑ce que ce sont simplement les bénéficiaires de capitaux qui changent?
    Malheureusement, c'est la deuxième option.
    Cela signifie que vous ne pourrez vendre que si quelqu'un d'autre achète. Nous voyons cela comme un boycottage par les clients: si je n'achète pas ces produits, ils vont demeurer sur les étagères. Or, ce n'est pas la réalité sur les marchés des capitaux. Vous ne pouvez vendre que s'il y a un acheteur.
    En réalité, cela peut aussi bien signifier que l'acheteur est quelqu'un qui ne se préoccupe pas autant du changement climatique que vous, car il est prêt à acheter ces actions, et donc, vous ne serez plus inclus dans les discussions. Non seulement vous perdez des rendements plus élevés liés au carbone, mais en plus, malheureusement, vous perdez également votre capacité à collaborer avec ces entreprises. J'aurais espéré que ce ne soit pas le cas, mais, d'après les données, les entreprises qui émettent du carbone ont des rendements plus élevés, sûrement en raison du fait qu'il s'agit d'une externalité, et non pas d'une internalité.
    Quelles seraient les retombées sur l'épargne-retraite, si le gouvernement exigeait que les fonds de retraite canadiens communiquent leurs informations liées aux changements climatiques, en vue d'atteindre les objectifs climatiques de Paris?
    Pour commencer, j'ai du mal à saisir l'objectif de ces communications. C'est comme dire que la meilleure façon de perdre du poids, c'est d'avoir des balances plus précises. Non. C'est en prenant des mesures concrètes, ici. On dirait que tout est question de communications et de taxonomie. Or, cela peut nous amener à prendre des mesures pour contourner les taxonomies existantes, quelles qu'elles soient. Il est difficile de savoir s'il y aura un effet positif quelconque, et pourtant, ces communications exigent de gros efforts.
    Je pense que Unilever, par exemple, est obligée d'employer 10 personnes pour les cinq prochaines années, juste pour communiquer l'information; ils ne feront rien d'autre que divulguer ce qu'ils font. Dans ce cas, la divulgation a un coût direct. Un coup indirect pourrait être qu'ils se concentrent sur les mesures à divulguer au lieu de créer de la valeur, tel que je l'ai mentionné plus tôt, dans mon commentaire sur la diversité.
    Est‑ce que le fait que le gouvernement réglemente les scores ESG et oblige les institutions financières à communiquer l'information liée aux changements climatiques aura une répercussion quelconque sur la réduction des émissions?
    Avant d'élaborer un règlement, il faut se poser la question: quel problème le règlement va‑t‑il résoudre? Vous vous dites sûrement qu'il faut réglementer les scores car ils sont hétérogènes, et ce n'est pas une bonne chose. Quel serait un autre mot pour hétérogène? La diversité. Les opinions peuvent diverger, à juste titre, au sujet des scores ESG d'une entreprise, comme nous en avons parlé. Il y a tellement de problèmes complexes ici, qu'il est difficile de distinguer les entreprises vertes des entreprises brunes. En réalité, le fait que les scores soient hétérogènes n'est pas un problème, au même titre que Goldman Sachs et Morgan Stanley pourraient ne pas s'entendre sur la question de savoir s'il faut vendre ou acheter une entreprise.
    Je ne vois pas à quoi servirait un règlement, dans ce cas‑ci, car on ne sait pas quel est le problème à résoudre.
(1305)
    Il n'y a pas réellement de solution claire pour réduire les émissions.
    La réponse claire, c'est qu'il n'y aura pas de répercussion positive claire.
    D'accord. Nous avons quasiment terminé.
    Nous allons passer à M. Longfield. Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais commencer par M. Radeczy.
    Le Canada s'est attiré le respect pour son système de réglementation dans le secteur bancaire, sur la scène internationale, mais, pour ce qui est de sa capacité à traduire les externalités dans le système bancaire, pour viser la finance durable, il est encore loin du compte.
    Si nous ne parvenons pas à redresser le navire, quelles seraient les répercussions sur le secteur bancaire canadien?
    Je dirais que nos grandes banques étaient ravies de prendre part au Conseil d'action en matière de finance durable du gouvernement fédéral. Nous avons travaillé de concert et de manière fructueuse sur la rédaction d'un premier rapport sur la feuille de route de la taxonomie.
    Selon les mises à jour que le gouvernement nous a faites plus tôt ce mois‑ci, il cherche à aller plus loin. Je pense que c'est l'un des forums auxquels nos banques participent activement pour appuyer les activités de la finance durable au Canada.
    Selon moi, c'était très important que nous prenions part à ce conseil d'action. Cela envoie un message clair selon lequel le secteur bancaire s'engage à l'égard de la finance durable, et que le gouvernement s'engage à bien faire les choses.
    Quel est le risque, si nous nous trompons?
    De toute évidence, nous souhaitons soutenir la transition énergétique au Canada. Nous faisons de notre mieux pour travailler en étroite collaboration avec nos clients et nos grandes banques. Ces banques ciblaient au départ les secteurs pétrolier et gazier, et elles avancent continuellement vers l'atteinte de leurs objectifs.
    Il est difficile de répondre à cette question. N'étant pas climatologue, je ne peux pas vous dire ce qui risque de mal se passer. De toute évidence, il pourrait y avoir des conséquences graves. Nos banques font de leur mieux, que ce soit en participant au Conseil d'action en matière de finance durable ou en se conformant aux règlements du BSIF, pour assurer une bonne transition énergétique au Canada.
    Dans le cadre de cette discussion, j'ai été directeur général d'une entreprise au Canada qui était centrée sur le Royaume‑Uni. Nous étions présents dans plusieurs pays du monde. Les banques canadiennes exercent également leur activité sur plusieurs territoires, y compris dans l'Union européenne.
    Quelles sont les exigences en matière de conformité auxquelles les banques canadiennes sont soumises dans d'autres pays et comment transfèrent-elles cette conformité au Canada?
    Nous essayons bien sûr de respecter les réglementations imposées à nos banques autour du monde. L'Union européenne a sa propre Directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, laquelle est susceptible d'affecter certaines de nos banques, et donc, nous veillons à ce que les banques concernées respectent cette directive.
    Je dirais également que, à l'échelle mondiale, le Conseil des normes internationales d'information sur la durabilité, que j'ai mentionné dans mes observations liminaires, a entrepris de faire le point sur les normes européennes d'information sur le développement durable. Les banques concernées pourront s'y appuyer pour assurer leur conformité.
    Ce serait impossible de refuser cela, étant donné que nous sommes dans un marché mondial et que nous devons réagir aux vents du changement à l'échelle mondiale.
    Absolument.
    Très bien. Merci.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.

[Français]

     Madame Pauzé, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Delorme, je n'en suis pas certaine, mais je crois avoir entendu un autre témoin dire que réduire les émissions n'avait pas d'effets clairs. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris.
    Partant de cela, je vais vous demander de parler du coût de l'inaction en ce qui a trait aux changements climatiques.
     C'est une question extrêmement importante. Toutes les études empiriques ont montré que ne rien faire va coûter plus cher que faire quelque chose. On peut avoir une taxe sur le carbone qui va peut-être réduire l'activité économique de 0,1 % ou de 0,2 % à court terme. Cependant, depuis 2006, les études ont montré que les coûts de l'inaction peuvent nous coûter de 5 à 15 % du PIB à moyen terme.
    Je reviens à mon intervention précédente. On peut acheter du temps, mais c'est du temps qui va nous rattraper et nous coûter plus cher. C'est comme faire de la prévention par rapport à donner des soins pour régler un problème médical. On peut se dire pendant longtemps qu'on n'ira pas chez le médecin. Or, un moment donné, on va le voir et il nous dit qu'on aurait dû aller le voir l'année précédente.
(1310)
     Est-ce que...
     Votre temps de parole est écoulé, madame Pauzé. Vous avez même bénéficié de 10 secondes supplémentaires.
    Madame Collins, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'aimerais poser ma question à M. Delorme.
    Vous avez brièvement mentionné votre appui à la Loi sur la finance alignée sur le climat. Cette loi a été approuvée par des centaines d'universitaires, d'organisations de la société civile et d'experts du climat. Elle met le doigt sur bon nombre des thèmes que vous avez mentionnés, notamment le fait de demander des comptes aux directeurs d'entreprises dans le cadre de l'action pour le climat, d'imposer des plans d'action pour le climat aux institutions financières et d'assurer qu'il n'y a pas de conflits d'intérêts liés au climat au sein des conseils d'administration.
    Pouvez-vous expliquer un peu pourquoi il importe que ce projet de loi aboutisse à ce genre de loi?

[Français]

    Je pense que c'est important, parce qu'on parle ici d'efforts conjugués pour faire en sorte que la lutte contre les changements climatiques porte ses fruits. À elles seules, les initiatives isolées ne sont pas suffisantes pour régler le problème. Compte tenu de la situation actuelle, de là où nous en sommes, je répète pour une quatrième fois que 2030 est vraiment le début du compte à rebours pour nous. Il est important, par conséquent, de regrouper toutes les initiatives. Tout ce que vous avez mentionné en matière de finance verte nous indique qu'un tir groupé est nécessaire quant aux efforts visant l'atténuation du réchauffement climatique.

[Traduction]

    Merci. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Deltell, vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Darren Hannah, de l'Association des banquiers canadiens.
    Un peu plus tôt, ce midi, à notre comité, Me Julien Beaulieu, du Centre québécois du droit de l'environnement, a remis en question la proposition concernant la déclaration volontaire. Il estimait en effet qu'une déclaration obligatoire serait préférable pour qu'il soit possible d'établir exactement les efforts qui sont faits d'une entreprise à l'autre et de savoir si les cibles sont atteintes.
    Or, tout à l'heure, quelqu'un a dit que les déclarations volontaires étaient tout aussi efficaces et a souligné qu'on était plus engagé lorsqu'on agissait de façon volontaire plutôt qu'en y étant obligé.
    J'aimerais connaître votre avis sur la déclaration volontaire des mesures prises pour réduire les émissions et pour investir dans les entreprises vertes, ce qui n'empêche pas d'investir dans les autres entreprises.

[Traduction]

    Pour ce qui est de votre question concernant la divulgation, je vais laisser mon collègue, M. Radeczy, qui est notre principal témoin, y répondre.
    Je dirais que les banques fixent des cibles de carboneutralité et qu'elles doivent suivre leurs progrès au regard de ces cibles. Jusqu'à aujourd'hui, les banques l'ont fait de façon volontaire. Nos grandes banques ont adopté les recommandations du Groupe de travail en matière d'informations financières en lien avec les changements climatiques, qui comprennent cet objectif. À présent, conformément à la ligne directrice B‑15 du Bureau du surintendant des institutions financières, la divulgation de cette information sera pour elles obligatoire.
    Les banques le font déjà de façon volontaire. Comme je l'ai mentionné dans mes observations liminaires, toutes les banques du Canada seront obligées de le faire, à compter de la fin de l'exercice 2024, pour les grandes banques, et de la fin de l'exercice 2025, pour les petites et moyennes banques.

[Français]

     Qu'avez-vous à dire à ceux qui estiment qu'il faudrait appliquer exactement la même évaluation aux investissements? Comment est-il possible de déterminer précisément s'il s'agit d'investissements verts, d'un vert très foncé ou d'un vert plus léger, dans le cas d'entreprises qui font de toute façon des efforts, mais sans nécessairement tenir un compte précis de la réduction de leur empreinte environnementale?

[Traduction]

    Pour cela, je me référerais au Conseil d'action en matière de finance durable. Nous avons hâte que le gouvernement progresse dans son travail. La première feuille de route de la taxonomie distinguait les investissements dans les entreprises vertes et les investissements admissibles transitoires au Canada. Il me semble que ce n'est pas exactement la même chose ailleurs, comme en Europe, laquelle dispose d'une taxonomie verte.
    De toute évidence, le Canada est une économie fondée sur les ressources. De ce fait, en ajoutant un élément admissible transitoire, il fait un pas important et innovant dans le cadre de sa participation à ce conseil d'action.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à Mme Taylor Roy.
(1315)
    Merci à tous les témoins de leur présence.
    Monsieur Edmans, j'ai une question pour vous.
    Vous avez répété, souvent en réponse aux questions, qu'il faut laisser au consommateur ou au client le choix de l'endroit où investir. Par conséquent, avoir une taxonomie ou exiger un rapport de divulgation permettrait aux clients et aux investisseurs d'avoir accès aux informations et rendrait également les choses plus simples et plus cohérentes, étant donné que les investisseurs ne seront pas tous à même de parcourir les rapports et de tout comprendre.
    Si les gens veulent faire des choix éclairés sur l'endroit où ils souhaitent investir, est‑ce que vous pensez que ce genre de divulgation et de transparence ou que la taxonomie, lesquels simplifient pour les investisseurs les informations sur les investissements de ces entreprises, sont nécessaires?
    Merci beaucoup de la question.
    Oui, je suis d'avis que ce genre de rapport simplifie l'information. Cependant, il rend les choses trop simplistes. Si vous êtes un investisseur, par exemple, vous allez vouloir investir dans des entreprises dirigées par de bons directeurs généraux, et non pas dans des entreprises dirigées par de mauvais directeurs généraux. Est‑ce qu'il faut une taxonomie qui dit quels directeurs sont bons ou mauvais et quelles entreprises sont bonnes ou mauvaises…
    Est‑ce que je peux vous interrompre un instant?
    Je réalise qu'il existe de nombreux problèmes, mis à part le changement climatique, mais je vais me concentrer sur le changement climatique. Si je suis un investisseur et que l'une des priorités est de m'assurer que les entreprises dans lesquelles j'investis sont « vertes », quelle que soit la façon dont les entreprises de taxonomie définissent ce terme, ne devrait‑il pas y avoir un moyen pour que d'autres investisseurs et moi-même puissions déterminer si ces investissements sont véritablement verts?
    Oui, je comprends la question initiale. J'ai mentionné cette analogie, car autant il est très difficile de classer une entreprise comme étant verte ou non verte, autant il est difficile de savoir si un directeur général est bon ou mauvais. Il y a beaucoup de répercussions à des niveaux différents, ici. Il se peut que les consommateurs choisissent une marque en particulier, car ils pensent que cette marque est respectueuse de l'environnement, alors qu'en réalité, cette marque a des répercussions sur plusieurs niveaux, et donc elle n'est pas respectueuse de l'environnement.
    Effectivement, cela simplifie les choses, et c'est la raison pour laquelle ce genre de rapport est très attrayant. Cela signifie qu'il est simple de…
    Je suis désolée, mais je n'ai que trois minutes, car c'est le dernier tour. Je ne veux pas vous interrompre, mais je voulais simplement comprendre.
    C'est complexe. C'est difficile à faire. Est‑ce que vous voulez dire que, lorsque nous ne faisons rien, les consommateurs sont livrés à eux-mêmes pour tenter de comprendre les choses?
    Non, pas du tout. On incite déjà énormément les entreprises et les gestionnaires de portefeuille à divulguer de l'information, car c'est quelque chose de pertinent pour les consommateurs. Cependant, l'information qui est pertinente varie d'une entreprise à l'autre, et c'est ce qui est compliqué. Le problème avec les normes, c'est qu'elles sont généralement assez génériques. Or, les répercussions particulières qu'une entreprise aura sur le changement climatique ne sont pas les mêmes d'une entreprise à l'autre…
    Je m'excuse encore une fois. C'est quelque chose que vous dites souvent, mais je ne comprends pas. Si nous laissons les choses à leur discrétion, et que nous permettons aux entreprises de le faire à leur façon…
    Ce n'est pas de la façon dont elles veulent le faire, mais bien de la façon dont les consommateurs veulent qu'elles le fassent, car les entreprises répondent…
    Ah, je vois. D'accord.
    Malheureusement, nous allons devoir suspendre ce débat. Le temps est écoulé.
    Chers membres du Comité, nous allons communiquer avec les deux ministres, et avec un peu de chance, nous aurons une réponse d'ici demain. Nous pourrons soumettre un rapport mercredi.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Allez‑y.
    Est‑ce qu'il y a du nouveau sur M. Carney? Va‑t‑il comparaître en tant que témoin?
    Il ne pourra pas venir.
    Ah bon?
    Non.
    Voici les dates que nous lui avons proposées. Le 7 mai, il n'a pas pu venir car il présidait une réunion à l'étranger. Le 4 août, M. Carney a fait part de son intérêt à comparaître en octobre ou novembre, mais il n'a pas confirmé de date.
    Nous avons ensuite proposé le 30 octobre. M. Carney s'est engagé à parler à l'occasion d'un événement et s'est excusé de ne pas pouvoir être ici. La semaine du 4 novembre, M. Carney sera en voyage parce qu'il se prépare pour la COP29. Il semblerait qu'il ne puisse pas participer cette année.
    Sur ce, je lève la séance.
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