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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 117 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 août 2024

[Enregistrement électronique]

(1200)

[Français]

    Je souhaite un bon après-midi aux membres du Comité et aux témoins qui sont des nôtres.
    La liste des participants à la réunion a grandement changé, en raison de remplacements. M. Simard remplace Mme Pauzé. M. Boulerice, qui participe à la réunion par vidéoconférence, remplace Mme Collins. Mme Shanahan, qui participe aussi par vidéoconférence, remplace M. Longfield. Mme Koutrakis, également par vidéoconférence, remplace M. Ali. M. Lauzon, qui participe à la réunion en personne, remplace Mme Taylor Roy. M. Martel, qui est également ici en personne, remplace M. Kram. Enfin, M. Gourde remplace M. Mazier. Voilà la composition du Comité aujourd'hui.
    Avant de commencer, j'aimerais tout simplement rappeler à tout le monde autour de la table de faire attention à l'équipement, pour éviter les incidents acoustiques. Nous ne voulons pas causer de blessures à nos magnifiques interprètes. En d'autres mots, si vous n'avez pas la parole, fermez votre micro. Si vous devez déposer l'oreillette pour quelque raison que ce soit, veuillez la poser sur le petit rond prévu à cette fin sur la table. Aussi, ne frappez pas la tige du micro. De cette façon, tout devrait bien se dérouler.
    Sans plus tarder, voici les témoins que nous accueillons pendant la première heure de la réunion. Nous avons M. Steeve St‑Gelais, qui est le président de Boisaco. Il est accompagné de M. André Gilbert, qui en est le directeur général. Nous avons également le plaisir d'accueillir Mme Lise Boulianne, qui est la mairesse de la Municipalité de Sacré‑Cœur.
    Je commence toujours par ceux dont le nom figure en haut de la liste, alors je présume que nous allons commencer par M. St‑Gelais.
    Monsieur St‑Gelais, vous disposez de cinq minutes.
    Je pense que ce serait préférable que Mme Boulianne prenne la parole en premier.
    Je suis ouvert à cela.
    Madame Boulianne, la parole est à vous.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vais vous parler aujourd’hui de Sacré‑Cœur, nécessairement. Notre municipalité est née de la forêt et vit de la forêt depuis sa fondation. Ses citoyens ont la forêt dans leur ADN. Sacré‑Cœur fait partie de la MRC de La Haute‑Côte‑Nord, qui est considérée comme l'une des plus dévitalisées du Québec.
    Depuis 40 ans, Boisaco est le moteur économique de notre village et de toute une région. Les pertes d'emplois liées à la fermeture de l'usine toucheraient près de 70 % de notre population, sans tenir compte des effets sur toute une région. Il est presque impossible d'anticiper ou d'envisager toutes les conséquences dévastatrices d'une telle catastrophe à la suite de la décision du gouvernement fédéral actuel. Comment peut-on imaginer toute une population qui se lève un matin sans avoir la moindre idée de ce à quoi pourrait ressembler son avenir? On parle d’un drame pour notre municipalité. Que deviendraient nos familles? Que deviendraient nos enfants? Quelles seraient les conséquences sur le plan psychologique?
    Depuis des dizaines d’années, la communauté de Sacré‑Cœur fait preuve d’initiative, de coopération, de dynamisme et de solidarité pour veiller à son développement, et c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui pour vous démontrer notre engagement envers une communauté qui croit en son développement, qui passe et passera toujours par l’industrie forestière.
    Nos jeunes et nos moins jeunes ont investi dans un avenir qui leur était prometteur en suivant un parcours scolaire qui leur assurerait cet avenir en lequel ils croyaient. À cette fin, ils se sont inscrits soit à un centre de formation professionnelle pour suivre des cours visant la récolte forestière, soit au cégep afin de devenir des techniciens forestiers, par exemple, soit à l’université afin d’être des ingénieurs forestiers. Pour chacun de ces parcours, ces métiers ne sont qu’un seul exemple de débouchés. Toute cette formation sera balayée du revers de la main. C'est plus de 600 travailleurs qui ont cru et qui croient encore en un développement durable de nos forêts et, surtout, à la cohabitation du monde animal et de l’entreprise forestière grâce à des actions concertées de la part des différents intervenants.
    Pour notre municipalité, le groupe Boisaco est un acteur important. Il contribue à notre développement économique, culturel, touristique et social par des investissements importants dans le milieu, que ce soit pour notre municipalité, pour les divers organismes sans but lucratif ou encore pour les municipalités environnantes.
    Comment un gouvernement peut-il croire à la survie d'une population de quelque 225 caribous, selon le décret proposé, sans se préoccuper de la survie d’un village, de notre village, de toute notre communauté? M. Guilbeault a-t-il vraiment réfléchi sérieusement à la solution proposée? A-t-il vraiment réfléchi aux conséquences de ce décret sur nos populations?
    J’ai avec moi aujourd’hui un cahier promotionnel que vous pourriez consulter afin de mieux découvrir notre milieu. Il n’est certainement pas le plus récent, mais il démontre à quel point notre milieu est dynamique et combien son développement lui tient à cœur. Si Sacré‑Cœur est ce qu’elle est devenue aujourd’hui, c’est surtout grâce à l’industrie forestière présente chez nous depuis 1870.
    Merci.
(1205)
    Merci, madame la mairesse.
    Nous passons maintenant à M. St‑Gelais.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous sommes heureux d'avoir enfin la chance de nous exprimer officiellement au sujet de ce projet de décret, et nous vous en remercions.
    Pour nos travailleurs, nos concitoyens et nos communautés de la Haute‑Côte‑Nord, un effroyable compte à rebours a commencé au moment de l'annonce de ce projet de décret, le 18 juin. Depuis cette annonce, nos vies sont en suspens. Notre joie de vivre a disparu pour faire place à l'anxiété, à l'inquiétude et à l'angoisse.
    Par le passé, notre milieu a connu la misère et la pauvreté. Entre 1982 et 1985, après trois échecs successifs d'initiatives visant à exploiter les installations de transformation du bois situées à Sacré‑Cœur, plusieurs des citoyens ont alors vécu des drames humains. Plusieurs ont été contraints de se tourner vers l'assurance-emploi, l'aide sociale ou d'autres sources d'aide similaires qui fragilisent la dignité humaine. Notre milieu a ainsi, bien évidemment, été le théâtre de problèmes sociaux, de faillites, de cas de détresse psychologique, de séparations, de divorces, ainsi que de l'usage accru de substances comme l'alcool et la drogue.
    Heureusement, le courage et la détermination sont demeurés, malgré tout, bien vivants. Je m'explique.
    À la suite du troisième échec et de la faillite qui en a découlé en 1982, la Banque canadienne impériale de commerce avait repris possession des actifs en garantie. La seule offre que cette dernière avait reçue était pour un démantèlement des installations. Les citoyens de notre milieu ont cependant refusé ce destin et ils ont refusé de baisser les bras. Ils ont surtout fait preuve d'une solidarité et d'une mobilisation phénoménales. Ils n'ont pas hésité à barrer les routes pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. C'est ainsi que leur cri du cœur a été entendu et qu'ils ont pu déposer une offre d'achat selon une formule de propriété collective originale et inédite qui implique deux coopératives de travailleurs, soit les coopératives COFOR et UNISACO, ainsi qu'une société de placement détenue par des citoyens du milieu dénommée Investra. Ainsi, en 1985, environ 600 travailleurs et citoyens ont tout misé sur la mise en place de cette formule de propriété collective. Aujourd'hui, 40 ans plus tard, plus de 1 100 travailleurs membres et citoyens investisseurs participent à la propriété collective du groupe Boisaco.
    Il est important de comprendre que la mission du groupe Boisaco consiste à agir en tant que moteur de développement durable et responsable en vue d'assurer la vitalité sociale, économique, environnementale et culturelle de notre milieu. Dans le respect de cette mission, sept entreprises de première, deuxième et troisième transformation se sont greffées, au fil de temps, à l'écosystème du groupe Boisaco: Sacopan, Ripco, Bersaco, Granulco, Valibois, Forrestco et Les Bois du Fjord. Tout ça est une propriété collective.
    La Haute‑Côte‑Nord est notre milieu de vie. Il s'agit d'un territoire regroupant environ 10 500 citoyens, et ce dernier fait partie des MRC les plus dévitalisées au Québec. Il va sans dire que toutes nos sources de vitalité sont importantes, que nous devons les protéger et que nous devons continuer à en faire émerger de nouvelles.
    Il est important de prendre conscience du fait que l'aménagement forestier pratiqué au Québec fait l'objet de certifications reconnues internationalement et que le régime forestier du Québec est parmi les plus stricts et rigoureux au monde. D'ailleurs, plusieurs auditeurs venant d'un peu partout dans le monde nous ont fait cette remarque quand ils sont venus faire des audits chez nous. Nous avons à cœur de contribuer à l'aménagement durable et responsable de nos forêts, en plus de fournir des produits faisant partie des plus écologiques qui soient et dont tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont besoin, notamment pour construire leurs maisons.
    La forêt est notre passé, notre présent et notre avenir. Il s'agit de notre mode de vie. Cela fait partie de notre culture depuis de multiples générations et nous en sommes fiers.
(1210)
    Pour nous, le travail est un droit qui permet aux humains de vivre dignement, de faire vivre leur famille et de s'accomplir. Si le décret est adopté, 600 emplois directs disparaîtront et cela entraînera la perte de plus de 200 millions de dollars en retombées annuelles, au total, pour notre milieu. C'est inconcevable. Les effets sur les humains doivent être pris en compte. Ce projet de décret doit être abandonné.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur St‑Gelais.
    Nous commençons maintenant le premier tour de questions provenant des membres du Comité.
    C'est M. Martel qui va ouvrir le bal.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. J'en suis bien content.
    Ma première question s'adresse à M. St‑Gelais ou à M. Gilbert.
    On fait des rencontres avec les citoyens. Les gens de ma circonscription pensent que le caribou est menacé. J'aimerais savoir une chose: êtes-vous d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une espèce menacée ou avez-vous une opinion différente?
    Monsieur Martel, nous allons nous parler des faits.
    Dans les faits, il n'y a qu'une seule sous-espèce de caribou présente au Québec et il s'agit du caribou des bois. Cette sous-espèce se décline en trois écotypes, soit le caribou migrateur, qu'on retrouve plus au nord, le caribou forestier, qu'on retrouve dans la forêt, et le caribou montagnard, qu'on retrouve plutôt dans des régions montagneuses. Ces écotypes ont été définis et classés par les biologistes en fonction de l'environnement ou de l'endroit où les caribous résident. Telle est la réalité de la seule sous-espèce qui existe au Québec. Je le répète, car c'est important de bien le comprendre.
    Pour ce qui est de l'écotype du caribou forestier, c'est-à-dire celui qui vit dans la forêt, il importe d'examiner les recensements réalisés et les différentes données recueillies depuis 2013. Je pense notamment à celles contenues dans le plan de rétablissement du caribou forestier, aux données publiées par la commission Gélinas et à celles provenant du bilan produit en 2023 par l'Équipe de rétablissement du caribou forestier au Québec. Ces données indiquent une relative stabilité de l'écotype du caribou forestier entre 2013 et 2023. Je parle bien de l'écotype du caribou forestier.
    J'aimerais mentionner un autre élément fondamental en ce qui concerne l'écotype du caribou forestier. Les derniers recensements ont permis de mettre en lumière le fait que 80 % des individus recensés se trouvent soit dans des aires protégées, qui sont déjà vouées à leur protection, soit au nord de la limite nordique, là où il n'y a aucune intervention de récolte forestière ou d'aménagement forestier.
    Quand on fait le portrait de l'écotype du caribou forestier, il y a encore beaucoup de nuances à apporter. D'une part, il y a le fait qu'une seule sous-espèce est présente au Québec. D'autre part, il y a la situation de l'écotype du caribou forestier. Le dénombrement de l'ensemble de la sous-espèce permet de mettre en perspective le fait que la sous-espèce n'est pas menacée au Québec.
(1215)
    Monsieur St‑Gelais, apparemment, il y a eu des consultations et vous avez participé au processus. Avez-vous eu la chance de vous exprimer sur ce sujet? Avez-vous été en mesure d'exprimer ce que vous dites aujourd'hui?
    Monsieur Martel, parlez-vous des consultations fédérales?
    Oui.
    D'accord.
    Lors de la première rencontre technique, on nous a dit que le décret avait été préparé et que, dans le fond, il n'y aurait pas vraiment de changements considérables possibles en ce qui touche les surfaces concernées. Cela nous a démontré qu'il n'y avait pas vraiment d'angle possible pour engager la discussion. De plus, quand on nous a présenté cela, on nous a dit que le décret avait été fait dans un esprit d'équilibre entre la protection et les répercussions sur le milieu. Nous avons très bien vu que ce n'était malheureusement pas le cas, parce qu'il n'était pas possible d'obtenir de réponses quant aux répercussions sur les possibilités forestières. De plus, nous avons compris que nous ne pourrions aucunement jouer un rôle déterminant. Nous avons très bien vu qu'il n'y avait rien à faire pour changer les choses.
    Monsieur Gilbert, on parle de la notion d'urgence quant à l'imposition du décret. Qu'avez-vous à dire sur cela?
    En fait, le caribou forestier est un écotype qui fait partie de la sous-espèce du caribou des bois. Il y en a 180 000 au Québec. Sa population est en augmentation. Alors, cette notion d'urgence, nous ne la comprenons pas.
    L'écotype du caribou forestier vit certaines perturbations probablement depuis une trentaine d'années. Dans le secteur qui nous intéresse et qui a des conséquences sur nous, soit le secteur de Pipmuacan, le caribou forestier vit déjà un taux de perturbation de l'ordre de 80 % depuis une trentaine d'années.
    En ce qui concerne les populations du secteur de Pipmuacan, il y a eu un recensement en 1999 et il y avait 135 individus. Il y a eu un autre recensement en 2012 et il y en avait alors 298. Le dernier inventaire, en 2020, qui était un inventaire de référence, soit dit en passant, montrait qu'il y en avait 225. Quelles conclusions pouvons-nous en tirer? C'est difficile de tirer des conclusions importantes. Nous ne percevons pas le sentiment d'urgence.
    Il y a des préoccupations en ce qui concerne le taux de recrutement dans la population, c'est-à-dire le nombre de faons par 100 femelles. Les spécialistes du caribou et les biologistes qui font état de cela disent qu'il faut faire preuve d'une extrême prudence quant à ces chiffres et la manière dont ils sont comptabilisés, parce que les femelles ont tendance à se sauver dans le bois quand elles entendent des hélicoptères au moment du recensement. Pour cette raison, on utilise un calcul pour faire une extrapolation du nombre de femelles. Il y a donc un danger d'avoir un échantillonnage faussé. Alors, les scientifiques qui étudient le caribou nous disent de faire preuve de prudence au sujet de ces données.
(1220)
    D'accord, merci. Nous devons nous arrêter là, car le temps de parole de M. Martel est écoulé.
    Nous nous tournons maintenant vers Mme Chatel.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer. Je suis très heureuse aussi d'avoir une élue avec nous aujourd'hui. Je leur souhaite la bienvenue.
    On est en 2024. On ne se le cachera pas, il faut que tous les gouvernements travaillent ensemble. On ne bâtit pas une économie dans les airs. L'économie se base sur les ressources que la terre nous donne et sur l'écologie. Je viens d'une circonscription rurale où l'on trouve d'excellentes compagnies forestières. Chez nous, nous travaillons ensemble. Chez nous, nous travaillons avec le député provincial, avec les élus locaux, avec la préfète de la MRC de La Vallée‑de‑la‑Gatineau ainsi qu'avec la préfète de la MRC de Pontiac. Nous trouvons ensemble des solutions à nos problèmes. C'est seulement en travaillant ensemble que nous allons réussir.
    Je m'excuse, mais on n'a plus le temps de faire de la politicaillerie. Il faut que tous les ordres de gouvernement, c'est-à-dire le provincial, le fédéral et le municipal, ainsi que la communauté et les entreprises trouvent ensemble des solutions. Je crois que, quand nous travaillons ensemble, il y en a, des solutions.
    Le caribou doit être protégé, il n'y a pas de discussion là-dessus. Quand une espèce s'éteint, cela veut dire qu'il y en a d'autres qui sont à risque. L'être humain aussi est une espèce. Nous vivons tous ensemble, alors il faut protéger les milieux. Il faut protéger l'économie et l'écologie; cela va de pair.
    Je pense aussi que nous, les humains, avons le droit d'avoir une dignité, d'avoir du travail et de développer notre économie régionale. Les compagnies forestières ont la responsabilité énorme de garantir la prospérité, non seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain. Donc, vous êtes responsables de vous assurer de notre économie régionale ou de celle de Sacré‑Cœur non seulement aujourd'hui, mais pour nos enfants aussi, sinon ils vont quitter nos communautés.
    J'aimerais savoir ce que vous attendez des gouvernements. Vous attendez-vous à ce qu'ils s'assoient ensemble et qu'ils trouvent des solutions avec vous?
    Merci de votre question, madame Chatel.
    Je reprendrai seulement l'élément suivant parmi les informations et les faits que nous vous avons exposés tantôt. Soit dit en passant, vous pouvez aller voir sur le site du gouvernement du Québec et vous y trouverez intégralement ce que je vous ai dit tantôt. Il y a seulement une sous-espèce de caribou au Québec et c'est le caribou des bois. Il y a trois écotypes, mais c'est le même caribou partout. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il est important d'enlever les perceptions selon lesquelles l'espèce est menacée. L'espèce n'est pas menacée. En tant que société, on pourrait vouloir accorder une attention particulière à l'écotype du caribou forestier. C'est correct. Cependant, l'espèce n'est pas menacée au Québec, et je pense que c'est important de le comprendre. Pour toute solution qu'on voudra tenter d'apporter, il va falloir qu'on soit capable de mettre cela en toile de fond tout le temps.
    De plus, comme vous l'avez dit tantôt, madame Chatel, les humains font partie de l'écosystème et doivent être pris en compte. Il y a plein d'autres éléments qui peuvent être envisagés, mais il va falloir que ce soit avec une vision d'ensemble, et non pas avec une vision trop obtuse ou pointue, si on veut réussir à travailler sur des solutions.
    J'ai plusieurs questions à poser et je n'ai pas beaucoup de temps.
    Depuis 2016, le Québec dit qu'il y a un déclin et qu'il va mettre en place une stratégie. Cette stratégie existe-t-elle?
    Madame Chatel, de notre côté, nous travaillons intensivement sur ce dossier depuis quatre ans. Il y a quatre ans, ou même trois ans ou deux ans, le gouvernement provincial s'est retrouvé devant des situations qui auraient pu être catastrophiques. Nous avons travaillé fort pour favoriser une prise de conscience, et il semble y en avoir eu une dans les six derniers mois. On a dit qu'on allait faire attention à ce que les choses soient faites différemment et qu'on allait essayer de bien mesurer toute intervention.
    J'aimerais quand même mentionner quelque chose qui a été fait dans notre région. Il y a une aire protégée...
    Je suis désolée, mais je dois vous interrompre, parce que j'ai aussi des questions à poser à Mme la mairesse.
    Bref, on a besoin d'une stratégie, et ce, rapidement. La province de Québec a un rôle à jouer.
    Je vous invite à nous soumettre vos réponses par écrit si elles n'étaient pas complètes.
    Madame la mairesse, je vous souhaite la bienvenue.
    Avez-vous participé aux consultations fédérales sur ce décret?
(1225)
    Présentement, je travaille de concert avec Boisaco. Je n'ai pas participé à des consultations, mais je travaille de manière à ce que ma municipalité puisse survivre. Notre municipalité compte 1 760 habitants. Une partie minime dépend de l'agriculture et du tourisme, alors que 70 % de la population dépend de la forêt, comme je l'ai dit tout à l'heure.
    Comme je l'ai dit, il faut travailler ensemble. Je vous invite à vous exprimer lors des consultations, et non seulement par l'entremise de l'industrie. Je vous invite à y faire porter directement la voix de votre communauté. C'est comme ça que ça fonctionne chez nous, du moins.
    C'est ce que je m'ingénie à faire, madame Chatel.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous été consultée aussi par le gouvernement québécois sur cette question?
    Oui, nous avons participé à des consultations il y a environ deux ans.
    Avez-vous une demande à faire aux élus fédéraux et provinciaux?
    Je leur demande de s'asseoir avec nos compagnies forestières et de travailler ensemble. Il y a des gens chez nous qui sont capables de proposer des solutions à nos gouvernements. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est important de travailler ensemble.
    Je suis d'accord avec vous.
    Merci.
    Votre temps de parole est écoulé, madame Chatel.
    C'est maintenant au tour de M. Simard.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Boulianne, monsieur St‑Gelais et monsieur Gilbert, d'entrée de jeu, je dois vous dire que je vous trouve courageux. On parle déjà depuis quelque temps de l'anxiété que cette situation crée chez vous. J'en suis pleinement conscient.
    Madame la mairesse, vous dites que 70 % de la population de Sacré‑Cœur dépend, on va le dire ainsi, de Boisaco. Ce n'est pas rien, quand même.
    Nous ne souhaitons pas le pire, c'est-à-dire l'application du décret. Cela dit, les gens ont des inquiétudes. Certains des effets redoutés ont-ils déjà commencé à se faire ressentir chez vous?
    Je ne parle pas de courage, ce matin, mais plutôt de détermination.
    Oui, il y a des effets. J'en ai déjà discuté avec les gens de Boisaco. Ce que nous remarquons dans notre municipalité présentement, c'est qu'il n'y a presque plus de demandes de permis de construction ou de rénovation. Leur nombre est en chute libre. Les gens sont plus craintifs et ils protègent un peu leurs avoirs. C'est tout ce qu'ils sont en mesure de faire.
    Je n'exagère donc pas en disant qu'il y a des gens à Sacré‑Cœur qui croient que l'application du décret signifierait la fermeture de leur municipalité. Je ne veux pas insister là-dessus, mais, pour eux, c'est ça.
    On doit se rendre à l'évidence: si Boisaco ferme ses portes, ce sera dramatique.
    Merci.
    Je m'intéresse depuis longtemps à la question de l'industrie forestière. On nous dit souvent qu'il y a des acteurs dans cette industrie qui ont des pratiques discutables ou qui se contentent de faire des produits de base, comme des deux-par-quatre. Toutefois, ce qui est très bien dans le cas de Boisaco, c'est que cette entreprise a décidé de miser sur la valorisation. C'est revenu à de nombreuses reprises quand j'ai échangé avec des gens du secteur forestier: ils nous disaient que vous aviez des pratiques exceptionnelles. Je vous en félicite, monsieur St‑Gelais. Le décret est donc d'autant plus dérangeant qu'il s'applique à un des bons acteurs du secteur forestier.
    J'aimerais parler de l'objectif de protéger l'écotype. La protection de l'écotype ne peut pas se faire sans aménagement forestier. On connaît les différents problèmes liés à la tordeuse des bourgeons de l'épinette et aux feux, par exemple. S'il n'y a pas d'aménagement forestier et qu'on pose une cloche de verre au-dessus de la forêt, selon vous, y a-t-il une possibilité de protéger l'écotype?
    M. Gilbert peut sans doute répondre à cette question.
    En effet, je vais demander à M. Gilbert de répondre à la question.
    Il s'agit d'une excellente question.
    Je comparerais les aménagistes de la forêt, soit les ingénieurs forestiers au Québec, à un entrepreneur général qui construit une maison. Ce dernier doit tenir compte de l'ensemble des éléments et doit s'associer avec des plombiers ou des électriciens, c'est-à-dire avec des experts qui connaissent bien leur domaine. Au même titre, les ingénieurs forestiers doivent tenir compte de ce que les biologistes de la grande faune, dans le cas de l'écotype du caribou forestier, ont à dire sur le caribou. C'est indispensable.
    Cependant, comme on le sait, conformément à la loi, les ingénieurs forestiers ont l'exclusivité des plans d'aménagement au Québec. Les ingénieurs forestiers sont formés pour intégrer l'ensemble des éléments qui composent la forêt, soit l'environnement, l'hydrologie, la botanique, la biologie reliée à la grande faune, bien sûr, et tous les autres aspects pertinents, notamment les incendies forestiers, les épidémies d'insectes et le renouvellement de la forêt.
    Actuellement, au Canada et au Québec, on vit des périodes extrêmement intenses en matière d'incendies forestiers et on parle d'une augmentation de ces occurrences dans l'avenir. Or, l'aménagement forestier est une réponse importante pour diminuer l'intensité des feux de forêt. Il est démontré que, lorsque la forêt est aménagée, les feux sont de moins grande intensité et de moins grande ampleur, parce qu'il y a des accès et qu'on est capable de lutter contre ceux-ci. Dans ma carrière, j'ai lutté contre les feux de forêt à de nombreuses reprises. Cela nous permet d'éviter que ces feux se répandent. On renouvelle donc la forêt.
    Je ne veux pas vous donner un cours de foresterie, mais il y a une autre chose qu'il est important de considérer et de savoir. Si on se penche uniquement sur la question de l'habitat et qu'on met une cloche de verre sur la forêt comme vous l'avez évoqué, monsieur Simard, cela fera qu'on n'interviendra plus et qu'on n'aménagera plus cette forêt. Cependant, cela n'empêchera ni les incendies forestiers ni les épidémies d'insectes, comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Soit dit en passant, chez nous, sur la Côte‑Nord, des millions de mètres cubes de bois ont été touchés par un tel insecte. Depuis une douzaine d'années, 80 % du bois récolté a été touché par la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Autrement, il aurait été totalement gaspillé. Si le bois touché par des feux ou par des épidémies d'insectes n'est pas récupéré, il finit par se renverser, inévitablement. Or, les cervidés, y compris l'écotype du caribou forestier et le caribou, évitent les secteurs de chablis.
    Après un feu, le délai de régénération peut être de 25 à 30 ans. La forêt ne revient pas, parce qu'elle n'a pas été récupérée ni reboisée. L'aménagement forestier est donc une réponse aux changements climatiques, mais elle permet aussi de recréer un habitat plus rapidement pour le caribou lors de cataclysmes naturels. Les cataclysmes naturels n'arrêteront pas d'exister. Ils existaient il y a 1 000 ans, il y a 25 ans, et ils vont encore exister dans l'avenir, voire s'intensifier.
    L'aménagement forestier est la pierre angulaire de n'importe quel plan. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on dit que la population de caribou est influencée par un grand nombre d'éléments. L'écotype du caribou forestier vit dans la forêt, en petit nombre. Il est très dispersé. Oui, il sera influencé par les perturbations d'ordre anthropique, mais il sera également influencé par le climat. D'ailleurs, de récentes études menées dans l'Ouest ont révélé clairement que les changements climatiques avaient plus d'influence que les perturbations d'origine humaine.
(1230)
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Boulerice.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ça me fait extrêmement plaisir d'être des vôtres aujourd'hui.
    Je remercie les invités du premier groupe de témoins. Il s'agit de la première réunion portant sur une étude vraiment importante, soit l'avenir du caribou forestier, qui est un écotype d'une sous-espèce unique au Québec. Je les remercie vraiment. C'est un sujet extrêmement important qui touche un paquet d'aspects, notamment le développement régional et la survie de certaines municipalités, comme on l'entend. Il est question aussi de bons emplois dans le secteur forestier et de l'avenir de nos jeunes.
    Au NPD, nous nous préoccupons grandement de la capacité d'en arriver à un développement réellement durable qui assurerait un avenir pour les jeunes dans les régions concernées, que ce soit la Haute‑Côte‑Nord, la Gaspésie ou encore Charlevoix. Par ailleurs, nous voulons être responsables en ce qui a trait aux espèces menacées ou en voie de disparition. Cela s'applique aussi aux sous-espèces, selon ce que je comprends.
    Il ne faut pas se contenter de tenir de beaux discours et de grandes discussions comme on l'a fait à Montréal, quand on a accueilli la planète entière à la COP15 des Nations unies. Il faut avoir une approche basée sur la science et sur les faits.
    Je suis content de pouvoir entendre tous ces témoignages depuis midi. Ceux-ci nous montrent à quel point il s'agit d'une question complexe qui comporte des facteurs variables. L'activité humaine ou industrielle est un des facteurs qui peuvent influencer l'avenir d'une espèce ou d'une sous-espèce, mais il y en a également d'autres, notamment les changements climatiques, dont M. Gilbert a parlé. De plus, certains insectes et certains cataclysmes peuvent avoir des conséquences.
    Nous voulons être capables de sauver nos municipalités et nos villages et de donner de bons emplois à nos jeunes, mais nous ne voulons pas être responsables de la disparition d'une sous-espèce unique au monde. Partout sur la planète, on observe la disparition accélérée d'espèces vivantes. Certains scientifiques parlent même d'un effondrement du vivant. Non seulement des espèces disparaissent, mais, dans les espèces qui se maintiennent, on compte de moins en moins d'individus. Certains disent même que de 60 à 75 % des individus d'espèces d'oiseaux ou d'espèces terrestres disparaissent.
    Nous devons donc trouver un équilibre. Il est parfois un peu difficile à atteindre, mais il est primordial de pouvoir assurer les deux aspects, surtout quand on est des élus ou des parlementaires.
    En 2016, le gouvernement du Québec a reconnu...
(1235)
    Est-ce qu'il y aura une question?
    Oui, bien sûr, je vais vous poser une question.
    Madame Boulianne, je sais que cela peut être long, mais il s'agit du temps de parole du député, alors c'est à lui de décider comment l'utiliser. Cela dit, je connais bien M. Boulerice et je présume qu'il aura une question à vous poser, à la fin de tout ça.
    Bien sûr, monsieur le président.
    En 2016, le gouvernement du Québec a reconnu la nécessité de bâtir une stratégie pour la protection du caribou forestier et du caribou montagnard. Par la suite, la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards a soumis 35 recommandations au ministère, dont la première est la suivante:
La Commission recommande au [ministère] de procéder le plus rapidement possible à l'élaboration et la mise en œuvre d'une stratégie de protection et de rétablissement du caribou forestier qui tienne compte des connaissances déjà acquises et des recommandations découlant de la présente consultation. En attendant, il y aurait lieu d'implanter les mesures administratives de protection déjà connues afin de préserver les secteurs les plus propices, notamment établir des moratoires pour protéger les grands massifs de forêt mature.
    Je vais m'adresser à M. Gilbert.
    Premièrement, êtes-vous d'accord sur le constat de cette recommandation, c'est-à-dire qu'il doit y avoir une stratégie de protection et de rétablissement du caribou? On parle donc d'une nécessité.
    Deuxièmement, quel genre de mesures administratives de protection seraient les plus propices et les plus acceptables, selon vous, pour votre coopérative et pour l'industrie?
    Merci de votre question.
    D'abord, dans votre préambule, vous avez fait allusion au fait que l'espèce pourrait disparaître, ce qui est faux. La sous-espèce du caribou des bois, qu'on retrouve au Québec, compte 180 000 individus, et ce nombre est en augmentation. Le décret vise seulement l'écotype du caribou forestier, et même certaines populations de cet écotype qu'on a choisi de protéger particulièrement, et ce, pour des raisons qu'on n'expliquera pas en détail ici.
    Effectivement, il faut une stratégie de protection. Or, il est très clair que le décret ne vise qu'un seul des multiples facteurs qui influencent l'écotype du caribou forestier, c'est-à-dire l'habitat. On a pensé que de mettre l'habitat du caribou forestier sous une cloche de verre permettrait d'en arriver à un résultat, mais c'est complètement faux. L'écotype du caribou forestier est influencé par une panoplie de facteurs, dont les changements climatiques, l'aménagement forestier, bien sûr, et la prédation. On comprend facilement que les prédateurs sont la première cause de décès chez l'écotype du caribou forestier. Il y a aussi la chasse de subsistance et le braconnage, bien sûr. Ce sont des choses qui peuvent être contrôlées. Cependant, il n'y a actuellement aucune mesure, ni dans le décret ni ailleurs, qui vise ces éléments. D'ailleurs, il faut rappeler que ces éléments relèvent du gouvernement provincial, et non du fédéral.
    Alors, la seule façon de faire un plan qui fonctionne, c'est de s'attaquer à l'ensemble des facteurs, surtout les plus importants, dont la prédation.
    Merci.
    Cela met fin au premier tour de questions. Nous passons maintenant au deuxième tour, où chaque intervenant disposera de cinq minutes. Les députés du Bloc québécois et du NPD, dans leur cas, disposeront de deux minutes et demie.
    C'est encore une fois M. Martel qui prendra la parole en premier.
    Merci, monsieur le président.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de la menace que pose le décret. Je vous entends parler d'aménagement et de prédation, et j'en viens à me demander ceci: à quoi sert le décret, sauf à tuer l'industrie forestière?
    Votre question est pertinente, monsieur Martel.
    Au fond, le décret est formulé selon une vision un peu unilatérale. Il ne tient pas compte de l'ensemble des autres facteurs. Effectivement, on ne peut que constater qu'on s'engage dans la mauvaise voie en voulant imposer ce décret.
    Je voudrais revenir sur un élément au sujet des solutions, dont on a parlé tantôt. Comme je vous le disais, nous avons travaillé très fort pour faire comprendre les enjeux au gouvernement provincial. Il y a finalement eu une prise de conscience à cet égard, mais je veux quand même souligner que des mesures ont été annoncées pas plus tard qu'en mai dernier. On a annoncé que la superficie d'une aire protégée de 5 000 kilomètres carrés serait doublée et passerait donc à 10 000 kilomètres carrés. Cela représente plus de 20 fois la grandeur de l'île de Montréal. Ce n'est pas rien. C'est quand même considérable, mais on semble penser que ce n'est rien. C'est ce qui suscite un questionnement pour nous et que nous trouvons dommage. On dirait qu'il y a une espèce de volonté aveugle de protéger l'habitat, que c'est la seule chose qui compte et qu'on minimise parfois les autres répercussions. Or, nos communautés sont directement touchées, et nous allons continuer d'intervenir pour maintenir notre organisation en vie, en faisant preuve de la même détermination que ceux qui y ont redonné vie il y a 40 ans.
(1240)
    Si le décret est appliqué, Boisaco ne pourra pas survivre. Est-ce exact, madame la mairesse?
    Effectivement, si le décret est appliqué dans sa forme proposée aujourd'hui, la survie de Boisaco sera menacée.
    C'est sans compter toutes les autres interrogations qui ont été soulevées.
    Il y a tous les autres éléments que j'ai soulevés tout à l'heure. De quoi nos jeunes et nos moins jeunes vont-ils vivre? Ils ont fait des études et se sont formés pour travailler dans l'industrie forestière de chez nous. C'est peine perdue.
    Si Boisaco ferme ses portes, que deviendra Sacré‑Cœur?
    Sacré‑Cœur deviendra alors un village fantôme, ou presque.
    Monsieur Gilbert, parlons des changements climatiques. Je crois que vous avez envoyé une lettre dans laquelle vous en parliez, mais vous n'avez pas eu de réponse, n'est-ce pas?
    Non. À ce jour, nous avons écrit sept lettres au premier ministre Trudeau et à M. Guilbeault, et nous n'avons effectivement pas eu de réponse. Nous n'avons eu que des accusés de réception après la sixième lettre.
    Effectivement, la question des changements climatiques, que vous soulevez, est extrêmement importante. Comme je le disais tantôt, des recherches dans l'Ouest commencent à indiquer que les changements climatiques sont le plus important facteur de perturbation de l'écotype du caribou forestier. Effectivement, c'est de plus en plus à ce phénomène qu'on va devoir s'attaquer.
    Il a été démontré que les espèces migrent vers le nord à une vitesse de 45 kilomètres par décennie. La communauté scientifique est unanime à ce sujet. Je pense notamment à ce que disait Claude Villeneuve, chercheur émérite à l'Université du Québec à Chicoutimi, pas plus tard que l'année dernière. Malheureusement, il est décédé maintenant, mais il existe des enregistrements à ce sujet. Il disait que l'orignal et le chevreuil migraient vers le nord et que leur prédateur, le loup, migrait avec eux. Selon lui, c'est une conséquence inévitable des changements climatiques. Les populations d'orignaux ont été multipliées presque par cinq au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et dans les secteurs à proximité de Pipmuacan dans les 20 dernières années.
    Tout ça indique qu'il y a un mouvement qu'on ne pourra pas arrêter facilement. Claude Villeneuve lui-même disait qu'on ne pourrait pas tellement avoir d'effets freinant les changements climatiques avant 300 ans environ. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui. Alors, à court terme, on ne peut pas penser qu'une mesure de protection de l'habitat qui détruit toute activité d'aménagement forestier autour de la région va aider le caribou. Ça relève de la pensée magique. C'est impossible.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste environ 10 secondes.
    J'allais parler de la prédation. On entend dire que les loups sont une menace constante. J'ai lu un article sur ce qui s'est passé dans l'Ouest, et...
    En effet, une expérience a été faite dans l'Ouest et c'est important d'en parler. Là-bas, on a travaillé sur la question du loup et, en deux ans, on a permis à la population de l'écotype du caribou forestier d'augmenter de 52 %, et ce, sans détruire l'économie forestière ni l'aménagement forestier.
    C'est bon, ce que vous dites là.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Lauzon.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins, dont Mme la mairesse de Sacré‑Cœur, de leur présence aujourd'hui.
    Je représente une région rurale où la foresterie est très importante. Dans une des municipalités les plus importantes de ma circonscription, on subit les effets de la fermeture de l'usine Fortress, que vous connaissez possiblement. J'ai participé à des tables de concertation sur le sujet. Comme j'arrive de ce milieu, je connais les dossiers liés à la foresterie. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on vit une certaine pression dans le domaine de la foresterie.
    Comme vous le savez, madame la mairesse, quand on est un élu à l'échelle municipale, on est proche de ses concitoyens. Les gens dépendent de l'industrie pour vivre. Or, certains villages ont subi les contrecoups de l'industrie. Je pense à des cas comme celui en Abitibi‑Témiscamingue, par exemple, où les citoyens se sont mobilisés, ont racheté l'usine et sont venus à bout de la redémarrer, sous certaines conditions.
    Depuis 1989, je sens que la situation climatique exerce aussi une certaine pression sur la foresterie. Cela peut aussi causer certaines maladies. Vous en avez mentionné et c'était très intéressant. On doit également composer avec les feux de forêt.
    Aujourd'hui, nous faisons face à un autre enjeu, qui s'ajoute par-dessus toutes les couches d'enjeux que nous avons connus jusqu'ici. Même si nous sommes un grand défenseur de la foresterie, au Québec, nous faisons face à l'empreinte de l'activité de cette industrie sur le caribou, qui est en voie d'extinction.
    Comme député du gouvernement, je suis fier de représenter la foresterie et la ruralité et de défendre les intérêts des petites communautés. J'ai moi-même été conseiller municipal, et les citoyens et les services de proximité me tiennent à cœur.
    Or, comme gouvernement, il faut prendre des décisions en s'appuyant sur des consultations et sur des professionnels. Nous sommes en plein dans ce processus et vous en faites partie. Nous sommes là pour ça. Si nous ne voulions pas vous écouter, vous ne seriez pas là aujourd'hui. Nous vous écoutons. C'est le temps de vous exprimer.
    Tantôt, vous nous avez parlé d'un beau document qui prouve que le caribou n'est pas menacé sur votre territoire. Je n'ai pas ce document, mais je serais content de l'avoir et de le lire. J'aimerais que vous le déposiez officiellement auprès du Comité pour que ses membres puissent en prendre connaissance. Cela permettrait de faire avancer la consultation qui se poursuit jusqu'au 15 septembre.
    Comme vous le savez, madame la mairesse, le concept de consultation est important dans les petites municipalités, mais il l'est tout autant à l'échelle fédérale.
    Le modèle qui a été choisi pour tenir des consultations est celui d'une commission indépendante recueillant les recommandations de spécialistes. Chez Boisaco, vous avez eu le temps de participer à cette consultation. Pour votre part, madame la mairesse, vous n'avez pas eu le temps de le faire, mais vous vous fiez à Boisaco pour cela. Ma question s'adresse donc à vous, de chez Boisaco.
    Comme gouvernement, on doit être responsable. Dans à peu près tous les dossiers, les partis de l'opposition demandent au gouvernement de tenir une commission indépendante. Dans ce cas-ci, on a tenu une commission indépendante. Cela dit, cette commission sur le caribou est-elle indépendante, selon vous? Sinon, comment pourrait-on faire mieux la prochaine fois?
(1245)
    Monsieur Lauzon, parlez-vous de la présente commission?
    Oui, je parle de la consultation qui se déroule jusqu'au 15 septembre.
    D'accord.
    Entendons-nous bien, la présente commission se tient parce qu'une pression a été exercée sur le système. Je vous dirais que c'est vraiment très malhabile d'avoir voulu avancer dans un esprit de menace de décret. Je répète que, lors de la première rencontre technique à laquelle nous avons été conviés, on nous a dit que ce décret avait été fait dans le but d'assurer un équilibre entre la protection de l'animal et les répercussions sur les gens du milieu. C'est exactement ce qu'on nous a dit. Puis...
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur St‑Gelais, mais, s'il y a eu un prolongement des consultations jusqu'au 15 septembre et que nous continuons à consulter les gens, c'est parce que nous sommes de bonne foi. Nous vous écoutons, nous sommes là.
    Monsieur Lauzon, on nous a dit que le projet de décret qui était présenté ne pourrait pas beaucoup varier. Qu'est-ce que ça donne de faire une consultation, dans cet esprit? On n'avait aucunement pris en compte les effets du décret sur les citoyens. En fin de compte, on nous dit que le projet de décret ne changera pas trop, mais on nous demande d'aller quand même nous exprimer pendant la consultation. C'est insensé. Vous comprenez qu'on est allé dans le mauvais sens, malheureusement.
    Donc, vous êtes en train de dire à ce comité que, selon l'information que vous avez eue, je ne sais pas trop si c'est de vive voix ou par écrit, il s'agirait d'une consultation bâclée, qui ne sert à rien, car tout est déjà décidé. Vous connaîtriez donc déjà l'orientation du résultat final, alors que moi, qui suis un élu fédéral, je ne suis même pas encore au courant du résultat des consultations. Je fais encore confiance aux consultants et aux spécialistes. Moi, je ne le sais pas encore, mais vous, vous le savez, selon ce que vous dites.
    Merci, monsieur Lauzon.
    Je cède maintenant la parole à M. Simard pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je demanderais aux témoins de donner des réponses très succinctes.
    Madame Boulianne, notre objectif aujourd'hui est d'avoir une influence sur le ministre. En une minute, si vous aviez un message à envoyer à M. Guilbeault, quel serait-il?
(1250)
    Tout à l'heure, en réponse à la question sur la consultation, il y a eu confusion de ma part. Oui, nous participons activement à la présente consultation. Tous mes concitoyens ont reçu un message personnel qui les invitait à participer à cette consultation.
    Le message que je veux transmettre aujourd'hui, c'est que, si le décret est appliqué dans la forme où il est proposé maintenant, je me demande où notre municipalité ira. Je pense qu'on n'aura plus besoin d'une mairie pour gérer la municipalité, puisqu'il n'y aura plus rien à gérer.
    C'est très clair. Je vous remercie.
    Monsieur St‑Gelais, si vous le souhaitez, vous pouvez poursuivre votre réponse à M. Lauzon.
    Cependant, j'aimerais vous parler du taux de perturbation. On parle d'un taux de perturbation de 35 %. Si on tient compte des feux de forêt et de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, le taux de perturbation dans le secteur d'intérêt serait déjà de 58 %, au minimum.
    Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
    Je vais demander à M. Gilbert de vous donner plus de détails à cet égard.
    J'aimerais apporter une rectification: le secteur de Pipmuacan est actuellement perturbé à 80 %. C'est ce que démontrent les calculs faits selon une méthodologie du fédéral.
    De notre côté, nous avons tenu compte des objectifs du décret et nous avons refait les calculs avec nos experts pour savoir ce que ça donnerait si le décret était appliqué. Au bout du compte, si on démantelait tous les chemins qu'on pourrait démanteler et qu'on permettait les activités permises par le décret, on arriverait à un taux de perturbation de 49 %, alors que l'objectif du décret est de 35 %. Si le taux de perturbation est de 35 %, il y a 60 % de probabilités que la population se maintienne. Cependant, si le taux de perturbation est de 49 %, ce n'est plus le cas.
    Selon la manière dont le décret a été fait, il tient compte seulement de l'habitat. À mon avis, cela démontre une méconnaissance du territoire où on aménage la forêt. Cela revient à donner un coup d'épée dans l'eau; c'est nul et sans effet. On va donc détruire des économies, des villages et des vies pour rien.
    Monsieur St‑Gelais, vous avez jugé que votre capacité d'influencer la décision du gouvernement lors de la consultation était minime. C'est le sens de la conversation que vous aviez avec M. Lauzon.
    J'aimerais vous entendre nous en parler davantage.
    Je vous demande d'être bref, monsieur St‑Gelais.
    Dès la première rencontre, on nous a informés que le projet de décret était tel quel et qu'on ne pouvait pas y changer grand-chose, même s'il engendrait des conséquences catastrophiques. Cela ne nous donnait pas beaucoup d'espoir. Nous avons quand même continué à nous exprimer de toutes les manières possibles, bien sûr.
    Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Boulerice.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à dire que j'aime beaucoup l'histoire de Boisaco et des gens de la communauté qui se tiennent debout, qui se lèvent, qui se prennent en main et qui se dotent d'une coopérative de travail et d'une propriété collective. Évidemment, pour moi qui représente le NPD, c'est quelque chose qui me parle beaucoup. C'est une histoire que je trouve touchante et qui me tient à cœur. Je pense que cela pourrait servir de modèle pour plusieurs autres secteurs d'activité et pour l'organisation du travail.
    Je suis un peu déchiré, parce qu'il y a des informations qui semblent contradictoires. Je comprends le représentant de Boisaco qui dit qu'on ne peut pas mettre une cloche de verre au-dessus de l'habitat. Ce n'est pas la solution et cela ne réglera rien. Cependant, il y a quand même des problèmes qui se posent pour une espèce qui semble être en péril, menacée ou, du moins, fragile à bien des égards.
    Dans un esprit de recherche de solutions, qu'est-ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation actuelle, à votre avis, et qui serait acceptable pour vous? Je pense qu'on ne peut pas s'asseoir et dire qu'il n'y a rien à changer, que c'est le statu quo et qu'on ne bougera pas. Selon vous, qu'est-ce qui pourrait être fait et qui constituerait un pas dans la bonne direction, tout en étant acceptable pour vos travailleurs et travailleuses?
    Il faut qu'on travaille de manière éclairée, monsieur Boulerice.
    Au fond, ce que nous avons toujours suggéré, c'est que la solution passe par la concertation et qu'on tienne compte de l'ensemble des facteurs. Le contrôle de la prédation doit assurément faire partie d'une stratégie de protection, d'une manière ou d'une autre. Il y a des possibilités de moduler la stratégie quant à certains moments d'intervention. Il y a plein de choses à faire. Nous avons d'ailleurs suggéré de nombreuses solutions au gouvernement du Québec. Cela ne peut pas se faire de n'importe quelle manière ou de manière précipitée. De nombreux intervenants sont concernés, dont les Premières Nations. Il y a de nombreux intervenants et il faut que cela se fasse par la concertation. Quand on dit que la solution passe par la concertation, c'est de cela qu'il s'agit.
    Il ne faut pas qu'on utilise un rouleau compresseur pour essayer de pousser une solution. On doit plutôt donner la possibilité d'établir de bonnes solutions, afin d'avoir de réels effets sur la sous-espèce présente au Québec, particulièrement pour l'écotype du caribou forestier. Ce que je mentionne, c'est bel et bien vrai, et je tiens vraiment à rétablir les faits. Il existe une seule sous-espèce au Québec, et c'est envers l'écotype du caribou forestier qu'on a des préoccupations. Cela dit, la sous-espèce du caribou qui est présente au Québec n'est aucunement menacée de disparition. C'est important de le savoir.
(1255)
    Merci.
    La parole revient maintenant à M. Martel.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, le décret est catastrophique pour les régions et les communautés. C'est ce qui ressort aujourd'hui de notre discussion. Si le décret est imposé, certains vont perdre leur travail et plusieurs auront de la difficulté à se nourrir et à se loger. Telle est la menace présentement.
    J'aimerais savoir une chose: à l'heure actuelle, a-t-on pris toutes les mesures nécessaires?
    De quel genre de mesures parlez-vous, plus précisément?
    Toutes les mesures nécessaires ont-elles été prises avant que l'on considère l'imposition d'un décret?
    Il y a eu une annonce du gouvernement provincial, récemment, et nous savons que des discussions sont en cours afin de travailler sur des solutions. De notre côté, nous en avons proposé. Le gouvernement provincial est donc en train d'analyser la situation et de chercher d'autres pistes de solution. Il faut absolument qu'on ait le temps d'établir des solutions qui tiendront compte de l'ensemble des faits et des enjeux. C'est par là qu'on doit passer pour trouver une solution. On doit prendre le temps de le faire d'une manière éclairée, plutôt que de se précipiter en imposant un décret qui, malheureusement, ne tient compte d'aucune des autres répercussions.
    Merci.
    Je n'ai plus de questions.
    Merci, monsieur Martel.
    Madame Shanahan, c'est vous qui terminerez la discussion en compagnie du premier groupe de témoins. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais confirmer quelque chose. Est-ce qu'on a bien demandé aux témoins de fournir les documents qu'ils ont mentionnés en répondant aux questions de mes collègues M. Lauzon et Mme Chatel? Il semblerait que ces documents contiennent des données montrant que le nombre de caribous n'est pas en déclin.
    Vous demandez que les témoins nous transmettent les documents indiquant que l'espèce n'est pas en déclin, est-ce bien cela?
    Oui. Je parle des documents que les témoins ont mentionnés.
    Je ne crois pas que les témoins les aient sous la main, mais nous les invitons à nous les faire parvenir.
    C'est parfait. Bien sûr, comme l'ont déjà dit mes collègues, il est très important de travailler en collaboration et en ayant tous les faits devant nous.
    J'aimerais poser ma première question aux gens de Boisaco.
    Nous reconnaissons le leadership de votre entreprise en ce qui a trait au développement économique et à la prospérité des communautés régionales. Cependant, comme toute entreprise, vous avez besoin de certitude lorsqu'il est question de vos ressources et de votre marché.
    Trouvez-vous que l'absence de politiques concrètes pour s'attaquer au déclin important de la population de caribous au Québec est une difficulté pour vous et que cela contribue à l'incertitude en matière de réglementation à laquelle fait face votre industrie?
    Madame Shanahan, c'est évident que l'incertitude est toujours néfaste.
    Comme je vous le disais, nous avons eu l'occasion, au cours des quatre dernières années, de travailler intensivement pour que le gouvernement provincial comprenne bien les enjeux et qu'il pose des gestes mesurés et éclairés. Nous avons quand même réussi à lui faire comprendre cela, même s'il continue de chercher des solutions. Toutefois, au moment de l'annonce du décret, on est retourné à la case départ, voire beaucoup plus loin en arrière. Comme il peut y avoir un décret exécutoire, c'est encore plus préoccupant pour nous. Effectivement, ce décret amène une incertitude.
    Je tiens à vous dire que des répercussions se font déjà sentir. Comme cela risque de poser problème, certains entrepreneurs se demandent s'ils devraient commencer à regarder ailleurs. Certains clients de nos différentes entreprises partenaires...
(1300)
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur St‑Gelais.
    On sait que le gouvernement du Québec parle quand même depuis 2016 d'établir une stratégie. Cela dit, nous sommes ici pour travailler en collaboration. Aimeriez-vous que les gouvernements mettent de côté l'idéologie quant aux champs de compétence, afin de trouver une solution qui permettra d'atteindre un équilibre entre la conservation du caribou et le développement économique régional? On sait très bien que ce sont quand même des responsabilités partagées.
    Reconnaissez-vous que la province a quand même un rôle important à jouer dans ce dossier?
    Madame Shanahan, ce que nous disons, c'est que ce décret doit être mis de côté. Toute cette histoire doit cesser.
    Par la suite, on doit continuer à travailler de manière concertée. Pour notre part, nous ne sommes pas là pour faire de la politique. Nous aurions bien d'autres chats à fouetter que de travailler sur ce dossier. Il faut qu'on soit capable d'établir une dynamique où tout le monde travaille ensemble, dans un esprit de concertation, pour trouver véritablement des solutions porteuses d'avenir, pour protéger l'écotype du caribou forestier tout en évitant les répercussions sur le milieu. C'est exactement dans cette direction que nous espérons pouvoir aller. Pour y parvenir, cependant, il faut mettre fin à cette menace de décret, qui est venue tout bousiller ce qui était en train de se faire et qui nous ramène presque à la case départ.
    Merci beaucoup, monsieur St‑Gelais.
    J'ai terminé, monsieur le président.
    Merci.
    Voilà qui met fin à la discussion en compagnie du premier groupe de témoins. J'aimerais remercier...
    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais intervenir pour ajouter un élément essentiel, à mon avis.
    Je voudrais que les représentants de Boisaco nous indiquent clairement que, si le décret est mis en place, la conséquence pour Boisaco sera la perte de 300 000 mètres cubes de bois, ce qui représente 60 % de son volume actuel. Or, si l'entreprise perd seulement 20 % de son volume actuel, elle perdra 80 % de son chiffre d'affaires. Je pense qu'il faut que ce soit inscrit dans le compte rendu officiel. Je voudrais que les représentants de Boisaco nous confirment cette information.
    D'accord. J'inviterais les représentants de Boisaco à remettre un document écrit contenant de telles données, s'il y a lieu.
    Cela dit, nous devons nous arrêter ici.
    J'aimerais remercier les témoins de s'être déplacés et d'avoir présenté des témoignages fort éloquents et clairs.
    Nous allons faire une petite pause et reprendre la séance dans quelques minutes.
(1300)

(1305)
    Nous reprenons la séance.
    Je souhaite la bienvenue au chef Ghislain Picard. C'est un plaisir de le recevoir à notre comité.
    Nous recevons un deuxième témoin, soit M. Alain Bédard, qui comparaît par vidéoconférence, mais qui se bute actuellement à certains problèmes techniques, qu'on va tenter de régler.
    Nous allons commencer par vous, chef Picard. Vous avez la parole pour cinq minutes.
(1310)
    [Le témoin s'exprime en innu.]
[Français]
    Permettez-moi d'abord de reconnaître que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe. Je tiens à remercier celle-ci, car nous nous réunissons aujourd'hui pour tenir une importante discussion, qui, d'ailleurs, aura des conséquences pour cette nation et pour d'autres.
    Monsieur le président, honorables membres de ce comité, je me présente. Je m'appelle Ghislain Picard, de la nation innue, communauté de Pessamit, et je suis chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec‑Labrador.
    Notre organisation regroupe les 43 communautés des Premières Nations du Québec et du Labrador. Elle a pour mission de veiller à la protection de leurs droits dans une vaste gamme de dossiers d'importance.
    Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité à venir témoigner, aujourd'hui, de la relation culturelle, spirituelle et millénaire qu'entretiennent les Premières Nations avec le caribou — ou atiku, dans la langue innue — ainsi que de notre appui au ministre Guilbeault dans sa volonté de prendre un décret d'urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
    Le caribou est au cœur de l'identité, des cultures et du mode de vie des Premières Nations. Nous ne sommes pas seulement des parties prenantes dans la gestion du territoire et de ses ressources; nous sommes aussi des détenteurs de droits, et nous exigeons d'être consultés dans les processus décisionnels liés à nos territoires.
    Comme je l'ai mentionné, les Premières Nations sont détentrices de droits. Il s'agit de droits issus de traités et de droits ancestraux. Ces droits, je le rappelle, ont été officialisés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été entérinée par le gouvernement du Canada par l'adoption du projet de loi C‑15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
    En date d'aujourd'hui, le Québec persiste à refuser d'adopter une loi provinciale qui entérinerait la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et contraindrait le Québec à adapter son cadre législatif aux principes fondamentaux de la Déclaration.
    Nous sommes sensibles aux enjeux socioéconomiques entourant la protection du caribou, notamment en ce qui a trait aux emplois dans le domaine forestier et à la survie des municipalités qui en sont dépendantes. Malgré ces inquiétudes, nous considérons, comme plusieurs, qu'il est urgent d'agir pour le caribou, une espèce parapluie essentielle à la biodiversité et à la santé de nos écosystèmes. C'est pourquoi nous réaffirmons notre soutien au ministre Guilbeault dans ses démarches, qui découlent directement de son obligation légale de recommander un décret d'urgence lorsqu'il estime que l'espèce est exposée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablissement.
    À notre humble avis, il est injustifié de rejeter le blâme sur le ministre Guilbeault et de jouer la carte de l'ingérence en affirmant que la préservation de l'espèce relève de la compétence du Québec. En effet, si nous nous retrouvons aujourd'hui dans cette situation précaire, c'est entièrement en raison de l'inaction du gouvernement du Québec dans ce dossier.
    Rappelons que le gouvernement du Québec repousse sans raison valable, depuis 2019, la publication d'une stratégie englobante qui contribuerait à la survie de l'ensemble des hardes de caribous au Québec. La Cour supérieure du Québec a même jugé, en juin dernier, que le gouvernement du Québec avait failli à son obligation constitutionnelle auprès des Premières Nations des Innus Essipit et des Pekuakamiulnuatsh en omettant de les consulter en amont de l'élaboration de cette stratégie. Ce même jugement souligne également l'inaction du Québec et le fait qu'il est urgent d'agir. Je me permets de le citer: « [...] tant la situation du caribou sur le territoire québécois et son habitat sur Nitassinan est déplorable. »
    Les Premières Nations au Québec ont à cœur la survie du caribou et elles œuvrent depuis plusieurs années à sa préservation, que ce soit par des actions politiques, des participations à divers comités politiques et diverses tables de concertation, ou encore par diverses initiatives menées sur le terrain par les communautés elles-mêmes.
    L'Assemblée des Premières Nations Québec‑Labrador est même allée jusqu'à déposer un mémoire énonçant nos préoccupations et nos recommandations dans le cadre de la commission indépendante mise sur pied par le Québec en 2022.
(1315)
     Malgré tout, le gouvernement du Québec s'obstine à écarter les Premières Nations de toute prise de décision liée au caribou. Compte tenu de son refus de collaborer, ces dernières ont demandé au gouvernement fédéral d'intervenir en vertu de son obligation légale. Le ministre Guilbeault a été le seul à prendre au sérieux nos préoccupations et nos propositions de solutions, d'où notre soutien à l'égard de sa recommandation au gouverneur en conseil de prendre un décret d'urgence pour la protection du caribou.
    En conclusion, nous croyons que des mesures majeures doivent être prises pour assurer la survie du caribou, et nous vous enjoignons tous à mettre votre sceau d'approbation sur les démarches liées au décret d'urgence, processus qui découle de l'obligation légale d'agir du ministre de l'Environnement et du Changement climatique. Le sort du caribou doit faire l'objet de mesures et de discussions qui vont au-delà de la partisanerie politique. Le même principe devrait d'ailleurs s'appliquer lorsqu'il s'agit de questions autochtones de façon générale.
    Il importe aussi de rectifier le tir quant à la campagne de désinformation en cours au Québec et de se baser sur des données fiables qui font l'objet d'un consensus scientifique. Nous devons agir rapidement non seulement pour le caribou, mais pour que nos enfants, qui formeront les générations futures, puissent eux aussi constater la grandeur et l'importance de cette espèce emblématique et profiter des services écosystémiques incommensurables que nous procurent les forêts et leur biodiversité.
    Je tiens évidemment à souligner la présence de M. Alain Bédard, directeur général de l'Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui participe à la réunion avec moi aujourd'hui.
    Merci, chef Ghislain Picard.
    Je crois que les problèmes techniques qui touchent M. Bédard ne sont pas réglés.
    Monsieur Bédard, sentez-vous bien libre d'envoyer par écrit des commentaires, quels qu'ils soient, au sujet de la discussion que nous sommes sur le point de lancer. Les membres du Comité seront libres de vous poser des questions, mais si le système ne fonctionne pas, malheureusement, vous pourrez seulement répondre par oui ou par non, ou bien en montrant votre accord ou votre désaccord. Encore une fois, sentez-vous libre de nous envoyer vos commentaires par écrit à propos de ce qui sera dit dans les prochaines minutes.
    Nous allons maintenant commencer la période de questions.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers collègues, bonjour à vous tous.
    Chef Ghislain Picard, c'est très agréable de vous revoir ici, à Ottawa. Nous sommes quasiment voisins, puisque les bureaux principaux de votre association sont situés à Wendake. J'ai eu le grand privilège d'être né tout près de Wendake, il y a 60 ans, et d'y avoir passé les 60 dernières années de ma vie. J'ai donc des liens très étroits avec les Wendats et les Premières Nations, et j'en suis très fier. Monsieur Picard, soyez le bienvenu au Parlement canadien.
    Monsieur le président, permettez-moi de présenter un peu ce qu'est Wendake, puisque je représente sa population avec honneur et dignité depuis 16 ans. Wendake est une inspiration pour toutes les Premières Nations. C'est une nation qui s'assume pleinement, qui est fière de son héritage et qui est aussi très autonome en matière économique.
    Plus de 400 non-Autochtones, c'est-à-dire des allochtones, travaillent à Wendake. Plusieurs entreprises florissantes qui vendent leurs produits partout au Canada ont pignon sur rue à Wendake, et plusieurs d'entre elles travaillent avec le bois. Je pense notamment aux canots de Christian Picard, aux raquettes artisanales de Raquettes et Artisanat Gros‑Louis — j'en possède moi-même une paire —, à Raquettes GV et à Prémontex, une entreprise fondée par la famille Siouï il y a presque 40 ans. Cette dernière a une cinquantaine d'employés qui se spécialisent, entre autres choses, dans les escaliers, et ils travaillent avec le bois.
    Si je mentionne cela, c'est pour démontrer qu'il est possible effectivement de conjuguer correctement la vitalité économique avec la vitalité des animaux sur la Terre.
    Monsieur Picard, dans un premier temps, vous avez dit que le caribou avait une très grande importance pour les Premières Nations. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    J'ai insisté plus tôt sur la place qu'occupe le caribou. Je vais me permettre de faire une parenthèse en disant que notre monde est très inclusif. Il y a bien sûr l'humain, mais il y a également tout ce qui l'entoure, que ce soit le monde végétal ou le monde animal. Je pense qu'il est important de le rappeler. Il s'agit d'un aspect sur lequel nous nous permettons d'insister chaque fois que l'occasion se présente.
    Cela étant dit, le caribou est au cœur de nos préoccupations. C'est vrai pour les Innus, et ce l'est aussi pour les nations cries. On pourrait sans doute entendre le même discours au Yukon. En même temps, nous sommes tout à fait conscients — les dirigeants de ces nations nous le rappellent — de la précarité qui existe. En effet, les hardes de caribous sont dans un état précaire. Les gestes posés par nos nations démontrent qu'elles sont également proactives. Nous comprenons la fragilité de l'équilibre entre la survie économique, de façon générale, et la précarité des écosystèmes.
    Il y a deux ans, en janvier et en février, les nations crie et innue se sont donné la main. Elles ont convenu de mettre ensemble leurs préoccupations et de les sceller dans une entente. D'un côté, cela permet la récolte, parce que le caribou est également extrêmement important sur le plan de la chasse de subsistance, et de l'autre, cela permet la conservation de l'espèce. Selon moi, cela démontre que nos nations sont également capables de se donner les moyens de favoriser des politiques visant à protéger l'espèce, indépendamment du rôle que jouent les deux autres niveaux de gouvernement ou de la place qu'ils occupent.
    Il faut donc tenir compte d'un aspect extrêmement important, soit la proximité ou le lien étroit qui existe entre le caribou et nos nations. Cependant, il y a également des questions de nature un peu plus contemporaine qui nous interpellent également. Il y a notamment une communauté de la nation innue qui a récemment pris la décision de s'abstenir de toute chasse pendant une période de cinq ans, je crois, afin de permettre aux hardes de caribous d'atteindre un état beaucoup moins préoccupant que celui d'aujourd'hui.
(1320)
    Monsieur Picard, je vais poser une question, et vous pourrez y répondre plus tard si vous n'avez pas le temps de fournir une réponse. J'aimerais cependant que vous y réfléchissiez.
    Tout à l'heure, des gens de Boisaco et de la municipalité de Sacré‑Cœur nous ont parlé d'une expérience vécue en Colombie‑Britannique et en Alberta. En deux ans à peine, on a réussi à augmenter le cheptel des caribous en permettant davantage la chasse au loup.
    Est-ce une chose qui pourrait être envisagée?
    Je dirai brièvement que votre question met en évidence le fait que, s'il n'y a pas d'espace pour parler du problème, des solutions et des pistes de solutions tournent court.
    J'ai fait exprès de mentionner la décision de la Cour supérieure dans le cas de deux de nos communautés où le Québec n'a pas exercé pleinement son rôle, soit de consulter nos communautés et leurs dirigeants. C'est un peu ce que je veux relever ici. Si on n'est pas en mesure de créer un espace pour échanger, les discussions vont être vides de sens.
    Merci.
    Monsieur van Koeverden, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de nous présenter leurs points de vue dans le cadre de leurs témoignages aujourd'hui.
    Je reconnais que ma circonscription, Milton, est assez éloignée des problèmes liés au caribou. Toutefois, elle se trouve sur le territoire traditionnel du peuple anishinabe algonquin, des Hurons-Wendats et des Mississaugas de Credit. Nous sommes aussi très proches de la confédération des six nations. Cependant, en tant que secrétaire parlementaire, j'ai la responsabilité de soutenir le travail du gouvernement dans ce domaine.
    Lors du témoignage précédent, nous avons entendu dire que les populations de caribous n'étaient pas en déclin, et même que leur taille augmentait.
    Chef Ghislain Picard, selon votre expérience et vos observations, croyez-vous que les populations de caribous forestiers sont en bonne santé et que leur taille augmente?
    La science et la recherche soutiennent-elles cette affirmation selon laquelle les troupeaux de caribous sont en bonne santé et que la situation s'améliore?
(1325)
    Un des gestes du gouvernement du Québec que nous avons appuyé est la mise sur pied d'un comité consultatif dont le mandat était de se pencher sur la question.
    En général, nous avons souscrit aux conclusions de ce comité, qui ont été présentées dans un rapport publié à la fin de l'été 2022. C'est une référence sur le plan scientifique, mais, à la lumière des éléments d'information que nous recevons depuis un an, il y a sans doute des affirmations qui méritent d'être soutenues par la communauté scientifique. Il est regrettable que mon collègue M. Bédard ne puisse pas participer pleinement aux échanges, parce que l'aspect scientifique de la question relève davantage de l'Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador.
    Cela étant dit, au risque de me répéter, je vais reprendre un peu ce que j'ai dit à M. Deltell un peu plus tôt. Si on n'est pas en mesure de créer un espace pour en parler, ce sont finalement des discussions qui sont isolées et qui ne permettent pas une collaboration plus soutenue pour rechercher des solutions.
    Nous sommes d'avis qu'il aurait été possible de rassembler toutes les parties concernées par la fragilité de l'espèce autour d'une même table pour avoir ces discussions, tout en sollicitant évidemment la contribution de la communauté scientifique.
    À mon sens, la question que vous posez évoque une possibilité, et elle existe toujours.
    Merci de votre réponse, chef Ghislain Picard.
    Monsieur Bédard, pouvez-vous indiquer, avec le pouce ou l'index, dans quelle direction vont les populations de caribous depuis 10 ans?
    Monsieur Bédard, nous allons faire un essai et nous verrons si la qualité du son est suffisante pour les interprètes. Sinon, je vais peut-être devoir vous interrompre.
    Je peux faire l'historique de la question du caribou. L'espèce a été inscrite dans la Loi sur les espèces en péril, dans la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables...
    Excusez-moi, mais il n'y a pas d'interprétation, la qualité du son n'étant pas suffisante. Malheureusement, vous devrez nous envoyer vos commentaires par écrit, monsieur Bédard. Ceux-ci vont alimenter notre rapport.
    Je suis désolé, mais il faut se soucier de nos interprètes.
    Monsieur van Koeverden, vous avez la parole pour 30 secondes.
(1330)
     Ma dernière question s'adresse au chef Ghislain Picard.
    Chef Picard, est-il juste et raisonnable pour le gouvernement provincial de prendre plus de huit ans pour formuler un plan dans le but de soutenir, de protéger et d'assurer la préservation des espèces de caribous?
    Je vous demanderais d'être bref, chef Picard. Pensez-vous que huit ans sont suffisants pour mettre au point un plan?
    C'est bien ça votre question, monsieur van Koeverden?
    Oui, merci.
    Merci beaucoup de la question.
    Je trouve que, huit ans, c'est beaucoup trop long. La situation est certainement précaire, et il est urgent d'agir. Je l'ai répété deux fois lors de ma présentation un peu plus tôt.
    Les membres de notre organisation l'ont dit plusieurs fois en dehors des travaux du Comité. Nous l'avons réitéré d'ailleurs devant le comité consultatif auquel je faisais allusion un peu plus tôt. En ce sens, nos recommandations sont très précises.
    Merci.
    Monsieur Simard, vous avez la parole.
    Merci d'être parmi nous, chef Picard.
    Vous avez dit plus tôt que la carte de l'ingérence n'était pas valable. Je comprends vos propos. Nous avons peut-être certaines divergences à cet égard, mais j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les Premières Nations qui défendent bec et ongles leur occupation du territoire et tout ce que ça suppose, un peu comme le fait le gouvernement du Québec.
    Je veux quand même vous poser la question suivante. Vous avez obtenu un jugement favorable de la Cour supérieure du Québec. En conséquence, le gouvernement a l'obligation de vous consulter.
    Suivant les échanges que vous pourriez avoir avec le gouvernement du Québec lors de consultations, votre appui au décret pourrait-il être éventuellement modulé?
    Le chef Gilbert Dominique, que vous allez recevoir un peu plus tard, aujourd'hui, pourra sans doute vous fournir une réponse beaucoup plus complète que la mienne à ce sujet. En effet, ce sont vraiment les Premières Nations des Innus Essipit et des Pekuakamiulnuatsh qui sont visées par ce jugement de la Cour supérieure du Québec.
    En fait, nous ne demandons qu'à collaborer, surtout dans ce dossier. Cela ne se limite pas uniquement aux communautés d'Essipit et de Mashteuiatsh, c'est beaucoup plus large. Les communautés nous demandent d'intervenir.
    J'aimerais préciser que l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador a la charge de promouvoir des principes rassembleurs au sein des différentes nations et de mettre en évidence certains dossiers qui sont plus urgents que d'autres. C'est le cas pour le caribou. Nous avançons donc un peu avec une position qui nous permet de refléter la diversité représentée par 10 nations, qui sont réparties dans un peu plus d'une quarantaine de communautés.
    En nous fondant notamment sur la décision de la Cour supérieure, nous avons indiqué notre volonté de rencontrer plusieurs ministres du gouvernement du Québec qui sont interpellés par le principe de la consultation. Nous attendons des réponses de la part du Québec en ce sens. À ce propos, nous avons toujours dit qu'il était important que le processus de consultation ait lieu plus tôt que tard. Dans le présent dossier, la balle est vraiment dans le camp du Québec.
    Si nous disposons d'un cadre et d'un espace de discussion susceptibles de ne pas subordonner notre volonté à des conditions avancées uniquement par le gouvernement du Québec, la volonté politique, de notre côté, peut très certainement être au rendez-vous.
    Merci de votre réponse.
    J'ai aimé vous entendre parler de principes rassembleurs. Cependant, le traitement médiatique de la protection du caribou et les discussions que j'ai avec certaines personnes à ce sujet me donnent l'impression qu'il n'y a pas de consensus, ou qu'il est difficile d'en dégager un, sur cette question. Je ne vous le cacherai pas.
    Nous travaillons sur cette question depuis déjà trois ou quatre ans, et nous avons rencontré des gens. Or, il est très difficile d'avoir un consensus ou une position qui rejoint une majorité d'intervenants, que ce soient les gens du milieu forestier ou, à l'autre bout du spectre, les gens qui sont en faveur de la protection de la biodiversité. Pour ma part, je pense qu'il est possible de conjuguer les deux.
    J'aimerais quand même savoir une chose. Au sein des diverses communautés autochtones, y a-t-il un point de vue majoritaire, dont vous pourriez nous faire part?
    Mon objectif n'est pas de polariser l'affaire. J'ai suivi certaines interventions d'employés de Boisaco dans les médias, par exemple, qui avaient une vision peut-être divergente de la situation.
    J'aimerais savoir quel est le point de vue qui fait consensus au sein des Premières Nations.
(1335)
     Je vais ouvrir une parenthèse pour tenter de répondre à votre question. J'ai également eu connaissance de certaines séances publiques tenues dans la région de Sacré‑Cœur et de Forestville, près de chez moi. Je dois avouer que, à mes yeux, certains commentaires exprimés étaient inquiétants et contre-productifs, considérant l'objectif poursuivi.
    Cela étant dit, je pense qu'il est sans doute important d'insister de nouveau sur le fait que les conditions doivent être réunies pour qu'il puisse y avoir une discussion proactive et constructive quant à la situation actuelle. Au risque de me répéter, j'ajoute que, dans la mesure où le gouvernement du Québec est disposé à nous écouter, je pense que la volonté, de notre côté, est au rendez-vous.
    C'est un peu la comparaison que je pourrais faire, sans nécessairement parler des actions ou de l'inaction du gouvernement du Québec. Le ministre Guilbeault, soit le gouvernement fédéral, a interpellé les Premières Nations dès le départ, disant qu'il avait l'intention de les écouter. Je pense que, ce qui est mis en évidence ici, c'est le fait que le gouvernement du Québec pose des gestes qui peuvent donner lieu à une espèce de dérapage.
    Si nous avions l'espace nécessaire pour entamer une discussion constructive, je ne vois pas comment les Premières Nations pourraient se dissocier d'une telle occasion.
    Merci.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être parmi nous.
    Chef Picard, c'est toujours un plaisir de vous écouter. Je suis très honoré de vous poser quelques questions, aujourd'hui.
    Monsieur Bédard, j'aurais beaucoup aimé entendre vos commentaires. Je vais peut-être vous poser des questions auxquelles vous pourrez répondre par écrit par la suite.
    Chef Picard, d'entrée de jeu, vous avez mentionné une chose sur laquelle j'aimerais revenir. Vous avez parlé du rôle que joue le caribou dans la culture de certaines communautés ou nations autochtones sur le plan du mode de vie et de l'identité.
    Qu'est-ce que le caribou, au-delà de la question de l'équilibre dans les écosystèmes, peut symboliser pour les Nations que vous représentez? J'aimerais en apprendre un peu plus à cet égard.
    Dans ma conclusion, j'ai parlé du rôle emblématique que joue le caribou pour nos cultures. D'ailleurs, j'étais présent lorsque les nations innue et crie se sont rencontrées pour une première fois, en février 2023, à Matimekush, près de l'ancienne ville de Schefferville. Le caribou était au centre non seulement des discussions, mais aussi des préoccupations. C'est pour cela que, à mes yeux, il a été très facile pour ces deux nations de se donner la main et de se doter de mesures permettant non seulement la récolte fondée sur des principes de conservation, mais aussi la possibilité pour nos communautés d'exercer une chasse de subsistance.
    Cela étant dit, le caribou, comme l'ours, joue un rôle important. D'ailleurs, je dirais que le lien spirituel avec l'ours est présent dans plusieurs sociétés sur la planète. Ce lien spirituel a fait l'objet de plusieurs démonstrations, de plusieurs preuves. Pour les communautés innue, crie, atikamekw et anishinabe, le caribou a toujours été extrêmement présent, que l'on parle de légendes ou de chasse de subsistance.
    Le défi environnemental se pose à tous, nous y compris. Nous sommes tout à fait disposés à assurer notre collaboration devant l'imminence d'un déclin extrêmement important, lequel accroît la précarité de la population de caribous.
(1340)
    Merci beaucoup.
    C'est important d'entendre vos propos et ce point de vue concernant le savoir et les droits ancestraux des communautés autochtones que vous représentez. Cela montre que la réconciliation ne doit pas être juste un vain mot ou un slogan. On ne doit pas non plus penser que, la protection de la biodiversité, c'est la responsabilité du Brésil, du Costa Rica ou du Kenya. Nous avons aussi un rôle à jouer quand il y a des menaces réelles, avérées.
    En ce qui concerne le processus de consultation et le rôle que joue le gouvernement du Québec, ce dernier a dit, en 2016, qu'il fallait mettre en place une stratégie en matière de protection. Le 21 juin dernier, huit ans plus tard, la Cour supérieure du Québec a relevé le fait qu'aucune consultation n'avait été faite correctement auprès des communautés autochtones concernées. Je trouve cela très troublant de la part du gouvernement du Québec. Prenons acte de cela.
    Comment voyez-vous la responsabilité et le rôle potentiel du gouvernement fédéral dans ce contexte, notamment en ce qui a trait à la Loi sur les espèces en péril?
    Je me permets de mentionner que la question du caribou a longtemps été au cœur de nos préoccupations, et ce, même dans ces années-là. Ensuite, je me permettrai d'ouvrir une parenthèse pour rappeler qu'un ancien premier ministre du Québec a dit, à l'époque, qu'il n'était pas prêt à sacrifier des emplois pour quelques caribous. C'est donc extrêmement préoccupant, comme vous le dites, et j'abonde dans le même sens que vous.
    Cela étant dit, il est de notre devoir de créer un espace de discussion qui nous permettrait de mieux circonscrire ce que l'on entend par « consultation ». C'est d'ailleurs à cela que je faisais allusion un peu plus tôt. Je dis cela parce que, de toute évidence, chaque palier de gouvernement, dont le gouvernement fédéral, a sa propre définition. Pour moi, le fait que le ministre fédéral de l’Environnement, M. Guilbeault, ait consulté les Premières Nations a été extrêmement bien reçu.
    À ma connaissance, nous avons eu au moins trois rencontres, qui ont permis aux communautés de mieux comprendre l'objectif du décret, mais également de mieux définir leurs préoccupations.
    En revanche, nous n'avons pas été autant consultés par le gouvernement du Québec. De plus, celui-ci a reporté l'annonce d'une stratégie pour des raisons qui, à notre avis, ne sont pas valables.
    Si on était aussi préoccupé qu'on prétend l'être, malgré les obstacles, pour agir de façon constructive, on aurait pu mettre en place un processus permettant de créer un espace de discussion pour toutes les parties prenantes quant à la question du caribou, y compris l'industrie forestière. Au lieu de cela, nous faisons tous un peu l'objet d'une campagne de désinformation. Cela n'aide évidemment personne.
    Merci.
    Nous passons au deuxième tour de questions.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Picard, que pensez-vous de ce qui s'est passé il y a une quinzaine d'années en Colombie‑Britannique et en Alberta? On avait permis la chasse au prédateur du caribou, c'est-à-dire le loup, et cela avait fait augmenter le cheptel de caribous de 52 % en deux ans.
    Pensez-vous que cela pourrait être une des solutions envisageables?
    Cela peut être une solution, dans la mesure où elle est débattue entre les parties prenantes. J'ai donné l'exemple d'une communauté innue qui s'est notamment dotée d'une politique à l'échelle locale afin de permettre aux hardes de caribous de croître. Cette communauté innue fera sans doute part de cette décision à d'autres communautés.
    Tout ce que nous faisons, de notre côté, c'est faire ce que j'appellerais de la surveillance sur le terrain. Nous essayons de mettre en évidence les solutions qui, selon nous, peuvent porter des fruits.
(1345)
    Si on a réussi à faire augmenter le cheptel de caribous dans l'Ouest en permettant la chasse au loup, qui est un prédateur, j'imagine que cela pourrait en inspirer plusieurs ici.
    N'est-ce pas?
     Je viens de Pessamit, près du réservoir Pipmuacan, qui faisait d'ailleurs l'objet d'une initiative locale visant à en faire une aire protégée. Les personnes que je connais et qui occupent le territoire là-bas me disaient qu'il y avait beaucoup de préoccupations liées à la population de loups dans la région. Il faudra donc en parler, de toute évidence.
    D'accord. Nous avons donc déjà une bonne base de discussion là-dessus.
    Monsieur Picard, à votre connaissance, y a-t-il des membres des Premières Nations travaillant actuellement dans l'industrie du bois qui seraient directement touchés par la prise de ce décret?
    Une partie de la population sera sans doute touchée. Je pense qu'il appartient aux dirigeants de ces communautés d'avoir ces discussions. Je suis conscient qu'elles ont cours actuellement.
    Qu'avez-vous à dire aux membres des Premières Nations qui voient leur emploi mis en péril par le décret libéral?
    Il faudrait transmettre cette question aux dirigeants de ces communautés. Je pense que nous avons...
    Monsieur Picard, vous êtes le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec‑Labrador. Qu'avez-vous à dire à ces membres des Premières Nations?
    Je ne suis pas un chef des chefs, monsieur.
    Comme je le disais plus tôt, j'ai la responsabilité de promouvoir des principes qui font consensus chez nous. Or, un consensus existe sur la question de l'équilibre délicat entre les questions économiques et les questions de conservation. C'est ce que je fais valoir.
    Vous êtes chef des Premières Nations au Québec. Ce comité a entendu, tout à l'heure, le témoignage de la mairesse de Sacré‑Cœur, Mme Lise Boulianne. Elle nous a dit que si, par malheur, le décret libéral était mis en marche, son village deviendrait un village fantôme.
    Qu'avez-vous à lui dire à ce sujet?
    À une certaine époque, on disait la même chose de certaines communautés, en lien avec une compagnie du nom de Kruger, qui n'est plus dans le décor aujourd'hui. Or, ces communautés continuent à vibrer et à vivre aujourd'hui.
    C'est un peu ce que je voulais relever ici quand je disais que nous faisons tous l'objet de campagnes de désinformation. Cela nous permet difficilement de prendre une décision qui soit à l'avantage de tous.
    C'est aussi le défi qui se présente à nous, collectivement, aujourd'hui.
    Tout à l'heure, les gens de Boisaco ont affirmé que des emplois risquaient d'être perdus et que la perte d'emplois en raison d'un tel décret fragiliserait la dignité humaine.
    Êtes-vous d'accord sur ces propos?
    Notre dignité humaine est fragilisée depuis plusieurs décennies, parce que nous ne pouvons pas participer à la prise de décision, comme c'est le cas dans le présent dossier.
    Dans ce dossier-ci, des gens des Premières Nations risquent de perdre leur emploi, une mairesse affirme que sa communauté va devenir une communauté fantôme et des gens disent que perdre un emploi fragilise la dignité humaine.
    C'est ça, la réalité, monsieur Picard.
    La réalité, c'est aussi que ce qui est affirmé aujourd'hui n'est pas soutenu scientifiquement.
    Qu'est-ce qui est affirmé aujourd'hui?
    Je veux parler de la perte d'emplois. On parlait de 2 000 emplois. Est-ce vraiment ça?
    Le gouvernement du Québec est absent des discussions, alors qu'il y a une situation d'importance primordiale pour beaucoup de communautés, y compris les nôtres. C'est ce que nous voulons relever ici.
    Le gouvernement du Québec n'aurait-il pas avantage à jouer pleinement son rôle? C'est ce que nous avançons aujourd'hui.
    Nous ne sommes certainement pas opposés à participer à une discussion constructive sur ce dossier, si on nous en donne l'occasion.
(1350)
    Merci.
    Madame Chatel, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Picard, cet échange est fascinant. Merci beaucoup de votre témoignage.
    Monsieur le président, nous ne parlons pas seulement du caribou aujourd'hui. Nous parlons aussi de biodiversité et des espèces en péril. Un citoyen, dans ma circonscription, m'a demandé pourquoi c'est si important de parler de caribou et de diversité. C'est important, parce que la biodiversité nous soutient, tout comme elle soutient notre économie. En préservant et en protégeant le caribou, nous protégeons notre santé, notre économie et notre bien-être, aujourd'hui et demain. Si nous ne le protégeons pas, c'est tout un environnement qui se dégrade. Or, nous faisons partie de cet environnement, comme c'est le cas pour notre économie. C'est pour cela que nous parlons du caribou.
    Monsieur Picard, je vous remercie également d'avoir parlé de désinformation. On fait des campagnes de peur, alors que nous recherchons une solution pour protéger notre environnement, sur lequel notre économie repose, et pour nous donner la dignité humaine, à nous et à nos enfants.
    En lien avec la désinformation dont vous avez parlé plus tôt, j'ai entendu tantôt le représentant d'une compagnie forestière nous dire que ce n'est pas vrai que le caribou boréal est en danger.
    Vous avez parlé d'une commission indépendante qui s'est penchée sur la question et qui a d'ailleurs publié un rapport. On parle aussi du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, un comité indépendant formé d'experts en biologie et en espèces sauvages venant du milieu universitaire, de la fonction publique, d'organisations non gouvernementales et du secteur privé.
    Des voix scientifiques se sont donc déjà élevées. Cela fait des années, pas seulement depuis cette année, que nous les entendons. On parle de cette espèce en péril depuis 2004. Si l'alarme sonne très fort aujourd'hui, c'est parce que nous ne les écoutons pas depuis 2004.
    En 2022, une commission indépendante a demandé à Québec de présenter un plan, une stratégie pour protéger le caribou. Le gouvernement fédéral en fait la demande depuis des années.
    Quel en a été le résultat?
    La réponse est assez simple. À mon avis, la balle est vraiment dans le camp du gouvernement du Québec. Au moins deux recommandations touchaient les Premières Nations. La première est ainsi rédigée:
La Commission recommande que la stratégie que le gouvernement aura à développer tienne compte de la valeur particulière que les Premières Nations attachent au caribou, des savoirs traditionnels qu'elles détiennent, de même que des droits ancestraux qui peuvent être affectés.
    La seconde est ainsi rédigée:
De plus, la Commission recommande que le gouvernement initie dès que possible une discussion formelle avec ces communautés, dans un processus de nation à nation, en vue de donner suite à son obligation constitutionnelle de consulter et d'accommoder.
    Ces recommandations ont été formulées en 2022.
    J'attire aussi votre attention sur la décision de juin dernier de la Cour supérieure du Québec, selon laquelle, de toute évidence, le gouvernement du Québec n'avait pas donné suite à ces recommandations.
    J'aimerais avoir une précision. Si je comprends bien, vous avez dû aller en cour pour qu'on vous consulte.
    C'est bien cela?
    Malheureusement, lorsque le processus politique échoue, malgré la bonne foi des Premières Nations, ces dernières se voient souvent obligées, en dernier recours, de porter leur cause devant les tribunaux.
    Je vais me permettre d'ouvrir une parenthèse. La Cour suprême a rendu une décision, en février dernier, suite à la contestation soulevée par le gouvernement du Québec. Celui-ci prétendait que le fédéral intervenait dans son champ de compétence en lien avec la loi fédérale C‑92, qui touche nos enfants, nos jeunes et nos familles.
    Dans ce cas, la Cour suprême a rendu une décision qui nous était favorable. Cela fait donc partie de l'histoire de la relation entre les divers gouvernements et les Premières Nations dans les 50 dernières années, et sans doute depuis plus longtemps encore.
    Quand on prend un décret d'urgence, c'est vraiment en cas d'urgence. Je pense que le gouvernement fédéral est rendu là. Il avait auparavant essayé de communiquer avec la province de Québec et de travailler de concert avec elle afin d'établir un plan.
    Selon vous, y a-t-il eu un manque de leadership du côté de la province dans ce dossier, pour que nous en arrivions là?
(1355)
    Je vous demanderais de répondre brièvement, chef Picard.
    C'est très clairement le cas.
     C'est assez clair, merci.
    Monsieur Simard, vous avez maintenant la parole.
    Monsieur Picard, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet de la fermeture de l'entreprise Kruger. Une amie m'a dit qu'elle a dû déménager à la suite de sa fermeture.
    Je pourrais vous en dire long au sujet des fermetures d'usine. Je pense notamment à la fermeture de l'usine de la Consol, dans la petite municipalité de La Baie, au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. La fermeture est devenue un cas d'école à l'Université du Québec à Chicoutimi, où on a commencé à étudier les conséquences de ce type de fermeture. Cela se traduit par de la morbidité, ce qui est quand même une conséquence assez intense.
    Je ne doute pas que les conséquences sur la Haute‑Côte‑Nord puissent être catastrophiques, mais je ne veux pas insister uniquement sur ce point. J'aurais aimé poser une question à M. Bédard, mais peut-être pourra-t-il nous faire parvenir ses commentaires par écrit.
    Tout à l'heure, dans leur témoignage, les gens de Boisaco nous ont dit que, sans aménagement forestier et avec les effets combinés des feux de forêt et de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, l'écosystème pourrait devenir moins favorable au maintien du caribou forestier.
    J'aurais aimé avoir vos observations à cet égard, M. Bédard. Serait-il possible de nous faire parvenir une réponse par écrit?
    Oui, je pourrais vous transmettre une réponse écrite.
    C'est super.
    Je vous remercie.
    Chef Picard, vous avez insisté sur le fait que votre rôle est de dégager des consensus au sein de votre communauté. Je veux être franc avec vous. Sans trop vouloir insister, j'aimerais savoir si des démarches ont été faites pour recueillir les impressions des personnes qui sont susceptibles de perdre leur emploi en lien avec la protection du caribou.
    Je sais que des entreprises autochtones seront aussi touchées. Pour le dire simplement, le secteur forestier est une chaîne. Dès qu'on coupe un maillon de la chaîne, il y a des conséquences. Par exemple, les copeaux, qui ne viendront plus de Boisaco parce que cette entreprise aura perdu la capacité d'en produire, peuvent servir à d'autres types d'entreprises. Cette cascade de conséquences peut toucher plusieurs entreprises, dont, forcément, des entreprises autochtones.
    Avez-vous de l'information à nous transmettre à ce sujet?
    Chef Picard, je vous demanderais de donner une réponse brève.
     M. Boulerice va aussi avoir des questions à vous poser, et vous pourrez répondre à la question de M. Simard pendant l'intervention de M. Boulerice, si M. Simard ne s'y oppose pas.
    Mes questions sont plus pertinentes que celles de M. Boulerice, mais je suis d'accord.
    Je ne vais rien dire à ce sujet, monsieur Simard.
    Monsieur Picard, je vous demande de donner une brève réponse. Comme je l'ai dit, vous allez avoir d'autres occasions de compléter votre réponse.
    Je pourrais revenir sur des exemples qui démontrent que les communautés réussissent quand même à bien gérer l'équilibre délicat, dont je parlais un peu plus tôt, entre la conservation, la protection et l'économie.
    Je serai présent dans une de nos communautés, un peu plus tard cette semaine, lors d'une importante annonce touchant la foresterie.
    Merci, monsieur Picard.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de prendre quelques secondes pour dire à M. Simard que je m'inscris en faux quant à son opinion concernant mes interventions.
(1400)
    Je suis sincèrement désolé.
    Pour une famille, avoir un emploi et un salaire, c'est une question de dignité et d'occupation du territoire. Il n'y a pas d'économie sans environnement. C'est une lapalissade, mais je pense qu'il est important de rappeler que nous avons une responsabilité à cet égard.
    Monsieur Picard, un peu plus tôt, vous avez parlé de certaines recommandations formulées par une commission indépendante en 2022. J'aimerais en citer une, soit la recommandation 9:
Accepter la proposition de création de l'aire protégée de Pipmuakan formulée par le Conseil des Innus de Pessamit, en faire une aire protégée d'initiative autochtone en vertu de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, et engager des discussions avec cette communauté en vue de lui en confier la gestion et la surveillance et lui fournir à cette fin une assistance technique et financière.
    Je suis curieux d'avoir vos observations à ce sujet.
    Qu'est-ce qui a été fait depuis ce temps? Y a-t-il eu des progrès? A-t-on procédé à la création de certaines choses?
    Je dirais que nous devons toujours composer avec une lenteur administrative lorsque des projets émanent de notre communauté.
    Je me souviens qu'en 2020, déjà, la communauté de Pessamit m'avait dit avoir déposé un projet pour une aire protégée dans le secteur de Pipmuacan. Il lui a fallu attendre plusieurs mois avant qu'il y ait une première réaction du gouvernement du Québec. Jusque-là, c'était le silence radio.
    Je pense que les communautés reçoivent positivement les intentions exprimées par le gouvernement du Québec et les mesures qu'il prend en ce qui concerne son engagement d'augmenter les aires protégées au Québec, mais encore faut-il que les communautés soient beaucoup plus que des parties prenantes.
    C'est surtout dans ce domaine qu'il y a une dégradation dans les relations entre certains dirigeants et le gouvernement du Québec. Cela me ramène à la décision de la Cour supérieure. Le temps presse pour le caribou, et il presse aussi pour qu'on puisse avoir une véritable définition, c'est-à-dire une définition commune des obligations gouvernementales en matière de consultation.
    Merci.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Monsieur Picard, il y a quelque chose de fondamental qui a été abordé dans ce qui se passe actuellement. On doit certainement pouvoir conjuguer la préservation de la faune et la préservation des emplois.
    Tout le monde comprend qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Toutefois, je vous pose à nouveau la question que je vous ai posée plus tôt. Sincèrement, quel message avez-vous à transmettre aux personnes qui risquent de perdre leur emploi?
    Le seul message constructif et responsable, c'est qu'il faut amener les gens autour d'une même table.
    Prenons l'exemple de la communauté d'Essipit. Selon ce qui m'a été rapporté, elle est tout à fait disposée à s'engager dans ces discussions. Cependant, quand c'est fait par médias interposés, c'est difficile. Quand les conditions n'ont pas été déterminées par l'ensemble des parties, c'est extrêmement difficile.
    J'ai lu des rapports de séances publiques tenues à l'initiative de Boisaco dans des municipalités de la Haute‑Côte‑Nord, notamment Sacré‑Cœur et Forestville. Ce que j'y ai lu est extrêmement préoccupant, et je me demande si les conditions sont réunies pour permettre cette discussion. Pour notre part, c'est certainement quelque chose que nous souhaiterions encourager, dans la mesure où les parties s'entendent sur les conditions qui doivent être mises en place.
    En ce qui concerne la question du consensus, de notre côté, cela fait maintenant 12 ans que nous essayons d'évoluer en fonction des grands principes qui touchent le développement du territoire et des ressources. Parmi les quatre grands thèmes qui ont été dégagés, il y a celui de la conservation, que nous jugeons incontournable et indéniable.
    Dans la mesure où cet espace de discussion est possible, je ne vois pas pourquoi il y aurait un refus de notre part de s'engager dans une telle discussion.
    On a abordé, plus tôt, la question de la chasse au loup. J'y reviens, monsieur Picard, parce que cela me semble être une solution. Je sais qu'il n'y a rien de facile dans la vie, mais cette solution est concrète. De plus, on a cité un exemple où cela a fonctionné. Il y a eu une augmentation de 52 % de la harde de caribous en deux ans. C'est dur à battre en matière d'efficacité.
    Vous avez invoqué plus tôt l'opinion des gens de votre communauté. Ont-ils formulé une telle hypothèse? Seriez-vous prêts à faire la promotion de cette idée auprès des gouvernements et de proposer une solution concrète et naturelle? Celle-ci respecterait à la fois les emplois et la faune, parce qu'elle permettrait à la faune de se recréer elle-même.
    Il serait tout à fait difficile pour moi de ne pas en faire la promotion dans la mesure où cette solution est validée par les personnes qui détiennent les savoirs traditionnels dans nos communautés.
    Allez-vous leur en parler?
    Je pense que le compte rendu de la séance que nous tenons aujourd'hui va certainement contribuer à ces discussions chez nous.
    Je savais que nous allions trouver un terrain d'entente.
    Merci, monsieur Picard.
    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.
(1405)
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chef Picard, d'être ici aujourd'hui pour répondre à nos questions.
    Vous avez abordé la question du secteur forestier. Vous nous avez aussi parlé de désinformation. On a compris, avec les années, l'importance d'adopter de bonnes pratiques, des pratiques durables, dans l'industrie. J'ai vécu la fermeture de la Canadian International Paper, d'Avenor, de Produits forestiers Canadien Pacifique, de Témisko, de Tembec et, dans ma circonscription, de l'usine Fortress. Je viens de ce milieu, et je peux vous dire qu'il y a eu du changement au fil des années.
    Cependant, le cas qui nous occupe est complètement différent. Dans le passé, il était question de la situation économique, du virage numérique, de la diminution de l'utilisation du papier et de la baisse de la demande pour l'imprimerie. Aujourd'hui, il est plutôt question de la protection du caribou, et il y a de la désinformation. Pouvez-vous nous en parler un peu?
    On parle davantage du caribou parce qu'on a démontré l'état précaire de sa population. La communauté scientifique a reconnu ce fait.
    Cela étant dit, l'industrie forestière a un effet considérable et évident sur l'ensemble des écosystèmes, mais encore faut-il en parler.
    Vous avez mentionné la compagnie forestière Tembec. On m'a rapporté que la relation entre cette entreprise et les communautés des Premières Nations, une communauté anishinabe, dans ce cas-ci, a toujours été positive, notamment dans la région du Témiscamingue.
    J'ai parlé un peu d'une annonce qui sera faite plus tard cette semaine. Elle touche l'industrie de la cogénération et, dans ce cas-ci, une communauté atikamekw qui, évidemment, dépend aussi économiquement de l'industrie forestière et qui réussit...
    Il s'agit d'utiliser les résidus forestiers, la biomasse et les sous-produits, surtout ceux venant des feuillus, où on retrouve une bonne capacité...
    Oui, c'est tout à fait cela.
    Il y a donc des communautés qui réussissent quand même à trouver des solutions pour maintenir cet équilibre extrêmement fragile entre l'économie et la conservation de la ressource. Cela démontre que, dans la mesure où elles sont appelées à apporter leur contribution, notamment au chapitre des savoirs traditionnels, nos communautés sont toujours partantes pour discuter de la question.
    Au fil des années, on a su virer sur un dix cennes, comme on dit, pour réorganiser l'industrie. Nous n'avons qu'à penser à la transition énergétique actuelle qui touche le secteur du pétrole et qui favorise l'électrification des véhicules. Cela se confirme dans plusieurs domaines.
    C'est une bonne idée de parler de nouvelles avenues, comme la cogénération, pour créer de nouveaux produits. Pensez-vous réellement que c'est la façon de faire pour l'avenir?
    Je vous renvoie à une couverture du magazine National Geographic, qui dit que le futur sera autochtone. Dans la mesure où on nous donnera la possibilité de le faire, nos nations pourront très certainement apporter une contribution importante dans l'avenir. Encore faut-il que cette occasion nous soit présentée.
    Vous avez mentionné à plusieurs reprises l'importance de se baser sur des données scientifiques fiables.
    Lors des consultations, avez-vous pu présenter ou consulter des documents que vous jugiez satisfaisants quant à la fiabilité des données sur l'écosystème entourant le caribou?
    Plus tôt, vous avez parlé du défi qui se présente à nous tous, soit celui de virer sur un dix cennes. Finalement, nous avons à le faire plus souvent que nous le souhaiterions. Nous devons relever ce défi sur une base quotidienne. Je pense notamment à l'Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador. C'est regrettable, encore une fois, que M. Bédard n'ait pas pu se joindre à nous pour en discuter.
    En ce qui concerne la question des consultations, nous recevons un grand nombre de demandes, souvent à quelques jours d'avis. Notre devoir, et notre obligation, au nom des communautés que nous représentons, sont de présenter les données les plus fiables possible, dans la mesure où nous en avons la capacité. Il faut cependant comprendre que notre capacité est extrêmement limitée. Nous ne luttons pas toujours à forces égales lorsqu'il s'agit de confronter les avis de nos scientifiques à ceux du gouvernement, celui du Québec, dans ce cas-ci.
    Je vous invite, vous et votre collègue, à nous transmettre tous les documents susceptibles d'appuyer l'étude du Comité.
    Merci.
(1410)
    Merci, chef Picard, d'avoir été des nôtres.
    Monsieur Bédard, nous sommes désolés des problèmes d'ordre technique auxquels nous nous sommes butés. Comme vous avez pu le constater, il y a beaucoup d'intérêt envers votre point de vue. Si vous pouvez nous envoyer vos commentaires par écrit, comme je l'ai dit plus tôt, cela va alimenter notre rapport et influer sur nos conclusions.
    Nous allons faire une petite pause avant d'entamer la dernière heure de cette séance.
(1410)

(1415)
    Nous reprenons maintenant la séance.
    Pour cette partie de la réunion, nous recevons M. Louis Pelletier, forestier en chef, Bureau du forestier en chef du Québec.
    Nous recevons également M. Frédéric Verreault, directeur exécutif, Développement corporatif, Chantiers Chibougamau.
    Nous avons aussi le plaisir d'accueillir M. Jean‑François Samray, président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec.
    Enfin, nous recevons le chef Gilbert Dominique, de l'organisation Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, qui participe à la réunion par vidéoconférence.
     Monsieur Pelletier, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Membres du Comité et distingués invités, bonjour.
    J'aimerais vous dire quelques mots sur le mandat du forestier en chef.
    Il s'agit d'une fonction créée en 2005 et encadrée par la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier. Nos principaux éléments de mission sont de déterminer les possibilités forestières de la forêt publique québécoise, bien sûr, d'éclairer les décideurs par nos travaux d'analyse et d'informer la population sur l'état des forêts du domaine de l'État.
    Une possibilité forestière correspond au volume annuel maximum que l'on peut récolter par essence sur le territoire public, tout en assurant le renouvellement et l'évolution de la forêt, sur la base des objectifs d'aménagement durable. Une fois que la détermination est effectuée, le forestier en chef remet celle-ci à la ministre, qui, elle, est responsable de l'attribution de bois et de la planification forestière.
    Nous avons aussi le mandat de conseiller la ministre sur différentes questions ou différents sujets, par exemple sur l'orientation et la planification de la recherche forestière, sur les activités à réaliser pour optimiser les stratégies d'aménagement forestier et sur toute question qui, selon nous, appelle l'attention ou l'action gouvernementale. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous avons transmis à la ministre un conseil sur l'impact du projet de décret fédéral visant le caribou forestier et sur les possibilités forestières du Québec.
    La ministre peut aussi nous confier tout mandat en matière de foresterie et demander notre avis sur toute question en cette matière, tant à l'égard des forêts privées que des forêts publiques.
    Il y a un élément important que le Comité doit savoir. Dans une perspective de développement durable, le forestier en chef exerce les fonctions qui lui sont conférées avec l'indépendance que la présente loi lui accorde.
    Cette indépendance s'exprime de différentes façons: sa provision, son propre plan stratégique et un site Internet distinct de celui du ministère. De plus, nous gérons nos propres communications, nous produisons nos rapports et nous rendons nos décisions sans ingérence. Nous avons aussi un pouvoir d'enquête, c'est-à-dire que nous sommes investis des pouvoirs et de l'immunité prévus à la Loi sur les commissions d'enquête.
    Lors de la présentation du décret d'urgence, à la suite de l'annonce du gouvernement fédéral, c'est-à-dire le projet de décret d'urgence pour protéger les trois populations de caribous de Val‑d'Or, de Charlevoix et de Pipmuacan, respectivement, nous avons démarré, de notre propre initiative, nos analyses d'impact sur les possibilités forestières. Nos analyses ont porté sur les territoires appelés « zones provisoires ». Ces zones ont été délimitées par le gouvernement fédéral. Dans ces zones provisoires, aucune activité forestière n'est permise, ni aucune récolte, ni aucun travail de sylviculture.
    Étant donné qu'il n'y a aucune activité forestière, nous avons utilisé la même méthode que lorsque nous faisons une analyse d'impact pour des aires protégées strictes. Nous n'avons donc fait aucun ajustement aux stratégies sylvicoles qui sont déjà en vigueur. En l'absence d'information quant à leur continuité d'application, les plans de rétablissement des caribous forestiers et montagnards du gouvernement du Québec pour la période 2024‑2028 sont maintenus dans l'analyse et le territoire hors des zones provisoires. Cette information figure d'ailleurs dans les documents que j'ai soumis à la commission.
    Notre analyse d'impact nous a aussi permis de constater que l'accessibilité à certains territoires pourrait être compromise, car certains d'entre eux sont presque entièrement entourés par les zones provisoires. Cette situation pourrait donc engendrer un enclavement et des répercussions additionnelles, soit la baisse des possibilités forestières.
    Je souligne un autre élément. Les zones d'intérêt n'ont pas été évaluées de notre côté parce que, dans le cadre de la consultation, les zones provisoires peuvent s'étirer dans les zones d'intérêt. Nous le faisons seulement lorsqu'il y a des contours qui sont connus à ce jour et qui sont publics. Si des modalités restrictives dans les zones d'intérêt et au pourtour des zones provisoires s'additionnaient en matière de diminution de récolte ou de diminution de sylviculture, bien sûr, les répercussions seraient différentes.
    Dans les zones provisoires, l'analyse a porté sur 1,6 million d'hectares. De ce 1,6 million d'hectares, 1,2 million d'hectares contribuent aux possibilités forestières, c'est-à-dire que ces hectares sont admissibles à la récolte et à la sylviculture.
(1420)
     Cela touche quatre régions: l'Abitibi‑Témiscamingue pour la harde de Val‑d'Or, la Capitale‑Nationale et le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean pour la harde de Charlevoix, ainsi que le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et la Côte‑Nord pour la harde de Pipmuacan. Quant aux répercussions sur les possibilités forestières, au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, on parle d'une baisse de 562 000 mètres cubes...
    Monsieur Pelletier, votre temps de parole est écoulé, mais je vous accorde 15 secondes de plus pour terminer. Ensuite, vous pourrez répondre à des questions.
    Je le ferai avec plaisir. Merci, monsieur le président.
    On prévoit une baisse de 562 000 mètres cubes pour le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, de 133 000 mètres cubes pour la Capitale‑Nationale, de 246 000 mètres cubes pour l'Abitibi‑Témiscamingue et de 453 000 mètres cubes pour la Côte‑Nord.
    En conclusion, j'ajoute que, comme je vous le mentionnais, il demeure des éléments inconnus, dont les modalités d'aménagement forestier dans les zones d'intérêt et le contour final des zones provisoires, qui seront connus plus tard. Cela pourrait avoir des répercussions. Les résultats de notre analyse d'impact pourraient donc changer.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Verreault, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Mesdames et messieurs les députés, chef Dominique, collègues témoins, bonjour.
    Je vous remercie de prendre le temps de vous attarder à la question fort importante du caribou forestier, dont nous souhaitons fermement le rétablissement, mais aussi aux effets sur les entreprises comme la nôtre, sur nos communautés et, d'une manière plus large, sur la population du Québec et du Canada.
    Chantiers Chibougamau est une entreprise familiale fondée en 1961. Notre organisation est composée de 1 500 hommes et femmes. Notre métier est de couper des arbres et de les transformer pour fabriquer des matériaux de construction, de la pâte kraft et de l'énergie renouvelable, ce qui permet de décarboner les infrastructures et les constructions et de substituer les plastiques à usage unique. C'est pour ça que nous nous levons le matin et que nous intervenons en forêt pour transformer les ressources forestières.
    Ces 1 500 hommes et femmes se partagent une rémunération de 150 millions de dollars annuellement et, de ce nombre, il y a quelques dizaines d'ingénieurs forestiers et de biologistes. Ceux-ci contribuent à accroître la compétence qui guide ce que nous faisons et la façon dont nous le faisons. Ils respectent des codes d'éthique et de déontologie, et ils témoignent de notre engagement indiscutable à l'égard de questions aussi sensibles et complexes que celle du caribou forestier.
    On parle du caribou forestier depuis 15 ou 20 ans. On documente le sujet, on pose des gestes, on les additionne, on les révise et on les relève lorsque le besoin de le faire est démontré. Hélas, la discussion, quand elle atteint la population, est trop souvent polarisée sur la base d'un paradigme plutôt simpliste qui manque de sensibilité à l'égard de notre réalité contemporaine. En effet, on oppose les emplois de l'industrie forestière au caribou et à la biodiversité, alors que les deux vont de pair.
    Si nos propres pratiques, à Chibougamau, à La Sarre, à Landrienne, à Béarn et à Lebel‑sur‑Quévillon, ne sont pas adéquates en matière de lutte contre les changements climatiques et de protection de la biodiversité, nos clients ne voudront pas de nos matériaux. Nous avons cette responsabilité sociale d'entreprise, qui devient une responsabilité collective, évidemment, comme en témoignent vos travaux sur le sujet.
    Nous saluons les travaux de votre comité de la semaine dernière, qui ont élargi le regard porté sur la mise en œuvre du décret tel qu'il est présenté aujourd'hui. Les questions relatives au cycle de vie de la forêt sont fondamentales. Lorsque les clients nous appellent pour acheter nos poutres et colonnes de bois massif, la première chose qu'ils nous demandent pour ouvrir la discussion, c'est quel est le bilan de carbone de ce que nous avons à leur proposer. Il est donc essentiel de se pencher sur ces questions et sur l'effet de la mise en œuvre du décret pour la protection du caribou forestier.
    Je veux aussi vous parler de l'effet de nos produits sur les populations. La pâte kraft de l'usine de Lebel‑sur‑Quévillon, qui dépend notamment des arbres qui seront ou qui ne seront pas disponibles dans le secteur de Val‑d'Or, alimente les activités de transformation tout près d'ici, à Gatineau, pour faire les papiers sanitaires dont la population a besoin. Elle alimente aussi des activités au centre de l'Ontario pour produire les papiers sanitaires qui sont livrés dans les hôpitaux. La production de cette fibre a donc un effet domino qui va bien au-delà de notre entreprise et de nos communautés, et c'est la réponse la plus pragmatique et la plus écologique pour répondre aux besoins des populations dont il est question, avec la mise en œuvre de telles mesures.
    Les manchettes sont souvent spectaculaires. Elles suggèrent que, plus on va restreindre la transformation des arbres et l'accès aux territoires forestiers par les entreprises forestières, plus on pourra avoir bonne conscience en matière de biodiversité. Je vais me permettre de m'attarder de façon concrète et appliquée aux faits relatifs à la harde de Val‑d'Or, qui, rappelons-le, est passée d'environ 55 individus il y a un demi-siècle à 9 individus aujourd'hui. Doit-on se réjouir de ce sort? Pas du tout, c'est un échec. Les 9 individus de la harde de Val‑d'Or vivent sur un territoire de 14 hectares, ce qui représente 25 % de la superficie du Parc olympique de Montréal.
    Au Québec, il y a un projet d'aire protégée qui, à lui seul, prévoit la soustraction de 43 000 hectares de forêt à la transformation autour de l'enclos de la harde de Val‑d'Or. Depuis 2013, il y a donc un moratoire visant ces 43 000 hectares, et nous le respectons scrupuleusement. Ce nombre représente 1,2 fois la superficie de la ville de Montréal, alors que les 9 individus de la harde de Val‑d'Or habitent, rappelons-le, sur un territoire qui correspond au quart de la superficie du Parc olympique.
    Aujourd'hui, le décret proposé vise à soustraire 297 000 hectares de forêt à la transformation. Alors, pour les 9 individus qui habitent sur un territoire équivalent à 25 % de la superficie du Parc olympique, le décret propose de soustraire à la transformation une superficie huit fois plus grande que celle de la ville de Montréal. Nous souscrivons à la nécessité d'agir, mais il y a évidemment des questions importantes qui se posent.
(1425)
    Quel serait le coût de la compensation si on soustrait des territoires des activités de transformation?
    On pourrait réinvestir ailleurs pour générer cette matière et répondre à des besoins de la meilleure manière qui soit. Combien cela coûterait-il?
    Quel serait l'échéancier?
    Je pense qu'il s'agit d'aspects forts importants à considérer quant à ce qui est discuté aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur Samray, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Puisque les minutes sont comptées, je vais saluer et remercier tout le monde. Kwe, chef Dominique.
    Nous avons remis au greffier trois mémoires que nous trouvons essentiels, qui visent à vous présenter le Conseil de l'industrie forestière du Québec, ou CIFQ. Comme vous le verrez, outre la voix de l'industrie, il est l'ensemble des retombées sur l'industrie. Vous verrez aussi à quel point l'industrie forestière contribue à la vitalité économique et au soutien du filet social canadien et québécois.
    Je vais entrer dans le vif du sujet.
    Je tiens à être clair concernant la position du CIFQ et de ses membres au sujet de la protection du caribou. Nous sommes et avons toujours été en faveur de sa protection. L'adoption d'un décret fédéral n'est toutefois pas la solution. Ce décret n'est qu'une interdiction d'aménagement et de récolte, une cloche de verre qui vise uniquement l'industrie forestière et qui se garde bien, cependant, de préciser aux adeptes d'activités récréotouristiques que personne n'entretiendra les chemins forestiers ou multiusagers pour se rendre aux lieux de villégiature et d'activités extérieures.
    Faire fi des différents facteurs ayant un impact sur le caribou et n'en pointer qu'un seul, sans considérer les risques socioéconomiques que les décisions à venir pourraient représenter, est déplorable. C'est malheureusement le chemin que prend le gouvernement au moyen de son décret. Le décret est loin d'être la solution. Ce qu'il faut, pour protéger le caribou, mais également la biodiversité, ce sont des mesures concrètes de restauration, des approches sylvicoles adaptées, une gestion active des prédateurs et des proies alternatives, des suivis des populations de caribous, des enclos de protection, de la supplantation, si cela est nécessaire, ainsi qu'une implication accrue des occupants du territoire, notamment les membres des communautés autochtones et de l'industrie forestière.
    L'aménagement forestier fait partie intégrante de la solution. Les feux survenus récemment et dans les dernières années dans les grands parcs nationaux le montrent. Le parc national Jasper est là pour nous le rappeler. À notre avis, il faut cesser d'opposer la foresterie et la protection de la biodiversité. Ce qu'il faut, c'est un équilibre pragmatique. Nous sommes d'avis qu'il est non seulement possible de concilier protection, biodiversité et foresterie, mais aussi qu'il est impératif de le faire.
    M. Seto a mentionné que le décret fédéral ne vise que 4 % du territoire accessible à l'industrie et que ce n'est rien. En retenant cette même logique, on pourrait également dire que la tempête de verglas de 1998 n'était pas un événement grave, puisqu'elle n'a touché que 2 % du territoire québécois. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas tant la superficie touchée qui importe, mais bien sa position sur le territoire, son importance stratégique et le nombre de personnes et d'activités touchées.
    Dans le présent décret, on définit des zones provisoires, des zones d'intérêt et des zones tampons. Pour la seule zone d'intérêt, c'est près de 12 000 kilomètres carrés, générant 1,4 million de mètres cubes par année, qui sont gelés pour l'industrie. Il y a un élément important qui a complètement été occulté par les analystes. Je suis triste pour le ministre, parce qu'il s'agit d'un élément fondamental. Il y a certains détenteurs de certification forestière qui ont maintenant vu les cartes et qui ne pourront pas aller dans les zones touchées, que ce soit le pourtour très strict ou le pourtour très large, parce que ça pourrait chatouiller certains clients et remettre en cause leur certification forestière.
    Selon le régime forestier en place, ces usines devront aller chercher leur volume sur le système des enchères. Cela va augmenter fortement la demande, dans un système qui manque déjà de volume à la suite des feux de 2023. Les mesures déjà prises par le gouvernement fédéral ont un impact sur la compétitivité de l'industrie.
    Le prix va donc être poussé à la hausse et, à la fin de l'année, ce prix va se refléter sur l'ensemble du territoire québécois. Il n'y a qu'une équation. Toutes les usines québécoises vont payer leur bois plus cher, parce qu'il y a une rareté et parce que les enchères sont là. Le prix va augmenter pour tout le monde. Est-ce que le décret touche uniquement quelques usines situées à proximité? La réponse est non. Le décret touche dès aujourd'hui l'ensemble de l'industrie forestière québécoise.
    Nous en sommes là aujourd'hui. Pour nous, pour l'industrie, il est fondamental de s'assurer qu'on va être en mesure de trouver une solution. Cela prend une voie de passage. Pour nous, cela prend un dialogue, un forum dans lequel l'industrie et les gouvernements sont présents. Force est de constater que le décret cite l'article 80 de la loi, mais il demeure silencieux sur l'article 64, qui prévoit des indemnités pour les personnes et les entreprises qui sont touchées.
(1430)
     Les personnes et les entreprises touchées sont toutes celles qui participent à la chaîne de valeur. Il s'agit de 130 000 familles et de milliards de dollars en revenus.
     Cela me fera plaisir d'en parler plus à fond avec tout le monde. Pour notre part, nous estimons qu'il faut un forum réunissant le fédéral, le provincial, les Premières Nations et l'industrie.
    Chef Dominique, vous avez la parole.
    Kuei nutam etashiek. Bonjour à tous.
    Mon nom est Gilbert Dominique, et je suis chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh.
    Notre territoire traditionnel, que nous appelons Nitassinan dans notre langue, a une superficie d'un peu plus de 112 000 kilomètres carrés et englobe notamment la totalité du bassin versant de la région du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. Trois populations de caribous sont répertoriées sur notre territoire traditionnel, soit celles de Charlevoix, de Témiscamie et de Pipmuacan. Nous détenons des droits et un titre aborigène sur le Nitassinan, où, présentement, la possibilité forestière est d'approximativement 7 millions de mètres cubes. Nous sommes donc très affectés par toute la question des coupes forestières.
    Nous souhaitons vous faire part de nos préoccupations en ce qui concerne la protection du caribou au Québec. Des actions immédiates et urgentes constituent la seule mesure à prendre pour rétablir l'équilibre qui doit exister pour protéger l'atiku, c'est-à-dire le caribou, et son habitat. Vous êtes investis d'une obligation légale d'agir et notre Première Nation entend poursuivre les démarches qui s'imposent afin que ce dossier soit traité rapidement et avec tout le sérieux qu'il mérite.
    Le Québec n'a jamais, autrement que par des paroles, démontré son intérêt à protéger le caribou, et nous croyons que des mesures fermes, sérieuses et immédiates doivent être prises dans l'attente de la mise en œuvre de la stratégie du Québec.
    Le caribou est intimement lié à l'occupation et à l'utilisation du territoire Nitassinan par les membres de ma Première Nation. Il est à la base de notre culture et de notre mode de vie. Il a assuré notre subsistance pendant des siècles. Le recul graduel des populations a un impact direct sur le maintien de notre culture et sur la pratique d'ilnu-aitun, nos activités traditionnelles.
    En 2003, nous avons collectivement été dans l'obligation d'arrêter la chasse au caribou. Les effets se font sentir bien au-delà de la simple récolte à des fins alimentaires. Cela a des conséquences sur la transmission même des savoirs et de notre langue, le shashish nelueun, qui font partie de notre culture distinctive et qui sont aussi en voie d'extinction, parallèlement à cette espèce. Si le caribou et son habitat venaient à disparaître malgré cet effort fait par notre Première Nation, une partie de l'identité des Pekuakamiulnuatsh disparaîtrait avec eux.
    J'interpelle ici les représentants du gouvernement canadien afin qu'ils prennent les mesures appropriées pour faire respecter pleinement et à tous les paliers de gouvernement la protection du caribou forestier. J'invite également le Comité à se pencher sur la décision de la Cour supérieure du Québec sur le défaut de consultation concernant la stratégie de protection de l'atiku. Ce jugement a été rendu le 21 juin dernier à la suite d'un recours entrepris par notre Première Nation et celle de la communauté d'Essipit. Bien qu'il ne soit pas lié au projet de décret, il s'agit de la même question urgente, soit la protection du caribou. Le jugement et le décret sont également la conséquence de l'inaction du gouvernement du Québec. Dans sa décision, la juge Marie Cossette a affirmé ce qui suit:
Or, outre que leur droit à la consultation s'en trouve bafoué, la situation du caribou se détériore davantage durant ce temps et le gouvernement n'est toujours pas en mesure d'indiquer au Tribunal le moment auquel la Stratégie de protection envisagée sera communiquée. Il en résulte que leurs droits et titres ancestraux sont d'autant plus menacés vu la place centrale qu'y occupe le caribou dont la condition continue de se fragiliser.
    Le Québec, par son attitude dans le dossier du caribou, manque à l'honneur et il est irresponsable pour les générations futures. Un gouvernement responsable se doit de rechercher l'équilibre entre la protection du territoire, de sa faune et de sa flore, et, bien sûr, le développement socioéconomique.
    Compte tenu de la réalité sur le terrain, force est de constater que la réduction de la possibilité forestière est inévitable. Nous sommes d'avis que réduire la possibilité forestière peut être viable en misant notamment davantage sur la troisième transformation ainsi que sur l'innovation. La protection de l'atiku n'a pas à être synonyme de la mise à mort du développement économique et des emplois de nos régions. Nous sommes sensibles aux réalités économiques des acteurs du secteur forestier. Cependant, il faut arrêter d'être dans le déni et prendre acte de la situation réelle avec un regard objectif et scientifique.
    Comme le soulignait le rapport de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, les problèmes vécus par l'atiku indiquent que le Québec est allé trop loin dans l'exploitation de la ressource forestière et qu'il importe de revoir l'aménagement forestier pour qu'il soit réellement durable, tout en assurant la protection de la biodiversité.
(1435)
    Dans ce sens, les gouvernements du Québec et du Canada se doivent de proposer des mesures pour atténuer les répercussions sur les communautés forestières et pour aider ces dernières dans cette inévitable transition.
    Nos équipes analysent présentement le décret en lien avec la consultation en cours. Déjà, nous constatons que la harde de Témiscamie n'est pas visée par le décret, ce qui nous préoccupe grandement, puisqu'elle est en état de vulnérabilité et qu'elle risque aussi de disparaître, particulièrement au sud de la limite nordique.
    Nous sommes aussi disposés à vous transmettre tout document qui pourrait être pertinent et vous aider à prendre votre décision.
    Finalement, devant cette situation, vous êtes dans l'obligation d'agir, en conformité avec la Loi sur les espèces en péril, en appliquant l'adoption d'un décret d'urgence, notamment dans le territoire de Nitassinan, pour protéger le caribou des menaces actuelles pour sa survie. Nous l'exigeons...
(1440)
    Merci, chef. Nous voulons laisser un peu de temps pour les questions.
    D'ailleurs, nous sommes un peu en retard, alors je vais diminuer le temps de parole à cinq minutes pour le premier tour de questions et à quatre minutes pour le deuxième tour.
    Donc, il y aura seulement deux tours de questions.
    C'est exact.
    Monsieur Gourde, c'est vous qui entamez le premier tour de parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici. C'est vraiment très important.
    Nous sommes tous réunis ici devant un décret radical et destructeur d'emplois. C'est un gouvernement libéral incompétent et idéologique qui nous présente cela et qui nous oblige à subir cela. Si je dis qu'il est incompétent, c'est parce que cela va détruire des politiques qui avaient été mises en place sous le régime de l'ancien gouvernement conservateur. De 2006 à 2015, il y a eu des jours sombres dans le milieu forestier. Or, cet ancien gouvernement a nommé deux hommes forts au poste de ministre responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec: Jean‑Pierre Blackburn et Denis Lebel. À ce titre, ils avaient comme priorité de mettre en place, dans toutes les régions forestières du Québec, des initiatives pour renforcer la première transformation, développer la deuxième et la troisième transformation, et pousser en avant la technologie. Ces deux hommes en ont fait beaucoup pour l'industrie forestière, mais voilà que ce décret va détruire tout le travail fait par l'ancien gouvernement conservateur, dont j'ai fait partie. J'étais présent, j'ai travaillé avec ces hommes et j'en suis très fier.
    Vous avez parlé tout à l'heure des hardes de caribous qui sont relativement petites ou concentrées, qui se composent de 9 individus à un endroit ou de 200 individus ailleurs, par exemple. Je suis agriculteur et, à l'époque, on disait que, si on voulait assurer l'avenir d'un troupeau, il fallait y incorporer un jeune taureau et y amener du sang nouveau, car la consanguinité dans les troupeaux cause des maladies. Un ingénieur forestier que je connais, qui travaille dans vos régions, m'a dit que les caribous étaient malades, qu'ils étaient faibles et que le taux de mortalité chez les jeunes individus était énorme parce qu'il n'y avait pas de diversité génétique.
    Serait-il plus simple de mettre en place un programme afin d'aller chercher des caribous dans d'autres régions, c'est-à-dire des caribous qui ne sont pas issus de la même lignée génétique? Cela renforcerait les prochains faons et cela réglerait peut-être une partie du problème quant à l'avenir des troupeaux.
    Là, on va fermer une industrie, il y aura des mises à pied, on va mettre des gens dans le pétrin, mais on ne règle pas le problème à la source. Le problème serait-il que ces caribous manquent non pas de nourriture, mais plutôt de diversité génétique?
    Est-ce que ce serait possible de mettre en place un tel programme? La question s'adresse à tous ceux qui veulent y répondre.
    Je pense que la nature fait qu'il y a une limite au nombre de fois que des individus peuvent être cousins. C'est un fait.
    Maintenant, deux de ces trois hardes sont dans des enclos. En ce qui concerne ces deux hardes, je pense que, comme nous l'avons entendu de la part de tous les témoins, il y a moyen de prendre le temps de s'asseoir, tout le monde ensemble, pour arriver à une solution. Dans le cas de la troisième harde, je pense que, compte tenu de la population, il y a encore moyen d'en faire tout autant. Il faut dire que, si on perd l'un ou l'autre des éléments en question, on ne gagne pas. Il faut les deux. C'est important pour l'industrie et, selon ce que j'ai entendu à ce jour, c'est important pour tout le monde.
    De notre point de vue, la clé réside effectivement dans l'élevage et la réintroduction, qui sont les paramètres scientifiques qui peuvent permettre le rétablissement d'une population. Dans le cas de la harde de Val‑d'Or, voilà quatre ans que nous espérons qu'on procède à l'élevage et à la réintroduction de nouveaux individus de manière à pouvoir penser à un rétablissement.
    C'est là qu'il faut revenir aux objectifs. Est-ce qu'on veut maintenir l'espèce et voir son épanouissement? Est-ce qu'on veut maintenir chacune des hardes si, biologiquement ou scientifiquement, on a perdu la bataille parce que, collectivement, on a commis des erreurs? Est-ce qu'on veut maintenir chacun des individus en vie? Voilà la question fondamentale qu'on doit se poser: quel est l'objectif qu'on veut atteindre? Par la suite, les moyens comme ceux que vous évoquez, soit l'élevage et la réintroduction, peuvent devenir des réponses adéquates.
    J'aimerais revenir sur l'Agence de développement économique pour les régions du Québec.
    L'ancien gouvernement conservateur était très proactif dans le secteur forestier. Il en faisait une priorité. Sentez-vous que, depuis 2015, l'Agence a encore comme priorité l'industrie forestière dans vos régions ou bien qu'il y a eu un laisser-aller progressif? Nous avons un peu perdu le fil, parce que nous ne formons plus le gouvernement. Nous allons cependant revenir au pouvoir; c'est une question de temps.
    Depuis 2015, le gouvernement du Canada a-t-il soutenu l'industrie forestière?
    Je pense qu'il existe certaines initiatives visant la recherche et la sensibilisation quant à l'utilisation du bois dans le secteur de la construction, pour passer de la première transformation à la deuxième et troisième transformation. Dans tous les cas, une chose fondamentale demeure: pour faire de la troisième transformation, il faut d'abord aller récolter le bois. Or, c'est plutôt dans le programme Investissements dans la transformation de l’industrie forestière, c'est-à-dire le programme ITIF, dont vous avez beaucoup entendu parler, que les crédits ont rétréci. C'est dans cet environnement qu'on se situe. Il y a beaucoup d'approches pour calculer le bilan carbone. Cela dit, pour obtenir les gains de ces initiatives, il va falloir du bois. S'il n'y a pas de bois, il n'y a pas grand-chose.
(1445)
    Merci.
    Votre temps de parole est pratiquement écoulé, monsieur Gourde.
    Madame Chatel, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait que nous faisons partie, nous aussi, de la biodiversité. Je remercie d'ailleurs M. Verreault de l'avoir mentionné. Nous devons être capables de nous protéger nous-mêmes, de protéger les espèces et de protéger l'environnement qui nous soutient, car, comme quelqu'un le disait, il est impossible d'avoir une économie sans environnement. Il faut faire les efforts nécessaires.
    Je regardais un peu la chronologie des événements. En 2000, un comité indépendant de surveillance des espèces a désigné le caribou boréal comme étant une espèce menacée et vulnérable. Le gouvernement du Québec a établi cette même désignation en 2005. En 2016, le gouvernement du Québec s'est engagé à mettre en place une stratégie de protection du caribou boréal et du caribou montagnard, mais nous l'attendons toujours. L'incertitude, ce n'est pas bon. En affaires, on veut de la certitude.
    Le gouvernement l'a dit: si le Québec prenait les mesures qu'il s'est engagé à prendre, on n'aurait pas besoin d'un décret. Nous non plus, nous ne voulons pas d'un décret. Nous avons aussi déclaré publiquement que nous allions prendre en compte tous les points de vue mentionnés durant les consultations.
    Il est question de réforme du régime forestier pour atteindre un équilibre entre l'écologie et l'économie. Nous avons besoin de l'écologie. Dans ma région, les forestiers comprennent très bien que nous avons besoin de protéger nos forêts si nous voulons avoir une industrie forestière prospère.
    Quelles sont les solutions proposées pour atteindre cet équilibre?
    Comme nous l'avons dit d'entrée de jeu, le régime forestier québécois ne fait plus le travail. Il subit énormément de pression. Il y a une rigidité incroyable. Il existe une seule équation de transposition. Il faut donc changer le régime.
    Il faut changer le régime, mais il faut prendre le temps de bien le faire. Comme l'a mentionné le chef Dominique, le message que la cour envoie au gouvernement, c'est qu'il doit prendre le temps de se dépêcher. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.
    Du côté de l'industrie, ça fait mal également. Comme nous l'avons mentionné, l'année prochaine, toutes les entreprises du Québec seront touchées par le décret. Il n'est pas encore en vigueur, mais le seul fait qu'il ait été publié, accompagné de cartes, nuira à la compétitivité de toutes les entreprises québécoises.
    Si je comprends bien, c'est le moment d'agir, de se concerter et d'en arriver à des solutions proactives. Je suis d'accord sur cela.
    Je n'ai plus beaucoup de temps de parole, mais j'aimerais que le chef Dominique nous en dise un peu plus long sur ce que le caribou représente exactement pour les peuples autochtones. Dans ma circonscription se trouvent deux communautés autochtones. On dit toujours qu'il est important de penser à la septième génération lorsqu'on élabore des politiques. La durabilité et le développement durable font partie de la culture autochtone.
    Oui, absolument. Le caribou est assurément un animal emblématique de notre culture. Notre culture y est intimement liée. Le caribou est présent dans notre mode de vie, au-delà de l'alimentation. Les enseignements que nous offrons à nos générations sont importants, parce que nous leur transmettons également la question linguistique ainsi que nos valeurs et nos principes.
    Si on choisit collectivement de ne pas protéger le caribou, c'est un grand pan de notre culture qui va inévitablement disparaître, malheureusement. Pour nous, c'est inacceptable.
    Bien que la chasse au caribou soit importante pour la culture autochtone, vous avez entrepris des mesures pour cesser de le chasser, afin de soutenir sa restauration, n'est-ce pas?
(1450)
    Absolument. Même au début des années 1990, nos aînés nous indiquaient déjà que les choses n'allaient pas bien, alors nous avons restreint la chasse au caribou. Elle a été interdite à partir de 2003, mais elle avait été restreinte pendant une dizaine d'années avant cela.
    Bien entendu, nous avons interpellé les gouvernements afin d'être partie prenante. Collectivement, notre grand défi est d'assurer la survie et la protection du caribou, mais il faut regarder la question d'une façon assez générale et miser sur la concertation. Malheureusement, on n'invite jamais les Premières Nations à la table pour qu'elles puissent offrir leur contribution et leur collaboration. Il faut passer par des démarches juridiques pour enfin faire reconnaître que nous devons être partie prenante de ces exercices, parce que nous avons également des solutions à proposer.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Simard.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais entendre plus de détails sur quelque chose qui m'apparaît fort important, soit l'effet cumulatif. MM. Verreault et Samray y ont fait allusion dans leurs présentations.
    Le fait de retirer certaines capacités forestières a une incidence sur toute la filière, c'est un peu ce que vous avez dit, car les copeaux qui sont utilisés pour d'autres types d'activités ne seront pas au rendez-vous.
    J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur l'effet cumulatif.
    L'effet cumulatif permet aussi de mettre en lumière de nombreuses initiatives qui ont déjà été prises, dans l'esprit de ce que soulevait la personne qui s'est exprimée avant vous. Dans le cas du parc Assinica, par exemple, est-ce qu'on a attendu qu'il y ait un décret ou un plan du gouvernement du Québec? La réponse est non. Un parc a été institué, il y a plus d'une dizaine d'années, et ce projet, à lui seul, a soustrait 140 000 mètres cubes de bois aux possibilités forestières, soit l'équivalent des mesures du décret visant la harde de Val‑d'Or. Ça fonctionne, puisque cette population de caribous est passée de 500 à 800 individus en l'espace de 10 ans. Évidemment, ces mesures ont déjà un effet sur la quantité de bois disponible.
    Dans le secteur nord de La Sarre, dans le périmètre indirect de Val‑d'Or, notre entreprise a pris l'initiative de soustraire des superficies à l'activité industrielle. Cela a une incidence correspondant à 30 000 mètres cubes de bois, et la population de caribous se porte bien dans ce secteur. C'est un travail effectué en concertation avec la SNAP, soit la Société pour la nature et les parcs du Canada, les Premières Nations et des voisins ontariens.
    La nature a horreur du vide, et il y a beaucoup d'initiatives extrêmement crédibles et intègres qui sont mises en place. Effectivement, il y a des mesures de conservation et celles-ci varient. Dans ce cas-ci, pour ce qui est de l'application du décret dans le secteur de Val‑d'Or, les activités liées aux mines, à l'énergie, aux VTT et aux chalets pourront toutes être maintenues, mais on se focalise sur l'industrie forestière. Autrement dit, le décret agit non pas comme une cloche de verre, mais plutôt comme une passoire. On se focalise sur la transformation du bois, et pourtant elle est inactive.
    Donc, toutes ces mesures se superposent et s'additionnent. Invariablement, si le décret est mis en œuvre tel qu'il est formulé présentement, il empêchera la construction de dizaines de milliers de maisons. Dans le cas de l'Abitibi‑Témiscamingue, le bois qu'on transforme dans le secteur de Val‑d'Or est expédié toutes les semaines à Toronto, où il est utilisé pour construire des maisons. L'effet collatéral est donc majeur, effectivement. Il suffit d'additionner toutes les mesures, soit celles qu'on a mises en place il y a plus d'une dizaine d'années, celles déjà en place et les mesures provisoires du gouvernement du Québec, pour comprendre qu'on ne reste pas les bras croisés devant le déclin du caribou forestier. Il y a déjà beaucoup de choses crédibles qui sont faites aujourd'hui.
    Alors, sans vouloir vous mettre des mots dans la bouche, j'en conclus que l'atteinte des objectifs du gouvernement en matière de carboneutralité pourrait être fragilisée par la perte de capacités forestières.
    Monsieur Samray, j'aimerais aussi vous entendre parler des effets économiques envisageables, si on tient compte de cet effet cumulatif et qu'on regarde ce qui peut se produire du côté des enchères. Comme on le sait, le secteur forestier a déjà à composer avec les tarifs américains très élevés, les feux de forêt et les infestations de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.
    Je serai bref, monsieur le président.
    Premièrement, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC, nous dit, dans ses six derniers rapports, depuis qu'il en publie, en fait, que l'humanité doit faire trois choses simultanément. Elle doit faire une transition énergétique et abandonner les énergies fossiles, protéger la biodiversité et décarboner le secteur de la construction par une plus grande utilisation du bois. Il ne faut pas faire l'une ou l'autre de ces choses, mais toutes les faire simultanément. Le bois est donc fondamental dans l'atteinte des cibles de réduction des émissions de carbone.
    Deuxièmement, il est fondamental de réaliser que le système actuel, qui est lié au régime forestier, ne tient plus la route. C'est un processus qui va prendre du temps, parce que, le 1er janvier 2025, le prix du bois de toute entreprise qui s'approvisionne en terre forestière va exploser, en raison des kilomètres carrés de forêt soustraits à l'aménagement forestier par le décret. Tout le monde va se ruer vers le système d'enchères, qui n'a déjà pas de bois, en raison des feux et des autres mesures prises.
    De plus, je vous rappelle que, depuis l'entrée en vigueur du régime forestier, on a soustrait 70 000 kilomètres carrés de forêt à l'aménagement forestier pour des raisons de protection de la biodiversité, en grande partie pour le caribou. Alors, du bois, il n'y en a plus beaucoup.
(1455)
    Il vous reste à peine 15 secondes, monsieur Simard.
    J'aimerais intervenir pour environ trente secondes, afin de parler de l'effet cumulatif.
    Je vous laisse la parole, chef Dominique.
    On voit l'effet lié à l'industrie et à l'économie, bien entendu, mais il ne faut pas non plus oublier les effets provoqués par le développement du territoire qui, assurément, n'aident pas le caribou. Il y a une panoplie de facteurs.
    Inévitablement, quand on développe le territoire, on crée des brèches. On peut constater ensemble que le caribou est fragilisé aussi par l'effet cumulatif provoqué par le développement.
    Merci.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai bien aimé la fin de la réponse de M. Samray. Il évoquait les recommandations du GIEC, notamment sur l'utilisation du bois pour la décarbonation. C'est quelque chose que le Comité doit également avoir en tête.
    J'aimerais poser une question à M. Pelletier.
    Un peu plus tôt aujourd'hui, il a été question de la gestion des prédateurs du caribou comme étant l'un des moyens envisageables pour favoriser la restauration des hardes de caribous. Toutefois, on a donné l'exemple de la Colombie‑Britannique, alors que la gestion des prédateurs, dont le loup, était une solution à court terme et incomplète en soi, puisqu'elle devait s'accompagner, à moyen terme, d'une restauration de l'habitat du caribou.
    Monsieur Pelletier, comment voyez-vous cela, en tant que spécialiste du secteur forestier?
    Bonjour.
    Je vous remercie de la question.
    Comme vous l'avez mentionné, je suis spécialiste du monde forestier. Cependant, je ne le suis pas dans les domaines de la biologie, du monde animal ou du caribou. Je ne pourrai donc pas répondre à votre question, malheureusement.
    La force du forestier en chef consiste à faire évoluer la foresterie au fil du temps. Nos travaux tiennent compte de la forêt que nous avons aujourd'hui et, en fonction des courbes de croissance et des peuplements forestiers dans le temps, nous sommes capables de projeter la forêt du futur. C'est la force du forestier en chef.
    Lorsque nous établissons des plans de rétablissement ou des scénarios, nous sommes capables, grâce à l'expertise de notre équipe, de voir comment la forêt se régénère et évolue dans le temps, puis de déterminer si cet habitat peut être propice au caribou ou non. C'est une expertise que nous avons et qui permet d'éclairer les décideurs de la province de Québec et la population.
    Je ne peux donc pas répondre à votre question, mais je peux vous dire que nous avons des outils. En fonction des stratégies ou des projets qui doivent être étudiés, notre expertise permet d'éclairer les décideurs.
    Je vous remercie de tout le travail que vous accomplissez, monsieur Pelletier, et je remercie également toute votre équipe.
    Je me tourne maintenant vers le chef Dominique.
    À quelques reprises, depuis le début des travaux du Comité, on a dit que le gouvernement du Québec avait promis une stratégie en 2016 et que cela faisait déjà huit ans. Vous avez été forcés d'aller en cour, et la Cour supérieure vous a donné raison, en disant que vous aviez été incorrectement consultés, comme nation autochtone et comme communauté ayant des droits ancestraux et une relation particulière, intime et culturelle avec le caribou.
    Dans votre intervention, chef Dominique, vous avez dit que cela prenait des mesures immédiates et urgentes.
    On a l'impression que le gouvernement du Québec traîne les pieds depuis 2016, soit depuis huit ans. Quelles seraient alors ces mesures immédiates et urgentes qui devraient être prises, plus précisément?
(1500)
    Pour ce qui est de notre secteur et de la harde de Témiscamie, sur le plan stratégique, nous constatons que la protection des massifs à court terme est assurément une piste importante à suivre afin de permettre, bien entendu, l'évolution de la stratégie qui sera mise en place.
    Il y a certainement des choses qui pourraient être mises en œuvre et des mesures que l'on pourrait appliquer, mais, ce qui est important, c'est de prendre des décisions rapidement, conjointement avec le gouvernement du Québec, les Premières Nations, bien entendu, et le gouvernement fédéral. Ce dernier pourrait être un acteur de premier plan.
    Il ne faut pas s'en cacher: la pire des choses qui est arrivée dans les 20 dernières années, c'est l'inaction. Si des décisions responsables avaient été prises il y a une vingtaine d'années, la survie du caribou serait probablement moins problématique en ce moment.
    Merci.
    Monsieur Martel, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pelletier ou monsieur Samray, j'aimerais vous poser deux questions. J'aimerais revenir sur ce qui a été dit plus tôt.
    Ce n'est pas scientifique, c'est mathématique: une baisse de possibilités forestières signifie des pertes d'emplois.
    Avons-nous trop d'aires protégées, au Québec? Nos méthodes de calcul diffèrent-elles de celles d'autres pays?
    Non seulement les aires protégées sont-elles la responsabilité du ministère de l'Environnement et du Changement climatique du Canada, qui consulte les autres ministères, mais lorsque le gouvernement prend une décision concernant la protection du territoire, celle-ci est signifiée officiellement au forestier en chef, puis nous l'intégrons et nous ajustons les possibilités forestières, s'il y a lieu. L'objectif est d'assurer la pérennité de la ressource en évitant une surcoupe. Je ne peux donc pas vous dire s'il y a trop ou pas assez d'aires protégées.
    Dans le cadre de nos travaux, au Québec, dans les plans de rétablissement qui sont en vigueur depuis 2013, il y a près de 2,8 millions d'hectares d'aires protégées, qui sont ventilés par région dans les documents que je vous ai remis. Cela a été maintenu pour la période 2023‑2028.
    De plus, au sud de la limite nordique des forêts attribuables, il y a 2,8 millions d'hectares d'aires protégées pour le caribou forestier. Voilà des constats et des faits que nous intégrons dans nos travaux lorsque les décideurs prennent des mesures.
    D'après vous, cultive-t-on suffisamment la forêt afin de répondre aux défis liés aux changements climatiques?
    Vous devriez poser la question à un aménagiste. Nous pouvons toujours améliorer nos travaux et réinvestir dans notre forêt pour améliorer sa capacité productive et sa résilience quant aux changements climatiques. Toutefois, c'est aussi un choix de société. Combien d'argent voulons-nous investir dans notre forêt publique?
    Il y a d'autres défis, au Québec, mais je ne suis pas politicien. Lorsque nous consacrons des sommes aux stratégies sylvicoles, nous le faisons en fonction des choix de société de notre gouvernement.
    Merci.
    Le point qui vient d'être soulevé est fondamental. Qu'il s'agisse du décret ou de pratiques quotidiennes, l'argent est fondamental. Cela prend de l'argent pour entretenir le réseau routier, pour faire les remises en production, pour verser les indemnisations liées aux feux de forêt et pour faire les travaux. À tout cela s'ajoute le décret fédéral. Celui-ci ne propose qu'une cloche de verre, mais cela va avoir des effets, et cela va prendre de l'argent pour éliminer ceux-ci.
    En proposant ce décret, ce que le fédéral dit au Québec, c'est de faire le travail à sa place et d'imprimer de l'argent pour payer la dette.
    Il faut que tout le monde travaille ensemble, mais il faut réaliser que cela ne se fera pas sans répercussions. Il faut travailler ensemble pour réduire celles-ci, parce que l'article 64 de la Loi sur les espèces en péril existe, et cela va coûter de l'argent.
    Merci, monsieur Samray.
    J'ai terminé, monsieur le président.
(1505)
    Merci.
    Monsieur Lauzon, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Chef Dominique, vous nous avez dit que les sages avaient envoyé des signes, il y a plusieurs années, sur la disparition du caribou.
    À l'heure actuelle, sur quoi doit-on se baser pour passer à l'action? Avez-vous documenté ces renseignements? Avez-vous eu des rapports d'experts qui vous permettent de dire qu'il est urgent d'intervenir pour la protection du caribou?
    Oui, nous avons pu consulter des rapports d'experts. Nous avons eu l'occasion de vous faire part des quelques études que nous avons réalisées en partenariat avec des scientifiques de renom et, bien entendu, avec nos équipes locales. Vous avez donc accès à ces éléments d'information.
    Nos aînés ont constaté cela de visu, en circulant sur leur territoire traditionnel et familial. Ils ont constaté effectivement qu'il allait y avoir des problèmes et que le développement du territoire était probablement un facteur déterminant quant à toute la situation.
    Ce sont donc des éléments d'information que nous avons reçus de la part des utilisateurs du territoire.
    Vous avez aussi transmis ces documents au gouvernement du Québec pendant ses consultations, dont vous avez fait partie, n'est-ce pas?
    C'est exact. Nous avons transmis l'ensemble de l'information recueillie au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec.
    Dans le cas du Québec, nous avions compris que le gouvernement n'avait pas l'intention de prendre une décision à cet égard et que sa stratégie visait à étirer le temps. C'est pour cela que nous sommes allés en cour. Nous trouvions que cela n'avait pas de sens. On ne peut pas rester inactif alors que le caribou risque de s'éteindre. Nous sommes allés plaider notre cause devant la cour, et je pense que nous avons eu gain de cause. Toutefois, il y a encore beaucoup de travail à faire.
    Nous sommes d'accord pour dire que la meilleure façon de faire est de collaborer avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et même les municipalités. Nous avons reçu des témoins de certaines municipalités, qui nous ont dit qu'il y avait des effets socioéconomiques.
    La meilleure solution est de rassembler tout le monde pour prendre de bonnes décisions ensemble. Êtes-vous d'accord là-dessus?
    Oui, je suis tout à fait d'accord.
    Qu'on arrête d'écarter des Premières Nations qui ont également des droits sur leur territoire et qu'on nous fasse participer à la prise de décisions. Ainsi, on se donnerait au moins toutes les chances de trouver des mesures qui pourraient être drôlement intéressantes.
    Monsieur Pelletier, vous nous avez mis un peu la puce à l'oreille quand vous avez parlé de territoires enclavés.
    Avez-vous des recommandations à faire pour les désenclaver, en proposant des indemnisations relativement au territoire, afin d'exploiter au maximum les possibilités forestières?
    Le temps file, malheureusement, alors la réponse devra être courte.
    Ce n'est pas moi qui trace les contours, c'est le gouvernement fédéral. C'est ce que nous avons observé sur les cartes.
     C'est une bonne réponse.
    Êtes-vous en mesure de faire des recommandations, oui ou non?
    Mon travail est encadré par la loi du gouvernement du Québec.
    Merci.
    Monsieur Simard, vous avez la parole pour deux minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Chef Dominique, je sais que la menace qui pèse sur le caribou atteint directement la transmission de vos savoirs traditionnels et que cela vous tient à cœur.
    J'aimerais donc avoir vos observations là-dessus, c'est-à-dire sur la transmission de vos savoirs traditionnels et sur ce que représente le caribou pour vous.
    Comme je le disais tout à l'heure, au-delà de la question alimentaire, la transmission de nos savoirs sera assurément touchée. Par la bande, cela aura inévitablement un effet sur nos principes, sur nos valeurs et sur notre langue, particulièrement, parce que des gestes vont probablement disparaître dans la pratique. Cela va donc entraîner une immense perte sur le plan linguistique.
    Mme la juge a clairement mentionné que, si l'espèce venait à disparaître, cela aurait des conséquences directes sur nos droits ancestraux, qui comprennent notre titre aborigène.
(1510)
    Merci, chef Dominique.
    Messieurs Verreault et Samray, je sais qu'il y a un mode de calcul par mètre cube de séquestration du carbone. Pourriez-vous fournir au Comité, à partir des chiffres de M. Pelletier — on parle de 1,4 million de mètres cubes —, ce que ça représente en séquestration du carbone et en construction, puisque nous vivons une période de crise du logement?
    Ce sera très facile. Nous en prenons l'engagement.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Boulerice pour deux minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Samray, j'ai une question simple. Tantôt, vous avez évoqué la possibilité des indemnités comme chemin de passage. S'il y avait une décision gouvernementale, un décret qui aurait un impact négatif sur le plan économique pour certaines communautés, les indemnités permettraient-elles de temporiser et de rendre cet impact négatif plus acceptable?
    Je vous dirais encore une fois que tout est dans le détail. Ça visera l'ensemble des personnes, des emplois directs et indirects qui découlent de l'industrie. La facture sera donc astronomique en matière de coûts, mais aussi sur le plan des revenus et du manque à gagner pour l'État. Il y aura donc nécessairement des répercussions sur le filet social québécois et canadien. C'est clair.
    Merci beaucoup, monsieur Samray.
    Chef Gilbert Dominique, j'ai mieux compris comment les droits ancestraux pouvaient être menacés à cause de la disparition éventuelle de l'espèce ou de la sous-espèce. Dans une réponse précédente, vous avez affirmé avoir travaillé avec des experts, des scientifiques et des gens de grande réputation. Vous serait-il possible de faire parvenir au Comité des documents qui ont été produits, des données scientifiques et des chiffres pour alimenter notre discussion et nos recommandations par la suite?
    Absolument. Ce sera fait au courant de la journée. Vous aurez les études et les analyses dont je parlais tout à l'heure, sur lesquelles des scientifiques comme Martin‑Hugues St‑Laurent et Jacinthe Gosselin, notamment, ont travaillé avec notre Première Nation. Vous aurez donc probablement le tout en main.
    C'est parfait. Merci.
    C'est super.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Quand nous analysons tout ce qui s'est dit jusqu'à présent, ce que nous comprenons, c'est qu'il est difficile d'établir l'équilibre — et c'est très subjectif — entre la protection des caribous et celle de l'industrie.
    Messieurs Samray et Verreault, quelle serait la première recommandation à mettre de l'avant pour trouver un équilibre qui serait satisfaisant, dans la mesure du possible, pour toutes les parties?
    La première chose à faire serait d'abroger le projet de décret parce que celui-ci a un impact direct sur la compétitivité de l'industrie au chapitre des prix payés à l'encan. Ce serait la toute première des choses. Deuxièmement, ce serait de dire qu'il faut asseoir toutes les parties autour de la table pour construire ensemble une solution.
    Monsieur Verreault, que répondriez-vous?
    Vous comprendrez que je vais me concentrer sur la harde de Val‑d'Or, qui est limitrophe à nos activités. Dans ce cas-ci, honnêtement, nous ne comprenons pas à quel besoin répond le décret dans sa composante abitibienne. Il y a déjà une aire protégée qui est quelques milliers de fois plus grande que l'enclos occupé.
    Donc, dans le cas présent, il faudrait revenir à la table et constater ce qui se fait. Les faits sont sans équivoque: il y a déjà une fermeté et une crédibilité dans l'action, qui apporte une réponse extrêmement robuste à la protection du caribou forestier. Il faut maintenant revenir à des éléments de gros bon sens scientifique et biologique, à l'élevage et la réintroduction de l'espèce. Il faut passer à l'action.
(1515)
    Merci infiniment, messieurs.
    Monsieur le président, je crois comprendre qu'il y a un peu de rixe concernant le temps qui nous reste. Je vous cède alors la parole.
    D'accord. Il reste donc une question pour terminer le deuxième et dernier tour.
    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.
    Monsieur Verreault, vous avez beaucoup mentionné que vous vous mobilisez en faveur du caribou depuis 15 à 20 ans. Je suis impressionné aussi par le fait que vous avez parlé de la transformation de votre industrie. En effet, avec les années, vous avez évolué au rythme des changements, qu'ils soient socioéconomiques ou environnementaux, et des feux de forêt. Vous avez composé avec tout ça.
    Nous savons que le marché de la pâte kraft est en déclin, je ne vous l'apprends pas. Certaines industries ont vécu une baisse de la demande en papier fin et en papier journal. En effet, vous n'allez pas me dire que la demande en papier journal, qui est fait essentiellement à partir de pâte kraft, est en augmentation.
    On parle d'espèces menacées et vous dites qu'il reste neuf individus dans la harde: ne trouvez-vous pas qu'on devrait prendre une mesure d'urgence immédiatement?
    Il est hyper important de rappeler que les grandes agences mondiales prévoient pour les 30 prochaines années une progression annuelle de 2 à 3 % de la consommation de pâte kraft. Cette dernière est d'abord et avant tout un ingrédient de produits d'absolue nécessité comme les couches, le papier mouchoir, le papier de toilette, le papier essuie-tout et, surtout, les emballages alimentaires, où elle se substitue aux plastiques à usage unique.
    Incidemment, la demande de pâte kraft est en progression. En septembre de chaque année, nous bouclons toutes nos ventes pour l'année qui va suivre et nous refusons des ventes. En effet, nous avons une pâte kraft de qualité qui vient…
    Il est important de vous rappeler que je parle de la pâte kraft utilisée pour le papier fin et le papier journal. Je ne vous ai pas parlé de papier hygiénique ou d'emballage.
    Je parle de la pâte kraft de façon consolidée, tous usages confondus.
    Cependant, le message n'est pas à propos de la pâte kraft. Le message est que vous avez su vous adapter à chacune des étapes de la progression. Ne serait-il pas utile maintenant de prendre des mesures pour protéger vos neuf individus?
    Les neuf individus de la harde de Val-d'Or témoignent indéniablement d'une situation qui est critique. Il est même possible qu'il soit trop tard pour régler cette situation et qu'il faille plutôt en faire un bilan.
    Cela étant dit, pour témoigner de l'importance de la situation et de sa portée critique, il est question aujourd'hui de neuf individus et d'une réserve de 43 000 hectares de territoire où il n'y a pas d'activités de foresterie. C'est plus que la superficie de la ville de Montréal qui est aujourd'hui soustraite à l'activité industrielle en réponse à cette situation critique. Nous y répondons.
    Je ne suis pas celui qui va aller évaluer si le caribou a assez d'espace dans votre forêt. Nous nous reposons sur les scientifiques, sur des études qui ont été faites, sur des données techniques, sur les consultations que nous menons et sur celles menées par le gouvernement du Québec. Comme politicien, sur quoi d'autre pourrais-je me reposer?
    Nous reconnaissons indéniablement le défi qu'ont les législateurs, les députés et les ministres de se reposer sur la science et des données probantes.
    Dans le cas du présent décret, d'un point de vue factuel et pragmatique, on parle pour cette population de neuf individus d'élargir le secteur de conservation de Val-d'Or jusqu'à Rouyn-Noranda, donc sur plus de 100 kilomètres. Nous consultons la science et nous avons des scientifiques dans nos équipes.
    Il faut manifestement départager les éléments factuels, pragmatiques et documentés des opinions scientifiques, pour commencer à agir pour cette harde vulnérable de Val-d'Or.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons 20 secondes, et M. Samray voulait intervenir dans le débat.
    Oui. Je veux juste ajouter qu'il faut également écouter la science: la science biologique, la science sociale, et la science économique, les trois. Ainsi, nous revenons aux trois pôles du développement durable.
    Les gens qui font des études biologiques ne font pas d'études économiques. La Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards mise sur pied par le gouvernement du Québec a elle-même, dès le départ, dit qu'elle ne toucherait pas à l'économie, car ça ne lui tentait pas. Son rapport ne comportera donc aucune dimension économique.
    Par contre, vous, à titre de membres du Comité et d'élus du peuple canadien, devez nécessairement en tenir compte, parce que c'est aussi ça, gouverner: c'est percevoir des taxes et des impôts, et maximiser le bien-être de la nation.
(1520)
    Oui, nous connaissons ça, la gouvernance.
    Je remercie les témoins, et je remercie le chef Gilbert Dominique de s'être joint à nous à distance. La réunion a été bonne et longue, mais assez enrichissante.
    Encore une fois, merci, et à vendredi.
    La séance est levée.
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