:
Est‑ce que c'est revenu? C'est rétabli?
[Français]
M. Longfield hoche la tête, alors c'est parfait.
Voici tout simplement des consignes relatives à la manipulation des micros et des oreillettes. Si on n'est pas prudent, cela peut faire mal aux interprètes. Alors, je vais lire quelques lignes directrices.
Veuillez garder à l'esprit les mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Utilisez uniquement une oreillette noire approuvée, comme celle que je porte sur l'oreille. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Cela dit, je n'en vois pas autour de nous.
Gardez toujours votre oreillette éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l'autocollant rond posé à cet effet sur la table. Cela va contribuer à protéger la santé de nos interprètes.
Sans plus tarder, nous accueillons le premier groupe de témoins.
Nous avons Céline Bak, du cabinet-conseil Deloitte; Faith Goodman, du Goodman Sustainability Group; Daan Van Acker, d'InfluenceMap; ainsi que Renaud Brossard et Krystle Wittevrongel, de l'Institut économique de Montréal.
[Traduction]
Nous allons commencer par Mme Bak.
Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Avant de débuter, je voudrais affirmer que nous tenons ces propos sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple anishinabe algonquin, et je suis reconnaissante du travail millénaire d'intendance de ce peuple sur ce territoire.
[Traduction]
Au nom de l'équipe de Deloitte Canada, je suis fière de pouvoir vous exposer mes réflexions sur notre travail avec les organismes du secteur public et du secteur privé qui doivent s'adapter à des attentes en constante évolution et développer des solutions pertinentes, novatrices et durables.
Notre réputation est fondée sur notre crédibilité, et, avec plus de 175 années d'expérience, en tant qu'entreprise canadienne appartenant à des Canadiens, nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui, grâce à la confiance que nos clients nous donnent, envers nos employés et nos valeurs.
Pendant que le Canada se dirige vers une économie à zéro émission nette, nous travaillons avec les institutions financières pour cerner les occasions à saisir en matière de commerce durable et pour définir des divulgations qui éclairent les marchés de capitaux de manière cohérente et comparable. Nous avons aussi commencé à travailler avec les institutions financières pour aider leurs clients à planifier leur transition.
Notre travail chez Deloitte nous amène à croire que la collaboration au sein de l'industrie des services financiers est absolument essentielle au développement du commerce et à l'augmentation de la productivité. Nombre d'organisations veulent comprendre quelle est la meilleure façon d'opérationnaliser le concept des finances durables, et nous sommes ici pour les soutenir.
J'aimerais prendre un moment pour présenter les conclusions d'une étude originale que Deloitte a récemment réalisée sur la façon dont les entreprises qui divulguent leurs émissions de gaz à effet de serre de portée 1 et 2 investissent dans des dépenses en capital durable et génèrent des revenus durables grâce à ces investissements. Selon les résultats, il y a une corrélation positive entre la divulgation des GES de portée 1 et 2 et l'augmentation des investissements durables.
Deuxièmement, j'aimerais vous présenter les résultats d'un rapport provenant d'un autre volet de recherche de Deloitte Canada, portant sur la façon dont les marchés mondiaux des capitaux valorisent les entreprises ayant de meilleurs rendements en matière d'intensité de GES que d'autres entreprises du même secteur.
L'intensité des GES est calculée simplement en divisant les émissions de portée 1 et 2 des entreprises par leurs revenus. Cette approche est fondée sur la notion selon laquelle les investisseurs prennent leurs décisions à la lumière des divulgations comparables et du consensus sur l'inévitabilité de la transition; cela veut dire qu'il y a une hausse des investissements dans les entreprises ayant les meilleurs rendements en matière de GES, à l'échelle mondiale, dans plusieurs secteurs économiques.
J'aimerais vous faire part de deux aspects de cette étude.
Tout d'abord, notre étude a permis de conclure que les entreprises canadiennes qui divulguent leurs émissions de GES font des investissements en capitaux durables six fois plus élevés que ceux des entreprises qui ne divulguent pas leurs émissions de GES. Nous avons aussi conclu que les investissements en capital génèrent, après trois ans, des revenus durables près de six fois plus élevés que ceux des entreprises qui ne divulguent pas leurs émissions de GES. Même si ces conclusions reflètent une corrélation et non pas un lien de causalité, elles nous montrent cependant que la divulgation est associée à une très forte augmentation des investissements durables, lesquelles semblent aussi porter des fruits.
Dans notre deuxième volet de recherche, nous nous sommes penchés sur la valorisation d'une entreprise publique selon des indicateurs de rendement financiers et non financiers. Dans les cas où l'intensité des émissions de GES était un indicateur de rendement non financier, l'intensité des émissions de GES était liée à plus de 5 % de la valeur de l'entreprise, et ce, pour presque 60 % des sociétés cotées en bourse de l'Amérique du Nord, 46 % des sociétés européennes et 24 % des sociétés dans le reste du monde. Même si le lien entre l'intensité des émissions de GES, un meilleur rendement intrasectoriel et la valorisation supérieure des sociétés ouvertes n'existe pas encore dans tous les secteurs, il est présent dans le tiers des secteurs en Amérique du Nord et le quart des secteurs en Europe.
J'aimerais maintenant discuter d'une occasion à saisir. Dans son travail avec la fonction publique et les associations de l'industrie, Deloitte a constaté que ces groupes réfléchissent activement à la possibilité de mettre sur pied des plateformes de partage d'information pour alléger le fardeau de la divulgation, accroître la comparabilité et ainsi améliorer la rentabilité et l'efficience des investissements. Une approche à divulgation unique, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, est présentement à l'étude.
Nous reconnaissons le rôle important du secteur financier en tant que conseiller de confiance des entreprises canadiennes, et à cet égard, nos études révèlent que nous pourrions retirer une immense valeur de la transparence du marché, qui facilite l'analyse comparative de l'intensité des GES, ainsi que des investissements durables dans le cadre de la planification de la transition. Les institutions financières du Canada ont donc une occasion à saisir en travaillant avec les sociétés cotées en bourse ainsi qu'avec les petites et moyennes entreprises pour rendre la divulgation aussi facile et efficiente que possible. En retour, cela influencera les résultats macroéconomiques et améliorera les résultats publics, pour le bien de tous les Canadiens.
Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs, de m'avoir accueillie ici aujourd'hui.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à vous présenter d'autres points de vue en lien avec l'étude à venir du gouvernement sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien.
Nous convenons tous qu'il faut adopter une approche systémique macroéconomique, qui accélérera dûment les interventions et les impacts, si nous voulons atteindre les objectifs climatiques du Canada en matière de carboneutralité. Le consensus général est que les investissements dans la décarbonisation peuvent être mobilisés plus efficacement si nous recalibrons notre approche afin qu'elle soit axée sur des risques équilibrés pour les entreprises de toutes les tailles et pour tous les secteurs, donnant ainsi accès à du capital à coût moindre. Voilà ce qui alimentera la croissance et la compétitivité.
Nous avons appris des plus éminents penseurs en matière de durabilité que la prochaine étape de l'évolution de l'action climatique et de la compétitivité dépendra de trois piliers de la politique de transition: les investissements stratégiques, les solutions aux défaillances du marché et la prise ou l'encouragement à la prise de décisions éclairées. La question est alors: comment.
Résoudre ces défis du système financier ne représente qu'un morceau d'un très grand casse-tête. Nous aimerions donc envisager, ou présenter l'occasion d'envisager, un triple défi systémique, fondé sur les impacts stratégiques et commerciaux.
La première occasion à saisir consiste à élargir la portée des trousses de financement et les mécanismes d'accès à ces trousses, en visant l'élaboration d'approches novatrices de financement mixte, c'est‑à‑dire des solutions adaptées aux objectifs d'entreprises de toutes tailles.
Deuxièmement, il faut accélérer l'adoption d'ensembles de solutions axées sur l'intelligence artificielle numérique et la technologie démocratisée. Ces solutions devront suivre le rythme des pratiques exemplaires mondiales ou même les surpasser .
Troisièment, il faut réimaginer les structures institutionnelles pour favoriser l'établissement de cadres qui joueront un rôle clé en donnant aux institutions la souplesse dont elles ont besoin pour innover avec compétence, et il faudra en même temps élargir le mandat pour englober l'environnement, l'économie et la société.
Dans la course mondiale vers la carboneutralité, nous avons remarqué que les projecteurs étaient surtout braqués sur les grandes multinationales et leur façon de planifier la durabilité et la compétitivité. Bien que cela soit important, et même si la priorité de la présente étude fédérale est de préparer le système financier canadien, je tiens à vous dire qu'il est impératif d'adopter une perspective plus large.
Nous devons créer un accès spécifique aux fonds de décarbonisation et aux trousses d'outils qui prennent dûment en considération les secteurs de l'économie matériellement désavantagés, comme les petites et moyennes entreprises et leurs propriétaires. Les petites et moyennes entreprises sont l'épine dorsale des chaînes d'approvisionnement et sont les moteurs de la croissance et de la compétitivité.
L'empreinte carbonique combinée des PME est importante. Les 1,2 million de PME du Canada représentent environ 50 % du PIB et émettent environ 50 % des gaz à effet de serre provenant d'activités commerciales. Selon une étude publiée récemment par Manufacturiers et Exportateurs du Canada, seulement 11 % des petits fabricants se sont dotés d'un plan de décarbonisation. Nous n'atteindrons pas la carboneutralité sans l'aide des PME. Les PME comprennent aussi de mieux en mieux que les règles mondiales en matière de durabilité seront imposées à toutes les entreprises et que tout le monde doit être prêt.
Que pouvons-nous faire pour relever ce triple défi? Nous croyons qu'il faut s'y attaquer par tous les côtés à la fois grâce à une approche pangouvernementale. Par exemple, arrêtons-nous un instant sur le défi des PME; nous pourrions saisir immédiatement les occasions qui s'offrent en nous inspirant des administrations qui sont des chefs de file et en intégrant une approche fondée sur la clarté, la certitude, l'égalité des chances et les principes.
Pour revenir au modèle en trois volets que je viens de décrire, plus précisément les trousses d'outils financiers, plusieurs pays en Europe et en Asie ont décidé ces dernières années de mettre en œuvre des outils adaptés aux risques très novateurs, qui conviennent aux petites et moyennes entreprises et aux petits et moyens entrepreneurs.
De nombreux pays ont mis en place des dispositifs d'identification numérique et d'accréditation numérique et certains pays ont une longueur d'avance pour ce qui est de positionner leurs petites entreprises en vue du commerce mondial. Nous avons beaucoup d'exemples venant de l'OCDE et du Forum sur le financement des PME, lequel relève de la Banque mondiale.
Troisièmement, nous devons réimaginer les collaborations institutionnelles, en mobilisant beaucoup, à l'échelle mondiale, les organismes à but non lucratif, les fondations entrepreneuriales, les entreprises d'intérêt pour la société et les partenariats public-privé recalibrés, le but étant, dans tout cela, d'amorcer la réflexion sur des solutions de transition et des trousses d'outils adaptées aux objectifs et prêtes à servir pour les secteurs et les entreprises de toutes tailles.
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Bonjour, et merci de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité.
Je suis gestionnaire de programme, Recherche financière, pour InfluenceMap, un groupe de réflexion international sur les changements climatiques qui étudie l'influence des entreprises et des institutions financières sur les changements climatiques.
Nous avons assisté, au cours des dernières années, à une augmentation fulgurante du nombre d'entreprises qui reconnaissent l'importance des changements climatiques et les risques qu'ils représentent. Par-dessus tout, les entreprises prennent des engagements climatiques de premier plan à l'appui de l'Accord de Paris. Elles publient des divulgations en lien avec les changements climatiques et se fixent des objectifs de carboneutralité d'ici 2050.
Le but des études d'InfluenceMap est de veiller à ce que ces entreprises honorent leurs engagements, en conformité avec l'orientation des Nations unies sur les engagements des entités non étatiques en faveur du zéro émission nette. Le secteur financier suit lui aussi la tendance des objectifs de carboneutralité, et un vaste éventail d'alliances climatiques ont vu le jour et comptent ent beaucoup de membres de ce secteur, entre autres l'Alliance bancaire net zéro, un regroupement d'éminentes banques mondiales qui se sont engagées à financer des actions climatiques ambitieuses dans la transition de l'économie réelle vers la carboneutralité d'ici 2050.
Les cinq plus grandes banques du Canada — la Banque Royale du Canada, la Banque TD, Scotiabank, BMO et la Banque Canadienne Impériale de Commerce — sont membres de cette alliance. Cela veut dire qu'elles se sont engagées explicitement à effectuer la transition des émissions de gaz à effet de serre attribuables à leurs activités de prêts et d'investissements, afin que celles-ci s'harmonisent à la trajectoire vers le net zéro d'ici 2050.
Cette année, en mars, InfluenceMap a publié une étude évaluant les activités des cinq grandes banques ayant une influence sur les changements climatiques ainsi que la mesure dans laquelle ces activités s'harmonisaient à nos propres engagements climatiques. Nous avons conclu que les principales banques du Canada n'étaient pas du tout en voie d'atteindre leurs propres objectifs de carboneutralité, principalement parce que leurs politiques de transition ne sont pas alignées sur la science, qu'elles financent de plus en plus les entreprises de combustible fossile et peu les entreprises écologiques et qu'elles s'opposent aux politiques climatiques.
Les cinq grandes banques ont certes adopté des politiques de réduction des émissions attribuables à leurs activités de financement, mais nous avons constaté que ces politiques manquaient singulièrement d'ambition et que par conséquent elles n'étaient alignées d'aucune manière crédible sur les objectifs de carboneutralité d'ici 2050. En pratique, les politiques des banques leur permettent toujours de financer les activités qui accroissent les émissions dans les secteurs critiques pour le climat, par exemple les secteurs de l'électricité et de l'énergie.
Pendant ce temps, les banques canadiennes, par rapport aux grandes banques européennes et américaines, ont un rendement très médiocre pour ce qui est d'adopter des politiques d'élimination progressive du financement du charbon, du pétrole et du gaz, conformes aux orientations scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies. Compte tenu de ces politiques — ou devrais‑je dire de l'absence de ces politiques —, en 2022, la proportion des entreprises d'énergie fossile dans la valeur des opérations de financement des cinq grandes banques était presque trois fois supérieure à celle des principales banques américaines et européennes. D'ailleurs, entre 2020 et 2022, les cinq grandes banques ont accru leur exposition moyenne sur prêts aux entreprises d'énergie fossile, alors que les grandes banques américaines et européennes ont réduit leur financement dans ce secteur.
Les cinq grandes banques ont également contribué 3,9 fois moins au flux d'affaires aux entreprises écologiques par rapport aux entreprises d'énergie fossile au cours de cette période de 2020 à 2022. Encore une fois, c'est un ratio beaucoup plus élevé en comparaison des grandes banques américaines et européennes, lesquelles ont financé respectivement en moyenne 2,8 et 2 fois moins d'entreprises écologiques que d'entreprises d'énergie fossile.
Comme elles sont membres de l'Alliance bancaire net zéro, les banques ont mis l'accent sur l'importance d'avoir un cadre de politique publique pour guider la transition. Chacune des cinq grandes banques s'est engagée à « travailler sur [...] les politiques publiques afin d'aider à soutenir la transition nette zéro des secteurs économiques, en conformité avec la science ».
Notre analyse a révélé qu'aucune des banques n'avait plaidé publiquement en faveur d'une politique climatique ambitieuse au Canada. En réalité, les banques sont principalement représentées, en ce qui concerne la politique financière, par l'Association des banquiers canadiens, qui soutient que le Canada n'a pas besoin de réglementation financière liée au climat et que la transition devrait dépendre de l'économie réelle.
En outre, les cinq banques appartiennent toutes à des associations industrielles qui s'opposent aux politiques climatiques dans l'économie réelle, que ce soit au Canada ou à l'échelle mondiale. Il s'agit notamment de la Chambre de commerce du Canada et du Conseil canadien des affaires, lesquels ont aussi défendu une plus grande production canadienne de combustible fossile.
Pour conclure, même si les cinq grandes banques du Canada prétendent reconnaître l'importance du rôle des banques dans la transition, elles ont pris peu de mesures volontaires pour respecter leurs propres engagements climatiques, en l'absence de réglementation financière liée au climat.
Merci.
Selon Frédéric Bastiat, ce qui distingue le bon économiste du mauvais économiste, c'est que ce dernier s'en tient à l'effet visible des politiques publiques, tandis que l'autre tient compte également des effets prévisibles. Dans la discussion actuelle sur le climat et le secteur financier, ce qui est visible, ce sont les grandes institutions financières, comme les banques et les compagnies d'assurances, ainsi que les grandes entreprises publiques. Ce qu'on ne voit pas, mais qui subira pourtant des conséquences de manière prévisible, ce sont les petites et moyennes entreprises. Notre intervention d'aujourd'hui vise à nous assurer que vous, chers législateurs, ne les oubliez pas lors de vos prises de décisions.
Dans le secteur de la finance, on observe beaucoup de pressions de la part d'organismes réglementaires ou de consultants pour imposer une divulgation obligatoire des renseignements environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les rapports annuels des entreprises cotées en Bourse. Ce sont les fameux rapports ESG.
Un des aspects de ces rapports, le volet environnemental, est celui qui retient notre attention ici. On y calcule trois types de portée d'émissions. Afin de bien les comprendre, prenons l'exemple d'un fabricant de pièces aéronautiques à Mirabel. Il faut d'abord que ce fabricant mesure les émissions directes qui découlent de son processus de fabrication. C'est ce qu'on appelle les émissions de portée 1. Ensuite, il doit comptabiliser les émissions générées par l'exploitation de ses installations. On parle du chauffage, de la climatisation, de l'électricité, etc. Essentiellement, pour lui, cela veut dire qu'il doit demander à Hydro‑Québec, par exemple, quelle est l'intensité en carbone de sa production d'électricité. Cela correspond aux émissions de portée 2. Finalement, le fabricant doit calculer et présenter les émissions associées à ses produits pour toute leur durée de vie, du fournisseur au consommateur, jusqu'à leur élimination. Cela inclut donc l'ensemble des émissions, de la mine où on a extrait la bauxite jusqu'à l'utilisation de l'avion, et jusqu'au recycleur où le véhicule finira ultimement, à la fin de sa durée de vie utile. C'est ce qu'on appelle les émissions de portée 3.
Outre le fait qu'il y a une double comptabilité évidente en ce qui a trait aux émissions de portée 2 et 3, comme celles-ci se réfèrent aux émissions de portée 1 d'une autre entreprise, il y a aussi une question de coûts et de complexité des calculs qui retient notre attention.
Bien que le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, n'ait pas cru bon d'estimer les coûts que cela entraînerait pour les PME canadiennes, la U.S. Securities and Exchange Commission a estimé qu'il en coûterait entre 490 000 $ et 640 000 $ en devise américaine pour implanter de tels processus dans les PME dès la première année. Je ne sais pas si vous connaissez beaucoup de propriétaires de PME, mais je peux vous dire que ceux avec lesquels nous parlons n'ont pas de tels montants qui dorment dans leur compte de banque pour payer une armée de consultants en ESG.
Certains diront que, puisque ces exigences ne s'appliqueraient qu'aux sociétés cotées en Bourse, les petites entreprises ne seront pas touchées. Or, non seulement cela impliquerait de faire abstraction des centaines de PME qui sont cotées à la Bourse de Toronto et qui seraient touchées, mais plusieurs autres entreprises seraient touchées de manière indirecte.
Pour bien comprendre comment ces entreprises seraient touchées, revenons à notre exemple de fabricant de pièces aéronautiques. Il s'agit peut-être d'une PME, mais ces fabricants sont généralement de grands constructeurs, comme Bombardier. Les relations d'affaires de l'entreprise dépendent des prix, de la qualité et de la fiabilité de ses produits. C'est ainsi qu'elle reste concurrentielle. Par contre, lorsque Bombardier devra rendre compte de ses émissions de portée 3, il lui faudra obtenir ces données de la part de ses fournisseurs, qui devront ensuite en demander à leurs propres fournisseurs. Par conséquent, même si les PME ne sont pas directement visées par ces exigences réglementaires, elles pourraient quand même devoir en payer le prix et s'y conformer afin de conserver les grandes entreprises parmi leur clientèle.
Alors que vous étudiez la relation entre la finance et le climat, nous vous encourageons toujours à garder en tête la façon dont bon nombre de restrictions visant les grandes entreprises finissent par se répercuter indirectement et de manière disproportionnée sur les PME, et ce, malgré vos meilleures intentions en tant que législateurs.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers collègues, c'est toujours agréable de vous voir.
Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus à votre Parlement canadien.
Nous reconnaissons tous que les changements climatiques ont des conséquences réelles et qu'il faut y faire face. L'objectif que nous avons tous est de réduire la pollution et les émissions pour assurer un meilleur avenir à nos enfants. Chacun a sa vision du chemin à prendre pour atteindre cet objectif.
Je tiens d'abord à parler à Mme Bak.
Je vous ai entendue prononcer les premiers mots de votre allocution dans un français impeccable, alors permettez-moi de vous parler en français.
Vous avez mentionné que les entreprises qui divulguaient leurs informations étaient six fois plus performantes et généraient six fois plus de revenus durables que celles qui ne le faisaient pas. J'aimerais juste savoir comment vous avez fait le calcul pour en arriver à ce résultat.
Est-ce que vous prenez toutes les industries et toutes les compagnies, peu importe lesquelles, ou est-ce que vous les catégorisez? On aura compris qu'une entreprise de haute technologie est susceptible d'avoir une empreinte environnementale beaucoup plus légère qu'une entreprise qui produit du fer, par exemple, pour des pièces très précises. Alors, faites-vous une distinction entre ces entreprises?
:
Comment calculez-vous les émissions?
Je m'explique. Nous savons tous que c'est un problème de productivité, d'une certaine manière. Si une entreprise augmente sa productivité, elle peut augmenter son efficacité tout en baissant son empreinte carbone. S'il faut normalement quatre heures à une entreprise pour produire quelque chose, mais que, en étant plus efficace, elle réussit à réduire ce temps à deux heures, elle peut produire deux fois plus de cette chose en une journée.
Est-ce que vous calculez l'empreinte carbone par unité produite ou pour l'ensemble produit en une journée?
Évidemment, si une entreprise produit deux fois plus d'un produit, son empreinte totale sera plus grande. Cependant, si sa production est deux fois plus rapide, elle est beaucoup plus efficace.
Alors, comment calculez-vous l'efficacité et l'empreinte carbone d'une entreprise?
:
Mes prochaines questions s'adressent à M. Brossard, de l'Institut économique de Montréal.
Bonjour, monsieur Brossard.
L'Institut économique de Montréal est situé au Québec. Chaque année, HEC Montréal publie des chiffres sur l'énergie au Québec. Selon les chiffres publiés au début de cette année, le Québec a consommé, pendant la dernière année indiquée, 19 milliards de litres de pétrole, ce qui représente une augmentation de 7 %. Donc, tant et aussi longtemps que nous aurons besoin de pétrole, il va falloir en produire quelque part.
À votre connaissance, si jamais on demande aux banques de ne plus soutenir le secteur énergétique canadien, qu'arriva-t-il à nos producteurs, qui contribuent à fournir les 19 milliards de litres de pétrole consommés annuellement par les 8 millions de Québécois? Je rappelle que cette consommation est en augmentation. Qu'est-ce qui risque d'arriver à ces entreprises si les banques n'ont plus le droit de les financer ou ne sont plus invitées à assurer leur financement?
:
Nous n'avons absolument aucune opinion sur la divulgation volontaire. En fait, nous pensons que, si les entreprises sont prêtes à dévoiler leurs chiffres d'elles-mêmes, c'est parce qu'elles y voient un avantage. Si elles décident de le faire, c'est tant mieux.
Selon nous, c'est plutôt l'obligation de divulguer qui pose problème, en réalité, puisqu'elle viendrait imposer des coûts assez importants aux entreprises. Ce qui pose problème surtout, comme nous l'expliquions dans notre allocution, c'est que ces coûts se répercuteraient sur les fournisseurs de ces entreprises.
On sait qu'au Canada, il y a un problème de productivité. Celle-ci est à la baisse, ce qui a un effet direct sur notre niveau de vie. On sait aussi que nous avons de la misère à attirer l'investissement nécessaire pour faire croître cette productivité.
Par comparaison, chez nos voisins du Sud, la U.S. Securities and Exchange Commission s'est penchée sur la question de la divulgation des émissions de la portée 1, 2 et 3 et a établi que les émissions de la portée 1 et 2 devaient être divulguées, mais elle n'était pas prête à imposer la divulgation des émissions de la portée 3, qui est la plus coûteuse.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Je leur souhaite la bienvenue dans le cadre de cette étude très importante sur la finance verte. Le Comité a déjà tenu quelques rencontres à ce sujet, et nous comprenons que le Canada accuse un retard. Nous devons donc en faire plus si nous voulons que le Canada reste compétitif, et ce, dans tous les secteurs.
Madame Bak, votre étude est très intéressante. Elle révèle que les entreprises canadiennes qui investissent dans la divulgation et la transparence à l'égard de leurs investisseurs touchent plus de revenus que les autres entreprises.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Cela s'applique-t-il à tous les secteurs?
Ces données m'intéressent vraiment.
:
Le passé n'est pas garant de l'avenir. Évidemment, il s'agit d'une décision politique. Le gouvernement doit prendre position.
Notre recherche nous offre quand même une perspective qui laisse entrevoir que les entreprises qui font des divulgations ont l'occasion de se comparer à leurs pairs en ce qui concerne leur intensité carbone et, potentiellement, la proportion de leurs investissements de capitaux destinée à faire croître les qualités durables de l'entreprise.
Un des témoins a parlé du fait que les PME canadiennes font partie de chaînes de production et de valeur planétaires. En faisant ces divulgations, elles sont donc en mesure de comprendre comment elles se comparent à leurs pairs sur le plan de l'intensité carbone. Autrement dit, on compare des pommes avec des pommes. Ensuite, les équipes de gestion décident des investissements qu'elles veulent faire pour essayer d'aller chercher les marchés qui seraient rentables pour elles.
C'est donc un mouvement circulaire: après la divulgation, la prise de décisions en matière d'investissements mène à de nouvelles affaires et, par ricochet, cela peut mener à plus d'investissements.
Je note que la divulgation a effectivement un coût pour les entreprises. Cependant, l'inaction a un coût aussi, et c'est la perte d'investissements et d'opportunités. C'est donc très important d'analyser la question dans son ensemble.
À propos des petites et moyennes entreprises, je vais maintenant m'adresser à Mme Goodman.
Tout à l'heure, vous ainsi qu'un autre témoin avez parlé de l'importance de tenir compte des petites et moyennes entreprises. Vous avez mentionné des données de l'OCDE et fourni des exemples. Nous ne sommes pas les seuls à effectuer la transition verte. Plusieurs pays vont aussi de l'avant et obtiennent d'excellents résultats. Je pense qu'il faut adopter des pratiques exemplaires.
Pouvez-vous nous parler des pratiques exemplaires de soutien aux PME dans le cadre de la transition, pour qu'elles ne manquent pas les opportunités dont on parlait tout à l'heure?
Je pense que, comme d'autres témoins l'ont mentionné, les règles mondiales concernant la durabilité exercent une pression sur les chaînes d'approvisionnement.
Nous savons tous que l'Union européenne a déposé ses cadres de travail et ses modèles. Pour les PME faisant partie des chaînes d'approvisionnement mondiales, le concept des divulgations, des investissements durables et de la préparation est un fait accepté. Cela se passe maintenant. Comme d'autres témoins l'ont mentionné, cela concerne les émissions de portée 1, de portée 2 et de portée 3.
Je voulais insister sur le fait que les PME représentent une part réelle et très importante du PIB canadien, y compris leurs émissions combinées de gaz à effet de serre. Elles émettent près de 50 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des entreprises. Nous devons trouver des solutions adaptées aux objectifs des entreprises de toutes tailles.
Monsieur Van Acker, tantôt, vous avez brossé un portrait plutôt sombre de ce que le Canada ne faisait pas. Vous avez parlé de ce que les banques canadiennes ne faisaient pas, comparativement à ce qui se passe à l'international.
J'ai compris que votre organisme, InfluenceMap, était très crédible et qu'il faisait de grandes études. Dans votre rapport de 2024 intitulé « Canada's Big Five Banks: Heading to Net Zero? », on souligne que les banques canadiennes n'arrivent pas à mettre en place des stratégies crédibles en matière de climat. C'est donc dire qu'au Canada, on n'est pas capable, mais qu'ailleurs, on l'est.
Pouvez-vous, s'il vous plaît, décrire les différentes façons choisies par les banques canadiennes quand vient le temps de présenter leurs démarches en lien avec leurs produits et leurs politiques?
:
C'est une excellente question, et évidemment une question cruciale pour les gouvernements.
D'abord et avant tout, je tiens à dire que notre expertise est avant tout en recherche financière. Je n'ai pas autant d'expertise en matière de politiques.
Toutefois, d'après ce que nous voyons à l'échelle mondiale, les plans de transition sont manifestement un élément clé, et les gouvernements peuvent jouer un rôle crucial en aidant à orienter le secteur financier — y compris les banques — pour qu'elles harmonisent leurs activités de financement avec les objectifs de carboneutralité et, par conséquent, qu'elles facilitent ces activités dans l'économie réelle. Un élément clé de cette approche serait d'accroître la transparence et la divulgation, de définir ce qui est une activité durable et ce qui ne l'est pas, et déterminer comment les entreprises et le secteur financier aident à financer ces activités.
Voilà le rôle clé que les gouvernements peuvent jouer pour faciliter les plans de transition.
De manière générale, nous savons que les institutions financières ne font pas autant de lobbying direct dans le secteur financier. C'est‑à‑dire qu'elles ne se mêlent pas elles-mêmes beaucoup des enjeux de politique. Plutôt, elles semblent s'en remettre de plus en plus aux associations de l'industrie pour faire cela en leur nom.
Il en va de même pour les banques canadiennes, autant en ce qui concerne les associations financières que les associations du secteur de l'économie réelle que j'ai mentionnées. Même si les banques elles-mêmes affirment qu'elles appuieraient un cadre de politique publique qui orienterait la transition, même si elles disent que c'est essentiel, le lobbying semble miner cette affirmation. Le fait de bloquer et d'atténuer les politiques climatiques, autant en ce qui concerne l'économie réelle que la réglementation financière, ne s'aligne certainement pas sur la trajectoire vers la carboneutralité d'ici 2050.
:
Il existe tout un éventail de programmes fédéraux, et certainement toute une gamme d'outils. Comme tout le monde le sait, des sociétés d'État comme Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada offrent tout un assortiment de programmes aux PME.
Le point essentiel sur lequel je voulais insister, par rapport au financement de la transition, aux politiques climatiques et à cette approche équilibrée pour l'économie, l'environnement et la société, c'est qu'il ne faut pas oublier les PME. Leur empreinte carbonique cumulative est importante. Leur contribution cumulative au PIB est très importante.
Si nous nous penchons sur ce que font les autres pays, surtout pour les PME — leurs institutions, leurs trousses d'outils et leur virage numérique — nous comprenons que ces considérations sont aussi importantes pour nous. Nous réfléchissons aux politiques, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques, et j'allais mettre l'accent sur l'expérimentation. Que font les autres pays? Quelles leçons le Canada peut‑il en tirer? Inutile d'attendre. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire.
Incidemment, j'ai aussi mentionné le Forum sur le financement des PME, qui relève de la Banque mondiale et qui a réalisé d'excellentes études mondiales sur l'accès au financement, l'accès aux marchés, l'accès aux compétences et les environnements favorables. Il y a des idées très concrètes sur ce que nous pouvons faire dès maintenant.
C'est là une occasion très concrète pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de travailler de manière cohérente sur le défi des PME.
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L'une des principales occasions à saisir, pour tous les gouvernements, est celle qui consiste à examiner quelles sont les pratiques exemplaires des autres administrations en matière d'accès au financement. Pendant que nous parlons de politiques de transition, nous pensons à cette énorme cohorte de PME et d'entrepreneurs qui, eux, doivent réfléchir aux règles mondiales qui leur seront imposées, par exemple les règles sur la durabilité de la chaîne d'approvisionnement.
La compétitivité est importante: pour être compétitif, vous devez regarder ce que font vos pairs, et vous avez besoin de financement. Nous savons tous que l'accès à du financement à faible coût est un avantage concurrentiel. C'est un enjeu très important, auquel nous devons réfléchir.
Ces dernières années, à mesure que les PME progressaient dans les objectifs en matière de durabilité, comme je l'ai dit, elles ont invoqué des problèmes relativement aux ressources, comme l'accès aux talents, l'accès au temps, l'accès au financement, disant que c'est un obstacle considérable. Je recommanderais de porter une grande attention à cet enjeu.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Dans le peu de temps que nous avons, j'aimerais m'adresser d'abord à Mme Goodman.
J'ai déjà fait partie d'une PME, et je devais présenter un rapport environnemental à mon conseil d'administration. J'étais directeur général de la filiale canadienne d'une entreprise britannique. Le rapport concernait nos activités en matière d'efficacité énergétique, de traitement des eaux et de gestion des déchets, qui nous aidaient à être plus compétitifs sur la scène mondiale, mais il y a aussi, comme vous l'avez dit, que nous devions montrer que nous faisions ces activités si nous voulions participer à la chaîne d'approvisionnement.
Je me demandais comment, du point de vue des politiques, nous pourrions adopter quelque chose qui obligerait les PME à réaliser des enquêtes comme celles que je présentais au siège social du Royaume-Uni. Serait‑il possible de le faire par l'intermédiaire de Statistique Canada?
:
Merci, monsieur le président.
Il y a une question que j'aimerais poser aux trois témoins qui sont ici présents. Nous avons deux minutes en tout et pour tout.
Quand nous avons commencé cette étude, j'ai évoqué le retard qu'accuse le Canada dans le dossier, comparativement à d'autres États. Les choses se sont accélérées en Europe peu de temps après l'Accord de Paris; c'est quand même l'Europe et c'est un exercice fédératif.
D'après vous, quels sont les obstacles en terrain canadien? Que risque le Canada si un régime robuste alignant le système financier sur nos objectifs nationaux tarde à se concrétiser?
J'invite M. Van Acker, Mme Bak et Mme Goodman, dans cet ordre, à répondre à la question.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser pour commencer à M. Brossard.
Il est indiqué dans un document rédigé par votre institut que, si les entreprises doivent divulguer leurs informations ESG ou leurs rapports sur la durabilité, cela créerait « artificiellement des gagnants et des perdants ». Il est aussi indiqué que « de nombreuses entités, notamment les petites et moyennes entreprises, ne disposent pas de ressources suffisantes pour être en mesure de se conformer entièrement ». Dans vos déclarations préliminaires, vous avez aussi dit que la US Securities and Exchange Commission estime qu'une proposition de divulgation semblable aux États-Unis coûterait entre 490 000 et 643 000 dollars américains pour la première année de conformité, mais certains pensent que ces coûts pourraient en fait être beaucoup plus élevés.
Pourriez-vous nous dire, avec le plus de précision possible, quels sont réellement ces coûts et nous expliquer comment ils seront transférés à l'entreprise, s'ils vont demeurer dans cette entreprise ou s'ils seront transférés aux clients ou aux consommateurs?
:
Je ne pense pas que cela nous permettra de réellement réduire les émissions de façon notable, si ce n'est que, en imposant des coûts excessifs aux petites entreprises , on finira par en faire fermer un nombre suffisant.
En réalité, lorsque les entreprises ont été consultées à ce sujet, beaucoup de petites entreprises ont dit que cela ne devrait pas s'appliquer à elles. Bien entendu, les consultants chargés de produire ces rapports militent habituellement n faveur de ces tâches supplémentaires.
En soi, la divulgation volontaire des émissions de différentes portées n'est pas une mauvaise chose, loin de là. Cela peut être une bonne chose, et c'est pourquoi certaines entreprises choisissent de le faire, mais rendre la divulgation obligatoire serait très, très dispendieux pour beaucoup des petites entreprises visées ou ces coûts se retrouveraient dans les chaînes d'approvisionnement des autres entreprises visées.
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Génial. Merci beaucoup.
Le président: J'ai réalisé mon erreur.
Mme Leah Taylor Roy: Il y a eu beaucoup de discussions au sujet de la nécessité de la divulgation et de la question de savoir si les entreprises devraient divulguer l'information ou non, mais selon moi, il est trop tard. La divulgation est nécessaire pour que nos entreprises aient la clarté et la certitude dont elles ont besoin, et ce, pour de nombreuses raisons.
Chaque témoin a fait allusion à différentes choses: les augmentations du coût du capital si vous ne divulguez pas; la disparition possible des marchés, surtout s'ils font partie de votre chaîne d'approvisionnement; la profitabilité, car le rendement de l'investissement pourrait être inférieur. À mon avis, il faut se demander comment aider les entreprises à se conformer efficacement à ces exigences, sans augmenter démesurément leur fardeau.
Madame Goodman, vous avez parlé de certaines pratiques exemplaires cernées lors des forums de la Banque mondiale sur les petites et moyennes entreprises. Avez-vous des exemples de boîtes d'outils, de l'utilisation de l'IA ou de la numérisation qui pourraient aider ces petites et moyennes entreprises à divulguer leurs émissions et à aller dans la bonne direction?
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Comme je l'ai dit, à mesure de l'établissement des règles mondiales se préparent, les chaînes d'approvisionnement devront en faire plus en matière de durabilité — le E, le S, le G. C'est déjà commencé. Il est certain que l'Union européenne mène ce dossier.
Je vais utiliser l'exemple des PME. Il y a un élément clé dans leur vision et auquel il faut penser au moment d'élaborer les politiques.
Tout d'abord, savent-elles que,si elles participent, cela leur donnera un avantage sur le plan de la concurrence? Puis, ont-elles les compétences, les connaissances et l'expertise nécessaires pour s'embarquer dans l'aventure? Comment calculent-elles le carbone? Comment calculent-elles le carbone à distance? Comment intègrent-elles les facteurs ESG à leur feuille de route pour remplir les obligations relatives à la chaîne d'approvisionnement mondiale à laquelle elles appartiennent? Une fois que la feuille de route des facteurs ESG est faite, comment font-elles pour établir leur pro forma et décider de ce que sera la technologie de décarbonisation?
Puis, où obtiennent-elles le capital? Quel est son prix? Si elles n'ont pas beaucoup d'actifs ou qu'elles n'ont pas eu de flux de rentrées par le passé, la banque pourrait ne pas vouloir les finances. Quels sont les mécanismes?
Quand j'ai parlé du travail de l'OCDE et du Forum sur le financement des PME, ce dont je parlais vraiment, c'était de la diversification des options et des trousses d'outils d'un bout à l'autre du spectre. Nous parlions plus tôt de points repères...
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Madame Goodman, je sais que je n'ai que deux ou trois minutes. Je ne veux pas vous interrompre, car vous donnez d'excellents conseils, et je sais qu'ils nous seront utiles. Nous pourrons peut-être y revenir.
Je voulais aussi vous poser une question que m'a inspirée un commentaire d'un membre d'en face, M. Deltell, au sujet de l'utilisation des combustibles fossiles au Québec, du fait que cette utilisation augmente et que, si nos banques ne financent pas les pétrolières, nous allons devoir importer davantage de combustibles fossiles de l'étranger.
Étant donné le mécanisme d'ajustement à la frontière actuellement appliqué et la nécessité évidente de réduire notre utilisation des combustibles fossiles, puisque leur financement est interdit partout dans le monde, je me demandais si le programme de tarification de la pollution en vigueur au Canada ne devrait pas être accompagné d'un mécanisme de financement durable, de façon que, si les investissements diminuent, la demande de combustibles fossiles va diminuer en même temps, de sorte que, au bout du compte, nous ne nous retrouverons pas avec ce genre de déconnexion.
Est‑ce que quelqu'un peut faire un commentaire sur la façon dont ces deux choses pourraient fonctionner ensemble?
Monsieur le président, membres du Comité, c'est un honneur pour moi d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien.
Comme vous le savez, les changements climatiques s'accélèrent à un rythme alarmant, et ils ont déjà un impact dévastateur sur l'économie et la stabilité financière du Canada.
En tant que bailleurs de fonds des activités économiques, les institutions financières sont en première ligne face aux risques climatiques. Le secteur de l'assurance est particulièrement vulnérable et continue pourtant à financer les combustibles fossiles. Les régimes de retraite canadiens ont augmenté leurs investissements à l'étranger, notamment dans les énergies propres, alors que stagnent les investissements ici, au Canada.
Entre 2020 et 2022, les cinq grandes banques canadiennes ont augmenté leur exposition au financement des combustibles fossiles de 15,5 % à 18,4 %, soit plus du double de l'exposition de leurs homologues européennes et américaines.
Les investissements risqués dans les combustibles fossiles réalisés par nos institutions financières représentent un risque évident pour le climat et alimentent la crise climatique. La prise en compte à la fois des impacts des changements climatiques sur nos institutions financières et des impacts des institutions financières sur les changements climatiques est appelée la double matérialité. J'encourage ce comité à explorer ce concept dans le cadre de son étude.
Bien que les banques canadiennes se soient engagées à atteindre un bilan carboneutre d'ici 2050, un rapport récent montre que les cinq grandes banques favorisent les investissements dans les combustibles fossiles au détriment des énergies propres dans une proportion de 3,9‑1. En revanche, les investissements mondiaux dans le secteur de l'énergie ont favorisé les énergies propres par rapport aux combustibles fossiles dans un rapport de 1,7‑1. Le Canada est à contre-courant des tendances mondiales.
Le gouvernement canadien a fourni un soutien financier public de plus de 18,55 milliards de dollars aux entreprises de combustibles fossiles en 2023 seulement, ce qui est en contradiction directe avec ses engagements en matière de climat et va à l'encontre des marchés sains et des libres marchés.
Malgré leurs engagements en matière de carboneutralité, les institutions financières canadiennes, publiques et privées, augmentent leur soutien aux combustibles fossiles. S'appuyer sur des mesures volontaires n'aidera pas à atteindre nos objectifs. En fait, ces entreprises ne sont pas fiables et elles risquent constamment de faire marche arrière, comme l'a démontré la Banque de Montréal, ou BMO, qui a récemment révoqué ses politiques de prêt contre le charbon pour satisfaire l'idéologie politique de l'État de la Virginie‑Occidentale.
Nous devons assumer notre responsabilité parlementaire dans la conception d'un système financier qui s'aligne sur l'intérêt public et, par voie législative, offrir des conditions de concurrence équitables à toutes les institutions financières dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
[Traduction]
J'ai fait une telle proposition avec le projet de loi , la Loi sur la finance alignée sur le climat, ou CAFA en abrégé, présenté au Sénat en mars 2022 et actuellement étudié par le Comité sénatorial des banques. Certaines mesures proposées dans CAFA pourraient inspirer l'étude de votre comité.
La CAFA établirait une obligation pour les administrateurs des institutions financières et des grandes sociétés d'État de s'aligner sur les engagements en matière de climat. En 2019, le Conseil d'action en matière de finance durable a recommandé au gouvernement canadien de préciser que l'obligation fiduciaire n'exclut pas la prise en considération des facteurs pertinents liés au changement climatique et que les meilleures pratiques internationales exigent de plus en plus cette prise en considération.
Par le biais d'exigences en matière de rapports annuels, la CAFA exigerait des sociétés sous réglementation fédérale, des institutions financières et des grandes sociétés d'État l'élaboration de plans d'action fort nécessaires, de plans de transition et de rapports d'étape sur le respect des engagements en matière de climat.
La CAFA alignerait la supervision des marchés par le Bureau du surintendant des institutions financières sur les engagements en matière de climat. Elle établirait la nécessité d'exigences en matière d'adéquation des fonds propres qui soient proportionnelles aux risques climatiques macroprudentiels générés par les institutions financières.
La CAFA exigerait aussi la nomination d'au moins une personne ayant une expertise en matière de climat au sein des conseils d'administration des sociétés d'État, et elle empêcherait les conflits d'intérêts associés à la nomination de personnes ayant des intérêts privés liés aux entreprises de combustibles fossiles. Aujourd'hui, sept des onze plus grands fonds de pension du Canada comptent au moins un membre de leur conseil d'administration qui est en même temps administrateur ou cadre d'une entreprise de combustibles fossiles.
Enfin, la CAFA exigerait la publication d'un plan d'action gouvernemental pour aider à aligner les produits financiers sur les engagements climatiques.
Monsieur le président...
:
Merci, monsieur le président.
Si votre objectif était d'empêcher les entreprises canadiennes de réussir dans l'économie mondiale, comment vous y prendriez-vous? Voici quelques idées.
Vous pourriez imposer à ces entreprises et aux consommateurs des taxes qu'aucune autre nation n'impose. Vous pourriez créer des obstacles réglementaires pour empêcher la réalisation des projets, tandis que les autres pays qui ont des ressources naturelles à profusion et des dossiers déplorables sur le plan environnemental nous coiffent au fil d'arrivée. Pendant que vous y êtes, vous pouvez aussi apposer votre signature sur des accords internationaux qu'aucun autre pays n'a signés. Enfin, vous pourriez trouver une façon de priver vos industries primaires de tout capital. C'est un peu l'idée que vous explorez ici.
Il me semble que vous cherchez le moyen de faire des banques et des autres institutions financières, des caisses de retraite et, au bout du compte, des entreprises canadiennes elles-mêmes, des agences climatiques; vous voulez les obliger à publier leurs risques touchant le climat, comme le BSIF le voudrait; vous voudriez que les banques imposent des normes climatiques à leurs clients; vous voudriez que les caisses de retraite se retiennent de financer les retardataires au chapitre du climat; vous voudriez enfin limiter ou refuser le crédit consenti à certaines entreprises en fonction de leur respect des priorités du gouvernement. Ce sont de très mauvaises idées.
Si vous voulez vraiment réduire les émissions carboniques mondiales, voici deux choses que vous devriez faire, pour commencer.
Premièrement, vous devriez libérer le potentiel du gaz naturel canadien. Vous devriez permettre qu'il soit exploité, produit et exporté sans être assujetti à de trop lourdes règles, chinoiseries administratives, taxes sur le carbone et évaluations environnementales sans fin. Le gaz naturel canadien remplacerait des volumes énormes de charbon qu'utilisent la Chine, l'Inde et de nombreux autres pays, et qui sont responsables de la plus grande partie des émissions carboniques de notre planète.
Ensuite, vous devriez libérer le potentiel de l'énergie nucléaire. Contrairement à l'énergie solaire et à l'énergie éolienne, l'énergie tirée des centrales nucléaires est une solution de rechange réelle aux combustibles fossiles, pour la production d'électricité. L'énergie nucléaire produit une alimentation électrique de base, contrairement à l'énergie solaire ou à l'énergie éolienne. En faisant cela, vous contribuez à la prospérité du Canada, alors que vous cherchez plutôt ici à contrôler et diriger les marchés financiers et l'économie elle-même.
On ne peut pas gérer les économies de marché libre. Au Canada, nous n'avons pas vraiment une économie de marché libre. Nous avons plutôt des bureaucraties qui s'incrustent dans toutes les facettes de l'activité économique. Les gouvernements gestionnaires cherchent par la contrainte à imposer les résultats qu'ils recherchent. Cela ne fonctionne pas.
Il n'est pas nécessaire de dire aux entreprises qu'elles doivent porter attention au risque; elles le font déjà. Une entreprise qui livre concurrence sur les marchés commerciaux sait ce que veut dire le risque. Les sociétés cotées en bourse sont déjà obligées de communiquer les risques importants touchant leurs activités. Pour la plupart des entreprises, le risque climatique le plus important n'est pas matériel ou environnemental: il est gouvernemental. C'est le risque qui découle des changements des exigences réglementaires qui coupent sous leurs pieds l'herbe des fondements juridiques. Vous êtes leur principal risque.
Ce sont les autres pays producteurs de ressources naturelles qui mangent notre part du gâteau. Les investissements étrangers disparaissent. Le PIB par habitant est en chute libre. La productivité également.
Les Canadiens s'appauvrissent. La prospérité du Canada vacille. Nous voyons à quel point cela arrive vite.
Je vous remercie.
Bonjour, je m'appelle Ellen Quigley et je suis professeure-chercheuse ainsi que conseillère spéciale du dirigeant principal des finances de l'Université de Cambridge. Cependant, je suis ici à titre personnel, en tant qu'universitaire.
Il est plus de 22 heures, chez moi, mais il vaut la peine de travailler tard pour avoir la chance de discuter avec vous. J'ai un grand message à vous communiquer, aujourd'hui: nous accusons du retard, mais nous pouvons prendre la tête.
Je vais d'abord parler de notre retard. En tant que pays, nos émissions ne cessent d'augmenter, alors que les pays riches auxquels on peut se comparer, y compris les États-Unis, voient leurs émissions diminuer depuis quelques années. L'exposition de nos grandes banques au financement des combustibles fossiles est bien supérieure à celle de nos pairs internationaux, comme on vient de l'entendre dire, et représente de 14 à 23 % de leurs actifs totaux. Ce sont des chiffres renversants, et les organismes de réglementation auraient dû déjà lever le sourcil. Si ces chiffres sont si élevés, c'est précisément parce que les banques et les investisseurs du monde entier ont déjà quitté le secteur pétrolier et gazier du Canada — je parle en particulier de Barclays et de HSBC —, ce qui fait que ce secteur est maintenant de plus en plus un secteur d'activités provincial, littéralement, et qu'il est de plus en plus tributaire de nos propres institutions financières nationales.
Nous devrions nous demander pourquoi les investisseurs étrangers jugent que nos réserves représentent un trop gros risque et à quel niveau de risques concentrés nous sommes prêts à faire face.
Par-dessus tout cela, notre réputation sur la scène internationale risque d'être sérieusement entachée. Je dois avouer que je suis gênée, aujourd'hui, de me présenter en tant que Canadienne, lorsque je travaille à l'étranger, puisque nous sommes de plus en plus — et, je le crains, avec raison — considérés comme un paria du climat.
Les conséquences néfastes sur le climat de nos activités sont disproportionnées, et elles augmentent, mais notre risque financier augmente au même rythme. La plus forte augmentation de nos émissions est liée aux acteurs pétroliers et gaziers, et notre pétrole et notre gaz sont des produits relativement coûteux, à forte intensité d'émissions, et ils sont principalement destinés à l'exportation. Dans deux articles universitaires évalués par les pairs, un ancien collègue de l'Université Cambridge, M. Mercure, avec ses coauteurs, déclarait que le Canada est particulièrement vulnérable au risque d'actifs délaissés, selon les normes internationales, surtout si l'on calcule le risque per capita.
Toutefois, puisque je suis née et que j'ai grandi dans les Prairies, je m'inquiète aussi de la possibilité que les travailleurs et les collectivités soient délaissés si nous poursuivons à exploiter les combustibles fossiles encore aujourd'hui. Ces risquent continueront d'augmenter si l'on ne peut même pas en rendre compte, puisque nous n'avons pas encore les lois et les règlements nécessaires pour le faire.
Toutefois, nous avons ici la Loi sur la finance alignée sur le climat, la CAFA, qui nous permettrait de dépasser les autres administrations et de devenir le chef de file mondial en matière de finances climatiques. La CAFA respecte les exigences des autres administrations — ces exigences vont de toute façon devenir bientôt incontournables, surtout que la réglementation de l'UE englobe maintenant un mécanisme d'ajustement carbone à la frontière — et les mesures intergouvernementales, et elle représente également un pas vers l'avant de plus grâce auquel le Canada va rétablir sa réputation en tant qu'atout fiable dans ce domaine. Le Canada est reconnu comme une autorité réglementaire particulièrement habile, dans le système bancaire, et il fait aussi l'envie du monde quand il est question de gouvernance des caisses de retraite. La CAFA devrait être une caractéristique positive de plus, lorsque les autres pays regarderont ce que fait le Canada du côté des lois et des règlements touchant le secteur financier.
Oui, c'est ce que j'ai dit: les observateurs du futur vont juger que nous avons été clairvoyants en adoptant cette loi, parce que nous y reconnaissons que le climat est un risque systémique auquel il faut voir à l'échelon macroprudentiel. À mon avis, nous serions vraiment bien avisés de l'adopter tout de suite; cependant, il y a un corollaire: nous serions stupides de ne pas l'adopter, puisque nous sommes l'une des économies les plus exposées du monde. Personnellement, j'adorerais voir le Canada reprendre sa position de tête, et cela serait possible grâce à la CAFA.
Un dernier mot, au sujet des plans de transition. Je sais que le gouvernement fédéral est en train de réglementer la divulgation, comme il est indiqué dans le dernier énoncé économique de l'automne, et qu'il prévoit présenter des options. Il devrait impérativement en profiter pour définir et réglementer des plans crédibles pour la transition.
Mes propres recherches portent entre autres sur la crédibilité des cibles en matière climatique et des plans de transition établis par les gestionnaires des banques et des caisses de retraite. Pendant mes travaux, j'ai relevé tellement d'échappatoires et de possibilités de fraude que j'ai rédigé un article, à paraître bientôt, dans lequel j'inclus des cartes de bingo pour aider les gens à cerner les plus courantes. Les plans de transition ne valent même pas le papier sur lequel ils sont imprimés, car il faut qu'ils soient réglementés et normalisés. À l'heure actuelle, leur qualité n'est pas suffisante pour qu'ils soient utiles aux investisseurs. La CAFA réglerait également cet enjeu‑là, et c'est pourquoi il se peut que le monde entier s'en inspire.
Comme je l'ai dit, nous accusons présentement un retard, mais la CAFA nous donne l'occasion de passer directement en tête. Ce faisant, nous disposerions d'un cadre plus robuste pour comprendre et prévenir les risques systémiques liés au changement climatique auxquels nous faisons face aujourd'hui.
Je vous remercie.
Je crois que la discussion, cet après-midi, sera animée et stimulante.
Dernier témoin, mais non le moindre, c'est maintenant au tour du surintendant des institutions financières, M. Peter Routledge.
Pourriez-vous redresser un peu le bras de votre micro, s'il vous plaît? Monsieur Tardif, pourriez-vous faire de même, s'il vous plaît?
Allez‑y, monsieur Routledge. Vous avez cinq minutes.
:
Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à contribuer à votre étude sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien. Je suis venu en compagnie de mon collègue, Stéphane Tardif, directeur général, Division du risque climatique, du BSIF.
Le Parlement a donné au Bureau un mandat fondé sur deux grands principes: le BSIF doit s'assurer que les institutions financières sont en bonne santé financière et qu'elles se protègent adéquatement contre toutes menaces à leur intégrité ou à leur sécurité, y compris l'ingérence étrangère. Si une institution ne respecte pas ces principes, nous obligeons sa direction et son conseil d'administration à prendre promptement des mesures correctives.
Le BSIF suit un modèle de réglementation fondé sur des principes, et il définit les principes prudentiels généraux que nous demandons aux institutions financières de respecter. Contrairement à bon nombre de nos homologues ailleurs dans le monde, nous n'obligeons pas les institutions que nous réglementons à suivre des règles précises, parce que nous préférons publier des lignes directrices où sont exposées les saines pratiques de protection des créanciers, des déposants et des titulaires de police. Nous croyons que ce modèle fondé sur les principes favorise une plus grande résilience des institutions et coûte moins cher aux entreprises que nous réglementons.
Selon le BSIF, les risques que représente le changement climatique pour les institutions que nous réglementons équivaut à un risque financier émergent, dont les coûts ultérieurs sont incertains et non linéaires. Pendant que les économies s'adaptent aux changements climatiques, nous devons également reconnaître que les institutions financières auront l'occasion de financer les mesures d'adaptation et de tirer profit de cette activité.
Le Parlement, dans le mandat qu'il nous a donné, nous demande aussi de protéger les droits des créanciers, des déposants et des titulaires de police, tout en laissant les institutions financières se livrer concurrence et prendre des risques raisonnables. Pour favoriser une bonne gestion des risques financiers liés aux changements climatiques, sans mettre indûment des bâtons dans les roues aux institutions qui veulent investir avec profit dans les mesures d'adaptation, le BSIF a lancé une série d'initiatives pour encourager les institutions financières à augmenter leur capacité de mesure et de gestion du risque climatique. Grâce à une analyse empirique approfondie, les institutions financières canadiennes peuvent être les premières à cueillir les fruits d'une saine gestion du risque climatique.
Pour terminer, le BSIF a le mandat explicite de stimuler la confiance du public envers le système financier canadien. Nous devons donc pour cela nous assurer que les institutions financières que nous réglementons gèrent comme il le faut les risques qui pourraient se répercuter sur leur sécurité et leur santé. Je parle ici des risques matériels et des risques associés à la transition dans le cadre des changements climatiques. Le BSIF n'a pas le mandat précis de participer à l'atteinte des objectifs en matière de changements climatiques, mais il a assez de marge de manœuvre pour s'assurer que les institutions financières réagissent de manière efficace lorsqu'une occasion ou encore une menace reliée aux changements climatiques se présente.
Merci.
:
Pas que je sache, non. Le critère du risque, pour une caisse de retraite ou n'importe quelle entreprise, c'est sa réussite sur le marché. Une caisse de retraite qui ne porte pas attention au risque ou à la baisse de valeur de ses investissements n'est pas en très bonne santé. Pas besoin d'un règlement du gouvernement pour le savoir.
Je crois que nous confondons deux risques différents, et c'est problématique. Il y a le risque pour une entreprise. Le risque, pour cette entreprise, tient aux activités qu'elle doit gérer. L'autre risque, c'est le risque que vous voulez leur imposer, à savoir le risque lié aux changements climatiques mondiaux.
Je ne dis pas que cela n'est pas un risque: je dis que vous essayez d'en faire un risque propre aux entreprises, alors que, en tant que gouvernement, vous devriez établir vos propres règles plutôt que leur demander de le faire pour vous.
:
D'accord, excellent. J'aurai peut-être un peu de temps, avant de terminer.
Le directeur parlementaire du budget a publié, le lendemain du budget fédéral de 2024, une brève mise à jour sous la rubrique « Analyse complémentaire », sur son site. Cela date du 17 avril 2024. Il y est question de son rapport fréquemment cité, intitulé « Une analyse distributive de la tarification fédérale du carbone dans le cadre du plan "Un environnement sain et une économie saine" ».
Le personnel de son bureau a constaté que, dans le scénario contrefactuel, on avait supprimé la taxe sur les carburants et le système de tarification fondé sur le rendement, le STFR. Par conséquent, les estimations des coûts nets pour les ménages intégraient les incidences financières et économiques, lesquelles avaient été publiées dans les rapports de mars 2022 et de mars 2023. Elles reflètent les incidences économiques au sens large d'une tarification du carbone équivalente à celle du gouvernement fédéral.
Essentiellement, il semble que le directeur parlementaire du budget a par inadvertance exagéré l'incidence de la tarification du carbone sur les budgets des ménages. Malgré cela, le rapport indique quand même que 8 familles canadiennes sur 10, au moins, retireront davantage de la taxe sur le carbone que ce que leur coûte la tarification de la pollution.
Voici ma motion. Je propose:
Que le Comité invite le directeur parlementaire du budget pendant une heure pour discuter de ses récentes conclusions sur son rapport et de la manière dont il prévoit corriger les faits dans son rapport de l'automne.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les témoins.
Avant de poser une question, je vais revenir sur ce que vous avez dit dans votre allocution d'ouverture, monsieur Pardy. Je n'ai jamais entendu autant de négationnisme climatique. Surtout, j'étais près d'être insultée quand vous avez dit que le sujet de notre étude était une menace à la prospérité économique du pays. Je suis ici dans un cadre professionnel et, au contraire, je vise à ce que les citoyens et les citoyennes de ma circonscription et de ma nation aient un environnement sain et à ce que les changements climatiques n'aient pas de répercussions sur leur santé, bien que ce soit déjà le cas.
Cela dit, ma question s'adresse à vous, madame Quigley.
Les citoyens sont de plus en plus préoccupés par l'écoblanchiment, et ce, à juste titre. D'ailleurs, dans le cadre d'un sondage publié en novembre 2023, 78 % des Canadiens interrogés — je répète: 78 % — se sont dits en faveur d'une réglementation en matière d'écoblanchiment dans le secteur financier, 76 % ont dit appuyer les démarches de la finance durable de leur banque et 65 % se sont dits favorables à ce que leur fonds de pension fasse la même chose.
D'après vous, madame Quigley, les Canadiens ont-ils raison de ne pas faire confiance aux initiatives de divulgation volontaire d'information sur le climat?
:
C'est une question des plus importantes.
Oui, quand il s'agit de divulgation volontaire, les chiffres sont systématiquement inférieurs. En fait, des universitaires de ma connaissance ont même étudié les données communiquées dans le cadre du CDP, le carbon disclosure project — ce sont à peu près nos meilleures données —, et ils y ont repéré des erreurs de calcul élémentaires, des choses comme cela. Les renseignements donnés selon le principe de la divulgation volontaire ne sont pas fiables.
Franchement, pour en revenir aux commentaires précédents sur les coûts, puisqu'il est impossible de cacher ces informations au monde entier, nous sommes de plus en plus obligés de le faire étant donné nos relations avec les autres régions du monde qui ont déjà commencé à le faire. En fait, à mon avis, cela coûterait moins cher d'adopter une politique de divulgation volontaire qui s'aligne sur ce que font les autres pays.
Les régimes de divulgation volontaire qui ne sont pas harmonisés, c'est une recette parfaite pour augmenter les coûts et obtenir des informations qui ne sont pas fiables ou utiles ou qui ne servent à rien dans les décisions relatives à des investissements.
:
Merci, monsieur le président.
Cela fait maintenant deux semaines de suite que les conservateurs invitent au Comité des témoins qui s'opposent à toute mesure rigoureuse de lutte aux changements climatiques.
M. Pardy a publié un article où il critiquait la déclaration de la Cour suprême selon laquelle les changements climatiques sont une menace à l'existence même du Canada. Voici ce qu'il a publié sur X: « Vous pouvez croire ou non aux changements climatiques anthropiques, mais rien ne justifie que le pays se dote de quelque cible que ce soit touchant les réductions des émissions. » Je trouve révoltant, pour être honnête, que mon collègue conservateur, M. Leslie, ait permis à cette personne, par ses questions, d'ajouter son témoignage à notre rapport.
Je vais adresser mes questions à la sénatrice Galvez.
Pour commencer, je tiens à vous remercier. Merci d'avoir proposé la Loi sur la finance alignée sur le climat. C'est un texte législatif important.
Le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, est ici. Il nous a présenté sa ligne directrice B‑15, qui demande aux institutions financières d'améliorer leur gouvernance et leurs pratiques de gestion du risque, mais il s'est bien gardé de leur demander de respecter les engagements du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques. Pourriez-vous nous dire pourquoi il ne va pas jusque‑là?
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le Parlement nous a donné un mandat spécifique. En un mot, il nous demande de faire en sorte que le public fasse confiance au système financier canadien. Il ne nous a pas demandé de suivre un programme quelconque touchant le climat.
Puisque j'ai été nommé par décret, j'ai le devoir de suivre les instructions du Parlement, point final. Cependant, notre mandat nous impose aussi de nous assurer que les institutions financières sont en bonne santé financière. Nous avons publié la ligne directrice B‑15. Il y est question de gestion du risque et de gouvernance, mais on y trouve aussi des obligations de divulgation des risques climatiques et la mise à l'essai de différents scénarios, entre autres choses.
Nous avons élaboré la directive B‑15 parce que les changements climatiques représentent une menace à long terme pour la santé financière des institutions financières. Nous avons l'intention de continuer d'aider les institutions financières à mieux gérer les risques climatiques en considérant qu'il s'agit d'un risque financier et d'une menace à leur santé financière.
Certaines entreprises sont cotées en bourse, et les gens achètent des actions. Par exemple, une entreprise inscrite auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario doit respecter toute une liste d'exigences, imposées à toutes les entreprises, au chapitre de la divulgation, des risques matériels et des changements, des choses comme cela. Si l'entreprise ne le fait pas, elle aura enfreint ces règles de sécurité.
De manière générale, une entreprise est d'abord et avant responsable aux gens qui y ont investi. C'est la définition de l'entrepreneur: quelqu'un qui prend un risque et qui le gère.
Selon mon analyse, tout ce que M. van Koeverden peut dire au sujet des changements climatiques est vrai. Il faut accepter la proposition selon laquelle il y a des changements climatiques anthropiques et que la situation est telle que la plupart des gens le pensent. Je ne dis pas le contraire, pas du tout. Ce que je dis, c'est ceci: si nous pensons que cela est vrai, que c'est vraiment une urgence et que la planète brûle déjà, alors tout ce que vous laissez entendre est tout à fait inadéquat, et cela veut dire que, peut-être, vous n'y croyez pas vous-même.
Je vais prendre l'analogie d'une maison en feu. Votre maison est en feu, et il n'y a pas de pompiers, pas de boyaux d'arrosage, pas d'eau. Vous vous emparez de la tasse de café de votre voisin et vous lancez son contenu sur le feu, parce que c'est du liquide. Vous vous dites: « Eh bien, j'ai fait quelque chose. » Non, ce n'est pas vrai. Vous ne faites rien. Tout cela n'aura aucun effet, parce que le Canada n'est pas la source des émissions carboniques. Oui, on émet 1,5 %, mais, comme je l'ai dit plus tôt, les principales sources d'émissions carboniques sont les autres pays très peuplés qui consomment beaucoup de charbon et qui ne sont pas soumis aux restrictions des régimes internationaux comme l'Accord de Paris.
Si vous prenez la situation au sérieux, alors vous devez trouver une autre façon d'arriver à une solution concrète au problème concret que vous dites exister.