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Chers collègues, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. McKinnon, qui remplace l'un de nos membres aujourd'hui.
Aujourd'hui est la dernière journée de notre étude sur la finance durable, laquelle a été très intéressante.
Au cours de la première heure de la séance, nous accueillons des représentants du ministère des Finances, notamment M. Clifton Lee-Sing, directeur, Marchés et valeurs mobilières, Division de la stabilité financière et des marchés des capitaux, et Kathleen Wrye, directrice, Politique des pensions, Division des crimes financiers et de la sécurité.
Nous recevons également un représentant du ministère de l'Environnement, c'est-à-dire M. Nicolas Barbe, directeur, Politique économique, Finances durables.
Je suppose que nous allons commencer par entendre les déclarations préliminaires de cinq minutes. Nous accordons cinq minutes au ministère des Finances et cinq minutes à ECCC.
Je suis désolé, mais on me dit que le ministère des Finances disposera de sept minutes, tout comme ECCC.
Est‑ce que vous avez compris?
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Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Clifton Lee-Sing, et je suis le directeur de la section de la politique des marchés et des valeurs mobilières au sein du ministère des Finances. C'est avec plaisir que je comparais devant vous aujourd'hui pour soutenir l'étude du Comité.
Conformément aux responsabilités que j'assume au sein du ministère, j'axerai mes observations sur les efforts déployés par le gouvernement du Canada pour développer l'infrastructure de marché fondamentale qui est nécessaire pour élargir le marché canadien de la finance durable. Par infrastructure, j'entends les outils et les cadres qui permettent de fournir efficacement des renseignements aux conseils d'administration, aux gestionnaires et aux propriétaires d'entreprises de l'économie réelle, afin de les aider à prendre des décisions concernant leurs activités liées au changement climatique.
Comme le secteur public ne peut à lui seul financer la transition vers la carboneutralité, il est essentiel de mobiliser des capitaux du secteur privé pour atteindre les objectifs climatiques du Canada.
Je vais parler de deux initiatives importantes en matière de finance durable que le gouvernement a annoncées au cours de la conférence des Nations unies sur les Principes pour l’investissement responsable, ou PIR, tenue le 9 octobre. Ces initiatives visent à promouvoir la transparence dans les marchés financiers et les marchés de capitaux. La première initiative est un plan pour donner suite aux lignes directrices sur l’investissement durable purement canadien, aussi connues sous le nom de taxonomie. La deuxième initiative concerne la présentation obligatoire de renseignements financiers liés au climat qui sera imposée aux grandes sociétés privées constituées en personne morale sous le régime fédéral.
En ce qui concerne la taxonomie, les participants aux marchés financiers ont besoin de clarté et de normalisation, c'est-à-dire d'un langage commun, au sujet des activités économiques et des investissements qui sont considérés comme « verts » ou « transitoires ». C'est la raison d'être d'une taxonomie. Il s'agit d'un ensemble de critères utilisés pour désigner les activités et les investissements qui pourraient avoir le droit d'être étiquetés comme des investissements « verts » ou « transitoires ».
Une taxonomie canadienne est censée atteindre, entre autres, les objectifs suivants: contribuer à remédier au manque de confiance qui afflige les investissements climatiques à l'heure actuelle et qui entraîne des retards de financement, des niveaux de capitaux réduits et des coûts du capital plus élevés pour ces projets; et donner au Canada la possibilité d'influencer à l'échelle mondiale le dialogue sur le financement de la transition, en particulier dans les secteurs des ressources naturelles et de l'agriculture.
En plus d'avoir annoncé qu'il soutiendrait le financement de la taxonomie, le gouvernement a simultanément publié un document d'information qui définit ses attentes en matière de développement et de mise en œuvre de la taxonomie.
Dans le document d'information, le gouvernement a indiqué qu'il s'attendait à ce que la taxonomie soit élaborée et mise en œuvre de façon indépendante du gouvernement. Ce que nous voulons, c'est que la taxonomie soit élaborée et jugée crédible et utilisable par les marchés financiers, l'économie réelle et les experts de la société civile. Ils seront consultés, et ils contribueront à l'élaboration de la taxonomie.
La taxonomie couvrira à la fois les éléments verts et les éléments de transition, contrairement à de nombreuses autres taxonomies internationales, qui mettent uniquement l'accent sur les activités vertes. L'objectif est d'inclure les activités de transition pour contribuer à mobiliser le financement nécessaire à la décarbonisation de ces secteurs particuliers.
La taxonomie permettra de classer les activités en se fondant sur des critères d'admissibilité déterminés scientifiquement et compatibles avec une limitation du réchauffement à 1,5 degré Celsius.
En outre, l'élaboration de la taxonomie reposerait sur plusieurs principes directeurs. Ces principes directeurs s'inspirent des recommandations du Conseil d'action en matière de finance durable, des organisations internationales qui ont travaillé à l'élaboration de taxonomies et émis des avis à ce sujet, et des précédents internationaux en matière de taxonomie. Par exemple, les utilisateurs de la taxonomie sont censés avoir des objectifs de carboneutralité, disposer de plans de transition bien définis et avoir recours à des méthodes rigoureuses de présentation des renseignements financiers liés au climat.
Dans le cadre de l'annonce du document d'information, le gouvernement a distingué certains secteurs sur lesquels la taxonomie se concentrera. Ces secteurs ont été choisis en fonction du nombre de possibilités d'investissement vert et de transition qu'ils présentent, de l'importance de leur potentiel de décarbonisation de l'économie canadienne et du rôle important qu'ils jouent dans l'économie du Canada. Il s'agit de l'électricité, des transports, des bâtiments, de l'agriculture et de l'exploitation forestière et des industries manufacturières et extractives, qui comprennent l'exploitation minière et l'extraction du gaz naturel.
Enfin, le gouvernement s'attend à ce que la taxonomie soit un outil d'investissement utilisé volontairement. La taxonomie n'empêchera pas les secteurs privé et public de continuer à soutenir des projets non taxonomiques.
Le gouvernement a annoncé qu'il contribuera au financement des étapes initiales d'élaboration de la taxonomie, c'est‑à‑dire pendant environ trois ans, après quoi il est prévu que le secteur privé prenne en charge le coût de la tenue à jour de la taxonomie. La ministre des Finances est habilitée à sélectionner l'organisation externe au gouvernement qui élaborera la taxonomie, et le travail de sélection de cette organisation est en cours. Comme je l'ai mentionné, l'élaboration de la taxonomie devrait prendre environ trois ans, et les critères d'investissement pour deux ou trois secteurs devraient être achevés d'ici l'année prochaine.
En ce qui concerne la présentation de renseignements financiers liés au climat — qui s'ajoute aux efforts déployés précédemment par le gouvernement fédéral pour obliger les institutions financières et les sociétés d'État sous réglementation fédérale à présenter les renseignements financiers liés au climat —, le gouvernement a annoncé son intention de proposer des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions qui lui permettront d'étendre aux grandes sociétés privées constituées sous le régime fédéral les exigences de présentation des renseignements financiers liées au climat. La présentation transparente et rigoureuse de renseignements financiers liés au climat pourra garantir que des considérations climatiques sont intégrées dans la culture et la prise de décision d'une organisation, pourra aider les investisseurs, les prêteurs, les assureurs et les autres intervenants à évaluer et estimer les coûts des risques et des débouchés liés au climat, et favorisera la prise de décisions de financement et d'investissement alignées sur le principe de la carboneutralité.
L'élargissement des exigences de divulgation des renseignements financiers liés au climat qui vise à les appliquer à des sociétés privées est conforme aux approches adoptées dans d'autres pays, notamment les pays de l'Union européenne, le Royaume-Uni, l'Australie et certains États américains.
Le gouvernement a l'intention d'entreprendre un processus réglementaire pour déterminer le contenu de ces exigences et la taille des sociétés privées sous réglementation fédérale qui y seraient soumises. Le gouvernement a l'intention de travailler avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin d'harmoniser sa réglementation avec celle qui sera imposée aux entités cotées en bourse par les organismes de réglementation des valeurs mobilières, afin d'éviter la fragmentation des marchés et la recherche des administrations les plus avantageuses à cet égard.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Kathleen Wrye. Je suis la directrice de la politique des pensions au ministère des Finances, et je suis ici aujourd'hui pour répondre aux questions concernant les régimes de pension agréés sous réglementation fédérale.
En vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, le gouvernement fédéral réglemente les régimes de retraite des employeurs dans les domaines d'emploi de compétence fédérale, comme les télécommunications, les banques et les transports interprovinciaux, ainsi que les régimes de retraite privés des territoires. Cela représente 7 % des régimes de retraite au Canada.
[Français]
La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension impose une obligation fiduciaire aux administrateurs de régime en ce qui concerne l'administration du régime et l'investissement de ces actifs. En tant que fiduciaires, les administrateurs de régime sont tenus d'agir avec prudence et dans l'intérêt de tous les affiliés et de tous les bénéficiaires du régime. À ce titre, ils doivent tenir compte de tout facteur susceptible de nuire matériellement aux performances financières du fonds de pension.
[Traduction]
Il est de plus en plus admis et attendu que des considérations environnementales, sociales et de gouvernance, ou ESG, soient prises en compte avant de prendre des décisions d'investissement. L'Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite, qui est l'association nationale des organismes de contrôle des régimes de retraite, a récemment publié un guide complet sur la gestion des risques visant à aider les administrateurs de régimes de retraite à s'acquitter de leurs obligations fiduciaires et à prendre en compte les facteurs ESG.
En ce qui concerne les régimes de retraite sous réglementation fédérale, le gouvernement a annoncé dans le budget de 2022 qu'il irait de l'avant en ce qui concerne les exigences en matière de présentation des considérations ESG, dont les risques liés au climat. À la suite des consultations, le ministère s'emploie à élaborer les modifications réglementaires qui comprendront des exigences détaillées en matière de présentation de renseignements.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, chers collègues. Il est toujours agréable de vous voir, particulièrement à la reprise des travaux parlementaires, après avoir passé une semaine dans nos circonscriptions respectives.
Madame et messieurs les témoins, je vous remercie d'être parmi nous, et je vous souhaite la bienvenue au Comité. Je vous remercie aussi de consacrer vos talents et vos énergies au bien du Canada, à titre de fonctionnaires de l'État canadien. Nous vous en sommes grandement reconnaissants.
Nous sommes tous réunis afin d'être les plus efficaces possible en matière de lutte contre les changements climatiques. Nous reconnaissons que les changements climatiques sont réels, qu'il faut s'adapter à leurs effets et qu'il faut que les mesures soient adéquates, particulièrement lorsqu'il est question de financement. Par exemple, il faut trouver comment financer les meilleures approches qui soient ainsi que guider les entreprises et les financiers lorsqu'ils doivent faire des choix pour lutter contre les changements climatiques. Cependant, encore faut-il que ces mesures soient efficaces.
Il y a quelques jours, le commissaire à l'environnement et au développement durable a déposé une série de rapports très cinglants relativement à l'approche déployée au Canada depuis neuf ans. Le commissaire conclut, de façon assez brutale, que le Canada ne sera pas en mesure d'atteindre les objectifs fixés pour 2030, qui, je le rappelle, sont basés sur l'Accord de Paris. Je précise que les cibles fixées dans cet accord étaient exactement les mêmes, à la décimale près, que celles établies par le gouvernement précédent. Selon le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable, le Canada a le pire bilan des pays du G7. Nous sommes donc loin de remplir les attentes.
De façon plus directe, nous mettons le doigt sur un problème majeur. En effet, il faut trouver la façon d'évaluer l'efficacité des mesures environnementales. Ces mesures guident les entreprises quand celles-ci doivent faire des choix en matière de financement, qu'il s'agisse de financer les fonds de pension ou d'investir dans les énergies vertes ou une approche verte. Il faut que les résultats soient probants et, surtout, que les calculs soient exacts.
Le commissaire a écrit: « La baisse récente des réductions d'émissions prévues pour 2030 n'était pas attribuable à des mesures climatiques prises par les gouvernements, mais plutôt à des révisions des données ou des méthodes utilisées dans la modélisation. » Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le commissaire à l'environnement et au développement durable.
Monsieur Barbe, vous jouez un rôle important au sein du ministère de l'Environnement. Comment expliquez-vous qu'on soit heureux de voir que les cibles semblent avoir été atteintes, mais que le commissaire à l'environnement et au développement durable nous dit qu'elles ne l'ont pas été et que les résultats sont plutôt attribuables à des changements apportés à la méthode de calcul?
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Je vous remercie de la question.
D'entrée de jeu, j'aimerais clarifier une chose. Nous avons tous diverses responsabilités au sein du ministère. Pour ma part, je suis responsable de la finance durable. Votre question traite donc d'un sujet qui s'écarte un peu de mon champ d'expertise.
Je peux cependant dire que, dans le rapport d'étape sur le Plan de réduction des émissions pour 2030, qui a été publié à la fin de l'année 2023, il est indiqué que le Canada est en voie d'atteindre les cibles fixées pour 2030.
Cela dit, il y a un faible écart. Comme vous le savez, la cible établie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d'ici 2030. Selon les calculs de mon ministère, la réduction est d'environ 36 % à l'heure actuelle. Le petit écart sera comblé grâce à des mesures futures et, nous l'espérons, grâce à des mesures qui seront mises en place par les provinces, par les territoires et par les groupes autochtones.
Pour ce qui est de votre question concernant le commissaire, c'est essentiellement les chiffres que nous avons. Je serais très heureux de soumettre la question à mes collègues, qui pourront vous donner une réponse un peu plus détaillée.
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Monsieur Barbe, avant d'aller plus loin, j'aimerais mentionner qu'il y a un rapport direct avec ce que vous faites. Je vais vous expliquer pourquoi. Il s'agit ici de fiscalité. Le Comité se penche sur la fiscalité et sur le financement des entreprises ainsi que sur les choix que doivent faire les institutions financières. Le Canada doit se doter de politiques environnementales, mais encore faut-il savoir comment assurer l'efficacité de ces politiques.
Or, dans son rapport, le commissaire à l'environnement et au développement durable nous dit que les cibles et les chiffres donnés ne sont pas attribuables à des mesures prises par les gouvernements, mais par des changements apportés dans les méthodes de calcul. C'est là où le bât blesse.
Personne n'est contre la vertu. Nous voulons tous réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution, mais encore faut-il avoir les bonnes approches. Or, l'approche adoptée depuis neuf ans, selon nous, n'est pas la bonne, comme l'illustre le rapport du commissaire. En effet, ce dernier dit que, si certains trouvent que ça va mieux, c'est parce qu'on a changé la méthode de calcul. Ce n'est pas exactement la bonne approche.
Je veux aussi aborder avec vous, monsieur Barbe, la question de la transparence et de la divulgation de l'information. Ça concerne l'ensemble du ministère. Le commissaire a écrit: « En raison de ce manque de transparence, les responsabilités en matière de réduction des émissions sont restées floues. » Ailleurs dans le rapport, il a aussi écrit: « Le gouvernement fédéral n'a pas établi d'approche pangouvernementale uniforme pour évaluer l'optimisation des ressources pour tous les types de mesures de réduction des émissions. »
Comment se fait-il que, après neuf ans, le gouvernement n'ait pas été capable d'agir de façon transparente et cohérente pour donner la vérité aux Canadiens concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Je pense que le sujet que nous étudions est la finance durable. Il s'agit de mesures qui n'ont pas encore été mises en œuvre. Nous nous employons en ce moment à élaborer les lignes directrices, la taxonomie et les exigences en matière de présentation de renseignements. Je ne crois pas qu'elles aient eu une incidence sur le rapport du commissaire, mais nous espérons qu'elles auront un effet bénéfique à l'avenir et qu'elles contribueront à l'atteinte de ces objectifs.
Nous avons souvent entendu dire que la mise en place d'une taxonomie ou d'exigences en matière de présentation de renseignements ne réduira en rien les émissions. Que répondez-vous à cela? Comment ces taxonomies ou ces exigences en matière de présentation de renseignements nous aideront-elles à atteindre nos objectifs? Nous savons qu'elles ne le font pas directement — et j'entends par là qu'il ne s'agit pas de l'économie réelle —, mais comment nous aideront-elles à atteindre nos objectifs?
Vous pourriez peut-être commencer à répondre à la question, monsieur Barbe. Ensuite, nous pourrions céder la parole à Mme Wrye ou à M. Lee‑Sing.
:
C'est effectivement une bonne question, mais je vais me concentrer sur les miennes.
M. Delorme, qui a occupé un poste de haut fonctionnaire au sein du ministère des Finances pendant plus de 20 ans, a comparu devant notre comité. Il a expliqué que son expérience l'avait convaincu que l'État devait légiférer de manière plus sévère pour encadrer le milieu financier. Il a dit que « les objectifs privés à court terme priment les objectifs à plus long terme, lesquels visent le bien commun, comme le climat ou le vieillissement de la population ».
Il a parlé d'équité intergénérationnelle, et il a ajouté que les objectifs liés au bien public ne seront pas atteints si les banques se réglementent elles-mêmes. On ne peut donc pas se contenter de leur proposer des guides ou des suggestions. Il faudrait obliger les banques à avoir des plans, leur tordre le bras.
Le ministère des Finances observe tout ça de même que les agissements des banques canadiennes sur les marchés au quotidien. A-t-il commencé à élaborer de réelles politiques publiques et une véritable législation?
:
Je vous remercie de la question.
Je vais parler en anglais afin d'être plus clair.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné, la taxonomie et la présentation de renseignements sont, à mon avis, des éléments fondamentaux pour faciliter le flux d'informations et la prise de décision. Ce qu'il faut faire pour ajuster les mentalités de l'économie réelle qui utilisent le secteur financier comme intermédiaire, c'est mettre en place des politiques climatiques pour aider à orienter ces décisions. C'est un peu différent des initiatives d'investissement durable dont je parle aujourd'hui.
Cela dit, le BSIF, qui est responsable de la réglementation des institutions financières fédérales, dispose effectivement de la ligne directrice B‑15. Cette ligne directrice exige des institutions financières qu'elles gèrent les risques liés au climat et qu'elles rendent des comptes et présentent des renseignements à ce sujet, mais cela ne détermine pas vraiment les décisions économiques qui seront prises à propos des personnes que ces institutions financières vont financer. La ligne directrice concerne en réalité la gestion des justificatifs.
:
Je suis désolée de vous interrompre, monsieur Lee‑Sing.
Nous parlons justement de divulgation et de taxonomie. Si on inclut dans la taxonomie des produits qui sont dérivés des combustibles fossiles, comme le gaz naturel liquéfié, on n'avancera pas. Si les divulgations sont volontaires, on n'avancera pas non plus.
Le changement climatique pose un risque pour le système financier du Canada. D'ailleurs, selon le Centre québécois du droit de l'environnement, il y a des risques importants d'écoblanchiment.
Le ministère des Finances et le ministère de l'Environnement ont-ils demandé que soient élaborées des règles de divulgation afin que ce soit clair pour le citoyen, les entreprises et les consommateurs qui veulent faire un choix quant à leur investissement? Ainsi, ils auraient accès à l'information essentielle concernant les effets sur le climat et la biodiversité.
Ma question s'adresse à M. Barbe et à M. Lee‑Sing.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
J'aurais des questions sur la taxonomie, les pensions, les divulgations et les plans de transition, mais j'aimerais peut-être commencer par...
Monsieur Barbe, vous avez dit quelque chose en réponse à une autre question qui a peut-être été perdue dans la traduction, et je voulais simplement vérifier.
Avez-vous dit que, selon vous, nous sommes en voie d'atteindre nos objectifs?
:
Merci, monsieur le président.
Compte tenu du peu de temps dont je dispose, j'aimerais commencer par vous, monsieur Barbe, et je vous demanderais d'être bref.
Vous avez mentionné que votre bureau ne s'occupe pas précisément de la question des émissions, mais vous avez prononcé un commentaire peut-être désinvolte qui reprend ceux des députés et des ministres libéraux, à savoir qu'ils sont en voie d'atteindre les cibles de 2030, malgré le fait que le Bureau du vérificateur général et, plus précisément, le commissaire à l'environnement affirment le contraire, comme ma collègue, Mme Collins, l'a mentionné.
Ma question est la suivante: est‑ce le libéral radical et son gouvernement qui induisent les Canadiens en erreur, ou le commissaire à l'environnement non partisan?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je me trouve actuellement à Toronto, sur le territoire traditionnel de nombreuses nations, dont les Mississaugas de Credit, les Anishinabe, les Chippewa, les Haudenosaunee, et les Wendats.
Comme je l'ai dit, je suis la directrice d'Amériques, Écosystèmes d'investissement responsable. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de fournir des informations pour cette étude, qui est clairement dans l'intérêt de la population canadienne.
Depuis près de 20 ans, les Principles for Responsible Investment, ou PRI, soutenu par les Nations unies, constituent les principaux promoteurs de l'investissement responsable dans le monde. Nous travaillons avec notre réseau mondial de signataires, qui comprend plus de 5 000 investisseurs institutionnels et organisations financières signataires des principes. Ces investisseurs sont basés dans 100 pays à travers le monde et gèrent collectivement plus de 120 000 milliards de dollars américains. Environ 240 signataires ont leur siège au Canada, notamment les principales caisses de retraite canadiennes, ainsi que les services de gestion des biens des grandes banques.
La stratégie 2024‑2027 des PRI présente la vision d'un système financier mondial qui récompense l'investissement responsable, opère dans les limites de la planète, promeut les droits de l'homme et crée des sociétés équitables. Les signataires des principes intègrent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs décisions d'allocation et de propriété afin de remplir les devoirs de prudence et de diligence envers les clients et les bénéficiaires.
Pour les investisseurs institutionnels qui cherchent à générer de la valeur à long terme, les risques climatiques physiques et de transition posent de nouveaux défis à la stratégie d'investissement. L'analyse juridique a établi que les investisseurs ont généralement l'obligation d'envisager d'identifier les risques financiers liés au climat, y compris les risques systémiques, et d'agir en conséquence. Dans la perspective de la COP29, les PRI ont formulé des recommandations qui soutiennent les investisseurs institutionnels à long terme à la recherche d'opportunités d'investissement durable.
Premièrement, le monde a besoin d'une transition équitable, rapide et stable vers un avenir à faible émission de carbone. Les PRI appellent le Canada et les autres pays à adopter une approche pangouvernementale de la transition. Leurs « contributions déterminées au niveau national », ou CDN, mises à jour en 2025 dans le cadre de l'Accord de Paris doivent constituer une plateforme ambitieuse et crédible pour les investisseurs.
Deuxièmement, les systèmes financiers devraient s'aligner sur l'objectif de 1,5 °C précisé dans l'Accord de Paris. Une législation fondamentale et des réformes politiques sont nécessaires pour clarifier la pertinence des risques climatiques et d'autres risques systémiques pour les obligations des investisseurs et pour promouvoir la compatibilité réglementaire internationale sur des mesures politiques telles que les normes de divulgation, la taxonomie et les plans de transition. Ces recommandations sont liées aux travaux entrepris par le Groupe d'experts sur la finance durable, ainsi que par le Conseil d’action en matière de finance durable.
Troisièmement, des politiques cohérentes en matière d'économie réelle devraient inclure des régimes robustes et prévisibles de tarification du carbone pour stimuler la transition, ainsi que d'autres mesures et incitations pour garantir une transition équitable, rapide et stable.
Enfin, quatrièmement, un financement mixte évolutif est nécessaire pour permettre aux capitaux de circuler vers des solutions durables dans les marchés émergents et les économies en développement. Tous les pays dans lesquels nos signataires opèrent adoptent leur propre approche de la transition de leurs économies pour atteindre leurs objectifs de durabilité en matière d'atténuation du changement climatique, de restauration de la nature et de protection des droits de l'homme. La politique financière, la politique en matière de pratiques d'entreprise et la politique et la réglementation en matière de climat dans l'économie réelle travaillent toutes en tandem pour maximiser l'univers des actifs alignés sur un avenir sans danger pour le climat et pour traiter le risque systémique. Cette approche peut créer une boucle de rétroaction positive qui accélère la transition.
À l'échelle mondiale, nous observons des réformes concrètes dans de nombreux domaines des systèmes financiers qui traitent des changements climatiques, et de l'environnement en général. La base de données des PRI sur les réglementations, qui documente les politiques des finances, des entreprises et de l'économie réelle qui soutiennent, encouragent ou exigent des pratiques responsables, montre que depuis 2014, dans toutes les juridictions évaluées, la variété des instruments politiques a augmenté avec l'introduction de taxonomies, d'exigences de diligence raisonnable des investisseurs, et ainsi de suite.
Au cours de la même période, le nombre de politiques faisant référence à l'Accord de Paris est passé de 33 politiques à plus de 200 politiques sur les 379 politiques que contient notre base de données. Le nombre de règlements qui soutiennent la transition économique a également augmenté. Il a quadruplé en pourcentage des politiques évaluées. Il est passé de 41 % en 2014 à 60 % de nos politiques en 2024. L'accent est également mis de plus en plus sur les règlements qui soutiennent les gouvernements pour conduire la transition de l'ensemble de l'économie vers un avenir durable. En effet, nous reconnaissons que le secteur financier ne peut à lui seul résoudre l'ensemble des risques liés à la durabilité au niveau du système.
Au cours de ces séances, les députés ont déjà entendu parler des risques et des opportunités financières incroyables que les changements climatiques représentent pour le Canada et l'économie mondiale. Le gouvernement a prévu qu'il lui faudrait plus de 115 milliards de dollars supplémentaires par an pour atteindre ses objectifs en matière de climat. Et ce, alors que les dommages et les phénomènes météorologiques violents coûtent de plus en plus cher au gouvernement canadien, aux contribuables et aux assureurs...
Je remercie beaucoup le Comité de m'avoir invitée aujourd'hui à venir lui parler d'un sujet clé, qui a trait à notre avenir commun et aux défis liés à l'énergie et au climat.
De prime abord, je voulais confirmer un point qui me semble essentiel. En effet, c'est une hérésie de croire que nous allons pouvoir modifier nos pratiques seulement en améliorant l'accès à l'information disponible. De plus, il y a cette idée que l'acteur économique a juste besoin d'éléments d'information purs et parfaits pour faire des choix raisonnés, que cela serait utile sur le plan collectif et que ces éléments permettraient à eux seuls de rectifier la trajectoire de l'engagement climatique. Il faut mettre en place un cadre contraignant. Ce cadre devrait permettre — comme le ferait la taxonomie — de comparer des éléments d'information fournis par les grandes banques et par les entreprises. Toutefois, il faut aussi mettre en place un système de sanctions pour que l'on soit en mesure de rectifier cette trajectoire.
Je voudrais vous parler plus précisément d'un rapport que le Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises, ou RRSE, a produit avec l'aide de la firme Æquo. Ce rapport porte sur l'approche des banques à l'égard de leurs propres clients, c'est-à-dire des entreprises faisant partie de leur portefeuille. Nous voulions voir et tester la robustesse des plans de transition et, disons, leur crédibilité.
L'année dernière, nous nous sommes intéressés à un groupe de 23 banques, qui comprenait non seulement les plus grandes banques canadiennes, mais aussi des banques européennes et américaines. Nous avons regardé de près les déclarations faites par les banques et les attentes formulées à l'égard de leurs propres clients pour déterminer si c'était crédible que l'on maintienne une trajectoire dont l'objectif est de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, en harmonie avec l'Accord de Paris.
Somme toute, nous avons tout de même fait une analyse exhaustive. Notre conclusion est claire. D'une part, pour qu'un plan soit crédible dans le secteur pétrolier et gazier, par exemple, il faut que le plan intègre une réduction des émissions dans les trois volets de la classification appelée « scope », intégrant jusqu'au troisième, soit celui relatif à l'émission des gaz à effet de serre, ou GES. D'autre part, il faut absolument que l'institution financière prenne l'engagement de ne pas élaborer de nouveaux projets dans le domaine pétrolier ou gazier, ce qui est un élément déterminant.
Concernant les plans que les institutions financières mettaient en avant, notre analyse nous a appris qu'il y a des pratiques très disparates et vraiment peu cohérentes par rapport aux critères d'analyse et à la façon dont les banques pensent réaliser leurs plans de transition. Par exemple, nous observons, de façon générale, non seulement un manque d'engagement, mais aussi une méthodologie vraiment peu claire. Nous observons une multiplication des termes, comme engagement climatique, produits éthiques, produits responsables et produits verts, ainsi qu'un manque de soutien à l'égard des clients pour qu'eux-mêmes puissent réaliser leur transition.
Toutefois, cela se fait sans explications claires des attentes, du calendrier à suivre et des sanctions, c'est-à-dire ce qu'on appelle « la stratégie d'escalade ou d'exclusion ». Les institutions financières s'engageraient alors à exclure les grandes entreprises qui ne jouent pas le jeu de réduire les émissions de GES qu'elles génèrent. Pour le moment, nous n'avons pas d'indications suffisamment rassurantes quant aux déclarations publiques que font les banques. Nous avons utilisé l'ensemble des cadres disponibles et des meilleures pratiques. Toutefois, ce que nous voyons, c'est que nous fonçons droit dans le mur.
Pour compléter mes remarques, je dirais que nos conclusions vont dans le même sens que celles contenues dans l'avis publié la semaine dernière par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières. Cet avis faisait suite à l'analyse de 425 examens de la conformité d'émetteurs assujettis à la législation. Nous constatons qu'il y a pléthore d'activités d'écoblanchiment et d'engagements envers des questions environnementales, sociales et de gouvernance, ou engagements ESG, qui sont peu clairs et peu atteignables.
En l'état actuel des choses, le fait de laisser les institutions ou les acteurs économiques s'autoréglementer, de les laisser adopter des pratiques, ne nous permettra pas, collectivement, d'atteindre les objectifs qu'on s'est donnés en lien avec l'Accord de Paris ni de réduire efficacement les émissions de GES.
Je m'arrêterai ici. Je ne sais pas si je respecte le temps de parole qui m'a été alloué.
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Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je suis chef de l'exploitation à la Canadian Shareholder Association for Research and Education.
Depuis 25 ans, la Canadian Shareholder Association for Research and Education a pour mission d'aider les investisseurs institutionnels à faire face à l'ensemble des risques et des opportunités des marchés de capitaux modernes, notamment en travaillant avec un grand nombre des plus grands investisseurs institutionnels du Canada pour renforcer la réglementation des marchés publics et les aider à s'engager en tant qu'actionnaires auprès des conseils d'administration et de la direction des entreprises.
Les propriétaires et les gestionnaires d'actifs sont prêts à investir dans l'économie à faibles émissions de carbone de l'avenir du Canada, mais les retards, l'incertitude et l'incohérence sont quelques-uns des principaux obstacles à la création d'emplois de qualité pour les Canadiens, à la construction d'une économie de pointe et à la protection de notre environnement.
Aujourd'hui, je souhaite aborder trois conditions nécessaires pour débloquer les investissements dans l'économie à faibles émissions de carbone et garantir l'avantage concurrentiel du Canada. La première concerne la cohérence de la réglementation, la deuxième les infrastructures essentielles et la troisième la clarté sur la tarification du carbone dans l'industrie.
Tout d'abord, nous avons besoin d'établir un système réglementaire qui applique de manière cohérente les normes de divulgation en matière de développement durable. Il ne s'agit pas d'un appel à une réglementation excessive. En fait, c'est tout le contraire. Il s'agit plutôt d'un appel en faveur de règles qui aident les investisseurs et les sociétés d'investissement à gérer les flux de données de manière à se concentrer sur ce qui compte vraiment. À l'échelle internationale, nous assistons enfin à une convergence des normes de renseignements sur le développement durable, et nous ne pouvons pas nous permettre d'être à la traîne. La taxonomie de transition est fondamentale pour s'aligner sur les normes internationales, et nous espérons qu'elle sera soutenue dans son développement et sa supervision futurs.
L'effort visant à inclure la divulgation des données climatiques dans nos réglementations en matière de sécurité est également essentiel.
Nous devons également nous assurer que les informations sont divulguées dans l'ensemble des systèmes de marché privé afin d'encourager des conditions de concurrence équitables. Des marchés privés efficaces nécessitent des données précises, et si nous construisons des modèles basés uniquement sur les données des marchés publics, il s'agira au mieux d'estimations. Cette incertitude peut décourager l'investissement là où il est le plus nécessaire. Nous demandons donc instamment au Comité d'étudier de plus près le système canadien des marchés privés et nous soutenons les récentes propositions de modification de la LCSA.
Ensuite, nous devons mettre en place les infrastructures nécessaires à la croissance et à l'investissement. Par exemple, les entreprises mondiales prennent en compte la disponibilité d'une électricité fiable et propre dans leurs choix. La nouvelle usine de batteries de Volkswagen pourra être mise en place à St. Thomas, en Ontario, notamment grâce à l’engagement du gouvernement fédéral de fournir directement une énergie 100% verte. L'accord avec VW montre que le Canada peut être une puissance dans le domaine de la fabrication à faible émission de carbone, mais il nous reste encore beaucoup à faire pour mettre en place un réseau électrique vert dans l'ensemble du pays.
Que faut‑il pour stimuler l'investissement dans l'infrastructure de production, de stockage et de distribution d'énergie propre? Le régime de crédit d'impôt est essentiel, y compris pour la fabrication de composants connexes, et nous travaillons donc à l'élaboration d'une stratégie de développement de la main-d'œuvre pour soutenir l'industrie de l'énergie propre, en soutenant les partenariats avec les communautés autochtones, en améliorant la coopération interprovinciale et en mettant en place un processus réglementaire efficace.
Un autre exemple où nous devrions exceller et attirer des capitaux est le développement de minéraux critiques, les composants nécessaires au stockage des batteries, aux panneaux solaires et à l'électrification, mais il y a un déficit de financement dans l'industrie. Les coûts d'investissement élevés et les faibles périodes de récupération sont deux des principaux obstacles à l'investissement. Le manque de clarté concernant les droits et les titres de propriété des populations autochtones et les retards dans les processus d'autorisation et d'examen réglementaire sont également des obstacles importants liés aux projets. Le soutien des pouvoirs publics est nécessaire pour lever ces obstacles et renforcer notre avantage concurrentiel.
Enfin, nous avons besoin de clarté sur la tarification industrielle du carbone. Quoi que l'on puisse penser du prix à la consommation, le prix industriel joue un rôle prépondérant dans les réductions d'émissions et les décisions d'investissement. Promouvoir la certitude du maintien du système de tarification et des calendriers de tarification au‑delà de 2030 contribuera à fixer la valeur des investissements et des crédits pour les nouveaux projets et entreprises et à stimuler la confiance des investisseurs ici au Canada. Nous avons besoin de beaucoup plus de décisions d'investissement prises en faveur du Canada.
Dans chacun de ces trois domaines, je ne saurais trop insister sur l'importance d'agir tôt, de manière décisive, claire et cohérente. Notre économie est en train de changer, que nous le voulions ou non, en raison des changements technologiques, de l'innovation, des forces du marché et de la géopolitique. Notre système financier, y compris l'environnement réglementaire et politique qui le facilite, doit contribuer à assurer des flux de capitaux fluides entre les mains des entreprises qui peuvent tirer parti de ces changements, créer de nouveaux emplois chez nous et construire l'économie de demain.
Merci beaucoup, et je me réjouis de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Madame Chipot, vous nous avez dit que, dans leur rapport biennal, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en arrivaient aux mêmes conclusions que votre regroupement. C'est intéressant, puisqu'un autre organisme confirme ce qui est contenu dans votre rapport.
J'aimerais que vous nous parliez de la crédibilité des plans de transition. La manière dont les banques définissent ce qu'est un plan de transition crédible et la façon dont elles travaillent pour améliorer la crédibilité de ces plans font partie de la stratégie globale de transition vers un objectif de zéro émission nette.
Que manque-t-il dans les plans de transition des grandes banques canadiennes?
Qu'est-ce qui rendrait ces plans réellement crédibles?
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Madame Pauzé, je vous remercie de la question.
De façon générale, il manque beaucoup d'éléments dans les plans de transition. Il est nécessaire d'avoir la participation pleine et entière des grandes entreprises. Pour le moment, il y a une absence de critères clairement définis et d'objectifs. Il faudrait des objectifs clairs de réduction absolue et de réduction d'intensité, à moyen et à long terme, des activités et du financement.
On voit aussi qu'il y a une absence d'engagement pour que les dépenses en capital s'alignent sur un chemin où il serait crédible de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, comme le demande l'Accord de Paris.
Il faudrait aussi une explication quant à la façon dont les entreprises vont diversifier leur modèle d'affaires pour pouvoir se maintenir dans cette direction.
De la part des entreprises, mais aussi des banques, il faut que les attentes et les délais soient clairement définis dans toute planification qui se veut crédible. Il faut qu'on établisse des délais et qu'on sache à partir de quelle période aura lieu la réduction des investissements dans les secteurs très polluants.
Comme je l'ai déjà mentionné, il faut aussi adopter des stratégies afin d'imposer une échelle de sanctions allant jusqu'à l'exclusion du portefeuille si les entreprises se livrent à certaines activités qui les empêchent de s'engager fermement à réduire leur empreinte carbone ou si leurs pratiques ne vont pas en ce sens.
Je pourrais évidemment parler d'autres éléments, mais je vais conclure en disant que, pour le moment, il y a un manque de robustesse pour ce qui est des déclarations des institutions bancaires ainsi que du suivi qu'elles envisagent relativement aux entreprises clientes et...
:
Je peux vous en parler, bien sûr.
[Traduction]
Peut-être puis‑je répondre comme suit.
Nous devons nous intéresser à l'ambition des banques et aux chiffres qu'elles se donnent, mais nous devons aussi examiner la pratique au sein des organisations.
Comme vous le dites, plusieurs personnes sont membres du conseil d'administration d'une banque et d'une grande société.
[Français]
Je pense ici aux compagnies pétrolières et gazières.
[Traduction]
Cela freinera certainement l'ambition, car les gens portent deux chapeaux en même temps, ce qui n'est pas une bonne pratique. Ailleurs dans le monde, on ne peut pas occuper ces deux fonctions.
Voilà qui nous ramène à l'analyse du lobbying. Je pense que nous avons un problème au Canada.
[Français]
Nous avons de la difficulté à encadrer certaines pratiques de lobbying.
[Traduction]
Tous ces éléments, à mon avis, expliquent en grande partie pourquoi nous avons de la difficulté à avoir l'ambition que nous devrions avoir face à l'urgence de la situation.
Ma prochaine question s'adresse à M. Schein.
Je voulais poser une question sur la tarification du carbone dans le secteur industriel, ou les systèmes d'échange pour les grands émetteurs, et les systèmes de tarification fondés sur le rendement. Ce sont eux qui contribuent le plus à la réduction de nos émissions. D'ici 2030, c'est la politique qui sera la plus efficace pour réduire les émissions.
Le chef conservateur a évité de dire s'il annulerait ou non la tarification du carbone dans le secteur industriel, affirmant au Parlement qu'il n'y a pas de telle tarification, mais il existe manifestement une mesure fédérale de contrôle à cet égard.
Pouvez-vous nous parler de l'importance de maintenir et de renforcer la tarification du carbone dans le secteur industriel Canada?
C'est l'un des leviers les plus puissants que nous ayons vus jusqu'à présent pour progresser vers nos objectifs de 2030. Comme vous l'avez dit plus tôt aujourd'hui, nous n'en sommes pas tout à fait là où nous devrions être. Nous avons du chemin à parcourir pour atteindre notre objectif de 2030, mais la tarification du carbone dans le secteur industriel fait une grande partie du travail de fond nécessaire.
Je sais qu'un de vos témoins précédents, Jonathan Arnold, du Conseil canadien des innovateurs, a longuement traité de la question. Je vous renvoie à certaines recherches que le Conseil canadien des innovateurs a publiées à ce sujet. Cependant, les réductions d'émissions attribuables à la tarification du carbone dans le secteur industriel sont essentielles. Il est certain que nous avons besoin de clarté sur la voie à suivre d'ici 2030 et sur la teneur du régime de tarification au‑delà de 2030.
Aux quatre coins du monde, des pays font des progrès, et le Canada risque d'être laissé derrière si nous ne clarifions pas les choses et ne prenons pas d'engagements qui peuvent survivre à un Parlement ou à un parti politique.
Merci encore aux témoins qui comparaissent dans le deuxième groupe.
Nous avons écouté les échanges jusqu'à présent, et il semble y avoir une variété de points de vue, les gens semblant se préoccuper beaucoup du coût de mise en œuvre des mesures ou de la façon dont ce système sera conçu et mis en place. Ce système est absolument essentiel. Nous devons réfléchir à la façon de procéder, mais rien n'est encore complètement déployé.
En ce qui concerne ces questions ou ces préoccupations quant aux entreprises qui seront tenues de faire des vérifications, à ceux qui feront ces vérifications et à la manière dont on traitera les petites entreprises, dont nous savons qu'elles n'ont généralement pas les ressources ni la main-d'œuvre nécessaires pour entreprendre ces vérifications, je sais qu'il existe beaucoup d'options différentes. Il y a bien des manières de mettre ces mesures en place. Elles sont donc réellement importantes alors que nous mettons ces mesures en œuvre, mais je crains qu'on ne mette l'accent sur les coûts pour tenter de nous empêcher d'aller de l'avant avec ces mesures. On s'inquiète fort peu du coût qu'il y a à ne pas mettre ces mesures en place, tant du point de vue des affaires que parce que, comme vous venez de le souligner, monsieur Schein, les investisseurs exigent la taxonomie et nous risquons de perdre des investissements en capital.
Je me demande si vous pourriez parler brièvement du compromis et de la conciliation entre la mise en œuvre de la taxonomie, de la divulgation et des exigences de déclaration et la mise en place rentable et efficace de ce système. Expliquez-nous pourquoi c'est important, compte tenu de ce qui est à risque actuellement en ce qui concerne les flux de capitaux et, surtout, la pollution et les changements climatiques.
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Bien sûr. Je serais heureux de parler de deux éléments de la question.
Premièrement, sachez que dans le cadre de notre travail à SHARE, nous discutons régulièrement avec des sociétés cotées en bourse au Canada des risques liés au climat et aux autres « risques liés aux enjeux ESG ». Nous savons que les entreprises sont déjà bombardées de demandes pour faire des divulgations sur le climat et les enjeux ESG et doivent respecter toute une panoplie de normes différentes.
C'est ce que déplorent les secrétaires d'entreprise quand nous leur parlons. Elles peuvent faire la divulgation, mais elles voudraient que nous nous entendions sur un système pour qu'elles puissent faire un groupe de divulgations cohérentes. Voilà le coût qui les préoccupe: celui des doublons et les régimes de divulgation concurrents. C'est exactement la raison pour laquelle nous voulions élaborer une taxonomie canadienne et l'harmoniser aux normes qui émergent à l'échelle internationale. C'est, selon moi, l'élément clé.
Deuxièmement, nous savons qu'il y a malgré tout un prix à payer quand des investissements échappent au Canada et que malgré tout ce dont nous parlons ici, l'économie verte offre d'immenses possibilités, y compris 3 000 emplois à St. Thomas, en Ontario.
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Je vous remercie de la question.
Il y a eu beaucoup de réflexions là-dessus récemment, notamment en ce qui concerne la Loi sur la concurrence. On parle d'écoblanchiment quand des acteurs économiques, comme des banques ou des entreprises, mettent en avant des engagements ou des pratiques en utilisant des termes flous. Ceux-ci ne permettent pas, comme nous l'avons dit, de comparer ce que font les acteurs et de comprendre vraiment ce que cela inclut.
On recourt beaucoup à des notions comme « plan de transition », « investissement vert », « investissement responsable » ou « investissement éthique ». On ne sait pas ce qu'il y a derrière ces termes. Il s'agit d'un ensemble de libellés promotionnels qui s'avèrent trompeurs et qui ne permettent pas de comprendre l'ampleur du suivi des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Ces pratiques relèvent presque du domaine commercial. Tant qu'on n'a pas de règles du jeu claires pour tout le monde, il y aura encore des stratégies communicationnelles de type marketing n'ayant aucun impact.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je vous remercie infiniment d'être avec nous.
Madame Chipot, j'ai trouvé très intéressants les mots que vous avez employés. Vous avez notamment parlé de flou créatif. Un peu comme ma collègue Mme Pauzé, cela m'a fait sourire. Cela m'a rappelé exactement les mots qu'a employés le commissaire à l'environnement et au développement durable dans ses rapports, la semaine dernière. Il a dit: « En raison de ce manque de transparence, les responsabilités en matière de réduction des émissions sont restées floues. [...] Les organisations fédérales [...] éprouvaient des difficultés au moment d'assurer la mise en œuvre efficace de la plupart de ces mesures. »
J'aimerais avoir vos commentaires sur l'importance d'avoir des chiffres, des données et des éléments d'information justes, confirmés, pour prendre une décision sage et éclairée.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais commencer par une citation de Jim Leech, président du conseil consultatif de l'Institute for Sustainable Finance. Je vais l'abréger un peu, mais il a dit ceci: « La taxonomie des investissements climatiques est une étape nécessaire pour consolider la compétitivité du Canada [...]. Nous avons besoin de la clarté que procure ce cadre pour attirer des capitaux mondiaux [...]. »
Malgré le consensus écrasant des témoignages que nous avons entendus au Comité ces dernières semaines selon lesquels il s'agit d'une étape essentielle à nos ambitions financières et environnementales, des témoins et des témoignages conservateurs et de nombreuses questions des députés conservateurs mettent en doute l'importance d'une taxonomie et d'une divulgation ambitieuses. Ils laissent même entendre que ces mesures pourraient avoir un effet dévastateur sur les revenus et les emplois du secteur privé.
Je vais demander à chaque témoin de répondre à cette question. Selon votre avis d'expert, est‑il le moindrement possible que les coûts associés aux divulgations d'information sur la durabilité l'emportent sur les pertes de débouchés et l'éventuel fardeau de l'inaction à ce chapitre, compte tenu de l'orientation du monde?
Je vais commencer par Mme Walton.
Madame Walton, pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont les choses se passeraient? À l'heure actuelle, il y a des vérificateurs dans chaque entreprise. Il ne s'agit pas d'une pratique nouvelle ou inédite pour les entreprises qui doivent mesurer divers objectifs et aspirations. Nous avons déjà vu de nombreuses entreprises changer leur façon de faire des affaires.
Le président: Il est de retour.
M. Adam van Koeverden: M. Schein est de retour.
Toutes mes excuses, madame Walton. J'aimerais demander à M. Schein de répondre à la question précédente.
L'avez-vous entendue, monsieur Schein, ou dois‑je la répéter?
Il semble éprouver des difficultés techniques.