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Monsieur le président, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de notre rapport annuel sur les pétitions environnementales et de quatre audits de performance, déposés au Parlement le 7 novembre.
J'aimerais tout d'abord reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je suis accompagné de Kimberley Leach, Susan Gomez, James McKenzie, David Normand et Daniel Sipes, les directeurs principaux qui étaient responsables des rapports.
Les quatre audits parlent tous de l'importance de 2030, une année qui fait l'objet de bien des attentes.
[Français]
D'ici 2030, le Canada prévoit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005, freiner et inverser la perte de biodiversité au Canada, produire 90 % de l'électricité à partir de sources renouvelables et non émettrices, économiser 600 pétajoules d'énergie par année et atteindre les objectifs de développement durable établis dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies.
[Traduction]
Je vais commencer par parler de notre audit en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.
Dans cet audit, nous avons examiné les progrès du gouvernement dans la mise en œuvre de mesures d'atténuation des changements climatiques. C'est notre deuxième rapport en vertu de cette loi.
L'an dernier, nous nous sommes penchés sur le plan gouvernemental de réduction des émissions à l'horizon 2030 et avons conclu qu'il était insuffisant pour atteindre la cible canadienne de réduction, parce que l'on retardait certaines mesures clés ou ne leur accordait pas la priorité.
L'audit de cette année visait à évaluer les progrès réalisés jusqu'ici concernant 20 des 149 mesures prévues dans le plan et son rapport d'étape. En général, nous avons constaté que l'on mettait les mesures en place trop lentement et que les prévisions de réduction des émissions étaient trop optimistes.
[Français]
Nous avons également fait un suivi des progrès accomplis par les organisations fédérales dans la mise en œuvre des 41 recommandations issues de certains de nos audits sur le changement climatique depuis 2021. Nous avons constaté que, même si certaines recommandations avaient été mises en œuvre, les mesures prises par les organisations progressaient parfois lentement ou ne répondaient pas toujours pleinement aux préoccupations soulevées dans nos audits. C'est important parce que des mesures qui sont lentes à porter des fruits et qui manquent de pertinence nuisent à la capacité du Canada à atteindre ses cibles.
Nos travaux montrent que les enjeux deviennent de plus en plus importants chaque année et que les possibilités de réduire les émissions pour atteindre la cible de 2030 diminuent rapidement. Le gouvernement fédéral doit agir rapidement et résolument pour mettre en œuvre des mesures efficaces.
[Traduction]
Parlons maintenant de notre rapport sur les progrès des ministères dans la mise en oeuvre des stratégies de développement durable.
Nous avons évalué les progrès de quatre ministères pour atteindre deux cibles énergétiques: la production de 90 % de l'électricité au Canada à l'aide de sources propres; et la réduction de la consommation annuelle d'énergie de 600 pétajoules.
Nous avons constaté que les résultats étaient limités, que les progrès étaient lents et que pour la plupart, les rapports de Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada, de Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada ne montraient pas clairement comment leurs résultats favorisaient directement l'atteinte des cibles fédérales. Cette lacune ne donnait pas au gouvernement un portrait clair des progrès accomplis relativement à la production d'énergie propre et aux cibles d'efficacité énergétique.
À l'heure actuelle, plus de 82 % de l'électricité produite au Canada vient de sources renouvelables et non émettrices, tandis que la cible de 2030 s'élève à 90 %. C'est un écart important, et l'écart pour atteindre la cible d'efficacité énergétique est encore plus grand.
[Français]
Il est essentiel pour le Canada de produire plus d'énergie propre et d'améliorer l'efficacité énergétique pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En redoublant d'efforts pour atteindre ces deux cibles d'ici 2030, le Canada ferait preuve de leadership dans la lutte mondiale contre les changements climatiques.
Toujours sur le thème de la carboneutralité, notre prochain rapport examine la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques de Ressources naturelles Canada.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a alloué 3,8 milliards de dollars sur huit ans pour augmenter l'approvisionnement en minéraux provenant de sources responsables et durables.
Le Canada a besoin de ces ressources pour soutenir les technologies vertes, comme les batteries de véhicules électriques, les éoliennes et les panneaux solaires. Notre audit portait sur deux objectifs stratégiques: la protection de l'environnement; et la promotion de la réconciliation avec les peuples autochtones.
Nous avons conclu que Ressources naturelles Canada n'avait pas réalisé suffisamment d'analyses pour soupeser les avantages d'un approvisionnement accru en minéraux critiques au Canada par rapport aux effets potentiels sur l'environnement et les communautés autochtones. Même si ces ressources sont essentielles pour appuyer la transition vers une économie carboneutre, il faut être prudent et faire une bonne planification afin d'éviter les conséquences négatives pour le climat, la biodiversité et les communautés autochtones. Par exemple, une hausse des activités minières pourrait faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre, la pollution de l'eau et la perte d'habitats pour la faune.
[Français]
À l'avenir, Ressources naturelles Canada devra évaluer pleinement les risques et les répercussions de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques pour en optimiser les avantages et réduire les effets négatifs de l'augmentation des activités minières. Sinon, les progrès technologiques appuyant la transition vers une économie carboneutre pourraient être annulés par les effets néfastes sur le climat, la biodiversité, les collectivités autochtones et les générations futures.
Passons maintenant à notre audit du soutien apporté par Environnement et Changement climatique Canada aux évaluations et aux réévaluations de la situation des plantes et des animaux en voie de disparition.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a la responsabilité d'effectuer ces évaluations aux termes de la Loi sur les espèces en péril. Selon cette loi, Environnement et Changement climatique Canada doit fournir au Comité le soutien nécessaire sur les plans financier, administratif et technique pour exercer ces fonctions.
[Traduction]
Nous avons constaté qu'en 2023‑2024, le ministère a établi une cible visant à ne soutenir que 60 évaluations et réévaluations par année, sans analyse officielle pour appuyer cette décision. Même avec cette cible, le ministère n'a pas fourni au Comité le soutien nécessaire pour remplir les 60 évaluations. C'est important, parce que l'évaluation du statut des espèces en péril par le comité constitue une première étape essentielle pour les protéger et les rétablir.
Avec la limite annuelle de 60 évaluations et réévaluations d'Environnement et Changement climatique Canada, le Comité aurait besoin de près de 30 ans pour évaluer les espèces prioritaires et plus de 100 ans pour évaluer celles qui sont potentiellement en péril. La limite du ministère empêche aussi le comité garder le rythme pour les réévaluations, qui doivent suivre un cycle de 10 ans pour toutes les espèces en péril aux termes de la loi.
[Français]
Étant donné l'ampleur de la crise mondiale de la biodiversité, le rythme actuel des évaluations et des réévaluations complique la tâche du Canada lorsqu'il s'agit de protéger les plantes et les animaux afin d'éviter qu'ils ne disparaissent en raison de l'activité humaine.
Pour conclure, je souhaite réitérer que le temps presse et que le Canada progresse beaucoup trop lentement. Il sera bientôt trop tard pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. La gravité et la fréquence des feux de forêt intenses, des vagues de chaleur, des orages violents et des inondations augmentent, et ces événements ont une incidence sur toute la population, partout dans le monde.
[Traduction]
Les actions et l'inaction du Canada influencent plus que le présent et l'avenir des Canadiens. Notre pays joue un rôle très important pour relever les défis mondiaux du développement durable, des changements climatiques et de la perte de biodiversité. Le Canada doit se mettre au travail et mettre l'épaule à la roue.
Monsieur le président, cela conclut mon exposé.
Nous serons ravis de répondre aux questions du Comité.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous cet après-midi et de répondre à nos questions.
Selon le Bloc québécois, la semaine du 4 novembre s'est révélée bien mauvaise pour le gouvernement. Ce dernier a fixé le plafond des émissions, mais il a dit la même chose qu'il y a un an, et il en a été de même en ce qui a trait à ses rapports. Nous avons l'impression de ne pas vraiment avancer, alors qu'il est urgent d'agir sur le plan climatique.
Je parlerai surtout du rapport 7 concernant la carboneutralité. Il confirme ce que le Bloc québécois dit, à savoir que le Canada se dirige vers un échec sur le plan climatique en 2030 et que le pays ne relèvera pas le défi en raison des nombreux retards dans la mise en œuvre des principales mesures climatiques annoncées.
Il reste six ans au Canada pour atteindre une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % d'ici 2030. Cela veut dire que, si on n'en demande pas suffisamment au secteur pétrolier et gazier, on en demandera énormément aux autres entreprises.
Monsieur DeMarco, l'an passé, vous avez sonné l'alarme dans votre rapport. Cependant, il me semble que vos recommandations sont semblables à celles de l'an dernier. Le gouvernement vous a-t-il écouté? Quelles sont les mesures à prendre? Je fais ce parallèle avec le plafonnement des émissions, car il y avait le début d'un plan pour ce plafonnement l'an dernier, mais, un an plus tard, cela n'a pas progressé.
Dans le tableau de la page 46 de votre rapport, il y a un signe indiquant qu'il y a des obstacles importants à la mise en œuvre des mesures de plafonnement des émissions du secteur du pétrole et du gaz. On peut lire ce qui suit:
Respect des délais de mise en œuvre — La mesure a été retardée. Elle a été proposée en 2021 et la conception du règlement devait être achevée au début de 2023. Toutefois, la conception du règlement n'a pas été publiée avant décembre 2023. Le projet de règlement était prévu au départ pour décembre 2023, mais n'a pas encore été publié. [...]
Le Bloc québécois appuie cette mesure sur le plafonnement des émissions, mais il faut la mettre en œuvre rapidement si nous voulons qu'elle soit efficace.
Monsieur le commissaire, vous avez examiné 20 mesures prévues dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 du ministère de l'Environnement et du Changement climatique. Ce qui en ressort, c'est que des mesures sont mises en place, et elles contribuent à l'amélioration de la situation, mais cela se fait beaucoup trop lentement. De plus, les estimations quant à la réduction des émissions sont souvent trop optimistes. Je dois dire que cela ressemble à ce qui a été dit il y a un an.
Vous dites aussi que les mesures prises en réponse à vos recommandations ne sont pas mises en œuvre en temps opportun ou que les organisations n'y donnent pas suite. Sachez que la Chambre vous fait entièrement confiance pour l'aider à assurer le suivi et l'analyse des politiques du gouvernement. Votre aide et vos rapports sont inestimables.
Cela dit, avez-vous l'impression que les gens les lisent, ces rapports, et que le gouvernement sera proactif quant à vos recommandations?
Parlons maintenant du Règlement sur l'électricité propre, qui découle d'une autre mesure névralgique de la politique canadienne visant à lutter contre les changements climatiques. Dans le Rapport 7, on affirme que cette mesure connaît des difficultés et qu'il y a des retards.
On sait que, au Québec, 99 % de l'électricité produite est renouvelable. Par contre, au Canada, on produit encore de l'électricité à partir de gaz naturel, de pétrole et de charbon. Je prends pour exemple la Saskatchewan, où 86 % de l'électricité provient de combustibles fossiles, soit 44 %, du gaz naturel, 41 %, du charbon et une petite quantité, du pétrole.
J'étais présente à la Conférence des Parties, ou COP, portant sur le climat quand la ministre de l'époque, Mme Catherine McKenna, avait commencé l'abandon graduel du charbon. On dirait qu'il y a là un échec pour le Canada. Non seulement on brûle encore du charbon pour produire de l'électricité, mais on en exporte, semble-t-il. On demande depuis longtemps au gouvernement d'accélérer le rythme.
Monsieur le commissaire, ne serait-il pas plus facile d'atteindre la cible de réduction de 2030 et la carboneutralité si le Canada arrêtait de brûler du charbon et adoptait les énergies renouvelables?
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nouveau, monsieur le commissaire.
Merci à mes collègues de me permettre de siéger ici au nom de ma collègue, .
J'étais à la réunion, monsieur le commissaire, où vous avez présenté votre rapport sur le plan de réduction des émissions. À la lecture de ce rapport, on dirait un peu que c'est le jour de la marmotte. On y trouve bon nombre des mêmes constats ou de constats semblables sur le manque de progrès et la lenteur du changement.
Pour quelqu'un qui veut voir... Bien souvent, dans l'opposition, on sent que les gens ne souhaitent pas nécessairement que le gouvernement connaisse du succès, parce qu'ils voudraient le remplacer. Mais dans le cas présent, je pense que tout le monde devrait souhaiter ardemment que le Canada atteigne ses cibles et règle cet enjeu majeur qui représente une énorme menace pour notre avenir.
J'aimerais vous poser une question pour comparer votre rapport sur le plan de réduction des émissions et ses constats à votre rapport d'aujourd'hui. Qu'est‑ce qui a changé entre ces deux rapports?
Diriez‑vous que le gouvernement a pris au sérieux vos recommandations contenues dans le rapport sur la réduction des émissions et a agi avec un sentiment d'urgence pour recevoir un pronostic différent à votre retour devant le comité de l'environnement?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence cet après-midi et du travail consciencieux qu'ils ont accompli dans le cadre de la dernière série d'audits.
Monsieur le commissaire, j'aimerais commencer par vous.
Dans le rapport 7, vous avez fait un certain nombre de déclarations inquiétantes sur les objectifs de réduction des émissions du gouvernement. Vous avez dit que son plan « reste insuffisan[t] pour permettre au Canada d'atteindre sa cible »; que le Canada était « le membre le moins performant des pays du [G7] »; que ses « mesures étaient souvent trop optimistes »; que dans le plan, il y avait des « renseignements manquants et incohérents », etc.
À la lumière des constatations que vous avez présentées dans le rapport 7, j'aimerais vous lire une série de déclarations. Je me demande si vous pouvez dire au Comité si elles sont exactes ou non.
Le 6 mai, à la Chambre des communes, le a déclaré: « pour la première fois dans l'histoire du Canada, nous sommes en voie d'atteindre nos cibles [de réduction des émissions] de 2026 et de 2030 ».
Monsieur le commissaire, diriez-vous que cette déclaration est exacte ou inexacte?
Bonjour, monsieur le commissaire.
[Traduction]
Je veux me concentrer sur le droit et déterminer rapidement si la structure du projet de loi et la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité contribuent au problème. Cela nous ramène à ce que disait M. Bachrach au sujet des échéanciers. Si c'est en dehors de ce que vous avez étudié, arrêtez-moi, tout simplement.
Environ 60 pays dans le monde se sont dotés de lois sur la responsabilité climatique. Je dirais que le pays qui a connu le plus de succès a probablement été le premier: le Royaume-Uni. Il a adopté une loi sur la responsabilité climatique en 2008, et sa première année jalon a été cinq ans plus tard, en 2013. Il y a des années jalons au même intervalle — cinq ans après la mise en œuvre. En Nouvelle-Zélande, l'année jalon a été cinq ans après la mise en œuvre, tout comme en Irlande et en Allemagne. Je pense que le Canada est le seul pays au monde à avoir prévu sa première année jalon si loin de l'année d'adoption.
Encore une fois, en ce qui concerne l'horizon politique, est‑ce que votre bureau ou un membre de votre équipe a considéré qu'il s'agissait d'un problème fondamental en matière de reddition de comptes? En effet, nous avons — pour des raisons délibérées et politiques — prévu une très longue période entre le premier critère de reddition de comptes et les décideurs politiques qui ont adopté la loi.
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Je crois que cette question s'adresse à moi, qui représente Environnement et Changement climatique Canada.
Voici comment j'aborderais cette question, monsieur le président.
Premièrement, je conviens tout à fait que le commissaire a cerné, dans ce rapport, un certain nombre de mesures qui connaissent des retards. En fait, le commissaire a également déterminé que certaines des causes des retards sont les répercussions liées à la pluralité des administrations. Il faudra du temps pour mettre en place un solide processus d'élaboration de la réglementation. Il faudra des négociations, des discussions et des consultations avec les provinces, les territoires et les Canadiens. Par conséquent, nous reconnaissons pleinement que, même si nous voulons agir rapidement, il ne revient pas toujours au gouvernement fédéral de déterminer le rythme auquel certains projets de réglementation sont entrepris.
Cela dit, nous comprenons également que des circonstances régionales nous demanderaient de peaufiner les instruments réglementaires en consultant les Canadiens et les parties concernées. Le résultat pourrait être plus ou moins strict que ce qui était prévu. Le rythme pourrait être plus rapide ou plus lent, selon le marché, le secteur et la participation.
Troisièmement, pour ce qui est de savoir si certaines de ces améliorations seraient prises en compte, conformément à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le Canada est tenu de déposer un rapport d'étape en 2023, 2025 et 2027. Pour...