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Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la cinquième réunion du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes durant cette 44
e législature.
Je m'adresse aux témoins — car les membres du Comité le savent déjà —, je vous demande de bien vouloir couper vos microphones, sauf si vous parlez au Comité. Quand vous avez fini de parler, qu'il s'agisse de vos observations préliminaires ou d'une réponse à une question, éteignez de nouveau votre micro.
Pour les personnes qui se trouvent dans la salle, sachez que nous maintenons deux mètres de distanciation physique et que nous portons un masque quand nous circulons. Il y a du désinfectant pour les mains à votre disposition dans la salle, ainsi que des lingettes et ainsi de suite.
Avant de commencer, je demanderai aux membres du Comité s'ils sont d'accord pour adopter le rapport du Sous-comité.
Des députés: D'accord.
Le président: On dirait que c'est d'accord. Fantastique. Le rapport du Sous-comité est adopté.
Aujourd'hui, nous prolongerons notre réunion jusqu'à 11 h 30 environ en raison du vote. Nous avons deux groupes. Nous avons trois témoins dans le premier. Je leur demande de faire attention au temps. Vous disposez de cinq minutes, mais si vous faites plus court, moi-même et d'autres membres du Comité vous en serons très reconnaissants.
Nous avons aujourd'hui avec nous, à titre personnel, M. Thomas Isaacs, qui est consultant en Californie. Il paraît, monsieur Isaacs, que la température à Ottawa est la même qu'en Californie, ou prenons-nous nos rêves pour des réalités? Je crois que nous rêvons. Il fait très froid aujourd'hui dans la deuxième capitale la plus froide du monde.
Nous avons également, de Bruce Power, James Scongack, dirigeant principal du développement et vice-président exécutif, Opérations. Du Regroupement pour la surveillance du nucléaire, nous avons M. Gordon Edwards, qui est président de la coalition.
Nous allons commencer par vous, monsieur Isaacs. Vous disposez de cinq minutes. Je vous en prie.
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Je vous remercie. C'est un plaisir d'être ici.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de participer à ce groupe sur la gouvernance des déchets nucléaires au Canada. J'essaierai d'être bref.
Je m'appelle Tom Isaacs et je suis un citoyen des États-Unis qui vit sous le soleil de la Californie. J'ai travaillé sur un programme de gestion des déchets de combustible nucléaire au département de l'Énergie américain pendant de nombreuses années et j'ai eu l'occasion de travailler avec des programmes de même nature dans d'autres pays et de les conseiller, y compris la Société de gestion des déchets nucléaires, la SGDN, au Canada.
Il y a presque 20 ans, je faisais partie de la première équipe chargée par la SGDN de cerner et d'évaluer les options concernant les plans du Canada pour la gestion des déchets de combustible nucléaire, et j'ai conseillé la SGDN à plusieurs autres occasions. Je me suis également rendu dans plusieurs collectivités qui se sont déclarées intéressées par l'idée d'accueillir un site de déchets nucléaires, surtout pour les informer de ce que je sais des programmes de même nature dans d'autres pays. Je préside actuellement le groupe d’examen pour la sélection d’un site de la SGDN afin d'assurer la surveillance et d'offrir des conseils sur la pertinence et l'équité de son processus de sélection finale du site du dépôt.
En 2010, les États-Unis ont mis fin à leur programme de gestion des déchets nucléaires et créé la Blue Ribbon Commission sur l'avenir du nucléaire aux États-Unis chargée de formuler des recommandations pour relancer un programme américain qui ait de meilleures chances de succès. J'étais conseiller principal pour le rapport de cette commission et nombre de ses recommandations correspondaient à ce que nous considérions comme étant des pratiques exemplaires adoptées dans des endroits comme le Canada ou encore la Finlande et la Suède.
Je suis fermement convaincu que tous les pays qui comptent l'énergie nucléaire parmi leurs sources d'énergie doivent se préparer à l'élimination finale du combustible usé qui en résulte. Cette génération à l'obligation de fournir des solutions pour ce combustible usé et de ne pas laisser ce fardeau aux générations futures. Je suis heureux que la SGDN joue un rôle actif dans le respect de cette obligation pour le Canada.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à toute question.
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Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir comparaître devant le Comité aujourd'hui.
J'ai quelques éléments à mentionner dans mes observations préliminaires, mais avant cela, je tiens à souligner que je m'exprime aujourd'hui depuis les territoires ancestraux de la nation Saugeen Ojibwa et les territoires de récolte ancestraux de la nation métisse de l'Ontario et de la collectivité métisse historique de Saugeen. Les installations de Bruce Power se trouvent sur ces territoires ancestraux.
Je préside le Conseil canadien des isotopes nucléaires, coalition de plus de 70 organisations canadiennes qui entendent affirmer le rôle historique du Canada en tant que producteur, développeur et exportateur d'isotopes médicaux qui sauvent des vies et qui sont utilisés dans la stérilisation de matériel médical et d'équipement de protection individuelle, ainsi que dans le processus de production et de fabrication de vaccins et dans le diagnostic et de traitement du cancer.
Depuis des générations, le Canada est un chef de file mondial dans ce domaine, et je sais que le Comité s'y intéresse aussi. Je suis donc impatient de discuter aujourd'hui du rôle de « superpuissance en matière d'isotopes » du Canada.
L'organisation pour laquelle je travaille est un des principaux fournisseurs mondiaux de cobalt‑60. Rien que le mois dernier, nous avons récolté assez de cobalt‑60 pour stériliser 10 milliards de paires de gants médicaux et d'écouvillons utilisés dans le cadre de la pandémie de COVID dans le monde entier. Le Canada occupe cette position de chef de file.
Dernièrement, nous avons aussi installé un nouveau système sur nos réacteurs CANDU canadiens pour produire un isotope appelé Lutetium-177 qui est utilisé pour traiter des tumeurs neuroendocrines dans le cancer du cerveau. Ce projet a également ceci de particulier que nous y sommes associés avec la nation Saugeen Ojibway dans le cadre d'une initiative appelée « Fighting Cancer Together ».
Pourquoi est‑ce que je commence par là? Parce que ce dont nous parlons réellement au Comité et généralement dans cette discussion, c'est des sous-produits de la production d'isotopes médicaux ou des sous-produits de la production d'énergie nucléaire. Si notre société veut combattre les changements climatiques, il lui faut une source d'énergie propre dans sa boîte à outils.
Ici, en Ontario, une des choses dont nous sommes immensément fiers en tant que province, c'est la démolition, que vous avez peut-être vue ce week-end, de notre dernière centrale au charbon. Vous savez, si beaucoup de gens parlent des changements climatiques, ils sont moins nombreux à vraiment agir en la matière. Ce ne sont pas des documents d'orientation, mais de vraies mesures qui sont prises dans la réalité pour réduire les émissions. Nous pouvez regarder ce que nous avons fait ici, en Ontario, pour réduire progressivement la consommation d'électricité produite par des centrales au charbon. C'est une des plus grandes initiatives de réduction des émissions dans le monde liées à la lutte contre les changements climatiques. En tout, 70 % de l'énergie nécessaire pour remplacer celle produite au charbon en Ontario venait du parc nucléaire de Bruce Power.
Pourquoi est‑ce que je dis cela? Parce que, quand nous nous penchons sur les sous-produits de la production d'énergie nucléaire ou d'isotopes médicaux, nous devons le faire d'un point de vue plus général. On dit souvent, et j'aime à le répéter, qu'on ne devrait idolâtrer ou diaboliser aucune source d'énergie. Si nous voulons combattre les changements climatiques, si nous voulons relever des défis sociétaux et de politique publique parmi les plus importants qui soient, nous devons examiner nos différentes sources d'énergie et composer le bon panier.
Lorsqu'on examine les sources d'énergie pour composer le bon panier, il faut notamment penser à la gestion des sous-produits de la production d'énergie nucléaire et de la production d'isotopes médicaux. Nous avons au Canada un plan qui est financé et bien géré, et je peux vous dire que sur un site, dans le cas de Bruce Power, nous consacrons énormément de temps, d'efforts et d'innovation à réduire la quantité de déchets que nous produisons.
Nous adoptons une approche qui consiste à réduire, réutiliser et recycler. Or, le Comité se penche un autre système d'élimination des déchets, nous devons l'examiner comme nous le faisons quand nous apprenons à nos jeunes enfants comment utiliser la caisse de recyclage bleue. Pour toute industrie qui a un sous-produit, la première chose à se demander, c'est comment en réduire la quantité. La deuxième chose, c'est de voir comment le réutiliser ou le recycler et, ensuite, comment éliminer en toute sécurité ce qui reste du sous-produit en fin de compte.
J'ai travaillé toute ma carrière dans le secteur nucléaire et je suis très fier du fait que nous sommes un des rares secteurs d'activité à avoir ce plan. Comme l'a dit l'intervenant précédent, beaucoup de pays n'ont pas bien fait les choses, des pays où la politique intervient toujours dans cet espace. Nous avons au Canada un plan qui est bien défini et bien financé, et le moment est venu de le mettre en oeuvre en utilisant les processus en place.
Je suis immensément fier du travail accompli par notre secteur, et je répondrai volontiers aux questions des membres du comité aujourd'hui.
Monsieur le président, je vous remercie encore de l'invitation à comparaître devant le Comité.
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Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler aux parlementaires de la gouvernance des déchets nucléaires au Canada. Le Parlement ne devrait plus être exclu des débats sur le nucléaire. La participation parlementaire sera extrêmement importante à l'avenir, car l'ère des déchets nucléaires ne fait que commencer et elle durera des centaines de milliers d'années. Votre surveillance est nécessaire à la protection de l'intérêt public pendant les milliers d'années à venir.
Le Parlement a la responsabilité ultime de veiller à ce que les fonds publics soient dépensés correctement et ne soient pas gaspillés, et à ce que la santé et la sécurité des Canadiens ainsi que l'environnement, soient bien protégés. Il n'y a aucune garantie que ces objectifs seront atteints, étant donné l'horizon temporel, si l'industrie qui a créé les déchets est, en fait, la seule habilitée à s'en charger.
L'industrie a un sérieux conflit d'intérêts. Elle considère les déchets nucléaires comme un problème de relations publiques majeur, un obstacle. Elle ne veut pas se débarrasser des déchets et les oublier, mais elle le ferait si elle le pouvait. C'est toutefois impossible, car la radioactivité est une forme d'énergie nucléaire qu'on ne peut éteindre, alors elle la minimise. Elle a d'autres chats à fouetter. Il est manifeste, à voir la dernière audience de la commission et celle‑ci aussi, que les porte-parole de l'industrie souhaitent plus chanter les louanges de l'énergie nucléaire et vendre l'idée de nouveaux réacteurs que dire quoi que ce soit d'utile sur les déchets nucléaires.
Pendant les 30 premières années de l'ère nucléaire, les dirigeants politiques et le public ne savaient même pas que les déchets nucléaires existaient, car l'industrie présentait la technologie comme parfaitement propre et sûre. Maintenant, elle nous dit que c'est comme une boîte bleue. On se croirait dans une sorte de distorsion temporelle, car les nouveaux réacteurs nucléaires sont promus sans aucune discussion sur les déchets radioactifs qu'ils créeront. La SGDN n'a pas non plus l'habitude de dire toute la vérité sur les déchets radioactifs.
Sans une bonne gouvernance, le coût de la gestion des déchets radioactifs va grimper en flèche. On estime à présent que la décontamination des sites de Hanford, dans l'État de Washington, et de Sellafield, en Angleterre, à plus de 100 milliards de dollars canadiens chacun. Ici, au Canada, la négligence à Chalk River et à Port Hope a entraîné une obligation de réparer fédérale liée aux déchets radioactifs de plus de 16 milliards de dollars. Depuis qu'un consortium de sociétés multinationales a repris les choses en main en 2015, sous l'égide de la société d'État EACL, le coût du programme fédéral de gestion des déchets a quadruplé, passant de moins de 1 milliard de dollars dans les six années avant le consortium à plus de 4 milliards dans les six années suivantes.
Il incombe certainement au Parlement de surveiller ces dépenses et d'insister sur la nécessité d'une reddition de comptes adéquate. N'oubliez pas que certaines des sociétés qui dirigent le consortium — SNC-Lavalin, Fluor et Jacobs — ont des antécédents douteux incluant fraude, corruption et dons politiques illégaux.
Le consortium préfère des méthodes rapides et polluantes. Il prévoit de stocker un million de tonnes de déchets radioactifs dans une décharge à ciel ouvert située à moins d'un kilomètre de la rivière des Outaouais, et ce malgré l'opposition de plus de 140 municipalités situées en aval, dont l'agglomération de Montréal. Il prévoit également enfouir, juste à côté de grandes rivières, les carcasses hautement radioactives de deux réacteurs désaffectés, au lieu de les démanteler, comme cela était proposé à l'origine et comme l'avait approuvé la CCSN. Ces trois projets sont présentés au mépris des fermes mises en garde émises par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
La gestion des déchets radioactifs est une question non partisane. Peu importe l'appartenance politique ou qu'on soit pour ou contre l'énergie nucléaire, nous sommes tous dans le même bateau. Nous devons faire de notre mieux pour empêcher que ces dangereux poisons radioactifs ne se retrouvent jamais dans l'environnement d'êtres vivants.
Voici quelques mesures que le Parlement peut prendre. Premièrement, nous avons besoin d'une agence de gestion des déchets nucléaires et de déclassement qui soit indépendante de l'industrie et des organismes qui font la promotion de l'industrie, comme RNCan. C'était une recommandation unanime de la commission Seaborn après un processus d'évaluation environnementale de dix ans. L'agence de gestion des déchets devrait remettre régulièrement des rapports au Parlement, pas seulement au ministre.
Deuxièmement, la CCSN, notre organisme de réglementation du nucléaire, ne devrait pas relever du ministre des Ressources naturelles, mais d'Environnement Canada. On remédierait ainsi à une situation fâcheuse où les décisions de la CCSN semblent dictées par l'industrie qu'elle réglemente. La CCSN devrait aussi remettre des rapports directement au Parlement, et ce régulièrement.
Troisièmement, l'amnésie est une mauvaise politique. Patrimoine canadien devrait dorénavant archiver des dossiers complets sur l'héritage radioactif que nous laissons aux générations futures. L'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE en souligne la nécessité depuis plus d'une dizaine d'années, mais le Canada ne le fait pas encore.
Quatrièmement, le retraitement du combustible nucléaire usé pour en extraire le plutonium devrait être interdit. Il complique la gestion des déchets et marque une étape dangereuse vers la prolifération des armes nucléaires.
Cinquièmement, le Parlement devrait envisager sérieusement l'intendance perpétuelle, qui est une solution de rechange à l'abandon. L'abandon est irresponsable. Trois dépôts définitifs de déchets nucléaires ont connu des échecs jusqu'à présent.
Enfin, l'extraction de l'uranium au Canada nous laisse actuellement 218 millions de tonnes de sable radioactif qui doivent être gardées hors de l'environnement pendant au moins un million d'années. Une initiative parlementaire est nécessaire pour maintenir ces déchets d'uranium à l'ordre du jour politique.
Mesdames et messieurs les parlementaires, les Canadiens ont besoin de votre aide.
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Je peux vous dire comment je vois les choses en général. J'ai souvent dit que, selon moi, trois choses sont importantes pour qu'une collectivité ait la confiance nécessaire pour s'engager dans ce genre de projet.
Premièrement, elle doit croire que la partie à qui elle a affaire est compétente et a des antécédents qui le prouvent. Il ne suffit toutefois pas d'être compétent.
Deuxièmement, elle doit croire que lorsqu'une partie, qu'il s'agisse de la SGDN ou d'une autre organisation, prend des décisions, elle le fait en ayant à l'esprit l'intérêt de la collectivité et qu'elle prend les décisions de concert avec elle.
Troisièmement, et c'est très important, elle doit écouter, puis répondre. Il ne suffit pas à une organisation ou à quelqu'un de dire, « Je comprends vos inquiétudes, mais faites-moi confiance. Je suis scientifique. Je suis le mieux placé pour décider. » Si une collectivité a des questions ou des préoccupations, il faut y apporter des réponses.
Pour répondre à votre question, la SGDN ou n'importe quelle organisation aidera les collectivités autochtones ou autres en travaillant de concert avec elles pour nouer une relation fondée sur la confiance, le partenariat et l'entente. Les collectivités elles-mêmes doivent décider de l'avenir qu'elles veulent. C'est ensuite le rôle de la SGDN, selon moi, de travailler en étroite collaboration et continuellement avec la collectivité pour l'aider à concrétiser sa vision de son propre avenir. Qu'il s'agisse de plus de fonds, plus d'éducation, plus de services publics, quoi que ce soit dont la collectivité pense avoir besoin — des débouchés pour que les jeunes veuillent rester sur place, quoi que ce soit —, la SGDN doit faire preuve de souplesse et savoir d'adapter pour essayer de se mettre au diapason des souhaits de la collectivité et de ce qu'elle considère important pour son avenir.
Je vais poursuivre sur la dernière question, et probablement dans le même ordre, monsieur Isaacs, si vous ne voyez pas d'inconvénient à répondre le premier.
Je comprends assurément les relations avec les collectivités autochtones fondées sur la confiance et le partenariat, l'entente et la collaboration, mais pour être un peu plus précis, dans la lettre de mandat de 2021 du , il est demandé au ministre d'obtenir des résultats en ce qui concerne l'engagement suivant:
Reconnaître le « droit à un environnement sain » dans la loi fédérale. Présenter des mesures législatives en vue d'exiger l'élaboration d'une stratégie de justice environnementale et l'examen des liens entre l'origine ethnique, la situation socioéconomique et l'exposition aux risques environnementaux.
Cette stratégie étant à l'étude, pourriez-vous parler plus précisément des problèmes de stockage de déchets nucléaires sur des terres appartenant aux Autochtones?
J'habite à côté de la collectivité visée par ce processus actuellement, et je crois fermement qu'il faut bien décortiquer le processus, expliquer comment la population est mobilisée et comment on répond à ces questions.
Le plus important, et de loin, est de comprendre que la SGDN n'a pas encore arrêté son choix sur un site. Elle mène ce processus pour trouver une collectivité disposée à accueillir un site. Des collectivités autochtones et non autochtones comptent parmi les candidates. Bref, un dialogue est en cours.
Quand la SGDN aura arrêté son choix, le site fera l'objet d'un processus d'évaluation d'impact, qui s'étendra sur plusieurs années et qui portera sur les aspects socioéconomiques et environnementaux, sur la sécurité, la communauté... Tous ces aspects feront l'objet d'une étude pluriannuelle. Une fois l'étude terminée, la SGDN enclenchera un processus de demande d'autorisation à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Elle doit obtenir un permis pour mettre le projet en chantier, mais également pour exploiter l'installation. Ce processus comporte aussi beaucoup de cases à cocher.
C'est une très bonne question, parce que ce serait une erreur de nous borner à la décision. Il faut plutôt y voir une première étape, qui lance le dialogue en vue de trouver une collectivité disposée à accueillir un site, en n'oubliant pas les nombreuses obligations redditionnelles en matière de sûreté, de protection de l'environnement et de mobilisation de la population. Ce n'est pas un processus ponctuel, loin de là.
Mon employeur exploite une centrale nucléaire qui a été bâtie il y a plus de 30 ou 40 ans, et je peux vous affirmer que c'est encore ce que nous faisons aujourd'hui. Nous devons encore gagner la confiance de la population, qui je crois est un des grands enjeux dans ce débat.
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À mon avis, le principe du pollueur-payeur est très important. Le pollueur devrait payer et il ne devrait peut-être pas être aux commandes. Il ne devrait pas conduire l'autobus. Quelqu'un d'autre, qui se préoccupe uniquement de la santé et du bien-être des citoyens canadiens et de l'environnement au Canada... C'est cette personne qui devrait être aux commandes.
Oui, le pollueur devrait payer. Et il ne devrait pas s'en tirer à bon compte en déterminant lui-même ce qu'il doit payer, mais lui demander de payer ce qu'il en coûte pour protéger l'environnement et la population.
Par exemple, même si ces messieurs nous parlent aujourd'hui d'un seul type de déchets de combustible, c'est‑à‑dire le combustible radioactif provenant d'un réacteur nucléaire, il existe d'autres types de déchets de faible et de moyenne activité. L'extraction de l'uranium a produit 218 millions de tonnes de déchets radioactifs au Canada. Il faudra s'occuper de tous ces déchets... Il faudra dépenser des fortunes pour les traiter, mais si nous demandons aujourd'hui le juste prix aux personnes qui ont les bonnes intentions, nous irons dans la bonne direction.
Je vais vous donner un exemple. Quand ils parlent de la construction d'un dépôt de déchets radioactifs à Chalk River qui aura cinq ou six étages et qui durera éternellement, comment les générations qui nous suivront pourront-elles entreprendre de le réparer quand il commencera à se détériorer? Il serait beaucoup mieux de bien emballer ces déchets et de les étiqueter d'une manière qui permettra de les remballer et de les étiqueter de nouveau au fil du temps, en prenant soin de consigner des renseignements détaillés et de les archiver pour que les générations futures puissent les consulter et sachent à quels problèmes elles font face.
Nous avons eu de nombreux exemples de déchets enfouis qui, une fois qu'on a commencé à les déterrer, ont causé la surprise parce que personne ne savait exactement ce qui avait été enfoui. C'est ce qui se passe à Port Hope actuellement.
Un processus bâclé entraîne tôt ou tard une facture plus salée.
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Les deux questions sont très importantes.
Le conflit d'intérêts vient notamment... Je vais vous donner un exemple qui vient d'un autre pays, l'Allemagne, où l'industrie utilisait la mine de sel Asse II comme dépôt souterrain de déchets de faible ou de moyenne activité. Il s'en est écoulé des substances radioactives toxiques dans les eaux souterraines et de surface pendant plus de 10 ans avant que quelqu'un sonne l'alarme, à cause d'un conflit d'intérêts. On ne voulait pas salir la réputation de l'industrie en révélant que le dépôt était un échec. Il en coûte actuellement 5,7 milliards de dollars au gouvernement allemand pour ramener les déchets radioactifs du dépôt à la surface, une opération aussi dangereuse que coûteuse.
Ce conflit d'intérêts illustre parfaitement l'importance de s'en remettre à des personnes qui se préoccupent seulement de la santé et de la sécurité de l'environnement plutôt qu'à des personnes qui défendent les intérêts de l'industrie nucléaire. Nous devons non seulement éviter les conflits d'intérêts réels, mais aussi toute apparence de conflit d'intérêts. Tant que nous persisterons à exiger que des comptes soient rendus seulement au ministre chargé de promouvoir l'exploitation de l'uranium et l'expansion du secteur nucléaire, le , nous serons en mauvaise posture.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Edwards.
Ce qui me préoccupe au premier chef est l'indépendance de l'organisme de réglementation mais, avant d'aborder ce sujet, je vais donner suite à quelques questions posées par Mme Pauzé.
Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé de la Commission Seaborn, qui a recommandé à l'unanimité que le Canada crée un organisme indépendant responsable de la gestion des déchets radioactifs en 1998. À l'époque, le gouvernement libéral a ignoré cette recommandation et il a créé la Société de gestion des déchets nucléaires.
J'aurais aimé que vous fassiez partie du groupe de témoins précédent. J'ai demandé à sa présidente et chef de la direction si la Commission canadienne de sûreté nucléaire devrait relever du plutôt que du , pour réduire le risque de conflit d'intérêts. J'ai été surprise de l'entendre répondre par un non catégorique. Je me serais attendue à ce genre de réponse de la part d'une personne qui aurait avantage à maintenir ce conflit d'intérêts.
Que pensez-vous du fait qu'elle a dit que ce n'était pas nécessaire?
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Ce qui me perturbe particulièrement, c'est que le Parlement n'a jamais eu son mot à dire dans le débat sur le nucléaire. L'exploitation des installations nucléaires va son petit bonhomme de chemin comme s'il y avait un État dans l'État, comme si personne n'avait de comptes à rendre au Parlement. C'est contraire à ce qui devrait normalement se passer dans une société saine, à plus forte raison quand il est question de déchets radioactifs. La sûreté nucléaire... L'industrie a tout intérêt à s'assurer que les réacteurs sont sûrs, pour sa propre protection et pour celle de tous.
Quand on parle de déchets radioactifs, il faut se rappeler que ce sont les générations futures qui porteront le fardeau. Soit dit en passant, l'industrie ne sera pas toujours là et ce sont les générations futures qui écoperont. Nous devons penser à ce legs et nous préparer dès maintenant en conséquence. Il faut réfléchir au fait que ce qui est aujourd'hui le problème de l'industrie se transformera en un problème de société qui sera pour ainsi dire éternel, ou du moins multigénérationnel.
Il est très important d'adopter une loi maintenant et de mener des études approfondies pour établir si ces intérêts à long terme sont véritablement pris en compte en écoutant les personnes qui ont des griefs à formuler. Il faut chercher à savoir si leurs griefs sont fondés.
Je le rappelle, trois dépôts souterrains de déchets radioactifs, seulement trois, ont été exploités, et ils ont tous été des échecs.
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Bien dit, monsieur le président. Merci.
Alors bonjour aux témoins, et merci de votre présence ce matin.
Vous savez, toute médaille a deux côtés. Alors que je me rendais ici — je suppose que cette question s'adresse à vous, monsieur Scongack —, j'ai vu dans l'abribus une publicité sur les isotopes et le cobalt‑60 produits par Bruce Power, le cobalt‑60 étant un isotope médical qui représente une arme essentielle dans le traitement du cancer. Je suis sorti de l'abribus et j'ai abordé ainsi quelques passants: « J'aimerais vous parler brièvement de l'énergie nucléaire, de quelques-unes de ses grandes innovations. Savez-vous ce qu'est un isotope, ce qu'est l'hélium, ou ce qu'est le cobalt‑60? » Je dois vous avouer, monsieur Scongack, que la question m'a valu des regards de confusion.
J'aimerais simplement que vous nous parliez des entreprises comme Bruce Power, de ce que vous faites, de la contribution de l'énergie nucléaire pour la population canadienne et comment elle sauve des vies. Le simple citoyen, c'est‑à‑dire la plupart des gens, n'est tout simplement pas conscient des apports du nucléaire.
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Excellente question. Comme je le dis toujours, la vérité parle d'elle-même. Je déplore que les membres du Comité soient exposés à une forte désinformation et à des arguments qui reposent sur du vide. Il n'y a rien de pire que de formuler des politiques sans se baser sur des faits.
Pour faire une brève mise en contexte, la filière nucléaire produit actuellement 60 % de notre électricité en Ontario. C'est la principale source d'énergie qui nous a permis de délaisser progressivement le charbon. L'industrie nucléaire produit des isotopes médicaux qui sauvent des vies, des isotopes qui servent à des opérations de stérilisation partout dans le monde, et elle le fait dans un cadre indépendant...
Je souligne en passant que la Commission canadienne de sûreté nucléaire relève effectivement du Parlement par l'entremise du ministre des Ressources naturelles; je vous encourage donc à prendre connaissance de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Nos opérations sont sécuritaires et fiables, mais nous reconnaissons également qu'elles génèrent un sous-produit, un sous-produit que nous réduisons, réemployons et recyclons. Le traitement de tous les sous-produits résiduels est entièrement financé par nous, en vertu d'une réglementation sur laquelle nous n'avons aucune prise. C'est inclus dans nos coûts de production.
Je confesse quelques lacunes dans nos communications. Chaque fois que nous entamons le dialogue avec la population... Vous savez, j'habite tout à côté d'une centrale nucléaire. J'ai grandi à côté d'une centrale nucléaire. Mon père travaillait à la centrale nucléaire. Les personnes associées à l'industrie et qui comprennent ces faits sont généralement très favorables. Je pense que nous avons encore beaucoup à faire pour diffuser notre message et faire connaître la vérité au sujet de l'industrie.
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Merci. C'est avec plaisir que je vous parlerai des isotopes médicaux.
En premier lieu, il faut souligner qu'il n'existe que deux façons de produire des isotopes médicaux, par la technologie du cyclotron comme celle employée par cette extraordinaire entreprise britanno-colombienne, appelée TRIUMF, avec qui nous entretenons un très étroit partenariat. Divers établissements et universités au Canada abritent des cyclotrons et des réacteurs.
Sans vouloir vous donner un cours d'introduction à la physique, je vous signale que les types d'isotopes qu'on peut fabriquer dans un réacteur nucléaire, comme le cobalt ou le lutétium, ne peuvent être produits dans un cyclotron, et que les types d'isotopes qu'on peut fabriquer dans un cyclotron ne peuvent être produits dans un réacteur nucléaire. Nous avons besoin des deux procédés, et c'est la raison d'être du Conseil canadien des isotopes nucléaires.
Quand on parle d'énergie, un isotope est une forme moderne d'énergie employée partout dans le monde par les systèmes de santé modernes. Considérant la constante croissance de la classe moyenne dans les pays en développement, qui élargissent l'accès aux services de diagnostic et de traitement du cancer, et l'augmentation du nombre de personnes infectées à la COVID‑19 ayant besoin d'équipement médical stérilisé, la demande d'isotopes médicaux ne manquera pas de s'accroître. Le Canada occupe une position particulièrement avantageuse pour fournir ces isotopes.
Nous avons devant nous l'occasion de récolter des milliards de dollars, aussi bien grâce aux réacteurs de puissance tels ceux de Bruce Power que grâce aux cyclotrons qu'on trouve par exemple à l'Université de la Colombie-Britannique et chez TRIUMF Innovations. Les deux procédés sont nécessaires.
En clair, cela signifie que le Canada sera le siège d'essais cliniques, pour que les Canadiens aient accès à certains des meilleurs traitements anti-cancer.
Je préside justement un organisme ontarien, le Pediatric Oncology Group of Ontario, qui vient en aide aux familles et aux enfants qui affrontent le cancer. Comme parent et comme Canadien, je souhaite que toute la planète ait accès à ces types de traitements, mais je souhaite également que le Canada soit le leader mondial des isotopes médicaux anti-cancer, et notre position avantageuse dans le domaine des isotopes nous permet de réaliser ce souhait.
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Exactement. Très bonne observation.
Tout d'abord, je dirai que nous payons pour les déchets que nous produisons aujourd'hui et que nous produirons demain. En toute indépendance, la Commission canadienne de sûreté nucléaire exige de tout titulaire de permis d'exploitation d'une centrale nucléaire qu'il ait entièrement financé le coût des déchets — non seulement leurs coûts actuels, mais aussi leurs coûts futurs — et du déclassement ultérieur de la centrale. Nous sommes la seule industrie au monde à le faire.
Pour Bruce Power, après avoir réduit, réutilisé, recyclé, etc. tous nos produits finals ou déchets... M. Edwards a laissé entendre que nous fixons le coût des déchets. Je vous assure du contraire. Le coût des déchets est fixé par un processus indépendant, et nous assumons ce coût. L'argent est versé dans un compte bancaire isolé. Il ne s'agit pas d'un compte de reconnaissance de dette envers le gouvernement, mais bien d'un compte bancaire isolé sur lequel nous ne pouvons aucunement intervenir. Il sert à financer entièrement le coût de ce passif à long terme. Des dizaines de milliards de dollars s'y accumuleront avec le temps.
Nous payons pour les déchets à mesure que nous les produisons, comme il se doit. En fait, je pense que le Parlement devrait s'inspirer de la façon de faire de notre industrie comme modèle pour les autres industries. Connaissez-vous un autre secteur qui peut gérer ses déchets en toute sécurité et en assumer entièrement le coût?
En passant, je sais où se trouve chaque mètre cube de déchets produits par notre industrie depuis 40 ou 50 ans. Nommez une autre industrie qui peut en faire autant. Je pense que le Parlement devrait y réfléchir.
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Je n'avais pas réalisé que je participerais à un exercice de glorification de la puissance nucléaire plutôt qu'à une réflexion sur la gouvernance des déchets radioactifs. Je croyais que ce serait le thème central de cette réunion.
Peu importe les avantages ou les inconvénients du nucléaire, les déchets seront là pendant une éternité et il faudra s'en occuper. C'est la seule question qui devrait nous intéresser.
L'Agence internationale de l'énergie atomique affirme que les réacteurs radioactifs ne doivent pas être enfouis sur le site où ils ont été installés. Il faut les démanteler et retirer les déchets du site, les emballer et tout le reste. Cela fait partie intégrante de la gouvernance des déchets radioactifs.
Ici, au Canada, le consortium envisage de faire exactement le contraire. Il projette même de déchirer le contrat de démantèlement de ces réacteurs, même s'il a été approuvé par la CCSN. Son plan est de les enfouir directement à côté de cours d'eau importants, la rivière des Outaouais et la rivière Winnipeg. Ces réacteurs resteront dangereusement radioactifs pendant des milliers d'années après que les activités auront cessé.
Il existe plusieurs types de déchets. Nous avons mis toute notre attention sur certains d'entre eux, mais il en reste d'autres.
Par ailleurs, et il est important de le réaliser, la Commission Seaborn a été mise sur pied au terme d'une évaluation des impacts environnementaux qui a duré 10 ans. Pourtant, le gouvernement libéral de l'époque, dirigé par M. Chrétien, a ignoré sa recommandation unanime.
Nous devons prendre en considération tous les autres types de déchets. Nous devons créer un organisme qui ne sera pas une antenne de l'industrie. Le problème, comme vous avez pu le constater aujourd'hui, tient au fait que les gens de l'industrie sont beaucoup plus intéressés et prompts à nous parler des avantages de leur technologie pendant la période d'exploitation que du legs qu'elle laissera aux Canadiens par la suite.
C'est exactement ce qui se passe dans notre pays. Le rôle du Parlement devrait être de s'assurer que l'intérêt public est au premier plan.
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Oui, je crois que le cadre est efficace.
À titre de Canadien, je me réjouis de savoir que nos autorités publiques prennent le temps d'examiner la gouvernance. Tous les organismes de qualité font les contrôles nécessaires pour s'assurer que leur gouvernance est efficace. Je crois que c'est un exercice essentiel.
Pour ce qui est des politiques concernant les déchets nucléaires, comme il faut avancer dans ce dossier, nous savons que des processus rigoureux sont en place et que tous ces organismes gouvernementaux seront mis à contribution, de même que les Canadiens... Je recommande fortement au Comité de se concentrer sur un projet et de l'étudier du début à la fin. Par exemple, prenez le projet de South Bruce et examinez chacune des étapes du processus réglementaire. C'est le meilleur moyen de vous convaincre de l'efficacité de la gouvernance.
À mon avis, il s'agit d'un processus très rigoureux. En fait, il comporte tellement de transferts de responsabilité que je me demande si, pour les Canadiens et toutes les parties qui veulent y participer, ils ne sont pas trop nombreux. Mes préoccupations comme citoyen concernent plutôt cet aspect.
Je trouve important que vous fassiez une étude du processus de gouvernance mais, si j'étais vous, j'étudierais des exemples concrets et je tâcherais de ne pas diviser le débat entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le nucléaire. Examinez chaque étape du processus et essayez de comprendre exactement les problèmes à régler.
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Tout à fait. Comme je l'ai dit, c'est une bonne question. Si nous voulons lutter contre les changements climatiques, si nous voulons atteindre la carboneutralité d'ici 2050, notre coffre à outils doit contenir tous les outils possibles. Voilà pourquoi nous sommes ravis d'avoir établi un partenariat avec une grande entreprise de la Colombie-Britannique, General Fusion, qui travaille sur ce que j'appelle la « technologie de fusion du XXI
e siècle ». Nous avons conclu un accord de partenariat avec elle pour la mobilisation de ressources techniques. Bien sûr, nous disposons d'une main-d'oeuvre solide et très qualifiée, que ce soit en ingénierie ou en gestion de projet, de tous les types de compétences nécessaires pour travailler sur une nouvelle technologie.
Il s'agit vraiment d'essayer de mettre un autre outil dans le coffre à outils de la lutte contre les changements climatiques. Est‑ce que je crois que le nucléaire est en concurrence avec la fusion, ou que la fusion est en concurrence avec le nucléaire, ou à dire vrai, sommes-nous en concurrence avec les énergies renouvelables? Je ne le crois pas. Il s'agissait plutôt de dire qu'en tant que Canadiens, comment pouvons-nous réunir le savoir-faire technique dont nous disposons pour examiner la question?
Si quelqu'un doit mettre au point une centrale électrique à fusion, je veux que ce soit un Canadien. Nous pouvons être des chefs de file dans ces domaines, car il y a non seulement un impératif découlant des changements climatiques, mais aussi un impératif économique et un impératif lié aux emplois. Je veux que ces compétences et ces capacités restent ici, au Canada.
Si je peux me permettre, je tiens à ce qu'elles restent dans les comtés de Bruce, Grey et Huron, où j'habite, et où je pense que cette technologie existe. Si nous devons construire une centrale commerciale, faisons‑le dans les comtés de Bruce, Grey et Huron.
Premièrement, à propos des travaux que nous menons de concert avec des établissements d'enseignement supérieur, surtout en environnement, nous les communiquons ouvertement. Nous n'avons aucune raison de ne pas le faire. Je pense qu'il est très important que nos centres de recherche diffusent leurs données, mais pour répondre à la question précédente de la députée concernant la confiance du public, comment pouvons-nous prendre certaines de ces données et les mettre en contexte pour qu'elles deviennent compréhensibles pour les gens? Je trouve parfois que nous sommes riches en données, mais pauvres en information. Alors comment pouvons-nous le faire?
Un autre point que j'aimerais souligner à propos de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, c'est qu'elle exerce aussi une surveillance indépendante dans certains domaines. Alors que nous effectuons notre propre surveillance environnementale et que nous en rendons compte, et que nous travaillons sur ce sujet avec certains des meilleurs et des plus brillants établissements au Canada, la CCSN a également son propre programme de surveillance indépendant. Ces données sont disponibles.
Je pense qu'il est très important que nous les diffusions. Plus l'information est diffusée, plus la confiance du public est renforcée. Je pense que nous pouvons faire mieux pour présenter cette information sous une forme compréhensible pour les cliniciens non spécialisés qui travaillent dans ce domaine.
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Merci, monsieur le président.
[Le témoin s'exprime en anishinaabemowin ainsi qu’il suit:]
Aanii. Boozhoo Kaawingey, ndizhnikaaz Misswezhaging ndoonjibaa nameh ndodem.
[Les propos en anishinaabemowin sont traduits ainsi:]
Bonjour. Salutations à celui qui cherche. Je suis de la Première Nation de Mississauga. Je fais partie du clan de l'esturgeon.
[Traduction]
Bonjour. Je m'appelle Reg Niganobe, chef élu du Grand conseil de la nation Anishinabek et membre du clan Sturgeon.
Je me joins à vous depuis le territoire de la Première Nation de Mississauga. Ma communauté n'est pas étrangère à l'industrie nucléaire, puisque nous sommes l'hôte de la raffinerie Blind River de Cameco, qui se trouve sur la rive est de la rivière Mississaugi.
On m'a demandé de vous parler, au nom du chef régional de l'Ontario, Glen Hare, de l'importance de la responsabilité de ce comité en ce qui concerne le respect des droits des Autochtones.
Les chefs de l'Ontario soutiennent 133 Premières Nations en Ontario, dont les 39 que je représente au sein de la nation Anishinabek. Guidés par les chefs en assemblée, ils appuient les efforts d'autodétermination des peuples Anishinabek, Mushkegowuk, Onkwehonwe et Lenape à l'égard de la protection et de l'exercice de leurs droits inhérents et issus de traités.
En tant qu'Anishinaabe, nous ne reconnaissons pas la terre. Nous l'honorons et la protégeons, tout comme l'air et l'eau.
Dans le temps qui m'est imparti, je ne peux décrire tous les efforts que nous avons déployés pour gérer et maintenir nos territoires et nos terres. Depuis des temps immémoriaux, chacune des 133 communautés des Premières Nations de l'Ontario s'efforce de s'acquitter de ses responsabilités juridiques ancestrales en veillant à ce que ses décisions soient prises pour le bien des sept prochaines générations. Nous devons penser à la collectivité dans les décisions concernant la terre, ne penser qu'aux générations futures et laisser cette responsabilité inhérente guider nos décisions.
La nation Anishinabek a coutume de réciter le Ngo Dwe Waangizid, mais faute de temps, je vais réciter une ligne qui parle de la façon dont nous envisageons cette revitalisation de notre relation de nation à nation basée sur l'appel à l'action 45 de la Commission de vérité et réconciliation: Debenjigedkiimiingona dedbinwe wi naagdowendiwin, ce qui signifie pour nous que le Créateur nous a donné la souveraineté pour nous gouverner nous-mêmes.
L'imposition de délais limités pour faire des présentations sur ces enjeux importants ne s'inscrit pas dans le meilleur esprit de réconciliation et nous, Anishinabek, aimerions souligner dans nos discussions que la façon dont le combustible nucléaire est stocké, transporté, consommé ou éliminé doit faire l'objet d'un dialogue et d'une consultation en profondeur avec toutes les autres nations autochtones concernées.
Le Canada a déjà ignoré le rôle des systèmes de connaissances écologiques ancestrales et a fait l'objet d'un contrôle judiciaire. Le fait de faire intervenir les détenteurs de droits autochtones au cours des processus décisionnels et non à la fin aidera à reconstruire notre relation et à éviter des contestations judiciaires longues et coûteuses. En fait, les communautés autochtones ont exprimé leur consternation face aux délais d'élaboration des politiques nucléaires, un travail qui semble progresser très rapidement même si nous sommes encore en pleine pandémie. Pour que le dialogue soit authentique et équitable, les nations autochtones doivent être en mesure de co‑concevoir le processus.
La nation Anishinabek et le Caucus Iroquois ont convenu de cinq principes relatifs aux déchets nucléaires.
Premièrement, il ne devrait pas y avoir d'abandon, mais plutôt une politique de gestion perpétuelle. Les changements climatiques ont rendu les événements météorologiques imprévisibles. Par conséquent, le stockage de déchets créés par l'homme doit être résilient pour garantir que les matières radioactives ne se retrouvent pas dans la nourriture que nous mangeons, dans l'eau que nous buvons, dans l'air que nous respirons et dans la terre sur laquelle nous vivons.
Deuxièmement, il faut utiliser le meilleur confinement possible avec un emballage adaptable en fonction des conditions environnementales changeantes.
Troisièmement, les matières doivent être surveillées et récupérables dans le cadre d'une relation de conservation continue. Les renseignements et les ressources doivent être transmis d'une génération à l'autre pour garantir qu'on puisse donner suite à tout signe de fuite.
Le quatrième principe stipule que les déchets nucléaires devraient être conservés loin des principaux cours d'eau. Lorsque nous empoisonnons nos cours d'eau, nous nous empoisonnons nous-mêmes. Les rivières et les lacs sont le sang et les poumons de notre mère la Terre.
Enfin, les exportations et les importations de déchets devraient être interdites, sauf dans des cas vraiment exceptionnels, après consultation complète de tous ceux dont les terres et les eaux sont menacées.
En conclusion, je veux qu'il soit clair pour tous qu'il est de notre responsabilité inhérente, en tant qu'Anishinabe, de préserver et de protéger notre mère la Terre, non seulement pour nous, mais pour tous les êtres vivants qui l'habitent. Nous demandons au gouvernement du Canada de respecter les droits des Premières Nations, y compris les 133 nations de l'Ontario. Aucune décision concernant le stockage des déchets nucléaires, la mise en place de petits réacteurs modulaires, le transport ou le déclassement ne peut être prise sans notre consentement libre, préalable et éclairé, comme le stipule l'article 29.2 de la DNUDPA. Le gouvernement doit tenir compte de toutes les nations autochtones, conformément à l'article 35 de la Charte. La transparence et la divulgation complète sont essentielles, mais ne remplacent pas un dialogue véritable.
Meegwetch.
Tout d'abord, dans un esprit de réconciliation, je tiens à reconnaître que je vis, travaille et joue sur les territoires ancestraux de la Confédération des Pieds-Noirs (Siksika, Kainai, Piikani), des Tsuut’ina, des Nations Îyâxe Nakoda et de la Nation métisse (région 3), et je tiens à reconnaître tous ceux qui ont élu domicile dans la région du Traité no 7, dans le Sud de l'Alberta.
J'enseigne l'énergie nucléaire, solaire et hydroélectrique ainsi qu'un cours général sur l'énergie à l'Université de Calgary. Je dirige une encyclopédie en ligne gratuite qui couvre l'ensemble du secteur de l'énergie. D'après nos informations, il s'agit de la ressource Web la plus utilisée au monde pour expliquer les questions énergétiques aux adultes. Je suis également réviseur pour le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental ou GIEC sur l'évolution du climat aux Nations unies.
La société a besoin d'une décarbonisation dynamique et l'énergie nucléaire est essentielle à cet exercice.
On me demande souvent si je vivrais au‑dessus d'un dépôt en couches géologiques profondes. Oui, et j'y élèverais ma famille.
Ma femme et moi avons déménagé en Alberta pour élever notre famille précisément parce que nous pensions que cette province allait produire de l'énergie nucléaire. La plupart des 70 000 Canadiens qui travaillent dans le secteur nucléaire vivent et élèvent leur famille à proximité de réacteurs nucléaires et avec des matières radioactives, comme le combustible nucléaire usé.
Les matières radioactives ne sont-elles pas dangereuses? La technologie nucléaire canadienne a sauvé des millions de vies. Les matières radioactives destinées à la médecine et à de nombreuses applications industrielles sont un bien collectif, mais les matières radioactives doivent être manipulées avec soin à chaque étape.
Le gouvernement du Canada réglemente l'utilisation des matières radioactives. Ces règlements assurent la sécurité des travailleurs, de la population et de l'environnement. L'industrie nucléaire canadienne a un bilan extraordinaire en matière de sécurité, de pratiques sûres et de conformité.
Les centrales nucléaires stockent le combustible usé sur place depuis des décennies. Après des décennies de stockage, la radioactivité diminue naturellement, ce qui facilite la manipulation du combustible. Contrairement à la plupart des types de déchets, le combustible nucléaire usé devient moins dangereux avec l'âge, et non le contraire. Il était prudent d'attendre.
La Société de gestion des déchets nucléaires ou SGDN a élaboré un plan solide. La science et la technologie sont solides et ont été testées à fond. Les déchets peuvent être déplacés vers l'un ou l'autre des sites envisagés en toute sécurité et stockés en toute sécurité. Pourquoi ne pas les laisser en surface? Tous les pays du monde confrontés à la décision de savoir quoi faire du combustible nucléaire usé ont dit la même chose: gardons‑le en sécurité sous terre, à l'abri des conditions météorologiques dont nous parlons. Nous sommes la société qui a bénéficié de l'énergie. Nous sommes la société qui doit se débarrasser des déchets.
La technologie des nouveaux réacteurs nucléaires permettra‑t‑elle de produire plus d'électricité et de transformer les combustibles usés? Peut-être. Nous devrions financer massivement la recherche et le développement afin de mettre en place une série de réacteurs nucléaires capables de brûler ces déchets, pour produire plus d'électricité carboneutre. Cependant, même ces réacteurs génèrent encore des déchets qui, à terme, nécessiteront un stockage à long terme, probablement sous terre. Entretemps, il est responsable d'aller de l'avant avec un plan de construction d'un site de stockage à long terme jusqu'à ce que ces réacteurs existent.
Comment savons-nous qu'il n'y aura pas de fuite?
Les radiations ressemblent à la lumière d'une lampe de poche. Quelques mètres de roche les arrêtent. Les 500 mètres de roche proposés arrêteront toutes les radiations. Là où les préoccupations environnementales deviennent délicates, c'est que des matières radioactives pourraient se propager par l'eau dans l'environnement. L'eau pourrait déplacer ces petites lampes de poche. Le système est conçu pour limiter l'eau dans le dépôt. Pas d'eau à l'intérieur, pas d'eau à l'extérieur. Le combustible est une céramique qui ne se dissout pas dans l'eau, dans une grappe étanche, dans un conteneur de combustible usé étanche, dans un coffre d'argile bentonitique qui absorbe l'eau, isolée de la biosphère par un demi-kilomètre de roche solide.
Comment savons-nous qu'il restera stable pendant un million d'années? Les géologues observent dans le monde entier des systèmes naturels qui ont gardé leurs matières radioactives isolées de la biosphère de surface des centaines de fois plus longtemps que nécessaire, sans aucune ingénierie. L'ingénierie travaille avec la nature pour nous permettre d'avoir encore plus confiance que les matières radioactives resteront en place.
Pourquoi s'en préoccuper? Notre monde a besoin d'énergie pour nourrir, habiller et soigner ses habitants. Il a besoin de plus d'énergie que jamais. Cependant, les cinq sixièmes de cette énergie proviennent de la combustion de combustibles fossiles, qui modifient le climat de manière désastreuse. Le monde a besoin d'énergie nucléaire et d'énergie hydraulique, éolienne et solaire pour relever les défis du XXIe siècle.
Je vous remercie de votre attention.
Je m'appelle Ginette Charbonneau, et je suis physicienne. Je suis porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive.
Je vais d'abord présenter nos recommandations. Le gouvernement du Canada est le principal promoteur de l'industrie nucléaire qu'il a lui-même créée, mais il ne se préoccupe pas assez de la gestion rigoureuse des déchets radioactifs. Sa recette demeure toujours la même: exploiter tous les aspects rentables de l'industrie nucléaire, reporter le plus tard possible les coûts de gestion des déchets et nier tout risque de prolifération nucléaire.
Il y a un conflit d'intérêts. C'est pour cela que nous recommandons premièrement qu'un ministère s'occupe de l'industrie nucléaire, et qu'un autre s'occupe de la gestion des déchets radioactifs. Nous proposons que la gestion des déchets radioactifs relève du ministère de l'Environnement et du Changement climatique. Nous aimerions aussi que la Commission canadienne de sûreté nucléaire fasse rapport au Parlement et relève du ministère de l'Environnement et du Changement climatique.
Deuxièmement, nous recommandons que le Canada conserve la règle du pollueur-payeur. Le pollueur-payeur doit s'occuper de ses déchets, mais, selon nous, ce n'est pas à lui de décider des solutions. La réglementation actuelle est trop générale et il faudrait que la Commission soit plus dure et qu'elle impose des règles. Après tout, c'est elle, l'organisme de réglementation. Nous ne voulons pas que le renard soit responsable du poulailler.
Troisièmement, nous recommandons que tous les titulaires de permis soient tenus de fournir un inventaire détaillé énumérant les contaminants radioactifs et décrivant leur radioactivité. On ne parle pas d'une entreprise de construction, mais il s'agit bien de radioactivité. Même de petits volumes peuvent générer beaucoup de radioactivité. Nous voudrions donc que ce soit plus précis, car, présentement, ce sont les pollueurs qui font leur propre classification, et c'est une vraie tour de Babel. Cela empêche de cerner les risques et les solutions à l'échelle du Canada.
Quatrièmement, nous recommandons que le Canada accorde la plus haute priorité à une solution pour les déchets radioactifs de moyenne activité. Depuis des années, aucune planification n'a été faite pour les déchets de moyenne activité, et cela ouvre la porte à des abus incroyables. Par exemple, le réacteur nucléaire de démonstration situé à Rolphton ne peut pas être démantelé, parce qu'il n'y a pas de place où mettre les déchets. Par conséquent, on veut mettre le réacteur en tombeau. Le problème, c'est qu'il va couler dans quelques années, et que cela va à l'encontre des directives de l'Agence internationale de l'énergie atomique, ou AIEA.
Cinquièmement, nous recommandons que le Canada interdise l'importation des déchets radioactifs étrangers, même pour les sources médicales. Nous ne sommes pas contre les radio-isotopes médicaux, car c'est une bonne chose, mais pourquoi doit-on rapatrier les déchets radioactifs du monde entier? Ces déchets représentent environ 98 % de la radioactivité qu'il y aura à Chalk River. La vente de radio-isotopes est une bonne chose, mais le fait de rapatrier des déchets alors que le Canada n'est même pas capable de gérer ses propres déchets est un abus scandaleux.
Sixièmement, nous recommandons que la Commission canadienne de sûreté nucléaire cesse d'induire le public en erreur en incluant des déchets très radioactifs parmi les déchets de faible activité. Les sources de cobalt‑60 en sont un exemple. De plus, on change les définitions, ce qui donne l'impression, sur papier, que les inventaires de déchets de moyenne activité sont réduits. De 2017 à 2022, on aurait réduit de 95 % l'inventaire de déchets de moyenne activité à Chalk River. Cela ne tient pas debout.
Septièmement, nous demandons une évaluation régionale des risques environnementaux le long de la rivière des Outaouais. Chaque projet est considéré individuellement, mais, globalement, la radioactivité augmente, et les risques aussi. Il faut donc évaluer globalement tous les projets dans le cadre d'une évaluation régionale.
Je passe maintenant la parole à mon collègue M. Gilles Provost.
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Merci beaucoup, monsieur le président et merci à tous nos témoins.
Je suis un ancien professeur de mathématiques et de physique. J'ai enseigné 34 ans dans une école secondaire. C'était une excellente présentation sur l'énergie nucléaire, et, bien sûr, sur toutes les formes d'énergie qui sont importantes à mon avis. Dans le groupe de témoins précédent, M. Scongack, de Bruce Power, a dit quelque chose que je préconise depuis des années, à savoir que nous ne devrions ni idolâtrer ni diaboliser une source d'énergie.
Monsieur Donev, il est très révélateur que cela fasse partie de votre programme éducatif. À mon sens, il s'agit d'essayer d'introduire dans la discussion le point de vue du cycle de vie complet, qu'il s'agisse d'énergie hydraulique, solaire, pétrolière ou gazière, etc. C'est vraiment l'un des éléments qui m'apparaissent assez importants.
D'après vos recherches, pouvez-vous nous parler de l'importance de l'énergie nucléaire sur la voie de la carboneutralité ainsi que des nouvelles technologies et des innovations de l'industrie nucléaire qui peuvent nous aider à nous rapprocher de cet objectif?
Je sais que vous avez parlé de l'importance du programme TRIUMF en sciences de la vie et, bien sûr, l'Université de Calgary y est associée.
Je me demande si vous pourriez faire le lien entre ces deux éléments.
Je vous remercie.
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Merci, madame Pauzé, je vais essayer de m'en tenir à ce sujet.
Toutes les formes de production d'énergie produisent des déchets. Les déchets de l'énergie nucléaire sont plus dangereux par kilogramme, mais par énergie produite, ils sont en fait moins dangereux. Le charbon produit d'énormes quantités de déchets. La quantité de déchets produits par le charbon, le pétrole et le gaz naturel chaque semaine dans le monde, si c'était des éléphants, ferait une pile de la Terre à la Lune. Cela représente environ 10 jours de déchets provenant du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Les déchets provenant de l'énergie solaire, éolienne et hydroélectrique sont énormes, comparativement aux déchets provenant du nucléaire.
Comme l'a souligné le témoin précédent, James Scongack, l'industrie nucléaire garde la trace de tous ses déchets. Ses déchets sont dangereux et doivent être manipulés de façon sûre, mais le Canada a fait un bon travail pour ce qui est de gérer ces déchets. L'énergie nucléaire jouera un rôle clé dans notre lutte contre les changements climatiques. Comme on l'a dit plus tôt, nous ne pouvons ni diaboliser ni idolâtrer quelque forme de déchets ou de production d'énergie que ce soit, mais l'énergie nucléaire est étonnamment sûre, fiable et absolument essentielle pour l'avenir.
Je parle en tant que quelqu'un qui donne des cours à l'université sur l'hydroélectricité et le solaire. Ces deux formes d'énergie sont aussi nécessaires. Nous ne pouvons pas nous fier seulement au nucléaire, mais nous ne pouvons pas le faire sans le nucléaire. L'énergie nucléaire, surtout les technologies des petits réacteurs modulaires qui s'en viennent, exigera que nous continuions à nous occuper activement des types de déchets et de la façon dont ces déchets...
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C'est une question assez complexe, parce que beaucoup de témoins nous ont dit qu'il fallait faire participer les communautés autochtones, mais aucun d'entre eux était autochtone ou représentait des communautés autochtones, et c'est en partie la source du problème.
Ces processus ne peuvent se dérouler sans une mobilisation complète et étendue. De nombreuses communautés ont contesté le fait que ces processus sont dits accueillants et accessibles, surtout pour les peuples autochtones. Quel que soit le processus en cours, qu'il s'agisse de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou de la Société de gestion des déchets nucléaires, ces processus ne jouent certainement pas en notre faveur.
Je vous ai entendu souligner les possibilités d'emplois et ce genre de choses, mais une partie du problème est que vous en parlez comme une possibilité de travailler et d'obtenir un emploi, toutes ces sortes de choses, et de différentes retombées économiques. Pour les communautés qui sont largement à la traîne par rapport à la norme canadienne en matière d'infrastructure, de logement et de tous ces autres éléments différents, les communautés oubliées, il s'agit de coercition à ce stade.
Les nations autochtones touchées sont celles qui auront le pouvoir de décision ultime sur tout projet. La Nation Anishinabek et d'autres nations en Ontario ont leurs propres formes de gouvernement qui ont été interrompues par le colonialisme. La possibilité de revenir à ces systèmes permettra un plus grand consensus sur les projets de développement à mesure que nous reconstruisons nos systèmes juridiques ancestraux, mais le Canada pourrait commencer à travailler sur la création d'une politique de consultation véritable et large, en conjonction avec les communautés autochtones, qui serait appliquée chaque fois qu'une consultation s'impose.
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En fait, c'est parce qu'il n'y a pas d'installations de stockage de déchets de moyenne activité que l'on est obligé de couler du béton sur la vieille centrale NPD et le premier réacteur nucléaire canadien CANDU. Non seulement il n'y a pas d'endroit où stocker les déchets, mais il n'y a même aucun projet lié à la création de telles installations de stockage.
Le Canada exploite l'énergie nucléaire depuis 75 ans, mais il n'a aucune installation de stockage permanente, ni pour les déchets de faible activité, ni pour les déchets de moyenne activité, ni pour les déchets de forte activité. Le stockage est toujours temporaire. Le manque de solutions fait en sorte que l'on doit retarder le démantèlement des centrales, le démantèlement des installations.
On a aussi parlé des changements apportés aux définitions. Laboratoires nucléaires canadiens et la Commission canadienne de sûreté nucléaire répètent depuis toujours que le futur dépotoir des installations de gestion des déchets près de la surface de Chalk River servira à stocker des déchets de moyenne activité. En fait, 98 % de la radioactivité de ce monticule de déchets viennent du cobalt-60. Cette matière radioactive n'entre certainement pas dans la catégorie des déchets de faible activité.
On a complètement changé les définitions en cours de route. Comme l'ont mentionné plusieurs intervenants, le cobalt-60 est merveilleux. En effet, le cobalt-60 permet de tuer les microbes, de stériliser les instruments de laboratoire et de détruire les cellules cancéreuses. Or il est aussi très dangereux, car il s'agit d'un produit hautement radioactif. Il suffit de deux kilos de cobalt-60 pour produire 98 % de la radioactivité du dépotoir. Il va y avoir environ 1 500 000 tonnes de déchets radioactifs. Il s'agit donc d'un déchet extrêmement radioactif.
On dit qu'il va y avoir seulement des déchets de faible activité, mais on ment au public. La Commission canadienne de sûreté nucléaire a la responsabilité légale de fournir aux Canadiens une information crédible et impartiale, mais elle est complice de ces fausses informations.
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Tout d'abord, elle a milité pour que les petits réacteurs modulaires soient exemptés de l'obligation d'une évaluation environnementale. La Commission est pourtant censée nous protéger.
Ensuite, elle veut autoriser des projets de mise en tombeau de réacteurs, alors que c'est contraire aux directives de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
De plus, lorsqu'elle examine les nouveaux projets des fameux petits réacteurs modulaires, elle n'étudie même pas la nature des déchets qu'ils vont produire ni si ceux-ci peuvent être stockés en couche géologique profonde. En effet, la Commission n'examine que le concept du fournisseur, lequel ne tient pas du tout compte de la nature des déchets. Or, ce n'est pas au moment de délivrer une licence qu'il faut décider cela, c'est à l'étape de l'étude du concept du prototype.
Enfin, la Commission n'est pas assez prescriptive. Elle laisse les pollueurs décider de la classification des déchets et de la solution à retenir en matière de gestion. Parfois, cette solution n'est ni chère ni bonne, et elle ne protège pas le public.
Nous avons travaillé très fort lors de cette consultation. Nous avons organisé des séminaires et nous avons été très consciencieux. À notre grande surprise, cependant, le ministère n'a pas tenu compte de nos commentaires. Pourtant, c'était une démarche sérieuse. Ce n'est pas aux fonctionnaires de décider à ce stade de maintenir le statu quo. Sinon, à quoi cela sert-il de mener une consultation?
Lorsque le a confié le mandat à la SGDN, il y a inclus tellement de restrictions que seuls 10 % des déchets radioactifs du Canada seront couverts par les solutions proposées, ce qui n'a pas de sens. La stratégie ne tient même pas compte des projets pour lesquels une licence a été accordée.
De plus, le ministère ne se penche même pas sur les déchets produits par les petits réacteurs modulaires. Pourquoi protège-t-on autant ces petits réacteurs modulaires au Canada?
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Il faut garder à l'esprit que la différence entre la gouvernance canadienne et les collectivités anishinabes et autres collectivités autochtones est que les individus ne délèguent pas leur pouvoir de décision à d'autres.
Lorsque les Canadiens votent, bien sûr, ils accordent leur confiance aux députés pour que ceux‑ci prennent des décisions en leur nom, alors que les Anishinabes, les gens adoptent une approche plus directe. Ils ne délèguent jamais leur pouvoir de prendre des décisions qui touchent l'ensemble de la collectivité. Ce sont des choses qui se font ensemble et en tant que discussion. C'est ainsi que l'on arrive à un oui ou à un non. Nous éclairons nos propres processus à l'intérieur de cela pour la création de lois, la création de paramètres applicables et ce genre de choses. Cela englobe toute une discussion portant sur le social, l'économique, la terre, les gens et de tout le reste. Cela englobe toute une matrice et tout un processus décisionnels. Tout le monde a une voix. C'est ainsi que nous nous débarrassons de la délégation des pouvoirs.
Je suppose que le Canada doit, pour ainsi dire, prendre des mesures afin de s'assurer que l'ensemble de la collectivité participe au processus décisionnel pour procéder à une consultation significative.
Comme je l'ai déjà dit, il s'agit de reconstruire les systèmes de gouvernance autochtones qui ont été interrompus par le colonialisme. C'est ainsi que vous obtiendrez un oui ou un non de notre part. C'est ainsi que nous pourrons nous engager pleinement. Pour nous, cela signifie un engagement total, des processus et des discussions pleinement informés. À la manière anishinabe, nous ne sommes peut-être pas tous d'accord, mais à un moment donné, nous arrivons à un consensus sur un oui ou un non, tous ensemble.
Comme vous le savez et comme vous le voyez dans les nouvelles, beaucoup de nations autochtones ou de Premières Nations — certaines ici en Ontario et surtout dans le nord de l'Ontario et le long de la route — se battent simplement pour obtenir de l'eau potable, malgré leur emplacement. Elles peuvent se trouver à proximité du sud de l'Ontario, où l'on pourrait supposer qu'elles auraient de l'eau potable et toute l'infrastructure du monde pour les aider, mais ce n'est pas forcément le cas. Certaines d'entre elles viennent tout juste d'entrevoir la possibilité d'obtenir de l'eau potable et ce genre de choses.
Bien sûr, la Loi sur les Indiens, comme vous le savez parfaitement, a entravé la croissance et les possibilités des collectivités, tant sur le plan économique que social. Cette tactique de coercition qui consiste à offrir de l'argent, des centaines de milliers de dollars et la possibilité d'avoir des emplois semble être un avantage pour les collectivités, mais elles sont forcées de l'accepter parce qu'elles ne peuvent faire autrement. La Loi sur les Indiens n'a rien fait et elle ne fait rien.
Cela doit être réglé, comme je l'ai déjà dit, pour que l'on puisse prendre ces décisions. Ce genre de choses doit être supprimé afin que les collectivités puissent aller de l'avant et ne pas être contraintes de faire ce qu'elles doivent faire pour survivre. Pour survivre, elles ont le choix: soit leur collectivité, soit leur argent et leurs terres.
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Les radiations font peur. Elles sont très bien comprises par la collectivité scientifique et, comme l'ont dit les groupes de témoins précédents, que j'ai écoutés, nous n'en parlons pas très bien.
Lorsque vous entendez parler des radiations, qui sont certainement liées aux déchets dont nous parlons, vous en entendez parler dans les bandes dessinées, les films de BD ou dans les Simpsons. On a l'impression que les déchets nucléaires sont une pâte gluante, verte et brillante.
Voici à quoi ressemble une pastille de combustible. Celle‑ci est un morceau de plastique, ce n'est pas une vraie pastille de combustible. C'est de la céramique. Elle ne fond pas dans l'eau. Elle ne se dissout pas dans l'eau. Elle serait alors placée dans quelque chose comme ça. C'est à ça que ressemblent les déchets nucléaires. C'est à ça que ressemble une grappe de combustible.
Je pense qu'il est vraiment nécessaire que les Canadiens comprennent que c'est à ça que ça ressemble. Ce n'est pas le gluant vert des Simpsons.
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Je pense qu'il faut être clair sur la création d'emplois. L'industrie nucléaire est en fait confrontée à une période de crise. Un très grand nombre de personnes dans l'industrie nucléaire sont sur le point de prendre leur retraite.
Le sujet doit commencer à paraître, surtout dans les écoles techniques. Il y a un énorme besoin non seulement de scientifiques, mais aussi de plombiers, de tuyauteurs, de soudeurs, et ainsi de suite, et il faut commencer à en parler, à parler de l'énergie nucléaire comme d'une source d'énergie sans carbone.
Nous avons beaucoup d'hydroélectricité. Des provinces comme le Québec ont un accès énorme à l'hydroélectricité. En Alberta, où je vis, nous n'avons pas accès à une telle hydroélectricité; nous n'avons tout simplement pas la bonne géologie pour cela.
Il s'agit de commencer à en parler, d'avoir davantage de ces conversations au Parlement, d'avoir un débat complet sur les avantages des réacteurs nucléaires canadiens, de lancer davantage de conversations sur l'éducation et la consultation des Autochtones. J'aimerais vraiment qu'un plus grand nombre de voix autochtones soient invitées à s'exprimer dans les conversations sur l'énergie nucléaire, car nous devrions absolument en parler davantage. Je pense que si nous en parlons davantage, la peur s'estompera.
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref.
J'ai deux questions: une pour le chef Niganobe et l'autre pour M. Donev.
Ma question au chef Niganobe est que je me demande s'il a suivi certains des grands projets de développement dans le Nord, particulièrement au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Je pense à des projets comme celui d'Agnico Eagle, auquel participent les collectivités inuites. Des ententes sur les retombées locales ont été négociées, avec des quotas en matière d'emploi. Les collectivités jouent un rôle très important dans le suivi.
Y a‑t‑il des leçons à tirer pour vos collectivités, et pour d'autres collectivités autochtones de ma province natale, le Manitoba, et cela peut‑il s'appliquer au développement nucléaire tel que vous l'envisagez?
Ensuite, pour M. Donev, je suis diplômé de l'Université de Calgary, soit dit en passant. J'ai passé trop de temps dans « The Den ». Je me demande si vous avez des remarques sur la Norvège et la Suède. La Norvège a apparemment réussi à trouver un site pour la gestion des déchets nucléaires, et la Suède est sur la même voie. Quelles seraient les clés du succès dans la gestion des déchets nucléaires?
Je m'adresse d'abord à vous, chef Niganobe. Avez-vous des idées sur le succès dans le Nord et si ces principes seraient applicables dans votre région?
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C'est une très bonne question, mais je pense qu'au départ, il faut comprendre que le système de la Loi sur les Indiens, qui régit la région où nous sommes situés, diffère de ce qui se passe dans le Nord, où ils ont leurs propres accords.
Bien sûr, nous avons des traités dans cette région qui ont une incidence sur la relation entre le Canada et les Premières Nations signataires des différents traités. Il s'agit encore une fois de l'approche régionale, de l'approche de partage des recettes de l'exploitation des ressources et de toutes ces choses différentes où nos collectivités devraient pouvoir faire ce genre de choses, mais elles ne le peuvent pas, à cause des limites, des sanctions et des contraintes économiques qui nous sont imposées par la Loi sur les Indiens.
Ces accords ont l'air fantastiques, ils ont l'air parfaits et ils ont l'air merveilleux pour quiconque n'est pas assujetti à la Loi sur les Indiens, n'est pas forcé de conclure de tels accords à cause des contraintes que nous nous sommes imposées.
C'est la seule issue pour nous; ce genre d'accords et de contrats est la seule chose à faire et le seul remède que nous ayons — ce qui nous ramène encore à l'aspect coercition.
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La Norvège, la Suède, la Finlande et la trentaine de pays qui ont l'énergie nucléaire doivent s'occuper du combustible nucléaire usé, et pas seulement du combustible nucléaire irradié, mais aussi des déchets de faible et moyenne radioactivité qui ont été produits. C'est un problème. Toute forme d'énergie produit des déchets.
Ce qui est vraiment intéressant dans ce qui se passe en Norvège, en Suède et, d'ailleurs, en Finlande, c'est qu'ils sont un peu plus avancés dans le processus que le Canada. C'est moins vrai pour la Finlande. Ces pays travaillent ensemble. C'est l'un des aspects les plus intéressants de l'industrie nucléaire. Selon cette industrie, il n'y a qu'une seule industrie nucléaire et elle est présente dans tous les pays.
Les pratiques exemplaires de ces pays nordiques sont partagées avec le Canada et d'autres pays, et les scientifiques et les ingénieurs discutent entre eux de la façon dont les dépôts géologiques en profondeur qu'ils prévoient de construire là‑bas leur donnent des informations que nous, au Canada, pouvons...
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La Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui rend compte au Parlement, mais par l'intermédiaire de Ressources naturelles, est un organisme international très respecté.
Je suis désolé, je ne sais pas vraiment. Je ne pense pas qu'il existe une solution magique pour que tout aille bien du jour au lendemain. Les perceptions mettent du temps à changer.
Un autre dépôt géologique en profondeur avait été proposé sur le site de Bruce, et il n'y avait pas eu de consultation suffisante des Autochtones à ce sujet. Par conséquent, les gens ne se sentaient pas à l'aise.
Mais l'aspect positif dans le cas présent est qu'il ne s'agit pas d'un problème urgent. Il est important, il faut le régler, mais il n'est pas indispensable de le régler tout de suite; donc, si la consultation publique interrompt le processus, ce n'est pas comme si les gens seraient en danger pendant que les conversations se poursuivent.
Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre question.