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Bonjour et bonne année à tous et à toutes.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité. Cela fait quelque temps que nous nous sommes vus.
J'espère que vous avez passé de joyeuses Fêtes et que vous êtes prêts à reprendre cette étude sur la politique fédérale en matière d'eaux douces.
[Traduction]
Nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui. Je leur présente mes excuses pour les retards attribuables aux votes à la Chambre.
Dans le premier groupe de témoins, nous avons M. Caleb Behn, qui s'exprimera à titre personnel. De l'Observatoire international des droits de la Nature, nous accueillons Yenny Vega Cardenas et Amélie Delage. De la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, nous avons M. Ray Orb. Enfin, de la West Coast Environmental Law Association, nous avons Deborah Carlson.
Nous allons commencer par des déclarations liminaires de cinq minutes.
Nous allons passer à vous, monsieur Behn...
Je m'appelle Caleb Behn. Je suis Eh‑Cho Dene et Dunne Za. Je comparais à titre personnel. Je souligne que je me trouve sur le territoire non cédé et occupé des Algonquins. Je suis très honoré et privilégié d'être ici.
J'aimerais plus particulièrement rendre hommage, monsieur le président, au travail sur l'eau douce que vous avez fait il y a de nombreuses années. Ce n'est pas passé inaperçu.
Je suis très reconnaissant et très honoré d'être ici en présence des membres du Comité et de Mme Jeanneault, qui m'a été d'une grande aide.
Je pense que la relation des humains avec le non-humain sera le grand défi de tous les gouvernements du monde au XXIe siècle. Je pense que l'eau douce sera un des principaux mécanismes, modes et moyens par lesquels ce défi se manifestera. Je sais que nous sommes ici aujourd'hui pour parler des droits concernant les eaux douces — entre guillemets. Je pense qu'un point que les témoins soulèveront aujourd'hui, en particulier Mme Vega Cardenas, est que les droits et les responsabilités sont intrinsèquement liés. Puisque vous servez la population, je vous demande d'être à la hauteur, car vous assumez vos responsabilités relativement aux droits que détiennent les Canadiens.
Mon principal point, c'est qu'à cause de la complexité propre au XXIe siècle, nous allons devoir faire face à notre relation avec la nature, à notre relation avec le non-humain, qu'il s'agisse de l'intelligence artificielle ou que ce soit en fonction d'images folles issues d'une intelligence non humaine sur cette planète ou ailleurs, de ce qui s'en vient et de ce que vous voyez déjà, comme les rivières atmosphériques consécutives à Vancouver, ou Pangnirtung qui est la ville où il a fait le plus chaud au Canada le mois dernier, ou les sécheresses sans précédent à différents endroits. Il y a le fait que dans mon territoire dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique — je viens des Premières Nations de West Moberly, de la réserve de ma mère, et je suis inscrit dans la réserve de mon père, celle de la Première Nation de Fort Nelson —, nous avons eu une différence de 45 ° au cours des trois dernières semaines et demie, en passant de ‑40 ° à +8 °, +9 °.
Ce que je soumets, c'est que les processus juridiques, politiques et universitaires du pays ont une capacité itérative insuffisante pour évoluer relativement aux défis du XXIe siècle. L'accès à l'eau douce sera un des grands défis à venir. Ce que je propose au Comité, avec le plus grand respect, c'est que dans vos recommandations et vos processus, nous ne regardions pas les défis liés à l'eau douce comme des crises. Comme je l'ai vu dans les témoignages d'autres personnes, il y a des crises partout. Il y a des crises à venir, et des crises du passé, comme la réalité des Premières Nations en matière d'eau potable, un dossier auquel j'ai beaucoup travaillé, mais pour faire face à ce qui s'en vient, à mon avis, nous devons réfléchir profondément à ces crises comme si c'était des possibilités.
À cette fin, je vais recommander, et je vais expliquer pourquoi, que ce comité optimise le leadership créatif et courageux du gouvernement fédéral en collaboration avec tous les autres ordres de gouvernement, les plus petits, des municipalités à ceux de taille moyenne, les régions, les provinces, les territoires et les plus grands, le fédéral et l'international, pour aborder la question de l'eau douce. Je pense que c'est possible. J'ai lu les témoignages d'autres personnes, et je pense que je comprends les témoignages qui suivront, et c'est un message qui revient constamment. Qu'il s'agisse du milieu universitaire, du secteur privé, des groupes de défense, des organisations non gouvernementales, de l'Assemblée des Premières Nations, où j'ai le privilège de travailler en tant que directeur des droits — même si je comparais ici à titre personnel —, le même message revient constamment, à savoir qu'il faut un leadership créatif et courageux.
Compte tenu de sa nature multijuridique, le Canada a un mécanisme particulièrement bon avec, dans certains cas, une mise en œuvre provinciale de la déclaration des Nations unies, comme en Colombie-Britannique. À l'échelon fédéral, j'aimerais encourager tous les députés et les féliciter d'avoir adopté récemment le projet de loi de mise en œuvre de la déclaration des Nations unies. C'est un projet auquel j'ai grandement participé, et je poursuis mes efforts. Le plan d'action national et le processus de production de rapports annuels, toutes ces choses sont des mécanismes pour illustrer... et de toute évidence, d'autres témoins en ont parlé comme bases et composantes de la façon dont le gouvernement et nous en tant que société, en tant qu'État-nation, interagissons. Mon point, c'est que nos interactions avec le monde naturel seront le problème déterminant du XXIe siècle.
Les lois et les ordres juridiques des Premières Nations sont la seule base d'un point de vue fondé sur les droits. Nous allons parler de droits en tant que question qui nous aide à évoluer rapidement sans aborder le partage des pouvoirs, le problème du fédéralisme coopératif, la politisation et l'instrumentalisation d'enjeux, de projets et d'initiatives pour que des solutions collectives puissent être trouvées.
L'eau douce sera au cœur de notre relation avec le non-humain au XXIe siècle. Il faut prendre sérieusement en considération ce qui est susceptible de se produire. Des phénomènes exceptionnels ont lieu sur une base continuelle et régulière, et vous les voyez tous dans vos circonscriptions. Il y a des problèmes imprévus comme celui des substances perfluoroalkylées, des microplastiques — des témoins en ont parlé. Il y a une myriade de problèmes. Je ne vais pas les nommer, mais je vais présenter d'autres mémoires plus tard.
Mon principal point se rapporte à la bonne relation à avoir avec le non-humain et l'eau. Je pensais à l'agence canadienne de l'eau. Je vais terminer là‑dessus puis vous présentez des visions d'avenir. L'agence canadienne de l'eau ne s'est pas demandé en quoi elle consiste. Je ne le dis pas en tant que tournure de phrase banale. Je le dis sincèrement et sciemment. Cet État-nation a un grand potentiel, malgré les gestes horribles du passé envers mon peuple et ma famille, sous prétexte que c'était la loi. On a envoyé mon père dans un pensionnat à l'âge de cinq ans pour lui infliger de mauvais traitements.
J'offre ces visions au Comité. D'abord, dans 30 ans, un code axé sur les langues autochtones sera inventé à Vancouver pour interagir avec les épaulards et les saumons dans les eaux douces et salées de la ville. L'organisme de réglementation, qui est humain, non humain et dirigé par les Premières Nations, apprendra ainsi que l'excès d'un certain composé entraîne un mécanisme de réponse rapide.
Compte tenu du temps, monsieur le président, je pourrais peut-être m'arrêter ici. J'ai d'autres idées.
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Cela fait 15 ans qu'on étudie les différents modèles de gestion de l'eau partout au monde, et on a vu que deux statuts de l'eau s'opposent. Il y a l'eau considérée comme chose commune, inappropriable et hors commerce, à laquelle l'accès constitue aussi un droit humain fondamental. Il y a également l'eau considérée comme marchandise. Cette conception mène à la création de droits de propriété sur l'eau, qui permettent la distribution de l'eau pour différents usages de même que l'échange de titres relatifs à l'eau dans les marchés boursiers.
Or, ces deux visions ne tiennent pas compte d'un aspect crucial, à savoir que l'eau est un élément vital et sacré qui permet la vie sur terre pour toutes les espèces. L'eau est la vie elle-même, comme le disent les Premières Nations. Elle a un esprit, elle est vivante.
L'Observatoire international des droits de la Nature, ou OIDN, plaide en faveur de la reconnaissance du droit des personnes à l'eau et à l'assainissement. D'une manière plus fondamentale, l'Observatoire fait la promotion de la reconnaissance de l'eau comme faisant partie d'un écosystème, voire d'un milieu de vie qui a des droits. L'eau n'existe pas exclusivement pour notre propre bénéfice. Elle fait partie d'un écosystème, et elle doit être partagée avec les autres espèces avec qui nous occupons cette maison commune.
Nous voulons proposer une vision holistique de l'eau qui reconnaît notre devoir de l'honorer, de la respecter et de la protéger. De plus, nous devons agir envers elle non pas en tant que maîtres et propriétaires, mais plutôt en tant qu'intendants, ou gardiens.
Un modèle de gouvernance qui reconnaît la personnalité juridique de l'eau nous permettrait de nous responsabiliser par rapport à notre rôle de fiduciaire. Le NPD soutient d'ailleurs la reconnaissance de la personnalité juridique du fleuve Saint-Laurent proposée par l'OIDN, et un projet de loi visant à reconnaître la personnalité juridique du fleuve est déjà déposé à la Chambre des communes.
Cette reconnaissance est également appuyée par l'Alliance Saint-Laurent, composée de différentes municipalités québécoises, d'organisations non gouvernementales, ou ONG, et de centres de recherche.
Récemment, nous avons aussi obtenu l'appui de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui a reconnu, le 14 avril dernier, la personnalité juridique du fleuve. J'ai un document qui en fait état.
Ce sont donc des outils innovateurs. Nous vous proposons cette nouvelle vision de l'eau pour qu'on puisse la préserver, la restaurer et, finalement, que l’on comprenne que protéger l'eau et les écosystèmes est notre responsabilité, à tous et à toutes.
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Le modèle de gouvernance que nous proposons comprend trois piliers, soit un comité de gardiens, un comité stratégique et un comité scientifique. Ce modèle faciliterait la gestion intégrée, collaborative et participative, de façon à considérer les usagers de tous les domaines, tels que l'agriculture, l'industrie, les activités maritimes, la pêche et les activités récréatives. Surtout, ce modèle permet de considérer non seulement les impératifs humains, comme l'accès à l'eau potable, mais aussi les impératifs des autres espèces qui font partie de nos écosystèmes.
Ce modèle nous permettrait de réunir tous les acteurs à une même tribune pour que tous puissent s'entendre sur des compromis qui permettraient de préserver les cours d'eau, d'écouter la science et d'écouter les savoirs traditionnels et ancestraux des communautés autochtones.
Nous proposons aussi de mettre en place un tribunal spécialisé de l'eau, car les disputes relatives à l'eau vont se multiplier dans un contexte de changements climatiques et de transition énergétique.
Les recommandations de l'Observatoire s'inscrivent dans l'objectif du mandat que s'est donné l'Agence canadienne de l'eau. Le modèle de gouvernance innovateur que nous proposons permettra au Canada de rayonner à l'international par la promulgation de lois qui permettent de gérer des acquis de façon durable.
La reconnaissance de la personnalité juridique de l'eau permettrait d'améliorer la gestion de l'eau non seulement pour en améliorer la qualité, mais aussi pour restaurer, protéger et gérer des plans d'eau d'importance nationale.
Cette vision quant aux droits est cohérente avec celle qui est reconnue par des résolutions d'ordre juridique adoptées par les Autochtones. Cela permettrait donc une réelle collaboration, qui se révélera historique.
Le modèle des droits de la nature que nous proposons créerait un véritable mécanisme permettant de reconnaître la responsabilité des divers secteurs de l'industrie et du milieu des affaires. Il empêcherait aussi l'utilisation abusive de l'eau, qui exclut toute redevance aux Canadiens et aux Canadiennes.
Nous vous interpellons aujourd'hui, car vous êtes vraiment dans une position privilégiée pour changer le statu quo. Vous aurez ainsi la possibilité de dire à nos enfants et à nos petits-enfants que vous avez véritablement agi pour changer les choses et qu'ils pourront se baigner dans les rivières au Canada, boire de l'eau et s'adonner à des activités sportives. Vous pourrez affirmer que nos produits agricoles et industriels sont faits de façon responsable, car ils s'inscrivent dans une démarche de protection de la santé de la population.
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Merci, monsieur le président.
Je m’appelle Ray Orb et je suis le président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, plus communément appelée la SARM.
Je suis né, j’ai grandi et je vis dans la petite communauté agricole de Cupar, au nord-est de Regina, en Saskatchewan, qui compte environ 625 habitants.
Je voudrais remercier le Comité sénatorial permanent de l’environnement et du développement durable de m’avoir donné l’occasion de partager les réflexions de notre association dans le cadre de son étude sur l’eau douce au Canada et sur le rôle du gouvernement fédéral en la matière.
La SARM est la porte-parole des régions rurales de la Saskatchewan et sert ses acteurs, les gouvernements ruraux et les administrations municipales de la province, depuis plus de 100 ans. J’exprime aujourd’hui les points de vue de ceux que nous représentons, en examinant les perspectives rurales en matière d’eau douce au Canada, et en examinant la manière dont le rôle du gouvernement fédéral pourrait avoir une influence sur les moyens de subsistance dans les zones rurales de la Saskatchewan.
L’agriculture est l’épine dorsale de l’économie rurale de la Saskatchewan, et elle dépend fortement d’un approvisionnement constant et fiable en eau douce, en particulier pour les eaux souterraines et l’irrigation. Les cultures et le bétail ont besoin de suffisamment d’eau pour prospérer et pour garantir la sécurité alimentaire non seulement de notre pays, mais aussi de nos clients à l’étranger. Nous avons besoin de l’eau douce pour assurer la subsistance d’innombrables familles, en Saskatchewan, mais aussi dans tout le Canada.
En travaillant collectivement, le gouvernement fédéral pourra mieux comprendre la dynamique et les effets néfastes potentiels sur les bassins versants et l’alimentation des nappes phréatiques, tout en garantissant l’accès du secteur de l’agriculture à une eau durable et de grande qualité et la résilience de celui‑ci. L’agence devra aussi impérativement s’appuyer sur d’autres organismes du gouvernement fédéral, tels qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Environnement et Changement climatique Canada, pour examiner toutes les incidences potentielles à plus grande échelle.
Il y a quelque temps, la SARM a fait part de ses préoccupations concernant la création d’une agence canadienne de l’eau. Nous craignons les doubles emplois, car nous disposons déjà d’une agence de sécurité de l’eau en Saskatchewan et d’un organisme solide au sein de notre ministère de l’Environnement.
Par nature, l’eau et la qualité de l’eau sont des enjeux intergouvernementaux qui doivent être traités de la même manière.
Bien que nous ne soyons pas favorables à la création d’une agence canadienne de l’eau, nous pensons qu’elle devra faire preuve de transparence à l’égard des provinces. Pour bâtir des relations de travail solides avec les provinces, nous recommandons ce qui suit: partager les données et les connaissances; collaborer avec les organismes, les conseils et les organisations de chaque province sur les changements proposés en matière d’eau douce afin de prendre en compte les incidences sur tous les secteurs de chaque province; tirer parti des connaissances des réseaux locaux et régionaux impliqués dans la gestion de l’eau de chaque province et renforcer leurs sources; veiller au respect des compétences et de l’autorité constitutionnelle dans chaque province; poursuivre le dialogue avec la SARM sur les enjeux qui concernent les agriculteurs, les grands éleveurs et les municipalités rurales.
La Saskatchewan participe activement à la gestion de l’eau, comme le montrent nos projets d’irrigation du lac Diefenbaker. La Saskatchewan finance des associations et des programmes, tels que la Saskatchewan Irrigation Projects Association et le programme d’infrastructures hydrauliques pour les productions végétales et animales, afin de permettre aux agriculteurs et aux producteurs de collaborer pour garantir l’accès à l’eau douce dans toute la province. L’agence canadienne de l’eau devrait concentrer ses efforts sur le financement de projets de gestion de l’eau dans tout le Canada, afin que les provinces puissent travailler de manière efficace pour préserver les ressources en eau douce. Avec une stabilité financière renforcée et un soutien financier supplémentaire, au‑delà de l’emprunt de la province de la Saskatchewan auprès de la Banque de l’infrastructure du Canada, le gouvernement fédéral pourrait aider considérablement les provinces à atteindre des résultats plus importants en matière de ressources en eau douce.
L’agence de sécurité de l’eau de la Saskatchewan travaille à l’élaboration de la politique de gestion des eaux agricoles de la province, qui vise à préserver, restaurer et protéger les zones humides en Saskatchewan. À plus grande échelle, l’agence devra élaborer une stratégie de gestion de l’eau douce durable et résiliente qui s’accorde avec toutes les provinces. Cette stratégie sera essentielle pour aider les provinces à s’adapter aux changements fédéraux et à atténuer les risques. Il est essentiel que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires collaborent pour bâtir un avenir durable pour les générations à venir.
En conclusion, au nom de nos municipalités rurales et de la Saskatchewan rurale, nous remercions le Comité sénatorial permanent de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer dans le cadre de cet important débat.
Nous nous réjouissons de la poursuite de ce dialogue en vue de travailler tous ensemble pour servir au mieux les intérêts de tous les Canadiens.
Merci.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je m'appelle Deborah Carlson et je suis avocate chez West Coast Environmental Law. West Coast est un organisme juridique à but non lucratif; il est basé à Vancouver, sur les territoires des Salish de la côte des peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, et c'est là que je me trouve aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant ce comité sur les droits relatifs à l'eau douce. Je vais vous faire part de quelques réflexions, puis vous soumettre deux recommandations qui s'appuient sur le travail que nous faisons dans la région du bas Fraser.
Les droits à une quantité d'eau douce sont inscrits dans des lois telles que la Water Sustainability Act de la Colombie-Britannique, qui contient un régime d'attribution de l'eau. Les utilisateurs d'eau obtiennent des licences d'utilisation de l'eau, ce qui permet de gérer les conflits autour d'une ressource rare. L'année dernière, alors que la Colombie-Britannique a connu un nouvel été chaud et sec, des ordonnances temporaires ont limité l'utilisation de l'eau afin de protéger les poissons. Alors que le climat change et que les sécheresses sont plus fréquentes l'été, la réalité, c'est qu'il arrive plus souvent que l'eau se fasse rare.
Comme vous l'avez entendu, le droit à l'eau peut également porter sur la qualité de l'eau. Seul le Québec a légiféré sur le droit à l'eau potable, mais comme vous le savez, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement a été modifiée l'année dernière pour inclure le droit à un environnement sain. Bien entendu, il peut également y avoir des droits de la nature. Je pense que vous en avez également entendu parler.
Ces exemples concernent les droits, mais ils reflètent surtout nos relations avec l'eau douce, telles qu'elles sont régies par les lois fédérales et provinciales. Premièrement, l'eau est rare et nous avons le droit d'être des consommateurs exigeants, dont les activités doivent alors être limitées, mais cela ne se produit qu'au moment d'une crise.
Deuxièmement, nos lois nous permettent de mener des activités qui introduisent des substances nocives dans l'eau douce et, malgré les progrès technologiques, les contaminants connus posent encore des problèmes, tout comme les nouveaux. Nous ne gérons pas les effets cumulatifs. C'est un autre point important. Pour gérer ces relations, nous nous appuyons sur tout un arsenal juridique, aux niveaux fédéral et provincial, qui n'est pas particulièrement coordonné. Nous procédons donc de manière très fragmentée. Une fois de plus, comme vous l'avez entendu, il y a des occasions évidentes d'avoir des relations plus globales et réciproques avec l'eau. Nous en avons besoin, surtout dans un contexte de changements climatiques. Nous pouvons nous tourner vers les lois et les pratiques autochtones, car depuis des millénaires, elles appuient des moyens durables et adaptables de vivre sur le territoire.
J'ai deux brèves recommandations sur l'Agence canadienne de l'eau. Elles sont liées au travail que nous faisons pour appuyer la région du bas Fraser. La première consiste à veiller à ce que l'Agence canadienne de l'eau dispose de toutes les ressources et du soutien nécessaires dans les ministères fédéraux pour remplir sa mission, qui est de servir de point de coordination pour les programmes et les activités du gouvernement fédéral qui ont une incidence sur l'eau douce.
Dans le bas Fraser, il y a une crise du saumon. Les facteurs sont multiples, mais les données scientifiques sont claires: la protection et la restauration des habitats d'eau douce, y compris le passage des poissons, sont indispensables. En même temps, cette région densément peuplée, porte d'entrée du Pacifique au Canada, est exposée à des risques d'inondation catastrophiques et doit abandonner des pratiques de lutte contre les inondations dépassées et inefficaces. L'adoption de stratégies de gestion intégrée des plaines d'inondation peut être bénéfique à tous et elle est intimement liée à la gestion de nos relations avec l'eau douce.
Notre organisme fait partie de la Lower Fraser Floodplains Coalition, un groupe qui travaille avec le secrétariat de planification des urgences dirigé par les Premières Nations, les gouvernements locaux, les agriculteurs et le gouvernement de la Colombie-Britannique afin de planifier la résilience des plaines d'inondation, notamment l'infrastructure basée sur la nature. Il y a du succès grâce au dialogue et à l'établissement de relations, et les idées émergentes pour la réduction des risques d'inondation et la résilience concernent le transport, l'agriculture, la restauration de l'habitat du poisson, la résolution des inégalités historiques avec les Premières Nations, la mise en œuvre sur le terrain de la Déclaration des Nations unies sur les droits autochtones et ainsi de suite.
Ce travail concerne de nombreux ministères fédéraux — Environnement et Changement climatique Canada, Infrastructure Canada, le ministère des Pêches, Sécurité publique Canada et ainsi de suite —, et il serait utile qu'ils rament tous dans le même bateau. Nous pensons donc que l'Agence a un rôle important à jouer dans la coordination et peut-être la catalyse des objectifs en matière d'eau douce au sein des ministères fédéraux, en examinant la réglementation et les programmes de financement.
La deuxième recommandation est de veiller à ce que la stratégie des données sur l'eau douce soutienne les priorités et les besoins régionaux en matière de gestion, de restauration et de renforcement de la résilience des écosystèmes d'eau douce. Cette stratégie devrait être élaborée conjointement avec les peuples autochtones, tels que les Premières Nations de la région du fleuve Fraser. La stratégie des données devrait inclure des indicateurs permettant d'évaluer les tendances. Il conviendrait également de promouvoir les capacités et les liens avec les établissements universitaires dans les régions. Les principes de propriété, de contrôle, d'accès et de possession des Premières Nations doivent être respectés.
En conclusion, nous avons de nombreuses possibilités pour mieux gérer notre relation avec l'eau. Cela signifie qu'il faut nous gérer nous-mêmes sur le territoire. Nous devons le faire de façon plus globale et intégrée, et nous avons des idées à cette fin et des possibilités.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins.
C'est un plaisir de reprendre notre étude sur les eaux.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Behn.
Je songe à l'eau et aux droits afférents. Récemment, la a présenté le projet de loi . Il s'agira d'un texte essentiel pour mettre en place la législation proposée sur l'eau potable sûre et les eaux usées, en consultation avec les Premières Nations.
Le dernier volet de la consultation est vraiment le plus important. Le gouvernement fédéral s'est engagé à verser 1,55 milliard de dollars en 2024‑2025 et 2025‑2026 pour assurer l'approvisionnement en eau potable propre des Premières Nations.
Ce qui me préoccupe, c'est que nous commençons par l'eau propre. Comment faire en sorte que l'eau propre soit un droit? Comment préserver ce droit une fois que nous aurons éliminé tous les avis d'ébullition de l'eau au sein des Premières Nations?
Il y a plusieurs années, alors que j'étais dans la nation Nishnawbe Aski, près de Dryden, l'un des aînés m'a dit: « Arrêtez de percer des trous dans notre Terre mère. Commencez par nous donner de l'eau propre pour que nous n'ayons pas ce problème. » C'était une déclaration simple, mais particulièrement profonde que j'ai retenue. Je l'ai présentée à différents comités où nous avons étudié les enjeux relatifs aux droits de l'eau.
Pourriez-vous nous dire à quel point il est essentiel de disposer d'un financement continu au croisement de l'eau, de l'énergie et du droit autochtone, comme vous l'avez mentionné, ainsi que les autres êtres vivants?
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Je soutiens essentiellement que le processus itératif d'évolution du droit, en ce qui a trait à l'élaboration des politiques au pays sur les plans financier, politique, social et juridique, n'est pas en mesure de s'adapter aux défis. Même si je suis sensible et conscient des efforts colossaux que les Premières Nations de tout le pays, y compris la nation Nishnawbe Aski, ont déployés pour en arriver à un avis à long terme sur la qualité de l'eau potable plutôt qu'à court terme... Dans ma nation, l'eau est expédiée par bateau et par camion.
Ma principale préoccupation demeure qu'à l'intersection...
Voici mon avertissement au Comité, au gouvernement, aux Canadiens et au monde en général. En ce qui concerne le point soulevé plus tôt au sujet des querelles et des problèmes de compétence, nous devons comprendre que ces contestations donnent en fait l'occasion à la SARM, à la province de la Saskatchewan, aux nations signataires de traités sur place et à de nombreux autres intervenants, comme les agriculteurs qui assurent la sécurité alimentaire, d'en arriver à une solution.
Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement et tous les paliers de gouvernance qui s'inspirent du gouvernement fédéral doivent y investir de façon proactive, éliminer les retards de financement et réduire certaines contestations judiciaires.
En ce qui concerne le croisement entre l'énergie et l'eau, j'encourage le Comité à tenir compte des événements de type cygne noir. Ce qui s'en vient, ce sont des choses que nous n'avions pas prévues. Elles auront probablement un effet synergique. Ce sera vraisemblablement lié aux changements climatiques et aux maladies émergentes.
Je reviens à la question de la COVID. La pandémie m'a prouvé que le Canada aurait pu résoudre les crises de l'eau potable qui frappent les Premières Nations, parce que des milliards de dollars ont été versés, des lois ont été modifiées, les appareils bureaucratiques de tous les niveaux — fédéral, provincial, municipal, territorial, tout le monde — ont mis la main à la pâte et ont accompli quelque chose pour le bien du pays.
À mon avis, de tels événements surviendront encore. Je suggère donc fortement d'instaurer un mécanisme en amont — peut-être dans la nation Nishnawbe Aski, par exemple, et dans le territoire — afin de renforcer la synergie. C'est ce qu'il faut faire en Saskatchewan. Il faut le faire pour la question des pêches. C'est aussi ce qui doit se passer au Québec, avec le Code civil, afin d'harmoniser plusieurs ordres juridiques.
Avec l'accord du Comité, je présenterai des observations écrites sur les détails de cette question, car elle est vaste.
Mahsi cho. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
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J'ai un autre point à soulever sur la question des services à large bande.
Je songeais à Iqaluit et à la réponse à la crise du logement qui sévit là‑bas. Je pense que le maire a dit récemment: « Nous pouvons construire des maisons, mais nous n'avons aucune protection des sources d'eau potable. »
Ce que je dirais, c'est de regarder la synergie entre les technologies émergentes... Là où je vis, nous n'avons pas de service à large bande fonctionnel, de sorte que j'utilise le système Starlink d'Elon Musk. Hier, il a annoncé qu'ils venaient d'implanter le premier implant Neuralink à un être humain. La technologie évolue. Tout change rapidement.
Je suggère fortement au Comité de recommander au gouvernement d'investir pour résoudre ces crises de longue date en matière de droits de la personne afin d'optimiser la capacité évolutive dont vous aurez besoin au XXIe siècle. Pour ce faire, il faut à mon humble avis une interface à large bande en synergie avec les investissements dans les infrastructures, qui tient compte de l'évolution juridique des Premières Nations.
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Merci à tous les témoins d'être parmi nous.
Madame Cardenas, j'ai entendu parler de vous pour la première fois dans un article paru dans Le Devoir. Vous y invoquiez l'article 8 de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l'eau et des milieux associés. D'ailleurs, je suis tout à fait d'accord sur le caractère collectif des ressources en eau.
Selon vous, accorder un statut juridique au fleuve Saint‑Laurent renforcerait la préservation de ce grand fleuve et il s'agirait d'un geste symbolique incommensurable.
C'est un peu là que j'en suis dans ma réflexion. Des gestes symboliques de cette nature, c'est admirable, bien sûr, mais cela nous permet-il vraiment de protéger la ressource? Depuis plus de 30 ans, l'ONU essaie d'établir des règles internationales pour la protection de l'eau, que ce soit à Helsinki, à New York ou à Berlin, et on n'y arrive pas.
En quoi la reconnaissance d'un statut juridique aux ressources en eau mènerait-elle enfin à la mise en place de règles ou à la mise à jour de règlements et à l'adoption de mécanismes concrets, et même de sanctions?
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Merci beaucoup de votre question et de l'intérêt que vous manifestez envers ce sujet, madame Pauzé.
Effectivement, l'article 8 de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l'eau et des milieux associés, au Québec, est très avant-gardiste, car il introduit la notion de responsabilité sans faute lorsque des dommages sont causés à un cours d'eau. Ainsi, les personnes qui les commettent peuvent être poursuivies même si ce n'est pas arrivé par leur faute.
Le problème, c'est que le procureur général est le seul à pouvoir intenter ce recours, alors que c'est lui, à titre de représentant du gouvernement du Québec, qui accorde les permis de polluer. Il ne peut pas intenter une poursuite pour des dommages qu'il a lui-même autorisés. Il y a là un conflit d'intérêts.
Quant à la reconnaissance d'une personnalité juridique au fleuve, cela comprend également la désignation de gardiens en vue de diluer les pouvoirs et d'augmenter le nombre d'acteurs à la table de discussions. Il s'agit d'acteurs qui ont à cœur de protéger le fleuve, comme les Premières Nations, les communautés riveraines, les organisations non gouvernementales et les scientifiques. Ce sont eux qui pourront finalement être la voix du fleuve.
Qu'est-ce que la voix du fleuve, en fait? C'est ce que la science et les savoirs ancestraux vont nous dire. Ce sont les conséquences de nos actions qui ont contribué à polluer le fleuve, mais que nous ne connaissions pas à l'époque. Les scientifiques vont nous ouvrir les yeux pour nous permettre de prendre les meilleures décisions qui soient et de prévenir des dommages.
Si des acteurs ne veulent pas écouter la science ni les avertissements des gardiens, à ce moment-là, on pourra utiliser les tribunaux en dernier recours.
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En fait, en Équateur, on a reconnu des droits à la nature. Au début, c'était symbolique, parce qu'il s'agissait de changer le rapport des gens avec la nature afin qu'ils la voient comme un être vivant ou une personne qui peut subir un préjudice. Les gestes symboliques permettent de changer notre regard. Le drapeau du Canada, par exemple, est un symbole que nous honorons, et nous ne n'utilisons pas comme serviette. Cela changerait donc la relation que nous avons avec le fleuve. Nous l'honorerions et nous le respecterions parce qu'il aurait des droits à titre de personne juridique.
À l'époque, nous, les femmes, n'étions pas considérées comme des personnes, et on se demandait pourquoi on nous accorderait ce statut-là. Les gens en riaient. Même la Cour suprême avait dit que nous n'étions pas des personnes. Aujourd'hui, nous sommes des personnes et c'est devenu normal. Nous avons des droits et nous pouvons être ici pour faire avancer de nouvelles idées.
La nature fait aussi l'objet d'une deuxième révolution, qui va mener à l'instauration de droits. Ainsi, à un moment donné, on pourrait voir un tribunal, comme on l'a vu en Équateur, mettre les droits d'une montagne et ceux d'une multinationale dans la balance afin de décider lesquels l'emportent.
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L'article 5 de la loi fédérale visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies oblige le Canada à appliquer ses lois, ses politiques et ses règlements et à les harmoniser à la Déclaration, une obligation positive qui nécessite selon moi un engagement proactif.
Il y a un volet rétroactif. Le processus ressemble aux lois en vigueur dont nous devons nous occuper, aux lois en cours d'élaboration et aux lois à venir. Voici ce que j'en pense — et c'est l'essentiel de mes propos: je propose que le Comité et les courageux dirigeants à la table préconisent en théorie une sorte d'incubateur qui privilégie et appuie ce qui vient de chez nous. Comme M. Orb l'a souligné, la population locale est au courant.
À mon avis, les lois autochtones et l'ordre juridique s'expliquent par le fait que nous avons une relation très différente avec les non-humains. En effet, nous considérons que ces entités ont une conscience, un souffle, un esprit et une perspicacité.
La science rattrape de plus en plus son retard avec le soutien, étrangement, de l'intelligence artificielle et des systèmes d'apprentissage automatique qui reconnaissent la voix de la nature, comme l'a proposé la regrettée Karen Bakker, qui était ma mentore et amie.
Je pense que vous allez constater un appui à l'égard des modèles émergents, ce que j'encourage.
Madame Pauzé, votre question porte sur... Je pense qu'il y a des modèles émergents dans certaines administrations, que ce soit en Saskatchewan, au Québec ou ailleurs, où il y a des Premières Nations municipales et d'autres structures d'harmonisation. Vous y trouverez probablement des solutions souhaitables, qui devront ensuite être mises à l'échelle.
Ma question à l'intention du groupe est la suivante: qui d'autre que le gouvernement fédéral peut mettre à l'échelle ce système sur le plan horizontal ou latéral?
Avec tout le respect que je vous dois, il vous incombe d'en accroître la portée, et vite. Je pense que c'est là que les Premières Nations... Nous ne perturbons pas nécessairement le fédéralisme coopératif. Nous ne perturbons pas nécessairement la complexité de la répartition des pouvoirs aux articles 91 et 92. Nous sommes à côté et demeurons loyaux... Je suis visé par le Traité no 8 des deux côtés de la frontière. Nous sommes loyaux depuis 1899, même si mon père a fréquenté un pensionnat, et que mon peuple et moi avons été violés à maintes reprises par les pouvoirs provinciaux, fédéraux et municipaux. Nous sommes solidaires de votre engagement envers cette entité qu'est le Canada. Je pense que c'est là que se trouvera ce dont nous avons besoin au XXIe siècle. C'est la mise en garde que je vous adresse.
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Dans cette optique, vous êtes sur le brise-lame. J'ai étudié le droit à l'Université de Victoria, de sorte que je connais un peu ce secteur. J'ai eu le privilège et l'honneur de me trouver à cet endroit.
Dans 20 ans, un programmeur de langues autochtones et ses alliés se rendront au brise-lame et dialogueront avec des épaulards et des saumons pour orienter la structure de protection des sources d'approvisionnement en eau qui surplombe Victoria. Pour ceux qui l'ignorent, la source d'approvisionnement en eau se trouve au‑dessus des villes. Elle est entourée d'une zone de protection. Grâce aux systèmes d'apprentissage automatique, à l'analyse, aux cérémonies, aux esprits et à la participation des universitaires — Victoria est une petite ville; c'est la capitale, mais elle compte beaucoup d'universitaires par habitant —, aux visions ainsi qu'aux interactions avec la municipalité, la province et le gouvernement fédéral, des réflexions seront transmises aux systèmes de protection des sources d'eau, ce qui permettra d'informer et de mobiliser en amont les entités non humaines.
N'est‑ce pas l'avenir auquel le Canada devrait aspirer? Nous inspirerions le reste du monde. C'est possible parce que le Canada possède une infrastructure sophistiquée. Nous avons des capacités d'analyse de pointe que d'autres pays n'ont pas. Nous avons la capacité juridique d'agir. Nous avons de multiples niveaux de compétence. Nous avons déjà une législation municipale sur la Déclaration des Nations unies à Victoria, en Colombie-Britannique, de même qu'au fédéral. Nous sommes en excellente posture pour faire quelque chose d'inédit.
C'est ma vision. Je n'ai pas encore la capacité technique ou le codage pour y arriver, mais c'est peut-être une chose à laquelle nous pourrions aspirer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la Chambre des communes. Vos témoignages sont très intéressants.
Monsieur Behn, j'ai peu de temps de parole, mais je peux vous dire que vous avez été très inspirant pour nous tous, et je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Mesdames Cardenas et Delage, à une autre époque, j'ai été journaliste et député au Québec. Il avait été beaucoup question du prix de l'eau, notamment en ce qui concerne les bouteilles d'eau pure qui se vendent un peu partout.
Je sais que vous voulez donner un caractère juridique à l'eau, et c'est très bien. À votre avis, l'eau devrait-elle avoir un prix?
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J'ai toujours été contre l'exportation massive de l'eau.
L'eau a beaucoup de valeur, mais elle n'a pas de prix. L'eau est une ressource essentielle et elle doit toujours être rattachée à l'environnement, à son milieu.
Il y a aussi la question des redevances — je pense, par exemple, aux embouteilleurs. La question a été soulevée au Québec, mais elle est en train d'être résolue. Il est normal que les gens qui tirent profit de l'eau paient des redevances à la communauté, parce qu'ils exploitent une ressource commune, collective. Il est donc normal que cette richesse soit redistribuée. Actuellement, ceux qui exploitent la ressource s'en tirent à bon compte, alors qu'elle est normalement commune.
Selon moi, la question des redevances relève davantage des provinces.
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Merci, monsieur le président.
Je vais poser mes questions en anglais, mais les témoins pourront répondre dans la langue de leur choix.
[Traduction]
Je suis fasciné par le concept de droits et de protections juridiques des rivières. Je considère les rivières comme des objets animés qui doivent exister dans une chaîne alimentaire plus grande que nous. Nous dépendons d'elles, mais elles ne dépendent pas vraiment de nous. En fait, elles se porteraient très bien sans la présence de l'homme. Je passe beaucoup de temps sur les rivières et les lacs. Quand je pense à toute la vie et aux profondeurs qui se trouvent sous moi, je suis toujours fasciné par tout ce qui est physiquement au‑dessus, mais spirituellement en dessous.
Pouvez-vous parler davantage du concept de droits qui appartiennent à ces grandes étendues d'objets animés, sur le plan légal ou non? Lors de la dernière session, nous avons rencontré un dirigeant d'entreprise pétrolière qui polluait d'importantes sections de la rivière Athabasca. Cette pollution avait un effet dévastateur sur la santé des membres des Premières Nations et d'autres personnes.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de la question.
La rivière Magpie a le statut de personnalité juridique. Au Canada, c'est la première rivière à avoir un tel statut. En tant que personnalité juridique, la rivière a donc des droits. Les gardiens de la rivière sont les gens de la communauté innue d'Ekuanitshit et de la MRC de Minganie.
C'est finalement la reconnaissance de ce statut à la rivière Magpie qui nous a ouvert la voie pour ce qui est du fleuve Saint‑Laurent. Cela a non seulement permis de protéger la rivière, mais aussi de donner du pouvoir aux communautés locales, qui étaient abandonnées et oubliées. Aujourd'hui, le gouvernement du Québec a pris position en disant qu'il allait respecter cette décision et ne pas réaliser des projets qui sont préjudiciables pour la rivière. Le gouvernement du Québec a fait passer un bon message. D'ailleurs, jeudi prochain, il y aura une émission sur les ondes de CBC qui s'intitule I am the Magpie River.
[Traduction]
Je vous invite tous à regarder I am the Magpie River, qui sera diffusé le 1er février à 21 heures sur CBC. Vous en saurez plus sur les processus et sur la façon dont cette affaire pique de plus en plus la curiosité dans le monde.
Je ne sais pas si j'ai le temps de répondre à l'autre question.
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Oui, tout à fait. Nous sommes en faveur de l'agrandissement du lac Diefenbaker. Il y a quelques années, le gouvernement fédéral et la province de la Saskatchewan ont annoncé qu'ils allaient étendre l'irrigation. C'était pour accroître la production alimentaire dans notre province, et n'oublions pas que l'eau est d'une grande importance, surtout pour les agriculteurs qui doivent irriguer leurs terres.
Nous avons souvent l'occasion de faire du lobbying auprès du gouvernement fédéral. Bien entendu, nous rencontrons aussi les représentants de la province. Or, le gouvernement fédéral nous a dit que les coûts d'agrandissement devraient être entièrement assumés par la province. Il faudrait que la province emprunte de l'argent à la Banque de l'infrastructure du Canada pour pouvoir étendre l'irrigation.
Nous sommes d'avis que c'est injuste, car le gouvernement fédéral contribue à d'autres programmes d'infrastructure. Je pense, bien sûr, aux services à large bande en milieu rural. Il y a un programme fédéral qui vise à élargir le réseau dans les régions rurales partout au Canada. De plus, dans le cadre du Programme d'infrastructure Investir dans le Canada, une part du financement provient du fédéral. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement fédéral dit à notre province que nous devons emprunter de l'argent pour un programme d'infrastructure aussi important. À notre avis, le gouvernement fédéral devrait financer sa part. Dans le cas de tous les autres programmes agricoles et initiatives de ce genre, le gouvernement fédéral assume 60 % des coûts d'un projet. Voilà, selon nous, un aspect qui mérite l'attention du gouvernement.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
J'ai une question à poser sur la possibilité d'établir des droits intrinsèques pour l'eau. Vous avez déjà dit qu'il y a toujours un compromis à faire entre la capacité d'un autre ordre de gouvernement, comme une province ou un gouvernement fédéral, de continuer à polluer et celle de prendre des mesures. Comment les droits relatifs à l'eau seraient‑ils classés? Comment seraient-ils appliqués, surtout lorsque les gouvernements ne partagent pas tous les mêmes points de vue sur la valeur de l'eau et sur la question de savoir s'il s'agit d'une ressource, d'un élément ou d'un sujet de droit? D'après vous, comment le tout pourrait‑il être mis en œuvre?
Je songe, par exemple, à l'Ontario, où je vis. De nombreux projets présentés par le gouvernement provincial menacent grandement l'eau, mais il n'existe aucun moyen de contester ces projets ou de protéger l'eau.
Vous pourriez peut-être répondre à cette question.
Ce n'est pas une question facile.
Changer la vision d'une personne à l'égard de l'eau est difficile. Pour ma part, cela m'a pris plusieurs années. J'en parlais beaucoup comme d'une ressource, auparavant. On a défini une ressource comme quelque chose que nous utilisons pour notre propre bien-être, nos propres objectifs. Le papier que j'utilise pour communiquer avec vous est une ressource. On peut penser à l'eau comme à un milieu de vie. Les Premières Nations disent qu'elle est vivante, tandis que les personnes non autochtones disent que c'est un milieu de vie. Autrement dit, c'est là où commence la vie et où habitent beaucoup d'espèces.
C'est ce que nous sommes capables de comprendre. Nous ne pourrons peut-être jamais comprendre que l'eau peut être vivante et qu'elle peut avoir un esprit, mais nous pouvons nous entendre sur le fait que notre espèce n'est pas la seule au monde et qu'elle fait partie d'un milieu. On ne peut pas la séparer du reste. On a tendance à considérer qu'il y a l'eau d'un côté, les poissons de l'autre, et les plantes ailleurs. Or, cela fait partie d'un tout. Je pense que cette perspective un peu neutre peut concilier les différentes visions. On peut ainsi voir la rivière comme une entité vivante ou comme un milieu de vie. Pour certaines personnes, la rivière est un ancêtre, tandis que, pour nous, c'est une personnalité juridique.
Je crois qu'il ne faut pas oublier que l'Agence ne sera pas une instance de réglementation, mais plutôt un point de chute pour la collaboration scientifique, entre autres choses.
[Traduction]
Je remercie les témoins. Nous avons eu droit à une discussion fascinante.
Je vous encourage à nous envoyer des analyses écrites — M. Behn y a fait allusion — parce que c'est une question très difficile à saisir. Les membres du Comité et les analystes vous seraient très reconnaissants de leur transmettre toute autre observation par écrit.
Je vous remercie infiniment d'avoir participé à cette discussion.
Nous allons faire une pause d'exactement deux minutes, le temps d'accueillir le prochain groupe de témoins.
Chers collègues, j'aimerais que vous réfléchissiez à quelque chose au cours des prochains jours.
Nous avons convenu de nous rendre au site du projet Kearl et à Fort Chipewyan au printemps. Je vous invite donc à réfléchir à la question de savoir quelle serait la semaine de relâche qui vous conviendrait — peut-être celle en mai — pour faire ce déplacement. Si vous me croisez à la Chambre, dites-moi ce que vous en pensez, et nous pourrons ainsi approuver sans tarder un créneau horaire précis à la prochaine réunion afin que l'équipe de la Chambre puisse préparer un itinéraire et un budget. Je ne veux pas passer trop de temps à en discuter ici, au Comité. Si vous m'en parlez de façon informelle, je suis sûr que nous pourrons parvenir à un consensus.
Je vous remercie.
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Je vous remercie. Je m'appelle Aaron Atcheson. Je suis associé chez Miller Thomson à London, en Ontario, et chef du groupe des projets de notre cabinet. Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant le Comité aujourd'hui.
J'écris régulièrement sur les questions relatives à l'eau dans la revue Water Canada, et j'ai récemment écrit un article sur le statut de personne des cours d'eau, en collaboration avec l'une de mes collègues, Katherine Cavan.
Je pense assurément que la question de savoir à qui incombe le rôle de porte-parole de la nature et, en particulier, des cours d'eau, est une question qui peut soulever des conflits. Certes, les Premières Nations locales doivent faire partie de la réponse, mais que se passe‑t‑il lorsque plusieurs Premières Nations cherchent à s'exprimer au nom d'un cours d'eau, d'autres communautés, d'autres parties prenantes? Que se passe‑t‑il lorsqu'il est nécessaire d'empiéter, d'une manière ou d'une autre, sur une rivière pour le plus grand bien des communautés d'une région?
Je dirais d'emblée que je ne pense pas que le statut de personne juridique pour les cours d'eau doive avoir des conséquences négatives pour des projets d'infrastructure bien réfléchis et bien planifiés. Si le droit de la nature applicable en l'occurrence se résume à la capacité juridique d'intenter une poursuite contre une partie — sans doute une autorité d'approbation gouvernementale — au sujet d'une décision, comment pouvons-nous éviter que le statut de personne juridique d'un cours d'eau devienne une autre source de retard dans la réalisation de projets d'infrastructure dans notre pays?
Ma coauteure et moi sommes d'avis qu'il est essentiel de faire appel à des gens aptes à résoudre des problèmes et à trouver des solutions pour la représentation des cours d'eau. Ce serait voué à l'échec si nous laissions les éléments de notre société qui prônent la mentalité du « pas dans ma cour » utiliser ce concept de personnalité juridique comme un autre moyen de retarder ou de torpiller des projets sans proposer des solutions de rechange permettant de réaliser les progrès nécessaires pour répondre aux besoins des êtres humains et de la nature.
L'une des questions qu'il convient de régler efficacement est celle de savoir comment mettre l'expertise et les connaissances à la disposition des intendants ou des gardiens d'un cours d'eau. Faut‑il encourager les personnes possédant ces connaissances et cette expertise à devenir elles-mêmes des intendantes, ou devraient-elles servir de personnes-ressources pour veiller à ce que les décisions soient prises en pleine connaissance des circonstances, des options et de tout le reste?
En plus d'aider à établir les porte-parole d'un cours d'eau, je pense qu'il serait avantageux pour nous de tenir compte de la contribution du cours d'eau dès le début du processus de planification des projets d'infrastructure. Cela dit, il ne serait pas avantageux de rendre plus long le processus d'évaluation environnementale pour chaque projet, compte tenu des retards.
Prenons brièvement l'exemple d'une nouvelle station d'épuration destinée à garantir que les eaux usées produites par les humains sont traitées et qu'elles n'ont aucune incidence sur les sources d'eau potable de diverses communautés. Les eaux usées traitées qui sortent de l'installation doivent être acheminées quelque part, et il s'agit habituellement d'un cours d'eau. Si ce cours d'eau traverse le territoire traditionnel de plusieurs Premières Nations et d'autres communautés, qui sera le porte-parole du cours d'eau pour évaluer si la municipalité qui planifie la station d'épuration a suffisamment pris en compte la santé et le bien-être du cours d'eau?
Il s'agit d'un problème complexe. Il faut non seulement connaître les zones concernées et la rivière, mais aussi posséder des connaissances et une expertise en ce qui a trait aux technologies envisagées pour la nouvelle infrastructure et aux risques connexes. La phrase « non, pas ici » n'est tout simplement pas une réponse acceptable puisque tous les humains ont besoin d'avoir accès à l'eau potable.
À mon sens, la question la plus importante est peut-être celle de savoir comment amener les intendants d'un cours d'eau à envisager des options qui réduisent le plus possible les effets négatifs sur la rivière, tout en permettant la mise en place de l'infrastructure, et comment ces informations peuvent ensuite être intégrées dans le processus de planification.
Pour ce qui est de savoir comment d'autres gouvernements ont procédé et cherché à inclure les informations recueillies au sujet d'une rivière, je suis loin d'être un expert en la matière, mais chose certaine, nous devons examiner les mesures prises par d'autres administrations. Il y a, je crois, une douzaine de pays qui ont acquis une expérience en matière de droits de la nature et qui pourraient vous en parler.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
D'entrée de jeu, je tiens à apporter deux précisions. D'abord, le format de telles consultations est particulièrement inconfortable pour une chercheure ou une professeure. Il est plutôt contre nature, étant donné qu'on nous demande généralement de démontrer une proposition avant de présenter nos affirmations, que nous pouvons ensuite présenter en cinq minutes.
Je tiens aussi à vous dire qu'un volume complet, que je vous invite d'ailleurs à lire, a été écrit sur la question d'une agence de l'eau. Je vais vous en présenter les conclusions, et vous pourrez ensuite me poser des questions sur les arguments qui vous intéressent.
La deuxième précision que je veux faire, c'est que je suis d'abord et avant tout une spécialiste du droit international et de la politique mondiale de l'eau. C'est donc de façon incidente que j'ai examiné les questions concernant la gouvernance de l'eau dans différents États souverains, parce que les problèmes du droit international viennent généralement de la conception qu'ont ces derniers de ces choses. Ce qui se passe dans les États constitue des limites à ce qu'on peut faire en matière de droit international.
L'autre raison pour laquelle j'ai accepté de vous rencontrer, c'est que je me suis aperçue que beaucoup de questions qui se posent sur le plan international concernent particulièrement des problèmes liés à la gouvernance de l'eau dans les fédérations. En effet, la multiplicité des échelles de pouvoir ressemble au fond à ce qu'on essaie de faire quand on veut gouverner à l'échelle internationale une ressource que nous avons en commun.
Je vais aborder rapidement trois angles morts, qui me sont apparus en examinant, dans le cadre d'un colloque, le projet d'agence de l'eau.
D'abord, il y a la question de la pluralité.
Viennent ensuite le cycle hydrologique et la capacité portante des écosystèmes. Il me semble important de prendre en compte ces angles morts.
Pour ceux et celles que la question de la pluralité intéresse, le chercheur Frédéric Julien a rédigé en 2016 une thèse qui porte précisément sur la conception de l'eau qu'ont les Canadiens.
À cause du mode de participation aux consultations publiques au Canada, on s'aperçoit que le souci vient davantage de la diversité des identités que de celle des idées. Cela a très souvent pour résultat que les dissensus n'apparaissent pas lors des consultations. Ensuite, on se demande pourquoi on n'arrive pas à des consensus.
Je pense donc qu'il est important de revoir nos modes de participation aux consultations sur l'eau et de démocratiser le processus entourant l'eau de telle sorte que les diverses conceptions de l'eau puissent apparaître. On ne réglera pas les conflits en masquant le fait qu'il existe des conceptions différentes.
D'ailleurs, on sait que le gouvernement du Canada possède un préjugé sur la question de l'eau. Ce préjugé est notamment ressorti en 2002, quand le Canada a été le seul pays à voter contre une résolution de la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies sur le droit à l'eau.
Quand des ONG lui ont demandé par écrit de justifier ce vote négatif, le gouvernement canadien a répondu que la résolution remettait en question sa souveraineté permanente sur ses ressources en eau.
Voilà un exemple qui démontre qu'il est important de comprendre la conception de la chose dont on parle avant de penser à la gouverner.
Dans cette perspective, parce qu'elle est un lieu de coordination — comme l'a bien rappelé le président tout à l'heure — et parce qu'elle est conçue pour devenir un lieu de coordination, une agence canadienne est un élément important qui doit être fourni politiquement en amont du travail d'une telle agence. Sinon, elle serait aux prises avec des contradictions.
Cela m'amène au deuxième angle mort, soit le fait que le Canada considère l'eau comme une ressource sur laquelle il a une souveraineté. Par le passé, le Canada n'a pas été un État très innovateur sur le plan du droit international de l'eau. Si je voyais une raison de créer une agence canadienne de l'eau, ce serait pour dire et affirmer la responsabilité canadienne à l'égard de la préservation du cycle hydrologique.
Il y a un défi important en droit international, soit le refus des États de considérer la globalité du cycle hydrologique. On a vu combien de dizaines d'années cela a pris pour prendre au sérieux la question du changement climatique. Si on prend autant de temps à prendre celle de l'eau au sérieux, on va avoir de mauvaises surprises.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de nous avoir invités ici aujourd'hui pour vous parler de la gestion de l'eau en Saskatchewan.
Le Canada est une superpuissance de l'eau. Dans tout notre grand pays — mais surtout en Saskatchewan et au Manitoba — notre eau est la clé de notre prospérité. Elle soutient les économies, transforme les aspirations en réalité et aide les collectivités à atteindre leur plein potentiel. Il est essentiel de garantir un approvisionnement durable en eau pour la croissance et la prospérité futures des Prairies — que ce soit dans l'agriculture, l'industrie manufacturière, l'énergie ou toute une série d'autres industries.
Tels sont les propos tenus par la ministre Joly dans le rapport Prospérité des Prairies: Une vision de la gestion des ressources hydriques, publié en 2020. Le rapport se concentre sur le potentiel non réalisé de l'irrigation au lac Diefenbaker.
La création d'un approvisionnement d'eau important et sûr dans les Prairies a été discutée pendant de nombreuses années en Saskatchewan. Les discussions ont pris de l'ampleur après la grande sécheresse des années 1930. La décision de poursuivre le projet a été prise en 1959 et la construction s'est achevée en 1967. Le lac Diefenbaker a été formé par la construction du barrage Gardiner et du barrage de la rivière Qu'Appelle. Le lac Diefenbaker a été conçu pour fournir de l'eau pour la production d'électricité, l'irrigation, l'approvisionnement en eau potable et le développement urbain et industriel. Aujourd'hui, le lac Diefenbaker fournit une quantité importante d'énergie hydroélectrique, d'eau potable pour près des deux tiers de la province et d'eau pour le développement urbain et industriel dans la région centrale de la Saskatchewan.
Le potentiel d'irrigation du lac n'a cependant jamais été pleinement exploité. Des stations de pompage et des canaux ont été construits pendant la réalisation du projet. Aujourd'hui, l'irrigation est opérationnelle sur la rive est du lac. Malheureusement, les travaux ont été interrompus sur la rive ouest en 1973 par le gouvernement provincial de l'époque, alors que la construction du canal était déjà achevée à 90 %. Le projet de la rive ouest n'a jamais été achevé. Par conséquent, nous voyons aujourd'hui de nombreux kilomètres de canal sec, parallèlement à des structures en béton qui n'ont jamais été utilisées. Le lac Diefenbaker a un potentiel de 500 000 acres de nouvelles terres irrigables. Nous nous concentrons actuellement sur la mise en place d'une infrastructure d'irrigation sur la rive ouest du lac Diefenbaker.
Les projets d'irrigation du lac Diefenbaker représentent l'une des possibilités uniques au Canada d'assurer la sécurité alimentaire, la résilience climatique et la croissance économique. L'irrigation permet aux producteurs de cultiver des produits diversifiés et à forte valeur ajoutée, ce qui accroît la rentabilité de l'exploitation et favorise la transformation à valeur ajoutée, l'attraction d'entreprises et l'emploi. Les projets créeraient des milliers d'emplois pendant la construction et la durée de leur exploitation. Cela représente potentiellement des milliards de nouvelles recettes fiscales pour les gouvernements provincial et fédéral.
Selon la plupart des estimations, la production alimentaire mondiale doit augmenter de 70 % d'ici 2050 pour nourrir les neuf milliards de personnes prévues dans le monde. L'augmentation de l'irrigation à cette échelle signifie pour le Canada une réduction de la dépendance à l'égard des importations de denrées alimentaires. L'augmentation de l'irrigation permet non seulement à notre pays de produire plus de nourriture par acre, mais aussi de cultiver des cultures différentes qui remplacent les importations de produits alimentaires plus coûteux qui doivent voyager plus loin pour atteindre les rayons de nos épiceries.
La Water Security Agency, ou WSA, a entrepris d'importantes activités de consultation avec les communautés locales, les municipalités rurales, les groupes d'intervenants et les détenteurs de droits autochtones. Au total, l'équipe de projet a organisé 18 réunions en personne avec les communautés autochtones. Ces réunions ont permis d'informer et d'éduquer les participants sur les projets, ainsi que sur les avantages économiques qu'ils pourraient apporter aux irrigateurs, à la production agroalimentaire et à d'autres possibilités de transformation. Je dirais que les réactions à ces réunions ont été très positives jusqu'ici. Nous nous réjouissons de poursuivre la consultation avec le public et les détenteurs de droits autochtones au fur et à mesure que les travaux sur les projets se poursuivent.
L'une des questions que l'on me pose le plus souvent est la suivante: y a‑t‑il assez d'eau? En bref, la réponse est oui. En préparant certains travaux préliminaires pour ces projets, la WSA a examiné près de 90 ans de données sur le débit afin de mieux comprendre l'approvisionnement en eau, sa disponibilité et sa durabilité. Nous avons constaté qu'en fonctionnement normal, il y a près de 900 000 acres-pieds par an d'eau disponible. Ces projets, lorsqu'ils seront entièrement construits, utiliseront moins de 700 000 acres-pieds par an. Pour donner un ordre d'idée, chaque année, la perte d'eau due à l'évaporation équivaut à environ 4 % de l'apport annuel dans le lac Diefenbaker, mais ces projets utiliseront environ 2 % de l'apport annuel.
Nous pensons que le moment est venu de faire avancer ces projets. Ceux‑ci présentent un immense potentiel pour le Canada, en renforçant la sécurité alimentaire, la résilience climatique, la durabilité de l'eau et les avantages économiques durables. La construction des projets du lac Diefenbaker constituerait une étape concrète vers la réalisation de ces objectifs et la consolidation de la position du Canada en tant que chef mondial.
Il y a plus de 50 ans, nous avons construit ensemble le lac Diefenbaker. Le moment est venu de concrétiser cette vision nationale et historique et d'assurer l'avenir de notre pays.
Nous vous remercions.
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Pour la gouverne du Comité, je vais revenir un peu en arrière.
La Water Security Agency de la Saskatchewan est un organisme unique en son genre au Canada. Tout ce qui touche à l'eau y est regroupé au sein d'une même agence. Nous mettons en œuvre différentes initiatives de gestion de l'eau qui sont nécessaires pour soutenir l'économie provinciale et la qualité de vie des habitants de la Saskatchewan — et nous faisons tout cela en veillant à protéger l'environnement.
Nous sommes responsables de l'ensemble de la réglementation provinciale en la matière. Nous gérons les permis d'utilisation de l'eau accordés aux différents utilisateurs, quels qu'ils soient. Nous menons un certain nombre d'activités de surveillance pour nous assurer que les rivières et les cours d'eau ne sont pas menacés.
Dès les premiers échanges à ce sujet, notre préoccupation était que l'agence ne fasse pas double emploi avec des services que la province fournissait déjà. Comme M. Orb l'a mentionné, l'agence est là pour aider à fournir des occasions de financement ou, peut-être, une partie de la science, de la recherche et de la collaboration nécessaire.
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C'est bon. Je vais recommencer.
Cela me semble ridicule d'avoir à mentionner cela. Je vais clarifier ce qui se passe ici, parce que tout le monde dit que ce n'est pas vrai.
Le titre de La Gazette de Montréal est le suivant: « Une agence fédérale évalue la pollution de l'air causée par les boutiques de bagels et les pizzerias. » Ailleurs, on peut lire: « une agence fédérale envisage d'obliger les entreprises qui utilisent des fours à bois à déclarer leurs émissions ».
Il y a une crise du coût de la vie. Les gens n'ont pas les moyens de se loger. Il y a une vague de criminalité dans nos rues et le gouvernement libéral se focalise sur les boutiques de bagels et les fours à bois. Réglementer, taxer et planifier. Telle est l'approche du gouvernement libéral. Je ne suis pas le seul à le dire.
Voici une déclaration du ministère que dirige le . Le programme d’Inventaire national des rejets de polluants « a récemment entrepris des activités de promotion de la conformité ciblant certains fours à bois comme ceux qui sont utilisés dans les pizzerias et les boutiques de bagels à travers le Canada ». Ceci est venu...
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Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas surpris. En fait, je suis juste déçu que les conservateurs cherchent encore une fois à magnifier les théories du complot. Le seul député ou fonctionnaire d'un quelconque échelon de gouvernement associé à ce comité ou à tout autre comité à s'être rendu dans un magasin de bagels pour prendre des photos et faire cela, c'est M. Mazier. Il l'a fait pour alimenter ses médias sociaux et promouvoir ce projet comme étant...
M. Dan Mazier: Voulez-vous un bagel?
M. Adam van Koeverden: Je mange des bagels tout le temps. J'adore les bagels. St‑Viateur et Kettlemans sont tous deux d'excellents magasins de bagels.
Cependant, ces députés interrompent les travaux du Comité pour faire de la désinformation et ils font perdre leur temps à nos témoins, comme ils le font sans arrêt. Les conservateurs sont les seuls à dénoncer cette situation, car il s'agit d'une théorie du complot élaborée par .
Le ministère de l'Environnement n'a pas procédé à des inspections en personne des endroits qui utilisent des fours à bois pour faire des pizzas ou des bagels. Il y a une foule d'articles de défenseurs de l'air pur qui parlent de certaines installations de taille industrielle qui nuisent à la qualité de l'air dans diverses collectivités. L'Inventaire national des rejets de polluants ne fixe pas de cibles de réduction des émissions. Son objectif est d'améliorer la compréhension que les collectivités du pays peuvent avoir de la pollution et de sensibiliser la population à l'égard de ces questions, chose qu'il fait par l'intermédiaire de rapports annuels.
Soit le député ne comprend pas comment fonctionne l'Inventaire national des rejets de polluants du Canada — ce qui serait problématique s'il devait consacrer autant de travail à ce sujet et à la diffusion subséquente dans les médias sociaux —, soit il sait que ce qu'il dit est faux et qu'il en fait quand même la promotion pour obtenir des clics et attirer l'attention. Malheureusement, c'est une chose à laquelle il faut s'attendre de la part des conservateurs, en particulier de celui‑là.
Il est atroce que les conservateurs continuent à présenter des théories du complot à ce comité et à faire perdre leur temps à nos témoins.
C'est pourquoi je serai heureux de débattre de cette question lorsque nous aurons le temps de le faire, mais pour l'instant, nous avons des témoins. Je propose d'ajourner le débat sur cette motion ridicule.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai été bien heureuse d'entendre les propos des témoins aujourd'hui.
Moi aussi, je pense qu'il y a une très belle vision qui se dessine pour l'agriculture au Canada. Nous vivons dans un monde où l'on va subir des sécheresses partout à l'échelle mondiale.
Je regardais d'ailleurs les dernières statistiques et les prédictions pour le sud-ouest des États‑Unis. Les sécheresses vont se répéter. L'agriculture au Canada va être un pilier de l'économie canadienne et elle le sera aussi sur le plan humanitaire pour nourrir le monde. Pour ce faire, on a besoin de l'eau, et on a évidemment besoin de la protéger. L'eau est non seulement une ressource, mais, comme on l'a vu dans les divers témoignages, c'est aussi un joyau, et il faut vraiment la protéger.
Dans ce contexte, comme le disait mon collègue M. Kram un peu plus tôt, on a mis en place l'Agence canadienne de l'eau pour essayer d'amener une vision au Canada.
Monsieur Jaques, vous faites partie d'une agence qui a de l'expérience en gestion, notamment aux différents paliers de gouvernement.
En vous fondant sur votre expérience, pouvez-vous nous dire quelles sont vos recommandations à l'Agence canadienne de l'eau quant à la façon de travailler avec les provinces, les peuples autochtones et d'autres organisations, comme la vôtre?
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Permettez-moi de commencer, puis je demanderai à M. Cooper de compléter.
Tout d'abord, sachez que nous n'avons pas eu beaucoup d'interaction avec l'Agence canadienne de l'eau. Nous avons eu quelques réunions au début, lorsqu'il s'agissait d'officialiser l'Agence. Nous avons aussi passé du temps avec certaines provinces voisines à discuter de ce que serait notre rôle et à faire en sorte d'être en mesure de rendre compte de ce qui se passait. Comme je l'ai dit, en Saskatchewan, c'est nous qui faisons tout ce travail de réglementation et nous veillons à ce qu'il n'y ait pas de chevauchement de services, car cela n'a pas de sens.
En Saskatchewan, nous siégeons à une commission avec le Manitoba et l'Alberta, la Prairie Provinces Water Board, qui gère l'eau qui traverse chacune de nos provinces. Nous travaillons en collaboration les unes avec les autres. Nous siégeons également à certaines commissions internationales dans le cadre desquelles nous travaillons avec nos voisins du sud pour veiller à ce que les accords de répartition soient respectés. Je pense qu'en Saskatchewan, avec notre agence, nous avons déjà de bonnes relations de travail avec ceux avec qui nous devons collaborer.
Dans le cadre de nos activités de tous les jours dans la province, nous travaillons beaucoup avec les Premières Nations. Par exemple, nous avons transféré des plans d'eau à différentes Premières Nations. Cela s'est fait dans le cadre de leur processus d'attribution des terres convenu aux termes d'un traité. Lorsque des opportunités économiques se présentaient, nous avons travaillé avec ces Premières Nations sur des terres qui nous appartenaient, et je pense que c'est ce que nous faisons actuellement.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, monsieur Cooper.
Je reviens à l'observation que j'ai formulée — je pense que c'est M. Kram qui a posé la question — à savoir que s'il y a une possibilité d'aider au financement de différents types de projets, l'Agence canadienne de l'eau pourrait jouer un rôle. S'il y a un soutien qu'elle peut fournir — je pense entre autres à la recherche —, elle sera la bienvenue, mais je pense qu'il serait vain de dupliquer le travail que les provinces font déjà.
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Je remercie tous nos témoins d'être des nôtres.
Madame Paquerot, je sens beaucoup de passion dans vos propos. Effectivement, j'ai eu l'occasion de lire le septième chapitre de l'ouvrage que vous avez mentionné tantôt. J'invite tous mes collègues à le lire. C'est super intéressant. Il porte sur l'Agence canadienne de l'eau et les angles morts, qui n'ont pas été abordés. On voit bien que la gestion des eaux comporte de nombreux périls. L'eau est-elle une ressource industrielle ou économique ou bien fait-elle partie du patrimoine commun? Souvent, les politiciens, malheureusement, ne s'occupent pas de cette question. Ils négligent de légiférer, ou, s'il y a effectivement une réglementation, ils décident de ne pas l'appliquer. C'est ce que vous dites notamment dans votre chapitre 7.
Au sujet de l'Agence canadienne de l'eau, vous dites que l'idée même d'une agence canadienne reproduit le problème lié à la réconciliation des deux réalités. C'est de cela qu'il est question. Selon vous, dans une perspective de subsidiarité assumée, les agences ou toute autre organisation gouvernant les quelque 50 bassins versants en sol canadien devraient être consultées avant que soit lancée une telle initiative.
D'ailleurs, nous avons accueilli des témoins qui nous ont parlé de l'importance des bassins versants. C'était très intéressant.
Pourriez-vous nous parler du contexte canadien? De quelle façon pourrait-on mettre sur pied une structure, comme l'Agence canadienne de l'eau, qui améliorerait vraiment la situation actuelle? Surtout, il faudrait que cette structure n'empiète pas sur les champs de compétence de chaque ordre de gouvernement — n'oublions pas que nous sommes au Canada.
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Je vous remercie de la question.
Je vais commencer par la fin en répondant à la question de l'empiètement sur les champs de compétence. Comme je le disais au départ, ce qu'on étudie en droit international reflète ce qui se passe dans les fédérations. Par exemple, quand le même objet relève de plusieurs ordres de gouvernement, il peut se produire des tensions concernant la gestion des ressources ou des problèmes. Il n'y a pas de recette magique.
L'idée de base, je pense, est de revenir concrètement à ce que veut dire le slogan écologiste « Penser globalement, agir localement » et d'appliquer sérieusement le principe de subsidiarité. La raison en est que, dans toutes les préoccupations portant sur l'environnement et sur l'eau, en particulier, puisqu'elle circule, les aspects locaux et globaux sont absolument liés. Si on a trouvé des preuves de pollution dans la chair des ours polaires, c'est parce que la pollution que nous engendrons circule. Ce ne sont pas les Inuits dans le Grand Nord qui ont généré les produits chimiques à la source de cette pollution. On la retrouve aussi en Antarctique; elle circule partout. Ce qu'on produit à un endroit a des effets sur le cycle global. Il nous faut accepter cela.
Je reviens sur les présentations antérieures où il a été question à maintes reprises de la vision. Vous avez parlé de gestes symboliques, mais j'invoquerais plutôt l'imaginaire. Comment imagine-t-on l'eau? C'est une question fondamentale à l'heure actuelle. Si on la considère uniquement comme ressource, on ne tiendra pas compte des perturbations du cycle hydrologique que nos transformations peuvent engendrer.
Parlons d'infrastructures. Vous vous souviendrez qu'il y a quelques années, la ville du Cap a failli être la première ville du monde à ne plus pouvoir fournir de l'eau potable à ses citoyens. Quand on regarde le portrait hydrologique de l'Afrique du Sud, on peut se dire qu'elle a fait exprès, parce que la quantité de pluie la plus abondante de l'Afrique du Sud ne tombe pas dans la région où l'on cultive, où se trouve l'industrie touristique. Ce pays a donc construit de grandes infrastructures pour détourner l'eau là où c'était nécessaire. Par contre, à un moment donné, ces mesures ont transformé le cycle hydrologique, et plus rien ne fonctionne.
Les lieux où se prennent les décisions politiques et administratives n'ont donc strictement rien à voir avec l'eau. Vous pouvez décider lesquelles de vos administrations locales, provinciales ou fédérales sont les plus importantes, mais cela importe peu au cycle hydrologique, tant au petit cycle hydrologique qu'au grand cycle hydrologique.
À la COP21, conférence qui s'est tenue à Paris, il y a eu énormément d'activités pour montrer comment un meilleur contrôle, un meilleur maintien de l'équilibre du petit cycle hydrologique, qui est plus territorialement localisé, pouvait aider à contrebalancer certains effets du changement climatique. Il est primordial que nous acceptions de faire partie d'un cycle.
Au Canada, le mot « systémique » a souvent été utilisé pour plein de sujets dans les dernières années, mais, du point de vue environnemental, on n'a pas l'air de saisir la mesure de ce que cela veut dire. Si on prend au sérieux la subsidiarité, cela veut dire qu'il faut qu'il y ait des règles, de même que des sanctions et des contrôles à chaque échelon.
Il faut aussi qu'il y ait une volonté politique affirmée et dynamique — si notre système démocratique tient toujours, bien sûr —, qui fera en sorte que tous, à tous les échelons, soient soumis au grand principe sur lequel on s'est entendu. Or, cette étape-là, au Canada, on ne l'a pas faite.
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Il n'y a pas de divergence pour ce qui est des objectifs, mais, à mon avis, il y a une divergence sur le plan stratégique. Je ne suis pas seulement juriste; en effet, j'ai également une formation en sciences politiques, en sciences juridiques et en sciences de l'environnement. Selon moi, sur le plan de l'efficacité, le défi est de voir où on peut faire bouger les choses le plus réalistement possible, d'une part. D'autre part, il s'agit de déterminer si ces changements sont efficaces.
Je viens du domaine des droits de la personne. Si un domaine permet de voir que, sur le plan des droits de la personne, l'importance n'est pas le droit, mais l'obligation, c'est bien celui-là. C'est la raison pour laquelle je travaille bien davantage à renforcer les responsabilités et les obligations des autorités publiques. Je vous fais part de la fameuse phrase de Hannah Arendt. Elle disait qu'au fond, on n'a qu'un seul droit, soit le droit à une communauté politique qui est à même de garantir les droits. Ce serait la même chose dans le cas d'une rivière.
Ma première objection se situe sur le plan stratégique. Je pense qu'on a plus de chances d'atteindre notre objectif en renforçant la responsabilité et en imposant des sanctions qu'en énonçant des droits. Je me base sur les 50 dernières années pour dire cela.
Je vais maintenant porter mon chapeau de politologue pour parler du deuxième élément. L'obsession des politologues, c'est le pouvoir et l'octroi de personnalités juridiques à des entités non humaines. Le droit est une fiction humaine en soi. Si on se base sur le passé, on peut voir que le fait de donner le statut de personnalité juridique aux entreprises n'a pas seulement eu des effets positifs. Au Canada, entre 1982 et 2000, les poursuites en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ont été majoritairement intentées non pas par des êtres humains, mais par des personnes morales, c'est-à-dire des entreprises. On a donc assisté au détournement de cet outil.
Nous avons intérêt à établir un équilibre. Le principal argument est que, dans la mesure où on a donné ces droits aux personnes morales, aux compagnies, il faut établir un équilibre en les donnant aussi à la nature. Cet argument se tient, mais, sur le plan stratégique, je continue de penser que... Pardonnez-moi, mais on n'a qu'à voir la situation actuelle d'Israël et de Gaza. Je pense que les seuls outils qu'on a sont les obligations et la responsabilité, parce que l'application des droits énoncés a toujours nécessité une volonté politique. On aura beau inscrire tout ce qu'on veut dans le droit, tant qu'on n'aura pas la volonté politique de l'appliquer, on n'obtiendra pas les résultats souhaités.
Enfin, pour ce qui est de la responsabilité, on peut tout aussi bien s'appuyer sur les conceptions autochtones. Au fond, les Autochtones utilisent le langage des droits parce que c'est le nôtre et c'est celui que nous comprenons, mais, à leurs yeux, la vraie responsabilité consiste à être les gardiens.
Je suis juriste spécialisé dans les projets, ce qui signifie que je travaille habituellement à la réalisation de projets d'infrastructure, depuis leur conception jusqu'à leur financement et leur construction. Pour ce qui est des problèmes rencontrés dans le domaine de l'eau, comme beaucoup d'autres — je travaille beaucoup dans le domaine des énergies renouvelables — il arrive malheureusement régulièrement que des clients, des clients potentiels ou des partenaires de nos clients décident de ne pas investir au Canada et de ne pas participer à des projets au Canada parce qu'ils ont entendu parler de notre incapacité à faire avancer les projets, et qu'ils ne veulent pas s'embourber dans des processus d'approbation.
Nous avons réussi à faire avancer différents projets, mais la grande majorité de mes clients qui ont réussi sont canadiens. Je suis fier de travailler avec un large éventail d'entreprises canadiennes, y compris celles détenues et exploitées par des groupes des Premières Nations et autres. Mais il est vrai que certains projets sont annulés, retardés ou ne se réalisent pas en raison du spectre de la difficulté à mener à bien des projets de toutes sortes dans notre pays.
C'est l'une des choses auxquelles j'ai pensé lorsque nous avons rédigé notre document sur ce sujet, à savoir que le point relatif au statut de personne morale et non...
Je vais poursuivre avec M. Atcheson.
J'aimerais également vous dire que Katherine Cavan, votre co‑auteure, était à l'école maternelle avec ma fille cadette, ce qui fait que nous avons plus de 30 ans d'écart. Vous pouvez faire le calcul.
J'aimerais beaucoup consulter l'article que vous avez co‑rédigé, à la fois sur le plan personnel — je suis certain que ma femme adorerait le lire également; il serait très populaire chez nous — et pour les fins de notre étude, et pour savoir s'il existe des comparateurs internationaux.
Étant donné que le Canada possède 20 % des réserves mondiales d'eau douce, dans quelle mesure est‑il important pour nous d'envisager tous les moyens de protection possibles, y compris ceux liés au statut de personne?