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Nous faisons de notre mieux pour obtenir une confirmation le plus rapidement possible.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous poursuivons notre étude des facteurs qui ont mené aux récents incendies dans le parc national Jasper.
Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons M. Brock Mulligan, vice-président principal, Alberta Forest Products Association. M. Mulligan témoignera en personne. Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Heather Sweet, députée d'Edmonton-Manning à l'Assemblée législative de l'Alberta; M. Barry Wesley, agent des consultations et gardien du savoir de la Première Nation Bighorn Stoney, ainsi que Mme Tracy Friedel, présidente de la Lac Ste. Anne Métis Community Association, qui nous joint aussi par vidéoconférence.
Nous allons commencer par le témoignage de M. Mulligan. Vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par une brève présentation de l'Alberta Forest Products Association, ou AFPA.
L'AFPA représente 29 entreprises forestières de l'Alberta, qui vont de la société cotée en bourse à l'entreprise familiale transmise de génération en génération. Tous nos membres récoltent du bois de façon responsable, principalement sur des terres publiques, et fabriquent des produits de qualité supérieure qui sont en demande au Canada et à l'étranger. Ils jouent de plus un rôle important dans l'aménagement, le développement durable et la protection des forêts de l'Alberta.
La durabilité est essentielle pour la survie de nos entreprises. Les entreprises fondées il y a 80 ou 100 ans sont l'exception dans d'autres secteurs, mais elles sont la norme dans le secteur forestier. Cela s'explique par le fait que les entreprises doivent planter les arbres des dizaines d'années à l'avance, en planter plus qu'elles n'en récoltent et prendre soin du territoire. En Alberta, les entreprises forestières plantent plus de 100 millions de pousses par année, à raison de 3 pousses environ par arbre récolté.
Depuis des années, nous étions profondément inquiets de la situation à Jasper. De façon générale, nos membres n'ont pas d'activités dans le parc lui-même, mais ils s'occupent et ils assurent l'aménagement des forêts situées sur les terres adjacentes. La mauvaise santé des forêts du parc a des conséquences pour les forêts voisines et accentue les risques d'incendies et d'infestations de dendroctones du pin, qui ne se soucient pas des frontières ou des limites.
L'autre jour, j'ai retrouvé un article de presse que nous avons écrit en 2017 et dans lequel nous prédisions que le prochain incendie de forêt majeur éclaterait à Hinton ou à Jasper. Malheureusement, nous avions raison. Dans cet article, nous parlons de nos inquiétudes concernant la combinaison de facteurs comme les infestations de dendroctones du pin, les étés de plus en plus chauds et secs et l'existence de forêts non aménagées dans le parc. Nous y expliquons aussi que les incendies font partie du cycle naturel des forêts dans cette région du monde, mais qu'ils sont dangereux pour les communautés et les gens qui vivent autour, particulièrement dans un contexte où les étés sont chauds et secs, et les feux de plus en plus instables.
Les régimes de perturbations ont façonné la plupart des forêts canadiennes. Certes, il est prudent d'éteindre les incendies pour assurer la sécurité des communautés, mais ces pratiques ont fait en sorte que nous avons aujourd'hui des forêts anormalement vieilles et des conditions instables. Nous pensons que la récolte et le repeuplement des forêts offrent une solution plus sûre que les incendies. Les forêts âgées et homogènes présentent un risque d'incendie beaucoup plus élevé que les forêts dont la structure d'âge est plus naturelle. L'aménagement actif des forêts permet d'obtenir cette structure.
Nous pensons par ailleurs qu'il existe une faille fondamentale dans l'approche du gouvernement du Canada en matière d'aménagement forestier. Cette faille réside dans la croyance que les forêts surannées ne devraient pas être aménagées, même si elles continuent de vieillir et qu'elles posent un risque d'incendie aux conséquences catastrophiques. C'est exactement ce qui est arrivé à Jasper, où le risque s'est tristement réalisé. Non seulement la croyance selon laquelle les forêts devraient être préservées dans un état anormal semble ancrée dans les politiques liées aux parcs nationaux, mais elle a gagné du terrain et on la retrouve maintenant dans les mesures applicables aux terres provinciales comme la Loi sur les espèces en péril.
Actuellement, en Alberta, les entreprises n'ont pas le droit d'aménager et de mener des activités dans de vastes étendues de forêts matures et surannées en raison des populations de caribous. Or, comme à Jasper, ces forêts posent un risque réel d'incendies dévastateurs. Et quand ils vont éclater, ce sera au grand détriment des communautés, des caribous et de la durabilité des industries qui ont des activités sur ces terres.
À nos yeux, il serait inutile de regarder en arrière. Il faut désormais emprunter une voie de concertation afin d'assurer la protection des communautés dans lesquelles nous vivons et que nous aimons, du territoire qui nous est cher et des forêts qui assurent notre subsistance. Nous sommes sincèrement convaincus que cette voie englobe l'aménagement actif de nos forêts, ce qui signifie qu'il faudra déterminer quelles régions risquent de subir le même sort que Jasper et prendre les mesures qui s'imposent, y compris la récolte et la plantation d'arbres plus jeunes et beaucoup moins inflammables.
Il est impératif de faire un examen approfondi de toutes les politiques et de toutes les mesures législatives qui nous empêchent de faire ce travail. Il est urgent de revoir les politiques liées aux parcs nationaux et la Loi sur les espèces en péril. Nous devons emprunter une voie qui favorisera la concertation et la communication ouverte. Tous les ordres de gouvernement, les communautés autochtones, l'industrie et les autres utilisateurs du territoire doivent engager un dialogue sur l'aménagement des forêts, et mettre à profit l'expertise des forestiers et des gens qui vivent sur le territoire, ainsi que les visions des communautés locales. Ce dialogue est urgent et nécessaire.
Ne manquons pas l'occasion d'engager ce dialogue.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité. Je suis très heureuse de participer à cette réunion. Merci de l'invitation.
Je me trouve en ce moment à Edmonton, en Alberta, sur le territoire visé par le Traité no 6 et patrie des Métis, qui entretiennent un lien profond avec ce territoire.
J'ai été attristée par les incendies de Jasper, le décès du pompier en milieu sauvage Morgan Kitchen, les pertes de foyers et d'entreprises, de même que la détresse des résidents de Jasper.
J'aimerais me concentrer sur deux aspects des incendies de Jasper et certaines mesures que nous, les législateurs, devons mettre en avant dans un esprit non partisan et collaboratif. Le premier respect concerne le renforcement du programme Intelli-feu et le second a trait à la mise en place d'un programme de relance économique afin de favoriser la prospérité financière des résidents et des entreprises locales qui sont toujours en activité à Jasper.
L'Alberta a un programme axé sur la résilience aux incendies de forêt qui est fondé sur les connaissances scientifiques, et il fonctionne. Tous les ordres de gouvernement doivent accroître le soutien financier et stratégique du programme Intelli-feu. La priorité doit être accordée au soutien des améliorations à apporter par les propriétaires dans la zone d'inflammabilité résidentielle, y compris l'habitation elle-même et tout ce qui se trouve autour dans un rayon de 30 mètres. Les recherches ont montré que les braises détruisent jusqu'à 90 % des structures au cours d'un incendie en milieu périurbain. À Jasper, l'incendie dans la communauté a été déclenché par des braises. La propagation rapide d'une structure à l'autre a dépassé la capacité des ressources de la communauté en matière de lutte contre les incendies.
Le gouvernement du Canada a offert aux propriétaires des subventions liées aux énergies vertes par le passé. Il doit maintenant créer un programme similaire pour aider les propriétaires à adapter leurs habitations afin d'en accroître la résilience non seulement aux conséquences des incendies de forêt, mais également aux conséquences globales des changements climatiques.
Le Conseil national de recherches a publié le Guide national sur les incendies en milieu périurbain en 2020. Les mesures qui y sont proposées n'ont pas encore été intégrées aux codes nationaux et provinciaux du bâtiment. Il faut apporter ces changements. Le gouvernement du Canada doit accélérer la mise en œuvre et l'intégration des mesures proposées en matière de construction au Code national du bâtiment. Il faut adapter les méthodes de construction aux changements climatiques et nous assurer que les immeubles construits dans les zones à risque pourront résister aux conséquences des incendies de forêt. La reconstruction de Jasper devra se faire conformément à ces codes et bénéficier de l'aide financière de tous les ordres de gouvernement pour compenser les pertes subies aux mains des sociétés d'assurances.
Il est impératif d'améliorer l'accès à la formation en matière de lutte contre les incendies de forêt pour les pompiers municipaux et de bâtiments. L'Association canadienne des chefs de pompiers a adopté une résolution à cet effet à la fin de septembre. Il faut optimiser la capacité et les ressources de formation de nos services de lutte contre les feux de bâtiments en intégrant des programmes bien établis et rigoureux qui assureront que tous les pompiers du Canada ont une formation conforme à la norme nationale.
Il faut encourager la gestion des végétaux combustibles à une échelle beaucoup plus vaste. Il faut réduire la quantité de végétaux combustibles dans les zones tampons autour des communautés, sur les terres publiques et privées.
Le modèle et la structure de dotation en personnel de lutte contre les incendies de forêt ne sont pas viables en Alberta. Les organismes de lutte contre les incendies de forêt offrent des contrats d'emploi de quatre à six mois, de faibles salaires et des possibilités de carrière à long terme extrêmement limitées qui compliquent de plus en plus le recrutement et le maintien en poste d'effectifs suffisants. Des unités de pompiers forestiers moins chevronnées sont sollicitées pour combattre des incendies de forêt de plus en plus complexes durant de longues périodes, sans bénéficier de pauses et de délais de récupération adéquats. Ces conditions accroissent énormément le risque de blessures et de décès dans l'exercice de leurs fonctions.
En fait, l'entièreté du modèle canadien présente des lacunes. En 2023, l'activité des incendies de forêt a atteint un niveau extrême dans toutes les provinces. Les ressources n'étaient pas suffisantes pour être partagées d'une province à l'autre et, dans plusieurs cas, il manquait de ressources d'intervention. Du 1er mai au 31 août, le Centre interservices des feux de forêt du Canada a enregistré 113 jours de niveau 5. Toutes les ressources de lutte contre les incendies de forêt étaient mobilisées et il n'y avait pas de ressources disponibles pour assister les provinces. Beaucoup de partenaires internationaux nous ont prêté main-forte, mais il faut savoir que cette dépendance au soutien international coûte très cher aux provinces et à Ottawa. Nous devons en faire plus pour renforcer la capacité de notre propre secteur de la lutte contre les incendies de forêt.
Pour ce qui concerne la relance économique de Jasper, tous les ordres de gouvernement doivent se concerter pour mettre au point un programme d'intervention. La communauté de Jasper est isolée et dépend fortement du tourisme. La plupart des entreprises réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires durant la haute saison, c'est‑à‑dire durant les mois d'été, durant lesquels les touristes affluent de partout au pays et d'ailleurs dans le monde. Après le 22 juillet, leur source de revenus s'est presque complètement tarie. La disparition en un rien de temps de trois mois entiers de revenus de haute saison a mis les entreprises locales à rude épreuve. Selon ce que nous avons constaté ailleurs, d'autres ressources ont pu être mises à contribution pour assurer la stabilité économique des communautés touchées par des incendies.
Je comprends tout à fait que l'on réclame des logements, mais je tiens à souligner que s'il n'y a pas de perspectives d'emplois à Jasper, les résidents ne pourront pas payer leur loyer. C'est pourquoi nous avons besoin d'une stratégie économique.
Tout d'abord, je tiens à remercier les premiers intervenants qui ont fait un travail remarquable durant les incendies.
Le parc national Jasper est situé sur le territoire traditionnel du peuple Stoney. C'est la terre de mes ancêtres. À leur époque, comme l'histoire nous l'a appris, les feux de forêt ne prenaient jamais l'ampleur qu'on leur connaît aujourd'hui parce que nous, les Autochtones de la nation Stoney, assurions l'intendance du territoire. C'était notre travail. Le Créateur nous a confié une responsabilité et un rôle dans cet écosystème. Mon peuple vit dans les montagnes et il a assumé cette responsabilité et ce rôle jusqu'en 1907, l'année de la création du parc national Jasper. À compter de cette date, mon peuple a été incapable de préserver la terre et d'en assurer l'intendance parce que ses membres sont devenus des hors‑la‑loi.
La situation s'est détériorée rapidement depuis. Le secteur forestier s'est hypertrophié et des espèces envahissantes sont arrivées. Il n'y a aucune preuve d'envahisseurs avant. La forêt était préservée. Les cérémonies du calumet sont une autre de nos responsabilités à titre de membres du peuple autochtone Stoney. Ces cérémonies nous aident à préserver la terre. C'est très important.
D'après ce que j'ai observé, le savoir traditionnel n'a pas été pris en compte dans les parcs et ailleurs au Canada, mais je ne suis pas ici pour me plaindre. Je suis venu proposer mon aide. Je crois que le savoir traditionnel du peuple Stoney doit être reconnu et utilisé comme outil pour éviter d'autres catastrophes. C'est pour cette raison que je suis ici.
De plus, le peuple Stoney Îethka accorde beaucoup de valeur à la solidarité. C'est très important pour nous. C'est par esprit de solidarité que nous partageons notre savoir avec nos visiteurs et notre génération. Le peuple Stoney a un rôle, et il a la responsabilité de mener une bonne vie. Jasper attire les touristes, mais les montagnes aussi. Notre voix doit être entendue parce que nous vivons dans les montagnes. Mes ancêtres y vivaient. Nous continuons d'exister et nous devons être reconnus.
Nous serons très heureux d'apporter notre aide. Nous avons tenu une cérémonie pour les pompiers en août. Après la cérémonie, en moins d'une semaine, l'incendie s'est calmé. Tout ce que nous voyons, entendons et sentons est vivant. C'est notre croyance. Si nous collaborons avec tous les êtres vivants, nous allons contribuer à la préservation de ce magnifique paysage dans toute sa beauté.
Merci.
Bonjour.
[Le témoin s'exprime en cri et fournit un texte en anglais dont voici la traduction:]
Merci de me donner la possibilité de prendre la parole aujourd'hui. Je m'appelle Tracy Friedel. Je suis une nehiyaw-métisse du Lac Ste. Anne, en Alberta.
[Traduction]
Je suis actuellement présidente de l'autorité représentant les Métis de Lac Ste. Anne. Nous sommes des descendants de familles cries-métisses qui ont habité le territoire du centre-ouest de l'Alberta depuis la fin des années 1700 ou le début des années 1800, y compris ce qui est connu aujourd'hui comme le parc national Jasper.
L'histoire de la création des parcs nationaux canadiens est à la fois complexe et sujette à controverse, notamment pour ce qui a trait au déplacement d'Autochtones, comme l'a évoqué M. Wesley. Ces zones protégées sont louangées pour la beauté naturelle et l'engagement envers la conservation, mais elles ont été créées aux dépens des peuples autochtones, inévitablement, qui pour certains y habitaient depuis des temps immémoriaux.
À titre de surveillant du parc national Jasper, le gouvernement fédéral a instauré des politiques qui ont mené à l'expulsion ou au déplacement de force de familles et de communautés autochtones qui vivaient sur ces terres. Ces déplacements ont bouleversé leurs modes de vie traditionnels et leurs liens avec des lieux importants. L'expulsion de force sans indemnisation et l'interdiction pour les peuples autochtones de s'adonner à leurs activités culturelles sur le territoire des parcs ont désorganisé les communautés et compromis leurs moyens de subsistance. Les répercussions sur les pratiques culturelles ont été tout aussi délétères. Ces déplacements ont laissé des séquelles profondes et persistantes en héritage.
Dans le cas du parc national Jasper, les injustices léguées par les déplacements de force de personnes autochtones font l'objet d'une reconnaissance grandissante depuis 2005. Le Jasper Indigenous Forum réunit des membres du personnel et de la direction avec des représentants de groupes autochtones et d'autres parties afin qu'ils trouvent ensemble des façons de réintégrer la présence et la culture autochtones au paysage. Dans le cadre de cette initiative, le parc favorise la participation aux processus de gestion des communautés des Premières Nations et Métis qui ont des liens avec celui‑ci. Notamment, leurs représentants ont participé aux activités récentes de lutte contre les incendies visant à intensifier les efforts de brûlage dirigé. Malheureusement, il reste beaucoup de rattrapage à faire. Un siècle d'opérations de suppression des feux et les changements climatiques ont d'énormes conséquences, de même que la volonté de répondre aux attentes des résidents de Jasper ou des visiteurs canadiens et étrangers qui ont une certaine conception de la nature.
Nos aînés nous ont enseigné que le feu contribue au maintien de la diversité écologique et réduit le risque d'incendies de forêt. Ces brûlages culturels sont liés à la notion que le feu est un remède qui joue un rôle central dans la bonne gestion des écosystèmes locaux, un savoir pour lequel les peuples autochtones n'ont jamais reçu la reconnaissance méritée. Quand les Autochtones ont été chassés du parc, la suppression des incendies est devenue la priorité.
Les incendies de forêt à Jasper sont le résultat d'un amalgame de mauvaises pratiques de gestion du paysage et des conséquences des changements climatiques. Ils sont aussi un révélateur des tensions créées par la priorité accordée à la fonction récréative, le tourisme et la conservation d'un côté et, de l'autre, la réconciliation avec les Autochtones. À partir de maintenant, Parcs Canada devra collaborer davantage avec les Autochtones et appuyer, entre autres mesures, la réintégration des brûlages culturels aux pratiques de gestion du parc. En plus d'améliorer la biodiversité — qui est importante notamment pour le rétablissement du caribou et la réalisation d'autres objectifs —, cette pratique peut être envisagée comme faisant partie des solutions aux répercussions économiques que le déplacement des forêts a eues sur l'expulsion des peuples qui habitaient ces terres.
Dans le cadre de l'étude des facteurs entamée par le Comité, les Métis de Lac Ste. Anne demande à Parcs Canada de s'engager à en faire encore plus pour resserrer les liens en veillant à ce que les ententes de gestion tiennent davantage compte des perspectives et des attentes autochtones en matière de conservation. Ces efforts seront déterminants pour favoriser la réconciliation.
Kinana'skomitina'wa'w. Hay hay
Merci.
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Oui. Merci pour cette question.
Pour donner suite à ce que M. Wesley vient de dire, je crois qu'une des choses que nous ont appris les incendies de forêt à l'extérieur du parc et à d'autres endroits — on sait qu'il y a eu une série d'incendies dévastateurs en Alberta dans les 20 dernières années —, c'est que les pratiques forestières doivent évoluer. La plantation de forêts en monoculture nuit à l'efficacité des mesures d'atténuation des risques d'incendie. C'est un autre aspect qu'il faudrait songer à améliorer.
Pour ce qui est du parc national Jasper, bien entendu, un des principaux problèmes est qu'il n'y avait pas de zone pare-feu appropriée autour de la ville. Comme je l'ai dit, les résidents ont des intérêts divergents. Ils veulent évidemment être en sécurité, mais il y a une raison pour laquelle ils vivent à Jasper. Ils adorent le milieu naturel. Quant aux visiteurs, l'idée de larges zones pare-feu semble assez impopulaire auprès de ceux qui viennent de l'étranger, et même auprès de ceux qui viennent du Canada.
Cela dit, je crois quand même qu'il est possible de restaurer et de réhabiliter le site, mais aussi de créer des zones pare-feu et de diversifier les essences d'arbres qui seront plantées en remplacement. C'est essentiel si nous voulons que la restauration, y compris aux endroits où des brûlages culturels ont lieu, favorise la réapparition d'une biodiversité plus riche. Il sera plus facile d'atténuer les risques d'incendie de forêt dans ce genre de milieu. J'ajouterai qu'un bon nombre de ces espèces, qu'il s'agisse d'arbres, d'arbustes ou de plantes herbacées, ont une signification culturelle pour les peuples autochtones.
Pendant des années, il n'y a pas eu de récoltes dans le parc. Le rétablissement dans le parc de nombreuses espèces visées par les connaissances écologiques traditionnelles ou d'espèces indigènes peut aussi contribuer à un retour des activités de récolte culturelles dans le parc. C'est impossible actuellement à cause des conséquences subies par un bon nombre de ces espèces.
Je suis convaincue que l'intégration des brûlages culturels et la mise en priorité des espèces visées par les connaissances écologiques traditionnelles au processus de restauration et de réhabilitation vont permettre d'améliorer la situation dans le parc.
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Merci, monsieur le président.
Madame Sweet, ici, au Parlement fédéral, la plupart d'entre nous sont au courant de la vision de nos collègues de l'Alberta en ce qui concerne la lutte aux changements climatiques. Cependant, j'aimerais connaître votre avis, en tant qu'élue provinciale de l'Alberta, sur la façon dont le gouvernement fédéral pourrait mieux gérer les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les feux de forêt qu'on a vécus à Jasper.
En fait, je voudrais vous questionner sur le lien entre les changements climatiques et les feux de forêt. On sait que ces feux sont des phénomènes naturels qui peuvent en fait contribuer à la santé et au renouvellement de nombreux écosystèmes forestiers. Cependant, ils sont maintenant de plus en plus nombreux, intenses et incontrôlables, et deviennent donc destructeurs.
Selon une étude de l'organisme World Weather Attribution, les changements climatiques ont plus que doublé la probabilité de conditions extrêmes propices aux feux incontrôlés dans l'Est canadien. Les scientifiques nous expliquent qu'en raison de la surchauffe climatique, les étés au Canada sont de plus en plus venteux et chauds — on le constate —, ce qui donne lieu à des précipitations plus erratiques, notamment une diminution de la quantité de pluie estivale dans certaines régions.
Selon Ressources naturelles Canada, la saison des feux de forêt au pays commence plus tôt et dure plus longtemps, et les feux sont plus difficiles à maîtriser. Bref, la science indique que, afin d'assurer la sécurité de la population, les gouvernements doivent à la fois agir défensivement et offensivement, c'est-à-dire protéger les gens et les écosystèmes, tout en accélérant l'abandon des combustibles fossiles afin de limiter le réchauffement climatique.
Est-ce que, à votre avis, les élus de l'Alberta, les décideurs en général, y compris les pouvoirs locaux, les leaders communautaires, mais aussi les entreprises, connaissent assez bien la littérature scientifique qui nous informe sur les causes et les effets sur la nature et les humains des phénomènes extrêmes comme les feux de forêt? D'après vous, est-ce que les gens, les décideurs en Alberta, sont très au fait de ce que je viens de vous raconter?
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Je tiens à préciser que cette campagne à Ottawa… Nous voyons les mêmes annonces publicitaires dans notre province.
Je pense que nous avons la responsabilité, en tant que décideurs, de chercher des solutions aux enjeux qui préoccupent les Albertains. En ce moment, nous savons qu'ils sont préoccupés par l'inflation. Ils sont aussi préoccupés par la productivité au Canada et son incidence sur leur capacité de trouver un emploi, de rembourser leur prêt hypothécaire et de se nourrir.
Parler d'autres enjeux, à mon avis, ne fait que détourner l'attention du fait que les Albertains, même si la province est riche, peinent à subvenir à leurs besoins de base.
Je crois que le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux devraient se concentrer sur ce dont les Canadiens et les Albertains ont besoin, et cela signifie créer des emplois bien rémunérés, stimuler la croissance économique, développer des marchés d'exportation et créer des économies solides qui offriront des emplois durables.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous et de nous faire bénéficier de leur expertise.
J'aimerais poursuivre avec ma collègue de l'Alberta, Heather Sweet et lui poser quelques questions.
Vous venez de répondre aux questions de mon collègue M. Trudel sur ce qui compte vraiment pour les Albertains. Je pense que les Albertains se soucient très peu des traînées chimiques et de l'ubérisation des soins de santé, qui semblent également obséder le gouvernement provincial.
Madame Sweet, j'aimerais entendre votre point de vue à titre de porte-parole en matière de foresterie. Dans votre allocution, vous avez parlé de stratégie économique et du soutien à la relance pour les résidents de Jasper. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
Une des choses que nous savons, c'est que de très nombreux résidents de Jasper travaillent dans l'industrie du tourisme, comme vous l'avez souligné. Nous savons que beaucoup d'entre eux n'ont pas eu droit à l'assurance-emploi. Cela les place dans une situation très difficile, car ils auraient normalement eu un emploi et ils auraient pu continuer de gagner leur vie, mais l'incendie leur a enlevé cette possibilité.
Nous avons demandé au gouvernement de modifier les règles de l'assurance-emploi. Nous ne savons pas encore s'il est prêt ou non à le faire. Le n'a pas encore donné suite à notre demande.
Pouvez-vous nous dire en quoi devrait consister la stratégie économique dont vous avez parlé? Qu'est‑ce que le gouvernement fédéral pourrait faire de plus pour soutenir les résidents de Jasper?
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Merci, madame, pour cette question.
Il faut bien comprendre que la situation à Jasper est très particulière étant donné que son économie est entièrement centrée sur le tourisme. Le Canadien National était aussi présent à Jasper, mais il s'en va. Après ce départ, l'économie sera entièrement centrée sur le tourisme.
Les autres régions touchées par des incendies de ce genre ont toutes pu compter sur d'autres activités économiques. Fort McMurray a le secteur pétrolier et gazier. Slave Lake a le secteur forestier. Il n'y a rien de tout cela à Jasper. Ce que les résidents de Jasper nous ont dit, c'est que la principale possibilité de revenus a disparu durant la période des incendies et après. C'est en fait très similaire à ce qui s'est passé durant la pandémie de COVID. Du jour au lendemain, ils ont perdu toute possibilité de gagner les revenus qui leur permettent de passer à travers la saison creuse.
Ce que j'aimerais, c'est que la province et le fédéral discutent du modèle de relance économique à mettre en place, comme cela s'est fait durant la pandémie. Ces entreprises doivent prospérer. Sinon, le retour des touristes à Jasper n'aura plus aucune importance puisqu'il n'y aura plus d'entreprises pour s'en occuper.
Il faut trouver une façon de les aider à surmonter les difficultés et à se sortir de cette mauvaise passe, de leur assurer une certaine sécurité financière et leur permettre de survivre au cours des 18 mois à venir.
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Je crois que le principal problème dans la province est que tous les pompiers forestiers sont des contractuels engagés pour des périodes de quatre à six mois. C'est un problème parce que cela nous désavantage par rapport aux autres provinces et territoires où les services de lutte contre les incendies sont actifs toute l'année. La Colombie-Britannique en est un parfait exemple.
Nous sommes aussi la province où les salaires sont les plus bas au pays. Comparativement à la province de l'Alberta, Parcs Canada offre 10 $ de plus de l'heure. Il y a des répercussions sur les choix de carrière des travailleurs de ce secteur parce qu'il y a un écart considérable entre les salaires versés par ces deux employeurs.
L'autre inconvénient lié à la courte durée des contrats est que ces travailleurs n'ont pas droit à des avantages sociaux et qu'ils touchent de faibles salaires. Une des choses que je voudrais que les membres du Comité comprennent, et j'insiste sur l'aspect non partisan de cet enjeu, c'est la nécessité d'assurer une protection présomptive en cas de cancer à tous les pompiers. Tous les pompiers, qu'ils œuvrent dans le secteur des bâtiments, des établissements industriels ou forestier, doivent bénéficier d'une protection en cas de cancer.
Nous savons que les pompiers sont exposés à des substances toxiques cancérigènes. J'invite tous les membres à examiner les règles de santé et de sécurité au travail et à faire en sorte que nos pompiers bénéficient d'une protection présomptive.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence. Je tenais à commencer par une question pour Mme Sweet.
Vous avez mentionné — tout comme ma collègue, Mme McPherson, me semble‑t‑il — le faible salaire des pompiers qui luttent contre les feux de forêt en Alberta. Selon vous, pourquoi l'Alberta, où le risque de feux de forêt est tellement élevé, a‑t-elle les pompiers les moins bien payés, avec moins d'avantages sociaux et moins de formation?
Cela me laisse perplexe et je me demande si vous avez une idée de la raison pour laquelle ils sont sous-payés. Je trouve qu'on les sous-évalue un peu. En outre, ils n'ont pas non plus de couverture en cas de cancer.
Madame Sweet, j'aimerais vous relancer au sujet de ce fameux camion dont nous parlions plus tôt. Le message « Scrap the cap » affiché sur ce camion était de la propagande contre le règlement sur le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier. Cependant, ce qui est particulier, c'est que ce règlement n'a même pas encore été mis en œuvre par le gouvernement libéral. Il n'existe pas encore. L'affirmation contraire faite par le aux Nations unies à New York était tout simplement fausse.
Au Bloc québécois, nous pensons que c'est en réduisant graduellement la production des combustibles fossiles qui engendrent des changements climatiques que l'on soutient la réduction de la pollution par le carbone. Nous sommes donc en faveur du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier. Qui plus est, nous déplorons que le ministre de l'Environnement n'ait pas encore mis en œuvre de règlement sur le plafonnement.
Nous étions très étonnés et très déçus de découvrir que le gouvernement de l'Alberta participait à ce qui semble être une campagne de peur et de désinformation sur les effets des politiques climatiques. Qu'en pensez-vous?
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Je vous remercie, monsieur Soroka, de la question.
Je pense que les peuples autochtones ont souligné au forum qu'il n'y avait pas assez de brûlage dirigé. Comme je l'ai dit, il y avait des tensions entre faire ce qui était nécessaire et décevoir les visiteurs du parc. Même aujourd'hui, si vous regardez la partie ouest de Jasper, qui n'a pas brûlé... Il y a encore une situation à haut risque, et il faudra faire quelque chose.
J'aimerais profiter de cette occasion, si vous le permettez, pour... En ce qui concerne la loi adoptée pour délimiter l'aménagement urbain municipal, les peuples autochtones n'ont pas été consultés, ce qui est assez décevant. Je pense que la reconstruction offre une occasion de tenir les engagements relatifs à la réconciliation, notamment à la réconciliation économique et à la création d'entreprises autour de l'interprétation autochtone. Comme nous l'avons entendu, le tourisme offre une chance immense et il est essentiel pour le parc. Espérons que tout cela sera développé.
D'après mon expérience au forum, la plupart des collectivités reconnaissent qu'il fallait en faire plus en matière de coupe-feu. J'espère que ce sera fait à l'avenir.
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Je vous remercie de vos observations. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est très important de rémunérer correctement les premiers intervenants pour ne pas avoir besoin d'en recruter de nouveaux tous les ans.
Monsieur Mulligan, j'ai une question, et je vous remercie de votre travail et de votre contribution à l'économie. De toute évidence, la foresterie, les produits du bois et le bois d'oeuvre sont très importants pour différentes raisons. En 2017, votre organisation et d'autres aussi nous ont prévenus que la probabilité de feux était plus élevée que dans le passé et que le dendroctone du pin avait certainement un impact significatif et délétère sur la vie de la forêt, ce qui augmentait le risque. Après cela, le gouvernement a beaucoup investi dans le débroussaillage, dans l'installation de gicleurs et dans une augmentation du nombre de brûlages.
Savez-vous s'il y a eu d'autres investissements et à quoi ressemblaient les investissements avant? Je sais que vous n'êtes pas porte-parole du gouvernement et que vous travaillez dans le secteur, mais savez-vous ce qu'a fait le gouvernement pendant cette période?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler du feu qui a ravagé le parc national Jasper l'été dernier. Je n'aurais jamais pensé que je m'exprimerais comme témoin devant un comité. Je suis plus à l'aise de votre côté, à poser des questions, mais ce qui est arrivé cet été dans le parc Jasper et dans le lotissement urbain doit être étudié et examiné, et je tiens à remercier le Comité de mener cette étude.
En tant qu'ancien député de la circonscription de Yellowhead, j'ai pris la parole à de nombreuses reprises à la Chambre des communes au sujet des dégâts causés par le dendroctone du pin dans le parc Jasper et dans la région de Yellowhead. En mai 2016, j'ai pris la parole à la Chambre pour demander aux libéraux quel était leur plan pour lutter contre l'infestation par le dendroctone du pin dans le parc national Jasper. Je leur ai dit à l'époque que rien n'était fait.
J'ai de nouveau soulevé la question en juin 2017 auprès de la ministre de l'Environnement de l'époque, Catherine McKenna. J'ai expliqué mes craintes au sujet de l'énorme quantité de combustible que constituaient les arbres morts après avoir été infestés par le dendroctone du pin. J'ai souligné que la population locale s'inquiétait pour la sécurité des visiteurs et pour les habitations. J'ai dit aux libéraux qu'il y avait un risque élevé d'incendie dévastateur à Jasper s'ils n'agissaient pas.
En octobre 2017, pendant la période des questions, j'ai demandé aux libéraux ce qu'ils comptaient faire pour aider le secteur forestier de ma région face à l'infestation par le dendroctone du pin. Rien ne m'a été assuré. Le 26 octobre 2017, j'ai parlé du dendroctone du pin et de l'expérience que j'en avais en Colombie-Britannique. J'ai essayé d'expliquer en détail la progression de cet insecte et le fait que Jasper était devenu brun d'un bout à l'autre.
J'ai dit aux libéraux que les habitants de Jasper craignaient alors, quelques mois plus tard, pour leur sécurité et celle de leur collectivité à cause des pins morts, et qu'il y avait un risque d'incendie qui, s'il se déclenchait, ne permettrait pas aux gens de fuir. J'ai demandé aux libéraux un plan d'adaptation au dendroctone du pin, mais je n'en ai jamais reçu et je n'ai jamais vu de mesure adéquate du gouvernement à l'intérieur du parc.
Le 9 novembre 2017, j'ai de nouveau pris la parole à la Chambre pour demander quel était le plan du gouvernement pour lutter contre l'infestation par le dendroctone du pin. J'ai précisé qu'elle avait décuplé au cours de la dernière année et qu'elle s'était déplacée de Jasper vers le centre de l'Alberta. J'ai demandé directement ce que les libéraux faisaient pour arrêter cette infestation. Une fois de plus, je n'ai reçu aucune réponse.
Ce que je veux dire, c'est qu'après avoir soulevé ces questions, j'ai continué de me rendre dans le parc national Jasper et je n'ai pas vu d'interventions adéquates. Le gouvernement libéral savait qu'un incendie à Jasper était inévitable — nous le savions tous —, mais il n'a pas pris les choses au sérieux pour empêcher que Jasper soit ravagée par les flammes. En juillet 2024, il y avait tellement de bois mort que Jasper était une véritable poudrière. Ceux d'entre nous qui vivent dans cette région savaient qu'il y aurait un incendie majeur et destructeur. Nous ne savions tout simplement pas quand, mais nous le savons maintenant.
Le parc national Jasper et la ville de Jasper ont été presque entièrement détruits par le feu. Heureusement, tout n'a pas été perdu.
Les conséquences pour les résidents de Jasper et les propriétaires d'entreprise, ainsi que les pertes sur le plan du tourisme, se feront sentir pendant des années. J'espère que votre étude de cette tragédie permettra de rendre notre parc plus sûr et de protéger la beauté environnementale du paysage et des collectivités qu'il abrite.
Pour conclure mon intervention, je voudrais que le Comité sache qu'il y a deux semaines, je me suis rendu en voiture au parc Jasper, en partant de Lake Louise, au Sud. J'ai été choqué de voir à quel point le parc avait brûlé jusqu'à la ville de Jasper. La chaleur que dégageait le feu devait être épouvantable. La destruction à l'intérieur de la localité était terrible. Il est difficile de l'exprimer par des mots. Je suis profondément désolé pour les habitants de Jasper. Des jours difficiles les attendent.
Depuis 50 ans, j'aime beaucoup me promener dans notre magnifique parc Jasper pour profiter des montagnes, de la faune et de la flore et des paysages incroyables. Il ne m'est jamais arrivé au cours de ces excursions — qui se comptent par centaines — de ne pas avoir la chance de voir une faune abondante.
Mesdames et messieurs, je tiens à souligner ceci: au cours de ce dernier passage dans le parc national Jasper, je n'ai vu aucun animal.
Quelles erreurs a‑t‑on commises? Les habitants de Jasper ont le droit d'avoir des réponses.
Je vous remercie.
Bonsoir. Je m'appelle Dane de Souza. Je suis citoyen de la nation métisse de l'Alberta. Mes noms de famille métis sont Sutherland et Sinclair de la région de Selkirk dans la vallée de la rivière Rouge.
Je suis pompier dans la lutte contre les feux de forêt. J'ai travaillé pendant six ans comme pompier héliporté basé dans le district de Rocky Mountain House, en Alberta. Je suis chercheur sur les feux de forêt et spécialiste de la gestion des feux par les Autochtones.
Je vous remercie de cette occasion de m'exprimer devant vous ce soir.
J'irai droit au but. Ce ne sont pas les changements climatiques qui ont causé les feux de Jasper, Lytton, Fort McMurray et Slave Lake. Ils en accentuent l'intensité et la prévalence, mais ces feux sont directement liés à l'élimination coloniale de la gestion des feux et du brûlis en général par les Autochtones.
À titre d'exemple, la gestion des feux par les Autochtones dans ce qui est aujourd'hui le Canada est une science reposant sur le paysage développée sur plus de 20 000 ans pour gérer le phénomène des feux de forêt qui fait partie du paysage. Il y a 14 000 ans, la calotte laurentide s'étendait des montagnes Rocheuses à la baie d'Hudson. Quand elle a reculé petit à petit, mes ancêtres étaient là et pratiquaient le brûlis. Nous pouvons suivre les migrations humaines sur toute la planète en observant notre impact sur l'environnement naturel, comme l'extinction de la mégafaune.
La pratique du brûlis a été et reste un élément clé de la manière dont nous influençons, en tant qu'êtres humains, notre environnement naturel. Quand des essences d'arbres ont poussé pour repeupler les paysages formés par le recul des glaciers, mes ancêtres étaient là à chaque instant, pratiquant le brûlis pour créer les conditions écologiques nécessaires à leur survie.
La mémoire de ces feux est inscrite dans le patrimoine génétique de chaque brin d'herbe, de chaque arbre et de chaque animal de ce continent. On pratiquait le brûlis pour d'innombrables raisons, que ce soit pour influencer la migration des animaux, revigorer la croissance des plantes pour obtenir des remèdes et de la nourriture, ou influer sur la composition du paysage pour en tirer des matériaux et pour se déplacer dans la forêt.
Dans le cadre de mes recherches, j'ai interrogé les derniers intendants traditionnels du feu qui ont survécu au génocide culturel canadien. Tous parlent d'un tournant dans les années 1980 où le Canada a pu vraiment éliminer la gestion des feux par les Autochtones qui avait été entérinée dans les années 1900.
Si nous examinions les graphiques sur l'intensité, la fréquence et la prévalence des feux dans la forêt boréale, nous verrions les mêmes tendances. Dans les années 1990, on observe une augmentation constante. Dans les années 2000, elle s'accentue. Aujourd'hui, elle est pratiquement verticale, en comparaison. Ce n'est pas une coïncidence. Les feux autochtones ont rythmé les cycles dans toute la forêt boréale, créant des paysages capables de tolérer le feu et de devenir plus résilients. En éliminant les brûlis pratiqués par les Autochtones, nous avons créé les conditions qui aboutissent exactement aux scénarios dont nous discutons aujourd'hui.
J'ai eu le plaisir de travailler avec le Mountain Legacy Project, qui compare des photos de parcs nationaux actuels comme ceux de Banff et de Jasper avec des diapositives sur verre prises il y a plus de 100 ans. La différence entre les paysages est frappante en ce qui concerne la composition de la forêt. Il y a 100 ans, la région de Jasper était parsemée de petits champs, de prairies, de vallons et de forêts à différents stades du cycle de croissance. On avait une véritable mosaïque de paysages. Plus récemment, ces forêts sont devenues des océans d'arbres denses et riches en conifères.
Imaginez la forêt boréale comme un océan et le feu comme une vague qui le traverse et gagne en puissance jusqu'à devenir une force impossible à arrêter. Aucune maison, aucune infrastructure, aucune mesure ne peut résister à une telle quantité d'énergie qui dépasse celle d'une bombe atomique.
À présent, imaginez ce même océan. Ici, une île a été brûlée il y a cinq ans pour revigorer des plantes médicinales traditionnelles. Là, il y a un archipel de broussailles qui a été nettoyé il y a six ans pour que l'on puisse se déplacer en faisant du portage. Plus loin, c'est une jolie petite île pour les ongulés qui a été brûlée il y a cinq ans. Quand la vague traverse cet océan d'arbres, elle s'écrase sur les rives de ces îlots et perd son énergie, de sorte que lorsqu'elle atteint les collectivités, il est possible d'y résister.
La solution qui nous intéresse se situe au carrefour de l'action pour le climat et de la vérité et de la réconciliation. En employant toute l'année des professionnels de la lutte contre les feux de forêt afin de pratiquer des brûlages à l'échelle du paysage, avec une prise de décisions décentralisée, nous pouvons renouer avec ce que le brûlis a de positif. Nous y gagnerons non seulement de ne pas devoir avoir une autre conversation comme celle‑ci et de sauver des vies, mais aussi d'augmenter la biodiversité et d'optimiser le cycle du carbone, la santé écologique et la résilience face aux changements climatiques.
L'an dernier, les feux de forêt canadiens ont rejeté plus de carbone dans l'atmosphère que tout le secteur aérien mondial. Ces feux ne sont pas naturels et leurs répercussions sur la capacité des forêts de séquestrer et de stocker le carbone ont des conséquences qui menacent l'existence de l'humanité.
En suivant des modèles semblables à ceux que défend le programme de gestion des feux de forêt de Banff, nous pouvons mettre en œuvre ces solutions. Ce modèle exige que la gestion des incendies soit confiée à des décideurs et à des professionnels des paysages très expérimentés et déterminés à gérer les feux en collaboration avec les collectivités locales et avec les gardiens du savoir autochtone.
Pour être tout à fait franc, je trouve écoeurant que nous parlions ici de Jasper, et non de Lytton ou de Paddle Prairie. Nous réprimandons ceux qui ont répondu à ces incendies tout en réduisant chaque année les programmes de lutte contre les incendies de forêt et en perdant des années d'expérience vitale. Nous ne parlons pas des pompiers qui ont perdu la vie ces dernières années.
Voici vos solutions: investir dans la gestion des incendies par les Autochtones, travailler avec les collectivités au niveau du paysage pour mettre du bon feu sur la terre afin de répondre aux besoins au‑delà de la résilience et rendre hommage aux pompiers qui ont perdu la vie en traitant cela comme une profession plutôt que comme une variable de coût dans un budget forestier qui doit être réduit pour un gain politique.
Je vous remercie de votre attention.
Je m'appelle Amy Cardinal Christianson. Je vis dans la région du Traité no 6, à Rocky Mountain House, en Alberta. Je suis membre de la nation métisse et j'appartiens aux familles Cardinal et Laboucane des régions du Traité no 6 et du Traité no 8. La bande de ma famille, la bande Peeaysis, a été privée de ses droits par le gouvernement canadien.
Ma famille avait l'habitude de traverser Jasper dans ses activités de commerce, mais je n'ai pas de droits autochtones ni de territoire dans cette région et je soutiens pleinement les détenteurs de droits autochtones qui s'y trouvent.
J'aborde ce témoignage d'un point de vue national, à la lumière de mon rôle passé de chercheure scientifique au sein du Service canadien des forêts pendant 15 ans, des deux années que j'ai passées en tant que spécialiste autochtone des incendies à Parcs Canada et de mon rôle actuel à l'Indigenous Leadership Initiative.
Je tiens tout d'abord à exprimer ma compassion et ma solidarité à mes collègues de Parcs Canada, qui ont dû non seulement faire face à l'incendie qui s'est produit là‑bas et à la relance qu'ils entreprennent actuellement, mais aussi à des audiences comme celle‑ci, où les gens tentent de pointer du doigt des situations incroyablement complexes qui se préparent depuis des générations. Je sais à quel point vous avez tous travaillé dur avant l'incendie. Je sais ce que vous avez enduré pendant les incendies et je vous soutiens pleinement dans votre démarche.
Comme l'ont indiqué les témoins autochtones précédents, le problème des incendies dans le parc national Jasper a commencé en 1907, lorsque le parc national a été créé et que les populations autochtones ont été déplacées de force. Ces populations avaient des liens étroits distincts avec les paysages culturels de la région, y compris des pratiques d'intendance du feu telles que le brûlage fréquent des fonds de vallée pour assurer la diversité du paysage, en coordination avec notre maître de pensée, la foudre. Aujourd'hui, lorsque les gens se rendent dans des parcs nationaux comme Jasper, ils observent un tapis d'arbres vert foncé à perte de vue et pensent que c'est beau et naturel; il n'en est rien. C'est un paysage malsain qui souffre. Il ne s'adapte pas aux changements climatiques causés par l'homme, ce qui accroît encore le problème des incendies.
Nos aînés parlent d'une « forêt affamée », car il faut aller très loin pour trouver une quelconque forme de diversité. Ces forêts homogènes, où les arbres ont tous à peu près le même âge et la même sorte d'espèce, sont sujettes à des perturbations telles que les insectes et les incendies incontrôlés, comme l'ont indiqué de nombreux témoins, mais je tiens à préciser que le feu n'est pas une perturbation du paysage, même si nous le traitons comme tel. C'est plutôt l'élimination du feu dans les forêts qui dépendent du feu au Canada qui a été la perturbation la plus importante et qui a causé les résultats que nous voyons aujourd'hui.
À mon réveil le lendemain de l'incendie de Jasper, j'ai reçu de nombreux messages de la part d'Autochtones détenteurs de droits dans cette région, me disant que cela ne serait jamais arrivé s'ils avaient été autorisés à poursuivre leur relation avec le feu sur les terres et dans les vallées de Jasper.
Je tiens également à souligner que ce qui s'est passé à Jasper n'est pas unique. Partout au Canada, des collectivités autochtones sont régulièrement touchées de manière disproportionnée par les incendies de forêt. Au cours des deux dernières années, 149 collectivités autochtones ont été évacuées à la suite d'un incendie de forêt. Je le répète. Cent quarante-neuf collectivités autochtones ont été évacuées en raison d'incendies de forêt au cours des deux dernières années, alors que les nations et les populations autochtones sont constamment exclues du processus décisionnel relatif à la gestion des incendies.
Les évacuations pour cause d'incendie sont coûteuses. Nous estimons qu'au cours des 42 dernières années, les évacuations pour cause d'incendie de forêt ont coûté 4,6 milliards de dollars à l'économie canadienne. Ce chiffre n'inclut même pas le coût de la lutte contre les incendies, mais seulement celui du déplacement des personnes. Au fil des ans, nous avons dépensé des centaines de millions de dollars au Canada pour faire venir des pompiers internationaux qui ne connaissent pas notre paysage. Nous dépensons des centaines de millions pour des avions de lutte contre les incendies qui doivent être modernisés ou remplacés.
Les gens commencent à réclamer une force fédérale de lutte contre les incendies, mais une bureaucratie accrue avec des personnes encore plus éloignées du savoir local n'est pas la solution.
Il existe déjà au Canada un groupe qui pourrait faire office de force nette de lutte contre les incendies à l'échelle nationale et qui ne demande qu'à être activé: les gardiens autochtones. Plus de 200 programmes de gardiens des Premières Nations, fonctionnant toute l'année, aident déjà à l'intendance des terres et des eaux dans tout le pays. Certains participent à la lutte contre les incendies. Lorsque le feu a menacé Fort Good Hope, dans les Territoires du Nord-Ouest, en juin dernier, les gardiens étaient prêts. Ils ont aidé à évacuer les membres de la collectivité et, grâce à la formation dispensée par le Service de lutte contre les feux de forêt des Premières Nations du Yukon, ils ont rejoint la ligne de feu et contribué à sauver la ville.
En élargissant les programmes de gardiens existants et en investissant dans de nouveaux programmes de gardiens du feu, nous pouvons créer à l'échelle locale une flotte de professionnels compétents prêts à intervenir en cas d'incendie et à réduire les risques. Les gardiens du feu autochtones travailleront toute l'année sur les incendies. Ils pourront mettre le feu à la terre au printemps et à l'automne, une technique qui s'est révélée efficace pour réduire les risques d'incendie pendant les étés chauds et secs. Ils travailleront à la gestion des urgences, à la planification, à l'éducation, à la préparation et à la prévention des incendies, ainsi qu'à l'intervention et à la relance subséquente.
La végétation repousse également, et ils seront là pour s'assurer que les travaux de réduction des risques d'incendie sont maintenus. Ils s'efforceront de créer des paysages sains qui protégeront également nos bassins hydrographiques vitaux. Cela permet non seulement d'améliorer la capacité d'intendance de cette nouvelle zone d'incendie, mais aussi de créer des emplois. Engager davantage de gardiens dans la lutte contre les incendies de forêt est un investissement qui porte ses fruits.
Je reviens tout juste d'Australie où les garde-feux autochtones exercent une influence positive considérable. Cela permettrait aux nations autochtones du Canada de relever le défi des incendies surpuissants avec une plus grande capacité et un savoir autochtone local.
Le feu existera toujours, mais nous pouvons changer notre relation avec lui. Le leadership autochtone est l'avenir du feu.
J'aimerais commencer par vous remercier, madame Cardinal Christianson et monsieur de Souza, pour l'immense savoir que vous avez apporté ici aujourd'hui. Je suis solidaire de vos messages.
Je m'appelle Lindsey. Je suis membre de la collectivité de Jasper et je vis à Jasper depuis près de sept ans. J'aurais aimé être avec vous aujourd'hui en personne pour que nous puissions nous regarder dans les yeux et que vous puissiez voir en moi l'avenir, parce que je suis l'avenir, comme vos enfants et vos petits-enfants.
Jusqu'à présent, au sein de ce comité, divers responsables politiques ont demandé ce que nous ferions pour protéger d'autres collectivités et comment nous protégerions les Canadiens. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire comment nous pouvons protéger notre avenir. La première étape consiste à mettre de côté les divisions politiques et à travailler ensemble.
Alors que notre collectivité est aux prises avec les conséquences de cet incendie, il existe un discours troublant qui pointe du doigt des personnes, des dirigeants politiques et des agences gouvernementales. Tout d'abord, ces politiques de division sont préjudiciables aux habitants de Jasper. En tant que résidente et en tant que personne ayant des liens profonds avec ceux qui ont activement combattu l'incendie et qui travaillent inlassablement aux efforts de relance, mon message est que Jasper a besoin de soutien, pas de dissidence. Je vous demande instamment de mettre la politique de côté et de permettre aux habitants de Jasper de se remettre sur pied. Écoutez le savoir local. Soutenez ceux qui sont sur le terrain. C'est le rôle d'un bon dirigeant.
Deuxièmement, sous ces discussions superficielles se cache une vérité bien plus grande et insidieuse. L'incendie de forêt qui a ravagé notre collectivité n'est pas un événement isolé. Il est la conséquence du changement climatique, de pratiques coloniales d'utilisation des terres et, à l'échelle mondiale, d'un système qui repose sur l'extraction et le profit des entreprises au détriment d'une planète habitable.
L'attitude de concurrence féroce que nous avons adoptée envers la terre est présente dans notre Parlement aujourd'hui. Pourquoi amplifions-nous une culture de division, de destruction et de concurrence? Nous avons désespérément besoin de collaboration. La conversation autour de cet incendie a été mal orientée. Il a été commode de se concentrer sur des débats superficiels, comme le fait de savoir quel parti n'a pas alloué suffisamment de ressources ou quel plan de gestion aurait pu être différent. Cependant, le problème de fond n'est pas lié à l'erreur d'une personne ou à un seul faux pas politique. Le changement climatique est le résultat d'un système qui privilégie le profit économique à court terme au détriment de la santé humaine et écologique à long terme.
Les incendies de forêt, les inondations et les sécheresses sont autant de symptômes d'un système qui n'est plus propice à la vie, mais uniquement au profit. Ma question n'est pas de demander ce qu'une agence gouvernementale ou un parti doit faire à très court terme. Ma question est de demander ce que nous allons faire pour garantir un avenir aux jeunes. Nous ne voulons pas vivre sur une planète en feu, mais c'est le cas. Je ne veux pas voir mes dirigeants pointer du doigt et perpétuer des arguments qui divisent et polarisent, alors que j'ai besoin que vous collaboriez pour trouver des solutions au changement climatique.
Voici ma seule recommandation. Je vous implore de reconnaître la gravité de la crise climatique et de jouer un rôle actif en tant que dirigeants pour nous conduire vers des solutions. Je suis convaincue que vous pouvez le faire. Il y a un consensus écrasant, issu du plus grand processus scientifique évalué par les pairs, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, qui explique pourquoi nous devons atteindre nos objectifs internationaux afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Nous vous demandons d'écouter la science.
Ce message s'adresse à tous les députés, à tous les dirigeants politiques et à tous les Canadiens: le Canada peut être le chef de file d'un système qui donne la priorité au bien-être humain. Nous avons les ressources, la terre, la culture et les gens. En ce qui concerne le changement climatique, nous pouvons nous adapter et montrer au monde à quoi ressemble un système d'abondance. Nous vivons un moment passionnant. Je pense que c'est un point d'inflexion dans l'histoire, mais le statu quo ne fonctionnera pas. Vous avez l'occasion d'être un chef de file, d'être à l'avant-garde de ce changement et de protéger d'autres collectivités comme Jasper. Toutefois, cela nécessitera la collaboration et la volonté de privilégier le bien-être de la population à l'encontre de la division. Cela doit commencer ici même, au sein de notre Parlement.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Malgré les appels des témoins, malgré les appels des gens qui nous ont envoyé des courriels — car je pense que nous avons tous reçu ces courriels — pour faire taire la rhétorique politique sur cette question, il est vraiment décevant de voir que cela se poursuit à cette échelle.
Malheureusement, j'ai l'impression que je dois demander à M. Eglinski s'il veut bien rectifier les faits. À l'époque où vous étiez député, et peut-être juste avant, le plan d'action de Stephen Harper pour la réduction du déficit a retiré 30 millions de dollars à Parcs Canada, ce qui a touché plus de 1 600 employés. Ces compressions du gouvernement conservateur ont eu pour conséquence qu'en 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, aucune éclaircie mécanique n'a été faite dans le parc national Jasper, et aucun brûlage dirigé n'a été effectué.
Êtes-vous au courant de cela?
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Ce sont des investissements progressifs parce que le plan d'action de réduction du déficit des années Harper a complètement vidé ces mesures environnementales de leur substance. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet, et je vous suis reconnaissant de votre volonté d'éclaircir les choses.
Madame Cardinal Christianson, je suis très heureux que vous puissiez vous joindre à nous virtuellement. Je suis un grand admirateur des gardiens et de l'Indigenous Leadership Initiative. Je dois dire que je suis ami avec Valérie Courtois. Nous sommes allés ensemble dans le Nord.
Je viens de consulter le site Web de Lands Need Guardians, et je n'essaie pas de me vanter, mais il y a une photo de nous deux devant cette grande maison qui a été érigée sur la Colline du Parlement il y a quelques années. C'était un événement très émouvant pour moi.
Notre gouvernement est très fier de collaborer avec les gardiens autochtones et l'Indigenous Leadership Initiative. Je sais que notre gouvernement a mis en place un programme d'intendance autochtone du feu avec Parcs Canada. Comment pouvons-nous continuer à aller de l'avant? Comment pouvons-nous continuer à optimiser tout le savoir culturel et toute la sagesse que les Premières Nations et les autres peuples autochtones possèdent au Canada pour prévenir ce genre de catastrophes, ou pour les atténuer, devrais‑je dire?
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Merci. C'est une très bonne recommandation. C'est une recommandation que nous pouvons présenter à Parcs Canada.
Je sais qu'il y a beaucoup d'employés et de travailleurs autochtones à Parcs Canada, mais j'aimerais aussi que l'initiative des gardiens et l'Indigenous Leadership Initiative aient plus qu'un simple siège à la table et qu'elles aient un objectif à plus long terme.
Je vous remercie de votre présence.
Madame Gartner, j'ai ici un article du Jasper Local.
Tout d'abord, j'admire votre travail au sein de Protect Our Winters et je vous remercie de votre action pour le climat.
L'article du Jasper Local était étroitement lié à ce que vous recommandiez en ce qui concerne la désinformation, la politique toxique qui s'est introduite dans cette réunion du Comité. Avez-vous lu l'article en question du Jasper Local? Avez-vous une idée ou un point de vue à ce sujet? Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
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Je remercie tous les témoins qui se sont déplacés aujourd'hui pour parler de ce sujet bien important.
Monsieur de Souza, je commencerai par vous. Quand on parle des feux de forêt et de ce qui est arrivé à Jasper, je pense que la collaboration est la clé, non seulement entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, mais aussi avec les partenaires autochtones. C'est nécessaire pour la prévention et la préparation à d'éventuels feux. Au Québec, nous avons 11 nations autochtones, comme vous le savez sans doute, dont plusieurs ont été et vont être affectées par les feux de forêt. Il est donc nécessaire de travailler avec elles. Je pense que tout le monde peut apprendre l'un de l'autre.
Selon vous, qu'est-ce qui a été bien fait — on peut en parler aussi — en matière de prévention des feux de forêt, et qu'est-ce qui n'a pas été bien fait ou qui n'a pas été fait du tout? Enfin, qu'est-ce qui doit être fait, dans cet esprit de collaboration entre tous les partenaires, pour prévenir des situations comme celle qui est arrivée à Jasper?
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Ce qui aurait pu être fait n'est pas vraiment dans le contexte de la période dont il est question ici. Ce qui peut être fait, c'est ce que j'ai mentionné: investir dans ces rôles sur le terrain, soutenus et à long terme dans la gestion des incendies de forêt, qui tiennent compte des réalités locales, qui décentralisent la prise de décisions et qui intègrent le savoir autochtone du paysage et des facteurs qui touchent les incendies de forêt et leurs répercussions sur le paysage.
Il s'agit en fait d'établir des relations. Il s'agit de vérité et de réconciliation, et il s'agit de comprendre qu'à l'heure actuelle, ces conversations vivent et meurent au niveau de la responsabilité. C'est là que le bât blesse en matière de prévention. Tant de gardiens du feu autochtones, de collectivités et de spécialistes des incendies de forêt attendent, impatients, de mettre le feu à la terre pour prévenir ces catastrophes et ces tragédies, mais tout se bloque au niveau de la responsabilité.
Les gardes forestiers ne gagnent pratiquement rien. Ils ont des diplômes de deux ans. C'est un club de dinosaures. Ils reçoivent une proposition de brûlage sur leur bureau et doivent en assumer la responsabilité. Ils savent très bien que c'est un événement politisé. Si le feu dépasse de deux hectares les lignes de contrôle, c'est leur pension qui est en cause. C'est la nourriture sur leur table qu'ils doivent prendre en compte lorsqu'ils signent ces accords.
Si nous prenions du recul et si nous avons une conversation honnête, nous constaterions qu'il s'agit d'un phénomène naturel. Il n'existe pas à l'intérieur d'une boîte. On ne peut pas mettre une petite grille sur une carte et dire que c'est exactement là que le feu va commencer, s'arrêter et se terminer. On est là pour surveiller les conditions — on ne dit pas que le 10 juillet on va brûler. On est assis là avec la collectivité et on dit que, lorsque les conditions sont réunies, on est prêts à partir.
Tout se résume à donner les moyens d'agir à cette échelle. C'est ce qui peut être fait. Il s'agit de supprimer la bureaucratie. Il s'agit de ne pas mettre les gens dans des positions où ils doivent risquer leur carrière en faisant ce qu'il faut.
Le savoir autochtone est très lié au paysage. C'est la connaissance des rivières, des arbres, des rochers et des vents — comment tout ce paysage et toute cette écologie interagissent dans un environnement local —, parce qu'on est là depuis toujours. On constate la même chose lorsqu'on parle aux agriculteurs de leurs terres. Ils connaissent leurs terres. Ils en connaissent les moindres recoins. Ils savent où se trouve la tanière du coyote, etc. Tous ces éléments influent sur le comportement du feu sur le terrain. L'intendance autochtone des incendies repose sur une connaissance si riche et si profonde du paysage et de la façon dont ces incendies se comportent et réagissent à certaines conditions. Cela remonte à plus de 20 000 ans, comme je l'ai dit.
Cela étant, lorsque les conditions sont parfaites... Il est possible d'en juger par ce que la terre vous dit. Par exemple, j'ai participé à un brûlage traditionnel avec Mme Cardinal Christianson à Rocky Mountain House. J'étais là avec l'équipe de Banff, qui est composée de bons amis à moi. Ce sont d'excellents pompiers, les meilleurs de la planète. Nous avons fait la même chose que pour tous les feux de forêt que j'ai combattus au cours de ma carrière. Nous nous sommes assis sur un hayon et avons reçu un relevé d'Edmonton nous disant: « Bon, nos codes d'humidité des combustibles fins sont x, y et z, ce qui donne ceci. L'intensité de notre feu de tête devrait être ceci, ce qui signifie ceci et cela. Tout le monde se sent‑il en sécurité? Allons‑y. »
Nous avons tous fait exactement la même chose: nous sommes allés chacun dans un coin différent de la parcelle brûlée, sans dire un mot. Nous avons ramassé de l'herbe, nous l'avons frottée dans nos mains, nous l'avons sentie, nous l'avons jetée en l'air et nous avons recommencé, puis nous sommes revenus au centre. Ce sont des gardiens autochtones et non autochtones de surveillance des feux. Ce sont des pompiers expérimentés. On entendait: « Dane, c'est comment dans ton coin? » « Eh bien, j'ai remarqué que je sentais de l'humidité dans l'herbe et vu la façon dont les ombres se déplacent, je ne pense pas que ça va vraiment sécher et brûler avant 14 ou 15 heures. Qu'en penses‑tu? » « Eh bien, dans mon coin, c'est un peu exposé au vent. Cela se voit à la façon dont le terrain est en pente. Tu vois, ça va probablement décoller, mais je ne sais pas si nous aurons l'énergie nécessaire pour brûler cette parcelle ». Qu'est‑ce que ces relevés nous ont apporté? Rien du tout. Ils nous ont juste aidés à assumer cette responsabilité.
C'est un phénomène lié au paysage. Il faut s'y connaître. Il faut savoir de quoi on parle. Il faut comprendre le paysage, et personne ne le comprend mieux que ceux qui en ont assuré la garde bien avant le Canada.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous les témoins. Ce fut très intéressant, et je suis très impressionnée par certains témoignages présentés aujourd'hui.
Nous entendons que si l'on s'était fié au savoir et à la science autochtones, il y aurait eu une meilleure gestion de cette forêt. D'après ce que j'ai compris — je n'étais pas là pour ce témoignage — il y a une personne à Parcs Canada qui est désignée comme l'expert autochtone en matière d'incendies. Je peux me tromper. Cependant, d'après ce que j'ai compris, en particulier d'après votre témoignage, monsieur de Souza, il serait très difficile pour quelqu'un d'une région du pays de représenter ou d'avoir une quelconque compréhension des autres régions du pays.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, mais j'aimerais aussi que vous nous parliez un peu de la façon dont nous pouvons décoloniser la protection des forêts à travers le Canada et de ce à quoi cela ressemblerait.
Je commencerai par vous, monsieur de Souza, puisque vous êtes dans la salle. Je passerai ensuite la parole à ceux qui sont en ligne.
Un célèbre chancelier allemand, Otto von Bismarck, a dit que les lois sont comme les saucisses — il vaut mieux ne pas assister à leur fabrication. La politique n'est pas faite pour les prudes. Nous sommes ici pour poser des questions gênantes parce que nous devons obtenir des réponses gênantes.
Le fait est qu'au tout début de cette étude, lorsque le , les fonctionnaires de Parcs Canada et un autre ministre, le ont comparu devant nous, ils ont affirmé que tout ce qui pouvait être fait l'avait été. Ils ont affirmé que rien n'avait été négligé pour préparer Jasper à l'incendie.
Ce n'est que grâce aux efforts des membres de ce comité, en particulier des députés conservateurs, qui se sont battus pour obtenir des réunions supplémentaires, pour obtenir des réponses afin que les Canadiens puissent connaître la vérité... Nous avons reçu d'excellents témoins, comme vous-mêmes et d'autres, qui ont présenté des preuves très convaincantes que ce gouvernement n'a pas tenu compte du savoir autochtone. Il n'a pas tenu compte des connaissances de nos associations de produits forestiers ni des connaissances de forestiers comme Ken Hodges qui a averti le gouvernement en 2017 du risque d'incendie.
Je m'insurge lorsque des membres de l'équipe gouvernementale... Je sais qu'il est inconfortable pour eux de tenir ces réunions et de devoir rendre des comptes, mais c'est leur travail — rendre des comptes. C'est mon travail de venir interroger les témoins pour obtenir la vérité pour les Canadiens. C'est pourquoi nous posons ces questions.
Monsieur de Souza, je vais commencer par vous. Vous avez dit très clairement que vous pensiez que cet incendie aurait pu être atténué. Savez-vous si des brûlages dirigés ont été annulés l'année dernière pour le seul parc Jasper?
Nous sommes dans une culture où la confrontation est à l'ordre du jour. Malheureusement, cela n'aide pas à relever certains défis auxquels nous sommes confrontés ensemble. Encore une fois, nous devons adopter concrètement les leçons des peuples autochtones dans le cadre d'une réconciliation réelle — pas en portant une chemise orange, comme vous l'avez dit, mais en prenant des mesures concrètes. Je vous remercie de votre présence.
J'aimerais me tourner vers l'écran. Je suis désolé de couper court à notre conversation, mais je suis pressé par le temps.
Madame Gartner, je vous remercie d'être une voix si raisonnable dans cette discussion. Les jeunes de Guelph m'ont dit qu'au lieu de se battre les uns contre les autres, pourquoi ne pas lutter contre les changements climatiques et cesser de se battre les uns contre les autres? Au cours des neuf dernières années, j'ai vraiment adhéré à ce message qu'ils m'ont transmis.
En ce qui concerne des sujets comme la réconciliation et la participation de jeunes à ces discussions, avez-vous quelques brèves réflexions dont vous aimeriez nous faire part sur ce thème?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Écoutez, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je pense que la politisation excessive de cette question a duré beaucoup trop longtemps. Cela a été corroboré par les habitants, les journalistes de la région et les témoins que nous avons entendus. Malgré cela, les conservateurs semblent bien décidés à politiser à outrance ce dossier et à en faire un enjeu politique, alors que nous en discutons avec des experts, des scientifiques et des dirigeants autochtones, qui affirment pratiquement à l'unanimité que nous devrions adopter certaines mesures qui donnent suite à des considérations et de recommandations politiques. Cependant, ils nous ont tous demandé de dépolitiser et d'atténuer cette rhétorique excessivement politisée.
J'ai fait référence à l'article intitulé « Recipe for disaster: Misinformation and wildfire », publié la semaine dernière. J'aimerais l'envoyer à tous les membres du Comité pour qu'ils puissent le lire, mais au préalable, je vais lire quelques passages qui me semblent très pertinents pour la recommandation de poursuivre cette étude et d'inviter d'anciens ministres à la réunion:
Une sécheresse record, une chaleur extrême, des vents violents et un orage. Cet été, dans le Parc national de Jasper, tous les ingrédients d'une catastrophe étaient réunis.
Aujourd'hui, deux mois et demi après cette catastrophe, un autre ensemble de circonstances — mésinformation, politique toxique et fanfarons des médias sociaux en manque de faits, cherchant désespérément à épingler les coupables — s'est aligné pour semer la pagaille.
L'article passe ensuite à des discussions sur les comtés de Parkland et de Yellowhead et sur les personnes qui se sont manifestées, en particulier l'entreprise Arctic Fire mentionnée plus haut. À ce sujet, l'article poursuit en suggérant...
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Merci, monsieur le président.
Je faisais référence à cet article. Je vais continuer. Il se lit comme suit:
Jasper a dit oui. Aux ressources. À l'aide. Ils ont dit oui tôt et ils ont dit oui souvent. Ils ont dit oui aux équipes de lutte contre les incendies forestiers et ils ont dit oui aux services municipaux.
« Nous n'avons pas cessé de dire oui », a déclaré [Landon] Shepherd.
Mais ils n'ont pas dit oui à tout le monde.
Le commandement unifié n'a pas immédiatement dit oui à une entreprise indépendante de lutte contre les incendies qui cherchait à accéder à Jasper pour fournir des services de protection structurelle à une société privée.
Il n'a pas dit oui à un groupe de camions et de personnel qui, bien qu'ayant été déployé par le gouvernement de l'Alberta, n'avait pas conclu d'ententes préalables pour obtenir l'accès.
Ils n'ont pas dit oui à une équipe autoaffectée qui n'avait pas conclu d'entente sur le respect des règles d'engagement de l'équipe du commandement des interventions.
Et il n'a pas dit oui à une équipe de mercenaires connue sous le nom d'Arctic Fire Safety Services, dont le gros des ressources est arrivé le lendemain de l'incendie de 350 structures à Jasper.
Monsieur le président, je poursuis. On peut lire plus loin:
En attisant les flammes de ces observations à caractère politique, on sème la division, la méfiance et la rancœur parmi les Canadiens en général, mais parmi les habitants de Jasper en particulier. La rhétorique négative use les habitants, dont beaucoup étaient impliqués dans l'incident, et beaucoup d'autres qui ont perdu leurs maisons et leur gagne-pain dans l'incendie et qui veulent désespérément des réponses fondées sur des faits.
Même le maire de Jasper, bien connu des Canadiens pour sa diplomatie, sa force morale et son tact, s'est exprimé sur le sujet.
« L'atmosphère actuelle de dénonciation, d'accusation et de mésinformation n'est pas seulement une distraction agaçante, elle retarde la guérison » [...] « Elle crée de nouvelles blessures à un moment où nous avons besoin de relance et d'unité ».
Les faits sont importants. Ce qu'Arctic Fire Safety Services a dit au sujet de son rôle dans le Complexe d'incendies de Jasper est faux. Le commandement unifié ne devrait pas avoir à expliquer pourquoi il n'était pas prêt à bouleverser ses processus établis de déploiement de ressources de manière sûre et efficace parce que quelques cow-boys avec de gros camions ont voulu agir selon leur « instinct ».
Il poursuit en disant dans l'article:
[...] ignorer les mauvais acteurs qui cherchent à exploiter politiquement notre crise [...]
Mais si nous parvenons à mettre la politique de côté et à filtrer les bons renseignements des mauvais, Jasper — la Ville et le Parc — dispose de tous les bons ingrédients pour que sa reconstruction soit, elle aussi, sans précédent.
C'est sur cela que nous devrions nous concentrer — pas sur la politique ni sur la comparution de ministres à cette réunion pour jeter le blâme, en particulier lorsque l'ancien député de Yellowhead a reconnu que ce qu'il a dit au sujet des mesures prises par suite de ces études était en fait erroné.
Je proposerais un amendement à la demande à ce sujet. L'amendement dirait simplement, en ce qui concerne le fait qu'en 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, en raison des compressions prévues dans le plan d'action de Harper pour réduire le déficit, qui ont touché plus de 1 600 employés dans l'ensemble de Parcs Canada et qui ont entraîné l'absence de brûlages et d'éclaircissements mécaniques — aucun brûlage dirigé à Jasper — entre 2012 et 2015; en ce qui concerne le fait qu'en 2016, notre gouvernement a élaboré une stratégie de gestion forestière pour le dendroctone du pin ponderosa sous la direction de la ministre susmentionnée Catherine McKenna...
Si nous devons remonter dans le temps pour revoir toutes ces mesures, monsieur le président, alors je demanderais également que nous demandions aux ministres pourquoi ils ont décidé de réduire le financement du parc national Jasper. Je parle de l'honorable Leona Aglukkaq, du ministre Peter Kent et de la conseillère politique du ministre Peter Kent à l'époque, .
Si vous souhaitez faire comparaître Catherine McKenna, ces personnes peuvent également comparaître.