:
Je déclare la séance ouverte.
Je crois savoir que les tests techniques ont été effectués pour les témoins munis d'un casque d'écoute, il y en a un. Tout est en ordre.
Nous disposons aujourd'hui de deux heures pour recueillir des témoignages sur le projet de loi . Nous avons deux groupes de témoins. Le premier comprend Mme May, marraine du projet de loi et députée de Saanich-Gulf Islands. Mme May est accompagnée de Mme Jane McArthur, directrice du Programme sur les substances toxiques de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.
Je pense que vous avez parlé avec le greffier, madame May, et qu'il est entendu que vous disposerez de 13 minutes en tout pour les deux, pour que vous puissiez tirer le maximum de ce temps.
Nous allons vous laisser commencer. Allez‑y, s'il vous plaît. Je vous félicite d'avoir réussi à mener votre projet de loi jusqu'à ce stade du processus législatif.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous mes chers collègues de leur présence.
Ce n'est pas la première fois que ce projet de loi est étudié par le Comité.
[Traduction]
Je veux commencer par rappeler que ce projet de loi a été présenté au cours de la dernière législature, qu'il a été renvoyé à ce comité, qu'il a fait l'objet d'audiences et que des amendements y ont été apportés. Je tiens particulièrement à remercier l'ancienne députée de Cumberland-Colchester, Lenore Zann, de l'avoir présenté sous le nom de projet de loi . J'en ai été honorée, à l'époque. Jamais auparavant un député d'un autre parti ne m'avait demandé d'appuyer son projet de loi. J'étais la comarraine officielle du projet de loi de Mme Zann, à l'époque. Je suis reconnaissante que mon projet de loi bénéficie également d'un appui bipartisan.
Je voudrais répartir mon temps de parole comme suit.
[Français]
Comme son titre l'indique, le projet de loi concerne l'élaboration d'une stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Dans mon témoignage, je présenterai nos idées concernant un programme de justice environnementale et expliquerai en quoi consiste une politique de justice environnementale.
Je partagerai mon temps de parole avec Mme Jane McArthur, qui décrira ce qu'est le racisme environnemental.
[Traduction]
J'ai peut-être surpris certains d'entre vous en disant que je ne connaissais pas, avant ce moment, Mme Jane McArthur.
Tous ceux qui s'intéressent à la question du racisme environnemental au Canada connaissent le nom de la Dre Ingrid Waldron, c'est certain. La Dre Waldron a fait beaucoup de recherches. Elle ne peut être présente aujourd'hui. Elle a joué un rôle clé avec Lenore Zann dans la présentation du projet de loi et dans l'élaboration de ses fondements scientifiques et factuels. Lorsque la Dre Waldron m'a dit qu'elle ne pouvait pas être présente, je lui ai demandé si elle pouvait me recommander quelqu'un qui pourrait nous fournir le même genre d'information. Elle m'a recommandé Mme McArthur.
J'aimerais maintenant céder la parole à Mme McArthur pour qu'elle nous présente, pendant trois ou quatre minutes, ses connaissances sur l'objet de ce projet de loi et les faits qui prouvent qu'il y a un problème justifiant l'adoption de ce projet de loi.
C'est à vous, madame McArthur. Merci de votre présence.
Bonjour et merci au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Bien sûr, je tiens à remercier la Dre Waldron de tout son travail et d'avoir fait en sorte que j'aie l'occasion de prendre la parole en son absence.
Comme l'a dit Mme May, je m'appelle Jane McArthur et je suis directrice du Programme sur les produits toxiques de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. J'ai migré ici à partir des territoires traditionnels de la Confédération des Trois Feux dont je suis issue, qui comprend les Premières Nations Ojibway, Odawa et Potawatomi. Cette région a aussi servi de terminal pour le chemin de fer clandestin. On l'appelle aujourd'hui « Windsor-Essex », en Ontario, et on y trouve encore de nombreuses personnes racisées, en partie en raison de ses racines historiques.
Il faut bien comprendre l'histoire de Windsor pour bien comprendre le présent et le projet de loi à l'étude. Cette région, que l'on surnomme la capitale canadienne de l'automobile, est une plaque tournante du secteur manufacturier et on y trouve le plus achalandé des postes frontaliers internationaux de toute l'Amérique du Nord, puisque des dizaines de milliers de camions de marchandises y transitent chaque jour. Ces conditions sont propices à l'exposition à toutes sortes de produits toxiques. Or, c'est précisément dans les milieux d'où proviennent ces polluants qu'habitent bon nombre de personnes racisées.
Que ce soit en raison de la pollution atmosphérique ou autre, les habitants du coin subissent les conséquences de l'exposition aux produits toxiques, mais les données pour le prouver sont incomplètes, notamment parce que le Canada ne collige aucune information sur la racialisation et la santé, contrairement à plusieurs autres pays. Le projet de loi nous permettra de faire un pas en avant, puisqu'une fois adopté, il permettra de documenter ces réalités. On pourrait d'ailleurs en dire autant des politiques et des lois visant à prévenir l'exposition aux produits toxiques et à protéger la santé des personnes racisées, qui en sont victimes de manière disproportionnée.
Windsor n'est qu'un exemple du racisme environnemental au Canada. Si moi, une immigrante blanche relativement privilégiée, j'en suis consciente, c'est parce que les personnes racisées et les Autochtones racontent leurs expériences de la colonisation, de l'oppression, du racisme environnemental et de leurs effets néfastes sur leur santé.
L'Association canadienne des médecins pour l'environnement collabore avec de nombreux intervenants qui se démènent pour attirer l'attention sur le racisme environnemental, à commencer par la Dre Waldron et les membres de la Coalition canadienne sur l'environnement et la justice climatique. C'est sans oublier la Dre Ojistoh Horn, qui fait aussi partie de notre conseil d'administration. Cette femme d'origine mohawk et haudenosaunee exerce la médecine à Akwesasne, où elle est aux premières loges pour constater les effets néfastes des produits toxiques sur la santé de ses concitoyens. Je pense aussi à ma collègue infirmière, avocate et co‑directrice du Programme sur les produits toxiques, Melissa Daniels, qui est membre de la Première Nation Chipewyan du lac Athabasca, dont les us, les coutumes et la santé sont en péril à cause des sables bitumineux.
Nous savons que les groupes les plus durement touchés par les changements climatiques et les dangers présents dans l'environnement sont les Autochtones, les personnes racisées et les personnes vulnérables en général. Les personnes racisées sont plus susceptibles de contracter le cancer, une maladie des organes reproducteurs, une insuffisance respiratoire et j'en passe. Il y a longtemps que les Autochtones et les personnes racisées s'évertuent à attirer l'attention du public sur cette question, car ce sont eux qui vivent avec les conséquences du racisme environnemental et de l'exposition aux produits toxiques et qui en meurent. Or, la structure même des processus décisionnels fait en sorte que ces personnes en sont exclues, que leurs préoccupations sont minimisées ou sacrifiées sur l'autel du progrès économique, quand elles sont entendues, point.
Qu'il s'agisse des répercussions de la fracturation hydraulique dans le Nord de la Colombie-Britannique, des effluents industriels déversés dans la marina de la Première Nation de Pictou Landing, des dépotoirs toxiques situés dans les secteurs de la Nouvelle-Écosse habités par des gens d'origine africaine, de la contamination au mercure de la Première Nation de Grassy Narrows ou de l'exposition aux effluves des industries pétrochimiques des membres de la Première Nation Aamjiwnaang de la Chemical Valley, en Ontario, ou encore en Colombie-Britannique, on ne peut plus nier le poids du racisme environnemental.
La stratégie créée par l'adoption du projet de loi constituera une belle avancée et pourra servir de point de départ pour s'attaquer à un phénomène qui n'aurait jamais dû voir le jour et qui doit cesser.
Merci.
:
Merci, madame McArthur.
J'ai malencontreusement omis de reconnaître que je me trouve sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe. Le Parlement se trouve sur ses terres.
J'aimerais reprendre là où Mme McArthur s'est arrêtée, puis expliquer la voie à suivre vers la justice environnementale.
J'ai commencé à utiliser l'expression « racisme environnemental » vers 1994, 1995, 1996, lorsque je militais pour la décontamination des étangs bitumineux toxiques de Sydney. La petite ville à prédominance noire de Whitney Pier, en Nouvelle-Écosse, et les terres autochtones du peuple Micmac sont devenues l'endroit le plus toxique au Canada, entre les fours à coke et l'aciérie.
J'ai alors découvert un programme de justice environnementale qui m'a beaucoup inspirée, ainsi que le terme « racisme environnemental », qui m'ont guidée dans mon travail. Ils ne venaient pas d'une organisation radicale, mais plutôt de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis qui, depuis 1992, dispose d'un bureau de la justice environnementale.
Ce bureau fournit une assistance spéciale aux collectivités telles que celles décrites par Mme McArthur: les personnes de couleur, les personnes autochtones et aussi, les communautés marginalisées sur le plan économique, parce qu'on sait pertinemment qu'on n'a même pas besoin... Le simple fait de poser la question, c'est y répondre. On ne trouvera pas de lieu d'enfouissement des déchets toxiques à Rosedale. On ne trouvera pas de personnes vivant dans une qualité environnementale qui menace leur santé à Shaughnessy, à Vancouver. Nous connaissons les quartiers et les groupes de personnes qui sont exposés de façon disproportionnée aux produits chimiques toxiques et à des sites d'enfouissement mal réglementés, qu'on pense à Kanesatake en ce moment ou aux abus générationnels incessants à Grassy Narrows, qui ont été mis en lumière pour la première fois, soit dit en passant, dans les années 1970, dans un livre du regretté journaliste environnemental Warner Troyer, qui a écrit le livre No Safe Place sur ce que Reed Paper faisait aux habitants de Grassy Narrows.
Je ne prendrai pas beaucoup de temps là‑dessus, mais je dirai que la voie à suivre avec l'adoption de ce projet de loi sera celle de la justice environnementale. Il ne s'agit pas de blâmer les gens ni de leur faire honte pour les conditions dans lesquelles nous vivons. Il s'agit de les améliorer.
[Français]
Dans le programme de justice environnementale des États‑Unis, l'Environmental Protection Agency, ou agence pour la protection de l'environnement, et quelques programmes fournissent des fonds pour faire en sorte que les communautés menacées par la pollution aient accès à des experts.
[Traduction]
Il est vraiment important que les collectivités disposent de leur propre organisme pour pouvoir contacter des épidémiologistes, faire réaliser leurs propres études, prendre des décisions fondées sur des données probantes quant à ce qui peut être fait pour décontaminer les lieux et ce que nous sommes prêts à dépenser, et voir si nous pouvons retrouver le pollueur initial et le faire payer pour la décontamination. L'essence même de cette démarche est qu'aucun Canadien ne devrait vivre dans des conditions que d'autres Canadiens n'accepteraient jamais.
Je me souviens d'avoir emmené Mike Harcourt visiter les étangs bitumineux de Sydney. Il était à l'époque l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique et faisait partie de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui existait autrefois. Je n'oublierai jamais les mots de Mike Harcourt, quand il a dit si quelqu'un essayait de faire la même chose à Vancouver, on le hisserait sur une corde et on l'exécuterait à bout portant. Il était tellement choqué de voir les taux de cancer atteindre des sommets dans certaines communautés.
Nous avons réussi à faire décontaminer les étangs bitumineux de Sydney, mais il n'y a pas de programme systématique. L'EPA, aux États-Unis, a non seulement un programme pour les Superfund sites, mais aussi des programmes spéciaux de justice environnementale.
Cette année... Je vous cite un extrait du site de l'EPA, aux États-Unis:
Le budget octroie plus de 1,45 milliard de dollars à l'Agence pour ses programmes de décontamination de la pollution, d'équité raciale et de justice environnementale pour tous les groupes de la population. Pour faire de la justice environnementale la priorité absolue de l'Agence, l'EPA a proposé la création d'un nouveau bureau national de justice environnementale, afin de coordonner les programmes et les activités de l'Agence et d'en tirer le maximum d'avantages pour les communautés mal desservies.
Je terminerai sur cette réflexion. Nous devons nous assurer, en permettant à ce projet de loi de franchir rapidement toutes les étapes à la Chambre — et j'espère au Sénat aussi —, qu'Environnement et Changement climatique Canada commencera à nous dire qu'il examine en détail ce que l'EPA fait actuellement aux États-Unis et qu'il prépare le Canada afin d'en faire au moins autant pour nos citoyens.
La dernière fois que j'ai vérifié, Environnement Canada n'avait pas encore examiné ce que fait l'EPA aux États-Unis.
Ce projet de loi, je l'espère, sera adopté grâce à votre soutien à tous, mais une fois qu'il sera adopté, il ne doit pas s'agir de jeter de la poudre aux yeux ou d'apposer des autocollants partout. Il faut nous attaquer au vrai problème en temps réel et trouver des solutions. Nul besoin de réinventer la roue. Nous avons des modèles.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci à notre témoin et aussi à notre collègue, madame May. Merci d'être ici aujourd'hui pour nous présenter votre projet de loi. Je vous remercie pour ce projet de loi.
Ce que je remarque dans ce projet de loi, et dans votre présentation, ce sont les notions de racisme environnemental et de justice environnementale dont vous avez parlé. Dans le monde dans lequel j'ai grandi, la justice est une bonne chose et le racisme, une mauvaise. Je pense que c'est vrai pour la plupart d'entre nous. L'élimination du racisme et l'obtention de la justice pour tous sont des objectifs auxquels nous aspirons tous. Je m'interroge sur la nature de ce dont nous parlons dans ce projet de loi.
Pouvez-vous définir clairement ce que pourrait signifier « racisme environnemental » pour des juristes, parce que je sais que nous devrons y arriver rapidement? Les lois que nous avons actuellement en matière de racisme portent sur les discours haineux. Parlons un peu de la façon dont vous définissez le « racisme environnemental » d'un point de vue juridique. Voulez-vous bien nous en parler, s'il vous plaît, madame May?
Je suis avocate de formation, alors je suis très au fait de l'application de la loi. Je comprends aussi que nous voulons veiller à ce que les termes soient clairs.
La question de l'évaluation du racisme environnemental est également liée à la collecte d'information. Comme l'a dit Mme McArthur... Faites-moi signe si vous voulez intervenir, madame McArthur. J'essaierai de surveiller l'écran dans Zoom.
Nous nous concentrons surtout sur le contenu de la stratégie incluse dans le paragraphe 3(3). Nous parlons d'une étude qui vise à examiner les « liens entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental », et d’autre part, « des renseignements et des statistiques concernant l’emplacement de dangers environnementaux ». Plus précisément, au sous-alinéa 3(3)(b)(iv), on parle de la « collecte de renseignements et de statistiques concernant la santé dans les collectivités situées à proximité de dangers environnementaux ». C'est très précis.
:
D'accord, madame McArthur. Je vous remercie de m'en avoir fait part.
Pouvons-nous aborder ce dont nous avons discuté et ce que vous désirez faire?
Il y a un certain contexte, bien sûr. En achetant un exemplaire de Lonely Planet sur le Canada pour la première fois, on découvre que Trail, en Colombie-Britannique, est le site le plus toxique d'Amérique du Nord. Des immigrants — à l'époque c'était des Italiens — sont venus à Trail pour travailler à la fonderie. Or, ces hommes sont tous morts avant d'avoir 50 ans. C'est une ville pleine de vieilles femmes, mais il n'y a aucun vieil homme. Je sais que ce n'est pas un enjeu racial, mais c'est quand même disproportionné d'un point de vue environnemental pour cette communauté. Elle est marginalisée d'un point de vue économique, pas d'un point de vue racial. Le racisme n'est pas en jeu dans ce cas‑ci. Voici ce sur quoi je veux insister. Je me demande si nous nous attardons sur le racisme plutôt que sur la marginalisation. Oui, il y a des régions rurales. Il y a des endroits dans ce pays où l'activité industrielle a nui aux populations locales qui y travaillent et y vivent.
S'agit‑il d'une approche de type rural contre urbain? Dans ce cas, ne devrait‑on pas permettre aux communautés rurales et racisées de se développer, de trouver leur voie et de se libérer du joug de la Loi sur les Indiens?
Je vais m'adresser à Mme May en premier.
:
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un fossé entre la ville et la campagne. Je pense que vous constaterez que, dans les communautés urbaines, les personnes racisées et à faible revenu sont très souvent exposées à des risques qui n'existent pas dans les communautés rurales. Par exemple, si l'on examine les recherches sur la contamination par le plomb et le travail épidémiologique effectué pour interdire le plomb dans l'essence, on s'aperçoit que bon nombre de ceux qui avaient un niveau statistiquement plus élevé... Je ne devrais pas dire « plus élevé ». Les cas de corrélation entre les faibles taux de QI et l'exposition au plomb se trouvaient en très grande majorité dans des environnements urbains.
Oui, vous avez raison d'un point de vue anecdotique. Il est certain que la fonderie de Trail est un cas international qui a créé le principe de bon voisinage. De même, on pourrait parler de Délı̨nę dans le Grand Nord. Cette communauté inuite est un village de veuves parce que leurs maris ont transporté sur leurs épaules des sacs de yellowcake provenant des mines d'uranium sans aucune protection.
Bref, l'idée, c'est qu'aucun Canadien — en région rurale ou urbaine, blanc, noir ou autochtone — ne devrait être exposé à des niveaux dangereux de produits chimiques et de toxines en raison d'une simple exploitation minière.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier Mme May, notre collègue et témoin.
Je vous remercie du travail que vous avez accompli et de toutes les connaissances que vous avez sur le sujet. Vous êtes passionnée, de toute évidence. Vous avez accompli tant de choses. Je suis vraiment heureuse que ce projet de loi ait été déposé.
J'aimerais simplement vous permettre de compléter votre réponse à la question de M. McLean en premier, puis j'aurai une question à vous poser.
:
C'est très gentil, madame Taylor Roy.
Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, mais je sais que certains s'attardent au mot « racisme » dans le projet de loi. Les recherches montrent une différence très importante et indubitable dans l'exposition des personnes de couleur et des Autochtones aux produits chimiques toxiques. À nouveau, il ne s'agit pas d'un enjeu exclusivement racial, mais le caractère racial est un élément prédominant.
Si cela vous sied, madame Taylor Roy, puis‑je demander à Mme McArthur si elle a autre chose à ajouter sur les statistiques qui nous donnent un fondement qui pointe vers le racisme?
:
Je n'ai pas de statistiques sous la main, mais M. McLean n'a pas tort lorsqu'il parle d'autres formes de marginalisation problématique. Cependant, nous savons et nous avons des preuves — provenant de nombreux projets de cartographie, y compris le projet ENRICH, par exemple — au Canada et dans de nombreux endroits dans le monde qui nous montrent qu'il y a une tendance à implanter des industries à proximité des communautés racisées et autochtones.
Cela dit, dans les centres urbains, on retrouve également ce qu'on appelle des déserts d'épicerie par exemple, où les communautés majoritairement noires n'ont pas accès à de bonnes épiceries. Mme Waldron reconnaît même cette intersectionnalité dans sa définition du racisme environnemental. Le racisme ne peut pas être considéré comme une variable indépendante. Il est souvent lié à un statut socioéconomique faible et à la pauvreté.
Bien sûr, il y a des Blancs ou des Européens pauvres qui sont exposés à ces mêmes niveaux élevés d'exposition toxique, mais c'est un phénomène reconnu dans le monde entier. Il y a quelques jours, le rapporteur spécial des Nations unies a publié un rapport sur les formes contemporaines de racisme et leur intersection avec la justice climatique et la justice raciale. Il a cité l'exemple du Canada et de la Première Nation Aamjiwnaang à Sarnia, où l'on relève une panoplie de problèmes de santé, des cancers aux maladies respiratoires, et ce depuis le début des années 2000. Un projet de recherche communautaire a permis de documenter un rapport asymétrique des sexes dû à l'exposition à des produits chimiques perturbateurs endocriniens. Le ratio d'hommes nés est disproportionné par rapport à celui des femmes.
Les exemples de racisme sont légion...
Je m'en veux de ne pas vous avoir remerciée et souhaité la bienvenue également, madame McArthur. Vous avez ma reconnaissance.
Le fait de se disputer pour déterminer si c'est du racisme... Au fond, l'idée, comme l'a aussi dit mon collègue d'en face, c'est qu'il s'agit de justice environnementale. Vous demandez que des recherches soient effectuées sur les liens entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental. Cela n'exclura pas les communautés qui ont été affectées en raison de leur statut socioéconomique.
Cela dit, j'aimerais comprendre une chose, madame May. Vous voulez qu'une stratégie soit élaborée. Vous avez fait référence à l'EPA et à ce qu'elle fait. Je me demande s'il y a des aspects précis du travail de l'EPA ou toute autre chose que vous pourriez envisager pour cette stratégie et à laquelle vous avez déjà pensé, étant donné tout le temps que vous avez consacré à cet enjeu.
Ce projet de loi ne vise pas à réaliser une étude. Il vise plutôt à recueillir de l'information, à aller de l'avant et à mettre en place une stratégie qui s'attaque au racisme environnemental, le prévient et favorise la justice environnementale.
Lorsque les membres d'une communauté subissent des effets néfastes sur leur santé, l'une des premières choses qui se produit — je serai franche —, c'est que l'industrie concernée engage ce que j'aime appeler des soi-disant consultants. Vous payez la facture et vous obtenez le rapport que vous voulez: devinez quoi, il y a peut-être beaucoup de déchets toxiques ici, mais théoriquement, grâce à des modèles mathématiques élaborés par ces soi-disant consultants, aucune de ces matières toxiques dangereuses ne va jamais nuire à qui que ce soit, alors nous allons simplement les laisser là.
La communauté doit pouvoir avoir accès à ses propres experts. Elle a besoin de ses propres épidémiologistes et toxicologues. Lorsqu'un gouvernement s'associe à une communauté pour accroître sa capacité d'agir et pour remédier, comme l'a mentionné Mme McArthur, à son manque de pouvoir politique équitable dans la situation, de sorte que la communauté dont les membres subissent des effets néfastes sur leur santé et sont également exposés à des niveaux élevés de contaminants environnementaux ait accès aux experts qui travaillent sous sa gouverne, et qu'il finit par prendre une décision sur le nettoyage, le chiffrement, et la protection de la santé de la population, la communauté peut ensuite se mobiliser avec autant de ressources ou du moins avec certaines ressources contre ces grands pollueurs.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie notre collègue Mme May ainsi que Mme McArthur de leur présence.
Madame May, je suis contente d'avoir l'occasion de vous parler de ce projet de loi plus en profondeur et de la façon que nous le voyons, au Bloc québécois.
Vous et moi avons discuté à quelques reprises de la protection de la santé et de l'environnement, et nous sommes souvent d'accord.
La première version du projet de loi contenait des éléments qui allaient à l'encontre du Québec. Cela avait été corrigé par les libéraux qui siégeaient à ce comité à l'époque. Je suis contente que vous ayez tenu compte des préoccupations au sujet de la première version du projet de loi C‑230. C'est tout à votre honneur d'avoir repris ce projet de loi et d'avoir corrigé certaines lacunes. Cependant, selon nous, il subsiste des lacunes importantes. Comme vous ne serez pas présente vendredi, je vais vous expliquer sur quoi nos amendements vont porter.
Dans votre allocution, vous avez dit ne pas vouloir que le projet de loi fasse joli. Je n'ai pas le sentiment que le projet de loi, dans sa forme actuelle, mènera à quelque changement concret que ce soit dans la vie des personnes qui subissent des injustices dans leur rapport à l'environnement, notamment les communautés autochtones, les populations vulnérables et plus pauvres économiquement, ainsi que les personnes issues de l'immigration.
Autrement dit, le projet de loi énonce des intentions, mais ses dispositions ne seront pas suffisantes pour engendrer un changement social. Les amendements que je vais soumettre à ce comité vont renforcer le projet de loi. J'ai hâte que vous en preniez connaissance, mais je peux vous parler tout de suite des améliorations que nos amendements permettront d'apporter au projet de loi.
Premièrement, il faut insister sur le concept central de justice environnementale. Le projet de loi s'inscrit dans le contexte global d'instauration de droits liés à l'environnement. L'objectif est de lutter contre les injustices dans le rapport à l'environnement, injustices qui sont souvent vécues par des minorités, peu importe leur couleur, si on peut le dire ainsi. Puisque le but est de lutter contre les injustices, il est logique d'affirmer un principe positif, celui du renforcement de la justice environnementale. C'est ce que vise un de nos amendements.
Deuxièmement, il faut protéger tout le monde. Il faut que ce soit juste pour tous les citoyens, sans discrimination. Je sais que l'intention du projet de loi est de protéger particulièrement les personnes issues des minorités, ce sur quoi nous sommes tout à fait d'accord, et la stratégie doit viser les populations vulnérables, dont les minorités visibles. À cette fin, la stratégie des ministres devra tenir compte de tous les facteurs de vulnérabilité qui peuvent engendrer des injustices en lien avec l'environnement. Un autre de nos amendements vise donc à étendre le champ d'application pour inclure l'origine, la condition socioéconomique, l'ascendance et l'histoire des communautés touchées.
Je vais vous donner l'exemple de la Fonderie Horne, à Rouyn‑Noranda. On en a parlé tout l'été et pendant la campagne électorale au Québec. Vous avez sans doute lu le texte très puissant à ce propos d'un de nos grands poètes, Richard Desjardins. Ce texte montre très bien que le problème perdure depuis des décennies et des générations, et que les gens souffrent de la pollution de père en fils et de mère en fille. Je ne veux pas que ces gens soient exclus, mais ils semblent l'être dans votre projet de loi. L'État devrait leur apporter de l'aide et réparer les torts causés par le passé. C'est le but d'un autre de nos amendements.
Vous avez parlé de sommes d'argent. Nous avons un amendement proposant que le gouvernement prévoie, dans sa stratégie, l'attribution de fonds concrets pour aider les communautés victimes d'inégalités dans leur rapport à l'environnement. Nous voulons nous assurer que le projet de loi aura du mordant et qu'il ne sera pas simplement mis sur une tablette une fois qu'il sera devenu loi. Je sais que vous ne pouviez pas inclure une telle disposition dans votre projet de loi, parce qu'on vous aurait dit qu'il était irrecevable. Le projet devra recevoir la sanction royale. Si nous sommes tous d'accord ici sur un tel amendement, cela pourrait être accepté.
C'est ce que je demande. Si le gouvernement libéral veut sincèrement faire avancer la justice environnementale, ce sera la preuve d'une véritable vertu.
Voilà donc la main tendue du Bloc québécois. J'aimerais que vous invitiez tous les membres du Comité à appuyer nos amendements pour améliorer le projet de loi et faire progresser la justice environnementale.
Je remercie ma chère collègue.
Je n'ai pas lu les amendements du Bloc québécois, et ce n'est pas à moi de décider, puisque je n'ai pas de droit de vote à ce comité. Toutefois, j'espère que le projet de loi obtiendra l'appui de tout le monde. Chez les verts, nous estimons que la meilleure façon de prendre des décisions est de trouver un consensus.
Dans ce projet de loi émanant d'un député, personne n'est exclu. Aucune communauté n'a été oubliée dans ses définitions. Par exemple, on parle de « collectivités situées à proximité de dangers environnementaux », sans autre limitation.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier Mme May en particulier d'avoir déposé ce projet de loi, ou en fait de l'avoir déposé à nouveau, puisque Lenore Zann en avait déposé une version précédente lors de la dernière législature.
Je vous remercie, madame McArthur, d'être ici et de nous faire bénéficier de votre soutien, de votre expertise et de vos connaissances à ce sujet.
Je dois dire que je suis préoccupée par certains des commentaires de mes collègues conservateurs et bloquistes. La question du racisme environnemental est tellement sérieuse au Canada, et l'idée que... Lorsque la version précédente de ce projet de loi a été déposée au Parlement, on l'a amendée pour ajouter le concept de justice environnementale. Je suis d'avis qu'il est urgent d'aborder et de faire progresser la justice environnementale sous toutes ses formes, mais il est également très clair que le Canada a un problème historique et continu de racisme environnemental.
J'espère donc que chacune d'entre vous pourra parler de l'importance de s'attaquer au racisme environnemental, en particulier, et de la nécessité de disposer de données fondées sur la race.
Merci, madame May.
J'aimerais revenir sur quelque chose que Mme Waldron a dit lorsqu'elle a participé au débat sur le projet de loi . Lors de son intervention, elle a entre autres dit qu'il y avait un travail d'éducation à faire sur le racisme et le racisme environnemental. Elle se préoccupait du fait qu'il y a un réel manque de compréhension quant à ce phénomène réel. Elle a dit qu'on aime croire que le racisme n'existe pas au Canada, ce qu'elle a qualifié de « ridicule ».
Le racisme existe bel et bien. Parfois, il est subtil. Parfois, il est très évident. Nous le constatons dans la cartographie réalisée et dans les répercussions sur la santé des gens. Je pense que lorsque nous parlons des différentes intersections et vulnérabilités, nous sommes capables de reconnaître l'oppression et le fait que certaines personnes sont vulnérables. De ce point de vue, il ne devrait pas être si difficile pour nous de comprendre que le racisme et le racisme environnemental existent au Canada.
Nous sommes à un moment où nous nous réconcilions, ou sommes censés nous réconcilier, avec notre passé et l'héritage actuel de la colonisation des Premières Nations qui vivent aujourd'hui sur ces terres. Nous devons reconnaître cela de manière très concertée. La première étape consiste à reconnaître que c'est une réalité. Ensuite, nous devons prendre des mesures pour y remédier.
Comme l'a dit Mme May, cette stratégie consiste en partie à inclure les personnes affectées dans le déploiement de la stratégie du projet de loi. Les consultations et le consentement libre, préalable et éclairé, comme cela a déjà été dit... Les communautés affectées ne sont souvent pas comprises dans les recherches et les méthodologies traditionnelles de collecte d'information. C'est en partie dû au fait qu'on ne pose pas les bonnes questions sur leurs expériences. En niant le racisme, on contribue au problème. C'est impossible de recueillir l'information adéquate pour savoir quel est le problème.
Je pense réellement que le manque d'éducation et de compréhension... Il s'agit d'un aspect important du projet de loi, qui démontrera que c'est une réalité. À l'heure actuelle, on ne cherche pas nécessairement les bonnes données au bon endroit. On n'écoute pas nécessairement non plus les bonnes personnes pour obtenir l'information dont on a besoin pour prouver qu'il s'agit d'un problème.
:
En ce qui concerne la crise climatique ou l'exposition à la pollution environnementale qui menacent la santé humaine, il ne fait aucun doute qu'il existe des problèmes de classe. Nous n'aimons pas parler de classe au Canada parce que je pense que nous sommes un peu une société sans classe. Les gens peuvent gravir les échelons, et ainsi de suite, mais en réalité, si vous êtes au bas de l'échelle économique, vous n'avez pas beaucoup de pouvoir politique.
Plus de 600 personnes — je crois que c'est 700 — sont mortes en quatre jours à cause du dôme de chaleur en Colombie-Britannique, et vous verrez que c'était principalement des personnes à faible revenu, si vous regardez cela sous cet angle. Vous pouvez répartir cela différemment. Je ne conteste pas que, si l'on examine les données, le racisme environnemental soit un facteur évident, mais l'intersectionnalité avec les faibles revenus l'est tout autant. Un faible revenu signifie moins de pouvoir politique, ce qui fait que le gouvernement a décidé de ne pas ouvrir de centres de rafraîchissement ou de ne pas prendre de mesures pour sauver des vies. Je ne peux pas imaginer pourquoi, mais je compare souvent les incidences du dôme de chaleur aux effets d'une bombe à neutrons des changements climatiques.
Vous vous souviendrez que les bombes à neutrons détruisent les gens, mais laissent les bâtiments debout. Un dôme de chaleur tue les gens, mais les bâtiments sont toujours debout. L'ouragan Fiona et les rivières atmosphériques associées à la crise climatique tuent des gens et détruisent des infrastructures. Les dômes de chaleur ne font que tuer des gens.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Chers membres du Comité, je suis heureux de vous retrouver et particulièrement notre collègue Mme May, de la Colombie-Britannique.
Je vous présente mes hommages, madame May. Il est toujours agréable de vous voir et de vous rencontrer en personne et d'échanger ensemble.
Lorsqu'il est question des Premières Nations, je dois dire que je suis directement touché, et pour cause. Cela va bientôt faire 14 ans que j'ai le privilège d'être un élu: j'ai siégé sept ans à l'Assemblée nationale du Québec et sept ans à la Chambre des communes. J'ai toujours eu le grand honneur de représenter la communauté de Wendake. C'est un grand honneur, d'autant plus que je suis chanceux, car mes parents, en 1962, se sont établis à peine à un mille de la communauté de Wendake. J'ai grandi avec ces gens. Je les connais, je les aime beaucoup. Ils me le rendent bien d'ailleurs, et je les en remercie.
Je suis fier de représenter cette communauté, qui est la meilleure, à mon point de vue. Vous aurez compris mon préjugé favorable. Ces gens ont toujours été fiers et je pense que nous avons réussi, dans la région de Québec, à bien vivre tous ensemble. Pour moi, c'est une inspiration, mais qui ne me fait pas oublier les grandes préoccupations que nous avons tous pour les Premières Nations.
Le projet de loi qui nous est soumis met en lumière une tragédie humaine que, malheureusement, notre pays n'est pas le seul à avoir vécue, soit celle de faire de la discrimination envers ses Premières Nations. Nous garderons toujours en mémoire ce moment marquant, survenu le 11 juin 2008, où, au nom du Canada, le premier ministre a offert ses excuses aux Premières Nations pour la tragédie des pensionnats indiens. Il faut se rappeler que c'est la seule fois dans l'histoire canadienne qu'un grand chef des Premières Nations s'est adressé à tous les parlementaires. Il faut garder cela à l'esprit.
Comme je l'ai dit, à Wendake, j'ai la chance de côtoyer des gens qui sont très travailleurs. Cette communauté d'à peine 2 000 personnes compte plus de 200 entreprises privées et, donc, de nombreux entrepreneurs. Depuis ma tendre enfance — j'ai tout de même 58 ans, et j'en suis fier, d'ailleurs —, j'ai constaté que ces gens ont toujours été des partenaires dans la prospérité. Ils n'attendent rien de personne, ils s'assument pleinement, et ils établissent des partenariats avec les gens des alentours.
Madame May, ma question s'adresse à vous.
Nous ne pouvons pas refaire l'histoire, mais nous pouvons envisager l'avenir autrement.
Dans le cadre des grands projets qui ont cours, quels qu'ils soient, si, d'aventure, ils touchent directement une parcelle d'un territoire autochtone, estimez-vous qu'il faut que les Premières Nations soient partenaires?
Selon moi, il faut qu'elles soient partenaires dans ces projets et partenaires dans la prospérité pour éradiquer le plus possible — peut-être que ce ne sera jamais éradiqué complètement dans la tête de certaines personnes — toute démonstration ou tout sentiment de racisme malaisant.
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Pour commencer, j'aimerais féliciter mon cher collègue pour sa nomination en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et de changement climatique.
Mon collègue a témoigné d'une expérience merveilleuse et a parlé de vrais partenaires pour le bien-être de tous. C'est l'idéal. Or ce n'est pas l'expérience de la grande majorité des peuples autochtones du Canada. Comme Mme Taylor Roy l'a demandé, est-ce que le droit à un consentement préalable existe vraiment?
Ce n'est pas l'expérience de la grande majorité des peuples autochtones du Canada, notamment dans ma province, où il y a les oléoducs. Les peuples autochtones, comme les Squamish, les Tsleil-Waututh et les Musqueam, sont encore contre ce grand projet, qui est aujourd'hui la propriété de tous les citoyens canadiens. C'est l'idéal, mais ce n'est pas l'expérience de la grande majorité.
Le projet de loi ne vise pas les communautés où il n'y a pas de problème.
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Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames May et McArthur.
J'ai beaucoup apprécié vos commentaires sur l'intersectionnalité du racisme environnemental, de la justice environnementale et de la santé, en particulier pour les personnes vulnérables.
Madame McArthur, étant donné que vous comprenez cette intersectionnalité, pourriez-vous nous expliquer comment nous pouvons favoriser une plus grande exposition des étudiants en soins de santé aux enjeux du climat et de la durabilité au cours de leurs études?
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Merci beaucoup pour cette question.
Cela va me donner l'occasion de parler un peu de ce que fait l'organisation pour laquelle je travaille, qui, comme je l'ai dit plus tôt, est l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. L'ACME est une organisation dirigée par des médecins dont la mission est d'améliorer la santé humaine en protégeant la planète. Notre conseil d'administration est composé principalement de médecins, et nous avons des comités régionaux dans tout le Canada qui sont dirigés principalement par des médecins, mais aussi par d'autres professionnels de la santé.
Notre travail consiste en grande partie à éduquer les médecins et les autres professionnels de la santé et à leur donner les moyens de connaître et de comprendre les répercussions sur la santé, en particulier sur la santé des personnes vulnérables, des personnes racisées et des Autochtones. Une bonne part de ces connaissances provient en fait des médecins de l'ACME, qui constatent ces problèmes en travaillant avec leurs patients et en les traitant, et qui veulent faire quelque chose à ce sujet.
En s'appuyant sur cet élément d'autonomisation, l'ACME milite, par l'intermédiaire des facultés de médecine, pour que la formation et la recherche continuent de s'attaquer à certains de ces problèmes. Il s'agit de concevoir des études de recherche et de former des étudiants en médecine et d'autres fournisseurs de soins de santé aux problèmes intersectionnels du racisme et des déterminants sociaux de la santé, comme on les appelle.
La communauté des soins de santé et les professionnels de la santé souhaitent vraiment s'attaquer à ces problèmes, et le besoin est bien réel. Je pense que cela se produit de plus en plus, notamment parce que les jeunes stagiaires vivent dans un monde où ces problèmes se manifestent.
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Je confirme ce que Mme May vient de dire, mais j'aimerais aussi donner un autre exemple. L'un des projets auxquels nous travaillons en collaboration avec plusieurs organisations concerne l'intersection du racisme et de l'exposition aux toxines. L'une des choses que nous savons — et cela est documenté à la fois dans la littérature épidémiologique et médicale et dans la littérature en matière de sciences sociales —, c'est que les produits qui contiennent des niveaux plus élevés de toxines sont souvent destinés, dans la publicité, aux personnes racisées.
Par exemple, nous voyons des femmes racisées, en particulier des femmes noires, utiliser des produits pour se lisser les cheveux et se décolorer la peau afin de se conformer aux idéaux de beauté occidentaux, ce qui entraîne des taux plus élevés de cancer du sein, de kystes, d'autres troubles du système reproductif, de problèmes respiratoires et de sensibilisation cutanée.
Il y a différentes façons de voir ce problème, et ce n'est pas seulement dans les environnements extérieurs dans lesquels nous vivons et les polluants auxquels nous sommes exposés, mais aussi dans ces façons plus subtiles dont des populations particulières sont exposées.
Mes commentaires s'adresseront à vous, madame McArthur.
Vous avez dit qu'il s'agit souvent de communautés qui manquent de pouvoir politique, et je suis entièrement d'accord avec vous. Je pense particulièrement aux Autochtones et à la façon dont le Canada les a traités dans le passé. Nous continuons de penser qu'il faut tenir compte de tous les facteurs de vulnérabilité. Je ne sais pas si vous savez ce qui s'est passé dans le cas de la Fonderie Horne. Celle-ci se trouve à Rouyn, où la population est principalement blanche. Il y a aussi l'usine de Charl‑Pol, à La Baie. Est-ce que ce serait considéré comme du racisme environnemental, alors que la toxicité de l'air affecte les employés?
Je pourrais aussi vous parler de la poussière rouge sur Limoilou, ou encore de la qualité de l'air dans l'Est de Montréal, où ce sont principalement des personnes francophones, blanches et défavorisées sur le plan économique qui sont touchées par tous ces facteurs.
D'après nous, les entreprises ne tiennent pas compte principalement de la race; ce qu'elles cherchent, c'est la rentabilité. Elles ne se préoccupent pas des employés ou des populations environnantes. C'est l'appât du gain, pour certaines entreprises, qui génère toute cette toxicité.
Mme Waldron, d'ailleurs, avait mentionné certains facteurs, dont l'éducation, le faible pouvoir de représentation politique et des conditions socioéconomiques précaires, entre autres. J'étais tout à fait d'accord avec elle. Elle faisait une très belle critique du néolibéralisme, finalement.
Au Bloc québécois, nous pensons que nous pourrions avoir une loi efficace. La Fonderie Horne est un bon exemple, et nous espérons que tous les députés de tous les partis vont appuyer nos propositions pour améliorer le projet de loi, le renforcer et lui donner du mordant, afin que la loi protège tout le monde et qu'elle assure l'égalité de tous en matière de santé. Nous voulons notamment inclure dans son champ d'application les origines, la condition socioéconomique, ainsi que l'ascendance et l'histoire des communautés touchées.
Seriez-vous d'accord sur un tel amendement pour renforcer le projet de loi?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais parler un peu des effets sur les communautés autochtones. Les membres de la Première Nation Aamjiwnaang, qui vivent près de la « vallée chimique », présentent des taux accrus d'asthme, de troubles du système reproductif, de troubles d'apprentissage et de cancer. Voici ce qu'a déclaré Beze Gray, un Anishinabe protecteur de la terre et de l'eau de la Première Nation Aamjiwnaang:
La pollution affecte la souveraineté alimentaire. Les membres de la Première Nation Aamjiwnaang perdent l'accès aux sources alimentaires traditionnelles en raison des effets de la pollution dans la région... La pollution a également des répercussions sur la langue traditionnelle. Parce que la pollution a fait disparaître tant de choses dans la communauté, nous avons perdu des mots traditionnels. Et nous n'avons pas de mots traditionnels pour désigner la pollution qui nous entoure.
Madame McArthur, je me demande si vous pouvez parler de certaines des conséquences profondes du racisme environnemental. Cela inclut l'accès à l'eau potable et à l'air pur, ainsi que l'accès aux espaces verts.
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Je vous remercie de votre question, madame Collins. C'est une question importante.
Je pourrais peut-être parler un peu du point de vue que nous essayons de matérialiser à l'ACME. Nous essayons vraiment de voir ces questions dans l'optique de la santé planétaire. L'optique de la santé planétaire s'apparente à ce que nous appelons un modèle socioécologique de la santé, c'est‑à‑dire qu'il existe différents niveaux d'influence sur notre santé. Cela ne se limite pas au fait que nous faisons, en tant qu'individus, certains choix quant à ce à quoi nous sommes exposés ou non, ou que nous choisissions l'endroit où nous vivons ou que nous occupions certains emplois. C'est le niveau individuel, le niveau communautaire et le niveau professionnel, mais aussi la gouvernance, la politique, l'histoire et le temps qui se conjuguent pour influencer notre expérience de la santé, bonne ou mauvaise.
Pour les Autochtones qui vivent sur ces terres, l'héritage du colonialisme, qui se perpétue aujourd'hui, et l'implantation disproportionnée des populations dans les zones où l'exposition aux produits toxiques est prévalente signifient que tous les aspects de leur vie sont touchés. La Première Nation Aamjiwnaang est un exemple parmi tant d'autres.
J'ai moi aussi parlé avec des membres de la Première Nation Aamjiwnaang. Je me souviens d'une fois où nous avons accueilli Lindsay Beze et sa sœur pour qu'elles viennent à Windsor parler de leur expérience à Aamjiwnaang. À l'époque, il y avait...
Merci, madame May, d'être ici, et merci à vous aussi, madame McArthur.
Vous savez, c'est intéressant, car je regarde cela dans le contexte d'une grande partie de mon expérience en tant que député d'une région rurale du Canada, en fonction des gens que je représente, et aussi parce que j'ai eu la chance d'entrer en contact, au cours des trois dernières années, avec de nombreuses personnes à travers le pays. En voyant certains des défis qui ont été soulignés, le problème pour mes électeurs est sans doute qu'ils n'ont pas la certitude qu'un processus comme l'élaboration d'un cadre comme celui‑ci n'aura pas une incidence très négative sur leurs moyens de subsistance et leur avenir. À titre d'exemple, environ 10 000 personnes dans ma circonscription sont directement ou indirectement employées par le secteur pétrolier et gazier, sont très fières de l'être et ont un bilan exemplaire en matière de gestion de l'environnement.
Madame May, l'une des préoccupations que ce projet de loi suscite en moi est qu'il semble avoir pour but de délaisser les sources d'énergie qui fournissent des emplois importants aux personnes de ma circonscription, y compris aux peuples autochtones et aux personnes de couleur, ainsi qu'aux communautés qui, dans de nombreux cas, étaient très marginalisées, mais auxquelles le développement énergétique a vraiment donné un coup de pouce économique.
J'aimerais entendre des réponses à certaines de mes préoccupations à ce sujet.
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Tout d'abord, monsieur Kurek, pardonnez-moi, mais je vous trouve très formel de m'appeler Mme May. Je vais simplement préciser que nous sommes amis.
Aucun cas exemplaire en matière d'environnement n'a à craindre d'un projet de loi qui se concentre sur le pire du pire, c'est‑à‑dire la contamination environnementale qui menace la santé humaine et affecte certaines communautés plus que d'autres. Je suis heureuse d'avoir l'occasion d'apporter une précision, car nous avons passé beaucoup de temps à en parler. Il est vrai que les niveaux d'arsenic de la fonderie Horne sont hors normes, mais ce que je veux dire, c'est qu'une exception à la règle ne signifie pas qu'il n'y a pas de problème. Ce n'est pas parce que certaines communautés de Canadiens blancs qui descendent des colons sont confrontées à des produits chimiques toxiques que cela n'annule pas les preuves accablantes selon lesquelles, de manière disproportionnée, beaucoup plus de personnes de couleur et beaucoup plus d'Autochtones seront confrontés à une contamination environnementale et à d'autres effets environnementaux qui menacent leur santé et celle de leurs communautés.
Vos électeurs devraient savoir que vous êtes un député très compétent qui représente très bien leurs intérêts, et je ne pense pas qu'ils aient une seule chose à craindre de ce projet de loi.
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J'en suis conscient. Je représente une circonscription d'une superficie de 53 000 kilomètres carrés dont la population est d'environ 110 000 personnes. Cela correspond à 12 pâtés de maisons. L'un des défis auxquels mes électeurs sont confrontés... J'ai entendu certains chefs autochtones qui sont consternés et qui ne font pas confiance à la politique environnementale et climatique du gouvernement parce qu'ils ont vu des occasions d'ordre économique leur échapper à la suite de certaines des mesures qui ont été prises.
Je crains que nous adoptions un cadre dont le résultat sera de freiner les gens au lieu de leur donner des moyens d'agir et d'en définir l'intention. C'est certainement la plus grande préoccupation que j'ai, qu'il s'agisse des peuples autochtones...
Il y a eu beaucoup d'excitation — des dirigeants autochtones m'en ont parlé — lorsque 18 Premières Nations, je crois, ont signé un accord pour devenir partiellement propriétaires d'un projet de développement énergétique et en retirer des avantages économiques importants. Il y avait beaucoup d'excitation, surtout pour les jeunes qui allaient pouvoir utiliser des acquis comme leurs diplômes dans le domaine de l'environnement.
Encore une fois, je crains les répercussions négatives que nous pourrions avoir, si nous ne sommes pas très prudents, à cause de ce projet de loi en particulier, mais aussi des grandes discussions sur le racisme environnemental. L'effet pourrait être le contraire de ce que nous souhaitons.
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Merci de cette excellente question. J'ai également lu la lettre de mandat du , et pour ceux qui sont intéressés, elle inclut la présentation de cette mesure législative. Je serai très transparente sur le fait que j'ai tiré un petit numéro à la loterie des députés, ce qui est une bonne nouvelle.
En discutant avec le cabinet du , Mme Waldron, Lenore Zann et Lauren Collins, nous essayons de trouver la meilleure façon de faire adopter cette mesure législative. Il me semblait que j'aurais plus de chances de la faire progresser parce que l'ordre du jour de la Chambre est tellement surchargé. J'espérais que nous pourrions même sauter toutes les étapes, car il est si difficile de faire avancer les projets de loi d'initiative parlementaire. Disons, par consentement unanime, que ce projet de loi a déjà été étudié et amendé. Faisons-le simplement adopter.
C'était mon espoir initial, et je demeure reconnaissante du fait que nous avons suffisamment d'appui pour que ce projet de loi passe à l'étape de la deuxième lecture et que nous soyons ici. J'aimerais que les conservateurs et les bloquistes se joignent à nous, appuient ce projet de loi et le fassent adopter au Sénat à l'unanimité. Ce serait l'idéal.
Les deux projets de loi sont beaucoup plus. Le projet de loi , la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et le projet de loi sont maintenant beaucoup plus alignés qu'ils ne l'étaient avant les amendements du Sénat. J'espère que le gouvernement défendra les amendements du Sénat, qui commencent également à opérationnaliser ce à quoi peut ressembler la justice environnementale. Ce sont des nouveautés intéressantes.
Je considère que les deux projets suivent des voies parallèles, mais certainement pas des voies parallèles qui ne se croisent pas. Ils sont étroitement liés à ce stade-ci, et je pense qu'il serait merveilleux que ces deux projets de loi soient adoptés. Ce serait mieux si le projet de loi est adopté avec un droit exécutoire à un environnement sain et en améliorant les divers éléments dont j'ai déjà parlé sur le projet de loi S‑5 devant la Chambre.
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Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse aussi à Mme May, même si Mme McArthur voudra peut-être intervenir.
Il y a un quartier du centre-ville de Winnipeg que vous connaissez peut-être, Point Douglas. Il a une histoire assez intéressante qui remonte à un siècle et demi. On y trouve une importante communauté des Premières Nations et une importante communauté d'immigrants, principalement africains, et de nombreux réfugiés. De toute évidence, c'est l'objet de votre projet de loi.
Je me demande si, de façon concrète, vous pourriez parler de la façon dont ce projet de loi aide une communauté comme celle-là. Il y a une industrie à proximité. Il y a des preuves de pollution. Les communautés n'ont pas la capacité, les outils et les ressources pour prouver le bien-fondé de leur cause. Comment ce projet les aide-t-il?
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Nous allons commencer la réunion avec notre deuxième groupe de témoins.
Nous sommes censés recevoir trois témoins. Deux ont réussi à se connecter. Chaque témoin disposera de trois minutes. Veuillez vous en tenir à trois minutes ou moins.
Nous accueillons parmi nous Mme Lenore Zann, qui a parrainé initialement ce projet de loi à la 43e législature.
Je suis ravi de vous voir, madame Zann.
Nous recevons également M. Ross, qui est un député de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Il est le député de Skeena.
Nous allons commencer avec vous, madame Zann, pour trois minutes, s'il vous plaît.
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Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici parmi vous. J'espère que vous pouvez me voir et m'entendre.
Je suis reconnaissante de vivre dans le territoire traditionnel non cédé des Micmacs, les peuples de l'aurore, en Nouvelle-Écosse.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui sur le projet de loi , qui porte sur la stratégie nationale concernant le racisme environnemental et la justice environnementale.
Comme vous l'avez dit, j'ai présenté ce projet de loi pour la première fois à la Chambre des communes en février 2020, trois mois seulement après avoir prêté serment en tant que députée nouvellement élue. C'était une journée extraordinaire. Je ne l'oublierai jamais. Je suis profondément reconnaissante aux braves gens de Cumberland-Colchester de m'avoir élue pour les servir, ce qui a rendu cela possible. Je remercie également tous les députés de la Chambre et de ce comité qui ont appuyé le projet de loi, que j'ai eu le plaisir de présenter à la Chambre avec des amendements le 22 juin 2021.
Maintenant, c'est avec beaucoup de gratitude que je remercie la députée de Saanich—Gulf Islands d'avoir présenté à nouveau cette mesure législative en tant que projet de loi en février de cette année.
Les bases de ces projets de loi fédéraux se trouvent dans un projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai d'abord présenté en 2015 en tant que députée de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, après avoir travaillé avec Mme Ingrid Waldron et un certain nombre de grands-mères autochtones et noires: le projet de loi 111, loi visant à lutter contre le racisme environnemental.
Les projets de loi provinciaux et fédéraux demandent tous au gouvernement d'examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et les risques pour l'environnement et la santé en raison du nombre disproportionné de sites de déchets toxiques, de sites d'enfouissement et d'entreprises polluantes situés dans ou à côté des communautés autochtones, noires ou racialisées. Il y a du racisme environnemental lorsque les politiques ou pratiques environnementales, de façon intentionnelle ou non, ont des effets négatifs disproportionnés sur certaines personnes ou communautés ou certains groupes en raison de leur race ou de leur couleur, du manque de volonté politique et de l'inégalité du statut économique ou de l'accès aux avantages environnementaux.
Une coalition vaste et diversifiée de groupes environnementaux et de la société civile, dont la Fondation David Suzuki et Ecojustice, a passé près de deux ans à exhorter le Parlement à approuver le projet de loi . Lorsque le Comité de l'environnement de la Chambre des communes a terminé son examen l'année dernière et a approuvé le projet de loi avec des amendements, cela a marqué un premier pas essentiel vers la reconnaissance des inégalités causées par le racisme environnemental.
S'il est adopté, le projet de loi deviendra une première canadienne. Nous n'avons pas de temps à perdre pour veiller à ce que cette mesure législative tant attendue devienne une loi. Par conséquent, j'encourage vivement tous les partis à approuver le projet de loi C‑226 et à le faire passer aux étapes finales.
Merci.
Je sais que c'est subjectif en fonction de la région où vous êtes au Canada. Nous sommes situés en Colombie-Britannique et les Premières Nations ici en ont assez des politiques et des programmes qui sont utilisés par des tiers, avec les Premières Nations qui sont coincées au milieu. Cette situation se produit partout au Canada, mais surtout en Colombie-Britannique.
Nous avons déjà des idées paternalistes sur le financement des Premières Nations au Canada par l'entremise de la Loi sur les Indiens. Nous n'avons pas besoin d'autres politiques de ce genre, surtout quand on pense à ce que nous essayons d'accomplir ici en tant que dirigeants des Premières Nations. Nous essayons de nous sortir de la pauvreté et de la violence de la pauvreté, et ça fonctionne. Cela a fonctionné de 2004 à 2017. Cette mesure a contribué à améliorer le niveau de vie, qui a connu un revirement. Elle a bâti un avenir pour notre peuple et a permis à une bande comme la mienne d'accéder à l'indépendance.
Quand nous pensons à certaines de nos activités, comme l'exploitation minière, l'exploitation forestière et le gaz naturel liquéfié, GNL, c'est ma bande, la Nation Haisla, qui a exercé des pressions sur le Canada et la Colombie-Britannique. Vous avez également parlé de certains autres développements. Certains des plus grands pollueurs au Canada sont les villes et leurs sites d'enfouissement. Devinez quoi. Les Premières Nations s'en servent comme tout le monde. L'autre chose qu'il faut prendre en considération, c'est que la durée de vie des Premières Nations a en fait augmenté en raison de l'expansion que nous avons connue.
Vous faites quelque chose qui est redondant. Nous avons déjà des processus ici. Les intérêts des Premières Nations sont déjà couverts par la Constitution du Canada en vertu de l'article 35 et de la jurisprudence qui a été décidée par les tribunaux du Canada et de la Colombie-Britannique à la même époque. En dessous de cela, il y a également les intérêts des dirigeants des Premières Nations qui participent aux évaluations environnementales, tant au niveau fédéral que provincial, pour couvrir plus de sujets que ceux dont vous avez parlé ici.
Savez-vous ce que nous avons fait ici en Colombie-Britannique? Nous avons accompli quelque chose que le Canada n'a pas fait. Nous avons réglé le problème de la honte du Canada en ce qui a trait à l'exclusion et au racisme, et nous l'avons fait selon nos propres conditions.
Parce que trois minutes, c'est peu de temps, je vais vous poser la question suivante: quelle est la limite pour ce qui est des coûts financiers? Tout ce que j'ai vu en ce qui concerne la politique gouvernementale finit toujours par être financé par le contribuable, ou on court après les investissements des provinces. Les membres des Premières Nations sont des citoyens de ce pays au même titre que les autres. Ils dépendent des hôpitaux et des écoles. Ils dépendent des autoroutes et des magasins comme tout le monde.
À un moment où les Canadiens sont confrontés à la pire inabordabilité de mon existence, du moins, ce n'est pas le moment de parler de ce genre de politique qui est grande et générale. Si vous voulez vraiment soutenir les populations autochtones, faites‑le par l'entremise des mécanismes existants qui ont déjà prouvé leur grande efficacité. Ne faites pas ce qu'ils ont fait en Colombie-Britannique. N'utilisez pas les Premières Nations comme bouclier pour le programme de quelqu'un d'autre. C'est tout simplement honteux.
Merci aux témoins.
J'ajouterais simplement que les témoins sont invités à faire parvenir au Comité d'autres observations par écrit.
Monsieur Ross, j'ai remarqué que vous avez parlé des dispositions existantes dans la Constitution, entre autres, pour veiller à ce que les Premières Nations soient consultées et, au final, habilitées, ce qui représente une grande partie du projet de loi. Cela semble être une partie de la conversation sous-jacente entourant ce projet de loi.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer pourquoi c'est si important dans notre pays? En quoi le fait d'utiliser des Premières Nations comme bouclier, pour reprendre vos termes, est‑il problématique pour l'autonomisation de nos Premières Nations de part et d'autre du Canada?
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Je vais vous donner un exemple direct.
Il y a un grand débat sur les forêts anciennes en Colombie-Britannique à l'heure actuelle. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a repris une partie du volume qui était coupé, mais parallèlement, il a transféré une grande partie de ce volume pour l'exploitation des forêts anciennes aux Premières Nations. C'est un bouclier.
Ce qui se passe aussi souvent, c'est ce qui s'est produit en Colombie-Britannique avec ma bande, où des ONG et des tierces parties sont arrivées en prétendant aider les Premières Nations à défendre leurs intérêts. Dès qu'on mettait fin à une sorte de projet de développement économique, cette ONG quittait la ville. Certaines de ces ONG investissent des millions de dollars et ont des centaines d'employés. Elles ne sont pas associées à la pauvreté. C'est ce que nous avons vécu.
En fait, l'idée derrière le GNL était de mettre à la porte toutes ces ONG et ces tierces parties et de penser uniquement à la région et aux Premières Nations. Si vous voulez un exemple de ce que cela signifie pour une communauté des Premières Nations et pour la région, venez visiter Kitimat. Venez visiter le projet de 40 milliards de dollars de LNG Canada. Pensez au conseil qui est indépendant, aux mères célibataires qui sont indépendantes et aux personnes qui sortent de prison qui sont indépendantes.
Devinez quoi. Nous n'avons pas de ligne d'aide pour le suicide. Dans mon village, nous avions l'habitude d'être ivres, mais les fêtes de maison sont hors de question maintenant. Cela n'existe pas. Ce n'est pas à cause d'une directive du conseil ou d'un programme gouvernemental. C'est le simple fait d'inclure les Premières Nations dans l'économie. Cela a complètement changé notre bande. De nombreuses Premières Nations dans notre région ont fait la même chose.
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Merci de ces observations.
Maintenant, en ce qui concerne le GNL et Kitimat plus particulièrement, j'entends beaucoup de gens, surtout de la part de militants, dire que les Premières Nations n'adhèrent pas à ce projet. Ce que vous dites aujourd'hui est très différent de cela.
Je veux vous donner l'occasion d'expliquer à quel point il est essentiel que les Premières Nations ne soient pas traitées simplement comme des parties prenantes, mais comme des actionnaires de la prospérité actuelle et future du Canada. Je sais que vous avez souligné ce point, mais n'hésitez pas... si vous avez d'autres exemples en Colombie-Britannique, ou s'il y a d'autres exemples au Canada.
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En 2004, c'est ma bande qui a commencé à explorer les exportations de GNL dans le monde, et il a fallu sept ans pour que le gouvernement provincial soit d'accord avec nous. Nous avons imposé les exportations de GNL à la Colombie-Britannique et au Canada. Nous avons forcé le gouvernement canadien à comprendre cela, en imposant à l'industrie d'exportation du GNL des droits sur les marchandises qui entrent au Canada. C'est nous qui sommes allés voir le gouvernement et lui avons dit que nous devions signer l'accord pour le secteur forestier.
C'est nous qui imposons cela maintenant. Je parle des processus pour les évaluations environnementales et d'un processus bilatéral qui pourrait exister dans le cadre du processus d'évaluation environnementale ou parallèlement à ce processus.
Vous abordez les droits et le titre comme le dicte la jurisprudence, qui a été décidée plus particulièrement dans l'affaire judiciaire Haida de 2004, à laquelle ma bande a participé. Cela explique pleinement non seulement l'obligation de la Couronne de traiter les droits et le titre, y compris un volet économique, que beaucoup de gens oublient, mais cela inclut aussi l'obligation des Premières Nations de répondre. Une tierce partie a un rôle à jouer, en particulier le promoteur.
C'est ce qui a apporté le succès à mon peuple. C'est pourquoi, dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique, vous n'entendez plus beaucoup de Premières Nations se plaindre de la Loi sur les Indiens. Vous ne les entendez pas se plaindre de la pauvreté. Je pense que c'est le modèle que le Canada devrait examiner, car ce sont les Premières Nations qui dirigent le secteur de l'énergie en Colombie-Britannique. C'est nous qui dirigeons le secteur forestier. Nous stimulons l'exploitation minière autant que nous le pouvons. Le problème, c'est la politique et le discours au Canada. On refuse d'écouter l'histoire.
Il faut le souligner, car il n'y a pas d'argent du gouvernement ni de politique gouvernementale.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins. Je suis ravi de revoir M. Ross cette semaine. Je veux aussi accueillir Mme Zann.
Je veux vous féliciter pour le travail que vous avez accompli sur ce projet de loi lors de la dernière législature. Je suis vraiment enthousiaste de pouvoir en discuter à nouveau aujourd'hui.
J'aimerais poser ma première question à Mme Zann.
De nombreux exemples de racisme environnemental au Canada s'expliquent par le chevauchement des champs de compétence du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités. Croyez-vous que la stratégie qui découlera de ce projet de loi permettra de remédier au problème? Sinon, quelles autres actions doivent être mises en œuvre pour garantir que le racisme environnemental sera pris en considération dans l'aménagement urbain qui, comme vous le savez, ne relève pas du gouvernement fédéral?
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Merci beaucoup de la question. Je suis moi aussi ravie de vous voir.
Tout d'abord, dans le cadre de cette stratégie, il faudra recueillir des renseignements et des statistiques de partout au pays. Malheureusement, à cause du racisme, ce type de données statistiques n'est pas accessible pour que les gouvernements puissent les examiner. Une des raisons m'ayant incitée à déposer ce projet de loi était de nous permettre de recueillir ces données afin de déterminer où se situe le problème et comment le résoudre.
Dans le cadre de la stratégie, on examinera notamment le lien entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental. Nous savons effectivement que de nombreuses communautés noires et de Premières Nations sont dans des situations dangereuses parce qu'elles se trouvent à proximité de décharges toxiques ou de sociétés polluantes rejetant des déchets toxiques, ce qui mine leur santé de façon disproportionnelle. Nous devons collaborer avec le gouvernement fédéral, les provinces ainsi qu'avec les communautés et les municipalités. Voilà l'objectif du projet de loi.
Advenant l'adoption de ce projet de loi, un plan d'action sera bien entendu élaboré, ce qui s'ajoutera à la collecte de ce type de données non regroupées.
Je suis curieux de savoir quelle étape suivra ce plan d'action, selon vous, et quels programmes potentiels pourraient être inclus. Avant d'aborder ce sujet, j'aimerais revenir sur ce que notre collègue, Mme May, a abordé tout à l'heure: le financement des capacités pour participer à des projets comme des évaluations environnementales. Parfois, les communautés n'ont pas accès aux mêmes types d'opinions d'experts. J'aimerais que vous expliquiez l'avenir que vous entrevoyez pour ce plan d'action.
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Merci beaucoup, monsieur Weiler.
Après avoir entendu les témoignages de nos collègues de la Colombie-Britannique et de Premières Nations, j'ai du mal à m'imaginer un scénario plausible. Je crois que personne en Colombie-Britannique, peu importe sa communauté autochtone, ne pourrait représenter les opinions de tous les peuples autochtones de la province; je crois que vous en conviendrez. Or, j'ai du mal à m'imaginer un scénario plausible dans lequel ce projet de loi influencerait de quelque façon que ce soit des décisions liées à la mise en valeur de ressources naturelles, alors...
Je vous demande pardon, monsieur le président?
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Je remercie nos témoins d'être là.
Je vais répéter des choses que j'ai dites tantôt.
Nous pensons que, si nous voulons avoir une loi efficace sur la justice environnementale, il faut tenir compte de tous les facteurs de vulnérabilité. Nous voudrions renforcer le projet de loi au moyen d'amendements pour lui donner du mordant, afin que la loi protège tout le monde et assure l'égalité de toutes et de tous en matière de santé et d'environnement.
Madame Zann, je vais vous poser des questions, parce que vous connaissez très bien le projet de loi. Vous aviez déposé le projet de loi au cours d'une précédente législature, et vous avez travaillé dans le même sens chez vous, dans votre communauté. Je vais vous donner quelques exemples de la situation au Québec.
Je commence par celui de la Fonderie Horne, à Rouyn‑Noranda. Autour de la fonderie, on trouve principalement des personnes non immigrantes. J'ai vérifié les données sociodémographiques: les deux tiers de ces personnes, et probablement même davantage, sont non immigrantes. Par contre, depuis 1979, ces gens respirent de l'arsenic et du cadmium. Le risque de cancer est donc beaucoup plus élevé.
Je vous parle maintenant des poussières rouges sur Limoilou. Dans le cas présent, c'est le port de Québec qui pollue allégrement le quartier de Limoilou. Encore là, selon les données sociodémographiques, le quartier est aux deux tiers habité par des personnes non immigrantes.
Je peux vous parler de la qualité de l'air, dans l'Est de Montréal. Encore là, ce sont principalement des personnes non immigrantes. Je peux vous parler de l'usine de Charl‑Pol, à La Baie, où la toxicité de l'air empoisonne les employés.
Au regard de ces histoires que je vous raconte, croyez-vous que votre projet de loi pourrait aider à améliorer la situation des gens qui vivent à Rouyn‑Noranda ou à La Baie, ou même celle des gens qui vivent dans le quartier Limoilou, à Québec, ou dans celui d'Hochelaga‑Maisonneuve, à Montréal?
Ce sont quelques exemples de ce qui se passe au Québec.
:
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Je suis moi aussi ravie de vous voir.
Je dois dire que la liste de ces différentes situations me fend le cœur. Elles nous démontrent que de trop nombreuses communautés partout au pays se font traiter comme des citoyens de deuxième ordre depuis longtemps. Certaines des communautés que vous énumérez ont peut-être un statut économique plus faible et n'étaient donc pas considérées comme étant aussi importantes que les tranches de la population mieux nantie. Ce phénomène a cours partout dans le monde, et pas seulement au Canada.
Ce projet de loi n'a pas comme objectif d'exclure ces groupes. À vrai dire, je crois qu'ils devraient à tout prix être inclus dans les mesures de protection contre les différentes formes de pollution. Si vous jetez un coup d'œil à une carte de n'importe quelle région, je crois que vous verrez que la majorité des communautés victimes de profilage sont racisées. Effectivement, elles se font malheureusement traiter comme les bas-fonds de la société, et elles doivent s'attirer exactement le même respect que les Canadiens blancs.
Malheureusement, le racisme existe réellement, comme le démontrent d'innombrables exemples.
J'aimerais savoir à quel endroit dans le projet de loi on indique que personne ne sera exclu.
J'ai regardé des cartes de Santé Canada, qui indiquent que c'est dans tout le sud du pays qu'il y a beaucoup de problèmes de santé. Or c'est dans le sud du pays qu'on retrouve beaucoup d'entreprises. Pour ces entreprises, la question ne porte pas sur le racisme, mais sur l'endroit où on peut faire du profit.
Nous allons proposer des amendements qui visent à inclure tout le monde. Vous nous dites que c'est déjà le cas. Pouvez-vous m'expliquer où, dans le projet de loi, on inclut tout le monde?
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Oui, j'allais justement le mentionner.
Bienvenue, madame Gabriel.
Mme Gabriel a réussi à se connecter à la réunion. Elle est militante pour les droits Onkwehón:we. J'espère que ma prononciation était acceptable.
Dès que Mme Collins aura fini de poser ses questions, nous allons vous donner la parole pendant environ trois minutes, madame Gabriel. Puis, vous participerez à la deuxième série de questions.
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[
Le témoin s’exprime en mohawk et fournit le texte suivant:]
Wa’tkwanoweron Katsi’tsakwas ne iontiáts tánon Wakeniáhton, Kanehsatà:ke akenàkere.
[Le témoin fournit un texte en anglais dont voici la traduction:]
Je vous salue chaleureusement. Je m'appelle Katsi’tsakwas. Je fais partie du clan de la tortue et je viens de Kanesatake.
[Traduction]
Je vous remercie de l'invitation à témoigner au sujet du racisme environnemental. Il importe de souligner que le problème du racisme environnemental est ancré dans le passé et lié au racisme systémique, à la Loi sur les Indiens et aux actes génocidaires dans les pensionnats autochtones.
Je me dois d'aborder le passé — le passé de ma communauté de Kanesatake — qui a été façonné par les actes génocidaires racistes des pouvoirs coloniaux commis pendant un siècle par tous les acteurs de la Couronne, soit les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Il m'incombe aussi de parler de l'invention coloniale qui est devenue le système de conseils de bandes autochtones.
Toutes ces situations ainsi que l'apathie des intervenants ont mené au sort actuel de Kanesatake. L'entreprise Recyclage G&R, dans la réserve de Kanesatake, comprend l'équivalent de 160 piscines olympiques pleines de déchets toxiques sur le territoire de la petite communauté de Kanesatake. À cela s'ajoutent de multiples décharges adjacentes qui s'étalent et qui entraînent des conséquences sur la santé et le bien-être de la communauté.
Le mémoire que j'ai remis au Comité documente entièrement les répercussions détaillées de ce site. Un réseau de plus de 100 organisations alliées, y compris certains des plus grands syndicats et des plus grandes sociétés civiles du pays, a déjà exprimé son inquiétude à ce sujet. Le dépotoir ne représente qu'un simple système, et nous devons remonter à la source du problème.
Il est éloquent en soi que les communautés autochtones soient devenues des endroits pratiques où décharger des matériaux de construction toxiques, des eaux d'égout brutes et d'autres déchets qui ne seraient pas acceptés dans des communautés blanches. La normalisation de cette réalité constitue un symptôme pur du problème de racisme environnemental. Afin de trouver des solutions, nous devons nous attaquer aux causes profondes, et nous devons les étudier en profondeur. Parmi ces causes, nommons le génocide colonial.
Le racisme environnemental constitue un problème pernicieux. Ces problèmes ont pris des proportions gargantuesques et sont emmêlés dans la mentalité bureaucrate de tous les paliers de gouvernements. Les membres de communautés vulnérables ploient sous le fardeau d'agir, de cesser la poursuite des activités néfastes et de protéger l'environnement. Ces communautés sont ignorées et doivent donc vivre avec les conséquences de la corruption mêlée à l'apathie et aggravée par la peur et la coercition.
Le gouvernement fédéral, qui est au courant du problème dans notre communauté depuis au moins 2019, n'a pas encore trouvé de moyens pour le résoudre. Le gouvernement provincial du Québec ne nous aide pas non plus et refuse de reconnaître toute forme de racisme systémique, de nature environnementale ou autre. Ce problème est complexe parce que, à l'instar d'autres problèmes sévissant dans ma communauté, il est ancré dans des torts passés qui exigent des réparations systémiques et continues. La situation exige réparation et restitution parce que les gouvernements n'ont pas su agir et faire ce qui s'impose.
Le nettoyage d'un site ne suffira pas à régler le problème des décharges toxiques dans ma communauté. Ce sont les interactions entre le passé et le présent ainsi que toutes les dysfonctions en découlant qui doivent être résolues. Sans ces solutions, je puis vous assurer que, pour chaque dépotoir toxique qui sera frappé d'une ordonnance de fermeture et d'assainissement, de nombreux autres verront le jour dans ma communauté.
Si je puis rapidement citer la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, j'aimerais lire l'article 4c): « À ne pas permettre aux autorités publiques ni aux institutions publiques, nationales ou locales, d'inciter à la discrimination raciale ou de l'encourager. »
Le projet de loi doit... et son approche à l'égard du racisme environnemental doit être de remédier à la nature systémique de ces enjeux et d'en examiner les causes profondes.
[Le témoin s’exprime en mohawk.]
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins et je souhaite aussi la bienvenue au témoin qui vient de se joindre à nous.
Je vais formuler des observations pour la gouverne de M. Ross.
Monsieur Ross, je suis ravi de vous rencontrer. Félicitations pour toutes les avancées économiques que vous avez apportées à votre communauté. Aussi, les bienfaits sociaux et politiques que vous avez illustrés représentent un avantage sur lequel nous continuons de travailler ici. Je vous suis grandement reconnaissant de toutes vos contributions.
Le problème entourant ce projet de loi — auquel vous avez fait allusion, à mon grand bonheur — réside dans la paperasse qui sera nécessaire et, si on peut le décrire ainsi, le processus qui retardera la réalisation d'initiatives. Je sais qu'un grand nombre de personnes ici présentes sont des citadins qui ne comprennent pas très bien l'économie rurale. Vous représentez admirablement cette économie rurale.
Croyez-vous que ce projet de loi facilitera vos avancées, ou pouvez-vous déjà prédire qu'il vous ralentira?
:
Il ralentira les avancées.
Il est truffé de généralités. Certains des articles, surtout le paragraphe 3(1) sur une stratégie nationale où on s'attend à ce que le Canada prenne « des mesures qui visent à faire progresser la justice environnementale et à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer » incitera grandement les tierces parties et les ONG à intenter des poursuites judiciaires. Voilà à quoi le projet de loi se résume. Les tribunaux, les avocats, les experts-conseils et les ONG s'enrichiront grandement, mais les Premières Nations touchées resteront dans la pauvreté.
Nous nous sommes défaits de cette réalité dans le territoire de la Nation Haisla, ce qui a grandement contribué à notre succès. En fait, par rapport à d'autres éléments que vous abordez sur le passé et le présent, je vous ai déjà dit que la discussion fait état d'idées redondantes. Grâce aux revendications particulières, nous avons déjà remédié à certains des enjeux que vous soulevez. C'était un programme fédéral, tout comme les tribunaux.
Monsieur Ross, j'ai seulement un peu de temps.
Dans la partie précédente — vous n'étiez pas présent à ce moment‑là —, une dame, Mme Jane McArthur, la directrice du Programme sur les substances toxiques de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, a parlé d'une définition de « racisme environnemental ». Nous avions quelques réserves quant à l'idée même d'une définition du racisme environnemental. Le racisme est mauvais, la justice est bonne.
Comme je l'ai mentionné avec l'autre groupe, la question qu'elle a soulevée est une définition proposée par un groupe appelé le projet ENRICH. Avez-vous vu cette définition?
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Je vous remercie de votre présence, madame Gabriel.
Je dois vous dire que, quand j'ai entendu parler de la situation à Kanesatake, j'ai été absolument scandalisée. C'est une honte qu'à notre époque, les pouvoirs publics ne puissent pas faire appliquer nos lois pour protéger la santé des citoyens et l'environnement, malheureusement, parce qu'il y aurait de la criminalité dans l'air.
Je ne sais pas si vous connaissez le nom de l'entreprise qui possède le dépotoir, mais c'est G&R Recyclage. L'entreprise appartient aux frères Robert et Gary Gabriel, qui sont à la fois des Autochtones et des non-immigrants. Le dépotoir appartient aussi à Stephen Borbely et à Roberto Scoppa, en tant qu'investisseurs. Ce sont des criminels qui ont été reconnus coupables en 2005 de séquestration et de participation à une émeute, après l'incendie de la maison du grand chef James Gabriel. Gary Gabriel a été arrêté en 2009. Il possédait un camion de type militaire, des armes et des chargeurs d'AK‑47. Le 1er juillet 2021, il était en compagnie du chef de gang Arsène Mompoint lorsque ce dernier a été assassiné dans un dispensaire de cannabis à Kanesatake.
Si je vous dis tout cela, c'est parce que je me concentre sur ce problème de dépotoir illégal et je veux que le Comité comprenne à qui on a affaire, lorsqu'on parle de cette entreprise.
Ce qui est fâchant dans tout cela, c'est que les pouvoirs publics ne puissent pas aller faire appliquer la loi, parce qu'actuellement les Blancs et les Autochtones ont peur. Ils sont ensemble et ils ont peur.
Qu'est-ce que cela vous dit, quand les fonctionnaires ne peuvent pas faire leur travail pour protéger la santé des citoyens et l'environnement parce qu'ils sont victimes de menaces et de violence?
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Je ne peux parler que de ma communauté. Je sais qu'il y a des eaux usées non traitées. Il y a de vieux réfrigérateurs et de vieux climatiseurs dont les composantes sont maintenant considérées comme toxiques. Ce sont des déchets qui viennent de la ville de Montréal et des banlieues environnantes.
Ces gens, si vous connaissez le wampum à deux rangs, ont abandonné les lois autochtones. Ils se sont assimilés et sont devenus des colonisés qui ne se soucient guère de l'environnement, de leur langue ou de leurs coutumes. La seule chose qui leur importe, c'est l'argent. Ils ne devraient pas être considérés comme des Autochtones. Plus précisément, ils font du tort à la communauté et gouvernent par la peur. Voilà comment, la plupart du temps, on se retrouve avec des dépotoirs de déchets toxiques. Sous Serge Simon, le conseil de bande n'a mené aucune consultation et n'a pas tenu la population au courant de ses négociations avec le gouvernement fédéral.
Nous sommes impuissants à faire quoi que ce soit. C'est donc à nous qu'il incombe d'agir. C'est vraiment frustrant, parce que j'ai défendu le territoire en 1990. Tout cela pour quoi? Un système d'anarchie sciemment toléré par le gouvernement fédéral. Le gouvernement le sait. J'ai dit à que notre communauté est en train d'imploser. Je le lui ai dit deux fois, notamment en avril, à l’Instance permanente à New York. Il a répondu qu'ils sont au courant, qu'ils ne peuvent rien faire, qu'ils ne peuvent pas dire au Québec quoi faire ni dire à la municipalité d'Oka ce qu'elle doit faire. Toutefois, leur silence est éloquent et nous indique certainement ce que nous devons faire. Ce n'est pas acceptable.
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Selon la Grande loi de la Paix,
Gayanashagowa, les femmes détiennent le titre de propriété de la terre. Nous sommes les protectrices de la terre, et les hommes doivent protéger les femmes qui protègent la terre. Cela n'existe plus de nos jours. Les femmes sont à l'avant-plan, avec quelques hommes, pour essayer de protéger la terre.
Cela dit, les gens ont peur ou se laissent acheter. Je ne sais pas à qui m'adresser. Je ne sais pas vers qui me tourner. Personne ne peut nous aider. Vous m'avez invitée à ce comité, et j'ai moins de trois minutes pour m'exprimer. Vous voulez en apprendre plus sur le racisme environnemental, mais il n'y a pas de sécurité culturelle dans ma présentation.
Je ne pense pas que votre comité comprend vraiment le stress et la coercition que subissent les Autochtones venant de gens de leur propre peuple. Nous sommes encerclés, non seulement par notre propre peuple, mais aussi par les racistes d'Oka, les racistes de Montréal, du Québec et du Canada, et c'est à nous qu'il incombe de vous donner des solutions pour vous dire quoi faire. Nous vous disons que nous sommes dans une situation extrême, sans aucune sécurité. Nous ne pouvons pas appeler la police. Nous ne pouvons appeler personne, car personne ne veut venir nous aider.
Vous pouvez m'interrompre, monsieur, si vous voulez, mais...
Nous avons si longtemps essayé d'obtenir l'aide du gouvernement. Il donne une mauvaise image des Mohawks. Appeler cette entreprise G&R Recyclage est une blague, car ce n'est pas du recyclage. Il y a des déchets toxiques. Nous avons essayé d'aider les jeunes agriculteurs qui vivent à proximité, mais ils ont peur, eux aussi.
Il faut beaucoup de courage pour se lever et dire publiquement, devant vous tous, que ce qu'on voit est du racisme environnemental. C'est de la colonisation à son meilleur. On veut nous faire croire que nos modes de vie traditionnels ne sont pas pertinents et sont dépassés, alors que ce sont précisément ces modes de vie traditionnels qui guident les jeunes, qui visent à protéger l'environnement et à transmettre un héritage aux générations futures.
Ce dépotoir que nous voyons dans ma communauté... Il faudra au moins 10 000 ans pour nettoyer ce désastre afin que les générations futures puissent utiliser ces terres. C'est totalement inacceptable. Nous avons interpellé le gouvernement. Nous avons interpellé toutes les personnes auxquelles nous pouvions penser, et personne n'a dit... Le conseil de bande a dit que c'était correct. Le conseil de bande est une création du gouvernement fédéral. Il ne consulte jamais les communautés. Nous sommes pris avec leurs décisions et les déchets qu'ils laissent derrière eux.
En vertu de la Loi sur les Indiens, nous sommes tenus de chercher diverses occasions de développement économique. Nous sommes pris avec ce que certains considèrent comme du « développement économique ». La seule chose qui bloque les eaux d'infiltrations, c'est le sol argileux. Aucune mesure de précaution habituelle dans les installations d'élimination des déchets n'a été mise en place. Ces gens ont reçu de nombreuses amendes et ils s'en moquaient éperdument: pour eux, c'était une goutte d'eau dans l'océan.
Les acteurs invisibles derrière les Mohawks ne sont pas des Autochtones. Voilà de qui nous avons tous peur. J'ignore ce qui va se passer après ma présentation devant vous aujourd'hui, mais je sais que si je me tais, l'anarchie qui règne à Kanesatake et dans d'autres collectivités autochtones perdurera. Si nous en sommes rendus là aujourd’hui, c'est à cause de l'excuse qu'on entend souvent, selon laquelle nous sommes si divisés. Nous voyons des criminels arriver dans notre communauté, exploiter les lacunes de la Loi sur les Indiens et bafouer les droits de la personne en disant qu'ils nous achèteront ceci et cela si on leur permet de déverser leurs déchets dans notre communauté.
Je ne sais plus à qui m'adresser. Vous pouvez peut-être aider — cette loi aidera peut-être —, mais il faut aller encore plus loin, parce que demain matin, lorsque je me réveillerai, je serai toujours dans la même communauté. J'aurai toujours devant moi la même merde laissée ici par la ville de Montréal... toutes ces eaux usées. Ce sont des terres agricoles de premier choix qui ne pourront plus être utilisées pendant de nombreuses générations.
Je vous remercie de m'écouter. Je vous suis très reconnaissante que vous me donniez l'occasion de prendre la parole, parce que je ne veux pas que cela tourne à la violence. Voilà pourquoi nous avons permis que cela dure si longtemps. Les gens ne veulent pas la violence, mais que sommes-nous censés faire lorsque nous nous levons le matin et qu'ils entrent dans nos maisons pour menacer nos vies? Ils nous menacent. Que sommes-nous censés faire? Sommes-nous censés rester là bien sagement et les laisser encore une fois imposer leur volonté dans notre communauté?
Les pins de la pinède que nous avons défendue sont en voie d'être abattus pour construire des cabanes à cannabis. Nous sommes le terrain de jeu de la population, des jeunes de Montréal et des environs. Ce n'est pas une communauté sûre. Ce n'est pas la communauté à laquelle j'aspire. Ce n'est pas représentatif des valeurs mohawks et autochtones qui sont axées sur la protection de l'environnement.
Merci beaucoup.
:
La première chose qui m'est venue à l'esprit n'est pas bien, alors je ne la dirai pas.
Ce que vous pourriez faire pour m'aider serait, peut-être, de créer une commission pour enquêter sur la corruption à Kanesatake par les gouvernements fédéral et provincial, la police et le Conseil mohawk de Kanesatake, passé et actuel. Aidez-nous à nous débarrasser du dépotoir, mais aussi à assurer notre sécurité, car nous ne savons plus à qui nous adresser. Si ce comité a des suggestions... Il faut plus qu'une discussion de quelques minutes, comme vous me le demandez. La situation exige plutôt une longue discussion et des solutions. Voilà ce que notre communauté s'efforcera de faire.
Je vous remercie de votre temps et de votre aide.
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Les acteurs dont nous parlons aujourd'hui sont les mêmes qui traitent la communauté de façon cavalière depuis maintenant 32 ans, avec impunité. Ce sont les intouchables. Ce n'est pas parce que nous n'avons rien essayé. Le gouvernement a rendu le peuple de la maison longue, les Haudenosaunis, illégitimes. Ils ont fait valoir que le Conseil des Mohawks était la seule autorité légale, mais vous avez passé un projet de loi en juin dernier pour la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les gouvernements traditionnels qui étaient en place avant l'arrivée des Européens existent toujours. Nous avons survécu, mais nous ne sommes pas reconnus. Nous sommes ignorés. Nous sommes réduits au silence. Si vous pouviez nous aider en ce sens, ce serait un pas dans la bonne direction.
Nous sommes toujours sous la coupe du conseil de bande. À mon avis, c'est une partie du problème. Les acteurs dont nous parlons aujourd'hui sont les mêmes qui ont instauré la peur et la panique dans notre communauté il y a 32 ans et qui ont brandi des drapeaux de guerriers, alors qu'ils n'en sont pas vraiment. C'est ce qu'il faut retenir: les gens qui brandissent ces drapeaux ne sont pas de vrais guerriers. Ce sont des hommes d'affaires. Ils veulent protéger leurs intérêts commerciaux.
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J'aimerais céder mon temps de parole à Mme May.
J'aimerais toutefois dire une chose avant cela.
Madame Ellen Gabriel, je vous remercie pour votre présence et aussi pour votre courage. Merci de vous tenir debout.
Je tiens aussi à remercier Lenore Zann et , qui voulait être ici aujourd'hui. Elle a travaillé à ce projet de loi avec Mme May, mais ne pouvait être avec nous.
Je cède maintenant la parole à Mme May.
Je tiens moi aussi à remercier , qui a appuyé ce projet de loi avec Lenore Zann.
J'aimerais revenir à la façon dont le projet de loi pourrait aider la communauté de Kanesatake et d'autres, mais je dois tout d'abord vous dire, Ellen Gabriel, que vous êtes la personne la plus brave que je connaisse. Vos principes, vos valeurs et votre intégrité sont remarquables.
Toutefois, cette question de compétence est probablement la plus complexe et la plus dangereuse que j'aie étudiée alors que je travaille depuis plusieurs décennies sur les dossiers de contamination toxique et des communautés en voie de disparition, et il est très difficile de savoir d'où l'aide viendra. Je suis très heureuse que le Comité vous ait donné l'occasion de parler directement aux députés qui, sans égard à leur affiliation, ont à coeur de vous aider.
J'aimerais revenir au projet de loi et dire que son objectif est de donner aux communautés à risque les protections et le soutien dont elles ont besoin, pour lutter contre le racisme environnemental et faire avancer la justice. Si la mesure législative donnait lieu à une loi et que nous avions un programme de justice environnementale, qu'est‑ce qui serait, selon vous...? Vous avez parlé d'une commission sur Kanesatake, mais comment pourrions-nous utiliser les programmes de justice environnementale pour protéger votre communauté et la nettoyer?
Vous avez fait valoir que sans un changement systémique, lorsqu'on nettoiera un site de déchets, un autre sera créé. Pour les membres du Comité qui ne le savent pas, il y a un certain nombre d'années, le ministère des Pêches et des Océans avait ordonné le nettoyage du site, mais cette ordonnance n'a pas été exécutée.
Comment pouvons-nous assurer un avenir plus propre et plus sécuritaire pour votre communauté?
:
J'aimerais avoir une boule de cristal pour vous donner une bonne réponse, mais je crois qu'il faut d'abord se rappeler que les droits de la personne sont interreliés et interdépendants. Il faut associer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones aux perspectives des droits de la personne pour permettre aux communautés autochtones de donner leur consentement libre, préalable et éclairé, non seulement par l'entremise de leur conseil de bande, mais aussi par l'entremise des gouvernements traditionnels qui comprennent nos lois et protocoles coutumiers et la façon de protéger l'environnement. Je crois que c'est essentiel si l'on veut que ce projet de loi nous permette de protéger la qualité de vie de nos communautés.
Il faut une enquête pour comprendre pourquoi cet élément a été grandement négligé par le gouvernement. Pensons à la septième génération qui viendra après nous. Quelle sera l'incidence du projet de loi sur cette génération? J'aimerais avoir plus de réponses à vous donner.
Je ne suis pas à la maison et je n'ai pas toutes mes notes. J'ai eu des problèmes de connectivité.
Je crois qu'il faut faire le lien entre les droits environnementaux et les droits de la personne: ils sont unis et nos droits spirituels s'y rattachent également. Nos remèdes et notre santé y sont aussi liés. Il n'est pas seulement question de mettre en oeuvre des politiques. Il faut des consultations sincères sur la façon dont les collectivités autochtones veulent que le projet de loi sur la lutte contre le racisme environnemental leur profite, plutôt que de leur imposer une loi, parce que nous savons que la loi n'a pas été là pour nous. Le système judiciaire nous a laissé tomber.
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Merci beaucoup, madame Gabriel, tous les témoins et les membres du Comité pour vos excellentes questions et réponses.
Nous en sommes à la fin de la réunion. Vendredi, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi.
La discussion a été très intéressante. Je remercie tous ceux qui y ont participé.
Sur ce, je demanderais une motion d'ajournement.
Une députée: J'en fais la proposition.
Le président: La séance est levée.