Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour, mesdames et messieurs les témoins et les membres du Comité.
Soyez les bienvenus à la 29e réunion du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes. La séance d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride.
Vous pouvez vous exprimer dans l'une ou l'autre des langues officielles. Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. Pour lever la main, vous pouvez utiliser l'icône jaune en forme de main.
On me dit que M. Létourneau, qui était censé faire partie du premier groupe de témoins, n'a malheureusement pas reçu à temps un casque d'écoute adéquat. Par conséquent, nous l'inviterons à comparaître lors de notre prochaine réunion, ce qui veut dire que nous aurons cinq témoins à cette réunion‑là.
[Français]
Le premier groupe comprend donc trois témoins, et chacun d'entre eux disposera de trois minutes pour faire sa présentation.
Nous allons commencer par Mme Madeleine McPherson, qui est professeure adjointe à l'Université de Victoria et qui comparaît à titre personnel.
Madame McPherson, vous avez la parole pour trois minutes.
Je m'appelle Madeleine McPherson et je suis modélisatrice de systèmes énergétiques à l'Université de Victoria, où je dirige une équipe de chercheurs qui crée des modèles visant la décarbonisation de nos systèmes énergétiques.
Ce que nous constatons, c'est que l'électrification des transports et des systèmes de chauffage se trouve au cœur même de la décarbonisation, mais cela fonctionnera uniquement si nos systèmes de source d'énergie sont d'abord décarbonisés. Les systèmes de quelques-unes des provinces le sont déjà — la Colombie‑Britannique, le Manitoba et le Québec sont largement alimentés par l'hydroélectricité —, mais dans les provinces qui dépendent des combustibles fossiles, il y aura d'énormes projets d'énergie éolienne et solaire en vue d'atteindre les cibles de réduction des émissions de carbone à un rythme jamais vu auparavant.
Nos activités de modélisation montrent que pour obtenir un système carboneutre d'ici 2035, nous aurons besoin de plus de 100 gigawatts d'énergie éolienne dans l'ensemble du Canada d'ici 2050. Seulement en Alberta, il y aura environ 40 gigawatts d'énergie éolienne d'ici 2035, et plus de 80 gigawatts d'ici 2050. Cela constituera la quasi-totalité des besoins en énergie de cette province. C'est une quantité incroyable d'infrastructures à bâtir en peu de temps.
C'est une occasion exceptionnelle, mais seulement si nous avons les programmes en place pour former les gens, si nous avons les chaînes d'approvisionnement pour obtenir l'équipement nécessaire, et si nous avons des politiques qui simplifient les processus. Toutefois, cela ne règle qu'une partie du problème, car lorsque le système sera construit, le fonctionnement d'un réseau fondé sur l'énergie renouvelable nécessitera de la souplesse afin d'atténuer la variabilité, c'est‑à‑dire ces moments dans l'année où le vent ne souffle pas ou le soleil ne brille pas.
Les batteries et les autres types de stockage auront certainement un rôle important à jouer, mais chacune de ces futures provinces de grands vents a comme voisine une province riche en hydroélectricité, ce qui est bien commode. Cette particularité, qui définit le tissu énergétique de notre pays, est une occasion que nous ne pouvons pas ignorer. Si les provinces avaient davantage de liens de transport, l'hydroélectricité d'une province pourrait contrebalancer l'énergie éolienne de la province voisine. Il ressort de nos travaux de modélisation que le raccordement interprovincial des lignes de transport va de soi.
Or, le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer à cet égard. D'abord, il y a la question du financement de cette infrastructure, soit directement, soit en atténuant les risques liés aux investissements du secteur privé. Surtout, la famille fédérale peut contribuer à faciliter les discussions entre les ministres et les premiers ministres des provinces. Ce que nous entendons souvent dans de nombreuses conversations, c'est qu'il faut que les taux demeurent abordables et équitables; c'est sans contredit très préoccupant.
Vous pouvez également entamer le processus de consultation avec les détenteurs de droits autochtones pour qu'il y ait un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, que les avantages reviennent aux communautés autochtones, et que cet effort massif constitue une force pour la décolonisation et un élément clé de la réconciliation.
Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle clair à jouer sur le plan du leadership et de l'orientation sur cette question. Ce qui est prometteur, c'est que si le gouvernement fédéral et les provinces travaillent ensemble dans ce but, nous pourrons atteindre la carboneutralité. Nous devons toutefois agir dès maintenant.
Merci, monsieur le président et honorables membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur les technologies propres au Canada.
L'Association canadienne des constructeurs de véhicules, l'ACCV, représente les plus importants constructeurs de véhicules légers et lourds du Canada. Elle compte parmi ses membres les compagnies Ford, General Motors et Stellantis, aussi appelée FCA Canada.
L'industrie automobile canadienne représente une activité économique de 13 milliards de dollars annuellement. Elle emploie directement 117 000 personnes et soutient environ 370 000 emplois dans les services après-vente et le réseau de concessionnaires. L'industrie est notre deuxième secteur d'exportation en importance; ses exportations ont atteint une valeur de 36 milliards de dollars l'an dernier.
L'industrie automobile est l'un des grands secteurs des technologies vertes au Canada. Les véhicules électriques et leur infrastructure connexe représentent maintenant 40 % des investissements en matière de transition énergétique au pays.
Ce sont les membres de l'ACCV qui sont à l'avant-garde de cette transition. Ces deux dernières années, nous avons eu d'excellentes nouvelles au Canada. Ford, General Motors et Stellantis ont annoncé des investissements de 13,5 milliards de dollars qui permettront de créer plus de 6 000 emplois directs et des dizaines de milliers d'autres dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement du secteur automobile. La majeure partie de ces investissements est destinée à l'assemblage des véhicules électriques et à la chaîne d'approvisionnement en batteries.
Nous recommandons au gouvernement de prendre les mesures suivantes pour tirer pleinement parti des technologies propres dans l'industrie automobile et pour faire en sorte que le Canada atteigne ses objectifs climatiques.
D'abord, la priorité est de ne pas se laisser distancer par les États‑Unis et de continuer de s'aligner sur eux. L'Inflation Reduction Act est sans contredit l'élément nouveau le plus important pour le secteur canadien de l'automobile depuis l'adoption de l'ACEUM. Les États‑Unis s'engagent à investir plus de 370 milliards de dollars pour lutter contre les changements climatiques, notamment par de nouveaux investissements massifs dans la construction, la vente et l'infrastructure connexe des véhicules électriques. Le gouvernement fédéral devrait se hâter de cerner les écarts de compétitivité dans notre secteur de la construction automobile et de prendre des mesures afin d'éviter que ces écarts soient accentués par cette loi. Une attention particulière devrait être accordée à la fabrication de batteries, car les États‑Unis ont maintenant un avantage important sur ce plan.
Ensuite, nous devons accroître l'adoption des véhicules électriques au Canada. Il nous faut un plan exhaustif afin d'aider plus de Canadiens à passer aux véhicules électriques et d'atteindre nos objectifs climatiques.
Selon la récente évaluation par la RBC des investissements requis pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050, les dépenses liées aux véhicules électriques devront passer de 4 milliards de dollars à environ 22 milliards de dollars par année.
Il faudrait prioriser, bien sûr, la création d'un réseau complet de bornes de recharge publiques, des investissements dans la production propre, abordable et fiable d'électricité et dans l'infrastructure de réseau, et les améliorations au programme d'incitatif à l'achat, ou programme iVZE, afin de rendre les véhicules électriques abordables pour tous les Canadiens.
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Je m'appelle Natalie Giglio et je représente Carbon Upcycling Technologies. Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée à venir prendre la parole au nom de mon entreprise aujourd'hui.
La technologie qu'utilise Carbon Upcycling est simple. Nous captons et utilisons le CO2 directement dans un système à une seule étape et à faible consommation énergétique qui n'emploie que deux principaux intrants. Le premier est un sous-produit industriel ou un minéral naturel qui est généralement envoyé dans des décharges. Le deuxième est le CO2 provenant directement d'une source ponctuelle d'émissions. Nous combinons les matières résiduelles et le CO2 dans notre système pour produire un substitut du ciment qui rend le béton plus résistant. Notre technologie permettra au Canada de construire des infrastructures de béton résistantes aux changements climatiques.
Carbon Upcycling est une entreprise canadienne située à Calgary, en Alberta. Nous exploitons une installation commerciale à Calgary. Plus tôt cette année, l'honorable Chrystia Freeland est venue voir les progrès que nous réalisons au pays dans le déploiement du captage, de l'utilisation et du stockage du carbone, ou CUSC. Au cours des huit dernières années, nous avons réussi à multiplier l'utilisation de notre technologie par 10 millions, en grande partie grâce à un financement gouvernemental de 12 millions de dollars, et nous commençons maintenant à réunir des investissements en capital.
Comme je l'ai dit, notre premier intrant est un sous-produit industriel ou un minéral naturel. Partout au Canada, il y a une abondance de ces matières qui sont tout simplement sous-utilisées. Carbon Upcycling transforme ces matières en précieux substituts du ciment, et nous pouvons ainsi continuer à utiliser le béton sans faire augmenter les émissions. Notre deuxième intrant est le CO2. Il y a au Canada 15 cimenteries en activité, et chacune d'entre elles émet du dioxyde de carbone. La technologie qu'utilise Carbon Upcycling capte et utilise directement le CO2 des cimenteries, avant même que ce CO2 puisse pénétrer dans l'atmosphère.
Notre technologie est maintenant en expansion au Canada. Nous travaillons avec certains des partenaires les plus influents dans ce projet. Nous avons établi un partenariat avec la Ville de Calgary pour mettre en place des trottoirs de béton à faibles émissions de carbone, et nous collaborons activement avec certaines des plus grandes entreprises de ciment et de béton du Canada.
Pour que nous puissions continuer à élargir l'application de cette technologie au pays, nous estimons qu'il y a trois domaines dans lesquels nous pouvons être mieux soutenus. Premièrement, le financement doit permettre à la technologie de se développer rapidement. Les entreprises et les projets doivent recevoir un financement dès maintenant, afin que nous puissions construire nos premières installations commerciales avant 2030. Deuxièmement, les obstacles réglementaires doivent être réduits ou supprimés en vue de favoriser l'innovation. Cela peut se faire en modifiant la formulation des règles d'approvisionnement fédérales. Troisièmement, il doit y avoir des incitatifs pour les projets de CUSC afin qu'ils soient rapidement déployés. Les crédits d'impôt à l'investissement pour le CUSC ont permis d'établir un cadre solide pour soutenir les entreprises comme la nôtre. Nous avons soumis des recommandations au sujet des crédits d'impôt à l'investissement de sorte qu'ils puissent mieux contribuer à un écosystème de CUSC plus holistique au Canada.
Sur ce, j'espère que vous continuerez d'appuyer et de suivre notre parcours, car nous sommes en bonne voie de devenir l'une des entreprises les plus efficaces de la décennie dans le domaine de l'utilisation du carbone. Si jamais vous venez à Calgary, je serai très heureux de vous faire visiter notre installation.
Monsieur Kingston, j'ai trouvé intéressant de vous entendre mentionner l'IRA, l'Inflation Reduction Act. Nous en avons entendu parler plusieurs fois au comité durant la présente étude. Selon vous, qu'est-ce que nous devons faire pour concurrencer l'IRA, en particulier dans le domaine des véhicules à zéro émission?
L'élément le plus important de l'IRA, en ce qui concerne la construction automobile — notamment la construction de véhicules à zéro émission —, c'est ce qu'on appelle le « crédit pour production manufacturière de pointe », que l'on trouve à l'article 45X de cette loi. Il s'agit d'un crédit remboursable de 35 $ par kilowatt-heure accordé aux entreprises qui fabriquent des éléments ou des modules de batterie aux États‑Unis.
C'est un facteur déterminant. C'est le plus important incitatif que nous ayons vu depuis fort longtemps, et le Canada doit maintenant rivaliser non seulement avec les municipalités et les gouvernements d'État, mais aussi avec le gouvernement fédéral. On estime que ce crédit d'impôt coûtera à lui seul 30 milliards de dollars américains. Si nous voulons attirer des investissements dans le domaine des batteries, nous devons égaler cela.
Non. Le budget de 2021 prévoyait un crédit d'impôt pour la fabrication de technologies à zéro émission, mais il est très limité. Les délais sont serrés, il n'est pas remboursable, et le calcul du revenu admissible est très précis, alors il n'est pas comparable. Il était prometteur et il a beaucoup attiré l'attention lorsqu'il a été annoncé, mais les définitions sont trop restreintes. Il est loin d'être comparable à ce qu'offrent les États‑Unis.
Si nous ne proposons pas une mesure équivalente à celle qu'offrent les États‑Unis, il est raisonnable de penser qu'il est très peu probable que des investissements importants soient faits dans le secteur des batteries au Canada à l'avenir.
Je voudrais parler brièvement du tableau de bord que votre organisation a créé concernant les écarts en matière d'incitatif et d'infrastructure de recharge, ainsi que du plan « La voie vers 2035 » pour les véhicules zéro émission.
Nous avons entendu un témoin, M. Rochette, au comité la semaine dernière. J'ai soulevé la question de l'écart dans les infrastructures de recharge. Dans le tableau de bord, on dit qu'à l'heure actuelle, l'écart est de 1 660 338 au Canada. Il ne se résorbe pas rapidement. M. Rochette a dit essentiellement que c'était fou. Que diriez-vous à ce sujet?
Les estimations diffèrent quant à ce qui est requis pour l'infrastructure de recharge publique. Notre évaluation est fondée sur ce que font les pays qui sont des chefs de file dans ce domaine et sur le ratio qu'ils utilisent. En général, le ratio qu'on utilise est le suivant: combien faut-il qu'il y ait de véhicules électriques sur les routes par borne de recharge publique?
La Californie, l'Allemagne et l'Union européenne utilisent un ratio de 10 pour 1. Au Canada, le plus récent rapport d'évaluation du gouvernement fédéral, produit par RNCan, indique qu'il doit y avoir 43 véhicules électriques sur les routes par borne publique. Je ne comprends pas pourquoi nous avons établi une cible si peu ambitieuse. C'est extrêmement préoccupant dans la mesure où nous voulons aider tous les Canadiens à faire la transition. On peut toujours se demander quel est le meilleur ratio, mais je sais que nous ne sommes pas sur la bonne voie. Parmi les 34 000 bornes de recharge pour lesquelles le gouvernement a versé du financement, seulement 2 500 sont fonctionnelles.
La propre étude du gouvernement reconnaît que nous devons atteindre plus de 700 000 d'ici 2050 pour soutenir une flotte de véhicules électriques. Je ne vois pas de plan pour passer de 2 500 à 700 000, et je dirais que 700 000, c'est bien trop peu.
Ce que vous dites, c'est que l'Europe utilise le ratio standard de 10 véhicules par borne de recharge, alors que le gouvernement du Canada dit que le bon nombre, c'est 43, soit plus de quatre fois plus.
C'est exact. En Europe, c'est une borne de recharge publique pour 10 véhicules électriques sur les routes. Au Canada, la récente étude indique qu'il faut 43 véhicules électriques par borne.
Je veux maintenant parler de la partie de votre tableau qui concerne l'écart dans les incitatifs. Nous savons qu'un mandat relatif aux véhicules zéro émission est à venir. En 2035, on ne pourra plus acheter de véhicule à moteur à combustion interne. Actuellement, environ 5 ou 6 % des nouveaux véhicules sont électriques. À votre avis, quel est le principal obstacle et quelle est la raison pour laquelle nous sommes encore très loin des 100 %?
Le principal obstacle, c'est l'abordabilité. Toutes les études, qu'elles proviennent de l'industrie ou du gouvernement, confirment qu'il s'agit du principal obstacle. Nous venons de consulter des données récentes de J.D. Power concernant le prix des transactions, et ces données indiquent un écart de 20 000 $ dans le segment le plus populaire, celui des VUS compacts, entre le véhicule électrique et le véhicule à moteur à combustion interne.
Au Canada, l'incitatif est de 5 000 $, et dans notre province la plus peuplée, l'Ontario, il n'existe aucun incitatif. Il est très peu probable qu'une famille de la classe moyenne accepte d'augmenter son budget de véhicule de 20 000 $ dans le contexte économique actuel. D'abord et avant tout, il faut mettre en place de meilleures mesures incitatives.
Les deux principaux obstacles qui reviennent le plus souvent sont, premièrement, l'abordabilité et les prix, et deuxièmement, l'infrastructure de recharge.
J'aimerais poser d'abord une question à Mme Giglio.
Votre entreprise fait preuve d'une grande innovation en utilisant les principes de l'économie circulaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et fournir de meilleurs produits. Voudriez-vous nous expliquer dans quelle mesure la tarification des émissions de gaz à effet de serre est essentielle pour que les technologies propres puissent soutenir la concurrence en fonction de règles du jeu claires?
Dans notre entreprise en particulier, nous cherchons à rendre notre technologie abordable sans qu'un prix sur les émissions de gaz à effet de serre soit nécessaire. Les crédits de carbone et les systèmes de tarification sont un avantage supplémentaire pour notre technologie, mais c'est une particularité de notre modèle opérationnel.
Pour le reste de notre industrie et pour le reste des technologies que nous devons commercialiser, c'est extrêmement important. C'est ce facteur même qui incitera nos partenaires — les grandes cimenteries, les gros émetteurs — à investir plus promptement dans les entreprises comme la nôtre, si ce prix les incite à investir et à se servir de l'infrastructure pour décarboniser leurs systèmes.
Monsieur Kingston, c'est maintenant à vous que je vais adresser mes questions.
De quelles façons le cadre réglementaire et politique actuel du Canada pourrait-il faciliter ou entraver la réalisation du plein potentiel de notre pays dans la chaîne d'approvisionnement de batteries?
La chose la plus importante pour l'économie canadienne et la chaîne d'approvisionnement du secteur automobile, c'est notre intégration avec les États‑Unis. C'est vraiment ce qui a rendu possibles bien des investissements qui ont été faits ici. Plus de 90 % des véhicules que nous construisons se retrouvent aux États‑Unis; il est donc essentiel de continuer à harmoniser notre réglementation avec celle des États‑Unis, tant du point de vue de la fabrication que de celui de la sécurité.
Ainsi, nous avons notamment harmonisé notre réglementation sur les émissions d'échappement avec celle de l'EPA. Cela a joué un rôle essentiel pour augmenter l'efficacité des véhicules et encourager ce marché intégré.
Je dirais que notre plus grande priorité devrait être d'avoir l'œil sur les États‑Unis et de maintenir une harmonisation.
Dans la même veine, quels changements apporteriez-vous aux politiques fédérales et aux programmes de soutien afin que le Canada atteigne son plein potentiel dans la chaîne d'approvisionnement de batteries de véhicules électriques?
D'abord et avant tout, il faut préparer une réponse à l'Inflation Reduction Act.
Nous devons agir rapidement et comprendre ces écarts de compétitivité. Nous ne disposons pas de la capacité financière pour égaler le crédit d'impôt de 30 milliards de dollars des États‑Unis, mais nous avons certes des avantages uniques dans la chaîne d'approvisionnement — les minéraux critiques en sont un excellent exemple. Là où nous disposons de ces avantages concurrentiels, nous devons prendre des mesures équivalentes à celles qu'offrent les États‑Unis aux entreprises afin de continuer à attirer ces investissements au Canada.
Dans le même ordre d'idées, y a-t-il des exemples de réussites dans le secteur canadien des batteries pour véhicules électriques dont on pourrait tirer des leçons applicables à d'autres secteurs technologiques? Si c'est le cas, pourriez-vous en dire davantage à cet égard?
Oui. Je pense que la principale leçon à retenir a trait au succès que le Canada a connu dans les deux dernières années lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements dans la fabrication de véhicules électriques. C'est en grande partie attribuable à des programmes liés à ce secteur comme le Fonds stratégique pour l'innovation et l'initiative Accélérateur net zéro. Les entreprises ont été attentives lorsque le gouvernement a annoncé de grands programmes d'incitatifs liés à la carboneutralité et aux technologies carboneutres.
Je crois qu'il est très important de poursuivre sur cette voie et d'appliquer cette approche à d'autres secteurs. Les entreprises cherchent à investir actuellement, et si les gouvernements prennent le temps d'expliquer les programmes qu'ils ont à offrir, elles s'y intéresseront.
J'aimerais revenir sur un aspect qui a été abordé la semaine dernière avec un autre témoin. On a parlé du fait que la technologie évolue et se déploie rapidement à mesure qu'on investit dans les infrastructures.
Compte tenu de l'évolution rapide des technologies entourant les véhicules électriques, pourriez-vous nous dire comment vous entrevoyez l'avenir dans 5 ou 10 ans?
Il ne fait aucun doute que la technologie évolue rapidement.
À l'heure actuelle, les fabricants d'automobiles du monde entier comptent investir en tout environ 550 milliards de dollars américains dans cette technologie d'ici 2030. Voilà pourquoi l'une des principales choses que nous demandons au gouvernement est de consulter davantage les fabricants d'automobiles au sujet des infrastructures de recharge, puisque de nouveaux véhicules dotés de nouvelles technologies entrent sur le marché très rapidement, et certains d'entre eux sont munis de batteries beaucoup plus grosses avec différentes vitesses et fréquences de chargement.
Comme les choses évoluent énormément, il est effectivement difficile de prévoir de quelle façon la technologie évoluera et quelle sera l'ampleur des besoins qui s'y rattachent. Nous savons cependant que de plus en plus de véhicules électriques entrent sur le marché, et que les Canadiens auront besoin d'infrastructures supplémentaires pour y avoir accès.
Dans le cadre d'une réunion que nous avons tenue la semaine dernière, d'autres témoins ont parlé des programmes de financement nécessaires pour promouvoir les technologies propres, et ils ont recommandé de mieux harmoniser ces programmes pour accélérer le déploiement de ces technologies. Êtes-vous du même avis? J'aimerais vraiment avoir votre avis à ce sujet.
En ce qui concerne plus particulièrement les énergies renouvelables, le déploiement des infrastructures de transmission, des infrastructures de recharge des véhicules électriques ainsi que des technologies actuellement disponibles est extrêmement important et représente un défi colossal. Il ne reste que 13 ans d'ici 2035. Évidemment, on peut faire beaucoup de travail de recherche et de développement afin d'améliorer les technologies, mais, pour le moment, je crois que l'une des plus grandes priorités devrait être de déployer ces infrastructures et de mettre en place des politiques et des programmes de financement pour accélérer le déploiement.
Je vais ouvrir une petite parenthèse concernant les problèmes que nous expérimentons, entre autres avec les écouteurs. Je sais qu'on va discuter de la possibilité que le Parlement fonctionne à tout jamais de façon hybride. Or, j'aimerais que les gens y réfléchissent. En raison de ces problèmes, le témoin que nous avions proposé, M. Létourneau, comparaîtra à la prochaine réunion. Cependant, je disposerai à ce moment de deux fois moins de temps pour lui poser des questions. C'était mon petit commentaire. Je vais maintenant revenir aux ressources renouvelables.
Madame Giglio, vous avez terminé votre allocution en disant qu'on avait besoin d'un cadre solide entourant le crédit d'impôt pour les dépenses de captage et de stockage du carbone pour des entreprises comme la vôtre. À cet égard, vous avez précisé avoir fait part de vos recommandations pour mieux soutenir l'écosystème de captage et de stockage dans son ensemble.
Pour ma part, j'ai entendu parler du captage et du stockage du carbone dans un autre dossier. Dans ce contexte, on utilise le CO2 de façon très différente: l'idée est de racler le fond des gisements qui causent le réchauffement climatique.
Vous semblez procéder différemment. En matière de bilan des émissions de gaz à effet de serre, les résultats de vos installations sont-ils inférieurs à ceux des installations qui n'ont pas adopté cette approche, autrement dit celles où il n'y a pas de captage et de stockage du carbone?
Carbon Upcycling se concentre sur l'intégration du CO2 à des produits à valeur ajoutée. Nous ne faisons pas de stockage de CO2 sous terre ou dans les océans. Nous l'intégrons à des matériaux qui peuvent être utilisés dans les réseaux de transport, les trottoirs, les infrastructures ou les immeubles, partout où on peut utiliser du béton. C'est là-dessus que notre entreprise se concentre.
Le stockage souterrain est une possibilité, mais je crois que le Canada pourrait véritablement être un chef de file en contribuant au déploiement de technologies permettant d'intégrer le CO2 à des produits à valeur ajoutée. C'est ce que nous faisons.
Oui. Avec notre technologie, on n'utilise pas plus de chaleur, d'eau ou de combustibles fossiles pour produire et capter du CO2. On capte le CO2 directement à partir du four à ciment et on l'intègre à des sous-produits industriels ou à des minéraux naturels. On peut ainsi stocker le CO2 de façon permanente en intégrant ces matériaux au béton. Nous stockons le CO2 en l'intégrant aux matériaux.
Je n'ai pas entendu parler d'ECOncrete, mais le secteur du béton comporte de nombreux aspects. Certains produisent des éléments de béton préfabriqués comme des blocs ou des barrières de béton, tandis que d'autres fournissent le béton humide qu'on coule avec une bétonnière montée sur camion pour construire des trottoirs.
Il existe des technologies pour utiliser le carbone dans les deux cas.
Vous parliez beaucoup d'approvisionnement, dans votre présentation. Quelles mesures structurantes pourrions-nous recommander au gouvernement fédéral de mettre en œuvre pour ses politiques d'approvisionnement?
Je recommanderais de changer les dispositions de manière à ce que l'on se concentre sur le rendement au lieu de prescrire un mélange précis qui doit comprendre tant que kilogrammes de béton et tant de kilogrammes d'agrégats et de sable. Il faudrait se concentrer sur le rendement de manière à ce que l'on puisse employer tous les ingrédients nécessaires pour produire un béton qui a la force requise.
C'est ainsi qu'on favorisera l'intégration de méthodes novatrices comme les nôtres dans le processus d'approvisionnement et les infrastructures financées par le gouvernement.
Une universitaire et chercheuse qui a témoigné notamment au sujet de l'efficacité des bâtiments énergétiques rappelait la proportion colossale du financement que le Canada avait consentie au secteur des hydrocarbures depuis les années 1970. Elle affirmait que cette tendance devait être inversée au plus vite. Sans égard aux quelque 400 technologies qui ont été recensées dans l'ETP Clean Energy Technology Guide, cette dame disait que 38 de ces technologies étaient prêtes à être mises sur le marché. Avec le soutien nécessaire, elles pourraient être mises à l'échelle immédiatement.
Si vous aviez à déterminer à quelles technologies propres donner la priorité dans un ensemble de politiques et de programmes, lesquelles choisiriez-vous?
C'est une grande question. Je dirais que, en ce qui concerne l'ensemble de l'industrie qui utilise le carbone et intègre le CO2 à des produits à valeur ajoutée... On peut l'inclure non seulement dans du béton et des infrastructures, mais aussi dans des engrais et des produits chimiques. De nombreuses entreprises ont d'excellentes idées et ont besoin de la plateforme pour intégrer le CO2 à ces produits à valeur ajoutée.
Si on réorientait le financement vers les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, soudainement les dépenses dans ce secteur pourraient être multipliées par 100. Évidemment, je fais ici une comparaison avec ce qui est investi dans les énergies fossiles.
Nombre de témoins nous ont parlé de l'importance des réseaux électriques. Nous devons promouvoir l'électrification pour réduire les émissions. Vous avez dit que les raccordements aux réseaux interprovinciaux jouent un rôle essentiel à cet égard. Vous avez parlé brièvement du rôle que le gouvernement fédéral peut jouer. L'American Inflation Reduction Act a été mentionnée plusieurs fois aujourd'hui. Les États‑Unis investissent des milliards de dollars dans les énergies renouvelables, les infrastructures électriques et le stockage.
À certains égards, le Canada semble en très bonne posture, car il a des sources non émettrices en abondance, même si elles sont réparties dans différentes régions, mais on dirait que nous prenons du retard. On dirait que le raccordement des réseaux ne se fait pas aussi rapidement qu'on voudrait.
Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment, selon vous, le gouvernement fédéral pourrait faire preuve de leadership lorsqu'il s'agit de composer avec l'ampleur des besoins en financement et de promouvoir la collaboration avec les provinces et les gouvernements autochtones?
C'est exact. Nous sommes en bonne posture à bien des égards. Dans bon nombre de provinces canadiennes, le niveau de décarbonisation est déjà considérable. À certains égards, nous sommes en avance sur d'autres États qui s'emploient encore à trouver des façons de décarboniser leurs réseaux électriques. Cela dit, il est évident que certaines provinces sont encore largement tributaires des énergies fossiles ou de sources fossiles pour produire de l'électricité. Ce que nous devons absolument faire actuellement, c'est utiliser de manière stratégique les ressources dont nous disposons déjà pour nous aider à décarboniser les réseaux électriques des provinces qui en ont vraiment besoin.
Pour revernir sur les observations de Brian au sujet des véhicules électriques et sur les autres conversations que nous avons eues au sujet de l'électrification, mentionnons que cette approche ne peut fonctionner véritablement que si notre réseau électrique est décarbonisé. Sur le plan de la décarbonisation, il n'y a pas beaucoup d'avantages à conduire un véhicule électrique s'il est rechargé au moyen d'un réseau qui repose largement sur les énergies fossiles. Cependant, bon nombre de provinces dont les réseaux électriques reposent largement sur les énergies fossiles ont d'excellentes ressources éoliennes. Encore une fois, nous sommes chanceux à cet égard.
Il s'agit d'abord d'éliminer les énergies fossiles de ces réseaux électriques, ce qui veut dire qu'il faudra déployer les technologies éoliennes à grande échelle. On peut employer d'autres technologies également, mais il faudra recourir fortement aux technologies éoliennes. On peut mieux composer avec la variabilité de ces réseaux grâce aux raccordements aux réseaux d'autres provinces.
Pour faire preuve de leadership, le gouvernement fédéral devrait aider les provinces à se consulter en vue de déterminer comment concilier les diverses structures des différentes provinces. Dans certains cas, il y a une intégration verticale, et dans d'autres, il y a un libre marché. Il faut lancer de vastes discussions pour que les provinces puissent établir ces raccordements interprovinciaux. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en favorisant ces conversations et en encourageant les provinces en ce sens.
À l'heure actuelle, le secteur canadien des énergies renouvelables affiche un taux de croissance parmi les plus faibles du G20. Vous semblez dire que, peu importe l'éventail de sources énergétiques dont nous disposons, les réseaux électriques joueront un rôle crucial dans l'atteinte de nos cibles.
Avez-vous une idée de l'ampleur des investissements que vous aimeriez voir de la part du gouvernement fédéral en vue de promouvoir les énergies renouvelables, dont l'énergie éolienne, ainsi que cet autre élément essentiel que sont les lignes de transmissions et les raccordements aux réseaux interprovinciaux?
Oui. Le plus fort taux de déploiement de sources d'énergie renouvelable observé au Canada équivaut à environ 10 gigawatts et s'est produit approximativement entre 2011 et 2015. C'était en quelque sorte un déploiement sans précédent au Canada en ce qui concerne l'énergie éolienne et solaire. Il faudra déployer environ cinq fois plus de gigawatts, soit environ 50 gigawatts en moyenne, en plus de ceux déjà déployés.
La bonne nouvelle, c'est que l'énergie éolienne — l'énergie solaire aussi, dans une moindre mesure, mais surtout l'éolienne — est déjà concurrentielle sur les marchés. Des investisseurs privés assument déjà une grande partie des investissements dans ce domaine, alors, en ce qui concerne le déploiement de l'énergie éolienne, je crois que cela montre... La tarification du carbone contribue vraiment à rendre l'énergie éolienne plus concurrentielle, mais je crois qu'il serait utile de se pencher sur l'atténuation des risques liés à ces investissements et sur le processus de délivrance de permis, surtout en ce qui concerne l'énergie éolienne.
En me fondant sur la situation dans d'autres États, je pense que, dès que les sources d'énergie éolienne alimenteront 30 % ou 40 % des réseaux, ces provinces commenceront à éprouver des problèmes opérationnels liés à la variabilité. C'est à ce stade que les interconnexions de transmission pourront véritablement jouer un rôle. J'insiste davantage sur la transmission parce que c'est un problème qui se profile à l'horizon.
La construction d'infrastructures de transmission interprovinciales prend énormément de temps, surtout si on veut faire les choses convenablement et en collaboration avec les communautés autochtones. C'est un long processus. C'est pour cela qu'il faut vraiment l'amorcer dès maintenant.
J'aimerais juste souligner que ces connexions interprovinciales semblent essentielles aux efforts que le Canada doit déployer pour réduire ses émissions et ainsi contribuer à maintenir le réchauffement mondial en dessous de 1,5 °C.
Venant d'Oshawa, je sais que l'industrie automobile est très importante pour ma collectivité. La semaine dernière, certains témoins se sont dits déçus, car des entreprises canadiennes très novatrices ont essentiellement traversé la frontière, faute de programmes pour les soutenir au Canada.
J'aimerais revenir sur la question des bornes de recharge. Vous avez dit que, selon les meilleures estimations fondées sur ce que font les chefs de file mondiaux, il nous faudrait environ quatre millions de bornes de recharge. Cette estimation ne tient pas compte du fait que le climat est plutôt froid au Canada. J'ai déjà conduit des véhicules électriques, et à cette période de l'année, la température commence à baisser. Par conséquent, les besoins pourraient être encore plus importants. Je ne suis pas fort en calcul, mais, même si on suppose que ce chiffre est exact, cela veut dire qu'il nous faudrait seulement 3 997 500 bornes de recharge supplémentaires pour atteindre notre objectif, et nous travaillons là-dessus depuis cinq ou six ans.
Savez-vous si le gouvernement a des plans qui nous permettraient d'atteindre cet objectif dans les délais que le gouvernement a fixés pour l'industrie?
Non, pas pour l'instant. À l'heure actuelle, le gouvernement compte installer 84 500 bornes de recharge d'ici 2027. On compte seulement 2 500 bornes fonctionnelles. D'après le rythme d'installation et de déploiement actuel, il me semble très peu probable que l'on atteigne l'objectif de 84 000 d'ici 2027.
Si on songe à l'électrification complète des véhicules, et si on atteint toutes ces cibles d'ici 2035, cela représente près de 39 millions de véhicules sur les routes d'ici 2050. En se fondant sur le ratio de 10 pour 1, on estime qu'il faudra quatre millions de bornes publiques. Cette estimation ne tient même pas compte des bornes de chargement des immeubles à logements multiples, qui sont essentielles. Les gens qui vivent en appartement et dans des tours à appartements en copropriété devront pouvoir recharger leur véhicule à domicile. Selon les estimations du gouvernement, il faudrait 5,6 millions de bornes pour les immeubles à logements multiples, et je ne suis pas au fait des plans à cet égard. Cela coûtera extrêmement cher. C'est possible, mais c'est une tâche colossale.
J'aimerais pouvoir vous fournir des chiffres fiables à ce sujet, mais je n'en ai pas. Je peux cependant vous fournir l'estimation que le ministère des Ressources naturelles a publiée au sujet du réseau de bornes de recharge publique qu'il croit nécessaire, mais, selon moi, ce chiffre est un peu trop bas. Le ministère estime qu'il faudra payer 20 milliards de dollars au cours des trois prochaines décennies pour installer autant de bornes publiques. J'estime que cela coûtera quatre fois plus cher. Si on fait un calcul très approximatif, on parle donc de 80 milliards de dollars.
Je pense qu'il nous en faudra davantage, alors si on considère que cela coûtera cinq fois plus cher, alors le coût pourrait peut-être s'élever à 100 milliards de dollars. Si nous n'avons pas de plan, alors je me demande simplement qui paiera pour cela.
Nous avons discuté brièvement du réseau électrique. Des témoins nous en ont parlé un peu. J'habite à Oshawa, en Ontario. Le réseau présente certaines difficultés. On nous a dit que, dans certaines collectivités, si on branche 10 voitures électriques, cela causera une baisse de tension.
Avez-vous une idée de ce qu'il faudra payer pour moderniser le réseau? Prenons le cas de l'Ontario. Avez-vous des chiffres à nous fournir? Un gouvernement responsable doit planifier ce genre de choses.
Malheureusement, non, et nous avons demandé cette information. Toutes les entreprises de distribution locales conçoivent des plans pour pouvoir accroître l'électrification, mais, que ce soit pour l'Ontario ou pour l'ensemble de l'économie canadienne, à notre connaissance, personne n'a estimé le coût global de ce qu'il faudrait faire dans toutes les provinces pour alimenter plus de véhicules.
On peut affirmer sans se tromper que cela coûtera des milliards de dollars, mais il n'y a pas de données transparentes ou précises pour donner une idée de la situation ou pour indiquer qui planifie ces aménagements pour alimenter un plus grand nombre de véhicules électriques, et c'est essentiel. Nous pouvons installer autant de bornes de recharge publiques que nous le voulons, mais si nous n'avons pas les lignes de transmission et les capacités de production nécessaire, nous serons dans une situation difficile.
Des témoins ont proposé des idées qui me semblent judicieuses. Par exemple, on a recommandé que le gouvernement adopte un processus d'approvisionnement pour soutenir différentes industries.
Savez-vous si le gouvernement fédéral a actuellement un plan pour aider l'industrie? Autrement dit, le gouvernement fédéral achète-t-il de nombreuses voitures électriques actuellement? Sinon, est-ce que cela a quelque chose à voir avec le fait qu'il n'y a pas suffisamment de bornes de recharge pour que l'on puisse faire le travail avec ces véhicules?
Nous avons demandé au gouvernement d'être un chef de file en achetant plus de véhicules électriques s'il veut que les Canadiens suivent l'exemple, alors nous aimerions voir plus d'efforts à cet égard.
Je serai à Calgary prochainement, alors nous en discuterons.
Pour revenir à la question de l'approvisionnement, le gouvernement du Canada est le plus grand propriétaire d'immeubles du pays. À ma connaissance, c'est le plus grand acheteur de béton. Je me demande si vous pourriez développer davantage certaines de vos observations précédentes. Avez-vous établi des modèles pour déterminer dans quelle mesure le gouvernement aiderait des industries comme la vôtre s'il adoptait une politique d'approvisionnement qui appuierait considérablement vote secteur et des secteurs connexes?
En ce qui concerne l'industrie du béton, puisqu'on parle d'approvisionnement en béton, je dirais que, si des technologies comme celle employée par Carbon Upcycling étaient déployées à grande échelle dans les cimenteries, alors on pourrait essentiellement réduire de moitié les émissions liées à la production de béton et à l'industrie du béton. Il serait donc très avantageux de promouvoir des technologies comme la nôtre.
Cela dit, pour ce qui est du déploiement et de l'approvisionnement à grande échelle... La question des infrastructures à faibles émissions de carbone est très vaste. Quand on parle d'un immeuble à faibles émissions de carbone, il peut s'agir d'un immeuble avec un système d'éclairage à DEL ou de meilleures fenêtres. Une foule de technologies peuvent être déployées.
En ce qui concerne l'approvisionnement en béton, il faut prendre le rendement en considération et ne pas se contenter de préciser les quantités de matériaux. Je pense que ce sera un aspect important, mais que cela s'inscrit dans une stratégie plus vaste.
Merci, monsieur le président. Monsieur Duguid, merci de partager votre temps de parole.
Monsieur Kingston, vous savez que j’ai une très grande affection pour l’industrie automobile et que je me réjouis de tous les progrès en cours. Je vous remercie de votre collaboration auprès de notre caucus de l’automobile.
J’aimerais vous faire part de quelques questions ou observations très positives à propos de certains de vos membres. Je suis très enthousiaste de constater les progrès dans le marché des véhicules électriques au Canada. À Windsor, Stellantis et LG ont investi 5 milliards de dollars pour construire une usine d’assemblage de véhicules électriques et elle devrait démarrer ses activités en 2025. Cette usine créera 2 500 emplois à Windsor, ce qui est une très bonne nouvelle pour cette ville.
Plus tôt aujourd’hui, il a été question durant les témoignages que le Canada ne construirait pas de véhicules électriques. Pouvez-vous nous fournir des explications à ce sujet?
Merci pour tous les efforts que vous déployez pour soutenir le caucus et l’industrie de l’automobile.
Au cours des dernières années, le Canada a bénéficié de nouveaux investissements d’une valeur de 13,5 milliards de dollars, y compris une tranche de 5 milliards de dollars pour la construction d’une usine de fabrication de batteries. De plus, l’usine d’assemblage de Windsor sera convertie pour construire des véhicules électriques. La ville de Brampton est dans la même situation. On parle d’investissements colossaux.
Le gouvernement... je donne tout le crédit au gouvernement pour tout ce qui a été accompli grâce au plan Rebâtir en mieux. Vous vous souviendrez peut-être du problème sérieux qui a touché les usines d’assemblage nord-américaines. Dorénavant, les véhicules électriques construits au Canada seront admissibles à l’incitatif offert par les États-Unis pour l’achat d’un véhicule électrique, un élément crucial.
M. Lloyd Longfield: Oui, nous l’avons obtenu.
M. Brian Kingston: La grande question est maintenant de savoir si, à l’avenir, étant donné la portée de l'Inflation Reduction Act, les entreprises voudront investir au Canada alors que l’incitatif est si généreux aux États‑Unis.
Si l’on tient compte de la chaîne d’approvisionnement intégrée... Prenons l’exemple de General Motors, qui est un de vos membres, à Bécancour, au Québec. C’est l’endroit où sont traitées les composantes chimiques qui entrent dans la fabrication des batteries électriques. Ces composantes sont ensuite acheminées aux autres usines de fabrication de batteries de General Motors. Finalement, elles sont envoyées aux usines d’assemblage des véhicules électriques de GM à Oshawa et à Ingersoll. L’usine d’Oshawa construira des camionnettes et j’ai très hâte de voir le produit fini. En fait, j’ai ma propre camionnette Colorado stationnée chez moi, mais c’est une tout autre histoire.
Dans le contexte de la chaîne d’approvisionnement intégrée du Canada, qui fournit des minéraux et procède au traitement des produits chimiques des composantes nécessaires pour fabriquer les batteries, c’est une excellente chose que les batteries reviennent dans les usines de General Motors entrer dans la fabrication d’un produit à valeur ajoutée.
L’aspect positif de l’Inflation Reduction Act est que les États‑Unis y ont enchâssé des mesures de sauvegarde et des restrictions très précises à propos des véhicules admissibles à l’incitatif. Cela dépend en grande partie de l’approvisionnement en minéraux critiques, qui doivent provenir de l’Amérique du Nord et auprès d’un partenaire de libre-échange.
Évidemment, le Canada est un partenaire commercial, mais nous avons aussi de grandes quantités de minéraux critiques que les États‑Unis n’ont pas. Je pense que nous avons une chance inégalée dans divers créneaux économiques de faire partie de la chaîne d’approvisionnement.
Vous avez beaucoup parlé des différents paliers de gouvernement. Les enjeux énergétiques, tout comme ceux de l'environnement, interpellent effectivement les différents paliers de gouvernement, que ce soit à l'échelle municipale, provinciale ou fédérale. L'harmonisation des politiques publiques ainsi que la collaboration sont des éléments essentiels. Au-delà de cela, d'après vos recherches, comment pourrait s'articuler concrètement cette démarche qui permettrait de la collaboration entre les différents paliers de gouvernement?
Comme je le disais, le gouvernement fédéral a un important rôle à jouer et il peut aider à démarrer la conversation. En fait, NRCan a déjà agi concrètement en fournissant 5 millions de dollars pour mettre sur pied un carrefour de modélisation de l’énergie. L’idée du carrefour est essentiellement de réunir des spécialistes de la modélisation et des décideurs. C’est un exemple concret de la façon dont on peut réunir des intervenants de différents milieux, y compris des représentants des divers échelons de gouvernement, autour d’une même table pour approfondir les discussions. Tous les participants peuvent utiliser les données de la modélisation pour évaluer les voies possibles et examiner les obstacles et les possibilités. Le but est que la conversation puisse prendre appui sur des données probantes et se dérouler de manière cohérente.
C’est un exemple qui est déjà mis en place, étant donné que l’initiative de modélisation de l’énergie est en cours. À ce moment-ci, nous sommes à la recherche de gens comme vous pour participer à la conversation et mettre à profit les capacités que nous développons.
J'allais justement vous demander combien de temps cela allait prendre avant que ce soit lancé. On dit qu'il s'agit d'une urgence climatique. Vous me dites que c'est déjà sur les rails, alors c'est une bonne nouvelle.
Madame McPherson, quel espoir fondez-vous sur l'approche actuelle du gouvernement fédéral quant à ses structures et à ses programmes qui visent la réduction des gaz à effet de serre par la contribution des technologies propres?
Je pense que la tarification du carbone est un premier pas dans la bonne direction. Cependant, il faudra en faire beaucoup plus pour réaliser nos objectifs à l’égard de la crise climatique. Il faut surtout déployer plus d’efforts pour développer les stratégies qui permettront de décarboniser nos réseaux pour ensuite les électrifier au maximum et le plus rapidement possible.
J’ai été très heureuse d’apprendre que NRCan a investi 5 millions de dollars dans l’initiative du carrefour de modélisation de l’énergie. C’est fantastique de voir que l’Institut des systèmes énergétiques intégrés de l’Université de Victoria est un partenaire.
MM. Carrie et Kingston ont parlé brièvement des lacunes au chapitre des connaissances requises pour bâtir l’infrastructure du réseau. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le rôle du carrefour de modélisation de l’énergie et ses travaux à venir pour décarboniser les systèmes énergétiques au Canada? Comment voulez-vous que le gouvernement interagisse avec cette équipe d’intervenants et comment souhaiteriez-vous qu’il utilise vos résultats à l’avenir?
Premièrement, il faut améliorer notre capacité de modélisation globale afin d’explorer toutes les possibilités de décarbonisation en profondeur. À mon avis, surtout dans le domaine de l’électrification, je crois que les systèmes sont de plus en plus interreliés. On le constate avec la conversation sur les véhicules électriques, car le défi consiste à interrelier les systèmes de transport et d’énergie alors qu’historiquement, ils ont toujours été distincts. Cette réalité amène son lot de complexités en ce qui concerne les voies à définir et la tarification du système d’énergie, notamment les bornes de recharge des véhicules électriques et vice versa. Il y a de nombreuses complexités à prendre en considération, c’est pourquoi il faut explorer les capacités de modélisation pour comprendre toutes les avenues possibles.
Cet aspect rejoint la deuxième lacune, qui est la croissance constante de l’interdépendance entre les diverses parties. Il faudrait un plus grand nombre de parties dans la conversation, plus d’intervenants. On ne peut plus rester chacun dans son coin. Autrement dit, un ingénieur des systèmes d’alimentation ne peut plus seulement s’attarder au système d’énergie, l’ingénieur des transports ne peut plus tenir compte seulement des transports, même chose pour les spécialistes des droits des autochtones. Nous sommes rendus à un point où nous avons besoin de toutes ces voix dans la même pièce, au même moment. Ensuite, il faut transmettre tous les points de vue aux décideurs afin qu’ils les mettent à profit dans la conception des politiques, qu’ils les transposent en mesures concrètes.
Je pense que la plus grande lacune du Canada est le manque de cohésion entre les diverses parties, contrairement aux institutions des États‑Unis et des pays européens qui prennent appui sur des liens réels entre les experts de la modélisation et les décideurs. Cette cohésion peut être un outil très efficace. Je crois que c’est l’une de nos plus grandes lacunes.
Madame McPherson, j’ai lu un rapport de la RBC à propos de la voie à suivre pour atteindre la carboneutralité. Les coûts pour atteindre cet objectif s’élèvent à 2 billions de dollars. Le rapport souligne que pour y arriver, il faudra doubler la production d’électricité. Ce n’est que la partie qui touche la production de l’électricité, car, ensuite, il faudra évidemment la transporter et cela entraîne souvent la nécessité d’un raccordement interprovincial des lignes de transport, comme vous l’avez mentionné précédemment.
Doubler la capacité de production d’électricité de notre pays est une tâche colossale. Je pense que le fédéral devra jouer un rôle sur le plan du leadership pour y arriver. Avez-vous trouvé la moindre preuve que le gouvernement fédéral peut faire preuve du leadership nécessaire pour doubler la capacité de production d’électricité et, parallèlement, gérer la capacité de transport de cette quantité d’énergie d’un bout à l’autre du pays?
Je suis complètement d’accord avec vous. C’est une tâche colossale. Les chiffres qui démontrent la nécessité de doubler les capacités ressortent de nombreuses études, y compris de nos propres travaux. En fait, il faudra peut-être que ce soit une augmentation de production encore plus élevée. J’estime que le gouvernement fédéral a la possibilité de faire preuve de leadership, surtout en ce qui concerne le raccordement interprovincial des lignes de transport.
Jusqu’à maintenant, le gouvernement fédéral a joué un rôle de leader dans le financement de l’initiative du carrefour de modélisation. Cependant, je crois qu’il pourrait en faire plus, surtout en ce qui concerne le raccordement interprovincial. Certains de nos travaux consistent à examiner les possibilités de tripler ou de quintupler le nombre de tracés interprovinciaux. Il faudra des négociations élargies pour concrétiser ce scénario. Je pense que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle sur le plan du leadership dans ce domaine.
J’aimerais vous donner plus de détails sur l’industrie automobile.
Comme mon collègue l’a mentionné, au chapitre des mines et des chaînes d’approvisionnement, on retrouve ici même, au Canada, les minéraux issus des terres rares. Nous avons les capacités requises pour les extraire du sol, les transformer en batteries ou les presser afin de les transformer en pièces d’acier. Tous ces emplois dans le secteur de la valeur ajoutée peuvent être créés et maintenus ici, à condition que les politiques adéquates soient instaurées. La semaine dernière, nous avons pris connaissance de la situation des entreprises qui veulent quitter notre pays. Nous voulons qu’elles restent ici.
Au total, 31 minéraux critiques ont été désignés comme essentiels à la fabrication des batteries. Alors que l’industrie automobile se tourne vers les véhicules électriques, savez-vous si des mines canadiennes extraient des minéraux critiques pour approvisionner les usines qui fabriquent les batteries de ces véhicules en Amérique du Nord? S’approvisionnent-elles au Canada à l’heure actuelle?
Je sais que le nickel provient du Canada. Quant aux autres minéraux critiques sur cette liste, je pense que ce n’est pas encore le cas pour la majorité d’entre eux.
De cette liste de 31 minéraux critiques essentiels, le Canada est la source d’approvisionnement de seulement deux d’entre eux. Je pense qu’il y a des projets de nouvelles mines, mais ils doivent être soumis à une évaluation environnementale avant d’être mis en œuvre et pleinement fonctionnels. Pouvez-vous nous dire combien d’années il faut pour qu’une mine soit pleinement fonctionnelle, surtout une mine où sont extraits des minéraux critiques comme le lithium où il y a un risque de libération de substances chimiques toxiques? Avez-vous une idée du nombre d’années que cela prendra pour qu’un tel projet voie le jour au Canada?
Deux minéraux sont extraits pour approvisionner les usines et peut-être qu’un autre le sera dans environ 10 ou 12 ans.
J’aimerais aussi obtenir plus de renseignements sur les travaux de recherche et développement. À Oshawa, il y a déjà eu un centre de l’ingénierie où de nombreux travaux de recherche et développement étaient menés. Le gouvernement fédéral avait investi dans le Centre d’excellence de l’automobile.
À propos des incitatifs pour l’électrification, dans quelle mesure le Canada se compare-t-il sur le plan de la concurrence par rapport à son plus grand partenaire commercial et au Mexique? Si une entreprise exécute ses travaux de recherche et développement au Canada, les incitatifs qui lui sont offerts sont-ils égaux par rapport à nos concurrents ou tirons-nous plutôt de l’arrière?
Dans l’industrie automobile, on constate généralement que les investissements majeurs dans une usine d’assemblage ou de construction de moteurs viennent avec les travaux de recherche et développement qui y sont associés. À titre d’exemple, l’investissement récent de Stellantis et de LG Energy dans l’usine de fabrication de batteries. Ce type d’investissement inclut la mise sur pied d’un centre de recherche et les emplois, souvent hautement spécialisés, qui y sont associés. Nous avons fait valoir qu’il faut attirer les investissements dans ces points d’ancrage — c’est-à-dire l’usine d’assemblage de véhicules électriques et de fabrication de batteries — pour que le volet recherche et développement y soit intégré.
À l’heure actuelle, étant donné certaines des dispositions prévues dans l’Inflation Reduction Act, je pense que c’est un plus difficile à réaliser. Cependant, si l’on met l’accent sur ces installations qui agissent comme points d’ancrage, les annexes de recherche et développement viendront aussi.
Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut commencer par mettre en place les installations physiques ici, mais aucune annonce en matière de recherche et développement n’a encore été faite.
Compte tenu de l’Inflation Reduction Act, je crois que cela pourrait dépendre de l’offre d’une subvention quelconque. L’OMC pourrait-elle remettre en question une telle subvention? Le gouvernement du Canada devrait-il revendiquer qu’il s’agit d’un avantage concurrentiel pour les États‑Unis en raison d’une politique gouvernementale? Devrions-nous contester devant l’OMC?
Je remercie tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui.
Je suis avec un vif intérêt la conversation d’aujourd’hui. Je crois qu’il est clair que l’un des principaux défis sera la complexité d’établir les modèles de nos besoins futurs en énergie, surtout pour les bornes de recharge.
Dans ma circonscription, il y a une personne qui travaille chez Purus Power, une entreprise spécialisée dans l’énergie cinétique. Grâce à cette technologie, les véhicules se rechargeront eux-mêmes au fur et à mesure qu’ils avanceront. Comme l’a souligné M. Kingston, la technologie évolue si rapidement que je me réjouis presque que le Canada n’ait pas déjà complété son réseau de bornes de recharge, car elles pourraient ne pas être utiles dans l’avenir.
Madame McPherson, étant donné qu’il s’agit d’une analyse qui repose sur des variables multiples et que nos tentatives d’estimation des besoins futurs et nos certitudes changent constamment en fonction de l’évolution très rapide des technologies propres, croyez-vous qu’il est possible de prévoir avec exactitude le nombre de bornes de recharge dont nous aurons besoin éventuellement?
Je crois que la réponse à cette question comporte deux volets. D’abord, je pense qu’il faut agir rapidement pour en faire le plus possible parce que les échéanciers sont très serrés. Quand nous procédons à la modélisation, il est très intéressant de constater la solidité de certaines estimations. Autrement dit, même si nous modifions nos prévisions ou les diverses possibilités futures, nos résultats demeurent sensiblement les mêmes.
Parallèlement, certaines estimations sont plus souples. Autrement dit, si nous modifions les prévisions dans un sens ou dans l’autre, nous obtenons un modèle complètement différent.
Je considère qu’il est très important que nos analyses aient haut degré de sensibilité. Encore une fois, cela nous ramène au processus de modélisation. Sous un angle plus technique, il faut développer des appareils de modélisation capable d’apprentissage automatique afin de faciliter l’établissement des estimations robustes ou plus souples sur lesquelles la prise de décisions pourra prendre appui.
Je me questionne également sur la comparaison entre les chiffres utilisés au Canada et ceux utilisés en Europe, par exemple 10 bornes de recharge comparativement à 43. Dans quelle mesure les bornes de recharge à domicile — compte tenu du fait que de nombreux Canadiens possèdent une maison où l’on retrouve deux bornes de recharge dans le garage, comme chez moi — et la technologie qui permettra de renvoyer de l’énergie dans le réseau à partir des véhicules en dehors des heures de pointe influencent-elles ces chiffres? Croyez-vous que, étant donné le pourcentage de résidences privées additionnelles, le Canada doit miser sur les mêmes chiffres que l’Europe?
Il faut prendre en considération quelques points. D’abord, cela dépend de certains facteurs. En ce qui concerne la capacité du réseau, l’endroit et le moment où le véhicule est rechargé influent grandement sur la réponse à de nombreuses questions. Si tous les propriétaires de véhicules électriques branchent leur voiture en arrivant à la maison, à 18 heures, et que le réseau du quartier n’a pas été mis à jour, le rechargement ne sera pas possible. Cependant, si les véhicules sont branchés à des bornes de recharge intelligentes et à des heures différentes durant la journée — par exemple, en mettant à profit les périodes de vents forts —, la situation n’est pas du tout la même. Il faut se demander si la tarification et la réglementation seront conçues de façon à inciter les consommateurs à recharger leurs véhicules durant les périodes optimales de la journée. Ce sont des aspects à prendre en considération.
Pour ce qui est de l’autre volet de la question, les capacités de recharge additionnelle varient selon les systèmes de distribution des diverses régions du pays. Malheureusement, ce sont des données — et Brian y a aussi fait allusion — qui sont très difficiles à obtenir, du moins dans le cadre de la recherche. C’est un peu plus complexe de connaître les données sur le fonctionnement des systèmes de distribution. La réglementation en vigueur de même que le lieu et le moment où les propriétaires branchent leurs véhicules électriques ont aussi une grande incidence sur les données.
Je voulais obtenir plus d’information sur la réglementation et les incitatifs du gouvernement, car nous avons parlé de réduire les risques pour les investissements dans les technologies propres, entre autres. Je sais qu’il y a eu de nombreux commentaires sur le fait que le gouvernement ne devrait pas mettre en place des mesures réglementaires, que la seule chose à faire est d’investir de l’argent et tout ira bien.
Cependant, afin de réduire les risques pour les investissements et de mettre en place les mesures réglementaires requises pour les contrats à long terme — par exemple, pour certains producteurs d’énergie de remplacement —, dans quelle mesure serait-il utile d’après vous que les services publics s’approvisionnent en énergie auprès de ces producteurs d’énergie de remplacement et qu’ils mettent en place ces types de contrats à long terme?
À mon avis, il est très important de réduire les risques pour les investissements, surtout pour l’énergie éolienne. C’est un secteur très concurrentiel. Toutefois, l’incertitude par rapport à la réglementation éventuelle peut freiner les démarches.
Malheureusement, nous disposons de seulement 50 minutes. Je devrai donc ajuster le temps de parole pour chaque interlocuteur qui voudra poser des questions. Je vais faire le calcul pendant l’allocution d’ouverture des témoins, qui disposent chacun de trois minutes.
(1655)
Nous avons M. Donald Smith, un professeur distingué James McGill. Nous nous sommes rencontrés au printemps dernier, je crois. C'est un plaisir de vous voir.
Veuillez commencer, monsieur Smith. Vous avez trois minutes.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le comité de m'avoir invité ici. Le processus semble en effet très intéressant.
Pour exprimer mon point de vue en général, l'agriculture peut nous aider à gérer certains grands défis environnementaux, tels que les taux de gaz à effet de serre et le changement climatique qui y est associé, car elle couvre une grande partie de la surface terrestre.
Le CO2 peut être pris dans l'atmosphère et incorporé dans la biomasse des aliments d'origine végétale — les tiges, les feuilles, les racines et ainsi de suite — ou dans les cultures énergétiques, où tout se retrouve dans le sol. Le fait est que ces choses peuvent être ajoutées aux sols. Elles améliorent la qualité du sol et la productivité ultérieure des cultures. Il y a là une sorte de réaction positive en matière d'élimination du CO2 de l'atmosphère.
La biomasse peut également être utilisée pour la production de biocarburants — je suppose que beaucoup d'entre vous le savent. Ce qui est bien, de mon point de vue, c'est que le CO2 pris dans l’atmosphère il y a seulement un an ou deux est réintroduit au moment de la combustion, alors que le carbone des carburants fossiles n’est plus présent dans l’atmosphère depuis des millions d’années et que le système s’est adapté à son absence.
Pour ce qui est de notre travail à plus grande échelle, en matière de recherche, Mme Xiaomin Zhou et moi-même, de la Faculté d'agriculture et de sciences environnementales de l'Université McGill, administrons la grappe Biomass Canada, qui est financée par Agriculture et Agroalimentaire Canada. La grappe Biomass Canada mène des travaux sur le recyclage des résidus de culture comme sources de chaleur pour rendre la production agricole plus durable, y compris en haute latitude.
Il y a aussi, par exemple, la production de bioproduits de valeur élevée. Il y a un nouveau bioadhésif, qui a été breveté et dont la production est en cours de développement. Il y a la recherche sur le biocharbon. Ce qui est vraiment bien avec le biocharbon, c'est que lorsqu'on ajoute de la biomasse standard aux sols, la matière y reste, en moyenne, de quelques années à quelques décennies, mais lorsqu'on ajoute du biocharbon, le carbone que l'on a ajouté au sol y reste de quelques siècles à quelques millénaires, de sorte que le carbone reste hors de l'atmosphère pendant longtemps.
Enfin, il y a les travaux visant à rendre les chaînes d'approvisionnement en biomasse végétale aussi efficaces que possible.
En ce qui concerne mes propres recherches, mon propre laboratoire travaille sur des technologies qui améliorent le rendement des cultures et leur résilience à des conditions stressantes associées aux changements climatiques. Cela est possible grâce aux effets, du moins dans certains cas, des composés de signalisation qui sont produits. En fait, nous avons découvert un certain nombre d'entre eux. Ils régulent le métabolisme des plantes et même l'expression des gènes à de très faibles concentrations, ils sont donc un peu comme des hormones.
Plusieurs d'entre eux ont été commercialisés. L'un d'entre eux est utilisé par Novozymes et Bayer depuis quelques années et rapporte plus de la moitié des redevances de toutes les technologies de l'Université McGill, ce qui indique, selon moi, qu'il est largement commercialisé et qu'il a un impact.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui.
Je m'appelle Ian Thomson. Je suis le président de Biocarburants avancés Canada.
J'aimerais commencer par reconnaître que je m'adresse à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel et non cédé de la Nation squamish.
Les membres de notre association commerciale comprennent des producteurs mondiaux de biocarburants et des développeurs de technologies, avec une capacité mondiale de biocarburants avancés de plus de 23 milliards de litres.
Le temps est compté, et je vais donc parler directement de l'état des investissements dans les énergies propres au Canada.
Vous l'avez entendu de témoins précédents ce matin, mais, le 16 août, le gouvernement américain a signé la Loi sur la réduction de l'inflation, ou IRA. Avec les 369 milliards de dollars américains qu'elle prévoit pour l'énergie propre, les États-Unis se sont clairement lancés dans la course visant à capturer l'avantage économique dans la fabrication mondiale de carburants propres. Les crédits d'impôt et les programmes de financement de l'IRA créent des défis importants pour la compétitivité des investissements en capital dans les carburants propres et pour la production et l'utilisation de ces derniers au Canada.
L'IRA a des implications transversales pour la future production d'énergie propre. Elle poussera les investissements en énergie propre dans l'électricité à faible teneur en carbone, l'hydrogène et les carburants propres vers les États-Unis. À défaut d'efforts immédiats et ciblés pour créer des conditions d'investissement équilibrées au Canada, nos projets d'énergie propre sont en péril.
Nos recommandations, que nous soumettrons au comité dans un document plus détaillé, se concentrent sur les nouvelles mesures nécessaires pour refléter les mesures des États-Unis.
La première consiste à établir un crédit d'impôt remboursable pour la production de carburant à faible teneur en carbone dans la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'imiter le crédit pour la production de carburant propre de l'IRA, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025.
La deuxième consiste à modifier la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre afin d'exempter totalement les carburants à faible teneur en carbone de la taxe sur les carburants. L'exemption devrait nécessiter un enregistrement en vertu du Règlement sur les combustibles propres et le respect de ce dernier.
La troisième consiste à réviser le crédit d'impôt fédéral proposé pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone en convertissant le crédit en un crédit d'impôt à la production qui ressemblerait à la portée et aux taux de crédit de l'article 45Q de la nouvelle IRA.
Le quatrième consiste à modifier la récente réduction du taux d'imposition fédéral sur le revenu pour la fabrication de technologies à zéro émission afin qu'elle s'applique à toute fabrication de carburant à faible teneur en carbone enregistrée en vertu du Règlement sur les combustibles propres.
En conclusion, je dirais simplement que les États-Unis ont pris des mesures qui placent le Canada à une véritable croisée des chemins en ce qui concerne son avenir en énergie propre. Dans le cadre de l'IRA, le marché américain attire des investissements générationnels de capitaux dans l'énergie propre. Sans action immédiate pour rétablir l'équilibre dans le commerce nord-sud de l'énergie propre, le Canada devra renoncer à la plupart des avantages économiques de l'économie à faible émission de carbone, et notre dépendance à l'égard des produits d'énergie propre importés, comme les combustibles liquides propres et l'hydrogène à faible émission de carbone, sera accrue.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Mesdames et messieurs, chers invités, je suis agrologue professionnel et un consultant agricole certifié. En 2006, j'ai été reconnu par l'Alberta comme agrologue distingué, en 2014 comme agronome canadien de l'année, et en 2021 comme l'un des 50 leaders agricoles les plus influents du Canada.
Actuellement, je suis PDG d'AGvisorPRO, une plateforme de connectivité pour l'agriculture. En 2007, j'ai fondé ce qui est sans doute l'une des premières sociétés d'échange de crédits de carbone au Canada. À ce jour, nous avons échangé pour plus de 50 millions de dollars de crédits compensatoires en agriculture.
Le 23 janvier 2019, j'ai présenté ces données à tous les ministres fédéraux et sous-ministres de l'agriculture du Canada. Ces chiffres proviennent du Rapport d'inventaire national et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et, selon eux, tous les gaz à effet de serre émis par l'agriculture représentent environ 60 millions de tonnes, la plus petite partie étant les engrais. De cela, il est reconnu que 11 millions de tonnes de dioxyde de carbone sont stockées ou tirées de l'atmosphère dans le sol. Ce qui n'est pas comptabilisé, c'est l'évaluation du bilan complet des 79 millions de tonnes de dioxyde de carbone stockées dans les céréales provenant des 95 millions de tonnes de produits cultivés par les agriculteurs.
Les agriculteurs captent 132 % du total d'équivalents CO2 qu'ils émettent; lorsque l'on tient compte du sol, ce chiffre atteint 150 %. Ces céréales sont expédiées à l'étranger, ce qui signifie que les agriculteurs canadiens ont un bilan positif de 30 millions de tonnes d'équivalents CO2. Dans l'inventaire national, on tient compte des rots des vaches. Il est reconnu que le carbone est stocké dans les sols, et nous reconnaissons le carbone stocké dans les forêts. Ainsi, nous devrions penser au carbone qui est stocké dans les céréales. Lorsque nous faisons cela, nous obtenons un résultat positif.
Cependant, aujourd'hui, on met l'accent sur les engrais.
Il est reconnu que le Canada produit environ 1,6 % des émissions mondiales. L'agriculture représente environ 10 % des émissions du Canada, et les engrais représentent 17 % des émissions de l'agriculture, soit 1,75 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Ainsi, si nous réduisions nos émissions provenant de toutes sources d'engrais de 30 % au Canada, cela équivaudrait à 0,0028 %.
Voilà ce dont il est vraiment question, et je suis ici pour vous parler de technologie agricole, d'agriculture de précision, d'engrais à libération lente, etc.
Je remercie les membres du Comité d'avoir invité notre organisme et de lui avoir permis d'aborder cet enjeu important que sont les technologies propres au Canada.
Vision Biomasse Québec est un regroupement d'une vingtaine d'organisations issues des milieux coopératifs, municipaux, des affaires ainsi que de l'environnement et du développement rural. Ces organisations ont fait le choix de s'unir en ayant pour objectif commun de promouvoir une filière exemplaire et performante du chauffage à la biomasse forestière au Québec. Nous participons à l'acquisition et à la diffusion du savoir-faire en matière d'utilisation de biomasse forestière pour la production de chaleur, grâce à des activités de communication et de sensibilisation. Nous contribuons aussi à la structuration de la filière en prenant part à des activités où nous intervenons devant des représentants politiques.
Il y a quelque temps, ces organisations ont établi pour la filière énergétique renouvelable une vision pleine de promesses, qui démontre bien son fort potentiel. Elles ont ainsi décelé au Québec, hors des grands centres urbains, un potentiel de conversion du chauffage des bâtiments qui pourrait permettre chaque année de substituer 400 millions de litres de combustible fossile, de valoriser 1 million de tonnes métriques de biomasse forestière résiduelle, d'éviter l'émission de 1 million de tonnes métriques d'équivalents CO2, de produire 4 000 gigawattheures d'énergie renouvelable et d'améliorer la balance commerciale du Québec à hauteur de 225 millions de dollars, en plus de créer environ 12 500 emplois à l'étape de la construction et 3 600 emplois permanents par la suite.
Ces valeurs pourraient certainement être augmentées si l'on appliquait cette vision à l'ensemble du Canada, et encore plus si l'on ajoutait des secteurs industriels susceptibles d'envisager une conversion, tels que les cimenteries ou les aciéries.
Vision Biomasse Québec croit ardemment que la biomasse forestière comme source d'énergie est une technologie propre gagnante pour le Canada. L'utilisation, pour la chauffe directe, de résidus forestiers issus de la coupe et de la transformation du bois ainsi que les résidus après consommation est le mode de conversion énergétique le plus efficace, comparativement à la cogénération et à la fabrication de biocarburant ou d’hydrogène. Le rendement étant plus élevé, la dette carbone s'en trouve diminuée et le bilan des émissions de GES, davantage amélioré. Un tel usage dans le secteur des bioénergies ne servirait ainsi qu’à cannibaliser un usage plus efficient de la ressource de base.
Étant abondante au Canada, la biomasse forestière est une ressource locale dont l'utilisation accrue en remplacement des carburants fossiles permettra d’améliorer la balance commerciale de plusieurs provinces. Elle diminuera du même coup la valeur des importations et contribuera à assurer une sécurité et une indépendance énergétiques.
Par contre, la filière de la chauffe directe par biomasse forestière résiduelle est aujourd’hui encore trop peu connue au Canada. En effet, la majeure partie du marché se trouve à l’extérieur du pays. Il est donc primordial de développer le marché intérieur, car des millions de tonnes de biomasse forestière pourraient être vendues localement pour créer de l’énergie renouvelable et ainsi contribuer à la transition énergétique du pays.
Une avenue prometteuse pour le développement interne de la filière se trouve dans les communautés éloignées. Une partie des communautés situées dans le nord de plusieurs provinces et territoires ont déjà réalisé la conversion afin d’utiliser la biomasse forestière locale pour se chauffer.
Par contre, pour que les projets de conversion connaissent du succès, servent de vitrine et contribuent ainsi au sain développement de la filière, les programmes de financement gouvernementaux sont essentiels. Les programmes fédéraux actuellement en place pour soutenir ces conversions devraient donc être maintenus, et même bonifiés, en vue d'accélérer les conversions et, par conséquent, la transition énergétique du pays.
Comme certains projets potentiels tombent à l’eau parce que le Conseil du Trésor ne considère pas que la biomasse réduit les émissions de GES, les possibilités de financement sont limitées. Il serait donc pertinent que les divers ministères se concertent afin d’uniformiser le statut de l'énergie renouvelable qu'est la biomasse.
Malheureusement, nous devons nous arrêter ici pour passer aux questions.
Afin que nous terminions la réunion à temps, j'ai dû réduire d'un tiers le temps de parole accordé aux membres du Comité. Les interventions seront donc de quatre minutes pendant le premier tour.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins. Les témoignages de cet après-midi sont extraordinaires.
Bien entendu, les agriculteurs et les éleveurs canadiens sont les plus soucieux de l'environnement au monde, et tout ce qu'ils demandent, c'est que leurs progrès soient reconnus quand on les mesure par rapport à leurs concurrents mondiaux. M. Saik, je crois que vous avez bien mis en lumière ce que nous faisons concrètement, et ce dont personne ne veut pourtant parler. Je sais que l'Alberta a toujours été chef de file en matière de gestion du carbone, que ce soit en agriculture ou dans d'autres industries.
Je me demande, M. Saik, si vous pourriez parler de votre expérience dans le domaine de la compensation carbone, puisque votre entreprise est l'un des leaders dans ce secteur. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi nous ne sommes pas reconnus pour ce taux de séquestration de carbone de 132 % que nous avons avec les céréales que nous vendons dans le monde entier? Nous ne sommes pas reconnus pour l'eau que nous y mettons et que nous vendons, ni pour le transfert d'eau dans le monde.
Pourriez-vous nous parler de cela, s'il vous plaît?
Oui, je vais rapidement faire des calculs de cow-boy. Pour chaque augmentation de 1 % de la matière organique dans les sols, les agriculteurs retirent de l'air environ 20 tonnes de dioxyde de carbone. Je vais le répéter: pour chaque augmentation de 1 % de la matière organique des sols, 20 tonnes de dioxyde de carbone vont dans le sol. Rien que dans l'Ouest canadien, qui représente 70 millions d'acres, une augmentation de 1 % permettrait de retirer de l'atmosphère 1,4 milliard de tonnes de dioxyde de carbone, si le gouvernement le reconnaissait.
Les agriculteurs font beaucoup de choses. Hier, je me suis rendu dans une ferme et j'ai passé un peu de temps à parler du Fonds d'action à la ferme pour le climat. L'agriculteur auquel je m'adressais n'avait droit à aucune aide. Savez-vous pourquoi? Il procède déjà à des analyses de sol, à l'épandage fractionné de l'azote, à l'utilisation d'inhibiteurs d'azote et à la rotation des cultures. Les agriculteurs font déjà le travail que le gouvernement fédéral veut que nous fassions, mais ce travail n'est pas reconnu.
Il est de loin préférable de nous donner des incitations, des carottes plutôt que des bâtons, plutôt que de nous demander de réduire notre oxyde nitreux de 30 % alors que nous faisons déjà partie des agriculteurs les plus efficaces au monde pour ce qui est de l'azote.
Pouvez-vous développer ce point en ce qui concerne l'industrie de l'alimentation du bétail, car elle a également fait des choses formidables et, encore une fois, c'est un secteur qui ne reçoit pas son dû?
Pensons à la forêt. Mon estimé collègue a d'ailleurs parlé du biocharbon et de l'utilisation de la biomasse. Quand on brûle du bois, il s'agit d'un cycle que tout le monde reconnaît. La demi-vie du méthane est de 10 ans. La demi-vie du dioxyde de carbone est de 1 000 ans. Le dioxyde de carbone va dans les plantes. Les vaches mangent ces plantes et elles rotent du méthane. En 10 ans, ce méthane commence à se retransformer en dioxyde de carbone.
Comment les vaches produisent-elles plus de gaz à effet de serre? Ce n'est pas le cas. La seule façon dont le bétail peut produire plus de gaz à effet de serre, c'est s'il y a plus de vaches, mais le pic du cheptel bovin a été atteint en 1971. Si on élimine le bétail, ou si on diabolise l'industrie bovine, on élimine l'un des ingrédients clés que nous utilisons en agriculture pour récolter la cellulose et l'hémicellulose, et on met en péril l'un des écosystèmes les plus fragiles au monde, soit les prairies et les contreforts de la province de l'Alberta, où l'on a besoin d'une espèce clé pour tenir en échec les rosiers et les peupliers.
Beaucoup de gens ne pensent pas au bétail, mais c'est un cycle biogénétique, le même que celui du biocharbon, le même que celui de la biomasse.
J'écoutais avec beaucoup d'intérêt M. Saik et je pensais à une conversation que j'ai eue à l'Université de Guelph, où l'on cherche à mesurer le carbone à l'aide de la technologie satellitaire pour pouvoir reconnaître les agriculteurs pour les niveaux de carbone qu'ils maintiennent dans le sol.
Oui. Il y a plusieurs appareils de mesure qui sont en cours d'expérimentation. Si on me demandait catégoriquement s'il y en a un sur lequel on peut compter, je dirais non. On essaie encore de faire une analyse de régression pour savoir si ces dispositifs de mesure… On est encore loin de l'imagerie satellitaire pour déterminer la teneur en carbone des sols.
Dans l'Ouest canadien, une grande partie du carbone est séquestrée dans la première couche de 0 à 6 pouces du sol. Cependant, dans l'Est canadien, il y a plus de travail du sol et plus de précipitations, de sorte que la séquestration du carbone est plus profonde dans la couche de labour. Je pense qu'il est assez difficile d'établir tout cela à partir d'images de télédétection par satellite.
C'est formidable que vous continuiez à faire de la recherche. J'ai vu que votre subvention de recherche s'élève à 65 millions de dollars, ce qui comprend également certaines entreprises secondaires, l'une d'entre elles étant Bios Agriculture Inc., qui commercialise des technologies en milieu agricole.
Pourriez-vous peut-être nous en dire plus sur les opportunités de technologies propres pour les entreprises secondaires issues des travaux que vous réalisez?
Bien sûr. Nous menons actuellement des travaux sur le développement de technologies, et éventuellement de produits, à partir des interactions plantes-microbes. J'en ai parlé dans mon introduction. Ceux-ci semblent produire des composés de signalisation. Les microbes plus la plante sont maintenant considérés comme l'holobionte, et j'ai commencé à les qualifier d'« hormones » de l'holobionte, car ils agissent à des niveaux hormonaux.
Ils ont des effets profonds sur les plantes. Ils augmentent leur taux de croissance, et ils les rendent également beaucoup plus résistants aux types de stress associés au changement climatique. Il y a beaucoup d'intérêt et beaucoup de choses intéressantes à faire avec cela.
La société d'origine, Bios Agriculture, a une histoire intéressante. Elle est en fait passée par la chaîne alimentaire des entreprises. Elle a été reprise par une plus grande entreprise canadienne et a fini chez Bayer.
En ce moment, je travaille avec deux jeunes entreprises basées sur des technologies issues de mon laboratoire. Il y a beaucoup d'intérêt pour ces technologies. Nous en produisons davantage avec le temps. J'espère obtenir des fonds uniquement pour cela.
Nous pourrions peut-être obtenir d'autres fonds pour l'innovation en plus de ceux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Nous pouvons en parler en privé, si je peux vous aider de quelque manière que ce soit.
Monsieur le président, je sais que j'arrive à quatre minutes. Il me reste environ 30 secondes.
Mme Rancourt, je suis très intéressé par la biomasse forestière dont vous avez parlé. L'une des études que j'ai lues il y a quelques années concernait les copeaux de bois et le fait de rendre certaines scieries plus viables en vendant des copeaux de bois sur le marché. Est-ce le genre de chose à laquelle vous vous intéresseriez?
Je suis désolé. Je pense aux produits de biomasse provenant des copeaux de bois des scieries, pour utiliser la biomasse qui serait normalement considérée comme un déchet dans les scieries.
Il s'agit ici de résidus de bois issus de la transformation. C'est l'une des sources les plus fréquentes de biomasse forestière résiduelle. Souvent, les scieries vont pouvoir utiliser leurs propres résidus pour chauffer leurs usines et même leurs séchoirs à bois. C'est donc un genre d'économie circulaire.
Madame Rancourt, mes questions s'adresseront à vous. Je ne dispose que de quatre minutes, mais j'ai beaucoup de questions à poser. Parlons d'abord de la question de la biomasse.
J'étais à Stockholm, au printemps dernier. Auparavant, il y avait au beau milieu de la ville une usine qui fonctionnait au charbon; maintenant, c'est une usine qui fonctionne à la biomasse et qui chauffe toute la ville de Stockholm. Il y a donc vraiment de l'avenir dans cette filière.
Si les installations publiques fédérales du Québec prenaient ce virage, de quel ordre serait la réduction des gaz à effet de serre, potentiellement? En avez-vous une idée?
Nous n'avons pas fait d'évaluations pour ce qui est de l'ensemble du Canada. Pour notre part, nous travaillons vraiment du côté du Québec et nous n'avons pas vraiment d'équivalent sur le plan canadien. Il y a sûrement des organisations en Colombie‑Britannique qui ressemblent un peu à la nôtre et qui ont peut-être une meilleure idée de ce qu'il en est.
Quoi qu'il en soit, c'est vraiment une avenue que nous explorons de plus en plus. Nous travaillons avec un équivalent québécois, soit la Société québécoise des infrastructures. C'est cette dernière qui gère tout le parc immobilier du gouvernement du Québec. Elle aussi s'intéresse de plus en plus à cette avenue, entre autres pour les centres de détention. Comme vous l'avez mentionné, il y a là un grand potentiel. On parle d'avoir non seulement des chaufferies, mais aussi un réseau autour de celles-ci. C'est très prometteur.
On sait que l'industrie forestière utilise de plus en plus les résidus forestiers issus de la coupe forestière ou du bois endommagé par les insectes ou par les incendies de forêt.
Quels sont les avantages et les risques environnementaux associés à la récolte des résidus forestiers?
Un des principaux risques le plus souvent évoqués, c'est la fragilité des sols. Normalement, les résidus forestiers qui sont laissés sur le sol participent quand même à la régénération de l'écosystème. Le carbone et les autres éléments qui retournent dans le sol ont leur importance.
Il serait important de mettre en place une façon de limiter, en fonction du niveau de fragilité des sols, la proportion de résidus qui y est prélevée. Il faudrait d'abord répertorier la fragilité des sols sur le territoire. Par la suite, on pourrait établir des limites en fonction des niveaux de fragilité des sols. Des éléments comme le degré d'inclinaison de la pente ou la porosité du sol influent sur la quantité de résidus qui devrait être laissée au sol. Or, c'est ce qui manque. Lorsque nous faisons des recommandations, nous disons souvent aux gens d'essayer de prendre en compte ces éléments. Il pourrait être très pertinent d'inclure cela dans un cadre officiel ou dans des recommandations officielles.
On sait qu'il existe de la biomasse forestière sous forme de granulés de bois pour le chauffage dans les Territoires du Nord‑Ouest. C'est un exemple du potentiel que cette énergie recèle.
Compte tenu de la richesse de nos forêts et des avancées technologiques des dernières années, voyez-vous un potentiel de déploiement de cette énergie dans les régions nordiques du Québec et, bien sûr, du Canada?
Absolument, c'est vraiment un des secteurs qui présentent le plus de potentiel. Il s'agit de régions vraiment éloignées, qui ne peuvent être reliées au réseau d'Hydro‑Québec et qui, par conséquent, sont très dépendantes d'énergies fossiles, comme le propane, et de types d'équipement qu'elles ne sont pas tellement à l'aise d'utiliser. Pour ces raisons, c'est vraiment une avenue intéressante.
Le seul problème, c'est que la biomasse forestière résiduelle est une matière qui doit rester à un niveau de standardisation assez strict pour que son utilisation reste pertinente. Or, les conditions nordiques compliquent un peu les choses. Ce qui vient résoudre en partie ce problème, ce sont les granulés torréfiés. Ces dernières subissent un traitement de plus, ce qui va vraiment venir les stabiliser et empêcher qu'elles soient sujettes à l'humidité, entre autres choses. C'est vraiment une des choses qui viennent résoudre ce problème.
L'autre problème, c'est d'acheminer la biomasse forestière jusque dans le Nord. On doit parfois la transporter par bateau. C'est un aspect qu'on devrait vraiment considérer. Il faut s'assurer que toute la chaîne d'approvisionnement est en place avant de se lancer dans de gros projets dans le Nord, sinon cela devient complexe.
Ma question s'adresse à Ian Thomson, de Biocarburants avancés.
Vous avez parlé un peu de la Loi sur la réduction de l'inflation. C'est formidable de voir les États‑Unis prendre enfin des mesures concrètes sur le plan du climat. Par ailleurs, nous risquons de perdre des occasions ici au Canada si nos propres mesures n'atteignent pas proportionnellement le rythme et la portée de celles des États-Unis.
Vous avez mentionné une sorte de sentiment d'alarme croissant quant aux impacts de l'IRA sur la concurrence dans le secteur des carburants propres au Canada. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous entendez de la part de vos membres et nous parler un peu plus des implications plus vastes sur la transition vers des transports à faible teneur en carbone au Canada?
Nous entendons des échos de tous les secteurs — et cela peut sembler comme si nous étions tous en train de crier au loup —, jusqu'à mes collègues du secteur du raffinage… Plusieurs de nos membres sont des raffineurs qui produisent des carburants renouvelables, mais aussi de l'hydrogène, du gaz naturel renouvelable et du biogaz. J'ai parlé avec mes collègues de ces secteurs au cours de la semaine dernière, et tous s'inquiètent du fait que les dispositions fiscales et financières de l'IRA sont si généreuses et d'une telle ampleur qu'il y a vraiment très peu de scénarios dans lesquels on peut voir un producteur canadien faire concurrence au marché américain, car les producteurs américains sont autorisés à conserver les crédits de ces programmes lorsqu'ils exportent du carburant, mais les programmes, jusqu'à présent, excluent les produits canadiens. Nous sommes exclus du marché américain pour des raisons économiques, et les Américains sont autorisés à inonder notre marché de produits exportés.
Nous avons discuté du potentiel de mesures telles que l'action commerciale. Nous ne pouvons pas attendre 2026 pour résoudre ce problème. Les dispositions suscitent une profonde inquiétude dans tout le pays.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'importance des technologies propres dans le secteur des transports en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'atteinte des cibles du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques?
J'en serais heureux. Le secteur des transports est le plus grand secteur d'utilisation finale au Canada et est donc à l'origine de la plupart des émissions de gaz à effet de serre. C'est un secteur difficile à décarboniser. Par conséquent, ces technologies sont vraiment essentielles.
En ce qui concerne l'électrification, Brian Kingston a parlé tout à l'heure de certains des gains réalisés par le Canada avec le plan Rebâtir en mieux, ce qui était formidable de voir. Cependant, nous continuerons à dépendre des moteurs à combustion interne bien après le milieu du siècle et je ne fais pas cette affirmation parce que je suis sceptique quant aux solutions de rechange. Je conduis un véhicule électrique et c'est une merveilleuse technologie. Je suis simplement conscient que nous devons présenter toutes les solutions.
Il y a actuellement un certain nombre d'entreprises au Canada qui cherchent à mettre sur le marché des quantités considérables de combustibles propres liquides à faible teneur en carbone. Certaines d'entre elles sont sur le point de prendre des décisions d'investissement définitives et, lorsqu'elles verront les dispositions de l'IRA, elles laisseront ces décisions en suspens.
Le Fonds pour les combustibles propres fournit 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Il a arrêté d'accepter des demandes pour le renforcement de la capacité de production de combustibles propres il y a un an. Quels progrès ont été faits à l'égard de ce fonds?
Nous n'avons pas beaucoup d'informations à ce sujet, quoique certains de mes membres me disent qu'ils attendent depuis longtemps de voir les accords de contribution, entre autres. Les gens estiment généralement que le Fonds pour les combustibles propres est difficile à accéder. Je comprends qu'il est nécessaire d'avoir des mesures appropriées, mais, si vous attendez toujours un accord après un an, vous ne pouvez pas simplement reléguer votre projet aux oubliettes et patienter.
Malheureusement, je ne peux pas penser à un gouvernement canadien qui a vilipendé davantage nos agriculteurs et notre industrie agricole que le gouvernement actuel. L'attaque contre l'agriculture au nom de la lutte contre les changements climatiques est devenue tellement insensée que des pays comme la Nouvelle‑Zélande prévoient maintenant taxer les rots des vaches.
Les agriculteurs sont parmi les personnes les plus respectueuses de l'environnement au Canada. Ils utilisent des technologies propres tous les jours. Personne au gouvernement ne leur en attribue le mérite.
Monsieur Saik, si les agriculteurs augmentent le rendement de leurs cultures, ils peuvent séquestrer plus de carbone et, par conséquent, compenser plus d'émissions de gaz à effet de serre. Êtes-vous d'accord?
Absolument. Je travaille avec des agriculteurs depuis que mes cheveux étaient foncés, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, et peu importe les endroits où j'ai voyagé dans le monde, que ce soit au Kazakhstan ou en Amérique du Sud, je n'ai jamais rencontré d'agriculteur qui veuille dépenser plus d'argent que nécessaire en intrants agricoles.
Le seul moyen de nourrir immédiatement une planète qui compte huit milliards d'habitants est de recourir à ce que l'on appelle l'intensification durable. L'intensification durable de l'agriculture est la voie à suivre pour réduire notre empreinte écologique tout en protégeant et en nourrissant la planète.
Êtes-vous d'accord pour dire que l'obtention de plus grandes récoltes sur la même superficie de terre est une pratique durable que nous devrions nous efforcer de concrétiser? Veuillez répondre par oui ou non, s'il vous plaît.
Êtes-vous d'accord pour dire que les engrais azotés permettent aux agriculteurs d'obtenir de plus grandes récoltes sur la même superficie de terre? Veuillez répondre par oui ou non, s'il vous plaît.
Lorsque le gouvernement a annoncé qu'il prévoyait de réduire de 30 % les émissions attribuables aux engrais, les agriculteurs ont commencé à s'inquiéter. Ils s'inquiétaient parce que les engrais font pousser la nourriture.
Le plan de réduction des émissions attribuables aux engrais du gouvernement est-il judicieux pour le Canada?
En tant qu'agronome, ce qui me préoccupe au sujet de cette annonce, c'est la source de la réduction de 30 %. Je crois comprendre que le cœfficient que le gouvernement utilise pour calculer la réduction de 30 % comporte une marge d'erreur de moins 30 et de plus 40 dans l'écart type du cœfficient. Cela signifie que, grâce à ce seul cœfficient, nous sommes peut-être déjà à moins 30.
Personne ne veut émettre plus d'oxyde nitreux dans l'atmosphère que nécessaire. Cela inclut les agriculteurs canadiens. Comme je l'ai dit plus tôt, nous effectuons des analyses du sol, employons la technologie à taux variable, utilisons des inhibiteurs d'azote et avons recours à l'application fractionnée de l'azote, nous faisons toutes ces choses. Que sommes-nous censés faire d'autre?
Si vous voulez essayer d'atteindre cet objectif, la seule façon d'y parvenir est en procédant à une réduction absolue des engrais, ce qui est absolument ridicule. Le monde a davantage besoin du Canada en ce moment, pas moins.
Y a-t-il des technologies sur lesquelles vous travaillez actuellement, en particulier dans le domaine de l'agriculture, qui seraient utiles pour cette étude?
Il existe toutes sortes de technologies de télédétection et de projets de bioingénierie en aval, comme le projet en Argentine de la compagnie Bioceres, qui produit du blé résistant à la sécheresse et aux sols salins. C'est un exemple de génie génétique qui nous dirige vers une durabilité accrue.
Je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Thomson. Selon vous, quel rôle le système de tarification fondé sur le rendement et le Règlement sur les combustibles propres jouent-ils dans la réduction des émissions du secteur des transports et le renoncement aux hydrocarbures?
Le Règlement sur les combustibles propres est un avantage considérable. Son entrée en vigueur prendra du temps. Il n'a pas un effet immédiat. Au milieu de la décennie, nous commencerons probablement à voir des mesures progressives qui iront au-delà des mesures provinciales actuelles prévues dans le Règlement sur les combustibles propres. C'est très important.
Le système de tarification fondé sur le rendement est davantage destiné aux installations fixes. Il s'agit plutôt d'un système basé sur les installations. La taxe fédérale sur le carbone est l'autre volet du système de tarification fondé sur le rendement et c'est celui qui s'applique au carburant, d'où notre recommandation d'harmoniser la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et la pratique internationale, qui consiste à exempter totalement les biocarburants de la taxe sur le carbone.
À l'heure actuelle, toute essence et tout diesel dont le contenu renouvelable est supérieur à 10 % et 5 %, respectivement, est exempté. Il y a donc beaucoup d'essence et de diesel dont le contenu renouvelable est inférieur à 10 % et 5 %, respectivement, qui sont actuellement taxés par le gouvernement. Il n'y a aucune raison de les taxer. Ce n'est pas une pratique exemplaire à l'échelle internationale. Ce n'est même pas une pratique courante.
Vous avez expliqué en détail certaines de vos réserves concernant la compétitivité à la suite de l'entrée en vigueur de l'IRA. De toute évidence, c'est une question que le Canada doit examiner de très près. À votre avis, quel est le niveau d'urgence de certaines des mesures que vous avez proposées au comité et ailleurs qui doit être pris en compte dans la réponse du Canada?
Nous avons également fait ces recommandations dans notre mémoire prébudgétaire.
Il y a urgence. J'ai dit que ces dispositions très troublantes entreront en vigueur en 2026. Il faut cinq ans pour construire les types d'installations qui produisent ces combustibles et ce sont des projets d'un demi-milliard de dollars. Si une menace pèse sur votre marché dans deux ou trois ans et vous ne savez pas si elle sera résolue par une mesure commerciale, vous ne donnerez tout simplement pas le feu vert au projet. Cela aura un effet paralysant dès maintenant, d'où l'urgence de comprendre comment le gouvernement peut contrebalancer les dispositions de l'IRA et assurer la parité aux promoteurs de projets au Canada.
D'après mes conversations, il semble que ce soit une préoccupation générale. Je m'attends à ce que le secteur pétrolier et gazier conventionnel et le secteur des combustibles non fossiles vous en parlent.
Si ces investissements n'ont pas lieu au Canada, quel effet pensez-vous que cela aura sur la capacité du pays à atteindre ses cibles de réduction des émissions d'ici 2030 et à atteindre la carboneutralité d'ici 2050?
Il est concevable que nous puissions encore les atteindre. Nous dépendrions fortement des produits importés. Étant donné les problèmes de chaîne d'approvisionnement à l'échelle mondiale et les préoccupations générales concernant la sécurité énergétique, je crois qu'aucun d'entre nous ne penserait qu'il est dans notre intérêt de dépendre des importations pour nos combustibles propres. Cela ne fera que retarder l'atteinte des cibles.
Vous ne pouvez pas maintenir le soutien aux technologies axées sur les combustibles propres — et aux technologies propres tout court — à moins que les Canadiens ne voient que cela entraînera des emplois ou des investissements. Ils veulent les voir dans leur collectivité. Ils ne veulent pas les importer et les payer.
Je vais poser une question à Mme Rancourt et une autre à M. Smith.
Madame Rancourt, on parle toujours de la biomasse résiduelle. Dans quelle mesure les biocarburants peuvent-ils contribuer à réduire la dépendance au diésel des collectivités rurales et éloignées du Canada, notamment les communautés autochtones?
De notre côté, nous nous intéressons surtout à la chauffe directe, parce que, comme on l'a mentionné, c'est ce qui offre le meilleur rendement énergétique. Plus il y a de transformation, plus il y a d'émissions et plus on a besoin d'un apport en énergie et d'un apport financier. Nous essayons donc de promouvoir la chauffe directe.
Cela s'applique très bien aux communautés dans le Nord, parce que le chauffage constitue un grand besoin pour elles. Aussi, lorsqu'il fait très froid et qu'Hydro‑Québec ne peut pas répondre à la demande dans les périodes de pointe, cela vient atténuer ce problème.
Pour ce qui est des biocarburants liquides, je ne suis vraiment pas experte là-dedans. Je sais que certaines personnes dans la salle en savent beaucoup plus que moi à ce sujet. De notre côté, nous nous spécialisons dans la biomasse solide que l'on brûle pour le chauffage direct.
Monsieur Smith, quelles mesures le gouvernement fédéral pourrait-il mettre en place pour encourager la mise au point de nouveaux produits issus de la biomasse forestière?
Beaucoup de choses pourraient être faites. Il y a un potentiel pour l'ajout de nombreuses nouvelles technologies. Dans mon domaine, nous commençons seulement à ouvrir la porte à ce potentiel, et il existe de nombreuses technologies possibles. Ce qu'il nous faut, c'est du financement pour effectuer cette recherche, pour que les matières puissent se rendre jusqu'à la recherche appliquée, et finalement vers les marchés. Cela nous aiderait.
Pour ce qui est du soutien, peut-être, aux entreprises en démarrage, nous devrions reconnaître l'importance de ce secteur et aider ces entreprises à avancer rapidement afin qu'elles atteignent la stabilité le plus vite possible.
Monsieur Thomson, vous recommandez l'instauration d'un crédit d'impôt pour la production de carburant à faible teneur en carbone. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail comment vous aimeriez que le crédit d'impôt soit appliqué?
J'ai une question connexe. Vous recommandez également de convertir le crédit d'impôt à l'investissement pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone que propose le gouvernement en un crédit d'impôt lié à la production. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail comment cela favoriserait la production de biocarburants?
Certainement. Un crédit pour la production de carburants propres correspondrait à ce qui est en place aux États‑Unis. Cela nous donnerait des dispositions pour les carburants comme le diesel renouvelable, le carburant d'aviation durable et les combustibles synthétiques fabriqués à partir du captage direct dans l'air, entre autres, dans un objectif d'harmonisation avec les dispositions prévues aux États‑Unis. Les Américains ont joint des dispositions relatives à l'intensité carbonique à leurs incitatifs, ce qui est bien. Lorsqu'on veut favoriser des carburants à teneur réduite en carbone, alors les taux doivent être plus élevés, et c'est approprié.
Ce serait inscrit dans la Loi de l'impôt sur le revenu et cela ne ferait donc pas l'objet d'un enjeu politique, pour tout dire. Tous les secteurs des carburants — qu'ils soient conventionnels ou de remplacement — nous disent que la stabilité de la politique et du signal est sans contredit la chose la plus importante de toutes, en plus du niveau.
Les Américains proposent de mettre le programme en place pour trois ans. Nous proposons d'en mettre un en place pour presque une décennie afin qu'il y ait un avantage à long terme.
Ces programmes, soit dit en passant, ont habituellement une incidence sur le prix du carburant, alors les Canadiens auraient accès à des carburants moins chers. Nous n'augmentons pas le coût des carburants.
Évidemment, le gaz naturel est une matière première importante dans la production d'engrais. C'est la fixation du gouvernement actuel sur la réduction des hydrocarbures qui est à l'origine de cette idée de réduction de l'utilisation des engrais, mais il y a bien d'autres choses que l'on peut faire dans le domaine de l'agriculture.
Monsieur Saik, des initiatives voient le jour, et je crois que vous les avez probablement vues. Par exemple, il y a la gestion des gaz d'échappement et l'enfouissement du CO2 dans le sol. J'aimerais que vous nous parliez de ces initiatives et de l'importance des autres stratégies que vous voyez dans le secteur agricole.
Je pense qu'il est important de comprendre que dans chacune de nos respirations — cela me rappelle les paroles d'une chanson —, il y a 78 % d'azote inerte. Le procédé Haber‑Bosch transforme cet azote inerte en engrais, lequel compte pour 50 % des protéines de chaque homme, femme et enfant sur la planète. On peut aussi se demander comment entretenir la vie sur Mars, où il n'y a que 2,6 % d'azote inerte.
En ce qui concerne ce que nous pourrions faire en agriculture, j'ai déjà parlé de certaines des initiatives possibles. Notre capacité d'utiliser les inhibiteurs d'azote pour réduire la conversion des engrais en urée ou en oxyde nitreux est importante. Notre capacité d'inclure des agents de réduction du méthane dans l'alimentation du bétail... Il y a des agents de réduction du méthane qui font actuellement l'objet de recherches et qui peuvent réduire la quantité de méthane ou les éructations des bovins de 50 à 75 %. Les extraits d'algues sont l'un de ces agents. Encore une fois, si vous incitez les agriculteurs à faire ces choses, ils trouveront des façons de les faire.
Selon moi, la chose la plus importante que nous puissions faire, c'est de cultiver davantage. Il faut 3,3 livres d'azote pour cultiver un boisseau de canola, et 1,5 livre d'azote pour cultiver un boisseau de maïs. Plus on cultive du maïs, paradoxalement, plus on a de masse racinaire et de séquestration de carbone.
L'idée de réduire les émissions d'oxyde nitreux en agriculture est louable, mais toutes les discussions... Si nous nous engageons dans cette voie et que nous n'obtenons qu'une réduction de 0,0028 % au Canada, alors ce n'est pas la voie que nous devrions suivre. Nous devrions miser sur d'autres initiatives qui rendent nos agriculteurs plus productifs, et non pas sur des politiques punitives pour la production agricole au Canada.
Certaines de ces autres technologies sont, bien sûr, dans le domaine de l'agriculture de précision. J'aimerais, dans le peu de temps qu'il nous reste, que vous nous disiez brièvement où cela peut mener.
Nous utilisons la technologie des satellites ou la technologie de télédétection pour créer des cartes-index de la biovégétation. Nous prenons des échantillons de sol en fonction des zones qui figurent dans ces cartes-index de la biovégétation. Les satellites nous permettent d'obtenir les cartes. Nous allons sur le terrain et effectuons des analyses de sol; ensuite, des agronomes comme moi font des recommandations selon la quantité d'engrais que nous voulons atteindre, en fonction d'une cible de rendement. Nous plaçons cela dans des semoirs pneumatiques, et lorsque les semoirs pneumatiques parcourent le champ grâce au guidage par GPS, ils règlent la quantité d'engrais nécessaire pour atteindre la cible de rendement.
Monsieur Thomson, l'une des meilleures façons dont nous pouvons réduire rapidement les émissions nettes provenant des champs est d'accroître l'utilisation des biocarburants. Pourriez-vous nous parler de l'importance des biocarburants dans la transition vers une économie carboneutre?
En gros, les biocarburants sont indispensables. On établit des modèles à l'Institut climatique du Canada, à l'Agence internationale de l'énergie, à la California Environmental Protection Agency et au California Air Resources Board. Ils nous disent tous qu'il y aura beaucoup de moteurs à combustion interne, comme je l'ai déjà mentionné. Lorsqu'on démarre un véhicule, 75 % des gaz à effet de serre qui sont émis proviennent du pétrole qu'il contient. La seule façon de remédier à ces 75 % d'émissions, c'est de passer à un combustible non fossile, soit au gaz naturel renouvelable, au biocarburant ou à un carburant synthétique provenant de la capture directe dans l'air.
Étant donné que ces 75 % d'émissions sont liés au transport et à d'importantes flottes de moteurs à combustion interne, nous ne pouvons pas les faire fonctionner avec des combustibles fossiles. Même si les émissions de carbone de ces combustibles fossiles sont légèrement inférieures en raison de la technologie, il faut vraiment faire la transition, et c'est pourquoi l'électrification est si importante pour ce qui est des véhicules légers. Pour les véhicules lourds, c'est plus difficile. Le transport maritime, le transport aérien, le transport ferroviaire et le camionnage sur longues distances sont considérés comme des secteurs où les biocarburants et les carburants synthétiques seront essentiels pendant des décennies.
Monsieur Smith, j'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite en réponse à la dernière question concernant la biomasse et les technologies. Quel rôle le gouvernement peut-il jouer pour que les technologies qui sont actuellement développées puissent être étendues et avoir une incidence réelle dans le monde?
Comme toujours, il y a le soutien financier, qui est nécessaire si l'on veut qu'elles soient déployées à grande échelle. Ce n'est pas toujours facile. J'ai réussi à mener un certain nombre de résultats de recherche jusqu'aux étapes des technologies et aux produits comme tels, mais un certain nombre de ceux qui me semblaient prometteurs n'ont pas abouti. Il y avait tout simplement quelque chose qui manquait à une étape du processus.
Si jamais on a quelque chose de prêt, mais que la bonne entreprise se fait attendre, ou qu'une entreprise pourrait être la bonne, mais qu'elle n'a tout simplement pas le soutien nécessaire... Elle ne prend pas d'expansion, entre autres. Rien ne la fait avancer. Encore une fois, il faut reconnaître l'importance de certains de ces secteurs et la nécessité d'agir pour que cela fonctionne.
Ce serait bien si nous avions quelqu'un à qui parler — car chaque situation peut être unique —, à qui nous pourrions dire: « Nous sommes actuellement dans telle situation, nous avons cette technologie et cette entreprise, mais il manque un élément important. Pourriez-vous nous le fournir? »
Ce n'est pas toujours pareil. Une politique uniforme ne fonctionne pas toujours.
Monsieur Saik, pourriez-vous revenir à votre dernier point et expliquer au comité de quelle façon différents types de techniques agricoles de précision qu'utilisent déjà des milliers d'agriculteurs peuvent contribuer à réduire considérablement les émissions?
Encore une fois, je pense que cela nous ramène à des éléments fondamentaux sur le plan de la durabilité. Le premier est la qualité du sol. Le deuxième est l'utilisation efficace de l'eau. Le troisième est le bilan des émissions de gaz à effet de serre. Le quatrième est la viabilité des exploitations agricoles. Pour les programmes que nous mettons en place, les exploitations agricoles doivent être viables.
Le cinquième élément, c'est l'amour. Les agriculteurs aiment leur bétail. Ils aiment leurs terres. C'est intergénérationnel. Nous devons reconnaître que les activités agricoles et l'agriculture sont une question d'apprentissage, de désapprentissage et de réapprentissage. Les technologies se développent à une vitesse folle. Je crois que l'un des talons d'Achille, croyez-le ou non, pour ce qui est de rendre l'agriculture plus durable, ce sont les services Internet à large bande. Nous avons besoin de la large bande partout au pays.
Je vous remercie de ces témoignages très intéressants sur ce qui peut être fait dans le secteur agricole pour réduire les émissions. Je tiens à remercier encore tous les témoins, ainsi que les membres du comité pour leurs excellentes questions.
Il n'y aura pas de séance du comité ce vendredi, car nous avons une réunion du comité de direction. Nous nous reverrons donc après la pause de l'Action de grâces.