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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 119 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 septembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1030)

[Français]

    J'allais souhaiter la bienvenue...
    Excusez-moi, monsieur le président, mais j'aimerais obtenir une clarification.
    Est-ce que le ministre va être ici mercredi?
    Oui, il va être ici.
    Est-ce que sa présence est confirmée?
    Oui, c'est confirmé. Il sera ici assurément, à moins qu'il ait un empêchement.
    J'allais souhaiter la bienvenue à vous tous et toutes après une longue pause pendant l'été, mais, puisque nous nous sommes vus récemment, j'ai déjà eu l'occasion de le faire.
    Aujourd'hui, M. Godin est ici en remplacement de M. Leslie, je présume, tandis que M. Martel remplace M. Deltell. M. Boulerice, qui participe à la réunion par vidéoconférence, remplace Mme Collins. M. Drouin remplace M. van Koeverden. Enfin, M. Simard accompagne Mme Pauzé.
    Évidemment, vous connaissez les mesures mises en place pour prévenir les accidents acoustiques. Par exemple, lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la déposer sur l'autocollant prévu à cette fin sur votre pupitre.
    Nous avons aujourd'hui une longue réunion, qui se terminera à 13 h 30 et au cours de laquelle nous recevrons trois groupes de témoins.
    Pour commencer, nous recevons Mme Justina Ray, qui est présidente de la Wildlife Conservation Society of Canada et scientifique chevronnée au sein de cette société. Nous recevons également M. Martin Bouchard, qui est directeur de l'Association québécoise des entrepreneurs forestiers. Nous recevons aussi trois représentants de la Confédération des syndicats nationaux, soit M. Yvan Duceppe, trésorier de la CSN, ainsi que le conseiller politique Julien Laflamme et la conseillère syndicale Isabelle Ménard. Enfin, nous recevons deux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, soit M. Denis Bolduc, qui est le secrétaire général de la FTQ, et M. Patrick Rondeau, qui est conseiller syndical en matière d'environnement et de transition juste.
    Pour chacune des allocutions d'ouverture, vous disposez de cinq minutes.
    Nous allons commencer par vous, madame Ray. Vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je remercie le Comité de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Je m'appelle Justina Ray, je suis présidente et scientifique principale de la Wildlife Conservation Society Canada, mais je suis également professeure auxiliaire à l'Université de Toronto et à l'Université Trent. Je suis biologiste de la faune de formation. Je travaille sur différents aspects du caribou depuis près de 20 ans en menant des recherches sur le terrain en Ontario; en dirigeant des évaluations de l'état du caribou pour le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC; et en conseillant les gouvernements provinciaux et fédéral sur le rétablissement du caribou et son habitat essentiel.
    Mes observations d'aujourd'hui porteront directement sur le premier point de l'étude du Comité: les menaces qui pèsent sur le caribou et les mesures qui peuvent être prises pour le protéger. Je vais expliquer pourquoi le décret d'urgence proposé n'est pas une intervention radicale; pourquoi les preuves scientifiques existantes sont suffisantes pour agir; et pourquoi cette intervention, bien qu'elle soit nécessaire pour rétablir les populations de caribous, n'est qu'une mesure provisoire.
    Tout d'abord, d'après mon examen des données existantes, le décret d'urgence est non seulement justifié, mais il aurait pu être élargi pour les caribous. Il cible trois populations de caribous forestiers au Québec qui présentent un risque d'extinction exceptionnellement élevé, mais nos données probantes montrent que le décret aurait pu être appliqué à d'autres populations du Québec qui sont également en danger. De plus, la portée du décret est minime puisqu'elle vise des domaines d'intérêt limités dans chaque zone ou aire de répartition, et les interdictions ne restreignent pas tout. Par exemple, elles ne limitent pas les activités minières. Dans l'ensemble, l'intervention proposée pour le rétablissement du caribou est une réponse limitée à une situation d'urgence bien documentée.
    Mon deuxième argument est que ceux qui ne sont pas à l'aise avec les résultats des évaluations scientifiques emploient souvent la tactique de demander des études supplémentaires. Je vous conseille fortement de ne pas capituler devant ce discours. Le caribou forestier est l'une des espèces fauniques les mieux étudiées au Canada. La recherche montre constamment que les perturbations de l'habitat entraînent un déclin des populations. Ce lien a été documenté à maintes reprises dans de multiples administrations canadiennes et reconnu par les gouvernements, y compris celui du Québec.
    Effectivement, des biologistes du gouvernement du Québec ont effectué, selon les normes les plus élevées, les relevés de population qui constituent la base de cette évaluation. Ces relevés ont produit des données de grande qualité qui donnent un portrait clair de l'état des populations de caribou forestier dans la province. De même, la perte et la dégradation de l'habitat dans ces zones sont très bien documentées. Les trois populations visées par le projet de décret d'urgence ne cessent de voir leur habitat rétrécir à un point tel que des estimations plus précises ne changeraient pas le diagnostic global de la situation. Il reste très peu d'habitats, quels qu'ils soient, dans ces trois aires de répartition. Des analyses d'habitat plus poussées ou détaillées ne sont donc pas nécessaires. Dans la même logique, un report de l'intervention sous prétexte de vouloir obtenir plus de données ne fait qu'accroître le risque de pertes irréversibles et rend les efforts futurs plus coûteux et complexes si votre objectif est de rétablir les populations de caribous.
    Mon troisième argument, c'est que le décret d'urgence proposé est fondamentalement une mesure provisoire d'urgence visant à faire face à une crise immédiate. Il s'agit d'une étape critique et urgente pour prévenir d'autres déclins pendant que des solutions systémiques permanentes sont élaborées et mises en œuvre. Il est important de souligner que ni le Canada ni le Québec n'ont déclaré que la prévention de l'extinction à elle seule suffit, pas plus qu'ils n'ont dit que d'autres facteurs devraient justifier la perte de ces populations. Ils soutiennent toujours qu'ils veulent des populations autosuffisantes, mais les mesures concrètes se limitent à peu près au programme de surveillance lancé en 2017. Notre vaste expérience nous enseigne que ces retards continus réduisent les chances de réussite et entraîneront des coûts plus élevés à long terme.
    En conclusion, les preuves scientifiques à l'appui de la nécessité d'une intervention d'urgence sont claires et convaincantes. Par conséquent, le décret d'urgence proposé n'est pas une réaction excessive, mais plutôt une réponse nécessaire et proportionnée à une crise qui se prépare depuis des années — si, je le répète, l'objectif est de rétablir les populations de caribous pour qu'elles soient autosuffisantes. La situation n'est pas unique au Québec. Des défis semblables existent partout au Canada où les populations de caribous forestiers sont en déclin et ont atteint ou sont en voie d'atteindre un statut d'urgence.
    C'est tout. Merci beaucoup.
(1035)
    Merci, madame Ray.
    Nous passons maintenant à Martin Bouchard, de l'Association québécoise des entrepreneurs forestiers.

[Français]

    Chers membres du Comité, participants et participantes, l'Association québécoise des entrepreneurs forestiers, ou AQEF, vous remercie de l'occasion qui lui a été donnée de vous faire part de ses commentaires sur le décret d'urgence pour la protection du caribou forestier.
    L'AQEF est née d'un désir des entrepreneurs forestiers d'être reconnus, consultés et entendus, car il s'agit quand même du premier maillon de la chaîne d'approvisionnement dans l'aménagement durable et responsable de nos forêts. Fondée en juin 2021, notre association compte, si l'on inclut une trentaine de membres associés, au-delà de 150 membres entrepreneurs actifs, alors qu'on estime que 500 membres forment maintenant ce groupe au Québec. Ce sont tous des gens grandement vaillants, qui sont passionnés par cette belle et grande ressource aux multiples fonctions qu'est la forêt et qui adoptent une approche intégrée, ouverte et respectueuse.
    Par notre présence aujourd'hui, nous souhaitons attirer votre attention sur les préoccupations importantes liées au projet de décret visant à protéger les caribous, dont les implications potentielles pourraient avoir des répercussions considérables, voire désastreuses, sur notre secteur d'activité et sur les dizaines de communautés qui en dépendent.
    Nous comprenons et partageons la préoccupation générale pour la conservation de la faune et la préservation de notre environnement naturel. Les caribous sont en effet une espèce emblématique, et il est bien justifiable de prendre des mesures appropriées pour leur protection. Toutefois, il est essentiel que les décisions relatives à leur protection soient équilibrées et qu'elles tiennent compte des répercussions qu'elles génèrent plus largement sur le plan économique, social, environnemental, et même culturel.
    Selon les informations disponibles et rapportées, le projet de décret visant à créer des zones de protection accrue pour le caribou dans certaines régions forestières du Québec, soit Val‑d'Or, Charlevoix et Pipmuacan, pourrait entraîner des restrictions sévères pour les activités d'aménagement forestier, notamment la suspension de l'exploitation dans des zones clés désignées comme des habitats critiques pour les caribous.
    Vous l'avez sans doute déjà entendu de la part d'autres intervenants dans le cadre de vos travaux, mais je répète que le gouvernement fédéral et le forestier en chef du Québec évaluent tous deux à 4 % les pertes annuelles de possibilités forestières, soit les volumes de bois récolté. Cela équivaut à 1,4 million de mètres cubes de moins par année. Ces pertes estimées sont supérieures à celles entraînées par les feux de forêt de l'année de misère qu'on a connue l'an passé.
    Les médias ont largement diffusé les résultats d'une analyse d'impact produite par Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada en août dernier. Selon celle-ci, une pareille diminution des possibilités forestières représenterait une perte de 670 millions à 895 millions de dollars sur 10 ans pour l'économie québécoise, aurait des contrecoups dans au moins 28 communautés et toucherait 1 400 travailleurs.
    Comme l'a relaté Radio‑Canada, notamment, cette analyse produite par le fédéral dresse une liste de 35 scieries qui pourraient être directement touchées par le décret d'urgence, ainsi que 10 usines de fabrication de produits de bois, trois usines de pâtes et papiers, deux installations de cogénération et de produits énergétiques, et trois autres entreprises de type coopératif. Au total, il s'agit de 53 entreprises.
    Or, cela semble omettre manifestement un acteur de premier plan agissant depuis le parterre et jusqu'à l'usine, c'est-à-dire les artisans de la forêt que sont les entrepreneurs forestiers. Depuis des générations, ces véritables petites entreprises s'associent avec des gens passionnés qui aiment l'aménagement forestier et qui en vivent au sens large. Les priver de 1,4 million de mètres cubes de bois, c'est menacer toutes ces entreprises de fermeture et de faillite.
    En récolte seulement, si l'on considère qu'une entreprise type a un volume annuel moyen de 60 000 mètres cubes, a investi 2 millions de dollars ou plus dans de l'équipement moderne se constituant d'une abatteuse, d'un transporteur, de trois camionnettes et d'un camion, et compte une équipe de cinq à six employés, y compris le propriétaire, c'est au moins 25 entreprises de récolte qui, en étant privées de plus de 49 millions de dollars de revenus par année, seront sérieusement menacées de fermeture ou de faillite ou seront contraintes de se réorienter.
    C'est sans compter toutes les personnes qui travaillent en voirie ou dans le chargement et le transport de cette ressource renouvelable, qui en subiront tout autant les conséquences, assurément.
    Par extrapolation, il est aisé d'estimer au double les conséquences directes pour nos entrepreneurs forestiers si l'on maintient l'approche d'un cocon hermétique. Nous sommes convaincus que ces restrictions compromettront la viabilité de nombreuses entreprises. Elles entraîneront des pertes d'emplois de qualité, une diminution importante des flux de trésorerie entre les entreprises et, forcément, une forme de dévitalisation de plusieurs communautés qui dépendent largement des activités forestières, ce qui réduira du même coup leur qualité de vie et leur capacité à soutenir des infrastructures et des services locaux.
    Il ne faut surtout pas oublier que l'entrepreneur forestier vit, investit et s'implique dans sa communauté. Il est un vecteur de vitalité et de dynamisme à l'échelle locale. Il paie des taxes, fait des achats, donne des commandites et fournit du travail de qualité à des gens, qui peuvent ainsi pourvoir aux besoins de leur famille et, à leur tour, dépenser chez eux et habiter de manière satisfaisante un lieu d'appartenance actif.
(1040)
    Bref, l'idée que nous voulons faire valoir ici, c'est que tout est interrelié, comme vous le savez sans doute, et qu'il faut éviter l'exode et l'appauvrissement du Québec et des régions dans leurs créneaux d'excellence...
    Monsieur Bouchard, votre temps de parole est écoulé, malheureusement, mais vous aurez l'occasion de répondre à des questions et de faire valoir tous les éléments que vous vouliez faire ressortir.
    Nous passons maintenant à la CSN.
    Monsieur Duceppe, vous avez la parole.
    Dans un premier temps, je vous remercie beaucoup de nous recevoir aujourd'hui.
    Vous le savez peut-être, mais la CSN représente plus de 330 000 membres de tous les secteurs au Canada, et je tiens à mentionner que nous représentons beaucoup de travailleurs du secteur forestier.
    Parlons des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui.
    Bien sûr, il y a le fait que le gouvernement du Québec n'a pas réagi comme il aurait dû réagir. Nous attendons depuis déjà quelques années qu'il dépose un plan pour la protection du caribou. Malheureusement, on reporte cela d'une fois à l'autre. Nous ne sommes pas ici pour nous opposer au décret d'urgence, car nous pensons qu'il y a véritablement urgence. Cela dit, idéalement, nous souhaiterions que ce soit toujours des ententes négociées avec les provinces, dans la mesure du possible. Je comprends que, dans ce cas-ci, cela n'a pas pu avoir lieu.
    Si nous participons aujourd'hui aux travaux de ce comité, c'est parce que nous sommes conscients que l'application de ce décret va avoir des répercussions. Pour protéger les caribous, évidemment, il faut couper moins de bois. Cela a été démontré par les scientifiques. C'est essentiel. Au-delà de cela, ce que nous avons devant nous, c'est surtout une illustration patente de la nécessité d'effectuer une transition juste. C'est fondamental. Le gouvernement fédéral lui-même a signé une entente, lors de la COP27, en faveur de la transition juste. Nous comprenons que c'est souvent relié au pétrole, au charbon, et ainsi de suite, mais cela ne s'y limite pas. Cela touche aussi la forêt, dont nous parlons en ce moment, et il peut aussi y avoir des effets sur d'autres secteurs, comme le récréotourisme et les pêcheries. Nous pensons qu'un plan de transition juste est fondamental pour maintenir une protection sociale et atténuer les conséquences à la fois pour les travailleurs et les communautés.
    Alors, nous disons oui à un décret d'urgence, mais il faut prévoir ce genre de choses.
    Par exemple, si des travailleurs sont touchés, pourquoi ne pas leur offrir de la formation pour qu'ils puissent devenir plus polyvalents et se réorienter? On pourrait prévoir une mesure transitoire pour les travailleurs qui auraient de la difficulté à se réorienter.
    Nous sommes conscients que ce décret risque d'entraîner une baisse des possibilités forestières. Par exemple, j'ai entendu le forestier en chef du Québec présenter des données et parler de pertes importantes. D'autres données indiquent toutefois que la situation pourrait être un peu moins grave. Je ne nie pas qu'il y aura des conséquences, mais il faudrait peut-être un lieu plus neutre pour mesurer concrètement les pertes qui seraient engendrées.
    À notre avis, pour trouver des solutions, il va falloir une collaboration interministérielle et intergouvernementale, parce que cela va impliquer plusieurs chantiers. Il va falloir aller de l'avant, et cela inclut l'industrie forestière elle-même. Celle-ci pourrait-elle se concentrer davantage sur les produits à valeur ajoutée, par exemple? On tente d'y arriver depuis de nombreuses années, et il faut continuer dans cette voie.
    Enfin, ce que nous vous disons, c'est qu'il faut prévoir des mesures visant à soutenir les gens comme il faut durant la transition, que ce soit à l'aide de l'assurance-emploi ou de programmes de formation. Il faut trouver des façons d'offrir une aide ciblée aux gens qui seront touchés.
    Pour nous, il y a une transition à faire. Tantôt, on a évoqué les feux de forêt. Nous en sommes conscients, mais ce sont un peu les changements climatiques qui en sont la cause. Alors, il y a une transition à faire à court, à moyen et à long terme, mais nous voulons qu'elle soit juste et qu'elle tienne compte à la fois des travailleuses et travailleurs et des communautés.
    Je vous remercie.
(1045)
    Merci, monsieur Duceppe.
    Je donne maintenant la parole à M. Bolduc, de la FTQ.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, je vous remercie d'avoir invité la FTQ à s'exprimer sur le décret d'urgence visant la protection du caribou forestier, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, ainsi que sur les conséquences engendrées pour les travailleurs et les travailleuses du secteur de la foresterie.
    Pour la FTQ, il s'agit d'un secteur qui représente 15 000 membres, principalement chez Unifor et au Syndicat des métallos.
    Nous sommes reconnaissants à votre comité de nous avoir invités aujourd'hui, évidemment, même si nous n'avons pas vraiment d'éloges à faire au présent gouvernement quant à la gestion du dossier. Depuis 2017, la FTQ s'efforce de convaincre le gouvernement canadien qu'il est urgent de mettre en place une politique sur la transition juste, un concept pourtant consacré sur le plan international et endossé par le Canada dans le cadre de l'Organisation internationale du travail et de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
    En réduisant le débat de la transition juste au seul secteur des énergies fossiles et en créant un imaginaire toxique autour du terme, le gouvernement canadien s'est privé de tous les outils mis à sa disposition pour faire face à une crise telle que celle qu'on vit au sujet du caribou et pour assurer la survie de l'industrie forestière.
    Depuis des années, la FTQ exhorte les différents ordres de gouvernement à se pencher sur les défis de la transition écologique et à la planifier avec ceux et celles qui en subiront les effets, et ce, dans les différents secteurs d'activité économique. L'urgence actuelle de protéger le caribou forestier sans aucun autre plan que de définir des territoires protégés est un exemple parfait de la situation.
    Depuis le début, la FTQ appuie la nécessité de protéger le caribou forestier. La centrale était d'ailleurs présente à la COP15 sur la biodiversité, tenue à Montréal en 2022, et a appuyé l'adoption de l'accord de Kunming‑Montréal, qui vise la protection de 30 % des terres et des océans d'ici 2030. Ces appuis doivent impérativement s'accompagner de mesures de transition juste, et nous l'avons rappelé à maintes reprises au gouvernement fédéral. La FTQ est cohérente quant aux impératifs de la crise climatique et à l'effondrement de la biodiversité, mais elle est également pragmatique quant aux besoins de ses membres et de leur communauté. Une crise ne doit pas en engendrer une autre.
    La FTQ a également reçu favorablement l'adoption de la Loi canadienne sur les emplois durables, mais elle a critiqué le fait que cette loi ne comportait pas véritablement d'éléments de transition juste. En fait, cette loi regarde en avant, mais elle laisse derrière des travailleurs et des travailleuses. Cette loi ne permet pas de préparer la main-d'œuvre à une transition et à une transformation. Le problème du caribou en est un exemple frappant.
    Nous comprenons pleinement la décision d'Ottawa d'agir, puisque Québec ne le fait pas sérieusement. Il y a urgence, et la crise de la biodiversité doit être prise au sérieux. Il ne s'agit pas de sauver simplement une espèce, mais un écosystème entier qui est essentiel aux ingrédients nécessaires à la survie du vivant. Si la crise climatique est une maladie, la sauvegarde de la biodiversité est l'un des remèdes.
    Nous aurions pu être solidaires du présent décret, mais il aurait fallu que les ministres n'aient pas les mains vides de solutions pour les travailleurs et les travailleuses. Depuis maintenant deux ans, nous demandons une réunion conjointe avec Environnement et Changement climatique Canada ainsi que Ressources naturelles Canada. Nous sommes reconnaissants au ministère de l'Environnement de nous avoir rencontrés à ce sujet à quelques reprises, mais nous attendons toujours la tenue d'une réunion conjointe en compagnie des deux ministres concernés. Nous avons soumis plusieurs pistes de solutions et reçu plusieurs signes encourageants, mais aucune mesure concrète n'a été prise.
    Nous sommes conscients que le panier de mesures d'intervention du fédéral au Québec est limité. La FTQ a d'ailleurs toujours demandé qu'on respecte les compétences provinciales. Nous concevons qu'il relève du gouvernement provincial d'agir, ce qu'il ne fait pas. Les paramètres de la transition juste sont clairs et connus du gouvernement fédéral. Il s'agit de mettre en place un dialogue social qui inclut toutes les parties, soit les ministères et les gouvernements concernés, les syndicats, les employeurs et les Autochtones. Cela signifie également d'offrir une protection sociale adaptée à la situation. Dans le cas du décret, cela signifie de repenser l'assurance-emploi, par exemple, de créer un fonds dédié et d'adapter les mesures à la situation actuelle.
(1050)
    La situation du caribou ne s'arrête pas aux kilomètres carrés à définir pour le protéger. Cela passe également par le fait de repenser la forêt et l'industrie forestière.
    Merci, monsieur Bolduc.
    Nous passons maintenant à la période de questions.
    C'est M. Martel qui va entamer le premier tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être rendus disponibles pour cette réunion.
    Ma première question s'adresse à Mme Ray.
    Vendredi dernier, j'étais encore avec les travailleurs forestiers de Boisaco. Si le décret entre en vigueur, la vie de ces travailleurs et de leur famille sera brisée, c'est garanti.
    Même en empêchant l'industrie forestière de mener ses activités dans les zones en question, on ne pourra pas atteindre un taux de perturbation de moins de 35 %.
    Madame Ray, pouvez-vous nous garantir l'autosuffisance du caribou forestier dans ces circonstances?

[Traduction]

    En un mot, non. Je ne peux pas le garantir, parce que mon rôle ici est d'examiner précisément... Dans le contexte de l'objectif de la province et du Canada d'assurer l'autosuffisance des populations de caribous, je ne fais que donner un avis scientifique sur ce qui pourrait être nécessaire.
    Il est bénéfique de l'isoler, parce que si l'on décide plus tard que d'autres...

[Français]

     Excusez-moi, madame Ray, mais je dois vous interrompre. Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Bouchard.
    D'abord, je veux vous dire que j'ai reçu la visite de jeunes entrepreneurs forestiers à mon bureau, l'été passé, à la suite des importants feux de forêt qu'il y a eu. Nous sommes tous au courant de la situation. Ces jeunes entrepreneurs étaient déjà très inquiets des conséquences, étant donné les investissements importants qu'ils avaient faits.
    Pouvez-vous me parler de ces entrepreneurs et de leurs investissements?
    Oui, bien sûr.
    L'environnement d'affaires dans lequel ils évoluent a beaucoup changé. Ils se retrouvent à faire des investissements importants dans leur équipement, sans parler des coûts d'exploitation. Chaque année, on fait des analyses comparatives pour suivre l'évolution des coûts, et on constate que cela leur coûte de plus en plus cher de faire des affaires.
    Comme on le sait, ce sont des gens qui vivent de la forêt de père en fils, qui travaillent dans ce milieu par passion et qui désirent agir dans leur milieu. Or, ces gens ont été frappés par les feux de forêt. Ils voient les possibilités forestières diminuer. Ils font face à l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, comme vous le savez. De plus, il y a des blocus forestiers et les prix du bois d'œuvre qui s'effondrent. Bref, ils se retrouvent entre l'arbre et l'écorce, en quelque sorte. Alors, ils finissent par subir à peu près toutes les conséquences possibles.
(1055)
    Monsieur Bouchard, est-ce que je me trompe en disant que, si le secteur forestier tombe, ce ne sont pas seulement les entrepreneurs forestiers qui vont tomber? J'imagine qu'il y aura aussi des conséquences pour les commerçants qui ont vendu des machines, pour les mécaniciens qui entretiennent ces machines, et ainsi de suite.
    Ai-je raison de dire ça?
    Oui, absolument.
    Quand on parle de flux de trésorerie entre les entreprises, c'est à cela qu'on fait allusion. L'entrepreneur forestier achète et consomme des produits locaux, investit dans sa communauté et la soutient, même. En ce qui nous concerne, il s'agit pour la plupart de petites entreprises comptant cinq ou six employés. Ce sont des entreprises familiales. Les enfants vivent dans leur communauté et sont eux-mêmes des consommateurs locaux qui concourent à la vitalité de leur milieu. C'est certain qu'on viendra déstructurer des régions qui vivent de la forêt, si on adopte cette approche.
    On dit qu'il faut s'asseoir et se parler. Avez-vous participé à des consultations?
     Oui, effectivement. Nous avons aussi pris connaissance...
    J'aimerais entendre vos commentaires sur les consultations auxquelles vous avez participé.
    Entre le fait d'être consulté et le fait d'être entendu, il y a une marge. Bien que nous soyons présentement dans un débat d'urgence, nous avons un peu l'impression, somme toute, que les solutions retenues émanent d'ailleurs et qu'on n'intègre pas nécessairement celles proposées par les gens du milieu et les acteurs sur le terrain. Or, nous croyons que ce serait important de le faire. Nous sommes d'avis que de mettre une cloche de verre sur ces territoires va même un peu à l'encontre des objectifs de décarbonation et de lutte contre les gaz à effet de serre. Si nos forêts sont exploitées, aménagées et utilisées convenablement, nous aurons encore une plus-value.
    Je me demande si l'humain est considéré, dans tout ça. Où est-ce qu'il se situe, là-dedans?
    Veuillez donner une courte réponse, monsieur Bouchard.
    De notre côté, nous sommes d'avis qu'il n'est pas considéré. Nous comprenons la situation, et nous ne voulons pas mettre en opposition l'humain et les autres espèces vivantes, mais nous pensons qu'il est totalement oublié, dans toute l'équation.
    Merci, monsieur Bouchard.
    Merci.
    Madame Chatel, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Effectivement, on ne peut pas séparer l'humain de l'écologie. Les conservateurs comprennent tellement mal la science. Je les inviterais à lire le rapport des scientifiques sur le caribou. Je pense que tout le monde ici, sauf peut-être les conservateurs, est d'accord pour dire qu'on ne peut pas avoir une économie saine sans que l'infrastructure qui la soutient soit saine également, et cela comprend l'infrastructure écologique.
    Comme M. Bolduc le disait tout à l'heure, la solution pour le caribou passe par le fait de repenser la forêt et l'industrie forestière. D'ailleurs, plusieurs des compagnies forestières présentes chez nous en sont déjà là. C'est sûr que les conservateurs ont une approche un peu archaïque, surtout sous l'aspect de la science. Tout compte fait, je pense que l'industrie et les travailleurs sont déjà au rendez-vous. On parlait beaucoup aussi de la Loi canadienne sur les emplois durables. Je pense que nous avons tous le désir d'avancer ensemble, d'aller de l'avant, et non pas de reculer. La voix des travailleurs, c'est souvent la voix de la sagesse.
    Monsieur Duceppe, vous parliez tout à l'heure du fait que le gouvernement du Québec n'a pas réagi, malgré les engagements pris autant par le Québec que par le Canada, à la COP15, en vue d'apporter des solutions.
    Selon vous, quels changements concrets seraient nécessaires pour protéger non seulement la pérennité des emplois des Canadiens et des Québécois que vous représentez, mais aussi notre infrastructure naturelle, entre autres l'habitat du caribou? Quelles sont les solutions, selon vous?
(1100)
    Je vais laisser la parole à mes collègues, mais je tiens d'abord à préciser une chose. Effectivement, il faut une biodiversité en santé. Le problème des caribous, selon nous, est un symptôme d'un problème beaucoup plus grave que la simple question des caribous. Je ne dis pas que la situation des caribous n'est pas grave. Je dis juste que nos travailleurs de la forêt constatent que celle-ci est en train de changer, et nous devons réagir.
    Présentement, notre industrie s'occupe beaucoup de la question et pense à court terme. Nous savons que les caribous sont touchés, mais je tiens quand même à mentionner un dernier point. Il est important pour la suite des choses que les travailleurs, les entrepreneurs, les communautés et tous ceux qui occupent le territoire définissent les solutions à appliquer. Si nous ne parvenons pas à le faire, nous aurons des problèmes.
    Je ne sais pas si Mme Ménard ou M. Laflamme, qui m'accompagnent, peuvent ajouter des éléments de réponse à la question qui m'a été posée.
    Bonjour, tout le monde.
    Bonjour, monsieur le président.
    J'aimerais juste ajouter une chose à ce que M. Duceppe a dit. Je rappelle que, au Québec, il y a eu une commission très importante, soit la commission Coulombe, qui a...
    Attendez un instant, madame Ménard. M. Longfield semble vouloir intervenir.

[Traduction]

    Je ne comprends pas.
    J'en parlais justement à la greffière. Je crois que la qualité du son est insuffisante.

[Français]

    Malheureusement, madame Ménard, la qualité du son n'est pas assez bonne pour que les interprètes puissent bien entendre vos commentaires et en faire l'interprétation. Je ne sais pas si c'est un problème de micro. Il semble que non. Alors, malheureusement, nous allons devoir passer à quelqu'un d'autre. Je ne sais pas si M. Laflamme veut répondre à votre place.
    Est-ce que le son de mon micro est bon? Ma collègue a peut-être le temps de régler ses paramètres audio pendant que je réponds à la question.
    En fait, le temps file.
    Est-ce que quelqu'un pourrait répondre rapidement à la question?
    Je peux y répondre, monsieur le président.
    En fait, monsieur le président, j'aimerais relancer M. Duceppe.
    Monsieur Duceppe, vous avez dit tout à l'heure que les travailleurs voulaient un emploi dans l'industrie forestière non seulement aujourd'hui, mais également demain. Vous avez dit quelque chose de très important: si on ne repense pas la forêt et l'industrie forestière, il n'y aura peut-être plus d'emplois en foresterie demain. C'est à cela qu'il faut penser.
    Nous faisons tous partie de la même biodiversité. Vous disiez que le problème du caribou était un symptôme d'un problème plus large. En effet, cela touche aussi les êtres humains que nous sommes. Notre existence et notre environnement sont en jeu.
    Quelles sont les solutions concrètes? Qu'est-ce que vous avancez à l'industrie forestière pour l'inviter à changer?
    J'aimerais connaître l'opinion de M. Duceppe et de M. Bolduc à cet égard.
    Je vais être bref, et je vais donner la parole à M. Bolduc par la suite, puisqu'il n'a pas encore eu l'occasion de vous répondre.
    Ce qui est important pour nous, c'est la planification à long terme de l'utilisation de la ressource, c'est-à-dire la fibre. Pour que la fibre soit bien utilisée, il faut maximiser sa valeur.
    Historiquement, les usines au Québec produisaient des deux-par-quatre. Pourtant, avec la même fibre, nous pouvons créer de la valeur ajoutée, de manière à assurer la pérennité de l'industrie du bois à plus long terme.
    Si vous me le permettez, je vais à mon tour répondre à la question.
    Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle on ne peut pas nier l'importance de maintenir la biodiversité, nous sommes tout à fait d'accord. Il me semble qu'il s'agit d'une évidence. Cependant, dans la situation actuelle où on souhaite appliquer ce décret d'urgence, nous avons l'impression qu'on oublie les travailleurs et les travailleuses. À la base...
    Je vous remercie. Je dois malheureusement vous interrompre ici.
    Madame Pauzé, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, tout le monde.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Bolduc, je vais vous permettre de terminer votre réponse, parce que ça m'intéresse beaucoup, mais je veux d'abord saluer la présentation faite par les représentants des syndicats. On dit toujours que les syndicats ne s'occupent que de leurs membres, mais je pense que leur présence ici et leurs discours au sujet de la biodiversité démontrent que les syndicats ont aussi une mission sociale, et je tenais à le souligner.
    Monsieur Bolduc, la question de ma collègue Mme Chatel était très intéressante. Vous aviez commencé à y répondre et je vais vous laisser continuer sur votre lancée.
(1105)
    J'allais dire que, à la base, nous plaidons en faveur d'un dialogue pour une forêt durable.
    Au cours des dernières années, le domaine de la foresterie a vécu plusieurs crises, dont celle entourant la protection du caribou, de même que les feux de forêt de l'an dernier. Il y a aussi des crises ponctuelles relativement au bois d'œuvre. La stratégie ne peut pas se résumer à rediriger les gens vers l'assurance-emploi en cas de perte d'emploi. Il faut soutenir ces personnes.
    Nous demandons au gouvernement fédéral de tout mettre en œuvre afin de favoriser un dialogue pour une industrie forestière durable.
     Je vous remercie de votre réponse.
    Je pense que les représentants des Premières Nations ont également plaidé en faveur d'une table de concertation ou d'un partenariat, tout comme le Conseil de l'industrie forestière du Québec. Le chef du Bloc québécois a aussi parlé de cette idée lors d'une conférence de presse tenue il y a exactement une semaine.
    Si ma mémoire est bonne, c'est M. Duceppe qui disait qu'il y avait une différence entre consulter les gens et les écouter. L'idée du dialogue social, que vous et d'autres partenaires avez mis en avant, c'est qu'il y ait un réel dialogue au sortir d'une telle rencontre.
    Je vais faire une comparaison. Pendant les délibérations en vue d'élire un nouveau pape, tout le monde est enfermé et il faut attendre de voir sortir la fumée blanche. Je pense qu'il faudrait faire la même chose avec les différentes parties prenantes, c'est-à-dire les réunir, verrouiller la porte et attendre de voir sortir la fumée blanche.
    Cela dit, j'aimerais que vous nous parliez des emplois durables. Monsieur Bolduc, vous avez raison de dire qu'on ne peut pas simplement donner des prestations d'assurance-emploi aux gens. Je ne me rappelle plus si c'est vous ou M. Duceppe qui avez parlé de la Loi canadienne sur les emplois durables. J'aimerais faire une petite parenthèse: cela devrait plutôt s'appeler la loi sur la transition juste, puisque c'est le terme reconnu par l'ONU. Au Canada, on a préféré camoufler un peu les choses en choisissant pour titre la Loi canadienne sur les emplois durables.
    De quelle façon cette loi ne répond-elle pas à une situation de transition juste dans le secteur forestier?
    Si je comprends bien, c'est à moi que s'adresse la question, n'est-ce pas, madame Pauzé?
     Je vais vous laisser répondre à la question, mais j'aimerais que M. Duceppe y réponde aussi.
    D'accord.
    L'une des critiques que nous avons faites au sujet de la Loi canadienne sur les emplois durables est qu'elle n'abordait pas de plein fouet la question de la transition juste. Nous l'avons dénoncé au moment de l'adoption du projet de loi. Maintenant qu'il a été adopté, on pourrait en faire un outil pour mettre en place ce que nous demandons, c'est-à-dire un dialogue qui inclut toutes les parties.
    Je pense que le comité consultatif nouvellement établi, c'est-à-dire le Conseil du partenariat pour des emplois durables, pourrait nous amener dans cette voie. Dans le cadre d'un dialogue social, nous pourrions fournir au ministre responsable des conseils et des recommandations visant à favoriser des emplois durables.
    Merci.
    Monsieur Duceppe, voulez-vous ajouter quelque chose?
     Je n'ajouterai pas grand-chose, mis à part le fait que cela devrait effectivement être une loi sur la transition juste, comme vous l'avez si bien mentionné, madame Pauzé. C'est la première des choses.
    Deuxièmement, nous croyons à la concertation. Selon nous, il faut inclure toutes les parties prenantes, y compris celles qui vont perdre leur emploi. Pour ces personnes, il s'agit de leur gagne-pain, comme tout le monde l'a mentionné. Il est fondamental d'avoir une vision à long terme pour elles. Comme nous l'avons dit, on ne peut pas mettre en application des lois qui vont « scraper des jobs » — pardonnez-moi l'expression — sans prévoir une façon de procéder. Il faut que tout le monde soit concerté.
(1110)
     Combien de temps de parole me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 30 secondes, madame Pauzé.
    Dans ce cas, je vais laisser le reste de mon temps de parole à quelqu'un d'autre.
    C'est gentil, madame Pauzé, étant donné que notre horaire est assez serré aujourd'hui.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Ray.
    Madame Ray, au cours des dernières réunions, nous avons souvent entendu des représentants des Premières Nations nous dire que, lorsque le caribou forestier est en santé, c'est une preuve que la forêt est en santé.
    À quel point est-il important de protéger l'espèce du caribou forestier pour la vitalité de nos forêts?

[Traduction]

    Sa protection est très importante, parce que le caribou est plutôt sensible à un grand nombre de perturbations humaines, y compris les effets combinés de l'augmentation des incendies et des projets humains comme les routes, par exemple. Ainsi, lorsque les populations de caribous commencent à décliner — elles sont parmi les premières touchées en raison de leur sensibilité —, c'est habituellement un très bon indicateur que d'autres parties moins visibles de l'écosystème commencent également à décliner.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Ray.
    J'aimerais vous poser une autre question. C'est au sujet de l'importance du type de territoire à protéger pour les caribous.
    Ne devrait-on pas travailler sur deux choses, c'est-à-dire non seulement l'interconnectivité du territoire où le caribou peut se promener, mais également le fait d'avoir de vieilles forêts pour le caribou, au lieu de l'envoyer n'importe où dans des milieux constitués de jeunes pousses?

[Traduction]

    Comme je le disais, le caribou est très sensible à la multiplication des perturbations et à la perte d'habitat, alors la meilleure façon de l'aider est de limiter les perturbations sur de plus grandes zones. Il est certain que les forêts plus anciennes et contiguës sont les plus importantes pour les caribous, car une fois qu'elles commencent à se dégrader, le système commence à permettre l'arrivée d'un plus grand nombre de prédateurs et d'espèces pionnières comme l'orignal, le chevreuil et d'autres, ce qui peut ensuite entraîner des niveaux de prédation non durables.
    C'est pourquoi l'habitat devient très important, car plus les zones où se trouvent ces forêts anciennes et matures qui produisent également de la nourriture pour ces animaux sont grandes, mieux l'habitat se porte à long terme.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Ray.
    Nous nous trouvons dans une situation extrêmement intéressante. Beaucoup de ministres, tant du gouvernement du Québec que du gouvernement fédéral, ont participé à des conférences internationales où ils ont fait de grands discours sur les changements climatiques et sur la protection de la biodiversité. Cependant, quand vient le temps de parler d'éléments concrets, nous sentons qu'on hésite un peu et que c'est parfois plus difficile.
    J'aimerais poser une question aux représentants de la FTQ. Je suis désolé, monsieur Bolduc, mais je vais plutôt poser ma question à M. Rondeau.
    Au NPD, nous étions quand même assez contents qu'on propose la Loi canadienne sur les emplois durables, qui aurait pu s'appeler la loi sur la transition juste, mais elle n'allait pas jusqu'au bout de ce que nous aurions voulu faire. Nous étions contents de voir que la place des syndicats autour de la table serait préservée dans le cadre de la conversation sur la transition énergétique et les emplois durables. Cependant, les libéraux ont fait le travail à moitié, de telle sorte qu'aujourd'hui le gouvernement fédéral arrive un peu les mains vides de solutions pour les travailleurs et les travailleuses dont l'emploi est mis en jeu dans la situation actuelle, alors qu'on vise la protection du caribou forestier.
    Que voudriez-vous que nous fassions pour aller plus loin dans la transition énergétique, dans la transition juste, dans la protection des travailleurs et des travailleuses?
    Vous avez tout à fait raison de dire que c'est une loi sur les emplois durables qui s'apparente à des éléments d'une transition juste, mais qui n'en est pas une. Elle n'est pas à l'instar de ce qu'on voit, par exemple, du côté de l'Union européenne, en Afrique du Sud ou en Nouvelle‑Zélande. En fait, il y manque de la rigueur. De plus, on ne fait que regarder en avant, c'est-à-dire que l'on considère uniquement les emplois durables qui sont définis comme des emplois pouvant contribuer à la feuille de route de la carboneutralité, et on abandonne les emplois qui n'y contribuent pas. Ces emplois ne sont pas dans le collimateur. Qui plus est, on ne trouve nulle part dans le projet de loi le mot « transition ». Cela en dit beaucoup.
    Pour faire preuve de rigueur, à la base, on aurait dû avoir en main depuis longtemps une étude d'impact des changements climatiques sur les aspects socioéconomiques et environnementaux de l'industrie forestière en lien avec la protection du caribou. À partir de cette étude d'impact, il aurait ensuite fallu faire des scénarios d'adaptation pour l'espèce et des scénarios de décarbonation, par le fait même. Par la suite, il aurait fallu faire des études d'impact de ces scénarios sur les emplois, apporter les correctifs nécessaires, ainsi que les correctifs pour le territoire. C'est ce qui se fait ailleurs. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. On le voit assez fréquemment du côté de l'Union européenne. Bref, cette rigueur est manquante.
    Par ailleurs, pour faire preuve d'une telle rigueur, on doit impliquer toutes les parties prenantes. Il ne s'agit pas uniquement d'asseoir les gens autour de la table et de voir qui pense à quoi. Le processus implique plutôt de faire les études nécessaires et de réunir les gens autour de la table dans le but de trouver des solutions à la mesure de chacun. Or, c'est ce qui manque.
    Pourtant, on aurait dû apprendre des événements survenus dans l'industrie du charbon. En 2017, Catherine McKenna, qui était alors ministre de l'Environnement et du Changement climatique, a annoncé la fermeture de centrales de charbon à l'horizon 2030. Un an plus tard, des milliers d'emplois étaient perdus en Alberta. Cela s'est produit parce que, encore une fois, on avait annoncé une mesure environnementale sans aucun plan et sans inclure ceux et celles qui en subiraient les répercussions. Ces éléments sont venus seulement plus tard. Même alors, bien que le rapport du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes ait parlé de mettre en place des centres locaux ou régionaux pour avoir cette discussion et planifier la transition, ce n'est toujours pas chose faite.
(1115)
    Merci.
    Il reste seulement 10 secondes à votre temps de parole, monsieur Boulerice. Nous allons donc passer au deuxième tour de questions.
    Puisque nous recevons trois groupes de témoins aujourd'hui, notre horaire est très serré et nous n'avons pas beaucoup de jeu. Je dois donc réduire de 40 % le temps de parole accordé à chaque député. Par conséquent, chacun disposera de trois minutes. Dans le cas des députés du Bloc québécois et du NPD, ils disposeront d'une minute et demie.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de se prêter à l'exercice. Je vais procéder de façon très succincte.
    Madame Ray, ma première question s'adresse à vous et j'aimerais que vous me donniez une réponse très courte.
    Dans votre présentation, vous avez dit que le traitement prévu par le décret n'était pas radical. Je voudrais savoir quelle est la probabilité de réussite du décret proposé.

[Traduction]

    Lorsque nous examinons les données probantes, il n'est pas radical, étant donné l'urgence à laquelle fait face le caribou. Comme je l'ai dit, à la fin...

[Français]

    Excusez-moi, madame Ray, mais ma question est simple: quelles sont les probabilités de réussite de ce décret pour la sauvegarde des caribous forestiers?

[Traduction]

    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire, le décret est une mesure provisoire qui suffit pour conserver le statu quo pendant une très courte période, mais il faudra apporter des changements systémiques.

[Français]

    Merci, madame Ray. J'aurais aimé avoir une réponse plus précise, mais je vais enchaîner.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Bouchard, de l'Association québécoise des entrepreneurs forestiers.
    Monsieur Bouchard, vous avez dit que de nombreuses entreprises subiraient des répercussions directes. En ce qui a trait à l'effet économique sur les régions du Québec, combien de personnes et de villages seront touchés, selon vos estimations, et à quel montant d'argent se chiffreront les pertes subies?
    Dans l'analyse d'impact qu'il a lui-même publiée, le gouvernement fédéral parle de 1 400 travailleurs et de 28 communautés. De notre côté, nous estimons qu'une centaine d'entreprises de petite taille vont assurément subir des répercussions économiques de ce décret. Selon nous, le remède est pire que le mal.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Duceppe, de la CSN.
    Dans votre présentation d'ouverture, vous avez dit que la CSN était favorable au décret d'urgence. Est-ce bien vrai?
    Oui, c'est bien vrai, mais...
    Merci, monsieur Duceppe, c'est bon. J'ai une autre question à vous poser.
    Combien de syndiqués de la CSN sont impliqués dans l'industrie forestière?
     Parlez-vous des syndiqués impliqués relativement au décret?
     Combien d'employés syndiqués de la CSN subiront des répercussions directes ou indirectes du décret d'urgence pour la protection du caribou forestier?
     Il y en a peu qui subiront des répercussions directes, mais, à long terme, il peut y en avoir beaucoup.
    D'accord. Je comprends pourquoi vous approuvez ce décret. Merci beaucoup, monsieur Duceppe.
    Maintenant, je vais m'adresser à M. Bolduc.
    Monsieur Bolduc, c'était de la musique à mes oreilles quand vous avez mentionné que vous n'aviez pas d'éloges à faire au Parti libéral du Canada.
    Maintenant, j'aimerais que vous me parliez de la politique de transition juste.
    Qu'est-ce que la FTQ peut nous suggérer pour que nous soyons encore meilleurs et que nous travaillions pour la sauvegarde à la fois des caribous forestiers et de l'industrie forestière?
(1120)
    Malheureusement, la réponse devra attendre, parce que c'est maintenant au tour de M. Drouin pour trois minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Ray, à la question posée par l'intervenant précédent, M. Godin, au sujet des probabilités de réussite de ce décret, vous avez répondu qu'il s'agissait d'une mesure palliative. Que voulez-vous dire par là?

[Traduction]

    J'ai employé le même terme dans ma déclaration liminaire. Le décret est une mesure provisoire qui vise vraiment à en faire assez pour maintenir le statu quo, mais qui n'est pas suffisante à long terme. Par conséquent, d'autres mesures plus systémiques devront être mises en place.

[Français]

    Évidemment, comme cela a été mentionné par tout le monde, il ne s'agit pas ici d'éliminer des emplois, mais bien de s'assurer d'un équilibre entre la possibilité de vivre de son métier et le fait que ce soit soutenable à moyen et à long terme, pour que les générations futures puissent bénéficier de l'écosystème autant que ma génération et la précédente ont eu la chance de le faire.
    Selon vous, comment peut-on créer cet équilibre pour l'industrie forestière, surtout en tenant compte de la protection du caribou?

[Traduction]

    Plus le temps s'écoule sans que des mesures soient prises, plus il est difficile d'atteindre un équilibre: les mesures nécessaires pour rétablir les populations de caribous d'un état très diminué deviennent de plus en plus coûteuses. C'est la situation très difficile dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
    L'avantage d'avoir une perspective scientifique à ce sujet, c'est qu'elle permet d'évaluer ce qu'il faudra faire pour rétablir les populations de caribous conformément aux objectifs de la province et du gouvernement fédéral. Si on considère que seules des demi-mesures seront possibles, on sait alors si le caribou sera en mesure de subvenir à ses besoins dans ces circonstances.

[Français]

    D'accord, merci beaucoup.
    J'ai maintenant une question qui s'adresse aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
    Vous avez parlé de la transition juste. Vous avez fait allusion au fait que le gouvernement actuel avait présenté un projet de loi principalement lié aux émissions de CO2, et non à la biodiversité. La recommandation que vous feriez à ce comité serait d'avoir un projet de loi semblable, mais qui est aussi relié à la protection de la biodiversité, dans un contexte où le gouvernement est obligé d'agir et de prendre des mesures. On sait que plus on attend, pire ce sera. J'aimerais bien qu'on puisse se mettre la tête dans le sable, mais ce n'est pas une stratégie qui fonctionne. On ne ferait que refiler les problèmes à la prochaine génération.
    Selon vous, il faudrait recommander au gouvernement d'adopter un projet de loi semblable, mais pour la protection de la biodiversité. Vous ai-je bien compris?
    Vous avez 15 secondes pour répondre à la question.
    Mon Dieu, j'aurais refilé la question à M. Rondeau, mais, s'il ne reste que 15 secondes, je pense que nous allons manquer de temps.
    D'accord.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Pauzé pour une minute et demie.
    Dans mon cas, je dispose d'une minute et demie.
    Tantôt, M. Rondeau a dit qu'il aurait peut-être fallu mener une étude d'impact et trouver des solutions basées sur des études. Malheureusement, on n'est pas là. Beaucoup de temps a été perdu.
    Ma question peut s'adresser à M. Rondeau, à M. Duceppe ou à M. Bolduc, par exemple.
    Qu'est-ce qu'on peut faire, maintenant? Quelles sont vos attentes?
    Comme on l'a dit tantôt, il y a différents ministères qui sont impliqués dans le dossier. Alors, minimalement, il faudrait tenir une rencontre interministérielle avec les acteurs concernés, c'est-à-dire l'industrie forestière, les syndicats et les nations autochtones. Ce serait déjà un bon départ.
    Monsieur Duceppe, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je passe la parole à M. Laflamme.
     Je crois qu'on doit aussi agir plus rapidement en amont en matière de formation de la main-d'œuvre. Il existe peu de programmes de reconnaissance des acquis et des compétences pour les gens qui sont déjà en emploi, qui ont déjà certaines connaissances dans leur métier et qui voudraient se former pour obtenir un diplôme dans un autre domaine. La mise en place de tels programmes nécessite de bonifier les transferts aux provinces en matière de formation.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Boulerice.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Ray, vous avez parlé de l'urgence de la situation en ce qui concerne le risque de disparition du caribou forestier.
    Comment pourriez-vous qualifier les mesures et les décisions prises par le gouvernement du Québec à cet égard?
(1125)

[Traduction]

    Dans l'ensemble, le gouvernement a promis pas mal de mesures concrètes — n'oubliez pas que l'objectif est l'autosuffisance des populations. Or, en réalité, la seule mesure importante qu'il a mise en place est le programme de surveillance, qui est très efficace. Sinon, il promet un plan et une stratégie depuis un certain nombre d'années, mais ils ne se sont pas concrétisés. Par conséquent, dans l'ensemble, les actions sont inadéquates.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Ray.
    Monsieur Duceppe, vous avez parlé de maximiser la valeur de la fibre. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour emprunter ce chemin et augmenter la valeur économique de cette ressource naturelle importante qu'est le bois dans le cadre de la décarbonation?
     Regardez un peu ce qui s'est fait historiquement en Scandinavie, où la gestion de la forêt s'est faite de façon plus intelligente, notamment au moyen d'une grande production de bois d'ingénierie. Nous pourrions faire la même chose avec notre fibre de bois. Nous sommes capables de faire des poutres. Nous en faisons déjà, d'ailleurs, je ne dis pas le contraire, mais il faudrait en faire encore plus pour aller de l'avant.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Godin, vous avez la parole pour trois minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Bolduc, comme on l'aura probablement deviné.
    Monsieur Bolduc, pouvez-vous nous en dire davantage sur votre conception de la politique de transition juste?
    Je vais laisser à Patrick Rondeau, conseiller à la FTQ, le soin de vous répondre, puisqu'il est un spécialiste de cette question.
    Merci beaucoup, monsieur Bolduc.
    Merci beaucoup de la question, monsieur Godin.
    En fait, il s'agit de reproduire ce qui se fait à l'étranger. L'Union européenne a mis en place le Fonds pour une transition juste, auquel se rattachent des mécanismes et des commissions. Dans une optique de financement pour la transition industrielle, essentiellement, et la décarbonation de l'économie, le tout repose sur des critères que l'on considère comme justes et qui sont axés sur le dialogue social, sur la protection sociale — dans le cas du Canada, il s'agit de revoir l'assurance-emploi —, sur le travail décent ainsi que sur le droit du travail.
     Merci, monsieur Rondeau.
    Monsieur Bouchard, dans le décret, on indique que les forêts privées seraient exclues. Ne serait-il pas préférable de dire qu'elles seront exclues? Quand on emploie le conditionnel, il y a un doute. Or, le manque de prévisibilité rend les choses difficiles pour les entrepreneurs.
    Quel est votre commentaire là-dessus?
     Nous partageons votre avis. Effectivement, il faudrait être un peu plus affirmatif quant à l'orientation qu'on désire donner au décret.
    On parle beaucoup du réchauffement climatique et des changements climatiques. Les éminents scientifiques d'Ouranos nous disent qu'il y a une migration des différentes espèces vers le nord. C'est un phénomène qui a cours et qui doit être soupesé dans l'ensemble de l'analyse qu'on a à faire pour avoir un meilleur aperçu de la situation. Quant à savoir s'il y a véritablement un déclin, c'est un peu flou. Dans certaines situations, du moins pour les zones visées, et surtout pour Pipmuacan, on n'a pas nécessairement de données comparatives très affirmées.
    Bref, nous ne sommes pas spécialistes dans le domaine, mais je voudrais tout simplement vous indiquer que, chez nous, les gens se posent aussi des questions sur ces éléments.
     Merci.
    Monsieur Bouchard, êtes-vous capable de nous confirmer que les trois groupes identifiés, c'est-à-dire ceux de Val‑d'Or, de Charlevoix et de l'autre région que j'oublie, sont les plus au sud du Canada?
    Je ne suis pas géographe, mais on sait que, dans ces régions, il y a beaucoup à dire. Dans le Pipmuacan, entre autres, c'est...
     Ma question est simple: par comparaison avec d'autres groupes de caribous forestiers, les trois groupes identifiés sont-ils les plus au sud du Canada?
    Oui, tout à fait.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Taylor Roy, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Ma question s'adresse à M. Yvan Duceppe.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que, pour protéger le caribou, il faut couper moins d'arbres. Je pense que nous savons tous — compte tenu du nombre d'accords que nous avons signés sur la biodiversité et du fait que nous avons non seulement une transition, mais aussi la Loi canadienne sur les emplois durables —, malgré les 20 000 motions que les conservateurs ont présentées pour essayer de bloquer les efforts, que nous essayons de faire une transition.
    Le gouvernement du Québec a mis en place plusieurs programmes, y compris certains programmes de recyclage professionnel, des fonds de perfectionnement de la main-d'œuvre, en plus de programmes de diversification communautaires. Je me demande si vous pensez que ces programmes ont eu une incidence sur la transition de la main-d'œuvre et si les entreprises forestières du Québec ont également participé à cette transition que nous savons tous nécessaire.
(1130)

[Français]

    Je vous remercie de votre question, mais je vais demander à mon collègue Julien Laflamme d'y répondre.
    Au moyen de ces programmes, on a réussi à faire des expériences intéressantes. Par exemple, dans des scieries, on a réussi à obtenir la reconnaissance des acquis pour l'obtention d'un diplôme d'attestation d'études collégiales en opération d'équipements de production.
    Ce sont des éléments importants, mais je dirais que ça reste quelques cas de figure...
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Laflamme, mais la qualité du son n'est pas suffisante pour l'interprétation.
     Il vous reste une minute et demie, madame Taylor Roy. Voudriez-vous demander à quelqu'un d'autre de répondre à votre question?

[Traduction]

    Monsieur Duceppe, peut-être que vous ou M. Bolduc avez une réponse sur les efforts déployés par le gouvernement du Québec et les compagnies forestières pour la réorientation des travailleurs.
    Nous savons que c'est un problème depuis 2003, année où le caribou a été inscrit pour la première fois dans la Loi sur les espèces en péril, et nous signons des cadres et des ententes sur la biodiversité depuis les années 1990. Je me demande simplement quels efforts ont été déployés, et si vous pensez qu'ils sont suffisants pour aider les travailleurs à faire la transition vers d'autres domaines dans lesquels ils occuperont des emplois durables à long terme.

[Français]

    Comme l'a dit M. Laflamme, des exemples concrets ont donné des résultats. De notre côté, devant des menaces de fermeture de la scierie de Petit Paris, les gens ont été formés. C'est très bien, nous sommes pour cela, mais ce n'est pas suffisant. Il faut plus de fonds pour répondre à l'ensemble des besoins.
    Merci.
    Je remercie les membres de notre groupe de témoins de cette discussion fort intéressante. Nous allons faire une courte pause pour accueillir le deuxième groupe de témoins, avant de poursuivre la réunion.
    Je remercie encore une fois les témoins. Nous leur souhaitons une très bonne journée.
(1130)

(1135)
    Comme les tests de son ont été effectués, nous sommes prêts à entendre notre deuxième groupe de témoins.
    Chers membres du Comité, veuillez s'il vous plaît prendre place.
    Nous recevons M. Martin‑Hugues St‑Laurent, professeur titulaire en écologie animale à l'Université du Québec à Rimouski, qui comparaît à titre personnel; M. Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques; M. Benjamin Dufour, président de Ripco inc.; et M. Daniel Cloutier, directeur québécois d'Unifor Québec.
    Monsieur St‑Laurent, nous commençons par vous. Vous disposez de cinq minutes pour présenter votre mot de présentation.
    Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à répondre à vos questions. Je suis professeur titulaire en écologie animale. Depuis 16 ans, je dirige un programme de recherche centré sur le caribou, ses prédateurs et ses compétiteurs. Je suis un expert reconnu du caribou au Canada.
    Un décret d'urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril représente un test de notre capacité à gérer sainement et efficacement nos ressources naturelles, à protéger notre biodiversité et à respecter les lois et les règlements, de même que les engagements moraux et éthiques que nous avons pris sur la scène internationale.
    Entre 1989 et 2024, 881 articles scientifiques traitant de la sous-espèce du caribou des bois ont été publiés dans des journaux scientifiques internationaux; 454 d'entre eux traitaient des différentes facettes des populations boréales de caribous. À cela s'ajoute un grand nombre de mémoires de maîtrise, de thèses de doctorat et de rapports gouvernementaux. L'ensemble de ces travaux scientifiques font du caribou une des espèces les plus étudiées au pays, et c'est en se basant là-dessus que les experts du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, dont j'ai fait partie, ont pu évaluer les variations d'abondance, les taux de survie et de recrutement et les trajectoires démographiques des populations; c'est aussi ce qui leur a permis de synthétiser les connaissances relatives aux menaces pesant sur le caribou afin de recommander, dès mai 2002, un statut d'espèce menacée, désignation toujours valide aujourd'hui.
    Malgré la somme de preuves qui font largement consensus dans la communauté scientifique, plusieurs acteurs du milieu investissent d'importants efforts à insuffler un vent de désinformation et de déni de la science dans les médias, contribuant à la polarisation sociale observée relativement à ce défi. Certains de ces individus se sont même présentés devant le Comité afin de relayer des informations incomplètes ou erronées, voire pour mentir, relativement à la situation des populations boréales de caribous au Québec, les causes du déclin et les pistes de solution.
    À titre d'expert, je souhaite vous mettre en garde contre cette campagne de désinformation. La science en connaît plus que ce qui est raconté à votre comité. Établir une voie de sortie négociée, bénéfique au caribou et minimisant les conséquences socioéconomiques sur les communautés forestières, nécessite de reconnaître les preuves scientifiques et d'éviter les raccourcis.
    En forêt boréale aménagée, le caribou décline principalement en raison d'une prédation exacerbée par les perturbations humaines. Les coupes forestières ouvrent et rajeunissent les forêts, offrant des ressources alimentaires accessibles, abondantes, riches et digestibles, appuyant une croissance des populations de proies alternatives, comme l'orignal et le cerf et, conséquemment, des prédateurs du caribou, comme l'ours, le coyote et le loup. Cette réponse est accompagnée d'une augmentation d'efficacité des prédateurs à patrouiller le paysage et à chasser le caribou grâce au dense réseau de chemins forestiers. L'aménagement forestier représente donc le facteur ultime de déclin qui déclenche une cascade d'événements se soldant par une pression de prédation élevée. Ce constat est reconnu par le gouvernement du Québec dans la Revue de littérature sur les facteurs impliqués dans le déclin des populations de caribous forestiers au Québec et de caribous montagnards de la Gaspésie, publiée en 2021.
    Depuis plusieurs années, différentes équipes de chercheurs ont documenté l'importance de l'impact d'autres moteurs de déclins, s'intéressant entre autres à l'impact des changements climatiques passés et futurs. Leurs conclusions sont robustes et font consensus: l'effet des coupes forestières et des chemins forestiers surpasse de loin l'effet des autres moteurs de déclin, dont les changements climatiques, tant dans l'explication des déclins passés que dans la modélisation des changements futurs. D'ailleurs, la science montre que les changements climatiques auront d'importantes répercussions sur l'emploi en foresterie, même sans protection du caribou.
    Il importe de souligner la grande qualité des données issues du suivi des populations de caribous au Québec. Ces données permettent de soutenir la ligne argumentaire du décret d'urgence grâce à une image claire et nette des conditions d'habitat et de l'état des populations. Je souhaite rappeler que les experts ne sont pas que dans les universités, mais aussi dans plusieurs ministères fédéraux et provinciaux avec lesquels nous collaborons. J'ai confiance en l'expertise de ces biologistes et de ces techniciens de la faune.
    À la lumière des connaissances disponibles, il apparaît clair que les mesures mises en place par le gouvernement du Québec depuis plus d'une décennie sont insuffisantes pour assurer le rétablissement du caribou dans la province. J'ai siégé à suffisamment de comités pour évaluer ces méthodes. La pertinence d'un décret d'urgence est amplement justifiée: le gouvernement fédéral ne fait qu'appliquer la loi en l'absence d'une stratégie provinciale jugée suffisamment efficace pour contribuer au rétablissement de l'espèce.
    À mon avis, la proposition de décret pourrait être plus ambitieuse, puisqu'elle représente déjà un compromis. Seules trois aires de répartition sont visées bien qu'une évaluation des menaces imminentes pourrait montrer l'urgence d'agir pour d'autres populations. La superficie visée par le décret reste limitée par rapport à la taille de l'aire de répartition des populations. Une porte semble ouverte à exclure du décret certains types de perturbation, dont les projets d'exploration et d'exploitation de minéraux critiques, malgré les évidences scientifiques liées aux impacts négatifs de l'industrie minière. Par conséquent, le décret s'apparente davantage à un compromis qu'à une stratégie radicale de protection sous cloche de verre.
    Des changements majeurs aux politiques d'aménagement de l'habitat du caribou sont requis, et une réflexion est nécessaire pour arriver à réellement concilier la conservation du caribou et de son habitat avec une exploitation de la forêt qui se voudrait durable et respectueuse de toutes les fonctions, espèces et valeurs de cet écosystème. Toutefois, cet objectif est impossible à atteindre sans influer sur la possibilité forestière et, par conséquent, les emplois et les retombées économiques.
(1140)
     Je comprends tout à fait l'inquiétude et les préoccupations de plusieurs groupes d'intérêt quant à l'application du décret. Il importe de considérer ces répercussions sans perdre de vue l'obligation légale de protéger efficacement le caribou et son habitat.
    Merci beaucoup, monsieur St‑Laurent.
    Nous passons maintenant à M. Vachon.
    Bonjour, mesdames et messieurs les députés, membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
    Je me nomme Luc Vachon et je suis le président de la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous transmettre un message de notre organisation.
    La CSD représente près de 2 000 personnes salariées travaillant directement ou indirectement dans l'industrie forestière. Il s'agit notamment des quelque 400 travailleuses et travailleurs de l'usine Parent et de l'usine L'Ascension du Groupe Rémabec, qui sont situés respectivement dans la région de la Mauricie et dans celle du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
     Depuis l'annonce du décret, les personnes salariées de l'industrie forestière sont très inquiètes. Nous ne pouvons ni appuyer ni accepter la proposition de décret dans sa forme actuelle. L'attention des médias s'est concentrée sur la question du caribou forestier. Or, sans vouloir faire de jeu de mots, on peut dire que le fait de considérer uniquement et spécifiquement le caribou revient en quelque sorte — si vous me permettez l'expression — à se concentrer sur l'arbre qui cache la forêt.
     L'industrie forestière québécoise vit depuis plusieurs années une série de crises. Ce n'est donc pas la première. Pensons notamment aux incendies de 2023, à la hausse constante des coûts d'approvisionnement en bois, à sa perte de qualité et à l'application continuelle de tarifs compensatoires sur le bois d'œuvre par les États‑Unis. Je dirais que l'industrie forestière québécoise est à la veille de connaître une nouvelle vague de fermetures et de consolidations d'usines. Ce ne sera pas la première fois. Plusieurs travailleuses et travailleurs se retrouvent dans une situation où le risque de perdre leur emploi est très élevé. Ces pertes d'emploi auraient en outre des effets catastrophiques sur les communautés où les personnes salariées habitent.
     L'analyse d'impact du gouvernement fédéral le confirme en estimant qu'environ 1 400 emplois seront perdus. À notre avis, c'est bien en deçà de l'impact réel que subiront les communautés. Dans ce contexte, le décret sur le caribou forestier risque d'empirer considérablement la situation ou sonner le glas de l'industrie, qui est déjà très fragilisée. Il est difficile de ne pas être cynique quant à la réelle efficacité du décret quand on apprend que des projets comme ceux d'Hydro‑Québec, voire le projet de mine d'or en Abitibi, pourraient ne pas être assujettis au décret.
    Les gens de l'industrie doivent-ils comprendre qu'ils sont moins importants? Cela suscite des questionnements. La protection du caribou forestier est cruciale. Les travailleurs et les travailleuses de l'industrie forestière sont prêts, s'ils bénéficient de l'accompagnement et du soutien requis, à participer aux efforts pour y arriver. On dit que le caribou est un animal emblématique pour le Québec. Laissez-moi vous dire que les personnes que nous représentons et qui habitent les régions le savent très bien.
     Cependant, il faut aussi tenir compte des préoccupations de ces personnes, ce qu'aucun gouvernement, tant provincial que fédéral, n'a véritablement fait à ce jour. Nous déplorons autant l'inaction du Québec que l'approche de bulldozer d'Ottawa. Même si nous savons que l'intention d'Ottawa n'est pas de punir les travailleurs et les travailleuses du secteur, il reste que ce décret, s'il est appliqué tel quel, risque d'avoir précisément ce résultat.
     Nous refusons que les personnes salariées de l'industrie forestière fassent les frais d'un bras de fer politique entre Ottawa et Québec. Nous jugeons qu'une énième querelle portant sur les compétences de chacun des ordres de gouvernement est stérile et qu'elle nuira autant à l'industrie qu'à la protection de l'environnement. Nous appelons vivement à une collaboration fructueuse entre Ottawa et Québec, à la fois pour protéger le caribou et pour mettre fin à l'insécurité que vivent les personnes salariées de l'industrie forestière, afin que des solutions porteuses, à long terme, soient enfin développées.
    Les 650 millions de dollars que le fédéral serait prêt à offrir à la Colombie‑Britannique dans ses propres efforts de protection de l'environnement l'attestent. Il en va de même pour le Fonds de diversification économique qui a été financé par Ottawa et Québec à la suite de la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly‑2.
    Travailler ensemble, c'est possible et, quand on le fait, cela donne de bons résultats. Nous en appelons plus précisément à une collaboration guidée par les principes d'une transition juste, soit faire évoluer l'industrie forestière québécoise vers une industrie moderne, innovante, résiliente et moins dommageable pour l'environnement. La crise du caribou, plutôt qu'être un obstacle, doit devenir une occasion. Quoi qu'il en soit, les préoccupations et les besoins des personnes salariées doivent se retrouver au centre de ce projet afin de limiter les répercussions et d'offrir une indemnisation adéquate. Plutôt que de voir les travailleurs comme des ressources et de considérer qu'ils n'auront qu'à changer d'emploi, comme si c'était si simple d'y parvenir en région, nous jugeons qu'il faut mettre en avant l'humain et le soutenir adéquatement lors de ces changements.
    Quelles sommes le gouvernement fédéral est-il prêt à investir pour encourager la modernisation de l'industrie forestière...
(1145)
     Monsieur Vachon, il vous faudra fournir cette information au Comité au cours des questions et des réponses.
    D'accord.
    Monsieur Dufour, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui au nom de l'entreprise Ripco. En ma qualité de président de Ripco, je souhaite exprimer mes profondes inquiétudes relativement à la volonté du gouvernement fédéral d'adopter un décret pour la protection du caribou forestier. Les démarches entreprises par le ministre de l'Environnement et du Changement climatique, M. Steven Guilbeault, en juin dernier ont suscité de vives craintes chez nos travailleurs et nos concitoyens. Un tel décret aurait des conséquences catastrophiques et irréversibles pour notre entreprise et pour notre communauté.
     Ripco inc., fondée en 2001, est une entreprise apparentée au Groupe Boisaco; elle est présente sur le site industriel de Sacré‑Cœur. Elle travaille en partenariat avec la compagnie Litière Royal, basée à Québec, dont vous avez également reçu des représentants à ce comité. Nous sommes spécialisés dans la fabrication et la mise en marché de litière équestre, qui est produite à partir des rabotures générées par les usines de Boisaco. L'usine est aujourd'hui à la fine pointe de la technologie après que nous ayons réalisé des investissements importants au cours de trois dernières années. Ripco regroupe huit travailleurs et autant de familles qui dépendent de sa pérennité pour gagner dignement leur vie. Comme toutes les entreprises rattachées au Groupe Boisaco, Ripco est organisée selon un modèle coopératif unique, qui est reconnu dans notre secteur d'activité et partout au Québec. Elle est aussi née de la volonté du Groupe Boisaco de diversifier ses activités en valorisant les matières résiduelles issues du sciage et du rabotage du bois pour créer de nouveaux produits. Ainsi, Ripco fournit des produits d'exception à travers le Canada et les États‑Unis, générant des retombées directes significatives dans notre communauté. Toutefois, nos activités dépendent de la capacité de Boisaco à fournir notre matière première, soit la raboture.
    Vous devez comprendre que, si le décret de M. Guilbault était appliqué, ce ne serait pas seulement Boisaco qui en subirait les conséquences, mais bien toutes les entreprises qui dépendent des matières résiduelles que produisent les usines de sciage et de rabotage de Boisaco, incluant Ripco. Au sujet du projet de décret fédéral, les démarches militantes du ministre de l'Environnement nous mènent toujours plus dans l'impasse. Elles génèrent une polarisation, envenimant un débat qu'il serait nécessaire d'apaiser afin de trouver des solutions justes et équitables. Elles vont aussi à l'encontre des efforts fournis par le gouvernement du Québec pour favoriser une approche graduelle et adaptée à la réalité de chacune des régions concernées.
    Depuis mes débuts en tant que travailleur forestier, en 1998, j'ai pu voir l'évolution des différentes mesures mises en place pour la protection du caribou. À ce jour, des massifs de plusieurs milliers d'hectares de forêts ont été laissés intacts pour la protection du caribou. Aux yeux de certains intervenants, ces massifs toujours en place semblent être invisibles, mais ils sont encore bien présents, bien que certains d'entre eux ont été fortement affectés par l'épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épinette, en plus d'être très vulnérables aux trop nombreux incendies de forêt.
    En tant que citoyen de Sacré‑Cœur, j'ai à cœur sa vitalité. Comme plusieurs de mes amis et confrères, je suis impliqué bénévolement dans le fonctionnement de différents organismes sans but lucratif visant à offrir des services de qualité dans notre communauté. Entre autres, depuis plus de 11 ans, je suis président de la ZEC Chauvin, une zone d'exploitation contrôlée, située aux portes de Sacré‑Cœur. Je peux vous affirmer que, sans les opérations forestières qui ont été faites dans notre ZEC, nous n'aurions pu offrir la qualité de l'expérience dont profitent plus de 500 membres provenant d'un peu partout au Québec. Dans notre ZEC, comme dans les autres ZEC de la Haute‑Côte‑Nord et du Saguenay, Boisaco, par ses opérations forestières, a contribué de façon importante à l'entretien et à l'amélioration des réseaux routiers qui sont essentiels aux utilisateurs dans la pratique de leurs activités en forêt et pour la lutte contre les incendies. C'est un privilège pour ces organisations de pouvoir profiter de ces investissements importants et ainsi d'être en mesure de garder pour leurs membres une accessibilité abordable à leurs services.
    Je terminerai par une réflexion. Quel modèle de société voulons-nous au Canada? Voulons-nous une société où l'on accepte de sacrifier 2 000 familles, violant ainsi leurs droits fondamentaux à une vie digne, ou une société où les décisions se prennent en équilibre entre les sphères sociale, économique et environnementale, soit les trois piliers du développement durable? J'ose croire que la deuxième option est celle qui nous mènera vers des décisions justes et éclairées permettant l'épanouissement de la biodiversité et des communautés humaines.
(1150)
    Merci, monsieur Dufour.
    Nous passons maintenant la parole à M. Cloutier d'Unifor Québec.
    Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie.
    À l'échelle du Canada, Unifor représente 320 000 membres. Présent dans presque tous les principaux domaines d'activités industrielles, il est le plus important syndicat du secteur privé au pays. Plus précisément au Québec, Unifor compte près de 15 000 membres de l'industrie forestière, qui sont à l'œuvre dans toutes les régions, de l'Abitibi-Témiscamingue à la Gaspésie.
     Les travailleurs et les travailleuses que nous représentons participent à l'ensemble des niveaux de transformation et des sphères d'activité du secteur, qu'il s'agisse de sylviculture, d'exploitation forestière, de lutte aux incendies, de transport, de bois d'œuvre, de bois d'ingénierie, de panneaux, d'équipements de sillage, de pâtes, de papiers, de cartons, de cellulose, de granules, d'emballage, de planchers, de meubles, d'armoires de cuisine, de portes, de fenêtres ou d'imprimeries, et j'en passe.
    Depuis plusieurs années, Unifor surveille avec intérêt l'évolution des interventions publiques visant le rétablissement des populations de caribous forestiers et montagnards au Québec. Les initiatives en cours et envisagées en lien avec l'atteinte de cet objectif représentent un enjeu de taille pour l'industrie forestière. De plus, elles sont susceptibles d'engendrer des répercussions importantes pour nos membres.
    Le présent projet de décret constitue à ce jour la mesure de préservation la plus considérable en matière de répercussions potentielles sur les activités forestières de la province et, indirectement, sur l'activité économique que génère l'industrie forestière.
    En 2022, l'analyse réalisée par le forestier en chef du Québec du scénario d'aménagement le plus restrictif évalué par la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards avait chiffré les pertes à environ 824 300 mètres cubes bruts par an pour l'ensemble des sept régions comprises dans l'aire de répartition.
    Cette fois, les calculs du forestier en chef du Québec font état d'une perte de 1,393 million de mètres cubes bruts par an pour les quatre régions touchées, et non les sept, et plus précisément les trois zones instituées dans le cadre de l'accord de l'actuel décret d'urgence. À titre de référence, le volume moyen d'une scierie est d'environ 300 000 mètres cubes.
    Unifor reconnaît que la situation est préoccupante dans le cas de plusieurs des hardes de caribous forestiers et montagnards présentes sur le territoire québécois. Leur vulnérabilité, connue depuis longtemps, constitue une source d'inquiétude majeure. Unifor reconnaît que la hausse du taux de perturbation cumulative dans l'aire de répartition des deux écosystèmes entraîne une réduction de la probabilité de pérennité de la population.
    Si les bouleversements qui affectent les caribous sont variés et que plusieurs ont pour origine des phénomènes naturels ou climatiques, il est établi que certaines perturbations liées aux activités humaines, notamment l'activité industrielle forestière, peuvent concourir à leur affaiblissement.
    Unifor reconnaît donc que le gouvernement québécois a mis en place un éventail de mesures, de plans de rétablissement et de plans d'aménagement de l'habitat, tels que la gestion des prédateurs, la fermeture de chemins forestiers, la création d'aires protégées et de réserves de biodiversité. Bref, une série de mesures visent à régler la situation. Malheureusement, force est de constater que ces mesures n'ont pas suffi à régulariser la situation.
     Cependant, le secteur forestier est en situation de crise. Le projet de décret d'urgence du gouvernement fédéral arrive à un moment charnière pour l'industrie forestière québécoise. La filière traverse actuellement une crise sans précédent sur plusieurs fronts. La saison des feux de forêt de 2023 a été catastrophique et a engendré, à elle seule, une perte de possibilités forestières évaluée par le forestier en chef du Québec à plus de 849 000 mètres cubes bruts par an.
    Selon ce dernier, ce sont plus de 920 000 hectares destinés à l'aménagement forestier qui ont été affectés. Les fermetures d'usines se succèdent dans divers secteurs de production comme le papier, la cellulose, le bois d'œuvre, etc. La faiblesse actuelle du marché, les prix élevés du bois qui est mis aux enchères et l'incertitude entourant l'accès à la ressource amènent les entreprises à développer des stratégies de consolidation qui se solderont par de nouvelles fermetures et des pertes d'emplois.
    Le conflit commercial avec les États‑Unis se poursuit, et la dernière révision des taux de droits combinés définitifs établis par le département du Commerce américain ont été marqués par une forte hausse, passant de 8 à 15 %.
    Toutes ces mesures ont donc pour effet d'entraver actuellement et d'affecter fortement l'industrie forestière. Les répercussions socioéconomiques des mesures liées au présent décret d'urgence seront exacerbées par une situation déjà difficile, qui commande une prise en charge globale axée sur la collaboration des divers pouvoirs publics en fonction de leurs responsabilités respectives.
    Unifor dénonce vivement le fait que la situation dans laquelle nous nous retrouvons actuellement est aux antipodes de cette réalité. La politisation de la crise ne sert les intérêts ni de la population, ni des travailleurs ni des caribous; seuls les politiciens y gagnent. La dynamique conflictuelle qui règne en ce moment nuit à toutes les parties concernées. Elle constitue un gaspillage de temps et de ressources précieuses et nous éloigne des solutions structurantes.
    Si le gouvernement fédéral veut véritablement apporter son aide, c'est au moyen d'un cadre global de soutien à la transition qu'il pourra le faire, et non en lançant un nouveau débat. Il existe des pistes de solution. Il faut créer plusieurs cadres d'intervention en tenant compte également des répercussions socioéconomiques sur les travailleurs et les populations visées.
(1155)
     Les ministères responsables des ressources naturelles, du travail...
     Monsieur Cloutier, on doit s'arrêter ici, malheureusement.
    Monsieur Martel, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être rendus disponibles pour cette réunion.
    Monsieur St‑Laurent, vous faites un lien direct entre le rétablissement des populations de caribous, soit leur autosuffisance, et le taux de perturbation de l'habitat. Pour espérer ce rétablissement, si je comprends bien, il faudrait réduire le niveau de perturbation à moins de 35 %. Cela signifie donc que 65 % de l'habitat devrait être exempt de chemins et de jeunes peuplements forestiers de moins de 50 ans.
    Est-ce bien cela?
    D'accord.
    Si on tient compte des perturbations qui sont permanentes, comme les chemins principaux, les lignes électriques, les bâtiments, les chalets, les camps de chasse, les mines, les barrages, les éoliennes, les voies ferrées et les pipelines, et de la zone tampon d'à peu près 500 mètres autour de ces infrastructures, le seuil critique de 35 % de taux de perturbation est-il toujours atteignable?
    Selon les hardes, oui. Mes travaux de recherche montrent qu'avec un effort concerté de restauration active et passive, ainsi qu'avec des mesures intérimaires, c'est possible.
    Comment peut-on y arriver à Val‑d'Or, dans Charlevoix et dans le réservoir Pipmuacan?
    On peut y arriver en créant des aires protégées ou en consolidant celles qui sont déjà établies, en menant des efforts de restauration active de l'habitat en périphérie pour relier certains secteurs favorables, puis en adoptant une approche de foresterie qui prévoit une ouverture de couvert moindre que ce qu'on utilise pour la coupe avec protection de la régénération et des sols. C'est ce que montrent mes travaux publiés, monsieur Martel.
     Le forestier en chef du Québec a réalisé des projections sur l'évolution du taux de perturbation sur de longues périodes. Dans l'aire de répartition de Charlevoix, par exemple, même dans des scénarios sans récolte, en fermant l'accès aux chemins et sans jamais tenir compte des nouvelles perturbations naturelles pouvant survenir, comme des feux de forêt et des infestations de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, dans 50 ans, on atteindrait au mieux un taux de perturbation de 50 %.
    Quelle solution proposez-vous à cet égard?
     Je n'ai pas consulté le document dont vous me parlez, mais les études que j'ai faites sur plusieurs secteurs, comme Eeyou Istchee et le réservoir Pipmuacan, par exemple, montrent qu'on est capable d'atteindre un taux de perturbation inférieur à cela avec une approche relativement ambitieuse de fermeture de chemins.
     Si je peux consulter l'étude du forestier en chef du Québec, je pourrai prendre en considération ses méthodes, mais je ne peux pas en parler sans en avoir pris connaissance.
(1200)
    Vous dites qu'il y a un déclin. Selon moi, il faut qu'au moins deux mesures montrent un écart négatif pour qu'on puisse arriver à cette conclusion. J'imagine que vous avez la même définition.
    On la précisera, mais, pour conclure au déclin d'une population de caribous, si on exclut l'émigration et l'immigration, ce qui est le cas pour plusieurs hardes isolées comme celles de Val‑d'Or et de Charlevoix, il faut que le taux de naissance soit inférieur au taux de mortalité. C'est aussi simple que cela.
     Combien d'inventaires pour la région du Pipmuacan vous permettent d'avoir des données comparatives?
    Je crois qu'on a deux ou trois inventaires pour le Pipmuacan, tout au plus, qui montrent des décomptes. Tout le monde, présentement, surtout dans les médias, s'amourache du décompte et oublie les taux vitaux. Quand on compare les taux de survie et de recrutement de ces inventaires, on constate que, mathématiquement, les chiffres ne permettent pas d'avoir une population stable ou en croissance. Alors, à moins qu'on aille parachuter des caribous dans l'aire d'étude, je pense que la réflexion sur les décomptes est inappropriée dans votre question.
    Pouvez-vous nous garantir que, si on ne perturbe pas l'habitat du caribou, celui-ci ne sera pas mis à mal par les changements climatiques et les feux de forêt?
     Nos études indiquent que les changements climatiques vont avoir un effet sur la qualité de l'habitat du caribou à partir de 2070 dans plusieurs des aires que nous avons étudiées, mais, d'ici là, c'est l'effet des perturbations humaines sur l'aménagement des terres qui génère la cascade trophique dont je vous ai parlé.
    Si vous me le permettez, je complèterai ma réponse.
    Depuis 1850 — cela a été publié dans un journal scientifique rigoureux —, le recul vers le nord de la limite sud de l'aire de répartition du caribou est de 620 kilomètres; de ce chiffre, 105 kilomètres sont dus aux changements climatiques et le reste est dû aux changements dans les modes d'occupation des terres.
    Cela signifie que, si on fait des efforts de restauration actifs, on peut même faire descendre vers le sud des aires de répartition de caribous dans des habitats qui seront favorables sur le plan climatique. C'est important, et c'est souvent ignoré dans le débat public sur la question. Ce n'est donc pas vrai que le caribou monte vers le nord de 40 kilomètres par décennie comme on l'entend de la bouche de certaines personnes, qui ne font pas de recherche sur le caribou, soit dit en passant.
    Cependant, nos travaux montrent que l'on pourrait avoir des populations de caribous dans un espace climatique favorable, au sud de la limite où on en retrouve présentement. On avait du caribou forestier dans les Maritimes, en Nouvelle‑Angleterre, et au sud du Saint‑Laurent, partout, en 1850. On le chassait derrière Rimouski, où je me trouve.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ali, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître devant le Comité.
    Ma question s'adresse à M. Martin-Hugues St-Laurent.
    Vous venez de dire que les changements climatiques auront des répercussions sur les habitats. Quels sont les risques liés aux changements climatiques dans les forêts québécoises? Risquons-nous d'aggraver notre problème si nous n'adaptons pas nos forêts aux changements climatiques?

[Français]

    Votre question est très légitime.
    En toute franchise, je vous dirai qu'actuellement, un des problèmes tient au fait que le scénario de référence est basé sur les emplois et les revenus économiques d'un passé récent, que l'on met en opposition avec la protection du caribou. Cependant, selon mes collègues chercheurs du Centre d'étude de la forêt, ou CEF, de Ressources naturelles Canada, ce qui guette les forêts, c'est clairement une intensification des régimes de feu, une diminution de la croissance des tiges et des épisodes de sécheresse qui vont compromettre la croissance en volume. Quand on projette cela dans l'avenir, les plus récentes études sur la question montrent que l'industrie forestière devrait craindre beaucoup plus les conséquences des changements climatiques sur le volume forestier et l'approvisionnement futurs que l'effet de la protection de l'habitat du caribou. Les forêts vont changer. Mes collègues le montrent très clairement dans moult études.
(1205)

[Traduction]

    Pouvons-nous concilier la santé du caribou, l'adaptation de la forêt et son exploitation durable?
    Ma question s'adresse à M. Martin-Hugues St-Laurent.

[Français]

    Mon travail de chercheur m'incite à croire que oui, et c'est pour cela que nous avons proposé aux gouvernements du Québec et du Canada de réunir des spécialistes de différents horizons dans un consortium de recherche regroupant des sociologues, des économistes, des spécialistes des nations autochtones, du caribou, de l'ingénierie forestière et de l'approvisionnement forestier, afin de tenter de trouver des solutions scientifiquement fondées au problème.
    Le gouvernement fédéral a montré qu'il était ouvert à cette proposition; le secteur de la faune du gouvernement du Québec l'a montré aussi. Le secteur de la forêt du gouvernement du Québec a refusé de soutenir une telle initiative, laquelle est fortement souhaitée et nous permettrait de concilier les deux missions.
    Il faut comprendre que les régions du Québec diffèrent sous les aspects de la réalité du caribou, de la réalité forestière ou de la réalité socioéconomique des forêts. On ne peut pas avoir une recette qui s'applique partout. On doit — c'est important — trouver des recettes régionalisées. Or on ne peut pas le faire en ignorant la science. Ce serait très contreproductif. Si on avait affronté la pandémie de COVID‑19 en ignorant la science, on y serait encore fortement ancré.

[Traduction]

    Que proposeriez-vous au gouvernement du Québec pour l'avenir des forêts?

[Français]

     Ce serait d'intégrer l'effet des changements climatiques en amont dans le calcul de l'approvisionnement forestier, et de se créer une marge de manœuvre, c'est-à-dire une marge de réserve dans laquelle on pourra puiser pour faire face à l'intensification de la « stochasticité » et de l'incertitude dans l'approvisionnement forestier. De plus, il faudrait, bien entendu, intégrer à l'aménagement forestier, la multitude des autres fonctions de la forêt, comme la captation et le stockage du carbone et la purification de l'air et de l'eau. Si, en plus de tout cela, on est en mesure de maintenir la richesse et la création de richesse, on le fera, mais, entre-temps, on doit se préoccuper du sort des populations qui vivent de la forêt.
    Je suis très sensible à cette réalité des communautés, souvent mono-industrielles, mais on ne peut pas le faire en reniant les connaissances scientifiques dont on dispose.

[Traduction]

    Pouvez-vous nous parler de vos recherches et de l'état du caribou au Québec, ainsi que de l'état de nos forêts?

[Français]

     Comme je vous l'ai dit, le caribou est une des espèces les plus étudiées au Canada. C'est le cas aussi au Québec. Au cours des dernières décennies, plusieurs équipes de recherche, composées de différents chercheurs de différentes institutions, ont fait des progrès phénoménaux. On comprend le lien, la cascade d'événements entre la récolte forestière, la prise de décision du caribou et l'intensification de la prédation. Depuis plusieurs années, maintenant, on comprend aussi les solutions qui sont à notre portée. On a étudié la connectivité et l'effet des aires protégées. On a aussi étudié la manière dont on pourrait même réussir à identifier des caribous plus aptes à vivre dans des milieux perturbés. On est en train de poursuivre dans cette direction. On a énormément de connaissances sur le sujet; c'est aussi le cas pour d'autres équipes de recherche. Pour ma part, j'ai publié près de 100 articles scientifiques en carrière. Le Québec est riche de sa forêt et de ses connaissances sur sa forêt.
    Le Centre d'étude de la forêt est un regroupement de scientifiques de différentes organisations au Québec. Il compte le plus grand nombre de chercheurs investis dans la science de la forêt dans les Amériques. Ce serait important de les consulter dans des situations de ce genre, à la fois pour informer les élus et les citoyens et pour trouver des solutions tous ensemble.
    La polarisation actuelle et le déni de la science ne sont pas une solution.
    Il reste 15 secondes.

[Traduction]

    Si vous voulez ajouter autre chose, il reste 15 secondes pour le faire.

[Français]

    Je veux que nous travaillions tous ensemble à trouver la solution. Je suis très sensible aux propos de MM. Vachon, Cloutier et Dufour et à ceux des interlocuteurs qui nous ont précédés. On peut trouver la solution ensemble.
    Merci.
    Madame Pauzé, vous avez la parole.
    Je remercie tous les témoins.
    J'adore ce que M. Saint‑Laurent vient de dire. C'était le but de cette présentation et de ces réunions, soit trouver des solutions ensemble. Avant de reparler de la transition juste, je veux revenir sur un point.
    Plus tôt, M. Vachon a parlé de la mine. Il y avait un article extrêmement intéressant dans Le Devoir vendredi dernier. M. Rodrigue Turgeon, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, disait ceci: « Si le décret fédéral devait être adopté tel qu'il est proposé, la population du caribou de Val‑d'Or verra son habitat essentiel continuer d'être perturbé à des niveaux supérieurs aux objectifs de conservation recherchés en raison des activités minières qui pourront se poursuivre ».
    Monsieur Vachon, comme vous avez abordé la question des mines, le décret n'a-t-il pas une vision plus étroite? Y a-t-il autre chose à faire? On est toujours à la recherche de solutions.
(1210)
    Quand j'ai parlé de la mine, je faisais référence à la situation, à l'espèce de flou et à l'insécurité qui existent et qui persistent actuellement.
    Quand les gens voient passer cela, il y a une espèce d'incohérence qui se produit en ce qui a trait à la compréhension de ce qui va arriver au secteur forestier, qui est toute une industrie. On se demande avec raison ce qu'il va arriver, alors qu'il semble que certains projets vont avoir des passe-droits, et avec raison.
    Dans plusieurs régions, l'industrie forestière fait vivre le monde depuis des centaines d'années. On se dit qu'on ne pourra plus exploiter la ressource. Par contre, on pourrait avoir le même impact, ou un impact plus grand, avec une mine qui aurait droit à une dérogation. Il y a une incohérence dans cette position.
    Je vais vous arrêter là-dessus, monsieur Vachon. Je vous remercie.
    Vous abordez les effets sur le secteur forestier et c'est là que nous allons parler de transition juste. Nous en avons beaucoup parlé avec l'autre groupe de témoins, mais je pense que c'est important d'y revenir.
    Pour la suite, je laisse la parole à mon collègue Mario Simard.
    Monsieur Cloutier, vous avez peut-être pris connaissance des résultats de l'analyse socioéconomique qui a été soumise au Comité et qui a été rendue publique par le journaliste Thomas Gerbet.
    Dans ce document, on parle de la possible fermeture de 53 entreprises liées au secteur forestier. Comme on le sait, le secteur forestier est une chaîne. Quand on coupe un maillon, il y a un effet domino: il y a un effet sur l'ensemble de la chaîne.
    Auriez-vous des données sur les répercussions que cela pourrait représenter sur des travailleurs d'Unifor?
     Pour ce qui est des travailleurs d'Unifor, cela a un impact sur près de 1 000 travailleurs en Abitibi‑Témiscamingue, sur 800 travailleurs de la capitale nationale, sur un peu plus de 1 000 travailleurs au Saguenay‑Lac‑Saint‑Jean et sur environ 800 travailleurs sur la Côte‑Nord. Je précise que je parle uniquement des emplois directs; je ne parle pas des emplois indirects qui découlent du fonctionnement des usines. Je précise aussi que ces chiffres concernent seulement les travailleurs chez Unifor.
    Des témoins nous ont dit que, dans les faits, le décret était loin d'être la meilleure solution. Comme tout le monde, ils veulent protéger l'espèce, mais ils pensent qu'il faudrait qu'il y ait une concertation avec le Québec. Selon eux, il faudrait laisser le décret de côté pendant un moment et tenir une concertation avec le Québec et l'ensemble des parties prenantes.
    Messieurs Vachon et Cloutier, cela pourrait-il être intéressant pour les centrales syndicales?
     Absolument.
    De notre côté, bien que nous déplorions les mesures prises par le gouvernement du Québec et son récent manque de vision, notamment depuis les derniers travaux, nous pensons que le fédéral a agi beaucoup trop rapidement en proposant un décret d'urgence, d'autant plus que le grand défaut dudit décret est de ne pas tenir compte de l'ensemble du portrait, c'est-à-dire de toutes les conséquences socioéconomiques, et de ne pas offrir de soutien à cet égard.
    Au fédéral, il faudrait que les ministères qui s'occupent de l'emploi, de l'investissement, de l'assurance-emploi et de l'éducation soient mis à partie et soutiennent le Québec dans ses champs de compétence, notamment au moyen d'appuis financiers solides.
     Monsieur Vachon, voulez-vous faire un commentaire?
     Actuellement, on dirait que c'est tout ou rien. La question semble être « qui va bouger le premier? » L'impression que cela peut laisser, c'est que le premier qui va bouger sera perdant. Or il n'est pas question de perdant ou de gagnant politique dans cette situation.
    On est aux prises avec ce décret, qui est un ultimatum. Je pense qu'il faut s'en sortir et éliminer cette menace. Il faut réunir tout le monde autour d'une table ainsi que rouvrir les débats et les discussions, non pas pour savoir si on va gagner ou perdre, mais pour savoir comment on peut réussir à surmonter ensemble les difficultés.
(1215)
     Merci beaucoup, monsieur Vachon.
    Monsieur Boulerice, vous avez maintenant la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mes premières questions s'adressent à M. St‑Laurent.
    Monsieur St‑Laurent, j'ai beaucoup aimé vos interventions sur l'importance de la science dans la prise de décision. Pour le bien de tous, j'aimerais que vous nous expliquiez le lien de cause à effet entre la déforestation, la multiplication des routes et le risque de disparition du caribou forestier.
    J'en ai parlé dans mon allocution d'ouverture, mais je peux faire un résumé.
    Si on rajeunit la forêt, il y aura subitement des ressources alimentaires abondantes et physiquement accessibles pour tous les herbivores, puisqu'elles seront à une hauteur du sol qui est facile d'accès. Ces ressources sont facilement digestibles, car il n'y a pas beaucoup de tanin ou de lignine. Les individus sont donc capables d'être en meilleur état physique et de s'investir davantage dans la reproduction et la survie.
     Le cerf de Virginie peut produire jusqu'à trois jeunes par année, l'orignal peut produire jusqu'à deux jeunes par année et, en raison de contraintes biologiques, le caribou peut produire entre zéro et un jeune par année. La croissance des populations va donc différer. La croissance des populations va aussi entraîner l'augmentation de l'abondance des prédateurs, qui, eux aussi, ont plus de nourriture. Ces prédateurs, plus abondants en raison des coupes forestières, seront aussi plus efficaces considérant les chemins forestiers. Mes travaux et les travaux de plusieurs autres chercheurs au Canada montrent qu'ils utilisent les chemins forestiers de petit calibre pour patrouiller dans le territoire plus efficacement. C'est plus facile, pour eux comme pour nous, de marcher sur un chemin forestier que de marcher en forêt. Ils vont augmenter leur taux de capture de caribous, puisque c'est une proie plus vulnérable que l'orignal. Pour cette raison, ils vont faire décliner les adultes, mais aussi les jeunes caribous, puisque l'ours noir, qui est très abondant dans les jeunes parterres de coupe, va pouvoir s'alimenter plus facilement de caribous. Le gouvernement du Québec a d'ailleurs documenté cela. Dans les secteurs où on force les caribous à relocaliser leur maison, leur domaine vital, ces derniers deviennent moins fidèles à leur domaine vital, d'où l'augmentation du risque de prédation pour les jeunes.
     C'est comme si on demandait à quelqu'un de réussir à trouver rapidement le réfrigérateur dans une maison ou un appartement qui n'est pas le sien. C'est tout à fait normal. On connaît son environnement, les ressources et les risques. Toute cette cascade d'événements est amplifiée dans un territoire qui est soumis à un aménagement très élevé ou à un régime de perturbations naturelles élevé.
    Je vous remercie.
    Des députés de l'opposition officielle ont beaucoup parlé du fait qu'une bonne partie de la réponse se trouve dans le contrôle des prédateurs du caribou forestier, notamment le loup.
    Que pensez-vous de cette suggestion ou proposition?
     J'admets que c'est une mesure intérimaire intéressante, mais il faut bien comprendre la cascade d'événements.
    J'établis un petit parallèle facile à comprendre. Vous et moi sommes à la pêche dans un petit bateau. L'eau rentre dans le bateau. Je vous tends une écope. Vous enlevez l'eau du bateau et, en enlevant l'eau du bateau, vous enlevez des prédateurs. Si je bouche le trou au fond du bateau, les prédateurs arrêtent d'entrer. Si j'agrandis le trou ou si je crée des nouveaux trous, je crée des conditions propices à l'entrée de prédateurs plus nombreux.
    Par conséquent, tant et aussi longtemps qu'on ne ralentira pas le rythme de rajeunissement de la forêt et le rythme de déploiement des chemins forestiers, c'est comme si, dans le bateau, j'arrangeais la situation d'avance en agrandissant les trous. Vous allez écoper, et vous allez écoper toute votre vie.
    On en a un bel exemple au Canada. Autour du parc national de la Gaspésie, cela fait 30 ans qu'on applique une mesure de contrôle des prédateurs. Elle a été efficace pendant les cinq premières années seulement. Depuis, on a récolté 60 % des vieilles forêts autour du parc.
    Le contrôle des prédateurs est donc une mesure intérimaire efficace, mais cette mesure de contrôle doit être très intensément poussée; il faut prélever plus de 80 % des prédateurs, ce qui est éthiquement discutable, par ailleurs.
    Quoi qu'il en soit, ce qui se cache derrière la hausse du nombre de prédateurs, c'est le rajeunissement de la forêt et le réseau routier.
    Merci.
    Des mesures ont été mises en place depuis quelques années par le gouvernement du Québec. Selon vous, ces mesures sont-elles efficaces, insuffisantes, ou les deux?
    En fait, c'est très simple. Si vous regardez les plans de rétablissement publiés depuis 2013, on a changé les structures de gouvernance et acquis d'excellents inventaires de caribous, pour lesquels on se classe parmi les meilleurs au Canada. On a mis en place une multitude de comités, on s'est attaché à examiner la littérature à ce sujet et à surveiller l'état de la situation, entre autres. Or, pendant ce temps, on assistait à une augmentation des coupes forestières draconiennes dans certains secteurs favorables aux caribous de même qu'à une proportion accrue des perturbations du milieu.
    Pour vous donner rapidement une idée, dans le mémoire que j'ai déposé concernant le décret, on peut lire que le niveau de perturbations a augmenté de 49 % dans la région de Pipmuacan, de 64 % à Val‑d'Or et de 80 % dans Charlevoix, et ce, de 1995 à 2020. Or, de 1995 à 2020, on a déployé une multitude de comités, de tournées de conciliation, entre autres choses.
    Le gouvernement du Québec a récemment promis d'instaurer certaines aires protégées. C'est excellent. C'est un bon début. On envisage des chantiers de restauration d'habitats qui, en passant, peuvent faire travailler des gens en région. Cela est important, car les gens qui ont l'expertise en forêt, en région, peuvent aussi s'investir dans cette démarche. On peut consolider tout cela.
    Pour revenir à ma comparaison, monsieur Boulerice, si je continue à ajouter des trous dans le fond du bateau, nous allons assurément couler, peu importe la vitesse à laquelle vous serez capable d'écoper pour enlever l'eau du bateau.
(1220)
    Merci.
    J'ai une dernière question à vous poser, monsieur St‑Laurent.
    Je trouve cela intéressant, ce travail visant les changements et l'arrangement de l'habitat, et ces nouveaux emplois qui pourraient être créés. J'aimerais que vous profitiez des 30 secondes restantes pour en parler.
    Je ne suis pas un économiste forestier, mais je peux vous dire qu'en mettant en place un consortium de recherche sur le caribou composé d'économistes, d'ingénieurs, de techniciens et autres, on serait en mesure de créer une économie de réparation de l'habitat ainsi que de faire travailler les gens à décompacter certains chemins, à en reboiser d'autres et à orienter la composition de la forêt pour en faire une forêt plus favorable aux caribous qu'aux prédateurs. Pour cela, nous avons besoin des gens qui vivent en région et qui ont l'expertise pour ce faire. Ce n'est pas la même route monétaire, mais...
    Merci.
    Nous passons au deuxième tour et, encore une fois, je vais devoir réduire le temps de parole de 40 %. Chaque député disposera donc de trois minutes.
    Je sais, monsieur Godin, que vous teniez à partager votre temps avec M. Leslie, mais j'ai un espace pour ce qui est de la deuxième question des conservateurs. Je pourrais prévoir l'intervention de M. Leslie à ce moment-là.
    Voulez-vous parler du troisième tour de questions?
    Non. Vous êtes deux députés conservateurs, mais je n'ai pas le nom du deuxième.
    C'est moi qui vais prendre la première portion.
    Lui, il prendra la deuxième portion.
    La parole est à vous pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. St‑Laurent.
    Je trouve ce débat intéressant, et je pense que la science y occupe une place importante. De plus, je pense que vous, monsieur St‑Laurent, êtes une sommité dans le domaine.
    Ma question va peut-être vous paraître simpliste. En créant des enclos dans Charlevoix, on a fait une expérience visant à sauver les caribous qui ont été réintégrés dans les années 1970.
    Est-ce qu'agrandir, voire doubler, la superficie de l'enclos pourrait être une solution?
    Oui, jusqu'à ce qu'il y ait trop de caribous à l'intérieur.
    Maintenant, si on procède de façon progressive, cette solution doit-elle être envisagée à court ou moyen terme? Je comprends que ce n'est pas à long terme, mais cela nous permettrait de renforcer cette espèce.
    C'est une mesure intérimaire à mettre en place jusqu'au moment où on aura, encore une fois, un enclos trop petit et qu'on devra relâcher les individus en nature. À ce moment-là, ce qu'on souhaite, c'est les relâcher dans un environnement où on ne sera pas obligé d'investir des centaines de milliers de dollars par animal pour assurer sa survie. On protège et répare donc l'habitat, tout en trouvant une nouvelle foresterie pour favoriser de la richesse. Il faut se pencher sur le contrôle des prédateurs, la garde en captivité, la garde totale, comme à Val‑d'Or, et les maternités externes, comme on en voit ailleurs dans le cas d'autres espèces. Ultimement, il y a la sélection d'un génotype plus en mesure de vivre dans un milieu perturbé. Ce sont toutes des choses que la science connaît et que la science recommande au gouvernement depuis 2014.
    En 2014, il y a eu un tout chantier de réflexions sur la façon de faire; on sait comment procéder.
     De ce que je comprends, il s'agit d'une solution temporaire, mais une telle solution peut s'échelonner sur une certaine période. Lorsque vous parlez d'investissements et de coûts importants pour recréer une zone plus grande, c'est un choix de société.
    Veut-on investir dans des clôtures ou veut-on protéger une économie forestière très importante au Québec et dans les régions?
     Si vous me le permettez, je vais répondre à cela.
    Les spécialistes des opérations forestières vous diront que, actuellement, on repousse à plus tard le coût social de toutes les fonctions de la forêt qu'on compromet en ne maintenant pas des forêts matures en quantité suffisante. Cela dépasse de loin ce qu'on voit présentement dans le cas du caribou. Par conséquent, à un moment donné, l'air est filtré, l'eau est filtrée, le carbone est...
    On l'a entendu, monsieur St‑Laurent. Je vous remercie. Malheureusement, mon temps de parole est limité.
    J'ai une question à poser à M. Vachon, de la CSD.
    Monsieur Vachon, vous avez employé, dans votre allocution d'ouverture, la métaphore de l'arbre qui cache la forêt. Prétendez-vous qu'on est en train de créer un autre problème avec ce décret?
    Vous avez 15 secondes, monsieur Vachon.
    En fait, je voulais dire que c'est comme si on détournait le regard de l'ensemble des problèmes du secteur forestier, en mettant spécifiquement l'accent sur le caribou. De toute évidence, il faut aussi en tenir compte.
(1225)
    Merci.
    M. Longfield a la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    J'aimerais commencer par M. Cloutier. Vous avez fait quelques commentaires. Notre collègue, M. Simard, du Bloc québécois, a posé d'excellentes questions sur le rôle des syndicats dans ces discussions. J'aimerais poursuivre sur cette lancée.
    En Ontario, lorsque j'ai été élu pour la première fois en 2015, nous avons travaillé avec vos collègues ontariens d'Unifor pour relancer l'industrie automobile, qui était en difficulté après des années de négligence de la part du gouvernement fédéral conservateur. Le rôle que les syndicats ont joué dans la relance du secteur automobile de l'Ontario a été absolument essentiel.
    Vous avez parlé de durabilité. Vous avez également mentionné les droits des caribous, ce qui pourrait surprendre les gens qui ne connaissent pas bien le monde syndical. Pourriez-vous nous dire à quel point il est essentiel que les syndicats collaborent avec le gouvernement fédéral pour la sécurité, la durabilité et la protection de la harde de caribous, tout en protégeant les emplois?

[Français]

    Oui, on reconnaît les perturbations qui touchent le caribou. Nos membres estiment qu'il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et faire comme si cela n'existait pas.
    Pour trouver des solutions appropriées, il faut un travail concerté entre les travailleurs, les entrepreneurs, les Premières Nations, les intervenants issus des groupes environnementaux et, bien sûr, les scientifiques. C'est une question d'occupation de territoire et de survie économique. C'est aussi une question du maintien des activités habituelles et des communautés qui sont traditionnellement implantées depuis des centaines d'années dans ces régions. On doit trouver ce point d'équilibre. On a présenté plusieurs solutions et propositions concrètes, tant au gouvernement fédéral qu'au gouvernement provincial, pour y parvenir.

[Traduction]

    Merci, et merci à vos confrères et consoeurs syndicalistes du Québec pour l'excellent travail que vous faites et que vous continuerez de faire.
    J'aimerais m'adresser à M. St-Laurent au sujet des Objectifs de développement durable, ou ODD, qui ont été rédigés en 2015. Il y a eu des progrès jusqu'à la pandémie, et j'ai lu au cours de la fin de semaine que la planète a ensuite régressé.
    Alors que 193 pays ont accepté ces objectifs de développement durable, et étant donné que l'ODD 15 porte sur la vie terrestre, qui est essentielle à cette discussion, pourriez-vous nous parler de l'importance de reprendre les discussions sur les ODD à l'échelle mondiale?

[Français]

    C'est une excellente question.
    C'est très important aussi. Notre vision est actuellement un peu déformée par une conception du développement durable en trois pôles, c'est-à-dire l'environnement, l'économie et la société.
    La version originale de cette réflexion — c'est important que les gens le sachent — repose sur des cercles concentriques. On vit sur une seule planète, la Terre, qui peut nous donner des ressources. On doit faire prospérer les gens et les sociétés.
    Merci.
    M. Simard a la parole.
     Monsieur St‑Laurent, j'ai bien aimé l'analogie que vous avez faite en parlant d'un trou dans un bateau.
    Selon vous, les feux de forêt et les épidémies d'insectes peuvent-ils aussi jouer un rôle sur la survie du caribou et l'état de son territoire?
     Oui, bien sûr, mais il faut rappeler que, depuis la dernière glaciation, il y a quelques milliers d'années, le caribou a évolué avec les incendies forestiers et les épidémies d'insectes. Présentement, on voit une addition de perturbations à un rythme jamais vu. Cela s'appelle l'anthropocène. L'être humain modifie la surface de la Terre d'une manière jamais observée par le passé.
     Le premier bénéficiaire de la forêt, au Québec, la première compagnie qui récolte la forêt, c'est le feu; il est suivi par les épidémies d'insectes. Comme je l'ai dit dans ma réponse, tout à l'heure, en plaçant en amont de la réflexion, dans le calcul des possibilités forestières et des allocations des coupes, la manière dont on considère ces perturbations naturelles, on pourra réduire la dissonance à la sortie. Cependant, bien sûr, pour réussir à le faire, il faut prendre en considération les régimes des feux. C'est pourquoi je vous ai parlé de plans régionaux, d'évaluations et de restauration de l'habitat du caribou...
    Toutefois, l'aménagement forestier a un rôle important à jouer aussi.
    Oui. En fait, c'est un rôle majeur, puisque les feux ont peu d'effet sur le caribou, jusqu'à ce qu'on y fasse un chemin pour faire de la récupération du bois.
(1230)
    C'est un rôle majeur, effectivement.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Vachon, vous avez parlé, à juste titre, de l'insécurité de plusieurs communautés, de plusieurs membres et de plusieurs travailleurs, mais, quand M. Saint‑Laurent a parlé de création d'emplois relativement au rétablissement ou à la protection de l'habitat forestier, je vous ai vu hocher légèrement la tête.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre vision de la transition juste pour les travailleurs et les travailleuses et de la création de nouveaux emplois dans le secteur forestier?
    Il y a effectivement des possibilités, parce qu'on sait que l'industrie forestière, d'une façon ou d'une autre, est appelée à se transformer. Il faut sortir de l'optique étroite du deux-par-quatre et du deux-par-six. Même les entreprises le savent et le disent. Elles se tournent maintenant vers des complexes intégrés. Elles diversifient leurs activités pour réduire leur dépendance à tout cela et avoir besoin d'un plus petit volume de coupe.
    Ce que M. St‑Laurent soulève, c'est qu'en tenant compte de cela, il va probablement y avoir de nouveaux emplois dans le reboisement ou un déplacement des emplois vers ce domaine. Comme on l'a mentionné, il faut mettre davantage l'accent sur le reboisement. C'est moi qui le dis aujourd'hui, mais ce n'est pas moi qui l'ai déterminé. En ce qui a trait à cette transition et à l'accompagnement qui sera nécessaire, il est important de montrer une vision globale aux gens pour qu'ils sachent où on en est et où on s'en va. Cela réduit l'insécurité.
    Merci.

[Traduction]

    M. Leslie a la parole pendant trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par M. St-Laurent.
    Je vous remercie de votre compréhension pleine de bon sens de la réalité. L'industrie forestière change la forêt; les chemins forestiers changent la dynamique. Par conséquent, de nouvelles proies apparaissent. L'orignal et le cerf prennent leur place. La prédation s'ensuit, et les prédateurs mangent toute proie qu'ils peuvent se mettre sous la dent.
    Ma question est la suivante: vous avez mentionné les centaines d'études que vous avez examinées à ce sujet. Un consensus s'en dégage-t‑il pour évaluer le délai prévu pour que la forêt se rétablisse à un point où l'orignal ou le chevreuil ne la trouvent plus attrayante — en raison de ce décret particulier du gouvernement fédéral ou de nouveaux efforts d'assainissement? Ou, à votre avis, quel est ce délai?

[Français]

    C'est une excellente question.
    En fait, cela dépend de l'endroit où on se trouve au Canada et de la vitesse à laquelle la forêt revient dans chaque région. Actuellement, la règle générale, c'est 50 ans. À partir de 50 ans, les forêts deviennent favorables aux caribous, parce qu'elles sont moins favorables aux prédateurs et aux autres proies.

[Traduction]

    Que se passera-t‑il entretemps?

[Français]

    Entre-temps, il y a une cascade d'espèces qui deviennent très abondantes, très favorisées ou un peu moins favorisées. Par exemple, si on fait une coupe, la forêt favorisera l'ours pendant les 10 premières années. Ensuite, elle favorisera l'orignal. Les chasseurs vous le diront. Puis, le loup va s'installer. Pendant ce temps, chaque année, les caribous qui vivent dans le secteur souffrent de prédation. C'est pourquoi il s'écoule entre 15 et 20 ans entre la coupe et la disparition locale des caribous.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Il me semble raisonnable de considérer que nous devons... Vous avez mentionné que, dans un parc à proximité, mais dans une zone différente, on a pris d'autres mesures. Dans un article publié en 2024 dans Ecological Applications et intitulé « Effectiveness of population-based recovery actions for threatened southern mountain caribou » — qui est la même espèce, mais en Colombie-Britannique —, je remarque que l'étude a conclu que la mise en enclos et la réduction du nombre de loups étaient les deux mesures de rétablissement les plus importantes par rapport au taux instantané annuel.
    Voici ma question: entretemps, pourquoi ne prendrions-nous pas des mesures immédiates comme celles‑là, qui, nous le savons, fonctionnent? L'industrie pourrait ainsi travailler avec les chercheurs, avec le gouvernement du Québec ou avec le gouvernement fédéral, au besoin, pour trouver des solutions à plus long terme.

[Français]

     Je connais très bien cette étude. J'étais l'un des experts qui l'ont révisée avant sa publication.
    Il s'agit de deux mesures que nous pouvons mettre en place et qui ont effectivement un potentiel de fonctionnement. D'ailleurs, le gouvernement du Québec le fait déjà dans les régions de Val‑d'Or, de Charlevoix et de la Gaspésie. On a des enclos et on effectue parfois le contrôle des prédateurs.
    Maintenant, si on continue à laisser la forêt se rajeunir, on s'éloignera de la ligne d'arrivée. On ne doit pas s'éloigner de la ligne d'arrivée puisque cela nous forcera à prendre de telles mesures intérimaires pendant plus longtemps. Il faut assurément travailler de concert avec...
    Merci, monsieur St‑Laurent.
    Madame Chatel, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Bonjour à tous.
    J'aimerais m'adresser à M. Vachon.
    Nous avons beaucoup parlé des emplois, des emplois durables, de la responsabilité des gouvernements d'investir dans des emplois durables dans le secteur forestier, mais aussi de la part de responsabilité qui revient aux compagnies forestières dans la création de ces emplois durables. On demande donc à tous, c'est-à-dire le gouvernement, les employés, bien sûr, mais aussi l'industrie, d'avoir une vision à long terme, d'avoir une industrie durable.
    Sentez-vous que le gouvernement du Québec a une vision claire de l'avenir du milieu forestier, qui est ancré justement dans le développement durable?
(1235)
    Vous me demandez si je sens que le Québec a une vision claire. En tout cas, s'il en a une, il la partage très mal. Il ne la diffuse pas. Cela demeure un secret bien gardé.
    Vous avez tout à fait raison de dire que, les gens de l'industrie, d'après les discussions que j'ai eues avec des dirigeants d'entreprise, savent qu'ils vont devoir participer à la transformation et à la transition. Ils sont prêts à le faire. Si on est capable, justement, d'avoir une vision et un plan à long terme, ils sont prêts à s'engager en ce sens. Ils sont prêts. Ils savent qu'ils doivent faire leurs devoirs.
    Pour l'instant, dans les tribunes, on est capable d'échanger là-dessus et d'avoir une discussion avec plusieurs acteurs qui mettent en commun les idées. Cela dit, je n'en ai pas vu beaucoup.
     Merci beaucoup, monsieur Vachon.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. St‑Laurent.
    Dans tous les débats publics qu'on mène, une des choses importantes est de ne pas se mettre la tête dans le sable.
    J'écoutais nos collègues conservateurs dont le discours est très ciblé sur des mesures à court terme. Toutefois, il ne tient pas compte de l'impact plus grand sur notre biodiversité ainsi que sur l'avenir économique de notre pays, en fait.
    Vous avez utilisé une métaphore, à savoir qu'on a une planète et qu'autour, il y a un cercle. Au centre, il y a notre planète et sa santé et, à partir de cela, on peut bâtir une économie. Or on ne peut pas bâtir cette économie sans le cœur.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette analogie?
    Cette analogie est tout simplement le cadre du développement durable.
    Tel qu'il a été conçu, le développement durable est un cercle environnemental. À l'intérieur du cercle, on veut faire prospérer des sociétés pour que les gens puissent vivre leur vie dignement; et à l'intérieur de ce cercle, il y a le cercle économique. Au fur et à mesure qu'on s'assure d'avoir des sociétés qui vivent dignement dans un environnement en santé, on peut créer de la richesse. En plaçant cela dans un triangle, en opposition, on doit toujours trouver une façon de faire un compromis pour les emplois, pour l'économie relativement à l'environnement.
    Cela nous mène-t-il à une situation gagnante? La réponse est que cela nous mène à l'érosion de la biodiversité que l'on voit actuellement.
    Merci beaucoup.
    Nous terminons la deuxième heure là-dessus.
    Je tiens à remercier les témoins d'avoir convenu d'être parmi nous pour alimenter ce débat. Ce fut très intéressant, je dois le dire.
    Nous allons faire une petite pause pour accueillir le dernier groupe de témoins de la journée.
    Encore une fois, je remercie les témoins.
(1235)

(1240)

[Traduction]

    Nous reprenons la séance avec notre troisième et dernier groupe de témoins.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté de se joindre à nous aujourd'hui.

[Français]

    Nous recevons, à titre personnel, M. Louis Bélanger, qui est professeur à la retraite d'Aménagement durable des forêts, de la Faculté de foresterie de l'Université Laval.
    Nous recevons également M. Luis Calzado, le directeur général de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable.

[Traduction]

    Nous accueillons Rachel Plotkin, gestionnaire de projet boréal à la Fondation David Suzuki.
    Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire vos déclarations préliminaires.
    Nous allons commencer tout de suite par M. Bélanger.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous donne le bonjour et je vous remercie de cette occasion de vous rencontrer.
    Biologiste et ingénieur forestier, je suis aussi professeur d'aménagement intégré des forêts à l'Université Laval. Je suis membre de l'Équipe de rétablissement du caribou forestier du Québec, où je représente Nature Québec. J'étais aussi membre de la défunte table nationale des partenaires qui avait comme mandat de mettre en œuvre le plan d'action québécois pour le caribou forestier.
    C'est à ce titre que j'aimerais vous faire deux recommandations. L'une concerne la harde de caribous de Charlevoix, l'autre, celle du Pipmuacan. Ce sont deux hardes que je connais bien.
    Dans le cas du caribou de Charlevoix, je recommande, et ce, avec passion, que le ministre de l'Environnement et du Changement climatique, M. Guilbault, n'inclue pas le caribou de Charlevoix dans son décret d'urgence. Je fais cette recommandation parce que le Québec vient de déposer un projet qui répond tout à fait aux préoccupations du ministre quant aux menaces imminentes pour la survie de cette population.
    En raison de l'histoire particulière du caribou de Charlevoix, une stratégie de restauration de son habitat est mise en œuvre depuis 15 ans. Cela s'est fait en concertation avec tous les intervenants de la région, dont la nation huronne‑wendate et l'industrie forestière. En 2008, des répercussions économiques majeures ont été assumées par la région. La possibilité forestière de Charlevoix avait alors été coupée de 35 %. Je le répète, il s'agissait de 35 %. En 2022, cette stratégie a été bonifiée et présentée à nouveau par la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards. Elle a alors reçu à nouveau l'appui unanime des intervenants de la région. Le projet pilote, déposé en mai dernier par le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec, accompagné d'un projet de règlement, vient finaliser cette longue démarche régionale.
    Malheureusement, le décret d'urgence du gouvernement du Canada fait complètement fi de ces 15 années d'efforts dans Charlevoix. Le décret déplace les efforts de conservation complètement vers l'ouest, vers la municipalité régionale de comté de Portneuf. Le décret, dans son orientation présente, va imposer une deuxième vague de baisses de possibilités forestières pour la région, et ce, pour des gains flous et discutables pour le caribou.
    Sur cette base, la décision la plus sage serait de laisser le projet pilote du Québec se finaliser. Une telle décision démontrerait que le ministre Guilbault est sincère lorsqu'il affirme qu'il mise sur une collaboration avec le gouvernement du Québec.
    Le cas du caribou du Pipmuacan est tout autre. Nous savons que, depuis 2021, certaines hautes autorités du ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec bloquent toute concertation transparente visant à trouver des mesures d'atténuation des répercussions économiques du plan du caribou du Pipmuacan. En effet, en 2021, elles ont laissé mourir la table nationale des partenaires. De plus, contrairement à ce qui était prévu dans le plan d'action gouvernemental de 2016, les mesures d'optimisation pour établir un plan de conservation équilibré n'ont pas été présentées à la population. Par exemple, l'examen systématique d'autres sources d'approvisionnement en bois pour les usines touchées n'a pas été fait. Pourtant, les syndicats des travailleurs forestiers réclament depuis quelque temps la mise en place d'une forme de mutualisation des répercussions par l'instauration d'un système de compensation entre usines.
    Malheureusement, la population de Sacré‑Cœur, les communautés innues et le caribou du Pipmuacan sont pris en otage par le refus du Québec de rechercher des mesures d'atténuation des répercussions économiques. Les efforts pour trouver une solution équilibrée n'ont pas été faits par le gouvernement du Québec, et rien n'annonce que le ministère des Ressources naturelles et des Forêts a l'intention d'en faire. Certains espèrent peut-être que, devant le drame économique annoncé pour Sacré‑Cœur, l'on abandonne tout effort pour conserver l'habitat du caribou du Pipmuacan.
    Que faire, alors? Une piste de solution serait de former une commission technique indépendante ayant pour mandat de faire une analyse détaillée de toutes les options de rechange pour atténuer les baisses d'approvisionnement des usines touchées et d'en faire rapport à la population. Pour ce faire, j'en appelle aux gouvernements du Québec et du Canada.
    Merci.
(1245)
     Merci, monsieur le professeur Bélanger.
    C'est maintenant au tour de M. Calzado, de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable.
    Je remercie le Comité de son invitation.
    L'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable, l'AQPER, regroupe, depuis 30 ans, tous les intervenants des filières d'énergie renouvelable, dont ceux du secteur éolien et de la filière bioénergie.
    Nos membres ont fait la preuve qu'ils étaient résolument engagés dans la protection de la biodiversité en adoptant des pratiques qui minimisent les répercussions environnementales de leurs projets. Par ailleurs, l'atteinte de nos objectifs climatiques conjuguée à la transition vers la carboneutralité exigera une hausse considérable de nos capacités de production, en particulier dans les filières de l'éolien et des bioénergies. Certaines zones concernées par le décret possèdent un fort potentiel éolien, et les restrictions proposées pourraient bloquer les développements futurs. Cela pourrait freiner la transition énergétique du Québec et compromettre nos objectifs climatiques.
    Pensons à la zone du Pipmuacan, identifiée comme nécessitant une intervention accrue pour la protection du caribou. Elle possède un grand potentiel éolien. Les restrictions imposées par le décret pourraient compromettre les occasions de développement à venir. De plus, certaines zones provisoires pourraient enclaver des territoires à fort potentiel éolien à l'extérieur de celles-ci, rendant difficile l'aménagement des nouveaux projets.
    L'AQPER est particulièrement préoccupée par l'absence de corridors permettant le passage des lignes électriques des futurs projets éoliens situés sur la Côte‑Nord. L'accessibilité de plusieurs sites à bon potentiel éolien serait compromise si de nouvelles lignes électriques, à partir de Micoua et des Outardes vers les postes au sud, ne peuvent pas être aménagées.
    Nous proposons une approche de réduction de l'impact axée sur l'évitement, la minimisation et, finalement, la compensation. Par exemple, pour la ligne à 735 kilovolts Micoua-Saguenay, Hydro‑Québec a mis en place des pylônes adaptés permettant aux caribous de passer sous les lignes, démontrant ainsi la faisabilité des mesures concrètes pour concilier le développement énergétique et la protection de la faune. La biomasse forestière, issue d'un aménagement durable, s'inscrit comme un acteur clé dans la lutte contre les changements climatiques, et les restrictions envisagées pourraient freiner les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, une forêt récoltée conformément aux principes de l'exploitation durable a une grande capacité de séquestration du carbone.
    L'AQPER recommande donc d'exclure les projets éoliens et les projets de bioénergie utilisant la biomasse forestière résiduelle de la liste des activités potentiellement interdites par le décret.
    L'AQPER considère qu'il faut introduire une flexibilité dans l'application des restrictions imposées par le décret d'urgence, afin de tenir compte des spécificités de chaque projet. Les territoires visés par l'éventuel décret d'urgence sont étendus et n'offrent pas un taux de perturbation uniforme. Certains secteurs sont déjà très perturbés et pourraient offrir des lieux privilégiés pour le développement d'un projet éolien.
    L'AQPER recommande de privilégier des solutions intégrées pour la conservation du caribou boréal et pour le développement des projets d'énergie renouvelable. Ces projets peuvent inclure des mesures spécifiques de conservation, telles que la restauration des habitats et la mise en place de corridors écologiques, pour réduire la fragmentation de l'habitat du caribou.
    Enfin, nous souhaitons que les restrictions imposées par le décret soient modulables et qu'elles prennent en compte les projets futurs, tout en garantissant qu'ils seront réalisés en concertation avec les communautés autochtones et les communautés locales. Une approche flexible et collaborative permettrait non seulement de protéger le caribou boréal, mais aussi de continuer à développer des projets d'énergie renouvelable qui bénéficieront à tous aujourd'hui et, surtout, aux générations futures.
(1250)
    Merci beaucoup, monsieur Calzado.
    La prochaine intervenante est Mme Rachel Plotkin, directrice du projet Boréal de la Fondation David Suzuki.
    Madame Plotkin, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Bonjour, et merci de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Je suis Rachel Plotkin. Je suis gestionnaire du programme boréal de la Fondation David Suzuki. Je travaille à la protection des espèces en péril depuis plus de 20 ans, et plus particulièrement du caribou boréal depuis près de 20 ans.
    J'ai en fait passé beaucoup de temps ici sur la Colline du Parlement lors de l'élaboration de la Loi sur les espèces en péril, ou LEP, et j'ai comparu devant le Comité de l'environnement pour l'examen quinquennal de la loi — je ne sais pas si le président se souvient de moi. Lorsque la LEP était en train d'être révisée et débattue, j'ai constaté que tous les partis étaient sincèrement convaincus qu'il s'agissait d'un outil important dans la boîte à outils pour protéger la biodiversité. On a passé beaucoup de temps à débattre le décret d'urgence, mais on reconnaissait que, bien que les provinces prennent la majorité des décisions concernant les terres et les espèces sauvages dans des circonstances normales, la disparition d'une espèce est un problème d'importance nationale. J'ai également participé à la pétition visant à invoquer le décret d'urgence pour le tétras des armoises en Alberta et en Saskatchewan en 2011, un décret d'urgence visant la protection de l'habitat qui a été adopté au final par un gouvernement conservateur, même s'il a eu des répercussions économiques, et qui a permis de progresser vers le rétablissement du tétras des armoises.
    Je dois dire que travailler à la protection du caribou boréal et de son habitat au cours des 20 dernières années a été assez déprimant. Comme le montrent les évaluations des progrès du programme de rétablissement fédéral, l'habitat du caribou a continué de se dégrader au fil des ans et les populations de caribous ont continué de baisser.
    J'ai écouté les autres audiences du Comité et j'ai souvent entendu le mot « équilibre » comme cadre pour trouver des solutions. Puisque vous aimez les métaphores, c'est mon analogie de la façon dont l'« équilibre » peut être problématique. Imaginez que nous sommes l'année 2000. Vous avez 100 hectares d'habitat du caribou, et il y a aussi les pressions industrielles, alors le gouvernement en place dit: « D'accord, nous allons équilibrer ces intérêts. Nous donnerons 50 hectares aux caribous et 50 à l'industrie. » Puis, cinq ans plus tard, un autre gouvernement est au pouvoir et il y a toujours des pressions de la part de l'industrie. Il y a 50 hectares d'habitat du caribou. Le gouvernement de l'époque dit, « D'accord, trouvons un équilibre », si bien qu'il y a 25 hectares pour le caribou et 25 hectares pour l'industrie. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle, et c'est pourquoi nous sommes là où nous en sommes aujourd'hui, à savoir que le troupeau de Charlevoix a moins de 17 % de son habitat qui n'est pas perturbé, et la province continue d'approuver l'extraction industrielle des ressources. Nous savons que les caribous ont besoin qu'au minimum 65 % de leur habitat ne soit pas perturbé pour avoir une probabilité de persistance de 60 %.
    Beaucoup de gens présentent le décret de protection en parlant des emplois et des caribous. Si le décret d'urgence est mis en œuvre, il aura une incidence sur certains emplois, à court terme à tout le moins, mais cette conversation porte sur la gestion forestière non durable et sur la façon dont nous pouvons mieux gérer les forêts au Québec tant pour la faune que pour les moyens de subsistance des gens. Comme d'autres l'ont mentionné à cette séance, à long terme, ces deux éléments vont de pair. Si nous voulons que les forêts assurent la sécurité des emplois et ne soient pas soumises à des cycles d'expansion et de ralentissement, elles doivent être gérées de manière durable.
    Essentiellement, le fait que l'exploitation forestière conduise les caribous vers l'extinction au Québec est la preuve flagrante qu'elle n'est pas durable à l'heure actuelle. La mauvaise gestion des forêts n'est pas une réalité unique au Québec. En Colombie-Britannique, l'industrie forestière est à court d'arbres à exploiter parce que les plus gros et les plus vieux arbres situés près des usines ont déjà été abattus, et les arbres replantés n'ont pas atteint la maturité pour les remplacer. Les pressions exercées pour maintenir les usines ouvertes à court terme a eu de graves conséquences à long terme. Des études montrent que l'exploitation forestière au Québec diminue considérablement aussi les niveaux naturels de forêts anciennes. À l'heure actuelle, les caribous ne sont pas vraiment pris en considération dans la planification de la gestion des forêts.
    Il se trouve qu'il n'y a pas que les organismes de conservation qui veulent changer le statu quo. Écoutez ces extraits d'un communiqué de presse publié par les syndicats de l'industrie forestière au Québec la semaine dernière, qui se sont mobilisés pour dénoncer l'inaction du gouvernement québécois. Ils disent que l'inaction et l'attitude du Québec exacerbent la situation et font des travailleurs un instrument de discorde politique. Ils implorent le gouvernement du Québec de prendre le problème au sérieux et de mettre en œuvre un plan organisé et intelligent pour protéger le caribou des bois, garantir un avenir durable pour l'industrie forestière et soutenir adéquatement les travailleurs qui en assurent la prospérité. Autrement dit, seules les forêts gérées pour la résilience écologique peuvent assurer la résilience des travailleurs qui dépendent de la forêt.
    Des forêts en santé soutiennent également les peuples autochtones. Les droits, les cultures et les modes de vie autochtones sont en jeu si le caribou disparaît. Je veux communiquer un message de ma collègue innue, Melissa Mollen-Dupuis, d'Ekuanitshit. Elle se demande où se trouveront tous les emplois lorsqu'on coupera les arbres dans les forêts. Elle dit que ces arguments ont toujours été utilisés. Les emplois ont été utilisés pour justifier le fait d'avoir placé les Autochtones dans des réserves et les caribous dans des enclos. Elle dit aussi qu'une chose est certaine: au cours de leur vie, ses enfants ne connaîtront jamais le goût du caribou ni l'odeur du cuir fumé.
    Je fais écho aux propos de mes collègues qui ont déjà comparu devant vous et ont mentionné que les solutions de fortune — comme tuer les loups, qui évoluent conjointement avec les caribous depuis des milliers d'années, ou mettre les caribous dans des enclos, qui les transforment essentiellement en animaux de zoo — ne sont pas de véritables solutions à la crise de la biodiversité actuelle et vont à l'encontre du Cadre mondial de la biodiversité convenu à Montréal en 2022.
(1255)
    La bonne nouvelle dans ce dossier déprimant, c'est que tous les secteurs et toutes les Premières Nations vous ont dit qu'il faut réinitialiser la gestion des forêts et que des solutions existent. S'il y a...
    Merci. Votre temps de parole est écoulé. Je suis désolé. Vous aurez le temps de faire part de vos idées dans vos réponses aux questions.

[Français]

     Avant d'entamer le premier tour, je tiens à vous dire que, pour terminer à temps, nous allons procéder par tranches de cinq minutes pendant le premier tour et par tranches de trois minutes pendant le deuxième tour, comme nous l'avons fait avec les deux groupes de témoins précédents.
    Monsieur Martel, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Encore une fois, je remercie les témoins de s'être rendus disponibles aujourd'hui.
     Monsieur Calzado, pour accéder aux territoires convoités pour produire de l'énergie renouvelable, utilisez-vous les infrastructures mises en place par l'industrie forestière?
    Bonjour. Je vous remercie beaucoup de votre question.
     Notre but est d'utiliser les routes qui sont déjà construites, de cohabiter avec les espèces menacées et de favoriser la transition énergétique sans déranger l'écosystème actuel. Alors, nous essayons d'utiliser les routes existantes et de cohabiter avec le caribou boréal en installant les éoliennes.
(1300)
    Si des chemins étaient fermés, l'absence de l'industrie forestière mettrait-elle à risque vos projets?
     Comme je l'ai déjà indiqué, nous accordons la priorité aux zones qui sont déjà perturbées. Ensuite, nous faisons des analyses et des études pour déterminer la meilleure manière de réaliser les projets en cohabitant avec les espèces menacées. Effectivement, si on ne peut pas accéder aux endroits où les éoliennes doivent être installées, on risque de ne pas pouvoir réaliser la transition énergétique.
    Cela dit, nous faisons évidemment des analyses et des études avant de lancer les projets, afin de nous assurer, d'une part, qu'il y a déjà suffisamment de vent et, d'autre part, qu'il n'y aura pas de répercussions sur l'écosystème.
     Une question me vient tout de suite à l'esprit.
     Comment peut-on exclure du décret la biomasse sans l'apport de l'industrie forestière?
    L'AQPER est une association qui fait la promotion de différentes filières. Premièrement, si les résidus forestiers n'étaient pas collectés, cela aurait des conséquences sur le plan de la capture de gaz à effet de serre. Deuxièmement, cela pourrait contribuer à des feux de forêt, ce qui aurait des conséquences sur les caribous à long terme.
    De notre côté, nous cherchons à utiliser ces résidus forestiers pour en faire un bon usage, par exemple pour produire des biocarburants qui peuvent être utilisés dans la transition énergétique. Comme on le sait, la transition énergétique ne pourra pas se faire uniquement à partir de l'électron. La bioénergie sera aussi nécessaire pour les secteurs qui ne pourront pas être décarbonés au moyen de l'électricité.
    Alors, comment voyez-vous le développement de votre filière devant la menace de ce décret?
    Cela va avoir des répercussions. Par exemple, les filières des biocarburants, des biogaz et de la biomasse pourraient être touchées, parce qu'elles ne pourraient pas contribuer à cette transition énergétique. Encore là, notre but est de nous joindre aux compromis que le gouvernement a faits. Si on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut que toutes les filières soient impliquées. Je ne parle pas seulement des filières qui travaillent avec l'électron, soit l'éolien et le solaire, mais aussi des filières de la bioénergie, qui contribuent aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
     Monsieur Bélanger, pouvez-vous me garantir que, si on ne perturbe pas l'habitat du caribou, il ne sera pas mis à mal par les changements climatiques, par des feux de forêt ou par la tordeuse des bourgeons de l'épinette?
    Vous avez raison, la question du caribou est une question de perturbations, et cela comprend les perturbations naturelles. Le défi qui se présente, c'est que le niveau de perturbations associées aux coupes, qui s'ajoutent aux perturbations naturelles, dépasse le seuil tolérable pour le caribou.
    Le rajeunissement général de la forêt constitue le grand défi, et c'est également un défi économique, en passant. Comme le disait le syndicat, la valeur économique des forêts, au Québec, est en train de diminuer, parce qu'on en coupe trop. Lorsqu'on ajoute les feux à tout cela, effectivement, cela devient un dossier difficile.
     Monsieur Bélanger, je dois vous arrêter ici; je vous remercie.
    Monsieur van Koeverden, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins qui ont comparu devant le Comité en ce premier jour de la rentrée parlementaire.
    Je vais adresser mes questions à Mme Plotkin, de la Fondation David Suzuki.
    Premièrement, au cours des dernières semaines, nous avons entendu beaucoup de propos contradictoires sur l'état des populations de caribous, principalement au Québec. Pourriez-vous nous faire part de votre point de vue et nous dire ce que les données scientifiques révèlent sur les populations de caribous et sur leur évolution au cours des 10 ou 20 dernières années, ou toute autre période que vous avez?
(1305)
    Le document de travail pour ce comité montre les trajectoires des trois troupeaux en question, et ces trois troupeaux ne font que lutter pour leur survie. Ils font face à une disparition imminente à moins que des mesures soient prises pour restaurer leur habitat et protéger l'habitat viable restant. À l'heure actuelle, le gouvernement du Québec n'a pas la volonté politique de prendre ces mesures et de les mettre en place.
    Merci, madame Plotkin.
    Je réfléchis souvent au fait que bon nombre des obligations que nous avons en tant qu'élus n'ont pas grand-chose à voir avec le fait d'être élus, dans la mesure où les caribous ne votent pas. Les gens qui se soucient des caribous votent, mais les caribous ne peuvent pas le faire. Il en va de même pour les ours polaires, l'air pur et frais, l'eau et la terre, mais nous devons prendre en considération ces éléments lorsque nous prenons des décisions qui auront une incidence sur les gens, les emplois, l'économie et l'environnement.
    Si vous étiez à notre place, que vous faisiez partie du gouvernement et deviez prendre une décision qui aurait inévitablement une incidence sur les finances des gens à un moment comme celui‑ci, où les choses sont chères et où nous devons construire des maisons, qui sont souvent construites en bois... Nous avons beaucoup de bois au Canada, mais nous avons également beaucoup de caribous, de choses, d'endroits et d'espèces dont il faut nous occuper. Je n'utiliserai pas le mot « équilibre », car je sais que vous ne l'aimez pas, mais nous devons prendre en considération toutes ces variables.
    J'ai une question complémentaire, et je pense que j'en ai probablement déjà trop dit, mais que feriez-vous?
    Il faut des écosystèmes forestiers sains pour maintenir des possibilités d'emploi saines. C'est l'idée de savoir si c'est une table à trois pattes ou des cercles concentriques; pour avoir de bons emplois, il faut des écosystèmes forestiers sains. Comme M. Bélanger l'a dit, nous avons besoin de plans et ils doivent être équivalents à ceux de la LEP. Il ne s'agit donc pas d'atténuer et de réduire nos impacts. Il ne s'agit pas de dire que nous allons protéger l'habitat du caribou.
    Le caribou est l'une des espèces les plus étudiées au Canada. Grâce à la stratégie de rétablissement et au comité scientifique qui a été créé pour désigner l'habitat essentiel, nous savons ce dont le caribou a besoin pour survivre, et je ferais une pause au Québec pour reconfigurer la gestion des forêts de manière à ce que nous examinions d'abord ce que signifie une gestion véritable et durable de nos forêts et ensuite comment nous pouvons reconfigurer l'industrie afin qu'elle maintienne un habitat faunique viable.
    Merci.
    L'exploitation forestière durable et la foresterie durable sont-elles contradictoires?
    Non. La Fondation David Suzuki croit qu'il est possible d'avoir une foresterie durable, mais il doit y avoir des limites. Elle ne peut pas continuellement accroître son empreinte dans les forêts vierges qui n'ont pas encore été exploitées. L'industrie doit prendre en considération les effets cumulatifs comme l'hydroélectricité et tenir compte des besoins de l'habitat faunique dans la planification de la gestion forestière.
    Merci.
    Étant donné que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec sont tous deux signataires du Cadre mondial pour la biodiversité et qu'il a été ratifié et élaboré à Montréal, étiez-vous surprise par le manque de volonté du gouvernement provincial de le prendre au sérieux?
    J'aimerais pouvoir dire que j'ai été surprise, mais je travaille à ce dossier depuis longtemps, et j'ai vu beaucoup d'inaction de la part des provinces, et pas seulement au Québec. Je pense qu'il faut changer de système. Nous devons changer. Nous devons reconnaître que nous sommes au milieu d'une crise de la biodiversité, et nous devons reconnaître qu'il faut changer le statu quo. Dans mon secteur d'activités, tout le monde dit que des changements au statu quo sont impossibles jusqu'à ce qu'ils soient imposés, et ensuite les gens trouvent un moyen de les mettre en œuvre. Je crois donc que les changements sont possibles.
    Formidable.
    J'ai eu l'occasion de passer du temps à l'extérieur cet été, et il est toujours impressionnant de voir une espèce charismatique de grande taille, et il serait vraiment déplorable que, dans 25 ans environ, cela devienne de plus en plus rare.
    Y a-t-il une province au Canada ou une instance ailleurs, peut-être un autre pays qui a beaucoup d'arbres et se livre à l'exploitation forestière, qui est un modèle à suivre dont le Québec et le Canada pourraient s'inspirer?
    Encore une fois, j'aimerais bien qu'il y en ait une, mais beaucoup d'endroits qui assuraient une gestion forestière durable le font maintenant rétroactivement, car ils ont déjà trop coupé d'arbres. Ils s'appuient sur la restauration, mais il faut un changement systémique dans toutes les provinces.

[Français]

     Madame Pauzé, la parole est à vous.
    C'est mon tour de remercier nos témoins de s'être présentés aujourd'hui et de nous aider à trouver des solutions.
    Ma question s'adresse à M. Bélanger.
    Monsieur Bélanger, vous avez fait partie de l'Équipe de rétablissement du caribou forestier du Québec. J'imagine que vous avez eu l'occasion de parler beaucoup de l'aménagement forestier. On sait que, si on ne parle pas de l'aménagement en général, il y aura des répercussions sur le plan des changements climatiques, des incendies, des insectes, et encore d'autres choses.
    Pouvez-vous nous parler de votre spécialité, soit l'aménagement durable des forêts?
(1310)
    En 2013, le Québec a effectivement adopté une nouvelle loi appelée Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier. Dans cette loi, la prise en compte de la biodiversité et de l'aménagement, qu'on appelait « écosystémique », était au cœur du nouveau régime. En 2016, le Québec, de façon cohérente, s'est doté d'un processus pour en arriver à une stratégie permettant de conserver la biodiversité, dont le caribou. Cela faisait partie de notre stratégie nationale d'aménagement durable des forêts.
    Le problème, c'est qu'il y a eu un coup d'arrêt en 2021. Les processus de concertation qui devaient permettre l'élaboration de nos solutions ont été bloqués. Depuis ce temps, le débat est devenu idéologique, et on est incapable d'essayer de trouver des solutions de compromis. Par ailleurs, on savait que le secteur du réservoir Pipmuacan était probablement le territoire, au Québec, où le défi était le plus grand. On savait aussi que Boisaco serait probablement très touchée et menacée, d'où l'idée de mutualiser les répercussions, de trouver d'autres sources d'approvisionnement, afin que Boisaco ne porte pas le dossier du caribou forestier sur ses épaules.
    Je vous interromps là-dessus, monsieur Bélanger. Je pense que vous avez raison, d'autant plus que les pratiques de Boisaco semblent assez exemplaires.
    Seriez-vous d'accord pour qu'une table de partenariat, semblable à celle à laquelle vous avez participé, soit créée par le gouvernement fédéral pour essayer de trouver des solutions? Comme je le disais plus tôt, on met les gens dans une salle, puis on verrouille la porte jusqu'à ce qu'ils aient atteint un consensus.
    Le fédéral pourrait mettre en place cette table, mais, sans le Québec, elle manquerait de données forestières pour pouvoir simuler ces éléments.
    Oui, tout à fait.
    Je cède la parole à mon collègue M. Simard.
     Monsieur Calzado, peut-être avez-vous pris connaissance du rapport d'évaluation d'impact socioéconomique qui a été déposé au Comité. On y indiquait qu'il y avait, dans la zone d'intérêt, deux projets de cogénération qui seraient touchés directement. Ces projets existent déjà, notamment celui de l'usine de cogénération de Saint‑Félicien.
    Je vous dis cela parce que des projets de biomasse résiduelle qui n'existent pas encore, mais auxquels plusieurs entreprises travaillent. On le sait, l'industrie forestière est une chaîne. Si on coupe un maillon, si on réduit la disponibilité des copeaux, c'est l'ensemble de la chaîne qui est touchée.
    J'aimerais savoir si vous êtes en mesure de déposer au Comité les différents projets de votre association, des membres que vous représentez, qui sont directement touchés par une diminution de la biomasse forestière.
    D'autre part, j'aimerais aussi avoir un portrait des projets éoliens qui risquent d'être touchés par la zone d'intérêt du décret.
    Oui, bien sûr. De notre côté, il n'y a pas de problème à vous fournir cette information.
    De plus, je suis d'accord avec vous, il y aurait des répercussions pour cette industrie. L'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable, ou AQPER, par exemple, représente des membres qui, comme vous le dites, utilisent le copeau dans la transition énergétique, que ce soit pour la production de la chaleur ou des bioénergies. Comme je l'ai indiqué, ces productions pourront être utilisées pour décarboner des secteurs à haute température, ce que l'électrification ne peut pas faire de manière efficace. C'est pour cela qu'il est important de nous assurer que ces industries ne sont pas touchées. De toute évidence, il est important de maintenir la cohabitation...
     Merci beaucoup. On doit passer à M. Boulerice.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Bonjour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici. C'est extrêmement intéressant dans le cadre de ce débat, qui est complexe et qui touche des milliers de personnes, des communautés entières, qui ressentent beaucoup d'insécurité.
    Nous avons parlé d'équilibre. Madame Plotkin, j'ai trouvé intéressant le fait que vous n'aimiez pas beaucoup ce mot. Effectivement, il peut être assez problématique, parce qu'on veut protéger et maintenir tous les emplois ou en créer d'autres également pour que les communautés puissent survivre. Toutefois, il est vrai que ce n'est pas vraiment un équilibre quand une espèce disparaît, parce qu'il n'y a pas moyen de la faire réapparaître dans la nature par la suite. C'est alors un équilibre un peu difficile à atteindre.
    J'aimerais donc vous poser la question suivante. Nous avons entendu beaucoup de gens représentant des communautés des Premières Nations nous dire à quel point non seulement le caribou forestier fait partie de leur identité et de leur mode de vie, mais aussi qu'un caribou en santé est la preuve d'une forêt en santé et qu'il n'y a pas de développement durable sans forêt en santé.
(1315)

[Traduction]

    Je suis désolée, mais s'agissait‑il d'une question directe?

[Français]

    Oui. Que pensez-vous de la survie du caribou forestier comme preuve de la vitalité et de la santé d'une forêt?

[Traduction]

    Je ne suis pas la seule à le penser. Le caribou est une espèce parapluie et un indicateur d'une forêt en santé. Il dépend des forêts intactes et matures pour survivre, si bien que s'il est en déclin, c'est un signe que la santé écologique de la forêt est également en déclin.

[Français]

    Merci.
    Madame Plotkin, vous avez déjà abordé les mesures mises en place par le gouvernement québécois jusqu'à présent. Comme je l'ai demandé à d'autres témoins, j'aimerais que vous me disiez quelles mesures vous jugez efficaces.
    Est-ce plutôt nettement insuffisant pour freiner le déclin de cette population en danger?

[Traduction]

    Je pense que M. St‑Laurent a également abordé cette question en disant que lorsque nous prenons des mesures de fortune, comme installer des clôtures ou tuer des loups, nous ne faisons que repousser les mesures qui seront nécessaires pour créer des occasions d'emploi durables et des forêts durables. Les mesures dont les caribous ont besoin pour survivre et se rétablir sont la restauration de l'habitat qui s'est dégradé et le maintien de l'habitat qui les aide à survivre.

[Français]

     Il y a toujours le problème des champs de compétence entre Québec et Ottawa. Cette question revient souvent pour les parlementaires et législateurs qui sont sérieux.
    Quels sont, selon vous, madame Plotkin, le rôle et la responsabilité du gouvernement fédéral en ce qui concerne le maintien, la survie de l'espèce du caribou forestier?

[Traduction]

    Au début de mon intervention, j'ai dit que j'étais ici lorsque la Loi fédérale sur les espèces en péril a été débattue et mise en œuvre. L'idée de la Loi sur les espèces en péril est qu'elle comporte un filet de sécurité, de sorte qu'il incombe en premier lieu aux provinces d'assumer la responsabilité des espèces sauvages sur leur territoire. Toutefois, étant donné que la faune est une question d'importance nationale, il devait y avoir une mesure selon laquelle si les provinces échouaient et seulement dans de rares circonstances, le gouvernement fédéral prendrait l'initiative nécessaire pour veiller à ce que des mesures soient prises et que les espèces ne disparaissent pas.
    Bien franchement, je pense que la façon dont la Loi a été mise en œuvre par tous les gouvernements depuis son entrée en vigueur consiste à utiliser le décret d'urgence ou le décret pour la protection de l'habitat essentiel comme une menace. C'est pour dire aux provinces, « Nous allons faire cela à moins que vous changiez », pour les motiver à avoir la volonté politique de prendre les mesures nécessaires pour protéger et rétablir les populations de caribous. Quand les provinces cumulent échec par-dessus échec... Cela fait des années. Les premières données scientifiques sur ce dont le caribou a besoin pour survivre ont été publiées en 2008 — encore une fois, sous l'égide du gouvernement fédéral —, et lorsque les provinces continuent de les ignorer et de faire traîner les choses, j'estime qu'il faut prendre des mesures pour protéger l'habitat du caribou.

[Français]

    Il vous reste 20 secondes, monsieur Boulerice.
    Je vous les offre, monsieur le président.
    Merci.
    On les achète: on en a besoin ce matin.

[Traduction]

    Monsieur Kram, vous disposez de trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je saisis l'occasion de présenter la motion suivante qui a été soumise à la greffière vendredi passé:
Que le Comité invite le ministre de l'Environnement et du Changement climatique à comparaître devant le Comité pendant au moins deux heures, dans les 14 jours suivant l'adoption de la présente motion, relativement à ses priorités pour le retour du Parlement et à son mandat.
    Je crois que le ministre Guilbeault comparaîtra devant ce comité mercredi, mais seulement pour discuter du décret d'urgence pour la protection du caribou. Il y a de nombreux autres enjeux qui se sont accumulés au cours de l'été et sur lesquels le Comité doit se pencher — notamment le fonds Accélérateur net zéro de 8 milliards de dollars, le mandat irréaliste du gouvernement concernant les véhicules électriques et, bien entendu, la taxe sur le carbone, que le gouvernement prévoit d'augmenter encore au printemps prochain. Je pense donc qu'il est prudent d'inviter le ministre Guilbeault au Comité pour répondre aux questions sur ces sujets et d'autres enjeux importants.
(1320)
    J'ai M. van Koeverden sur ma liste.
    Je comprends l'empressement en ce premier jour de la rentrée parlementaire, et je suis certainement disposé à discuter de la motion à l'étude, mais par respect pour nos témoins, je pense que nous devrions poursuivre la réunion.
    Je demanderais que nous ajournions le débat sur cette motion pour l'instant.
    Nous allons tenir un vote sur la motion visant à ajourner le débat.
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)

[Français]

    La motion est acceptée.

[Traduction]

    Monsieur le président, juste à titre de précision, c'était pour ajourner le débat sur la comparution du ministre pour discuter de son plan d'automne.
    C'était pour ajourner le débat sur la motion pendant que nous avons des invités.

[Français]

    Poursuivons la séance.
    La parole est maintenant à Mme Taylor‑Roy, pour trois minutes.
    Pardonnez-moi, c'est plutôt le tour de Mme Chatel. Elle voulait aussi que son nom figure sur la liste.
     Merci, monsieur le président.
    Dans ma communauté, plusieurs emplois dépendent de la foresterie.
    Aujourd'hui, nous avons entendu les syndicats s'adresser au gouvernement et à l'industrie forestière pour les inviter à vraiment repenser la foresterie. Ils veulent ainsi qu'on puisse offrir aujourd'hui et demain aux enfants de nos communautés rurales des emplois dont ils pourront être fiers et qui vont leur permettre de prospérer et de participer pleinement à l'économie de demain.
    Les employés lancent un cri du cœur, et je l'entends haut et fort chez nous.
     Les employés ont des idées et il faut les écouter. Les syndicats ont d'ailleurs proposé une de ces idées, qui consisterait à arrêter de produire des quatre-par-quatre pour ensuite les envoyer aux États‑Unis ou ailleurs. Nous pouvons en faire plus avec le bois que nous avons. Nous pouvons faire plus de transformation. Nous avons des employés extrêmement bien formés et spécialisés qui travaillent fort.

[Traduction]

    Madame Plotkin, vous étiez rendue dans votre déclaration liminaire à parler de la bonne nouvelle. La bonne nouvelle est de réinitialiser l'industrie pour que nous puissions tous prospérer, surtout dans les régions rurales du Canada. Je voulais vraiment en entendre parler.
    Il n'y a pas que moi. J'ai entendu ce matin un certain nombre de mesures qui peuvent être prises pour réduire les pressions sur l'habitat du caribou. Je pense qu'ils ont parlé ce matin des systèmes de compensation, de la possibilité pour les entreprises d'échanger l'approvisionnement en bois. Comme vous l'avez mentionné, on pourrait avoir plus de produits à valeur ajoutée, où l'on ajoute de la valeur aux produits au Canada avant qu'ils soient expédiés en dehors du pays, réduire la quantité de bois qui est transformée en produits jetables tels que les serviettes en papier, les boîtes en carton d'Amazon et autres produits que les gens utilisent et jettent ensuite.

[Français]

     Parmi d'autres solutions aussi envisagées, il est suggéré de reconstruire nos forêts et de les développer de manière plus durable. Nous pouvons compter sur une expertise dans les communautés rurales et pouvons donc aussi en faire plus sur ce plan.

[Traduction]

    Oui. Encore une fois, il y a beaucoup de gens intelligents. Les enjeux sont énormes. Si le mandat est confié et si la province a la volonté politique, nous pouvons trouver comment faire de l'exploitation forestière d'une manière qui soit vraiment durable, où nous maintenons l'habitat pour les espèces qui en ont besoin, où nous augmentons peut-être nos âges d'exploitabilité et où nous faisons participer les peuples autochtones dans les processus de prise de décisions.
    Il faut repenser la foresterie. Le caribou est en quelque sorte la cloche qui attire l'attention de tous.
(1325)

[Français]

    Ce que j'aime beaucoup, c'est transformer un défi en occasion.

[Traduction]

    Vous dites qu'il faut transformer un défi en une possibilité. Voilà où nous en sommes. Nous devons mettre la politique de côté. Nous devons travailler ensemble. Nous devons le faire maintenant, pour nos travailleurs.
    Je vous remercie.

[Français]

     Est-ce Mme Pauzé ou M. Simard qui prendra la parole?
     C'est M. Simard.
    Je veux rapidement revenir à ce qu'a dit Mme Chatel.
    Je lui ferai simplement remarquer que cette transformation dans le secteur forestier est souhaitée par plusieurs personnes depuis des années. Or, malheureusement, dans l'ensemble de l'aide qui est fournie par le gouvernement au secteur forestier, 75 % de cet argent est accordé sous forme de prêt. Ma région, le Saguenay‑Lac-Saint-Jean, rapporte plus au gouvernement fédéral par année que l'ensemble du soutien financier qui est accordé au secteur. Le soutien du gouvernement fédéral pour favoriser la transition des produits de commodité vers plus de transformation est donc inexistant, et il l'a toujours été. J'ai l'impression que le gouvernement a un examen de conscience à faire.
     Pour finir, je vais poser une question à M. Bélanger, qui a fait partie de l'équipe de rétablissement. Peut-être M. Bélanger a-t-il très bien connu le regretté Claude Villeneuve, qui nous a donné un sérieux coup de main lorsqu'il était question du secteur forestier et du caribou. M. Villeneuve nous disait qu'il ne fallait pas sous-estimer l'effet des changements climatiques sur l'habitat du caribou.
    Je sais que cet argument ne fait pas nécessairement consensus auprès de certains biologistes de la grande faune, mais j'aimerais entendre ce qu'en pense M. Bélanger. Croit-il que les changements climatiques, en particulier dans le secteur du réservoir Pipmuacan, auront un effet sur la migration vers le nord de certaines hardes de caribous?
    Vous ne disposez que de 15 secondes. Répondez de manière très succincte, s'il vous plaît.
    Selon les dernières recherches et simulations qu'on a faites, non, le caribou va toujours rester en place. Les changements climatiques, il va y en avoir. Le caribou va devoir s'adapter, mais c'est encore dans l'enveloppe climatique qui maintient le caribou forestier.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Monsieur Boulerice, vous disposez d'une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    On a entendu de nombreux témoins, et on comprend à quel point l'industrie forestière est importante pour l'économie du Québec. Elle offre de bons emplois, qui sont souvent syndiqués. On veut tout faire pour les protéger et les maintenir, tout en protégeant une espèce qui est menacée.
    Monsieur Bélanger, vous avez dit tantôt quelque chose qui ne m'a pas échappé. Vous avez dit qu'on coupait déjà trop. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus là-dessus. Quelle est votre vision pour l'avenir du secteur et le maintien des industries et des emplois dans cette perspective?
    Je vais vous donner un cas concret. La région de la Capitale‑Nationale a fait l'objet d'un projet pilote pour l'établissement des stratégies régionales de production du bois. On a fait une analyse économique du bois exploitable. Pour la région de la Capitale‑Nationale, donc de Portneuf jusqu'à Charlevoix, on est arrivé à la conclusion selon laquelle 30 % de la possibilité forestière n'était pas récoltable économiquement. Comme on ne va pas récolter cette partie du bois, cela fait en sorte qu'on met encore plus de pression sur les forêts de qualité. Cela nous amène à une baisse de qualité générale et à une baisse des diamètres dans la forêt. Même les...
     Je m'excuse de vous interrompre, mais il semble que la qualité du son ne soit pas à la hauteur. Les interprètes ont dû cesser d'interpréter ce que vous disiez.
    Monsieur Boulerice, je vous donne 10 secondes pour conclure, résumer, dire ce que vous voulez.
    Merci, monsieur le président.
    Je demanderais simplement au témoin, M. Bélanger, de faire parvenir au Comité le reste de sa réponse par écrit, si possible, pour que nous puissions en prendre connaissance.
    Merci.
    C'est au tour de M. Godin. Non.
    Qui est le prochain intervenant pour les conservateurs?
    Monsieur Martel, la parole est à vous.
     J'aurais aimé parler à M. Bélanger. Puisqu'il parle français et que tout le monde ici comprend le français, est-il nécessaire d'interpréter cela en anglais?
    Ce sont les règles du Comité. Il faut avoir l'interprétation. C'est la façon de faire. On pourrait essayer, mais, s'il n'y a pas d'interprétation, il va falloir que vous vous dirigiez vers un autre témoin.
     Je veux m'adresser à M. Bélanger.
    Monsieur Bélanger, j'ai lu récemment que la diminution de disponibilité forestière peut se faire sans perte d'emploi, puisque l'industrie ne récolte pas la totalité de ce qui lui est accordé
    Est-ce aussi vrai pour la région du Saguenay‑Lac‑Saint‑Jean?
(1330)
    Pas que je sache, non. La région du Lac‑Saint‑Jean est une des régions qui coupent à peu près toute la possibilité attribuable pour les résineux.
     Merci, monsieur Bélanger.
    C'est tout.
    Oui, c'était ma question.
    Merci.
    Merci.
    Pour terminer, je ne sais pas si c'est au tour de Mme Chatel ou de Mme Taylor Roy.
    Merci, monsieur le président. C'est moi qui prendrai la parole.
    Ma question s'adresse à M. Bélanger.
    Vous dites qu'une des solutions, à l'heure actuelle, serait une commission indépendante, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    Cette commission indépendante comprendrait des experts, des universitaires comme vous et des représentants du secteur public et du secteur privé. Est-ce bien cela?
     C'est exactement cela.
     Il y a eu une commission comme celle-là dans les années 2000. C'était le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC. Il y a donc déjà eu une telle commission et il y a déjà eu un rapport.
    Que souhaitez-vous exactement?
    Il s'agirait d'établir des mesures de réduction des répercussions économiques, par exemple, la mise en place de mesures visant le mouvement de bois, les investissements sylvicoles ou l'exploitation de certains peuplements abandonnés actuellement, pour permettre de trouver de nouvelles sources d'approvisionnement pour des usines comme Boisaco.
    D'accord.
    Corrigez-moi si je me trompe. Cette commission indépendante servirait un peu, d'une part, à fournir une nouvelle vision au secteur forestier afin qu'il adopte des pratiques durables en lien avec nos engagements à protéger notre environnement et la nature, et, d'autre part, à faire en sorte que les ressources naturelles puissent être là encore pendant plusieurs années et puissent soutenir notre économie.
    Il s'agirait donc davantage d'une commission économique, centrée sur le secteur forestier. Est-ce bien cela?
    Cette commission aurait certes une dimension économique, mais elle devrait quand même produire un plan crédible de conservation des caribous forestiers.
    En effet. Je pense que vous êtes d'accord sur le fait qu'on ne peut pas avoir une économie si on n'a pas un environnement en santé.
    Tout à fait. Le problème du caribou démontre qu'actuellement, on met trop de pression sur la forêt. Il faut trouver des façons de faire une transition temporelle pour arriver à des niveaux de coupes qui soient durables.
    D'accord.
    Si je comprends bien, vous êtes d'accord sur ce que disaient les syndicats et Mme Plotkin. Il faut une vision concertée de tous les milieux pour veiller à se doter d'une foresterie durable et créatrice de bons emplois, c'est-à-dire d'emplois de l'avenir.
    On doit en faire plus avec nos ressources naturelles.
    Le professeur Bélanger semble en convenir.
    Nous sommes rendus à la fin du temps alloué.
    Je tiens à remercier les témoins de cet échange enrichissant. Nous terminons là-dessus.
    Je vous remercie encore d'avoir été des nôtres.
    La prochaine réunion du Comité se tiendra mercredi.
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