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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 127e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un mode hybride. J'aimerais rappeler aux participants les points suivants. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Chers collègues, veuillez lever la main si vous souhaitez parler, que vous soyez ici en personne ou sur Zoom. Le greffier et moi-même allons faire de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 22 octobre 2024, le Comité reprend son étude de l'ingérence électorale et des activités criminelles au Canada par des agents du gouvernement de l'Inde.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la première heure. Nous accueillons Moninder Singh, porte-parole du British Columbia Gurdwaras Council, ainsi que de la Sikh Federation of Canada. Nous recevons également Balpreet Singh, conseiller juridique, de l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, par vidéoconférence.
Aujourd'hui, c'est Diwali. Namaste et joyeux Diwali à tous.
J'invite maintenant M. Moninder Singh à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
Allez‑y, monsieur. Je vous en prie.
J'aimerais commencer par souligner que je viens des territoires occupés et non cédés des Premières Nations Kwantlen, Katzie et Semiahmoo. Je tiens à les remercier de me donner l'occasion de vivre et de travailler sur les terres dont ils prennent soin depuis des temps immémoriaux.
J'aimerais également mentionner qu'aujourd'hui marque l'anniversaire du début des premiers incidents brutaux et horribles de violence orchestrée, planifiée et parrainée par l'État indien contre la communauté sikhe, en novembre 1984 — un génocide au cours duquel des milliers de sikhs ont été assassinés en Inde. Cette violence étatique, cette oppression et, maintenant, cette répression transnationale se poursuivent et disposent de bases solides au Canada. Le défi qui se pose à tous ceux qui considèrent le Canada comme leur pays est de trouver une façon de mettre fin à cela.
La violence parrainée par l'État n'est pas nouvelle en Inde. Dans son rapport intitulé « Protecting the Killers: A Policy of Impunity in Punjab, India », Human Rights Watch affirmait que « de 1984 à 1995, le gouvernement indien a ordonné des opérations de contre-insurrection qui ont mené à la détention arbitraire, à la torture, à l'exécution extrajudiciaire et à la disparition forcée de milliers de sikhs. » Cela est d'autant plus important aujourd'hui, étant donné que cette violence se poursuit sous forme de répression transnationale, qui a coûté la vie à des citoyens canadiens dans ce pays. Il ne devrait pas y avoir de doute concernant la politique de l'Inde à l'égard des militants sikhs depuis 40 ans, l'Inde affichant ce genre de comportement depuis des décennies.
Cependant, les gouvernements qui se sont succédé ne se sont pas occupés de cela ou ont balayé la question sous le tapis, afin de poursuivre les activités commerciales ou de resserrer les liens avec l'Inde. La répression s'exerce de façon incontrôlée, et la réaction ou l'absence de réaction de la communauté internationale ont encouragé l'Inde à aller encore plus loin. Le rôle du Canada a été d'accorder aux réseaux de renseignement indiens l'impunité nécessaire pour exercer leurs activités au Canada, ce qui les a encouragés à intensifier leurs actes de violence. Par exemple, lorsqu'on a su qu'un groupe d'agents d'origine indienne exerçait ses activités au consulat de Vancouver, en 2017, à peu près rien n'a été fait pour les arrêter à ce moment‑là. Cela a mené à l'assassinat de Bhai Hardeep Singh Nijjar à Surrey, le 18 juin 2023. Toutes les preuves recueillies montrent que l'Inde poursuit sa répression transnationale sous une forme très violente. Les éléments de preuve au dossier font ressortir que l'Inde assassine directement des activistes et coordonne la violence généralisée contre toute la communauté dans tout le pays. Les actes de violence... grâce aux révélations de la GRC, le 14 octobre.
Je peux vous parler personnellement de la situation actuelle dans la communauté. Je fais partie des personnes au Canada qui ont reçu de multiples avertissements concernant la menace d'un assassinat imminent. Cela me place évidemment, comme d'autres, dans une position très dangereuse. J'ai dû quitter mon foyer, où vivent des enfants mineurs, ce qui m'empêche d'être à leurs côtés. Il y a un flou concernant la réalité de travailler au sein de notre communauté, tout en exerçant notre droit à la liberté d'expression garanti par la Charte. Les communautés souffrent beaucoup, et pas uniquement les familles. Le fait que l'on ne nous réponde pas dans ces situations est également très problématique. Les organismes d'application de la loi ne peuvent fournir qu'une aide limitée. Nous ne savons pas d'où vient la menace. Nous ne savons pas non plus comment réagir à ce genre de menace au Canada.
Au cours des deux dernières années, tout cela s'est passé sous nos yeux. M. Nijjar, moi-même et des dizaines d'autres Canadiens sikhs sommes forcés de choisir entre nous retirer de la vie publique et soutenir nos communautés, ou poursuivre notre travail et risquer notre vie en tant que sikhs et en tant que personnes qui défendent les droits de la personne — un combat auquel, je crois, tout le monde dans cette salle adhère également. Nous n'avons pas eu le choix. Nous avons dû poursuivre notre travail. Nous avons dû continuer à nous exprimer. Nous nous devions de continuer à exercer les droits de liberté d'expression garantis par la Charte. C'est la seule option que nous avons, et nous poursuivons dans cette voie. Nous continuerons également de le faire à l'avenir.
C'est ce à quoi ressemble un régime autoritaire comme celui de l'Inde, et c'est ce qu'il veut — intimider et museler les voix dissidentes. Cependant, cela ne pourra pas se faire chez nous, et cela n'est certainement pas une possibilité pour la communauté sikhe au Canada.
Parmi les tactiques de répression transnationale figurent les tentatives d'assassinat, les menaces et l'intimidation de militants sikhs. L'assassinat de Bhai Hardeep Singh Nijjar est un exemple flagrant du degré d'infiltration de l'Inde au Canada, non seulement par des assassinats, mais aussi en minant les élections générales et l'investiture de candidats dans les partis politiques — cela pouvant aller jusqu'aux courses à la direction de ces partis également. Des preuves présentées à la Commission sur l'ingérence étrangère confirment d'ailleurs tout cela. L'Inde mène ces opérations depuis plus de 40 ans. Je suis moi-même intervenu à plusieurs reprises, au cours des deux dernières années, pour dire que la communauté sikhe est au courant de l'ingérence de l'Inde au Canada.
J'aimerais vous lire quelque chose:
L'Inde mène des opérations de renseignement au Canada à deux niveaux — directement, par l'entremise de ses consulats à Toronto et à Vancouver, et indirectement, par l'infiltration de la communauté sikhe canadienne. La cible de l'Inde est un lobby sikh international bien organisé, qui constitue l'épine dorsale financière, intellectuelle et administrative de la quête d'une patrie au Pendjab.
Selon différentes sources, les activités de renseignement de l'Inde au Canada comprennent la diffusion de fausses informations, le recours à des informateurs rémunérés et l'incitation à des activités visant à discréditer le mouvement séparatiste sikh.
Ce n'est pas quelque chose qui a été publié au cours des six derniers mois. Cela remonte au 28 novembre 1984, dans le Globe and Mail du Canada. Le Canada est au courant de l'ingérence des Indiens depuis 40 ans. Le Canada, ses médias et la communauté sikhe en ont tous entendu parler. La triste réalité, c'est qu'on n'a pas fait grand-chose à ce sujet.
En conclusion, nous avons quatre choses qui, selon nous, aideraient à protéger les Canadiens, soit la suspension des accords sur la sécurité et le renseignement avec l'Inde dans l'immédiat, en tant que mécanisme à court terme pour assurer la sécurité au Canada pour tous les Canadiens; une enquête publique sur l'assassinat de M. Nijjar, de même que sur les activités de l'Inde et les révélations de violence qui ont été mises au jour par la GRC le 14 octobre, l'Inde étant à notre connaissance le seul pays à avoir infligé autant de violence à des citoyens canadiens en sol canadien; la poursuite des comploteurs et des auteurs de ces actes et l'imposition de sanctions ciblées contre les diplomates indiens qui seraient impliqués dans ces actes, surtout ceux qui ont été expulsés du pays; et le soutien à la communauté sikhe dans la lutte contre la montée de la haine contre les sikhs, qui est directement liée aux campagnes de mésinformation et de désinformation de l'Inde contre les sikhs.
Enfin, je vous implore tous de me poser des questions sur les expériences vécues de l'ingérence étrangère des Indiens. Si quelqu'un ici reste silencieux sur cette question, cela en dira long sur sa position et sur les personnes qu'il cherche à protéger. Nous sommes tous ici en tant que Canadiens. Nous sommes tous ici pour protéger ce pays et ses libertés.
À l'heure actuelle, c'est la communauté sikhe qui fait les frais de cette violence, mais à l'avenir, ce pourrait être n'importe quelle communauté. Il ne doit pas y avoir de ligne de parti, alors que nous travaillons ensemble pour combattre ce genre de haine et de violence en sol canadien. C'est une question de vie ou de mort pour la communauté sikhe, bien sûr, mais c'est aussi la souveraineté du Canada qui est minée, et celle de tous les Canadiens. La réponse que vous nous donnerez aujourd'hui témoignera de la priorité que vous accordez à nos vies et de votre engagement à l'égard de votre charge d'élu pour protéger d'abord les intérêts de notre pays.
Merci.
Bonjour. Je m'appelle Balpreet Singh. Je suis conseiller juridique pour l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada.
Aujourd'hui, à l'approche du 40e anniversaire du génocide sikh de 1984 en Inde, nous sommes ici pour discuter du fait que l'Inde continue de cibler les sikhs au Canada, ce qui fait qu'il est absolument essentiel de comprendre le contexte de cette ingérence continue.
Depuis des décennies, le gouvernement de l'Inde cible les sikhs et d'autres minorités sans aucune conséquence. Des dizaines de milliers de sikhs ont été tués par l'État indien sans qu'il ait à rendre des comptes. Depuis 40 ans, les sikhs du Canada sont au courant de l'ingérence étrangère de l'Inde, qui cible notre communauté. Ce n'est un secret pour personne.
Parlant de secret, Open Secrets est le titre d'un livre d'un ancien diplomate et agent de renseignement indien, M.K. Dhar, qui était en poste à Ottawa de 1983 à 1987. Dans ses mémoires, il admet que sa mission consistait à « infiltrer certains gurdwaras », à établir des actifs au sein de la communauté sikhe et à « se faire quelques amis parmi les députés canadiens ». Plusieurs autres livres et articles ont documenté l'espionnage et l'ingérence de l'Inde envers les sikhs du Canada. Le Canada est au courant de cette ingérence depuis longtemps, mais il a souvent fermé les yeux ou traité l'Inde avec des gants blancs.
Cette ingérence continue de prendre plusieurs formes, la première étant la manipulation des visas. Le principal outil de l'Inde est le visa indien. Des personnes se voient refuser un visa pour avoir exprimé des opinions que l'Inde juge répréhensibles, tandis que d'autres sont forcées de poser des actions ou de faire des déclarations en échange d'un visa. Certaines personnes ont été obligées de signer des lettres rédigées au préalable qui appuient l'Inde, lettres qui sont ensuite utilisées pour faire de l'extorsion. Même les politiciens canadiens ont été soumis à ces tactiques. Parmi les autres formes de cette ingérence figurent l'intimidation de parents en Inde, la surveillance de personnes et d'événements, ainsi que la manipulation et la désinformation des médias, grâce à des récits qui soutiennent la position du gouvernement indien.
Les répercussions sur la communauté sikhe ont été profondes. Les sikhs sont forcés d'éviter les discussions au sujet du Khalistan, un État sikh souverain. Pour l'Inde, tout dialogue sur le Khalistan est qualifié d'extrémisme ou de terrorisme, et c'est une nuance qui est souvent mal comprise en Occident. L'Inde a déployé beaucoup d'efforts pour associer le terme « Khalistan » à la peur. Des partisans du Khalistan ont été victimes de torture et ont été enlevés en Inde. L'Inde cherche à rendre cette approche répressive normale et à l'exporter au Canada; cependant, nous avons ici la liberté d'expression, qui est protégée, bien sûr, par la Charte.
Les tensions actuelles dont nous sommes témoins remontent à 2015, année où un nombre important de sikhs ont été élus députés et ont été nommés au Cabinet. Cela a été perçu comme une menace par l'Inde, qui a rapidement présenté le gouvernement canadien comme étant influencé par des extrémistes du Khalistan. Selon un rapport paru en septembre 2023 dans The Bureau, par Sam Cooper, en 2017, le Service canadien du renseignement de sécurité était au courant de l'augmentation des activités diplomatiques de l'Inde ciblant la communauté sikhe, y compris la surveillance, la manipulation des votes et la coercition touchant les visas.
Ottawa aurait interrompu ses actions en raison de la sensibilité politique et de l'imminence de la visite d'une délégation canadienne en Inde en 2018. Comme nous le savons, cette délégation a par la suite été ciblée par l'Inde, qui a utilisé le faux prétexte de l'extrémisme sikh pour ternir la visite. Le Canada a tenté d'apaiser l'Inde en signant le Cadre de coopération en matière de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, que l'Inde a ensuite présenté comme une répression des partisans du Khalistan.
Au Canada, les sikhs ont signalé à maintes reprises l'ingérence des Indiens aux organismes d'application de la loi et au SCRS, mais il n'est pas certain que cela a eu un effet. En juin 2022, j'ai personnellement informé le SCRS que l'Inde pourrait tenter de cibler des activistes sikhs sous le couvert de guerres de gangs, en s'appuyant sur des récits de médias indiens. Après le meurtre de Ripudaman Singh Malik, en juillet 2022, j'ai prévenu le SCRS des risques pour la vie de Hardeep Singh Nijjar et d'autres activistes. Cela a donné lieu à des obligations de mise en garde, mais aucune véritable protection n'a été fournie, de nombreuses personnes ayant eu alors le sentiment d'être laissées à leur sort.
L'annonce que le a faite au Parlement l'an dernier et la déclaration récente de la GRC ont été une bouffée d'air frais et s'apparentent à une justification pour notre communauté. Cependant, l'ingérence de l'Inde s'étend maintenant à nos institutions démocratiques et à nos élus. L'influence de l'Inde se manifeste dans les courses à l'investiture et les élections et, selon certaines allégations, des députés reçoivent des fonds de l'Inde pour soulever des questions précises au Parlement. Qu'on ne s'y trompe pas, les actions de l'Inde sont le reflet d'un pays hostile et voyou qui agit en toute impunité.
Le Canada et ses alliés doivent réévaluer leurs relations avec l'Inde. Il n'est plus possible de fermer les yeux ou de traiter ce pays avec des gants blancs. Nous devons continuer à dénoncer et à contrer l'ingérence des Indiens, comme nous avons commencé à le faire au cours de la dernière année. C'est un moment absolument crucial pour notre communauté, mais aussi pour notre pays. Le Canada doit s'engager à mettre fin à l'ingérence étrangère de l'Inde, qui se poursuit sans relâche depuis 40 ans.
Merci.
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Oui, certainement. Je peux parler d'expérience, car il y a eu de multiples obligations de mise en garde me concernant.
L'un des problèmes que nous constatons, c'est qu'il y a très peu d'information sur la provenance de la menace, ce qui fait qu'on ne sait pas vraiment ce qu'il faut surveiller. Il y a très peu de ressources pour guider les gens sur la façon de se protéger. Il y a des méthodes simples, comme obtenir une caméra de surveillance et prendre conscience de son environnement, mais lorsque quelqu'un des forces de l'ordre vous dit qu'il y a une menace imminente d'assassinat contre vous, cela ne fait rien pour protéger quiconque vit au Canada, comme nous l'avons vu dans le cas de mon ami, M. Nijjar, qui avait reçu la même mise en garde que moi, en juillet 2022.
Ce que nous aimerions, en fait, c'est qu'on aille plus loin. Pourquoi ce risque persiste‑t‑il au départ? Nous avons l'impression que la première chose dont nous avons besoin, c'est d'une enquête visant à bien comprendre l'Inde. Les mises en garde s'apparentent à appliquer un pansement sur une plaie béante qui n'arrêtera pas de saigner, compte tenu de ce que fait l'Inde. Une enquête permettra d'approfondir la situation pour comprendre à quel point l'Inde s'est infiltrée au Canada et où elle exerce son ingérence sur nos systèmes électoraux, nos universités, nos médias et nos politiques. Je pense que c'est la seule façon de comprendre la menace et de pouvoir ensuite la contrer. Je crois que les autres solutions sont insuffisantes.
Il n'est pas possible pour les organismes d'application de la loi de faire surveiller des résidences 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Je fais l'objet d'obligations de mise en garde depuis deux ans, et la situation persiste. Il n'est tout simplement pas possible que le gouvernement canadien ou les organismes d'application de la loi m'affectent des agents en tout temps, et cela n'a pas sa raison d'être.
Je pense que nous devons aller à la racine du problème plutôt que de recourir à des solutions de fortune, qui permettront peut-être d'assurer la sécurité des gens dans l'immédiat, mais qui ne s'attaquent pas à la cause réelle de la situation, c'est‑à‑dire l'Inde.
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La réalité, c'est que toute votre vie change. En entrant dans une salle comme celle‑ci, on se demande si on est en sécurité. S'il s'agit d'une menace imminente d'assassinat — comme nous le disent les forces de l'ordre, par l'entremise des équipes intégrées de la sécurité nationale, ou EISN, qui se situent au plus haut niveau —, est‑ce que je mets des gens en danger en venant ici? Puis‑je aller à l'école de mes enfants? Puis‑je assister à leurs pratiques, leurs récitals et leurs jeux?
On peut avoir l'impression que ce sont des choses sans importance jusqu'à ce qu'elles vous touchent. Toute votre vie est bouleversée par ce genre de choses et vous essayez d'éviter les gens. La réalité, c'est que vous voulez protéger les gens autour de vous, surtout ceux qui vous tiennent à cœur, et même ceux que vous ne connaissez pas — probablement davantage, parce qu'ils n'ont rien à voir avec cela.
Nous sommes au cœur même de cette situation. Je pense que dans l'immédiat... On a vu avec M. Nijjar qu'il avait modifié ses allées et venues. Il a fait tout ce qu'il pouvait. Il a fait tout ce qui était possible pour se protéger dans cette situation.
La seule chose qu'il n'a pas faite, et qu'aucun d'entre nous ne fera, c'est de garder le silence. Je pense que si nous ne nous taisons pas, ils vont continuer de sévir. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit — mis à part des mesures de sécurité personnelle qui seraient fournies à des personnes à un coût très élevé pour notre pays — qui protégerait vraiment les gens, d'après mon expérience des deux dernières années.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les deux témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui, de leurs déclarations préliminaires et de leurs témoignages importants.
Je vais parler de la cause profonde. Nous sommes ici à cause de l'ingérence d'un gouvernement étranger. Dans ce cas‑ci, le gouvernement indien cible les membres de la communauté sikhe au Canada. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui et pourquoi nous devons discuter de cette importante question. Vous avez tous les deux fait preuve de courage en vous adressant ouvertement au Comité pour aborder cette question très importante. Je suis choqué et surpris que des députés qui sont élus à notre Parlement, qui viennent de notre communauté, de la communauté sikhe ou de l'Inde, ne soient pas ici, particulièrement ceux du Parti conservateur, pour discuter de cette importante question. En tant que membre de la communauté, je trouve cela plutôt dérangeant.
Vous avez parlé de l'infiltration importante de l'Inde et du fait que ce pays cible des citoyens canadiens, des membres de la communauté qui s'adonnent à des activités politiques ou qui ne font qu'exercer leur droit à la liberté d'expression garanti par la Charte.
Je vais commencer par M. Moninder Singh, puis je passerai à M. Balpreet Singh.
Vous avez tous les deux mentionné que les courses à l'investiture et à la direction des partis sont préoccupantes. Croyez-vous que le gouvernement indien a ciblé des courses à l'investiture et à la direction de partis au Canada dans un passé récent?
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Absolument. D'après ce que nous avons vu à la Commission sur l'ingérence étrangère, tout cela est possible.
Nous n'allons pas nous concentrer sur un parti en particulier, mais nous dirions que cela touche notre système électoral en général, nos nominations, nos dirigeants de parti, l'influence exercée sur les gens dans la bureaucratie. Je crois fermement que cela se manifeste partout. Je ne pense pas que cela ait une portée limitée. Je crois que l'Inde, comme l'a dit la Commission sur l'ingérence étrangère, trouvera des gens qui ont un penchant pour elle, qui l'appuient activement dans bon nombre de ses initiatives, ou des gens qu'elle peut contrôler ou manipuler d'une façon ou d'une autre. Elle les fera avancer et les appuiera dans leur candidature ou leur mise en candidature.
Je crois fermement que cela est présent partout. Je ne pense pas que nous puissions nous limiter à une personne ou à un parti. Selon moi, c'est un problème pour l'ensemble du Canada et de ses systèmes à l'heure actuelle.
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J'irais probablement jusqu'à dire que quiconque a la possibilité d'obtenir une telle habilitation devrait tenter de le faire. Au moins, nous saurions ce qui se passe.
Je n'entrerai pas dans les détails de qui, pourquoi ou où, mais nous surveillons la situation de près et nous sommes très préoccupés par le fait que des situations très graves peuvent se produire au Canada. Beaucoup de renseignements peuvent être divulgués. Nous voyons le et d'autres qui parlent de la question, alors il n'y a pas de musellement des personnes qui reçoivent l'information.
En fait, nous nous attendons à ce que tout le monde, surtout la direction d'un parti, ait cette habilitation, car cela permet d'avoir une vraie conversation. Lorsque vous n'obtenez pas l'habilitation... L'une des choses que l'on dit dans la communauté sikhe — je vais être très direct —, c'est que les gens qui ne veulent pas savoir peuvent s'en tirer en disant: « Eh bien, je n'ai jamais su. » Ce genre d'excuse ne passera pas.
J'espère que ce n'est pas ce qui se produit. Je ne prétends pas connaître les rouages internes des partis, mais je crois que les Canadiens s'attendent à ce que chaque chef de parti ait cette habilitation.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs témoignages. Je pense que c'est très important d'entendre ce qu'ils ont à dire.
Plus tôt, monsieur Singh, vous avez parlé du devoir de mettre en garde.
Le commissaire de la GRC a aussi abordé cette question quand il est venu témoigner au Comité, mardi dernier. Il nous a dit que ces situations étaient de plus en plus fréquentes, notamment au cours de la dernière année. Il y a eu des situations où les gens ont été intimidés, où il y a eu des homicides, du harcèlement, et la GRC a dû exercer son devoir de mettre en garde.
Quand il a expliqué ce que cela voulait dire, j'ai été assez surprise de constater qu'il s'agissait seulement du devoir de mettre en garde.
Il ne s'agissait pas d'un devoir de protection.
C'est également ce que vous avez mentionné dans un article du Global News, en juin 2023. Vous avez dit que des membres de la GRC étaient venus vous informer du fait que des menaces de meurtre avaient été proférées à votre endroit. Quand vous avez demandé quel genre de protection était disponible pour vous, on vous a répondu, en quelque sorte, qu'il n'y en avait pas et que vous deviez vous débrouiller seul.
C'est ce que vous avez dit dans cet article, et c'est ce que vous avez répété aujourd'hui.
Cela vous surprend-il qu'un service de police fasse un bout de chemin, que l'on soit capable d'obtenir ces éléments d'information et de vous en faire part, mais que l'on vous laisse un peu à vous-même par la suite? Vous avez mentionné être obligé de changer un peu votre quotidien pour vous protéger.
Pensez-vous que les services de police devraient en faire davantage dans de telles circonstances?
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Je suis convaincu que si une personne dans ce pays faisait face à ce genre de menace imminente d'assassinat... Le fait de vous montrer un simple document et de vous le retirer ensuite, ainsi que de vous laisser entièrement à vous-mêmes, me semble être un transfert de responsabilité. J'ai eu l'impression que l'obligation de mise en garde consistait à dire: « Nous vous avons informé, et maintenant, si quelque chose vous arrive, nous pouvons nous en laver les mains. » C'est un sentiment horrible pour quiconque vit dans ce pays. J'espère que personne dans cette salle n'aura à vivre cela. Cela m'est arrivé de multiples fois au cours des deux dernières années.
Je suis convaincu qu'il faut en faire plus. Une question semblable a été posée plus tôt. Je ne vais pas m'éterniser là‑dessus, mais je crois qu'il y a des choses que nous pouvons faire à long terme pour nous assurer que les Canadiens n'ont pas à vivre cela. Nous pouvons protéger nos frontières. Nous pouvons protéger notre pays et la communauté sikhe de notre pays. La seule chose que nous devrions éviter, c'est de réduire les communautés au silence et de leur dire que si elles se taisaient sur cette question, on les laisserait tranquilles.
Il ne s'agit plus seulement de la communauté sikhe. C'est une question d'intégrité territoriale et de souveraineté de notre pays. Cela doit être davantage mis en évidence. Il ne s'agit plus seulement d'une lutte entre les sikhs et l'Inde. C'est maintenant une lutte, comme on peut le voir avec l'expulsion des diplomates, entre le Canada et l'Inde.
À long terme, je pense que nous devons nous attaquer à la racine du problème, mais à court terme, comme je l'ai déjà mentionné, il n'y a pas grand-chose que nous pouvons prévoir, mais ce qui se passe actuellement est très limité, c'est certain.
Quelles ont été votre réaction et celle de votre communauté, le 14 octobre dernier, quand des organismes du gouvernement, soit la GRC et l'agence du renseignement, ont tenu un point de presse pour dévoiler certains détails de l'enquête en cours sur l'ingérence étrangère de la part de l'Inde? On nous a dit que c'était très inhabituel de faire cela et que, habituellement, les détails des enquêtes sont protégés pour protéger leur intégrité. La GRC a dit vouloir s'assurer que le plus de gens possible sont au courant, de sorte qu'ils puissent aussi fournir des éléments d'information.
Cela a-t-il rassuré votre communauté? Qu'est-ce que le fait que cette enquête devienne publique du jour au lendemain a changé, pour vous?
Pensez-vous que cela aurait été du pareil au même si la GRC n'avait pas tenu de point de presse?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier tous les deux d'être venus participer à cette étude importante. Ce comité a approuvé à l'unanimité la tenue de cette réunion d'urgence, et nous avons appuyé cette étude à l'unanimité. Les révélations qui ont été faites le 14 octobre, comme vous l'avez dit, sont connues de la communauté sikhe du Canada depuis des décennies. Enfin, le reste du Canada prend conscience de la réalité de la menace. J'espère qu'il y a une certaine validation maintenant. Je pense qu'il faut maintenant voir à ce qu'on puisse poursuivre nos efforts pour faire face à cette menace avec le sérieux qu'elle mérite.
Plus tôt cette semaine, nous avons reçu le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS. J'aimerais aborder la question des habilitations de sécurité pour les chefs des partis fédéraux, car lorsque j'ai demandé au nouveau directeur du SCRS, M. Daniel Rogers, ce qu'il en pensait, il a répondu que cela permettrait essentiellement aux dirigeants fédéraux d'être mieux informés, afin de prendre les mesures appropriées au sein de leur propre parti.
Je vais commencer par vous, monsieur Moninder Singh. Je ne pense pas qu'il s'agisse vraiment de bâillonner les chefs des partis fédéraux. Je pense qu'il s'agit de leur donner la capacité d'agir, afin que les Canadiens puissent avoir confiance que, lors des prochaines élections, personne ne se présentant sous la bannière d'un parti n'est compromis.
Lorsque le directeur du SCRS a parlé des mesures qu'un chef de parti fédéral bien informé peut prendre, avez-vous des suggestions sur ce que cela pourrait être? Je pense que le but est de simplement faire inscrire cela au compte rendu parce que, au bout du compte, nous voulons nous assurer que nos processus électoraux sont protégés, peu importe le parti en cause.
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Je pense que nous avons certainement des idées lorsque nous voyons toutes ces choses se produire, l'une d'elles étant que l'Inde surveille et manipule constamment ce type d'information. Lorsque nos dirigeants élus ne sont pas sur la même longueur d'onde en matière de sécurité nationale, je pense que cela envoie un très mauvais message à l'échelle internationale.
L'Inde peut se servir de cela. Elle l'a déjà fait, pour être bien franc. La question d'un chef de parti qui n'obtient pas d'habilitation de sécurité a tout simplement obtenu une couverture démesurée dans les médias indiens, selon lesquels, en gros, ce parti, le Parti conservateur, et défendent la vérité, qui est la vérité indienne, et tous les autres sont des partisans extrémistes du Khalistan. C'est une façon horrible de dépeindre l'ensemble de ce pays, de son gouvernement, de ses élus et de son peuple, y compris la communauté sikhe, mais c'est ce que fait l'Inde.
Ce que je crains, dans toute cette situation, c'est que si nous ne comprenons pas, en tant que Canadiens ordinaires, pourquoi une habilitation de sécurité n'est pas demandée, je pense que cela constitue une énorme lacune, parce que d'autres qui ont une telle habilitation s'expriment très ouvertement sur cette question. C'est là, à mon avis, que réside la confusion pour les gens ordinaires comme nous. Nous ne comprenons pas ce qui se passe et pourquoi cela ne se fait pas. Le lien automatique qui est fait, c'est que quelqu'un essaie de protéger les intérêts de l'Inde dans ce pays. Que ce soit le cas ou non, c'est l'impression que cela donne.
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Pour commencer, ils ciblent principalement les communautés sikhes et pendjabies par rapport à l'ensemble de la communauté sud-asiatique. J'aimerais le souligner.
Le deuxième aspect concerne la façon dont les choses se déroulent. Ce que nous avons vu dans de nombreux rapports qui ont été publiés, c'est que l'Inde utilise ce réseau de gangs, des individus qui auraient peut-être même été en prison en Inde, à qui on donne une liberté totale pour venir faire de l'extorsion ici. Cette extorsion se produit lorsque des gens entrent au Canada et se lancent dans des activités criminelles, ou qu'ils viennent ici avec l'intention de se livrer à des activités criminelles, qu'ils organisent ensuite. Ils sont coordonnés par des mandataires indiens et des intermédiaires qui se trouvent dans les communautés des régions que vous avez mentionnées, de même que par les bureaux du consulat indien au Canada et leur réseau de gangs.
Lorsqu'ils s'adressent à quelqu'un, du monde des affaires, ils lui disent: « Donnez-nous 300 000 $, sinon nous allons vous enlever et nous allons vous tuer. » Ils brûlent des complexes de maisons en rangée, des immeubles, des maisons construites par ces gens d'affaires; ils tirent sur leur résidence, où vivent leur famille et leurs enfants. On sait que des gens donnent des sommes extraordinaires, des millions de dollars, pour essayer de se protéger. Ils ont peur de s'adresser aux forces de l'ordre parce qu'on leur a dit de ne pas le faire, et je pense que cela montre qu'ils ne se considèrent pas comme étant en sécurité.
C'est une réponse très succincte à votre question sur la façon dont tout cela fonctionne, mais c'est une façon très élaborée de fonctionner pour l'Inde; ses consulats indiens, ses diplomates qui ont été expulsés, les liens entre les gangs et les personnes qu'ils ont fait venir ici pour faire leur sale boulot pour eux.
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Je vous remercie de ces réponses.
De toute évidence, il est question d'un environnement où les gens de votre communauté doivent avoir très peur de ces situations et de ces tentatives d'extorsion. Ce ne sont pas seulement des tentatives, certaines étant couronnées de succès, malheureusement.
Il y a quelque temps, notre collègue conservateur, , a présenté un d'initiative parlementaire pour tenter de régler ce problème et la hausse spectaculaire des infractions d'extorsion. Ce projet de loi d'initiative parlementaire comportait des dispositions établissant des peines minimales obligatoires pour l'infraction d'extorsion, afin de viser tous les cas d'extorsion « perpétrée au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle ». C'était aussi pour rétablir la peine minimale obligatoire de quatre ans pour l'infraction d'extorsion perpétrée avec une arme à feu autre qu'une arme à feu à autorisation restreinte, et aussi pour ajouter l'incendie criminel — vous avez mentionné plus tôt qu'il y avait certainement eu des incendies criminels dans le cadre de ces événements...
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Merci, monsieur le président.
Je suis un peu déçu des questions de mon collègue, M. Shipley. Nous savons que les peines minimales obligatoires n'empêcheront pas l'État indien de se livrer à ses activités. Nous avons également augmenté la peine maximale pour extorsion. Évidemment, cela ne va pas arrêter l'Inde, mais c'est quelque chose que notre gouvernement a mis en œuvre.
Je tiens à remercier les deux témoins d'avoir comparu devant le Comité.
Chaque fois que le parle de l'ingérence de l'Inde au Canada — tant l'année dernière que cette année — et chaque fois que la GRC aborde cette question, nous voyons une avalanche de mésinformation et de désinformation émanant des médias et du gouvernement de l'Inde. Pouvez-vous nous parler des dangers de cette désinformation? Lorsque je vois cette désinformation, je sais de quoi il retourne. Cependant, ce qui m'inquiète, c'est que, lorsqu'elle est citée par des sources internationales, celui lui donne un vernis de légitimité.
J'aimerais que vous nous parliez de cela tous les deux.
Monsieur Balpreet Singh, vous pourriez peut-être commencer?
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C'est un vrai problème. Nous voyons le discours de l'Inde repris par les médias occidentaux et les médias canadiens. C'était le cas lors de la visite de Trudeau en Inde en 2018. Ce discours concernant ce qu'on a appelé l'extrémisme sikh a été utilisé pour ternir complètement la visite, mais il était fondé sur des faussetés et des inventions.
À l'heure actuelle, on voit beaucoup de situations semblables. L'Inde crée un récit et diffuse de fausses nouvelles. Franchement, cela met la vie des Canadiens en danger. Nous avons vu comment une personne ici au Canada — je n'utiliserai pas son nom, mais il n'a absolument rien à voir avec une forme quelconque d'extrémisme, ou quoi que ce soit d'autre — a été qualifiée d'extrémiste sikh, son adresse, son nom et sa photo ayant été publiés dans des médias indiens. Il a peur de continuer à vivre chez lui, mais il ne peut pas vendre sa maison en raison de cela.
La désinformation est absolument insensée. Je pense que le Canada doit prendre des mesures pour la signaler, parce que, vous savez, les Canadiens sont également très nombreux à la consommer. Les médias indiens sont lus par des Canadiens également, alors il faut faire quelque chose à ce sujet.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Singh, en septembre 2023, la Sikh Press Association a publié sur ses réseaux sociaux un communiqué qui provenait de votre organisme, dans lequel on demandait davantage de transparence de la part du gouvernement et davantage de sérieux de la part des partis de l'opposition. Ce communiqué s'intitulait « Canada’s Political Parties Must Demonstrate Leadership and Unity to Confront the Threat of Indian Foreign Interference ».
J'ai beaucoup de respect pour mes collègues parlementaires, mais il n'est pas rare que la majorité d'entre eux prennent leur temps de parole pour lancer des flèches aux autres partis, critiquer ce que le gouvernement fait ou ne fait pas, ce que le Parti conservateur devrait faire ou ne devrait pas faire, et ainsi de suite. Même le Nouveau Parti démocratique leur a emboîté le pas à plusieurs reprises.
Trouvez-vous qu'on a retenu la leçon et qu'on fait preuve de plus de sérieux depuis la publication de ce communiqué?
Au contraire, trouvez-vous que, même si on étudie cette question et qu'une enquête publique, sérieuse et indépendante sur l'ingérence étrangère a été entreprise par la GRC, les politiciens pourraient faire davantage preuve d'unité et de moins de partisanerie pour traiter ce problème?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous poser une question à tous les deux. Je vais commencer par vous, monsieur Moninder Singh.
Le Parlement du Canada s'est réuni assez rapidement au cours de l'été pour adopter le projet de loi , qui a mis à jour bon nombre de nos lois, y compris la Loi sur le SCRS, afin qu'elle puisse fonctionner dans un monde numérique. Des modifications importantes ont également été apportées à la Loi sur la protection de l'information afin d'offrir une plus grande souplesse législative pour cibler les opérations d'ingérence étrangère clandestines. Je sais que CBC News et certaines de ses sources ont rapporté que les opérations clandestines de l'Inde demeurent en grande partie en place et qu'il faudra peut-être un certain temps avant de les démanteler.
Compte tenu de ce que le Parlement du Canada a fait et de l'attention que l'on porte maintenant au gouvernement indien, croyez-vous que nous sommes sur la bonne voie? Êtes-vous toujours optimiste, compte tenu de vos expériences personnelles?
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Les premières ont eu lieu en juillet 2022. C'était quelques jours après que M. Ripudaman Singh Malik eut été tué à Surrey, en Colombie-Britannique. M. Nijjar et trois autres personnes de Surrey ont immédiatement reçu une mise en garde, et ce, en l'espace de quelques jours. L'une des raisons pour lesquelles ces mises en garde ont peut-être été servies, ce qui est beaucoup plus évident maintenant, c'est que de nombreux médias indiens ont publié nos noms comme personnes qui ont peut-être été impliquées dans le meurtre de M. Malik, ce qui n'est rien de plus que des balivernes en fin de compte, mais ils voulaient montrer qu'il y avait une dispute au sein de la communauté.
Après le décès de M. Nijjar, j'ai reçu ma deuxième mise en garde. On a aussi dit dans les médias que ce sont des partisans de M. Malik qui ont peut-être tué M. Nijjar. C'est ainsi qu'ils voulaient gérer toute cette opération. Ils voulaient montrer qu'il s'agissait d'une chicane intercommunautaire. Ils voulaient retirer les dirigeants sikhs du pays. Ensuite, il y a eu de multiples autres menaces, et après la mise en accusation aux États-Unis, il était très clair que cela ne se limiterait pas à M. Nijjar, à M. Pannun et à d'autres. Il allait s'agir d'une foule d'autres dirigeants sikhs — au Canada en particulier — qui allaient être éliminés.
Ces devoirs de mise en garde ont pris de multiples formes. J'ai eu des conversations régulières avec des responsables de l'application de la loi, avec l'EISN et avec le SCRS au sujet des préoccupations au sein de la communauté et, éventuellement, des préoccupations qu'ils pourraient avoir à mon endroit et à l'égard de mes déplacements. Vous avez le devoir de mise en garde, et pour moi cela s'est fait à des moments très intéressants. C'est après le meurtre de deux sikhs au Canada que j'ai reçu ces deux avertissements. Cela se poursuit jusqu'à maintenant.
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Merci, monsieur le président.
D'après ce que je comprends, vous êtes nés et vous avez grandi tous les deux au Canada. Je vous vois tous les deux travailler depuis des décennies à défendre les droits de la personne non seulement des Canadiens sikhs, mais aussi d'autres personnes. Je sais que vous avez tous les deux été très actifs au sujet des droits des Autochtones. Je sais que Balpreet Singh a beaucoup travaillé avec des groupes juifs, musulmans et d'autres groupes pauvres. Je sais que vous, Moninder Singh, avez beaucoup fait pour les groupes autochtones.
Quand nous parlons des droits de la personne, M. Balpreet Singh a soulevé un point très important. Parfois, les gouvernements font des compromis entre les droits de la personne dans un autre pays et le commerce. Dans ce cas‑ci, il s'agit des droits de la personne de Canadiens et non de citoyens d'un autre pays. Il est vraiment consternant que cette situation se soit étendue non seulement à un autre pays, ce que nous avons toujours su, mais maintenant ici même au Canada. Pour cela, je reconnais votre courage et je vous félicite de vous tenir debout.
Monsieur Moninder Singh, pouvez-vous nous parler des semaines et des mois qui ont précédé le décès de Hardeep Singh Nijjar? Il y a eu beaucoup de rumeurs, et même après, au sujet du crime organisé qui a demandé que M. Nijjar soit abattu. En fait, j'ai obtenu mes renseignements de gens comme vous et d'autres avant que le ne les dévoile en septembre. Comme l'a dit M. Balpreet Singh, on a chuchoté qu'il y avait une participation de l'Inde.
Pouvez-vous nous éclairer sur ce que vous avez ressenti, au‑delà de ce qui se rendrait à procès?
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C'est dans ma nature de devoir corriger les choses. Je n'ai rien donné et je n'ai rien fait pour les communautés autochtones. Elles nous ont fourni tout ce qu'il y avait au pays. Je voulais simplement le dire. Peu importe tout ce que nous pouvions faire, nous ne pouvions jamais en faire assez pour nous réconcilier avec ce qui s'est passé ici.
Pour ce qui est de la question proprement dite, au cours des mois et des semaines qui ont précédé l'assassinat de M. Nijjar, il y a eu beaucoup d'informations qui provenaient uniquement de la communauté. Quelques jours auparavant, les forces de l'ordre l'avaient averti que sa vie était en danger. Il était censé rencontrer les services de renseignement le lendemain de son décès pour d'autres séances d'information. Il a été continuellement averti pendant un an. Nous avons reçu nos avertissements en juillet 2022. Il a été le seul parmi nous cinq à recevoir ces avertissements à répétition. Il répétait la même chose à chaque tribune où il prenait la parole. Il a dit qu'il avait le droit de s'exprimer et qu'il ne resterait pas silencieux. Si les gens n'aimaient pas ce qu'il disait, c'était autre chose.
Cela s'est produit jusqu'au jour de son assassinat. Le 18 juin 2023, vers midi, quelques heures à peine avant qu'il ne soit abattu, il a déclaré qu'il pourrait ne pas survivre et que les gens devraient poursuivre la lutte. Il a dit: « Ne restez pas silencieux. Vous avez le devoir envers votre peuple de vous exprimer. » C'est ce dont nous nous souvenons de lui. L'une des raisons pour lesquelles je suis ici, c'est à cause de lui. Beaucoup d'entre nous sont ici parce que c'est le catalyseur qui nous a tous amenés dans cet espace, et avec les révélations qui en ont découlé.
Je pense que la communauté se sentait un peu impuissante. Avec le recul, avons-nous fait assez pour le protéger? En avons-nous fait assez comme communauté? Nous devons nous sortir de cette situation. Pendant un an, il a continué à recevoir des avertissements, mais personne n'a rien fait. C'est ce qui nous ramène aux échecs. Nous avons un côté de la médaille. L'Inde continuera d'attaquer, mais le Canada est‑il prêt à contrecarrer ces attaques? Pour l'instant, je dois dire non.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m'avoir invité à participer à cette discussion portant sur l'ingérence étrangère.
Je vais décliner en trois points les éléments qui caractérisent les relations indo-canadiennes. J'aborderai tout d'abord l'admission de l'Inde au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai, son appréciation relative du Canada et la spécificité diasporique au Canada, ainsi qu'une recommandation visant à limiter l'ingérence étrangère en provenance de l'Inde.
L'Organisation de coopération de Shanghai a été créée au départ sous le nom de Shanghai Five. Cette organisation sino-centrée a été fondée par la Chine, la Russie et les républiques d'Asie centrale en 2001. Se concentrant sur une sécurité limitée et non conventionnelle, cette organisation combat trois démons: l'extrémisme, le terrorisme et le séparatisme. Cette association de mots n'est pas fortuite. Cette organisation multilatérale permet à la Chine d'assurer la coopération de pays voisins et lointains dans le rapatriement de personnes, que ce soit des Ouïghours, des Tibétains ou des Han, qui posent des défis sur le plan de l'unité nationale. L'Inde s'est jointe à cette organisation en 2017, tout comme le Pakistan, lui aussi aux prises avec des mouvements séparatistes ou sécessionnistes. Dans le cas de l'Inde, elle se dote d'un cautionnement à agir impunément lorsque son unité est en jeu.
La juxtaposition des trois démons associe le terrorisme, le séparatisme et l'extrémisme à un cadre normatif voulant que toute velléité séparatiste soit extrémiste et terroriste. Cette substitution d'un État de droit à un État de lois tente de légitimer des actions à l'extérieur du cadre normatif des souverainetés. Du missile guidé aux assassinats sélectifs, l'ingérence étrangère ne date pas d'hier, mais elle s'est intensifiée depuis quelque temps. Cependant, cette association du terrorisme et du séparatisme ne se retrouve pas dans le système de droit canadien, et les accusations qui peuvent être portées en Inde ne peuvent donc pas s'appliquer au cas canadien.
En ce qui concerne les relations entre le Canada et l'Inde, le professeur Ryan Touhey souligne que les premières décennies des relations indo-canadiennes ont été caractérisées par l'incompréhension. Est-ce toujours le cas? Malgré l'ambition d'une politique indo-pacifique canadienne, les problèmes géopolitiques, comme le soulignent les politiciens indiens, nuisent aux relations bilatérales. Ces problèmes géopolitiques récurrents, que ce soit la bombe atomique en 1974, l'affaire Air India en 1985 ou les essais nucléaires de 1998, n'effacent pas les enjeux plus structurels, notamment la présence au Canada de mouvements qui mettent en péril l'unité indienne.
Depuis l'imposition d'un voyage continu, en 1908, empêchant les Indiens de migrer au Canada et donc dans une partie de l'Empire britannique, les sikhs enclenchent des mouvements révolutionnaires pour fragiliser l'Empire, dont plusieurs se trouvent dans la région de Vancouver. L'incident du Komagata Maru, où un bateau de migrants issus de l'Inde a été refoulé par les autorités canadiennes, accentue l'activisme sikh. Depuis ce temps, la communauté sikhe au Canada constitue l'épicentre mondial des revendications khalistanies.
Pour ce qui est de la spécificité diasporique au Canada, je ne vous apprends rien en vous disant que le Canada abrite la plus grande communauté sikhe à l'extérieur de l'Inde et que celle-ci constitue environ la moitié de la diaspora indienne au Canada. Cette réalité spécifique du Canada engendre de l'activisme sikh comme nulle part ailleurs dans le monde. Cela explique, en partie, pourquoi l'Inde utilise un discours musclé contre le Canada, contrairement au discours coopératif qu'il entretient avec d'autres partenaires, comme les États‑Unis et le Royaume‑Uni. De plus, si l'utilisation de la violence, allant parfois jusqu'au meurtre, constitue un outil de répression électoral en Inde, ce qui surprend, c'est son exportation au sein de la diaspora indienne au Canada.
Compte tenu de la spécificité canadienne, il faut s'attendre à un appui moral des partenaires du Canada, sans toutefois espérer des procédures ou des sanctions à l'égard de l'Inde. Parmi les 13 politiques indo-pacifiques recensées, l'Inde est évoquée comme partenaire stratégique à plusieurs reprises, mais, pour le Canada, elle demeure un allié incertain.
Pour diminuer les problèmes liés à ces tensions et à cette violence sur le plan politique au sein de la diaspora indienne, sans avoir la prétention de dire que cela fera disparaître l'ingérence étrangère au Canada, ma première recommandation est de faire avancer le projet de loi , qui modifie le Code criminel pour interdire les discours haineux lors de cérémonies religieuses, comme les processions et les festivals.
Je passe maintenant à ma deuxième recommandation. Tous les premiers ministres du Canada, depuis Jean Chrétien, se rendent au Punjab, ce qui, aux yeux des Indiens, célèbre le particularisme sikh.
Cette perception a vu le jour sous l'administration Harper, et elle s'est amplifiée sous l'administration Trudeau. À ma connaissance, il serait peut-être souhaitable pour un premier ministre canadien d'éviter un séjour au Punjab comme geste de bonne volonté visant à résoudre les tensions politiques entre l'Inde et le Canada.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et bonne Halloween à tous.
J'aimerais profiter de mon temps de parole pour vous donner un aperçu du rôle du service de renseignement étranger de l'Inde dans la conduite d'opérations secrètes à l'étranger. Je sais qu'une question a été posée à ce sujet lors de la dernière réunion du Comité, et M. Rogers, le nouveau directeur du SCRS, a dit qu'il ne pouvait pas fournir de détails.
Le nom de ce service est l'aile de la recherche et de l'analyse, ou RAW. Il relève du cabinet du premier ministre. Il reçoit ses directives du conseiller à la sécurité nationale du premier ministre et n'est pas tenu de rendre compte publiquement ou judiciairement de ses actions. Le RAW bénéficie parfois d'un traitement héroïque au sein de la culture populaire indienne à titre de défenseur de la sécurité indienne.
Le RAW a une longue histoire, remontant à l'époque du Raj à une organisation dirigée par les Britanniques. Après l'indépendance de l'Inde, il a fait l'objet d'une refonte, mais il a eu de la difficulté à atteindre une capacité professionnelle réelle. Il a été considérablement réformé et fondé sous le nom de RAW en 1968. Pendant des décennies, ses opérations à l'étranger étaient axées sur la collecte de renseignements ciblant des adversaires géopolitiques régionaux, la Chine et le Pakistan en particulier. À partir de la fin des années 1980, le RAW a commencé à se tourner vers une autre sorte d'ennemi perçu, les défenseurs du mouvement séparatiste du Khalistan. Le RAW a lentement commencé à mener ses opérations secrètes en ciblant les activistes khalistanais vers l'étranger proche de l'Inde, où il a porté une attention particulière aux opérations au Pakistan. Certaines des méthodes qu'il a déployées au Pakistan ont maintenant été exportées à l'ouest, aux États-Unis et au Canada, à des éléments de la diaspora sikhe vivant ailleurs.
Le RAW affecte des agents sous couverture diplomatique dans les ambassades et consulats de l'Inde à l'étranger. Le pouvoir que possède le RAW comme organe indépendant de la conduite de la diplomatie mondiale par le premier ministre donne son influence sur le corps diplomatique de l'Inde et signifie qu'il peut déployer les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères de l'Inde comme instruments légitimes de collecte de renseignements et de soutien à la conduite d'opérations secrètes. À mon avis, le RAW a joint les rangs du SVR et du FSB de la Russie ainsi que du MSS de la Chine, car il représente une menace critique pour la sécurité nationale du Canada.
En septembre 2023, comme les membres du Comité le savent, le a fait une annonce à la Chambre des communes concernant des « allégations crédibles » faites par des organismes de sécurité canadiens selon lesquelles il existerait « un lien possible entre des agents du gouvernement de l'Inde et le meurtre d'un citoyen canadien ». Le même jour, la ministre des Affaires étrangères a annoncé que le Canada avait expulsé un haut diplomate indien. Lors d'un point de presse, la ministre a confirmé que le diplomate indien qui avait été déclaré persona non grata était en fait le chef du bureau du RAW de l'Inde au Canada. Il s'appelait Pavan Kumar Rai.
Un peu plus d'un an plus tard, immédiatement après la conférence de presse de la GRC qui a été à l'origine de la création de l'étude de votre comité, on a annoncé que six diplomates indiens, dont le haut-commissaire de l'Inde, étaient expulsés du Canada. L'expulsion faisait partie intégrante d'un effort visant à perturber de toute urgence l'ingérence violente de l'Inde au Canada en brisant la chaîne entre les diplomates indiens qui recueillent des renseignements secrets et la transmission de ces renseignements à des mandataires et à des bandes criminelles qui exercent leurs activités au Canada par intimidation, harcèlement et meurtre. Cela illustre clairement comment les diplomates indiens sont attirés au sein du réseau du RAW qui mène des opérations secrètes à l'étranger.
Que faut‑il faire? Les activités du RAW au Canada exigent une forte réaction de contre-espionnage de la part du SCRS et du CST en particulier, en collaboration avec AMC et la GRC. La tâche de ces organismes consiste à identifier les dirigeants du RAW, à surveiller leurs activités et à les perturber dans la mesure du possible. Les agents du RAW connus ou soupçonnés peuvent se voir refuser des visas et une accréditation diplomatique et être tenus à l'extérieur du pays. Les personnes dont on découvre qu'elles sont impliquées dans une ingérence étrangère secrète peuvent être expulsées. Les réseaux de mandataires peuvent être perturbés, faire l'objet d'une enquête et être accusés. Ce n'est pas une tâche facile. Nos organismes auront besoin des ressources et de l'expertise nécessaires pour faire ce travail, ce qui exige un effort coordonné et soutenu. Le Canada doit également saisir toutes les occasions de tirer parti de son adhésion à l'alliance du renseignement du Groupe des cinq pour mettre à profit le partage de renseignements sur les opérations du RAW à l'échelle mondiale.
Le Canada doit également mobiliser une vaste coalition diplomatique d'alliés en matière de sécurité nationale — en commençant, mais non en terminant, avec Washington — pour exercer des pressions constantes sur les plus hauts échelons du gouvernement Modi afin de forcer la fin d'opérations secrètes intolérables de la part de l'Inde. Une grande partie de cette campagne de pression se déroulera nécessairement loin des yeux du public, mais à l'occasion, la publicité pourrait être utile, comme la GRC le croit clairement dans sa récente conférence de presse. Il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne l'application de la loi, la sensibilisation de la communauté sud-asiatique et une plus grande transparence stratégique en matière de sécurité nationale pour sensibiliser l'ensemble des Canadiens à la menace.
Nous devons faire preuve d'une diplomatie pragmatique plus pointue à l'égard de l'Inde, et ne pas trop investir en Inde pour faire contrepoids à la Chine. C'est un rôle que des événements récents, comme la réunion des pays BRICS, laissent entendre qu'elle pourrait ne pas être intéressée à jouer. Cependant, l'effort de contre-ingérence est fondamental, et c'est un domaine dans lequel nos organismes de sécurité et de renseignement ont généralement sous-investi par le passé.
Merci.
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Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages d'experts.
Monsieur Wark, je vais commencer par vous. J'ai aimé votre point de vue sur le RAW, en particulier quand vous avez mentionné notre mise à profit du renseignement du Groupe des cinq. Je me demandais si vous pourriez éclairer le Comité.
Quand nous avons entendu Nathalie Drouin et le sous-ministre l'autre jour, nous avons compris que le Canada avait tenté à plusieurs reprises de rencontrer l'Inde pour discuter de cette question. On nous a écartés, on nous a ignorés et on nous a refusé des visas. Il y avait toutes sortes d'excuses pour ne pas nous rencontrer.
Pouvez-vous dire au Comité, d'après votre expérience ou vos réflexions, pourquoi l'Inde se sent si à l'aise de nous écarter ainsi? Cela semble vraiment insultant.
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C'est une bonne question, madame Dancho, et je vous en remercie.
Je pense qu'il y a deux choses en jeu ici. Premièrement, l'Inde croit qu'elle peut adopter une approche plus musclée à l'égard du Canada et, comme vous le dites, nous écarter du revers de la main et traiter les hauts fonctionnaires canadiens avec énormément de mépris. Elle croit simplement avoir le pouvoir de le faire.
J'ai déjà décrit l'Inde comme étant coincée dans ce que j'appelle une boîte de déni plausible. Elle trouve qu'il est difficile de sortir de cette impasse en assumant la responsabilité ou en rendant compte de certaines opérations secrètes auxquelles elle est liée.
Elle est dans une position embarrassante par rapport aux États-Unis, en ce sens qu'elle a été forcée par les États-Unis d'accepter une enquête sur des opérations secrètes menées contre des citoyens américains. Elle aimerait pouvoir traiter le Canada différemment, alors elle plierait devant les États-Unis, mais pas le Canada, comme moyen de sauver la face pendant que le gouvernement indien trouve une véritable issue de secours de ses pratiques passées.
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Je me ferai un plaisir de commencer.
Je vais vous donner un aperçu d'un mémoire que j'écris au nom du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale dans le cadre de l'enquête sur l'ingérence étrangère. L'une des recommandations que nous allons présenter au juge Hogue est précisément qu'il serait avantageux pour tous les chefs des partis de l'opposition d'avoir une cote de sécurité de niveau très secret afin de recevoir de l'information des représentants du milieu du renseignement de sécurité.
Ce serait avantageux pour deux raisons. D'abord, pour approfondir leur compréhension des menaces à la sécurité nationale — non seulement sur l'ingérence étrangère, mais sur un vaste éventail de menaces — afin de remplir leur mission, qui est de demander des comptes au gouvernement. Deuxièmement — nous en avons beaucoup entendu parler au Comité et dans d'autres tribunes —, pour qu'ils comprennent mieux les répercussions directes de l'ingérence étrangère que pourraient subir leurs propres caucus.
Ma réponse est donc, oui.
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Ma réponse est aussi oui, et cela pour deux raisons. Tout d'abord, il est toujours important de connaître exactement les problèmes de sécurité nationale auxquels nous faisons face, surtout dans le cas de l'Inde.
Deuxièmement, chaque fois que le premier ministre du Canada se rendra en Inde, je pense qu'il devrait connaître les gens qui l'accompagnent afin que son voyage se déroule bien. Vous savez qu'au cours de certains voyages, il y a eu des incidents malencontreux. De plus, quand le premier ministre visite l'Inde, il représente non seulement des partis politiques, mais tout le Canada. Voilà aussi pourquoi nous devrions remettre en question cette obsession de toujours visiter le Pendjab. C'est une façon de... Je ne dirais pas que nous affrontons l'Inde dans son propre pays, mais il est certain que cela ne met pas son gouvernement très à l'aise. Cela souligne essentiellement certains... Cela fragilise d'une certaine façon la perception de l'unité de ce pays.
Je dirais que oui, tout le monde devrait être au courant de ce que fait ce pays. De plus, tous les chefs des partis politiques devraient savoir exactement qui s'occupe de nos relations avec l'Inde au sein de leur parti, et aussi, bien sûr, au sein des différents ministères.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous.
Monsieur Wark, vous devenez assurément un habitué du Comité.
Monsieur Granger, merci d'avoir accepté l'invitation du Comité à venir témoigner. Dans un article de La Presse, paru en septembre 2023, à la question posée par le journaliste Vincent Larin sur les raisons pour lesquelles l'Inde en voudrait au Canada, vous avez répondu que « [l]'Inde reproche donc au Canada “d'être un peu mou” face à cette résurgence du mouvement séparatiste sikh au pays ». Vous dites aussi que « l'Inde reproche au Canada de ne pas protéger ses diplomates face à l'intimidation des séparatistes sikhs » et que c'est « une accusation récurrente depuis les années 1980 ». Vous avez pointé le fait que « de récents évènements justifient ces craintes en quelque sorte, y compris la tenue au Canada de référendums sur l'indépendance du Khalistan, lors desquels des actes de violence passés auraient été célébrés ».
Je m'interroge sur l'attitude du Canada. À mon sens, la responsabilité du Canada est de protéger ses citoyens avant tout, et ces derniers devraient passer avant des diplomates étrangers, par exemple.
Pensez-vous que le Canada aurait dû prendre une position un peu plus dure quant à l'Inde ou par rapport à ce que l'Inde pense du Canada?
Quelles sont vos observations là-dessus?
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En effet, l'Inde considère que le Canada n'en fait pas assez. Dans tout ce débat, il faut aussi se rappeler que le Canada a la particularité d'être le pays qui compte la plus grande communauté sikhe à l'extérieur de l'Inde, communauté que l'Inde ne peut pas contrôler.
Il faut souligner aussi la frustration de l'Inde de voir des politiciens canadiens se rendre en Inde. Cette obsession s'expliquerait par ce qu'on pourrait appeler du racolage électoral visant à se rapprocher de la communauté sikhe pour obtenir des votes à la maison. C'est un problème.
Un deuxième problème qu'il faut aussi prendre en compte, c'est qu'il y a des préoccupations à l'extérieur de l'Inde. Bien sûr, je comprends très bien les préoccupations de la communauté sikhe, mais on pourrait aussi dire que les tensions et la violence politique s'amplifient à l'intérieur de la communauté indienne. Ce n'est pas en train de se résorber. C'est aussi ce qui inquiète le gouvernement indien. Il voit, justement, son unité nationale en danger au Canada.
C'est pour ça que je vous propose de prendre certaines mesures. On peut toujours avoir une réponse plus dure envers l'Inde, on peut toujours raffermir nos lois canadiennes sur l'extorsion, mais est-ce que ça va vraiment arrêter les agissements du gouvernement indien au Canada? J'en doute.
Pour calmer les tensions interdiasporiques, je crois que le fait de criminaliser les discours haineux dans les processions religieuses et les festivals religieux serait une façon de faire baisser ces tensions diasporiques, qui sont souvent générées par un gouvernement extérieur.
Il y a eu, entre autres choses, la proposition d'interdire le Shiv Sena au Canada. Le Shiv Sena est un regroupement ultranationaliste hindou. Il pourrait très bien créer aussi, à son tour, des festivals religieux ou des cérémonies religieuses et laisser déferler un discours haineux envers la communauté sikhe.
Avant de faire des lois, qui sont bien sûr nécessaires, pour durcir la réponse diplomatique et augmenter les peines pour l'extorsion, il faudrait aussi calmer le jeu ici, au Canada, parce que tant et aussi longtemps que cette tension demeure très forte, l'Inde va vouloir intervenir.
On pourrait dire que nous invitons pratiquement l'Inde à s'ingérer dans notre pays, compte tenu du fait qu'il y a une polarisation qui s'effectue au sein de la diaspora indienne.
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Il faut prendre garde de ne pas personnaliser le problème. Je vous rappelle que c'est pendant le mandat d'Indira Gandhi qu'a eu lieu le massacre à Amritsar, lors de l'opération Blue Star.
Le fait d'associer une réalité à un parti politique en Inde pourrait fausser la réalité. Le débat fondamental, pour les Indiens, concerne l'unité nationale et les défis qui se posent à cet égard. Pourquoi cible-t-on le Canada? Justement, c'est très surprenant que l'Inde fasse maintenant de telles choses. Ce qui s'est passé au Pakistan par le passé n'était pas surprenant. On pourrait aussi parler d'autres régions limitrophes où l'Inde a fait de telles actions. Toutefois, il est surprenant que cela se fasse à l'extérieur de l'Asie du Sud, particulièrement au Canada.
Pourquoi le Canada est-il donc une cible? C'est parce que c'est ici qu'est l'épicentre du mouvement khalistanais. Il ne faut donc pas être surpris que l'Inde attaque le Canada. Ailleurs, que ce soit aux États‑Unis, au Royaume‑Uni ou en Australie, le mouvement khalistanais est beaucoup moins fort qu'au Canada. L'Inde s'attaque à l'épicentre de ce mouvement jugé séparatiste qui met en péril l'unité nationale indienne.
Cela étant dit, j'ai été surpris de voir l'Inde commettre des assassinats au Canada, mais c'est une rhétorique de la violence politique qui existe depuis très longtemps en Inde. Le gouvernement actuel, dirigé par le parti Bharatiya Janata, de même que le Shiv Sena et d'autres regroupements, utilisent la violence politique...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être venus aujourd'hui.
Monsieur Wark, je vais d'abord m'adresser à vous.
J'ai lu l'article d'iPolitics du 18 octobre. On vous a posé de nombreuses questions sur ce que vous pensez de l'idée selon laquelle les chefs des partis politiques fédéraux devraient obtenir une cote de sécurité pour s'informer adéquatement. Vous avez décrit très clairement votre position à ce sujet. Je souligne que, dans d'autres articles du Hill Times, cette position est appuyée par d'anciens cadres du SCRS, notamment par un ancien directeur du SCRS, M. Ward Elcock. Au cours de nos conversations privées, les dirigeants actuels du SCRS m'ont dit qu'ils en sont convaincus eux aussi.
À la réunion de mardi, nous avons accueilli le nouveau directeur du SCRS, M. Daniel Rogers. Il nous a dit que du point de vue du SCRS, plus les chefs de parti reçoivent d'information sur la menace d'ingérence étrangère et de détails obtenus par les services de renseignement, plus ils sont en mesure d'affronter ces menaces au sein de leur propre parti. À mon avis, la discussion sur le droit qu'ont les chefs de parti de s'exprimer librement est un faux-fuyant, parce qu'il est surtout crucial qu'ils prennent les mesures qui conviennent. Il est très important que les Canadiens comprennent cela.
Professeur Wark, pourriez-vous informer le Comité des mesures que, selon vous, un chef de parti fédéral qui détient la cote de sécurité nécessaire pour assister aux séances d'information peut prendre en partenariat avec le SCRS afin de protéger nos processus démocratiques et d'assurer les Canadiens que nous prendrons très au sérieux le choix de nos candidats aux prochaines élections?
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Merci, monsieur MacGregor.
Je commencerai par souligner deux choses. J'ai détenu une cote de sécurité de niveau très secret pendant des années. Je comprends les obligations qui s'y rattachent. Je comprends également l'avantage que cela présente. Elle nous ouvre l'accès à des types de renseignements et à des évaluations que nous ne verrions pas autrement. Je peux vous assurer, en me fondant sur ma propre expérience, que cette cote peut s'avérer incroyablement utile, et je vais illustrer cela de deux façons.
Premièrement, à mon avis, il est important que tous les chefs de parti qui siègent à la Chambre des communes détiennent une cote de sécurité de niveau très secret afin de mieux comprendre l'éventail des menaces à la sécurité nationale auxquelles le Canada fait face. De nos jours, cette fourchette est très vaste. Je tiens à souligner qu'elle s'étend bien au‑delà de l'ingérence étrangère. L'accès aux séances d'information des agents de la sécurité nationale ne sert pas simplement à comprendre le contexte de la menace. Avant d'être élus à leur poste, les chefs de parti connaissent très mal ce domaine. Ils ont donc beaucoup à apprendre en très peu de temps, et la cote de sécurité de niveau très secret est la meilleure façon de parfaire cet apprentissage.
Deuxièmement — et je pense que vous avez entendu des témoins qui sont mieux placés que moi pour en parler —, de façon générale, la cote de sécurité de niveau très secret permet aux chefs de parti de se faire une idée des répercussions potentielles de l'ingérence étrangère et des activités connexes, comme l'espionnage, qui ciblent certains membres de leur caucus. Ils sont alors en mesure de gérer ces problèmes plus efficacement que s'ils n'en avaient pas été informés. Ils peuvent effectuer des nominations plus judicieuses à des comités, à des postes du cabinet fantôme, à la course à l'investiture, à des accréditations, etc.
Les chefs de parti peuvent entreprendre toute une gamme d'activités, mais je dirais que, de mon point de vue, la raison la plus importante de détenir une cote de sécurité de niveau très secret est qu'elle leur permet de mieux comprendre le contexte des menaces à la sécurité nationale.
J'aimerais revenir à ce que vous nous avez dit dans votre déclaration préliminaire sur le Research and Analysis Wing, ou RAW, le service de renseignement extérieur de l'Inde.
La Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, surveillent plus que jamais les activités de l'Inde. Depuis le 14 octobre dernier, nous parlons beaucoup des activités que l'Inde mène chez nous. Pensez-vous que l'Inde considère maintenant ces activités comme une opération ratée? Elle ne peut pas les considérer comme une réussite, n'est‑ce pas?
Selon vous, quelle direction prendra l'Inde, maintenant qu'elle a toute notre attention? Ressentira‑t‑elle un certain embarras dans l'arène internationale? Trouvez-vous que les alliés du Canada ont suffisamment appuyé nos revendications?
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Monsieur MacGregor, je vous remercie pour cette question. Ce sujet est très important.
Je dirais — peut-être suis‑je trop optimiste — que le gouvernement indien et RAW tirent des leçons de leurs tentatives d'opérations dans des pays comme les États‑Unis et le Canada. Malheureusement, ils ont eu gain de cause au Canada lors du procès sur le meurtre de M. Nijjar.
Ils apprennent qu'il est relativement simple de mener des opérations secrètes au Pakistan, dont le gouvernement a une capacité relativement faible en matière de sécurité et de renseignement, mais que c'est une tout autre chose de le faire dans des pays plus éloignés. Les États‑Unis surtout, ainsi que les pays d'Europe de l'Ouest, le Royaume‑Uni et l'Allemagne, ont des systèmes de sécurité et de renseignement très solides. Il en est de même pour le Canada.
Je pense que le gouvernement de l'Inde est en train de réfléchir à la rentabilité de ces opérations. Il n'a pas été en mesure de mener à bien celles qu'il a lancées aux États‑Unis, ce qui est extrêmement embarrassant pour son service de renseignement. Je pense qu'il décidera de ne plus cibler des pays qui ne sont pas à proximité.
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Merci, monsieur Granger et monsieur Wark. Je vous remercie d'être venus pour nous faire don de votre expertise.
Monsieur Wark, votre déclaration préliminaire m'a beaucoup intéressé. J'ai plusieurs questions à poser. Je pourrai peut-être les poser une autre fois ou après ce tour.
Je suppose que vous avez une vaste expertise en matière d'ingérence étrangère. Vous connaissez tout particulièrement l'ingérence de l'Inde, que nous étudions aujourd'hui. Je me demande, quand nous parlons de ce qu'un pays fait... Vous y avez fait allusion indirectement et peut-être de façon plus directe à d'autres occasions. Est‑ce que des pays comme l'Inde, avant de se livrer à de l'ingérence étrangère, examinent le traitement réservé à d'autres pays? Autrement dit, examinent-ils la réaction du Canada à l'ingérence étrangère qu'il subit d'autres pays?
Il est très évident que Pékin s'est ingéré dans notre processus électoral. À votre avis, quel message le Canada envoie‑t‑il, par sa façon de réagir à l'ingérence étrangère de Pékin, à l'Inde qui envisage maintenant de commettre chez nous des actes de violence, des meurtres et de l'extorsion? J'espère que vous comprenez ma question.
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Merci, monsieur. C'est une bonne question. Voici comment je vais l'aborder.
Lorsqu'un pays étranger, un État autoritaire comme la Chine, la Russie et — de plus en plus — comme l'Inde, lance une opération d'ingérence étrangère, il le fait en tentant de comprendre sa cible à deux niveaux. Sur le plan politique, il examine dans quelle mesure il peut agir efficacement en communiquant avec des groupes cibles qui vivent dans ce pays. Quel est l'état de sa diaspora dans ce pays? Dans quelle mesure peut‑il inciter les membres de la diaspora à s'unir pour préconiser des opinions favorables à sa politique officielle? C'est le niveau politique.
L'autre niveau que les États étrangers essaient de comprendre est celui de la résistance que les organismes de sécurité et de renseignement des pays ciblés leur opposeront. Ils cherchent à se faire une idée du contexte politique dans lequel ils agiront.
Je vous dirais, monsieur, que l'un des défis pour de nombreux États autoritaires, quelle que soit la taille de leurs services de renseignement, est de bien comprendre l'environnement opérationnel à l'étranger. À quoi se heurteront-ils en essayant de mener des opérations au Canada, aux États‑Unis, au Royaume‑Uni, en Europe et autre? Ils lancent souvent ces opérations sans savoir à quelle opposition ils se heurteront. Ils ont une confiance excessive en leur capacité de réussite.
Nous évoluons maintenant dans un monde secret et nous savons comment comprendre le succès des opérations d'ingérence étrangère... Je pense que l'un des points faibles de nombreux États autoritaires est qu'ils abordent l'ingérence étrangère en se faisant une image inexacte de la politique des pays qu'ils ciblent. Ils abordent souvent les opérations de renseignement et de sécurité liées à l'ingérence étrangère sans savoir exactement à quel type de réaction sécuritaire ils se heurteront.
Je sais que ce point de vue a été contesté, notamment pendant l'enquête publique sur l'ingérence étrangère. Quant à l'idée de considérer le Canada comme une sorte de terrain de jeu d'ingérence étrangère, je pense personnellement que c'est exagéré. De nouveau, il faut distinguer ce que les États étrangers pensent du Canada dans le domaine politique et ce qu'ils en pensent dans le domaine de la sécurité et des capacités de renseignement. J'y vois là deux points de vue différents. Nous sommes peut-être une cible relativement facile sur le plan politique, mais pas du tout dans le domaine des opérations sur le terrain.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins d'être venus.
Je suis atterrée de voir ce qui se passe en cette deuxième journée de témoignages. Nous venons d'entendre deux membres de la communauté qui nous ont présenté un témoignage poignant sur les menaces personnelles qui pèsent sur eux. M. Moninder Singh a cité les dernières paroles de M. Nijjar. Mais au premier tour de questions, les conservateurs ont demandé pourquoi l'Inde refuse de rencontrer les représentants du Canada.
Pensez-vous que la communauté sikhe, qui essuie des menaces de mort, se soucie du fait que le gouvernement Modi refuse de rencontrer des fonctionnaires canadiens? Peut-être que si nous cédions à cette pression... comme Stephen Harper, qui a condamné le droit des Canadiens à la liberté d'expression en prônant le séparatisme sikh. Il a été invité à ces réunions. a été invité à ces réunions. Pensez-vous que les Canadiens se soucient plus de la sécurité de membres de la collectivité, ou de ces réunions? Soyons sérieux. M. Caputo, dans sa série de questions au sujet d'une étude sur l'ingérence étrangère de l'Inde, a posé une question sur la Chine. Je me demande comment la communauté sikhe se sent après avoir entendu, il y a à peine une heure, un témoignage poignant sur des membres de leur communauté menacés de mort, puis les questions de M. Caputo sur la Chine. Mme Dancho a posé une question sur le refus d'accorder des réunions. Nous devrions plutôt nous demander comment le gouvernement indien a trouvé les agents qu'il a envoyés menacer la vie de citoyens canadiens. Nous devrions peut-être traiter de cela en priorité pendant la brève période dont nous disposons pour mener cette étude.
Ma question s'adresse à nos deux témoins. Pensez-vous que le fait de savoir si le gouvernement Modi aime ou non le Canada suffisamment pour lui accorder ces réunions accroît le sentiment de sécurité des Canadiens? Ne serait‑il pas préférable que le Canada établisse une politique et une position nationales pour protéger ses citoyens?
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À moyen et à long terme, ça va dépendre en grande partie de la façon dont on va régler, justement, ce problème au sein de la diaspora indienne.
J'éprouve d'ailleurs beaucoup de compassion pour les sikhs, qui subissent des pressions et des menaces. Or, il faut aussi comprendre qu'il y a quand même une autre moitié de la diaspora indienne qui se sent menacée dans une certaine mesure. Je vous rappelle l'incident d'Air India qui a eu lieu en 1985 et qui représente le plus important attentat terroriste de l'histoire du Canada. Je signale également qu'il y a deux semaines, un avion d'Air India s'est posé à Iqaluit à cause d'une menace.
D'un côté comme de l'autre, les deux parties ont un sentiment d'insécurité. Que peut-on faire, alors, pour affronter les défis que pose l'ingérence indienne? Il faut justement considérer une approche plus holistique qui ne favorise pas un groupe au détriment de l'autre. C'est dangereux de vouloir régler un problème, car on en crée parfois un autre.
Je reviens donc sur ma proposition qui consiste, à moyen terme, à calmer le jeu au sein de la communauté indienne, où il y a beaucoup de tensions et de violence politique en ce moment. C'est bien beau de dire qu'on va faire des lois, mais ça ne règle pas le problème fondamental qui enrage l'Inde et qui l'incite à intervenir au Canada. C'est ce qu'on pourrait faire en premier lieu.
À plus long terme, il faudrait arrimer une meilleure compréhension de notre système juridique à ce qui nous distingue de l'Organisation de coopération de Shanghai, qui permet, jusqu'à un certain point, de criminaliser le séparatisme. Dans les lois canadiennes, ce n'est clairement pas le cas. Il s'agit de faire comprendre à l'Inde et à l'ensemble de la planète que ce n'est pas un crime contre l'humanité de vouloir créer un État qui s'appellerait le Khalistan, ou encore de créer tout autre État indépendant dans d'autres parties du monde.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Wark, au cours de la première heure, nous avons accueilli deux hommes sikhs membres de deux organismes distincts. Je vais les paraphraser. Essentiellement, ils essayaient de nous faire comprendre que les révélations faites par la GRC le 14 octobre confirmaient et validaient ce que la communauté sikhe savait sur la présence de l'Inde au Canada depuis déjà des dizaines d'années.
Dans ma circonscription, Cowichan—Malahat—Langford, sur l'île de Vancouver, il y a une importante population sud-asiatique. Paldi, l'un des plus anciens temples sikhs de la Colombie‑Britannique, se trouve dans ma circonscription.
J'en reviens toujours au rapport du Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. On y trouve une phrase soulignant que nos adversaires étrangers trouvent que le Canada est un endroit à faibles risques, fortes récompenses où mener leurs opérations. Pourriez-vous nous dire comment corriger cela? Comment faire du Canada un pays à grands risques et à faibles récompenses? Vous dites que le SCRS utilise ses ressources au maximum. Pendant la dernière minute que nous avons, pourriez-vous ajouter quelques réflexions sur les recommandations que le Comité devrait présenter au gouvernement du Canada?
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Merci, monsieur MacGregor. Je vais essayer d'être plus bref que je ne l'ai été en réponse à d'autres questions.
Tout d'abord, je tiens à signaler au Comité que cette qualification de l'ingérence étrangère au Canada présentant de « faibles risques, fortes récompenses » est une formule du SCRS. Il s'en sert pour attirer constamment l'attention du gouvernement et des décideurs sur ses besoins et sur ses opérations. Franchement, je trouve qu'il exagère. Je n'ai jamais vraiment constaté cela en réalité.
Nous pouvons prendre les mesures que je vous ai décrites. Nous devons faire beaucoup plus d'efforts pour mettre fin aux activités secrètes des diplomates indiens au Canada. C'est une mission primordiale qui nécessite beaucoup de bons renseignements. Nous en avons la capacité. Nous devons simplement accorder plus d'attention à ce problème.
De plus — et cela figurera dans le rapport final que nous allons présenter au juge Hogue —, nous devrons consacrer beaucoup plus de ressources et agir beaucoup plus stratégiquement pour sensibiliser les communautés de la diaspora ciblées par l'ingérence étrangère de quelque façon que ce soit. Nous avons certains outils pour le faire, mais je pense que tout le monde trouve ces outils inadéquats. Il sera essentiel de renforcer nos capacités de communication bidirectionnelle avec ces communautés afin de nous renseigner sur leurs préoccupations et d'établir des pratiques exemplaires. Cela aidera le gouvernement canadien et la communauté du renseignement de sécurité à soutenir les communautés vulnérables de la diaspora.