Bienvenue à la 69e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Nous commencerons par reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
La réunion d'aujourd'hui a lieu dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres sont présents en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 25 novembre 2022, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi établissant la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
Nous entendrons aujourd'hui deux groupes de témoins. Au cours de la première heure, nous accueillerons en personne Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale; par vidéoconférence, à titre personnel, Heather Campbell, commissaire de police à Calgary; et Mark Weber, président national du Syndicat des douanes et de l'immigration.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Bienvenue à tous.
J'invite M. Sauvé à faire une déclaration préliminaire, s'il vous plaît.
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Bonjour, monsieur le président, et merci de nous recevoir.
Je m'appelle Brian Sauvé. Je suis président de la Fédération de la police nationale, ou FPN, l'agent négociateur accrédité des membres de la GRC.
La surveillance civile de l'application de la loi est essentielle pour assurer la confiance du public. Comme près de 20 000 membres de la GRC traitent plus de trois millions de documents et d'interactions chaque année, on peut s'attendre à des plaintes. Un processus de traitement des plaintes indépendant, rapide et transparent est essentiel.
À cette fin, la FPN croit que le projet de loi offre au gouvernement l'occasion d'améliorer les processus de surveillance et de traitement des plaintes à l'échelle de la GRC et de l'ASFC. Le projet de loi C‑20 offre l'occasion de s'attaquer au problème de la police qui enquête sur la police et de faire de la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public, ou CETPP, un organisme de traitement des plaintes du public entièrement indépendant. La modification de ce projet de loi permettrait au gouvernement de respecter les nombreux engagements qu'il a pris dans le cadre de son mandat et de répondre à l'intérêt public d'accroître la surveillance civile et la transparence de l'application de la loi.
À cette fin, la FPN formule les trois recommandations suivantes.
Premièrement, la CETPP devrait mettre fin à la pratique qui consiste pour la police à enquêter sur la police. Selon le modèle actuel de la CCETP, les membres de la GRC sont chargés d'enquêter sur la plupart des plaintes déposées par le public. Il a été maintes fois répété que nos membres mènent ces enquêtes sur leurs collègues de façon professionnelle et impartiale. Cependant, cela crée une perception de parti pris et de conflit d'intérêts possible.
La surveillance civile indépendante de l'application de la loi est un élément essentiel du renforcement de la confiance du public et des membres, que la FPN appuie. Le système actuel n'est pas entièrement indépendant et n'illustre pas l'intention du gouvernement de renforcer la confiance du public dans la surveillance de l'application de la loi. Bien qu'il y ait de nombreux avantages à ce que la police enquête sur la police, de nombreux organismes provinciaux de traitement des plaintes du public ont utilisé un modèle d'enquête hybride. Ce modèle prévoit la participation d'enquêteurs civils au processus d'enquête, en s'appuyant dans une certaine mesure sur des enquêteurs de police expérimentés, retraités ou en service.
Deuxièmement, la CETPP devrait disposer des ressources nécessaires pour mener ses propres enquêtes, avoir le pouvoir de prendre des décisions indépendantes et de formuler des recommandations qui ne sont pas motivées par des considérations politiques. À l'heure actuelle, la CCETP reçoit en moyenne 3 500 plaintes du public par année. Cependant, la plupart ne font pas l'objet d'une enquête, car elles sont jugées futiles, vexatoires ou hors délai. En moyenne, 1 500 dossiers par année nécessitent une enquête de 40 heures chacun, ce qui représente environ 60 000 heures de travail dans des collectivités où nos membres pourraient exercer des fonctions policières de base. Cela équivaut à environ 30 agents de la GRC à temps plein. Malheureusement, il n'existe pas de mécanisme de recouvrement des coûts permettant à ces collectivités de récupérer ces heures.
Le projet de loi devrait être modifié pour permettre à la CETPP de mener ses propres enquêtes, d'utiliser et d'embaucher ses propres enquêteurs, et de cesser de se décharger de ses responsabilités sur d'autres ressources. À défaut de cela, si les membres de la GRC doivent continuer à mener des enquêtes, un mécanisme de recouvrement des coûts doit être établi pour compenser les heures normales et les heures supplémentaires innombrables que nos membres consacrent aux enquêtes sur les plaintes du public, ce qui les éloigne de leurs fonctions policières de base. Cela est particulièrement nuisible dans les petites régions de détachement, où toutes les ressources sont essentielles aux opérations quotidiennes.
Troisièmement, la CETPP, avec l'ajout de l'ASFC, a besoin d'un financement et d'un personnel accrus. L'ASFC créera un afflux de nouvelles plaintes, et il faudra plus de ressources pour suivre le rythme. L'augmentation estimée du nombre de plaintes du public souligne encore davantage la nécessité de faire de la CETPP un organisme véritablement indépendant doté des ressources nécessaires pour mener à bien les enquêtes grâce à l'embauche de ses propres enquêteurs, comme les organismes provinciaux de traitement des plaintes du public.
Pour être efficace, le gouvernement doit apporter des modifications au projet de loi afin de répondre aux préoccupations concernant la transparence, l'équité et la rapidité des enquêtes, tout en veillant à ce que l'intérêt public soit respecté. Ces changements doivent renforcer la capacité de la CETPP d'être entièrement indépendante et de mener des enquêtes fondées sur des données probantes sans égard aux objectifs politiques du jour, tout en veillant à ce qu'elle dispose de toutes les ressources nécessaires pour agir et mener ses propres enquêtes.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup. Bonjour.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Bien que je sois commissaire à la Commission de police de Calgary, je témoigne aujourd'hui à titre personnel. Mes commentaires n'engagent que moi, et non la Commission de police de Calgary.
Je m'appelle Heather Campbell et, dans le cadre de mon travail et de ma vie, je viens de Calgary, ou Mohkinstsis, où je vis en tant qu'invitée sur les terres autochtones traditionnelles du Traité no 7 et de la Métis Nation of Alberta, région 3.
Dans ma déclaration préliminaire, j'accorderai la priorité à la lutte contre le racisme, le racisme systémique et les préjugés systémiques dans les services de police. Pendant la période des questions et réponses, si le temps le permet, je vais parler de la collecte, de la gestion et du partage des données dans les services de police, en particulier du besoin de données démographiques segmentées au titre des plaintes, et dans tous les secteurs des services de police.
Le racisme est profondément enraciné dans la culture des services de police en Amérique du Nord, et ce, depuis leur création. En ce qui concerne la réforme de la police, on ne parle pas d'un problème de pommes pourries ou de mauvais pré. On parle littéralement du terreau. Le succès de la réforme de la police ne sera possible que lorsque, courageusement et de façon transparente, la culture et l'environnement — le terreau — seront modifiés de manière à assainir le paysage qui permet au racisme et au racisme systémique de se perpétuer dans les services de police.
Un plan détaillé est nécessaire pour la transformation de la culture d'un service de police au sein duquel règne le racisme systémique. La transformation culturelle ne se fait pas du jour au lendemain. Il a fallu deux ans et demi pour que l'existence du racisme systémique dans les services de police soit acceptée et comprise par la majorité des services de police de Calgary. Il y a encore des gens qui s'opposent à cette idée, et je reçois souvent personnellement des réactions négatives lorsque j'identifie ou note une rechute dans le progrès vers des comportements antiracistes.
L'une des choses les plus difficiles de ma vie a été de lire le rapport de 1 109 pages intitulé « Missing and Missed ». Le rapport, préparé pour la Commission de services policiers de Toronto, était en grande partie motivé par des préoccupations selon lesquelles les enquêtes liées à l'affaire McArthur à Toronto et dans la région de Peel avaient été faussées par des préjugés systémiques.
De nombreux membres de la collectivité étaient d'avis que la police de Toronto ne s'est pas intéressée aux disparitions des victimes de McArthur jusqu'à ce que M. Andrew Kinsman, qui n'était pas une personne de couleur, soit porté disparu. L'examen de ces cas tient compte de la présence et de l'incidence des préjugés systémiques, de la discrimination et du traitement différentiel par la police de Toronto, ainsi que dans les enquêtes sur les personnes disparues. L'honorable juge Gloria Epstein, dans son résumé, a écrit que les disparitions des victimes du meurtrier McArthur ont souvent fait l'objet d'une moins grande attention ou priorité qu'elles auraient mérité.
Je serai beaucoup plus franche et directe que la juge Epstein. Les victimes avaient la peau brune ou la peau noire. Elles étaient gaies et transgenres. Lorsqu'elles ont disparu et ont été assassinées, la police n'a pas déployé de grands efforts pour trouver un coupable.
Par conséquent, des ressources exclusives et une planification rigoureuse de leur utilisation devraient être consacrées à la tenue d'enquêtes sur les personnes disparues, en particulier dans le cas des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues ou assassinées.
Voici une conclusion importante tirée du rapport de la Commission des pertes massives en Nouvelle-Écosse:
Le comportement violent et intimidant de l’agresseur a été facilité par le pouvoir et les privilèges dont il bénéficiait en tant qu’homme blanc jouissant d’un statut professionnel et de moyens considérables.
Les préjugés systémiques dans les services de police ont favorisé un agresseur privilégié, malgré une foule de signaux d'alarme qui avaient été communiqués à la police par des membres de communautés marginalisées.
Un professionnel de la santé cisgenre, blanc, de sexe masculin, d'âge moyen et privilégié a tué 22 personnes, et la police n'a pas su reconnaître les signes avant-coureurs du drame, en partie à cause de préjugés systémiques. La transformation et le changement de culture visant à annuler la formation et la réflexion qui ont contribué à cette erreur représentent le défi incroyable qui attend un organisme de surveillance civil.
Il faut tenir compte des compétences et des outils des équipes chargées des enquêtes sur les plaintes et du respect des normes professionnelles. Les enquêteurs ont-ils les compétences nécessaires pour enquêter sur un cas où la plainte ne concerne que le racisme? Les enquêteurs ont-ils toujours des préjugés systémiques historiques et font-ils toujours preuve de discrimination intrinsèque lorsque vient le temps d'évaluer les preuves de racisme et de suprématie blanche dans une affaire ou une plainte? La formation et l'amélioration des compétences peuvent être nécessaires, et les enquêteurs doivent être ouverts et réceptifs à la formation et aux nouvelles compétences axées sur la réduction des préjugés.
Établir la commission d'examen et de traitement des plaintes afin qu'elle ait une chance de succès. Les plaintes et la gestion des plaintes concernent invariablement la justice. La justice, c'est plus que le maintien de l'ordre, et si ce principe est oublié dans cet exercice législatif, on continuera d'entendre ce cri de ralliement dans les rues canadiennes: « Pas de justice, pas de paix. »
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. En tant que président national du Syndicat des douanes et de l'immigration, qui représente les agents frontaliers de première ligne du Canada et d'autres membres du personnel de l'Agence des services frontaliers du Canada, c'est toujours un plaisir d'aider ce comité.
En ce qui concerne le projet de loi, nous avons un certain nombre de préoccupations que j'aimerais souligner, reconnaissant que le type de surveillance civile que le projet de loi vise à créer existe déjà dans la plupart des organismes d'application de la loi, et que nous convenons qu'il est primordial que notre gouvernement et ses organismes élaborent les outils et les ressources nécessaires pour s'attaquer aux problèmes liés aux débordements, à la discrimination systémique et à l'abus de pouvoir.
Cela dit, le projet de loi semble passer à côté de la cible lorsqu'il s'agit de s'attaquer à des problèmes systémiques qui existent déjà au sein de l'Agence, qui est tristement célèbre chez ses employés pour avoir laissé passer des abus flagrants de la part de la direction. Pour être franc, j'ai perdu le compte du nombre de fois où la direction de l'ASFC a, d'une façon ou d'une autre, fait tout en son pouvoir pour minimiser, retarder ou écarter les plaintes des employés concernant un comportement très problématique de la part des gestionnaires, en choisissant plutôt de recourir au processus disciplinaire déjà en place pour punir les employés au moyen de mesures disciplinaires injustes et sévères.
Je ne vois rien dans ce projet de loi qui aiderait à freiner cela, et je crains que la commission proposée ne serve surtout d'outil punitif supplémentaire pour nos membres qui s'adressent au public sans vraiment régler les problèmes culturels enracinés au sein de l'ASFC et de sa structure de direction. Ce dont nous parlons ici, c'est d'un organisme qui, année après année, refuse d'embaucher un nombre approprié d'agents de première ligne, préférant investir dans la technologie automatisée qui, lorsqu'elle échoue — et elle échoue, croyez-moi —, ne fait qu'exacerber les problèmes existants, c'est-à-dire une technologie automatisée qui rend le Canada moins sûr.
C'est un organisme qui prétend être déterminé à lutter contre le racisme systémique, mais qui annule arbitrairement la formation contre le racisme et la discrimination élaborée en grande partie par ses propres employés racisés. C'est un organisme qui fait tout en son pouvoir pour répondre aux plaintes en matière de droits de la personne en dotant les centres d'immigration d'agents de sécurité mal formés et en sous-traitance.
Tous ces aspects jouent un rôle sous-jacent dans le traitement des plaintes déposées à la commission, et il faut y donner suite.
Nous sommes également très préoccupés par l'absence de libellé clair concernant le droit d'un employé à l'équité procédurale et à la justice naturelle, ainsi qu'à la représentation pendant les enquêtes administratives, ainsi que par les délais prévus pour les enquêtes. D'après notre expérience, les enquêtes au sein de l'ASFC sont déjà inutilement longues, plus souvent qu'autrement. Le projet de loi ne traite pas de cette question. En fait, en vertu de cette nouvelle loi, il est probable que les enquêtes pourraient prendre des années, ce qui n'est juste ni pour le plaignant ni pour la partie faisant l'objet de l'enquête.
Je tiens à souligner que ce projet de loi fait l'objet de discussions alors que plus de 8 000 agents et autres agents d'application de la loi que nous représentons à l'Agence des services frontaliers du Canada négocient actuellement avec l'Agence et le Conseil du Trésor. Il est inquiétant que le gouvernement du Canada cherche à adopter une loi qui pourrait changer la nature de l'emploi de nos membres, ce qui contournerait le processus de négociation. À tout le moins, le syndicat devrait avoir l'occasion de discuter du projet de loi et de ses ramifications à la table de négociation. En fin de compte, la loi devrait aussi prévoir un libellé clair garantissant le maintien des droits prévus dans la convention collective, surtout en ce qui concerne les enquêtes et les représentations.
J'aimerais terminer en soulignant que, pour bon nombre de nos membres, ce plus récent projet de loi sera probablement perçu comme un autre exemple de la façon dont l'Agence et le gouvernement traitent les agents des services frontaliers comme des agents de la sécurité publique et d'application de la loi, seulement lorsque cela leur convient.
Le rôle des agents des services frontaliers a énormément changé au cours des 25 dernières années, et nos agents d'application de la loi font partie intégrante du cadre de sécurité publique du pays. Le projet de loi sur ce nouvel organisme de surveillance civile laisse entendre que le gouvernement fédéral est d'accord, mais nos membres ne sont pas reconnus comme des membres de la sécurité publique en vertu des principales lois sur la fonction publique, comme la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi de l'impôt sur le revenu et leurs règlements d'application. Le gouvernement ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Pour que le projet de loi soit cohérent, il doit être accompagné d'un libellé confirmant le statut des agents des services frontaliers en tant que personnel de la sécurité publique dans l'ensemble des lois fédérales. Il faut aussi modifier ces deux lois.
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
J'aimerais revenir sur certaines des observations que vous avez faites au sujet du modèle indépendant que votre organisation recherche, pour appuyer davantage — d'après ce que je comprends de vos propos — les agents de la GRC.
Dans les discussions que nous avons eues, et certainement après avoir examiné le document d'orientation que vous avez présenté sur ce projet de loi, il semble qu'il y ait des modèles provinciaux comme l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave, ou EIIG, en Nouvelle-Écosse et l'Équipe d'intervention de l'Alberta en cas d'incident grave, ou ASIRT, en Alberta. Je crois que chaque province a un organisme indépendant semblable, qui intervient lorsque des agents font usage de force causant la mort ou dans d'autres circonstances graves.
Je crois comprendre qu'il s'agit d'organismes complètement indépendants. Nous n'avons pas d'agents qui enquêtent les uns sur les autres. Ils sont entièrement financés de façon indépendante, et des personnes indépendantes viennent enquêter sur ces situations graves.
Est‑ce une bonne évaluation du modèle d'enquête provincial?
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À l'ASFC, vous avez entièrement raison, le nombre d'agents de première ligne est loin de répondre à nos besoins. Nous estimons avoir besoin de 2 000 à 3 000 agents de première ligne supplémentaires. Pendant la période que vous avez décrite, nous avons ajouté environ 2 000 cadres intermédiaires à l'ASFC. Il semble que ce soit le seul secteur en pleine croissance.
Nos agents sont épuisés et ils sont soumis à un stress incroyable. Des plans d'action pour l'été prévoient des heures supplémentaires obligatoires. Le nombre de congés que nous pouvons prendre est limité. De nombreux agents ont recours à des congés non payés simplement pour se reposer un peu.
Bien sûr, quand on regarde les files d'attente et les volumes que nous traitons et qu'on parle de ce qui est proposé dans le projet de loi , avec des voyageurs qui attendent parfois de deux à trois heures pour parler à un agent, on voit de plus en plus de gens qui nous arrivent en furie. C'est en gros ce à quoi nous devons faire face, très souvent, lorsque nous finissons par parler aux voyageurs.
Les solutions proposées par l'ASFC sont des bornes automatisées, des portes électroniques et d'autres outils du genre. Pour ce qui est de la sécurité publique, ces outils font peur, à notre avis. Ils n'ont rien fait pour réduire l'arriéré. Nous voulons absolument que plus d'agents travaillent à la frontière, en première ligne.
Dans la minute qu'il me reste, je pense que tout le monde était d'accord dans sa déclaration préliminaire pour dire que la surveillance est très, très importante. Comme nous le savons, puisque les agents de première ligne de la GRC et de l'ASFC ont des pouvoirs considérables, il est important qu'il y ait une surveillance. Cependant, j'ai été préoccupée d'apprendre, lors de mes discussions avec vous, que très souvent, lorsque sont menées ces enquêtes, qui sont parfois sérieuses, mais parfois futiles et vexatoires — pour reprendre, je pense, le mot utilisé par M. Sauvé dans le contexte de la GRC —, les agents peuvent être jusqu'à un an sans salaire, et pour récupérer ce paiement, si la plainte n'est pas fondée, ils doivent déposer un grief.
Pouvez-vous faire le point pour le Comité? Ai‑je bien décrit la situation? Que faudrait‑il faire à ce sujet? Cela semble tout simplement très injuste. Si la plainte n'est pas fondée et que l'agent perd une année de salaire... Je ne connais pas beaucoup de gens qui peuvent se passer de leur chèque de paie pendant un an.
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Malheureusement, c'est le processus, oui.
À l'ASFC, il y a la Division de la sécurité du personnel et des normes professionnelles, ou DSPNP, qui enquête sur les cas les plus graves. Si l'allégation est jugée suffisamment grave, la cote de sécurité de l'agent sera retirée, ce qui signifie qu'il n'est pas suspendu et qu'il n'est pas congédié, mais qu'il ne peut tout simplement pas se présenter au travail tant que l'enquête n'est pas terminée, ce qui peut parfois prendre un an ou plus, et qu'il n'est donc pas payé. Il doit essentiellement rester à la maison en congé non payé jusqu'à ce que l'enquête soit terminée.
Lorsque les allégations ne sont pas fondées et qu'on constate qu'il n'y a pas eu d'acte répréhensible, on nous dit de déposer un grief pour récupérer le salaire perdu. C'est un processus dévastateur pour les agents. Vous avez entièrement raison sur ce point, et je ne connais moi non plus personne qui pourrait passer une année sans être payé.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd'hui.
J'aimerais commencer par traiter un sujet dont vous avez tous les trois parlé de différentes façons, à savoir l'importance de la surveillance.
J'aimerais commencer par vous, monsieur Weber.
L'une des préoccupations qui ont été soulevées à maintes reprises, c'est qu'il y a très, très peu de recours lorsqu'il s'agit de plaintes concernant l'expérience-client à l'ASFC. C'est ce que nous ont dit les communautés racisées. C'est aussi ce que nous avons entendu de la part de la communauté musulmane.
Bien sûr, nous sommes conscients de toutes les difficultés. Je tiens à le dire clairement. Nous savons qu'il est difficile de manquer de ressources. C'est un problème que nous devons régler. Je pense que nous nous entendons tous à ce sujet.
Cela dit, j'aimerais savoir comment vous interprétez ces plaintes et comment, selon vous, avoir confiance qu'il y a un recours pour les personnes qui éprouvent des difficultés dans leurs interactions avec l'ASFC.
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Merci beaucoup, monsieur Noormohamed. Je vais peut-être revenir à nos commentaires sur les données et le partage de données, parce que ces aspects sont fondamentaux et qu'ils figurent en fait parmi les mesures énoncées dans le projet de loi . Une transformation est nécessaire. L'une des nombreuses leçons tirées du rapport de la Commission des pertes massives, c'est qu'il faut nommer et contrer les problèmes de misogynie, de racisme, d'homophobie et d'autres attitudes non égalitaires au sein des services de police, et cela doit être au cœur des stratégies visant à améliorer les services policiers de tous les jours. Je pense que c'est ce que M. Weber voulait dire au sujet du changement réel. Pour améliorer efficacement les services de police de tous les jours, il faut de bonnes données; il faut des données démographiques segmentées, et il faut être assez courageux pour relever les défis lorsqu'on les a.
À Calgary, les caractéristiques démographiques raciales sont de plus en plus diverses. Selon les données les plus récentes, Calgary compte près de 44 % de personnes de couleur. D'un point de vue réaliste, dans moins de trois ans, le terme « minorité visible » n'aura plus de sens statistique ou mathématique, mais il est toujours utilisé dans la collecte de données et dans les services de police. Bien franchement, personne ne veut être visé par ce qualificatif assez horrible, archaïque et socialement dégradant.
Il faut concevoir une formation et des approches pour former les services de police à la collecte de données démographiques désagrégées de façon crédible et uniforme. Après tout, ce sont les policiers qui doivent demander ces renseignements aux Canadiens. À l'heure actuelle, la collecte de données se fait selon une méthode appelée la perception de l'agent — essentiellement, lorsque le membre du service de police qui se présente décide, en fonction de son expérience et de ses connaissances — ou plutôt de son manque de connaissances, très franchement, des caractéristiques démographiques d'une personne aux fins de la collecte.
Il faut établir des processus et des approches de collecte de données crédibles, une collecte de données uniforme et à l'échelle du Canada. Les données recueillies doivent être analysées avec efficacité. Les corps policiers doivent être responsables de l'atteinte des résultats démontrés par l'analyse dans un délai défini. Nous ne pouvons pas continuer de dire que nous avons appris certaines leçons et, trois ans plus tard, dans un autre rapport, redire que nous avons encore appris d'autres leçons, sans que jamais rien ne soit réglé entretemps. Lorsque la Commission ontarienne des droits de la personne a exigé que le Service de police de Toronto recueille des données fondées sur la race, ces données reflétaient simplement ce que, dans certains cas, les Noirs avaient dit et savaient depuis des décennies. La conclusion à retenir du rapport de Toronto se trouve dans la partie sur le recours à la force. Dans ce cas, les Noirs étaient 2,3 fois plus susceptibles que les Blancs de se faire mettre en joue par la police lorsqu'aucune autre arme n'était perçue.
On ne peut plus...
Allez‑y. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Nous sommes au début de l'étude du projet de loi . Je tente donc encore d'en comprendre tous les tenants et aboutissants.
Monsieur Sauvé, vous avez fait trois recommandations concrètes, et je vous en remercie. Premièrement, vous avez dit qu'il fallait mettre fin aux situations où la police enquête sur la police, et j'aimerais comprendre la façon dont fonctionnera la nouvelle commission.
Dans le résumé législatif préparé par nos analystes, il est question de deux possibilités qui seraient offertes aux plaignants. Ils pourraient soit déposer la plainte directement auprès de la GRC ou de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, soit l'adresser directement à la nouvelle commission. Pour ce qui est des personnes qui formeront cette commission, ce seraient des civils n'ayant jamais travaillé au sein de la GRC ou de l'ASFC.
Le projet de loi C‑20 permettra-t-il de mettre fin à ces pratiques où la police enquête sur la police, à votre avis, ou y a-t-il encore du travail à faire?
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Je ne crois pas que ce soit suffisant.
Considérez les processus en vigueur. On voit que, après réception de la plainte et son acheminement pour enquête, ce sont environ 60 000 heures-personnes qui sont consacrées au traitement du dossier. La plupart des plaintes sont traitées dans le délai de 30 jours prévu par la loi et sont renvoyées à la CCETP et au plaignant.
Parmi ces plaintes, il y a entre 300 et 320 cas où le plaignant peut demander un examen et une enquête plus approfondie. L'affaire est alors renvoyée à la GRC. Si cela ne donne toujours pas satisfaction, la présidente de la CCETP peut instituer une enquête plus approfondie. Il y a environ 100 à 150 dossiers de ce genre chaque année. C'est à ce stade que l'affaire est prise en charge par un personnel spécial, composé d'environ 80 ou 85 personnes dans tout le pays.
Le budget proposé ne me semble pas suffisant. Je ne sais pas à combien il devrait se monter, mais nous ne faisons que soulever la question et tirer la sonnette d'alarme. Beaucoup d'organismes civils de surveillance, un peu partout au pays, essaient de faire des miracles, mais finissent par accuser des retards considérables, ce qui n'est pas bon pour la population. Ce n'est pas bon pour les membres de l'organisation, et ce n'est pas bon pour la surveillance civile en général.
Monsieur Weber, je vous remercie d'être avec nous. Je vous remercie aussi des commentaires que vous avez faits dans les médias, et un peu plus tôt aujourd'hui.
Vous avez soulevé le fait que, souvent, il y a des problèmes qui vont un peu plus loin, par exemple des problèmes d'ordre systémique. Vous avez dit qu'il serait dommage qu'un agent faisant l'objet d'une plainte soit démis de ses fonctions ou qu'il fasse l'objet de réprimandes alors que le problème vient d'un peu plus haut sur le plan hiérarchique.
Pouvez-vous nous en parler davantage? Comment devrions-nous traiter cela?
Comment le projet de loi devrait-il s'attaquer aux problèmes d'ordre systémique, lesquels peuvent avoir des répercussions allant au-delà de l'agent faisant l'objet de la plainte?
Oui, je crois que nous avons besoin d'un changement de culture global.
Et nous avons besoin de plus d'éducation. Il ne suffit pas d'identifier un mauvais sujet et de lui infliger des mesures disciplinaires pendant X jours, pour ensuite continuer comme si cela avait corrigé quoi que ce soit. C'est la culture de l'ASFC qui doit changer, et surtout celle des membres de la haute direction. Notre syndicat a fait valoir de nombreuses plaintes vraiment troublantes au sujet du comportement de membres de la direction, et tout se passe comme si nous n'avions rien fait. Ces plaintes s'évanouissent. En fait, si un cadre fait l'objet d'une plainte, il ne se passe absolument rien.
Prenons l'exemple du chef des opérations qui, en 2011, a ordonné la fouille à nu d'élèves voyageant à bord d'un autobus, alors que les agents les avaient libérés, convaincus qu'ils étaient en règle. Lui a‑t‑on infligé des mesures disciplinaires? Pas du tout. Et c'est un cas parmi d'autres. J'en connais beaucoup d'autres qui sont bien pires. Il ne se passe tout simplement rien. Et cela doit changer.
À mon avis, le projet de loi dans sa forme actuelle ne permet pas aux agents de faire valoir les problèmes qu'ils constatent tous les jours. Le processus prévu ne permet pas de faire valoir nos préoccupations et les incidents dont nous sommes témoins. Ce serait un gros changement. Les politiques mal gérées, l'application des politiques et, encore une fois, les niveaux de dotation, ne sont pas de la faute des agents. C'est une question de culture. Et c'est du ressort de la haute direction de l'ASFC.
Quand il ne s'agit que de plaintes de particuliers, ceux‑ci interagissent avec les agents, à qui ils ont affaire quand ils ont attendu trois heures pour arriver à la frontière et faire enfin leur déclaration et qui, comme je l'ai dit, arrivent très frustrés. Nos agents, encore une fois... Je pense que c'est global. Je pourrais dire que c'est une crise de santé mentale. Ils sont épuisés. Ils font des heures supplémentaires presque sans arrêt, sans pouvoir obtenir de congé. L'été sera encore pire. C'est arrivé l'année dernière et l'année d'avant, et il n'y a pas d'aide en vue. Notre personnel n'augmente jamais. C'est une situation désespérée.
Il faut un changement de culture global et un changement radical au sein de l'organisation.
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Je remercie tous nos invités de leurs témoignages très riches.
Je vais commencer par vous, monsieur Weber. Deux choses.
Tout d'abord, vous avez très clairement indiqué que le projet de loi reconnaît implicitement les employés de l'ASFC comme des agents de la sécurité publique. Quelles autres mesures le gouvernement devrait‑il prendre pour reconnaître pleinement les agents des services frontaliers comme des agents de la sécurité publique?
Quels sont les changements à la Loi sur la pension de la fonction publique, à la réglementation ou à la Loi de l'impôt sur le revenu qui permettraient de le clarifier et de faire cesser cette situation bizarre où le gouvernement fédéral prétend que les agents des services frontaliers ne sont pas des agents de la sécurité publique dans certaines circonstances, mais le reconnaît dans d'autres? C'est ma première question.
Voici la deuxième. Vous avez appuyé avec éloquence les dispositions du projet de loi contraignant les employés de l'ASFC à rendre des comptes, mais vous dites également que la direction de l'ASFC n'est pas tenue responsable. C'est fondamental quand on veut instaurer un système de surveillance civile permettant une réforme systémique. C'est ce que nous voulons tous, je crois.
Quels changements pourrait‑on apporter au projet de loi pour que les cadres de l'ASFC soient tenus responsables de leurs actes?
Je vais commencer par la première question.
Sur le plan législatif, deux choses devraient changer. Il faudrait d'abord modifier la Loi sur la pension de la fonction publique. Il faudrait ajouter les agents des services frontaliers comme groupe professionnel, comme c'est le cas de tous les autres groupes professionnels, dont les agents correctionnels. Cela doit changer. Les règlements connexes devraient également être modifiés en conséquence.
La deuxième mesure serait de modifier le Règlement de l'impôt sur le revenu. Il faudrait commencer à inclure les membres du groupe FB dans la définition des « professions liées à la sécurité publique ». Ces deux mesures feraient beaucoup et elles confirmeraient et codifieraient le fait que nous sommes effectivement des agents de la sécurité publique.
Entre autres modifications à apporter au projet de loi pour susciter un véritable changement de culture — qui est l'objectif du SDI —, il faudrait que les agents de l'ASFC puissent aussi utiliser le processus pour signaler des incidents et communiquer ce qu'ils savent pour instaurer ce genre de changement et que ces signalements fassent l'objet d'une enquête tout au long du processus.
Nous travaillons dans ce milieu toute la journée. Nous sommes susceptibles de voir beaucoup plus que ne le peut un voyageur qui arrive et qui entre en relation avec un agent de l'ASFC pendant une dizaine de secondes. Pour l'instant, selon la définition actuelle, nous n'avons aucun pouvoir. Pour s'assurer qu'il y a un suivi...
Depuis toujours, à l'ASFC, plus on monte en grade, moins on a de comptes à rendre. Nous sommes très sûrs de ce que nous dénonçons concernant le comportement des cadres. S'il s'agissait d'un de mes membres, je lui dirais: « Vous allez probablement être congédié. » Mais aucune suite n'est donnée. En général, il ne se passe absolument rien. C'est frustrant.
Le changement doit venir d'en haut. J'aimerais vraiment que nous puissions utiliser ce qui est à la disposition du public en l'occurrence.
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Merci beaucoup, et merci à vos membres pour les services qu'ils rendent au pays.
Monsieur Sauvé, vous avez été incroyablement précis — beaucoup plus que le ministre — au sujet des ressources nécessaires. Vous avez parlé de 60 000 heures de travail. Est‑ce que cela comprend les 300 appels — ou ceux qui font l'objet d'un deuxième examen — et les 150 cas dont vous avez parlé et qui font actuellement l'objet d'un examen plus approfondi? Sinon, on parle d'une charge de travail encore plus importante.
Selon vous, de quel ordre serait l'erreur d'évaluation du gouvernement en matière de ressources? Si 19,4 millions de dollars ne suffisent pas, est‑ce qu'il en faudrait 38 ou 40 millions? Cinquante millions? Avez-vous un chiffre approximatif pour que cette commission puisse bien faire le travail, au lieu, comme vous l'avez dit avec tant d'éloquence, de priver des services de police communautaires de ressources?
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être parmi nous.
Je vais poursuivre dans la foulée de M. Weber et de M. Sauvé. J'ai de sérieuses réserves au sujet de la proposition actuelle, au sujet des ressources, étant donné la façon dont le projet de loi est rédigé et dont il envisage la GRC et l'ASFC. J'ai l'impression que les ressources proposées pour la CETPP sont déjà insuffisantes pour la GRC, et on ne parle pas encore de l'ASFC. C'est un grave signal d'alarme pour moi.
J'appuie sans réserve l'idée d'une surveillance et d'un examen publics — c'est absolument nécessaire dans toutes les formes d'application de la loi —, mais le projet manque cruellement de ressources.
Monsieur Sauvé, rapidement, je pense qu'il y a encore une certaine confusion, même autour de cette table et dans la population, quant à la façon dont la CETPP traitera les plaintes. Vous ne voulez pas que la police enquête sur la police, et je comprends cela. Plus précisément, vous ne voulez pas que la GRC enquête sur elle-même. Il ne s'agirait pas d'une enquête policière, n'est‑ce pas?
Certains des modèles hybrides dont vous avez parlé prévoient que des agents d'application de la loi, à la retraite ou en fonction, fassent enquête auprès d'enquêteurs civils dans ce cadre. Cela fonctionne bien. Je viens de l'Alberta, et je connais très bien ce processus.
À votre avis, et comme l'a demandé M. Julian, pourrait‑on modifier un processus dans la loi? Au‑delà de la simple nécessité d'attribuer plus d'argent et plus de ressources à la CETPP, pourrait‑on envisager un processus qui la rendrait plus efficace, compte tenu de la loi actuelle? Que faudrait‑il faire autrement?
:
Ce sont des mandats complètement différents. Les membres de la GRC affectés en Alberta ou ailleurs où nous offrons des services de police en uniforme, et même les agents fédéraux en Ontario ou au Québec, sont assujettis à trois systèmes de surveillance distincts.
Il y a d'abord le régime de surveillance civile prévu par la loi, comme l'équipe d'intervention en cas d'incident grave de l'Alberta, qui enquête sur les plaintes pour dommages graves ou décès dans les cas de recours à la force. C'est là qu'un membre de la GRC pourrait être accusé au criminel.
Le deuxième est évidemment le Code de déontologie de la GRC, qui est notre régime disciplinaire. Cela peut aller jusqu'au congédiement.
Le troisième est la future CETPP, qui s'occupera des plaintes du public.
Dans tous ces cas, un membre de la GRC pourrait faire l'objet d'une enquête par l'équipe d'intervention en cas d'incident grave de l'Alberta, par la GRC en vertu des normes professionnelles... et par la CCETP. Ce sont trois niveaux différents. Et il y aurait trois issues possibles différentes. Ce pourrait être une peine d'emprisonnement. Ce pourrait être un congédiement. Et, dans le troisième cas, cela pourrait entraîner des changements opérationnels et politiques ou des changements à la GRC proprement dite.
:
Merci, monsieur Chiang.
Oui, il faudrait recueillir des données. C'est à l'article 13 du projet de loi, je crois, que l'on prévoit un « rapport annuel » sur la collecte de données, mais il est plutôt léger.
Pour revenir à ce que disait M. Sauvé, la GRC envisage la collecte, l'analyse et le compte rendu de données fondées sur la race à l'échelle nationale dans les services de police depuis probablement juillet 2020, en collaboration avec l'Association canadienne des chefs de police et Statistique Canada. Le processus a pris du temps, mais il est extrêmement important.
La réglementation albertaine laisse à désirer à certains égards. Cependant, elle exige effectivement un certain nombre de contrôles de routine, de contacts avec les agents ou de « postes d'information », comme on les appelle à Calgary, qui dépassent les données démographiques relatives d'une collectivité. Il faut aussi que le chef de police compare les données et justifie toute surreprésentation d'un groupe, notamment des personnes racisées et des Autochtones.
Il est important que l'analyse et le partage des données se fassent de façon distincte à l'échelle communautaire, de crainte que l'importance des données et de l'analyse ne se perde dans une inefficacité fondamentale.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Weber, lorsque nous discutions plus tôt des problèmes d'ordre systémique au sein de l'ASFC, vous avez parlé de l'importance d'instaurer un changement de culture. Afin de bien comprendre, j'aimerais savoir si vous proposez que les agents puissent, eux aussi, avoir recours à la nouvelle commission.
Pourraient-ils déposer des plaintes auprès de cette commission lorsqu'ils se heurtent à un problème mettant en cause un supérieur ou un gestionnaire? Le cas échéant, cette commission viserait non seulement le public, mais aussi les agents, à l'interne.
Ai-je bien compris vos propos?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous avons d'excellents témoins. J'aurais aimé avoir plus de temps avec eux.
Je vais m'adresser à Mme Campbell.
Merci beaucoup de votre témoignage d'aujourd'hui. Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de l'importance de surmonter le racisme systémique, l'homophobie systémique et la discrimination systémique exercée contre les femmes et contre les Autochtones.
Selon vous, le projet de loi permet‑il de régler ces problèmes? Si ce n'est pas encore le cas, quels éléments devrait‑on y ajouter et quels sont les autres enjeux que le gouvernement fédéral devrait commencer à régler pour qu'il soit possible d'entamer cette transformation radicale pour surmonter la discrimination systémique?
:
Nous reprenons nos travaux. Merci.
Nous accueillons aujourd'hui, par vidéoconférence, M. Mel Cappe, professeur, de la School of Public Policy and Governance à l'Université de Toronto, qui s'exprimera à titre personnel, ainsi que Mme Perla Abou-Jaoudé et M. Vincent Desbiens, de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.
Nous allons commencer par les exposés préliminaires de cinq minutes de chaque groupe. Nous allons commencer par M. Cappe.
Allez‑y, monsieur, vous avez cinq minutes.
:
Bien sûr. J'ai fait valoir que je n'étais affilié à aucun parti politique et que j'ai été fonctionnaire pendant 30 ans et que j'enseigne maintenant à la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l'Université de Toronto.
[Français]
En 2017, j'ai fait une étude pour le ministère de la Sécurité publique sur le manque de capacité en matière d'examen de l'Agence des services frontaliers du Canada. J'ai recommandé de combler cet écart par la création d'une commission d'examen sur l'Agence, qui s'apparente à ce qui est proposé dans le projet de loi .
[Traduction]
J'aimerais souligner au Comité quelques principes directeurs ou objectifs que les députés voudront peut-être garder à l'esprit pendant l'évaluation du projet de loi .
Le premier est de promouvoir la sécurité du Canada et des Canadiens. Le deuxième est de protéger et de respecter les droits des Canadiens. Le troisième est de bâtir la confiance dans les organismes du portefeuille. Le quatrième est d'obtenir une bonne reddition de comptes de ces organismes, tant pour leurs actions que pour la gestion des plaintes. Comme solution de rechange à ce que vous a dit M. Sauvé tout à l'heure, j'aimerais que la responsabilité soit assumée par l'Agence plutôt que par la Commission. Le cinquième est qu'il faut préserver le secret et la vie privée. Le sixième est qu'il faut protéger les droits des fonctionnaires qui exercent correctement les fonctions que leur confère la loi, comme M. Weber l'a signalé, et le dernier est qu'il faut éviter le double emploi et promouvoir la collaboration.
Il y a aussi certaines contraintes que vous devez décider comment équilibrer.
Premièrement, le gouvernement du Canada n'a pas de mandat pour toutes les questions de sécurité. Il y a aussi les services de police locaux et provinciaux. Les activités de sécurité, même au niveau fédéral, ne relèvent pas toutes du ministre de la Sécurité publique.
L'établissement d'un climat de confiance entre souvent en conflit avec le secret. Nous l'avons vu récemment. Les problèmes ne sont pas toujours propres à un seul organisme. Il faut être en mesure de suivre le fil des événements entre les organismes et les commissions. Il faut respecter la complexité du renseignement et la difficulté de l'utiliser comme preuve. Une bonne application de la loi exige une bonne prestation de services.
Enfin, il s'agit parfois de la conduite des agents dans l'exercice de leur pouvoir et de leur jugement. Et parfois — et c'est le seul point où, à mon avis, le projet de loi pourrait être amélioré et où j'appuie les trois témoins précédents, MM. Sauvé, Campbell et Weber — c'est un problème d'examen systémique.
Un bureau où il y a trop de plaintes ou un type de plainte qui vise plus d'un agent en particulier peut obliger la Commission à mener un examen. Au cours de la dernière session, M. a fait remarquer à juste titre que l'article 28 permet à la Commission d'effectuer des examens sur toute « politique, procédure ou ligne directrice ». Je pense que cela pourrait être développé davantage.
[Français]
Je vous encourage à trouver l'équilibre optimal entre ces objectifs et ces contraintes.
[Traduction]
C'est souvent l'opinion qui impose l'équilibre à atteindre, et je pense que ce projet de loi permet raisonnablement d'atteindre cet équilibre.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Bonjour, tout le monde.
Nous vous remercions de nous permettre de comparaître aujourd'hui devant ce comité.
L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, ou AQAADI, a été fondée en 1991 et regroupe plus de 500 avocats et avocates au Québec dans le domaine particulier du droit de l'immigration et de la protection des réfugiés.
Les objectifs de l'AQAADI sont, entre autres choses, de s'assurer que les lois et politiques en matière de citoyenneté, de protection des réfugiés et d'immigration sont rédigées et appliquées dans le respect des principes d'équité, et qu'elles répondent adéquatement aux besoins du Québec et du Canada tout en respectant la Constitution, la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les traités internationaux ratifiés par le Canada.
Avant toute chose, nous applaudissons l'introduction du projet de loi . Nous tenons à souligner l'importance de la mise en place de ce système de surveillance par une tierce partie de l'Agence des services frontaliers du Canada et de ses employés. Selon nous, non seulement est-ce essentiel pour la protection du public, mais également pour l'administration d'une justice saine, efficace et transparente.
Sur ce dernier point, il est important de considérer que l'Agence des services frontaliers du Canada agit dans de nombreuses instances quasi judiciaires à la Commission d'immigration et du statut de réfugié en lien avec le processus d'immigration, que ce soit pour des questions de détention, de demandes d'asile ou même de renvoi. Or, ses représentants ne sont pas, pour la majorité d'entre eux, des avocats ou des avocates et ne sont pas soumis aux mêmes organismes de réglementation et au même code de déontologie que ceux-ci. Par conséquent, en cas de faute d'un représentant de l'ASFC ou de conduite pouvant lui être reprochée dans le cadre de ses fonctions, les recours à son encontre sont limités et ne relèvent, pour l'instant, que des mécanismes internes de l'ASFC. L'expérience de nos membres sur le terrain nous a enseigné que c'est insuffisant pour assurer le contrôle de la qualité de leur travail et garantir une saine administration de la justice.
C'est pourquoi nous suggérons avec respect d'apporter une modification à la définition d'incident grave prévue à l'article 14.1 du projet de loi portant sur la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada afin d'inclure tout incident qui peut nuire à l'administration de la justice ou au bon déroulement d'un processus judiciaire et ainsi de ne pas limiter la portée de la Loi à un incident qualifié de grave.
Par le fait même, nous estimons que cette définition d'incident grave doit également inclure tout comportement qui aurait pour conséquence de violer les droits et libertés, notamment d'engendrer sans fondement la détention ou la prolongation de la détention d'un individu. Bien que la détention n'entraîne pas nécessairement un préjudice corporel grave ou la mort, elle cause néanmoins un préjudice irréparable puisque le droit à la liberté est violé et que ce temps en détention ne pourra jamais être récupéré par l'intéressé, sans compter l'impact psychologique qui en découle.
Dans le même ordre d'idées, nous constatons que certaines dispositions du projet de loi font allusion aux arrestations et aux détentions par l'Agence des services frontaliers du Canada, sans toutefois fournir de définition claire de ces notions. À titre d'exemple, le paragraphe 13(2) mentionne que le rapport annuel de la Commission doit inclure « le nombre de plaintes déposées, en vertu de la présente loi, par des personnes détenues par l'Agence ». De son côté, l'article 86 dispose que « la personne qui est arrêtée ou détenue par un dirigeant ou un employé de l'Agence des services frontaliers du Canada a le droit d'être informée dans les meilleurs délais de son droit de déposer une plainte en vertu de la partie 2 et de la façon de le faire ».
Selon notre expérience, l'ASFC a une définition très restrictive de ce que constitue une arrestation ou une détention par un de ses employés. À cet égard, dans le cas de l'arrivée massive de réfugiés au cours des dernières années, plusieurs demandeurs d'asile ont été arrêtés par la GRC après avoir traversé irrégulièrement la frontière terrestre et confiés à l'ASFC dans les heures suivantes. Or, plusieurs d'entre eux sont demeurés à la frontière sous le contrôle de l'Agence pendant plusieurs jours, voire au-delà d'une semaine dans certains cas, sans que celle-ci considère les avoir arrêtés ou détenus. De ce fait, le processus pour assurer la légalité de leur détention prévue par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés n'a pas été entamé pendant plusieurs jours.
Ce n'est qu'un exemple, mais il s'avère crucial, selon nous, d'avoir une définition claire de la notion de détention et d'arrestation afin que cela ne relève pas de la discrétion de l'Agence et que les dispositions en question trouvent plein effet dès ce moment.
D'autre part, le délai prévu au paragraphe 33(2) pour déposer une plainte est insuffisant, à notre avis. C'est notamment basé sur le fait que les délais actuels en lien avec les processus d'immigration sont au-delà d'une année. Sur ce point, le délai moyen actuel pour qu'une demande d'asile soit traitée est d'environ deux ans. Notre expérience auprès de la clientèle, souvent vulnérable, nous porte à croire que les plaignants potentiels hésiteront à entamer une telle procédure, craignant que cela ait un impact négatif sur leurs chances de succès, ou même que cela accélère leur renvoi.
Finalement, nous avons constaté que la plupart des décisions ou des avis pris par la Commission en lien avec une plainte, par exemple la décision de ne pas enquêter sur la plainte comme cela est prévu à l'article 38, le rapport quant à la plainte décrit à l'article 49 et le rapport final de la Commission, sont communiquées uniquement au plaignant. Nous suggérons qu'une copie de toute communication soit également divulguée à son représentant légal. En effet, dans de nombreux cas, la personne visée pourrait avoir été renvoyée du Canada, particulièrement parce que le processus de plainte ne prévoit pas un sursis au renvoi. Advenant cette éventualité, il est très peu probable que la Commission ait ses nouvelles coordonnées alors qu'il est plus probable que son représentant légal les ait.
Dans le même ordre d'idées, il serait également judicieux de permettre aux tierces parties, les organismes, de porter plainte.
En définitive, nous vous soumettons respectueusement que l'adoption de ce projet de loi est cruciale, mais qu'il faut tout de même faire les changements appropriés pour encadrer la conduite de l'Agence ainsi que ses politiques. Cela est nécessaire pour assurer la protection du public et une administration de la justice saine, efficace et transparente.
Je vous remercie.
Encore une fois, M. Chiang, au cours de la dernière séance, a rappelé que l'article 28 permet à la Commission d'effectuer un examen des politiques et des lignes directrices, mais sur un ensemble très ciblé de questions.
Imaginez s'il y a une série de plaintes, que vous recevez beaucoup de plaintes du bureau de Prince Rupert, par exemple. La Commission pourrait examiner la situation et dire: « Eh bien, vous savez, il y a quelque chose qui ne va pas à l'ASFC. Vous devez vous intéresser à ce bureau. Il y a peut-être un problème de gestion. Faites donc enquête. » Vous voulez que la Commission puisse entreprendre ce genre d'examens systémiques.
À notre dernière séance, Mme Campbell, de Calgary, a parlé de racisme systémique. Cela n'existe peut-être pas dans un bureau donné, mais le mal est peut-être plus répandu à l'échelle de l'Agence. On veut que quelqu'un puisse tirer ces conclusions.
Mon autre question porte sur la sécurité nationale.
Pendant que vous faisiez votre rapport, l'OSSNR et le CPSNR, c'est‑à‑dire, respectivement, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, franchissaient le processus législatif. Ils n'existaient pas encore à l'époque.
Nous avons entendu des témoignages et reçu des mémoires au sujet de la nécessité que la nouvelle commission prenne note des plaintes en matière de sécurité nationale et du nombre de fois qu'elles sont renvoyées à l'OSSNR.
Pourriez-vous nous expliquer rapidement comment vous voyez l'interaction de la CCETP au sein de l'OSSNR et s'il devrait y avoir des rapports sur les renvois entre les organismes?
:
J'ai fait valoir dans ma déclaration préliminaire que la GRC et l'ASFC ne sont pas les seuls organismes d'application de la loi au gouvernement. Renseignement et sécurité vont de pair. Par conséquent, l'OSSNR devient une commission d'examen importante pour le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres organismes, comme le Centre de sécurité des télécommunications.
J'ai parlé de transformer le renseignement en preuve. Il faut voir comment cela fonctionne. Le projet de loi n'empêche en rien la CCETP de communiquer avec l'OSSNR, mais il ne crée pas pour autant de passerelle.
Par souci de précision, il serait intéressant de songer à dire que ces deux organismes pourraient légitimement échanger des renseignements. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Sur le plan administratif, cela pourrait être réglé. Cependant, cela mérite réflexion.
L'autre chose, c'est qu'il y a toute une gamme d'autres organismes d'application de la loi. Du temps que j'étais sous-ministre de l'Environnement, le Service canadien de la faune relevait de moi. Ses agents armés appliquent les lois sur les espèces en péril et ce genre de choses.
Il est concevable que vous puissiez tous les englober. Je ne pense pas que ce soit par là qu'il faille commencer.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous. Je vais continuer dans le même ordre d'idées que ce sur quoi Mme Damoff s'est penchée.
D'abord, merci de vos commentaires, maître Desbiens. J'imagine que vous avez beaucoup travaillé, dans le passé, et encore récemment, avec des migrants aux centres de surveillance de l'immigration de l'Agence des services frontaliers du Canada. À de nombreuses reprises, vous auriez probablement aimé, en tant que groupe, pouvoir accompagner un plaignant dans un processus de plainte ou faire la plainte à sa place, comme le permettrait l'article 38, que vous avez dit appuyer.
Maître Desbiens ou maître Abou-Jaoudé, pouvez-vous nous parler des bienfaits que cela pourrait avoir pour les gens qui se retrouvent dans de telles situations?
Concernant les définitions qui sont trop vagues, il y aurait peut-être des craintes à avoir concernant l'article 33, qui prévoit que les plaintes doivent être déposées auprès de la nouvelle commission dans un délai de 1 an à compter de la date à laquelle s'est produit l'incident allégué. Ce délai peut être prolongé s'il existe de bonnes raisons de le faire et que cela n'est pas contraire à l'intérêt public.
Dans le projet de loi , les expressions « bonnes raisons » et « intérêt public » ne sont pas définies.
Croyez-vous que le Comité devrait définir ces expressions? Le fait de prolonger le délai serait-il dans l'intérêt public? Qu'est-ce qui pourrait représenter une bonne raison de le faire?
Cela semble assez flou dans le libellé actuel. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
:
Oui, nous le constatons dans les décisions qui sont prises.
Je donnerai un exemple simple qui concerne un agent. Il a pris la décision d'arrêter une personne avant même la date de son report. Il a dit qu'il avait eu des soupçons. Son superviseur nous a simplement dit qu'il était d'accord avec l'agent. Il y a eu une plainte officielle, mais rien d'autre n'a été fait. Il n'y a pas eu de suivi.
Nous sommes d'accord sur ce que M. Weber a dit par rapport à la culture à l'Agence. Nous ne pouvons pas parler de ce que les agents font dans le cadre de leurs fonctions à l'Agence. Dans le cas des détentions, quand nous demandons que l'on nous fournisse des preuves ou des documents, c'est très difficile de les obtenir à l'avance, comme il est exigé dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Nous essayons de souligner ces choses aux responsables de l'Agence. Parfois, c'est bien accepté, parfois, ce l'est moins. Nous pensons que si le changement se fait à tous les niveaux, cela aidera certainement à tous les égards.
:
Je me permets d'intervenir pour ajouter des précisions.
Pour cette raison, nous estimons que les tierces parties devraient pouvoir faire des plaintes. Nous sommes témoins de cette culture ou de ces problèmes, qui sont récurrents, tandis que le client n'a peut-être pas tout le temps intérêt à dénoncer toute la situation, parce qu'il s'agit de son dossier. Cela permettrait de changer cette culture à une plus grande échelle.
De plus, le client qui arrive est vulnérable. Il demande l'asile. Il ne veut pas qu'une plainte ait des répercussions sur son dossier. Il faut qu'il trouve un logement, de l'aide sociale, sa famille est là. Pour lui, la plainte par rapport au comportement est peut-être le dernier de ses soucis. Par contre, son avocat pourrait aller de l'avant et prendre cette charge supplémentaire que le client n'aurait pas l'intention d'assumer. L'avocat pourrait aussi s'occuper de cela pour ne pas ajouter un problème à tous ceux que le client doit déjà surmonter, en plus de la détresse qu'il vit. C'est donc pour justement changer cette culture que nous recommandons ces changements.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs témoignages, qui sont vraiment importants.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Cappe. Je vous remercie pour les services rendus à notre pays.
J'ai deux questions à vous poser.
[Traduction]
Lorsque vous travailliez au Conseil du Trésor, comment évaluiez-vous le processus concernant les ressources? La question revient systématiquement sur le tapis: les ressources dégagées par le gouvernement fédéral semblent carrément insuffisantes au regard des besoins réels. C'est anecdotique, n'est‑ce pas? Ma question est la suivante. Au Conseil du Trésor, comment auriez-vous évalué la pertinence d'un budget? Quels critères auriez-vous appliqués?
:
Eh bien, monsieur Julian, j'ai envie de vous dire que c'était de la magie, mais je sais que cela ne vous contentera pas.
Il y avait des critères à appliquer. Nous analysions la demande et nous réfléchissions aux ressources demandées. Chaque ministère devait alors justifier les ressources. Dans ce cas‑ci, nous nous serions attendus que l'ASFC passe par le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui aurait à son tour acheminé le dossier aux ministres du Conseil du Trésor pour l'examen des besoins et des demandes correspondantes.
J'ai répondu à M. Lloyd que j'espérais qu'il n'y aurait pas de plaintes, puisque l'Agence s'adapterait et ferait un meilleur travail. Je sais que cela ne se produira pas; cela ne tombera jamais à zéro.
On se formait une opinion sur le nombre de plaintes qui justifieraient une enquête et sur le nombre d'employés nécessaires pour mener l'enquête. Ensuite, on s'assurait d'avoir suffisamment de personnel à la frontière pour maintenir la qualité du service.
Il faut notamment que l'Agence établisse des normes de service. On veut vraiment que l'Agence dise: « Voici comment nous allons répondre à vos plaintes. »
M. Sauvé, du groupe précédent, a parlé du nombre de plaintes réglées dans les 30 jours. Cela montre que la GRC, au moins, a une norme. On s'en servait pour aller chercher des ressources au Conseil du Trésor.
:
Je crains que rien ne me vienne à l'esprit.
Je pense que les principes de l'appareil gouvernemental et de la reddition de comptes indiquent qu'il est difficile de se décharger de cette responsabilité. Il y a des exemples — et aucun ne me vient à l'esprit pour le moment — de la façon dont un organisme exerçant une surveillance...
Je fais une distinction entre examen et surveillance. L'examen se fait après coup; la surveillance, en temps réel.
Lorsqu'on devine la réponse de l'Agence, on change le comportement des agents. On ne veut pas que les agents se disent: « Je n'ai pas à prendre cela au sérieux. »
Je sais, quand j'étais agent subalterne, je...
:
Je suis désolé de vous interrompre, mais j'ai d'autres questions.
[Français]
Merci.
Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Desbiens et madame Abou‑Jaoudé.
J'aimerais d'abord vous remercier d'aider des gens qui, souvent, n'ont pas d'autres options.
Vous avez parlé de la possibilité pour les tierces parties de porter plainte. Il est très clair, je pense, que tout le monde autour de cette table considère qu'il s'agit d'un changement important qui devrait être apporté au projet de loi.
Êtes-vous également préoccupés par le fait que la nouvelle commission peut assez facilement rejeter des plaintes en se basant sur divers motifs? Selon vous, quels changements devraient être faits au projet de loi pour que nous puissions vraiment lutter contre la discrimination et le racisme systémique, des sujets dont nous parlons depuis plusieurs jours dans le contexte de ce projet de loi?
:
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins d'être avec nous.
Monsieur Cappe, c'est un plaisir de vous revoir après tant d'années.
Madame Abou‑Jaoudé, l'une des principales lacunes que nous espérons combler concerne la préoccupation de diverses communautés qui estiment ne pas avoir de recours, ne pas pouvoir porter plainte à la suite d'une expérience négative avec des agents de l'ASFC. Cela peut notamment se produire lorsqu'elles jugent avoir été victimes de discrimination.
Je tiens à préciser que cette situation ne se produit pas dans la grande majorité des cas. Cependant, lorsque cela arrive, seriez-vous d'accord pour dire que ce projet de loi permettra de garantir aux communautés qu'elles auront un recours?
Que devons-nous faire pour nous assurer que ceux qui sont en première ligne sentent qu'ils font partie de la solution?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Cappe, je sais que vous avez une expérience gouvernementale assez étendue, et je me demandais ce que vous pensiez du fait que cela fait presque 20 ans qu'on a recommandé au gouvernement fédéral de créer une instance indépendante. C'est le juge O'Connor qui avait recommandé la création de ce processus indépendant pour gérer les plaintes du public, à la suite d'une enquête publique qui avait fait énormément jaser dans les médias. En 2020, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada avait aussi constaté d'importantes lacunes, notamment quant à la fouille d'appareils électroniques de voyageurs. Il recommandait également un processus indépendant de traitement des plaintes.
Trouvez-vous que cela a pris trop de temps au gouvernement pour agir? Il s'agit de sa troisième tentative. À deux reprises, lors des deux législatures précédentes, il a déposé un projet de loi similaire, mais malheureusement, ces projets de loi n'ont jamais été étudiés en priorité, et ils sont donc morts au Feuilleton.
Par ailleurs, pensez-vous qu'il était plus que temps d'agir pour rétablir la confiance du public, notamment envers la GRC et l'ASFC? Ces deux organisations de sécurité publique ont eu mauvaise presse dans les dernières années pour différentes raisons. Je ne veux pas jeter le blâme sur les agents, car chaque cas est différent. Quand même, des cas ont été médiatisés.
Était-il important pour le gouvernement d'établir un processus transparent pour rétablir la confiance du public, selon vous?