SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er février 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 91e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui est hybride. Les membres du Comité y participent en personne, dans la salle, et à distance, en utilisant l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole.
Pour éviter les retours de son pendant la réunion, nous demandons à tous les participants d'éloigner leur oreillette du microphone. De tels incidents peuvent blesser gravement les interprètes et nuire à nos délibérations.
Je vous rappelle également que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 27 mars 2023, le Comité reprend son étude du projet de loi C‑26, Loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.
Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Permettez-moi de vous présenter les membres du premier groupe.
Nous recevons Trevor Neiman, qui est vice-président aux politiques et conseiller juridique pour le Conseil canadien des affaires. Nous recevons également Byron Holland, qui est président et chef de la direction de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet.
Les témoins disposent chacun de cinq minutes pour leur déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
Je vous souhaite la bienvenue.
J'invite maintenant M. Neiman à faire sa déclaration préliminaire. Allez‑y.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre étude sur le projet de loi C‑26.
Fondé en 1976, le Conseil canadien des affaires est composé d'environ 170 chefs d'entreprise qui dirigent les entreprises les plus novatrices et les plus prospères du Canada. Notre organisation représente un vaste échantillon des secteurs des infrastructures essentielles du Canada.
Aujourd'hui, je limiterai mes commentaires à la partie 2 du projet de loi, soit la Loi sur la protection des cybersystèmes essentiels.
Je commencerai mes observations de fond en soulignant que les grandes entreprises canadiennes sont déterminées à maintenir une posture de sécurité solide et résiliente face aux cyberattaques croissantes. En effet, dans un sondage mené auprès de nos membres, tous les chefs de direction a fait valoir que la cybersécurité était une priorité élevée ou très élevée pour leur entreprise.
Nos membres appuient leur engagement en matière de cybersécurité avec des ressources importantes. Dans les secteurs des infrastructures essentielles, la plupart de nos entreprises membres investissent chacune bien au‑delà de 100 millions de dollars par année au Canada dans des mesures visant à prévenir et à détecter les incidents de cybersécurité et à y réagir. Plusieurs de ces mêmes membres investissent plus de 500 millions de dollars individuellement dans les mêmes mesures.
Au fur et à mesure que les risques liés à la cybersécurité augmentent pour le pays, les ressources que nos membres prévoient consacrer à la protection des Canadiens augmentent également. Au cours des deux prochaines années, plus des deux tiers de nos membres prévoient augmenter d'au moins 25 % leurs dépenses en cybersécurité et leurs effectifs.
Cependant, il ne faut pas oublier que la défense des Canadiens contre les cyberattaques est un sport d'équipe qui exige une coordination étroite entre le gouvernement et l'industrie.
C'est pourquoi le Conseil canadien des affaires appuie les objectifs des récentes initiatives du gouvernement en matière de cybersécurité, notamment la partie 2 du projet de loi qui, si elle est bien rédigée et mise en œuvre, pourra améliorer la cyberrésilience globale de l'économie canadienne en établissant une base de référence dans tous les secteurs critiques.
Il importe aussi de souligner que l'adoption de la partie 2 permettrait d'harmoniser le cadre de cybersécurité du Canada aux meilleures pratiques de nos plus proches partenaires en matière de sécurité. En cette période de tensions grandissantes à l'échelle mondiale, le Canada doit travailler de concert avec ses plus proches alliés et accroître sa résilience cybernétique, sinon il risque d'être perçu comme le maillon faible, ce qui pourrait entraîner de graves conséquences pour la sécurité et la prospérité du pays pour l'avenir.
Bien sûr, il n'y a aucune initiative parfaite, qu'elle soit publique ou privée. Il n'est donc pas surprenant que les chefs d'entreprise canadiens souhaitent que des amendements ciblés soient apportés à la partie 2 du projet de loi. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais me centrer sur trois des suggestions les plus fréquemment évoquées par nos membres en vue d'améliorer cette partie du projet de loi.
Premièrement, la partie 2 devrait être modifiée pour adopter une méthodologie fondée sur le risque qui imposerait des exigences réglementaires aux exploitants désignés, proportionnelles à leur niveau de risque. Le fait d'imposer moins d'obligations lourdes aux exploitants à faible risque qui ont des programmes de cybersécurité bien établis leur permettrait de consacrer une plus grande partie de leurs ressources limitées à des activités de prévention des incidents. Les organismes de réglementation, quant à eux, pourraient consacrer une plus grande partie de leurs ressources limitées aux exploitants à haut risque qui représentent la plus grande menace pour les Canadiens.
Deuxièmement, la partie 2 devrait être modifiée pour imposer des limites justes et raisonnables au pouvoir du Cabinet d'émettre des directives en matière de cybersécurité. En l'absence de mesures de protection législatives, la partie 2 permettrait au Cabinet d'émettre des directives, peu importe si une telle mesure était efficace pour réduire un risque pour un système essentiel. Des directives pourraient également être émises sans que le Cabinet consulte d'abord les provinces et les territoires touchés, négocie de bonne foi avec les exploitants désignés ou tienne compte de facteurs pertinents, comme le coût potentiel d'une directive, l'existence de solutions de rechange raisonnables à l'émission d'une directive et les conséquences potentielles d'une directive sur la concurrence, les services ou les clients.
Troisièmement, la partie 2 devrait être modifiée pour définir plus précisément les termes clés, comme « incident de cybersécurité » et « cybersystème essentiel ». Les définitions actuelles de ces termes sont trop larges. Cela se traduirait probablement par le signalement d'incohérences, ainsi que par la surdéclaration d'incidents sans importance, ce qui pourrait submerger les autorités gouvernementales.
Je conclurai en soulignant que la partie 2 n'est qu'une des nombreuses réformes en matière de sécurité nationale qui sont nécessaires de toute urgence pour protéger les Canadiens. En priorité, le Conseil canadien des affaires exhorte les législateurs à modifier également la Loi sur le SCRS afin de permettre au SCRS d'échanger de façon proactive des renseignements sur les menaces avec les entreprises canadiennes lorsqu'il est dans l'intérêt du public de le faire, sous réserve de toutes les mesures de protection et de surveillance nécessaires.
Cette réforme et près de 40 autres dont nous avons grandement besoin sont incluses dans le plus récent rapport du Conseil canadien des affaires intitulé La sécurité économique est la sécurité nationale. Ce rapport est accessible au public sur notre site Web.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, mon nom est Byron Holland. Je suis le président et chef de la direction de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, ou ACEI. Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de nos points de vue et recommandations au sujet du projet de loi C‑26.
L'ACEI est un organisme privé sans but lucratif mieux connu pour la gestion du registre « .ca », et de 3,4 millions noms de domaines. Le mandat principal de l'ACEI est d'assurer l'exploitation sûre, stable et sécuritaire du domaine .ca et du réseau mondial qui en assure l'accès, peu importe où l'on se trouve dans le monde. Nous avons également pour mission plus générale de promouvoir un Internet fiable, ce à quoi nous travaillons en fournissant un registre, un système de noms de domaine et des services de cybersécurité de haute qualité, et en investissant dans la communauté Internet au Canada.
L'ACEI participe à de nombreuses tribunes pour promouvoir la sécurité et la résilience d'Internet, notamment au Forum canadien sur la résilience des infrastructures numériques d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada et au Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion. Nous participons également depuis longtemps à la gouvernance mondiale d'Internet. Nous entretenons des liens importants avec la Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, ou ICANN, qui assure la surveillance et la coordination du système de noms de domaine qui veille à ce que votre navigateur Web puisse atteindre des sites Web comme Canada.ca. Nous contribuons également à l'Internet Engineering Task Force, ou IETF, où sont élaborées les normes techniques qui sous-tendent Internet.
L'ACEI fournit également des services de cybersécurité pour aider les Canadiens à se protéger en ligne. Nous fournissons notamment le Bouclier canadien, notre service de cybersécurité gratuit qui protège environ quatre millions de Canadiens contre les menaces en ligne; le DNS Firewall, notre protection DNS utilisée par plus d'un millier d'organisations canadiennes, y compris de nombreux cybersystèmes essentiels; et Anycast DNS, notre infrastructure mondiale qui augmente le rendement et la résilience de domaines de haut niveau comme .ca et qui aide à atténuer les activités malveillantes, comme les attaques de déni de service distribué par des acteurs étrangers. De plus, l'ACEI collabore avec plusieurs institutions pour maintenir ces services à jour, y compris le Centre canadien pour la cybersécurité et le Centre canadien de protection de l'enfance.
L'ACEI appuie fermement l'objectif du gouvernement de rehausser le niveau de base de la cybersécurité dans les infrastructures essentielles au moyen du projet de loi C‑26.
Nous formulons trois recommandations à l'égard de la partie 2 du projet de loi C‑26, que l'on appelle aussi la Loi sur la protection des cybersystèmes essentiels, ou LPCE, afin de mieux harmoniser les objectifs du projet de loi en matière de cybersécurité aux pratiques exemplaires bien établies et de favoriser la surveillance, l'échange de renseignements et la transparence.
Premièrement, pour rendre la surveillance plus efficace, il faudrait que les directives en matière de cybersécurité en vertu de la LPCE soient assujetties à l'article 3 de la Loi sur les textes réglementaires. Cela permettrait de garantir que les directives en matière de cybersécurité sont examinées par le greffier du Conseil privé en consultation avec le sous-ministre de la Justice.
Deuxièmement, pour accroître la confiance à l'égard de l'échange de renseignements que permet la LPCE, il faudrait resserrer les conditions relatives à l'utilisation de l'information. À l'heure actuelle, le projet de loi C‑26 ne limite pas explicitement la façon dont les entités gouvernementales peuvent utiliser les renseignements recueillis en vertu de certains articles. Par exemple, l’ACEI estime qu’il ne serait pas approprié que le CST utilise les données recueillies en vertu de l’article 15 de la LPCE à des fins autres que son mandat en matière de cybersécurité et d’assurance de l’information.
Troisièmement, pour favoriser la transparence, il faudrait modifier la LPCE afin que l'information sur les directives en matière de cybersécurité soit présentée au Parlement chaque année. Cela comprendrait des renseignements sur le nombre de directives en matière de cybersécurité émises et révoquées, ainsi que sur le nombre d'exploitants désignés touchés.
Nous avons fourni un libellé législatif précis pour chacune de nos recommandations dans notre mémoire.
En conclusion, l'ACEI reconnaît la nécessité d'un certain degré de confidentialité et le besoin de rapidité en ce qui concerne les questions de sécurité nationale et de sécurité publique. Cependant, ces éléments doivent être contrebalancés par l'ajout de dispositions dans le projet de loi C‑26 qui renforceraient la confiance des Canadiens à l'égard de la mesure législative proposée.
Merci.
Merci, monsieur Holland.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité.
Monsieur Motz, vous êtes notre premier intervenant. Vous disposez de six minutes. Allez‑y.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Bien que mes collègues et moi soyons certainement d'accord pour dire que le projet de loi C‑26 est une mesure législative importante qui se fait attendre depuis longtemps et que nous devons protéger nos infrastructures essentielles, je vais profiter de l'occasion pour proposer la motion suivante, qui a été présentée en bonne et due forme au Comité.
Que, à la lumière de la récente décision de la Cour fédérale qui a conclu que l’utilisation par le gouvernement de la Loi sur les mesures d’urgence en février 2022 était illégale et que les lois criminelles spéciales créées par la suite par le Cabinet libéral constituaient une violation inconstitutionnelle des droits des Canadiens en vertu de la Charte, le Comité entreprenne une étude, conformément à l’article 108(2) du Règlement, sur le rôle du ministère de la Justice dans le soutien des décisions illégales et inconstitutionnelles du gouvernement concernant la Loi sur les mesures d’urgence, ainsi que sur les conséquences qui découlent de la décision de la Cour, à la condition que
a) le Comité invite les personnes suivantes à comparaître, séparément, en tant que témoins, pendant au moins une heure chacun:
(i) l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada à l’époque,
(ii) l’honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique à l’époque,
(iii) l’honorable Arif Virani, ministre de la Justice et procureur général du Canada,
(iv) des représentants de l’Association canadienne des libertés civiles, et
(v) des représentants de la Canadian Constitution Foundation; et
b) une ordonnance pour tous les avis juridiques sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour déterminer que
(i) le seuil des « menaces pour la sécurité du Canada », au sens de l’article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, requis par l’article 16 de la Loi sur les mesures d’urgence, a été atteint;
(ii) les seuils requis par les paragraphes 3a) ou b) de la Loi sur les mesures urgences, concernant une « urgence nationale », ont été atteints;
(iii) la situation ne pouvait pas « être réglée efficacement sous le régime d’une autre loi du Canada », comme l’exige l’article 3 de la Loi sur les mesures d’urgence;
(iv) le Règlement sur les mesures d’urgence est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, y compris l’analyse sur laquelle s’appuie le ministre de la Justice pour s’acquitter de ses responsabilités en vertu de l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, et
(v) le décret sur les mesures économiques d’urgence était conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, y compris l’analyse sur laquelle le ministre de la Justice s’est appuyé pour s’acquitter de ses responsabilités en vertu de l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice,
sous réserve que ces documents soient déposés auprès du greffier du Comité, sans expurgation et dans les deux langues officielles, dans les sept jours suivant l’adoption de la présente ordonnance.
Il est essentiel que nous comprenions pourquoi nous présentons cette motion. Il est très important de se rappeler que la Cour fédérale a rendu une décision la semaine dernière qui était d'une importance capitale et qui aurait dû marquer un tournant pour le pays et pour le gouvernement.
Pour que nous comprenions clairement ce qu'était la Loi sur les mesures d'urgence — comment elle a vu le jour —, la décision de la Cour fédérale et toutes les nuances dans ce dossier, j'aimerais prendre un peu de temps pour fournir une version très paraphrasée — un résumé— de la décision de la Cour fédérale... Seulement quelques pages.
À Ottawa, le 23 janvier, l'honorable juge Richard Mosley, de la Cour fédérale, a rendu sa décision. Elle se lisait en partie comme suit:
Sommaire: La Cour a été saisie de quatre demandes de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil [GEC] de déclarer, par proclamation, une urgence d’ordre public en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence [...]
La Proclamation déclarant une urgence d’ordre public, [la Proclamation], prise le 14 février 2022, et les mesures extraordinaires instaurées à titre temporaire pour faire face aux manifestations dans différentes parties du pays — incluant l’occupation du centre-ville d’Ottawa et le blocage de ports d’entrée — étaient visées par le contrôle.
On peut ensuite lire ceci:
C’était la première fois que la Loi était invoquée depuis son adoption, en 1988. La Proclamation, le Règlement sur les mesures d’urgence, [le Règlement], et le Décret sur les mesures économiques d’urgence, [le Décret], adoptés en vertu de la Loi ont eu trois conséquences: a) l’interdiction de se livrer à plusieurs activités liées aux manifestations dans les zones désignées, b) l’obligation de tierces parties d’aider la police à mettre fin aux manifestations et c) l’autorisation donnée aux institutions financières de divulguer aux autorités fédérales des informations sur les personnes et entités désignées et de suspendre les comptes de ces dernières.
Les points soulevés par les demandeurs et autres parties ont donné lieu aux [...] questions suivantes:
1. La Proclamation était-elle déraisonnable?
Après avoir appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable, la Cour a conclu que cette première question devait recevoir une réponse affirmative. La Proclamation était déraisonnable et illégale (« ultra vires » de la Loi).
Les avocats parmi vous comprendront le sens du terme « ultra vires ».
La Cour a déclaré qu'ils ont outrepassé le pouvoir et l'autorité qui leur étaient conférés par la loi. C'est ce que signifie le terme latin « ultra vires ». Il signifie littéralement outrepasser ou excéder le pouvoir ou l'autorité conféré.
Le juge Mosley poursuit:
Bien que la Cour ait reconnu que l'occupation du centre-ville d'Ottawa et le blocage des ports d'entrée étaient des enjeux très préoccupants qui nécessitaient l'intervention du gouvernement et de la police, le seuil minimal de la crise nationale requis par la Loi n'était pas atteint. En vertu de l'alinéa 3a) de la Loi, une crise nationale est une situation urgente et critique qui échappe à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces et à laquelle il n'est pas possible de faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada. La Proclamation visait l'application de mesures extraordinaires à titre temporaire dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, malgré l'absence de preuve qu'une application aussi large était nécessaire. Exception faite de la situation à Ottawa, la police a été en mesure de faire respecter la primauté du droit en appliquant le Code criminel et d'autres lois.
La conclusion d'illégalité de la Proclamation suffisait en soi pour disposer des demandes, mais la Cour a quand même répondu aux autres questions au cas où il serait établi qu'elle a commis une erreur dans ses conclusions par rapport à la première question.
La Cour a ensuite considéré le critère des « menaces envers la sécurité du Canada ». Selon l'alinéa c) de la définition prévue par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité [Loi sur le SCRS], les menaces envers la sécurité du Canada incluent « les activités qui […] visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique […] ».
Et selon l'article 17 de la Loi sur les mesures d'urgence, le GEC devait avoir des motifs raisonnables de croire que les conditions énoncées à l'article 2 de la Loi sur le SCRS, étaient remplies.
Rien dans la preuve au dossier dont disposait la Cour ne permettait de conclure que les activités visées avaient atteint ce seuil.
La deuxième question formulée par le juge Mosley était:
2. Les pouvoirs conférés par le Règlement et le Décret ont-ils violé les alinéas 2b), c) et d) ou les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, et, dans l'affirmative, pouvaient-ils se justifier au regard de l'article premier de la Charte?
Que mentionnent, en fait, ces articles de la Charte? L'article 2 dit:
Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d'association.
L'article 7 s'intitule « Vie, liberté et sécurité »:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
L'article 8 de la Charte s'intitule « Fouilles, perquisitions ou saisies »:
Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
Le juge Mosley pose aussi la question de savoir si les pouvoirs pouvaient « se justifier au regard de l'article premier de la Charte ». L'article premier dit:
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Le juge Mosley poursuit:
Pour ce qui est de la Charte, la Cour a conclu que le Règlement violait la liberté d'expression garantie à l'alinéa 2b), puisqu'il avait une portée excessive en s'appliquant à des personnes qui voulaient manifester, mais qui ne s'engageaient pas dans des activités susceptibles de troubler la paix.
Le Décret violait l'article 8 de la Charte en permettant la perquisition et la saisie déraisonnables d'informations financières concernant les personnes désignées et le gel des comptes de banque et de crédit de ces dernières.
Il a été conclu que les contraventions à l'alinéa 2b) et à l'article 8 de la Charte ne constituaient pas une limite raisonnable et, de ce fait, ne pouvaient se justifier au regard de l'article premier de la Charte.
La Cour a conclu qu'il n'y a pas eu atteinte à la liberté de réunion pacifique ou à la liberté d'association garanties aux alinéas 2c) et d) de la Charte. Elle a également conclu que toute atteinte au droit à la liberté des personnes garanti par l'article 7 était conforme aux principes de justice fondamentale et, dès lors, qu elle ne constituait pas une violation de la Charte.
Il est important ici de comprendre comment les choses se sont passées, pourquoi nous avons eu ces manifestations et comment nous avons pu en arriver là. Cela s'explique par les abus de pouvoir de plus en plus fréquents du gouvernement libéral et le fait qu'il bafoue les droits des Canadiens garantis par la Charte.
En janvier 2022, près de deux ans après le début de la pandémie de la COVID, les Canadiens étaient de plus en plus frustrés par les restrictions et les exigences du gouvernement. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été le décret selon lequel les camionneurs — en particulier les camionneurs transfrontaliers — et d'autres travailleurs essentiels ne seraient plus exemptés de l'obligation de se faire vacciner. C'est leur gagne-pain qui était alors menacé, et on violait leurs droits. Pour eux, trop c'était trop.
Des gens venus de partout au Canada se sont donc rassemblés à Ottawa et dans d'autres villes, non seulement pour exprimer leurs frustrations, mais aussi pour être entendus par le gouvernement. Je pense qu'il est important de comprendre que le gouvernement ne voulait pas les écouter, et je suis bien placé pour le savoir.
En effet, j'ai beaucoup travaillé en coulisses pour organiser des réunions entre l'ex‑ministre des Transports, Omar Alghabra, l'ex-ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, et l'organisatice des manifestations Tamara Lich, en leur expliquant que les discussions mèneraient à la fin des manifestations. Cependant, ils ont refusé toutes mes tentatives d'organiser une rencontre, même téléphonique. Le gouvernement a carrément refusé.
Je pense, très honnêtement, que leur refus de dialoguer dès le début... S'ils avaient changé d'attitude, la situation aurait certainement été totalement différente, et elle aurait pu être évitée.
Le premier ministre, quant à lui, n'a fait que jeter de l'huile sur le feu. Il semblait se plaire à attiser les divisions, à insulter les gens et à laisser les frustrations et les tensions s'accroître au point que lui et son cabinet ont décidé d'aller encore plus loin dans leurs abus et dans leur mépris des droits garantis par la Charte en outrepassant le pouvoir qui leur était conféré par la loi pour invoquer, pour la première fois de l'histoire, la Loi sur les mesures d'urgence.
Que dit exactement ce décret? Je pense qu'il est important de rappeler aux Canadiens le contenu de la Loi sur les mesures d'urgence.
Voici un extrait du bulletin du gouvernement du Canada publié le 14 février 2022, qui se lit:
Attendu que la gouverneure en conseil croit, pour des motifs raisonnables, qu'il se produit un état d’urgence justifiant en l'occurrence des mesures extraordinaires à titre temporaire;
Attendu que la gouverneure en conseil a, conformément au paragraphe 25(1) de la Loi sur les mesures d'urgence, consulté le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province, les commissaires du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest agissant avec l'agrément de leur conseil exécutif respectif, et le commissaire du Nunavut, avant de faire la déclaration d'état d’urgence,
À ces causes, sur recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur les mesures d’urgence, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil ordonne que soit prise une proclamation :
a) déclarant qu'il se produit un état d'urgence dans tout le pays justifiant en l'occurrence des mesures extraordinaires à titre temporaire;
b) décrivant l'état d’urgence comme prenant la forme suivante :
(i) les blocages continus mis en place par des personnes et véhicules à différents endroits au Canada et les menaces continues proférées en opposition aux mesures visant à mettre fin aux blocages, notamment par l'utilisation de la force, lesquels blocages ont un lien avec des activités qui visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens, notamment les infrastructures essentielles, dans le but d'atteindre un objectif politique ou idéologique au Canada,
(ii) les effets néfastes sur l'économie canadienne — qui se relève des effets de la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID‑19) — et les menaces envers la sécurité économique du Canada découlant des blocages d'infrastructures essentielles, notamment les axes commerciaux et les postes frontaliers internationaux,
(iii) les effets néfastes découlant des blocages sur les relations qu'entretient le Canada avec ses partenaires commerciaux, notamment les États-Unis, lesquels effets sont préjudiciables aux intérêts du Canada,
(iv) la rupture des chaînes de distribution et de la mise à disposition de ressources, de services et de denrées essentiels causée par les blocages existants et le risque que cette rupture se perpétue si les blocages continuent et augmentent en nombre,
(v) le potentiel d'augmentation du niveau d'agitation et de violence qui menaceraient davantage la sécurité des Canadiens;
(c) indiquant que la gouverneure en conseil juge les mesures d'intervention ci‑après nécessaires pour faire face à l'état d'urgence:
(i) des mesures pour réglementer ou interdire les assemblées publiques — autre que les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord — dont il est raisonnable de penser qu'elles auraient pour effet de troubler la paix, les déplacements à destination, en provenance ou à l'intérieur d'une zone désignée, pour réglementer ou interdire l'utilisation de biens désignés, notamment les biens utilisés dans le cadre d'un blocage, et pour désigner et aménager des lieux protégés, notamment les infrastructures essentielles,
(ii) des mesures pour habiliter toute personne compétente à fournir des services essentiels ou lui ordonner de fournir de tels services, notamment l'enlèvement, le remorquage et l'entreposage de véhicules, d'équipement, de structures ou de tout autre objet qui font partie d'un blocage n'importe où au Canada, afin de pallier les effets des blocages sur la sécurité publique et économique du Canada, notamment des mesures pour cerner ces services essentiels et les personnes compétentes à les fournir, ainsi que le versement d'une indemnité raisonnable pour ces services,
(iii) des mesures pour habiliter toute personne à fournir des services essentiels ou lui ordonner de fournir de tels services afin de pallier les effets des blocages, notamment des mesures pour réglementer ou interdire l'usage de biens en vue de financer et d'appuyer les blocages, pour exiger de toute plateforme de sociofinancement et de tout fournisseur de traitement de paiement qu'il déclare certaines opérations au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et pour exiger de tout fournisseur de services financiers qu'il vérifie si des biens qui sont en sa possession ou sous son contrôle appartiennent à une personne qui participe à un blocage,
(iv) des mesures pour habiliter la Gendarmerie royale du Canada à appliquer les lois municipales et provinciales au moyen de l'incorporation par renvoi,
(v) en cas de contravention aux décrets ou règlements d'application de l'article 19 de la Loi sur les mesures d'urgence, l'imposition d'amendes ou de peines d'emprisonnement,
(vi) toute autre mesure d'intervention autorisée par l'article 19 de la Loi sur les mesures d'urgence qui est encore inconnue.
Je pense qu'il est également important que les Canadiens comprennent que la Loi sur les mesures d'urgence impose au gouvernement de faire certaines choses pendant et après l'invocation. Le paragraphe 62(1) de la Loi précise qu'un examen doit être effectué par un comité d'examen parlementaire. Il dit: « L'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise est examiné par un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat désigné ou constitué à cette fin. » J'y reviendrai dans une minute.
L'autre chose qui était requise était une enquête. Le paragraphe 63(1) prévoit: « Dans les soixante jours qui suivent la cessation d'effet ou l'abrogation d'une déclaration de situation de crise, le gouverneur en conseil est tenu de faire faire une enquête sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise. »
Je pense qu'il est important de comprendre que la décision du juge Rouleau n'a pas rassuré les Canadiens d'un côté comme de l'autre. Il a statué que le seuil très élevé requis était atteint; cependant, il l'a fait à contrecœur, très à contrecœur, et il le dit dans sa décision. Il a accepté l'interprétation plus large de la Loi sur les mesures d'urgence donnée par le gouvernement sans avoir eu la possibilité de la consulter. Il s'est dit préoccupé à cet égard. Il a également indiqué dans son rapport qu'il n'était pas parvenu à cette décision facilement et, fait intéressant, il déclare que les faits sur lesquels il a fondé sa décision n'étaient pas accablants.
Pour moi, la déclaration qui dit tout sur le manque de confiance probable des Canadiens à l'égard de sa décision est qu'une personne raisonnable et informée pourrait parvenir à une conclusion différente de celle à laquelle il est parvenu. Cela ne donne pas vraiment confiance aux Canadiens.
Pour en revenir au comité d'examen parlementaire, on parlait du...
Monsieur le président, en ce qui concerne le commentaire en face, si le député souhaite participer au débat, je l'invite à le faire une fois que j'aurai terminé.
Je vous remercie.
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Voici un autre bel exemple du fait que les conservateurs ne font que prétendre se soucier de la sécurité. Des témoins sont ici pour nous parler de cybersécurité. Les conservateurs prétendent s'en préoccuper, mais ce n'est manifestement pas le cas.
« Tenter d'épater la galerie, vraiment? »
Et cela vient de la bouche de la personne qui s'emploie à le faire...
Ce n'est pas croyable. Vous faites en sorte que nos témoins...
Qui est celui qui tente d'épater la galerie?
Je vous prie tous d'écouter, car je ne le répéterai pas.
Nous avons déjà eu un problème ici qui a bien failli endommager l'ouïe de quelqu'un parce qu'un micro était trop près. J'ai demandé au début de la réunion de penser aux interprètes, alors parlez un à la fois. Tout le monde aura sa chance.
Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais poursuivre.
Comme je le disais, la Loi sur les mesures d'urgence prévoit, au paragraphe 62(1), la création d'un comité parlementaire. Un comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise est chargé d'examiner « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise » par le gouvernement.
M. Brock et moi avons la chance et l'honneur de faire partie de ce comité, aux côtés de collègues de tous les partis et de quatre sénateurs. Il est intéressant de noter que nous nous réunissons depuis mars 2022 et que le 1er décembre 2022, le comité a proposé qu'un rapport provisoire soit présenté à la Chambre. Je pense qu'il est très important que ce comité — qui, très probablement, se penchera également sur la décision de la Cour fédérale afin d'examiner les abus du gouvernement — pour entendre ce que le comité, que l'on appelle affectueusement le « DEDC », le comité sur la déclaration de situation de crise, a à dire.
Le comité a demandé « Qu’il soit ordonné aux coprésidents de présenter sans délai le rapport provisoire suivant à chaque Chambre:
1. Le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, agissant à titre de comité d'examen parlementaire en vertu de l'article 62 de la Loi sur les mesures d’urgence, et conformément à ses ordres de renvoi de la Chambre des communes et du Sénat, adoptés respectivement le 2 mars 2022 et le 3 mars 2022, a examiné l'exercice des pouvoirs et l'accomplissement des tâches et des fonctions conformément à la déclaration d'urgence d'ordre public qui était en vigueur du 14 au 23 février 2022.
2. Malgré le fait qu'un secrétaire parlementaire ait insisté pour que ce mandat soit interprété de telle sorte qu'il « n’a aucun élément rétrospectif qui nous permettrait de nous pencher sur les événements qui ont précédé la déclaration » [...], [le] comité, lors de sa réunion du 5 avril 2022, a adopté une motion selon laquelle il étudierait
« des options auxquelles le gouvernement du Canada a eu recours durant l'invocation de la Loi sur les mesures d’urgence et qui sont énoncées dans la Proclamation déclarant une urgence d’ordre public; Que dans la présente étude de chaque option et aux fins du rapport final du comité, ce dernier tienne compte de la nécessité, de la mise en œuvre et de l'incidence que pourraient avoir ces options… »
3. À cette fin, l'un des domaines d’intérêt important dans l'interrogation des témoins tout au long des travaux de votre comité a été de savoir si les seuils nécessaires pour que le gouvernement déclare une urgence d'ordre public avaient été atteints.
4. Étant donné la pertinence particulière des enjeux qui seront abordés dans le présent rapport périodique, votre comité souhaite les exposer ci‑dessous.
5. Le paragraphe 17(1) de la Loi sur les mesures d'urgence prévoit ce qui suit : Le gouverneur en conseil peut par proclamation, s'il croit, pour des motifs raisonnables, qu'il se produit un état d'urgence justifiant en l'occurrence des mesures extraordinaires à titre temporaire et après avoir procédé aux consultations prévues par l'article 25, faire une déclaration à cet effet.
6. L’article 16 de la Loi sur les mesures d’urgence offre des définitions pertinentes :
état d’urgence Situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d’une gravité telle qu’elle constitue une situation de crise nationale ;
menaces envers la sécurité du Canada S’entend au sens de l’article 2 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité.
7. Une « urgence nationale » est, quant à elle, définie par l’article 3 de la Loi sur les mesures d’urgence :
Pour l'application de la présente loi, une situation de crise nationale résulte d'un concours de circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire, auquel il n'est pas possible de faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada et qui, selon le cas :
(a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces ou ;
(b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale du pays.
8. Enfin, la définition de « menaces à la sécurité du Canada » de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, parfois surnommée « le seuil de la Loi sur le SCRS », qui est importée dans la Loi sur les mesures d'urgence, est la suivante:
« menaces envers la sécurité du Canada. » Constituent des menaces envers la sécurité du Canada les activités suivantes:
(a) l'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d'espionnage ou de sabotage;
(b) les activités influencées par l'étranger...
J'invoque le Règlement, monsieur le président. Bien que j'apprécie l'exposé de M. Motz, je me dis que, étant donné qu'une partie de cette motion vise à exiger la production de documents confidentiels du Cabinet et de communications privilégiées — protégées par le secret professionnel de l'avocat —, je me demande si nous avons le pouvoir de faire cette demande.
Je demanderais qu'une décision soit rendue quant à la recevabilité de cette motion, car elle outrepasse les pouvoirs du Comité.
Puis‑je me prononcer là‑dessus?
Le rapport provisoire du Comité que je présente en ce moment traite de la loi, des règles et des procédures de la Chambre, ainsi que des pouvoirs conférés à la Chambre pour que les comités aient le droit inhérent d'avoir accès à ces documents et de les demander. Par conséquent, la motion est recevable parce qu'elle est conforme aux demandes d'autres comités et qu'elle respecte également les règles et les procédures de la Chambre.
Merci.
Monsieur McKinnon, nous allons prendre ces arguments en considération et permettre au député de poursuivre.
Merci, monsieur le président.
Selon la Loi sur le SCRS, constituent des « menaces envers la sécurité du Canada » les activités suivantes:
(a) l'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d'espionnage ou de sabotage;
(b) les activités influencées par l'étranger qui touchent le Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;
(c) les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger;
(d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence. La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités mentionnées aux alinéas a) à d).
9. L'importance de ces seuils a été expliquée à votre comité par l'honorable Perrin Beatty [...] qui, à titre de ministre de la Défense nationale, était le parrain de l'ancien projet de loi C‑77 qui a promulgué la Loi sur les mesures d'urgence — « l'auteur » de la loi, en quelque sorte — et qui a comparu devant votre comité le 29 mars 2022.
10. M. Beatty a dit que le choix du seuil de la Loi sur le SCRS était délibéré « en raison du soin qui a été apporté à sa rédaction » (Témoignages, page 17). Il a ajouté,
Deux critères très stricts doivent être respectés pour pouvoir déclarer l'état d'urgence. Le premier consiste à établir l'existence d'une urgence grave ne pouvant être gérée efficacement en vertu d'aucune autre loi du Canada. Le second est qu'elle doit répondre à la définition de menaces à la sécurité du Canada établie pour protéger les droits des Canadiens, laquelle exclut explicitement « les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord ». (Témoignages, page 17)
11. L'honorable David Lametti, C.P., c.r., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, a comparu devant votre comité le 26 avril 2022. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait reçu des avis écrits selon lesquels la Loi sur les mesures d'urgence devrait être invoquée, il a refusé de répondre en invoquant le secret professionnel de l'avocat (Témoignages, page 20).
12. De même, tout en invoquant le privilège du secret professionnel de l'avocat lorsqu'on lui a demandé quels faits ou considérations avaient été fournis lors de la formulation d'avis concernant le seuil de la Loi sur le SCRS, M. Lametti a fait le commentaire suivant,
Tout d'abord, le document que nous avons déposé décrit la nature des diverses menaces qui pesaient sur le pays, y compris celles que vous avez relevées avec justesse dans votre question. Nous avons estimé que ces menaces répondaient à la définition de menaces graves contre des personnes selon la Loi sur le SCRS — voilà l'élément principal. Il y a aussi les dommages économiques, qui pourraient être considérés comme faisant partie de la question des biens. (Témoignages, page 21).
13. Face à cette affirmation, votre comité, le 31 mai 2022, a exercé son pouvoir de convoquer des personnes, des documents et des dossiers et a ordonné la production de ce qui suit
toutes les évaluations de sécurité et tous les avis juridiques sur lesquels le gouvernement s'est appuyé pour déterminer que: a) le seuil des « menaces à la sécurité du Canada », tel que défini par l'article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, requis par l'article 16 de la Loi sur les mesures d'urgence, avait été atteint; b) les seuils requis par les paragraphes 3a) ou b) de la Loi sur les mesures d'urgence, concernant une « urgence nationale », avaient été atteints; c) la situation ne pouvait « être réglée efficacement sous le régime d'aucune autre loi du Canada », comme l'exige l'article 3 de la Loi sur les mesures d'urgence...
14. François Daigle, sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, a répondu à cette ordonnance, le 29 juin 2022, en écrivant, « Après une pleine considération, notre ministère a déterminé que tous les avis juridiques détenus qui pourraient répondre à l'ordonnance du Comité sont assujettis au secret professionnel de l'avocat. » Il a ajouté, « je confirme que je ne suis pas en mesure de produire les avis juridiques demandés dans l'ordonnance du Comité. »
15. Lors de sa réunion suivante, le 22 septembre 2022, votre comité a convenu qu'il
considère que les éléments de preuve, y compris les témoignages et les documents...
[Français]
Merci.
Je ne sais pas si M. Motz pourrait nous indiquer pour combien de temps encore il en a. Je comprends que le but du dépôt de sa motion aujourd'hui est de retarder l'étude du projet de loi C‑26. Nous avons toutefois ici des invités qui se sont préparés à témoigner, qui ont rédigé un mémoire et qui ont des informations intéressantes à nous communiquer pour nous aider à faire notre travail dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑26. Tous les membres du Comité pourraient grandement en bénéficier. Il ne nous reste que quelques minutes pour leur poser des questions. Selon l'horaire prévu, nous changerons de groupe de témoins pour la prochaine heure de la réunion.
Bref, je ne sais pas si M. Motz peut nous indiquer pour combien de temps encore il en a. Personnellement, je trouve que c'est un grand manque de respect pour les témoins qui sont ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je ne sais pas. Je pourrais avoir besoin de quelques jours, pour être honnête avec vous, et je présente mes excuses aux témoins.
L'enjeu dont notre comité et le gouvernement devraient s'occuper est de remédier à la portée excessive de la Loi, alors, très franchement...
Je demande encore une fois pardon aux témoins. Le projet de loi C‑26 est important, mais selon moi, cette question a préséance. Le projet de loi C‑26 est à l'étude depuis 2022, alors...
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
J'essaie d'entendre la réponse. Vous avez demandé à M. Motz de répondre à l'intervention de Mme Michaud. Je suis assis juste à côté de mon collègue, M. Motz, et tout ce que je peux entendre, ce sont les piaillements de M. Bittle. Il rit. Ces bruits perturbent grandement le fonctionnement du Comité, monsieur.
Merci, monsieur le président.
Je recommande que les témoins d'aujourd'hui soient excusés, car je n'ai pas l'intention de terminer avant d'avoir épuisé mes propos.
Ils font partie du premier groupe de témoins, oui. Merci.
Je vais reprendre au paragraphe 14 du rapport provisoire: « François Daigle, sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, a répondu à cette ordonnance, le 29 juin... »
Je suis désolé. Je l'ai déjà lu.
Au paragraphe 16, on peut lire:
16. La question de l'interprétation des seuils, y compris celui de la Loi sur le SCRS, est devenue dernièrement un enjeu central dans les procédures devant la Commission de l'état d'urgence.
17. Selon une entrevue préalable à l'audience tenue avec l'avocat de la Commission, David Vigneault, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité,
a dit qu'à aucun moment, le Service n'a jugé que les manifestations à Ottawa ou ailleurs… constituaient une menace pour la sécurité du Canada au sens de l'article 2 de la Loi sur le SCRS, et rappelé que le SCRS ne peut enquêter sur une activité constituant une manifestation licite…
M. Vigneault a insisté sur le fait que le seuil imposé par la Loi sur le SCRS et en vertu duquel le Service fonctionne est très précis. Par exemple, le fait de déterminer qu'un événement ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale en vertu de l'article 2 de la Loi n'empêche pas de déterminer qu'il existe une menace pour la sécurité nationale selon une définition plus large, ou du point de vue de la population.
18. Malgré les protestations de février, « qu'à aucun moment », constituaient une menace de façon à déclencher les propres seuils d'enquête du Service qui, en vertu de l'article 12 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, est fondé sur des motifs raisonnables de soupçonner — une norme juridique beaucoup plus basse que le fardeau du gouverneur en conseil, en vertu de l'article 17 de la Loi sur les mesures d'urgence, de motifs raisonnables de croire — M. Vigneault a recommandé au premier ministre de déclarer un état d'urgence, « puisqu'il comprenait que la Loi sur les mesures d'urgence définissait la menace à la sécurité du Canada plus largement que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et compte tenu de tout ce qu'il avait vu jusque-là » (document de la Commission WTS.00000079.FR, page 9).
19. Dans son témoignage public, le 21 novembre 2022,
— quelques mois plus tard —
M. Vigneault a confirmé avoir reçu des conseils l'encourageant à appliquer une définition plus large au seuil de la Loi sur le SCRS de la Loi sur les mesures d'urgence:
Il a dit:
Donc, lorsque cela a été soulevé pour la première fois, le fait que la Loi sur les mesures d'urgence utilisait les mêmes mots que la Loi sur le SCRS pour définir la menace, ainsi importée dans la Loi sur les mesures d'urgence, j'avais besoin de comprendre pour moi-même et pour, vous savez, le cours de cette affaire, quelle était l'implication de cela.
Et c'est là qu'on m'a assuré que, vous savez, ils étaient — c'était une compréhension distincte. Vous savez, dans les limites de la Loi sur le SCRS, les mêmes mots, selon l'interprétation juridique, la jurisprudence, les décisions de la Cour fédérale et ainsi de suite, il y avait une compréhension très claire de ce que ces mots signifiaient dans les limites de la Loi sur le SCRS, et ce qui m'a rassuré, c'est qu'il y avait, vous savez, dans le contexte de la Loi sur les mesures d'urgence, une interprétation distincte basée sur les limites de cette loi. (transcription de la Commission, page 58 (traduction)).
20. En contre-interrogatoire par l'avocat de l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC), M. Vigneault a reconnu que c'était le résultat d'un avis juridique qu'il avait demandé au ministère de la Justice (transcription de la Commission, page 95).
21. Cette nouvelle interprétation d'une « définition plus large » est devenue un thème dans les témoignages des ministres et des hauts fonctionnaires devant la Commission...
Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Motz. Je demandais simplement aux témoins de préciser quand ils partiront — s'ils partiront à 9 h 15 ou s'ils resteront parmi nous —, car il se pourrait que nous leur adressions des questions quand vous aurez terminé. Je suis désolé de l'interruption. C'est mon erreur.
Veuillez continuer.
Ne vous en faites pas. Merci, monsieur le président.
Comme je le disais au sujet du paragraphe 21, le Comité a été saisi de cette nouvelle interprétation d'une définition plus large, qui est devenue un thème dans les témoignages des ministres et des hauts fonctionnaires. Ce qui est intéressant, c'est que pendant les comparutions des ministres et de certains hauts fonctionnaires devant le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise au début de 2022, aucun d'entre eux n'a mentionné cette interprétation ou définition plus large lorsqu'on les a questionnés sur le seuil très élevé qui est exigé à l'article 2 de la loi. En fait, ce n'est que lorsque M. Lametti, Mme Freeland, M. Mendicino, M. Trudeau et d'autres représentants du gouvernement ont témoigné devant la Commission Rouleau...
J'invoque le Règlement.
Je demanderais au député de nommer ces personnes par leur titre, conformément à l'article 18 du Règlement.
Bien sûr.
Le ministre Lametti, la ministre Freeland, le ministre Mendicino, le premier ministre Trudeau et d'autres fonctionnaires ont témoigné devant la Commission Rouleau à l'automne 2022. C'est la première fois que nous avons entendu que tout le monde se fiait à cette interprétation plus large, à ce terme intéressant.
Comme de nombreux autres Canadiens, je me demande pourquoi il a fallu tant de temps à partir de leurs premiers témoignages devant le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise en avril 2022. Est‑ce qu'il leur a fallu si longtemps avant...? Nous n'en avions jamais entendu parler avant.
J'ai quelques hypothèses, monsieur le président, sur les raisons expliquant le temps écoulé alors qu'ils essayaient de convaincre les Canadiens. Ils ont agi de façon déraisonnable et illégale pour invoquer la loi en se fondant sur une interprétation plus large.
Premièrement, je ne crois pas un seul instant qu'une interprétation plus large existait lorsque la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée, comme ils le laissent entendre. Si elle avait existé, elle aurait été clamée haut et fort par les ministres et les représentants du gouvernement à la première occasion.
Deuxièmement, cette interprétation plus large est demeurée secrète. Elle a été dissimulée dans les documents confidentiels du Cabinet et dans le secret professionnel de l'avocat. Ils ont refusé de la divulguer à notre comité, le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, au commissaire Rouleau et au juge Mosley dans sa décision.
Nous savons tous que ce gouvernement a l'habitude de déroger aux lois. Lorsqu'il ne lui plaît pas de respecter les lois, il tente de les enfreindre. Est‑ce que quelqu'un se souvient de SNC-Lavalin? Lorsque ce gouvernement essaie de justifier ses excès déraisonnables et illégaux, il dit avoir une interprétation plus large. Ce que cela signifie vraiment, c'est que le gouvernement et le premier ministre croient qu'ils sont au‑dessus des lois et qu'ils n'ont pas à s'y limiter.
C'est dangereux, mesdames et messieurs; c'est très dangereux. Heureusement, la Cour fédérale en a décidé autrement dans une décision charnière des plus importantes.
Je vais revenir au rapport provisoire, monsieur le président, si vous me le permettez, où on lit au paragraphe 22:
22. Jody Thomas, conseillère en matière de sécurité nationale et de renseignement auprès du premier ministre, a comparu devant la Commission le 17 novembre 2022. Elle a affirmé: « D'après ce que je comprends, la Loi sur les mesures d'urgence a le sens que lui donne la Loi sur le SCRS, mais elle n'est pas limitée par cette dernière », et « elle peut aller au‑delà de ce que dit la Loi, c'est‑à‑dire une menace pour la sécurité du Canada » (transcription de la Commission, pages 238 et 239 (traduction)).
23. Lors d'un contre-interrogatoire par l'avocat de l'ACLC
... l'avocat de l'Association canadienne des libertés civiles...
le 17 novembre 2022, sur le seuil « dans la Loi sur les mesures d'urgence [étant] lié exclusivement et exhaustivement à la définition dans la Loi sur le SCRS », Mme Thomas a répondu, « L'avis juridique du gouvernement fédéral est différent » (transcription de la Commission, page 271 (traduction)).
24. Pour sa part, Janice Charette, greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, qui a comparu le...
[Français]
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
J'écoute M. Motz et il me semble que la motion qu'il propose aujourd'hui pourrait être présentée à un autre comité, comme le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, qui a déjà étudié l'utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence. Or, savez-vous que M. Motz lui-même est vice-président de ce comité? Il pourrait très bien déposer cette motion à ce comité. Ainsi, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale pourrait se concentrer sur l'étude du projet de loi C‑26. C'est une proposition que je lui fais. Ce serait beaucoup plus efficace si cette motion était étudiée au Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.
[Traduction]
Je respecte ma collègue, et je lui dirai que le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise tiendra une réunion et, j'en suis certain, discutera de la question davantage. Ce comité a aussi la responsabilité de...
J'invoque le Règlement. Ce que M. Motz vient de dire est très important. La réunion du comité est-elle la semaine prochaine?
M. Glen Motz: Non.
M. Peter Julian: C'est ce que je crois comprendre.
Le cas échéant, il me semblerait alors un peu prématuré d'examiner cette motion, si bien intentionnée soit-elle, si une réunion du Comité sur la déclaration de situation de crise est déjà prévue la semaine prochaine pour discuter de ce qui était une décision importante. Il me semble que notre comité pourrait être saisi de la motion après.
Nous avons des témoins. Leur déplacement jusqu'ici coûte des milliers de dollars, et il serait sage, je pense, comme Mme Michaud l'a dit, que nous entendions les témoins afin d'améliorer une très importante mesure législative sur la cybersécurité. Faire venir les témoins ici coûte des milliers de dollars aux contribuables.
Je pense qu'un bon moment pour discuter de cette motion serait après la réunion, la semaine prochaine, du Comité sur la déclaration de situation de crise.
J'ai beaucoup de réponses à cela, monsieur le président.
Je vais en rester là. Plusieurs comités peuvent aussi être saisis de la même question.
Les coprésidents se réuniront la semaine prochaine. Il n'y a aucune réunion plénière du comité mixte spécial la semaine prochaine. Il importe de comprendre que même si le comité mixte spécial ne se concentre pas sur les mêmes aspects que nous, notre comité est chargé d'examiner les questions liées à la sécurité nationale et à la préparation aux situations d'urgence. Selon moi, il n'y a pas de comité plus approprié que celui‑ci.
Merci, monsieur.
J'invoque le Règlement.
Puisqu'un certain temps s'est écoulé, je voudrais réitérer mon objection à cette motion parce que je ne pense pas que le Comité ait le pouvoir d'examiner la question.
M. Motz a mentionné l'enquête sur SNC-Lavalin. J'étais membre du comité de la justice à l'époque. Afin que nous puissions examiner les questions liées à cette enquête, puisqu'il s'agissait de documents confidentiels du Cabinet et de renseignements protégés par le secret professionnel d'un avocat, le Cabinet devait explicitement autoriser l'accès à ces documents. En tant que comité, nous n'avions pas le pouvoir d'obtenir cet accès.
Je réitère ma préoccupation quant au fait que cette motion outrepasse les pouvoirs de ce comité.
La Chambre elle-même ne peut pas lever le secret du Cabinet. Il faut une loi du Parlement pour le faire, ou l'autorisation du Cabinet lui-même.
M. Glen Motz: J'y arrive.
M. Ron McKinnon: Je réitère mon objection.
Je sais que c'est une question importante, et je pense qu'il est important que le Comité soit saisi de la loi elle-même pour l'examiner, mais j'observe en outre qu'il s'agit d'une tendance chez nos estimés collègues. En effet, lors de la dernière réunion, nos travaux ont aussi été perturbés par une motion sur le vol de voitures. Je suis certain que la prochaine fois, on parlera du déneigement à Ottawa.
Quoi qu'il en soit, je réitère mon objection: cette motion est irrecevable.
Merci, monsieur McKinnon.
Je vais suspendre la séance quelques minutes pour examiner la situation avec le greffier.
Merci.
Nous allons poursuivre la réunion, mais avant d'aller plus loin, étant donné que M. Holland et M. Neiman ont d'autres engagements, je vais leur demander...
Je tiens d'abord à vous remercier d'être venus. Votre témoignage sera extrêmement important pour le projet de loi C‑26.
Messieurs, je vais vous poser une question, au cas où nous n'aurions pas l'occasion de vous accueillir de nouveau. J'espère que c'est approprié, monsieur le greffier. Je me demande si vous pourriez nous fournir un mémoire au sujet des points que vous souhaitiez aborder avec nous aujourd'hui. Nous vous en serions reconnaissants, et nous pourrons inclure cela dans notre rapport.
Monsieur le président, serait‑il également prudent de leur demander la permission d'envoyer des questions écrites aux témoins, le cas échéant, et de veiller à inclure les réponses à ces questions dans les mémoires qu'ils fourniront? À mon avis, nous avons tous de très importantes questions et nous aimerions que les réponses à ces questions figurent au compte rendu.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Schiefke. En effet, c'est un bon point.
Sur ce, nous vous libérons. J'espère que le reste de votre journée sera aussi agréable que la première heure que vous avez passée avec nous.
Nous passons maintenant à la décision sur le secret du Cabinet. Des informations à ce sujet continuent de nous parvenir. Par conséquent, nous devrons peut-être reporter la décision à plus tard.
Monsieur Motz, je vais vous laisser continuer, mais nous devrons peut-être prendre une décision un moment donné si nous recevons les renseignements à cet égard.
Merci beaucoup, monsieur le président.
En fait, en guise de réponse, j'aimerais citer un certain nombre de décisions existantes sur la question de savoir si les comités peuvent avoir accès aux documents.
Monsieur Motz, pouvez-vous poursuivre avec votre motion?
Un moment donné, si je fais cela, je serais très heureux d'écouter ces observations.
En fait, monsieur le président, dans le rapport provisoire du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, que je parcours en ce moment, on produit... Vous prendrez bientôt connaissance de la jurisprudence existante concernant l'accès aux renseignements et documents confidentiels du Cabinet. J'y arriverai dans quelques minutes.
Je commence au paragraphe 25 du rapport provisoire du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.
On lit ce qui suit:
25. Nathalie Drouin, sous greffière du Conseil privé et secrétaire associée du Cabinet, et ancienne sous-procureure générale, qui a fait partie d'un groupe d'experts avec Mme Charette, a offert cette perspective lors du contre-interrogatoire:
l'idée était de s'assurer que nous interprétons, avec les adaptations nécessaires, l'incorporation par référence…
Je suppose que ce que je veux dire ici, c'est que lorsque le législateur a adopté la Loi sur les mesures d'urgence et lorsque le législateur a adopté la Loi sur le SCRS, c'était à des fins différentes. Le but de mener une enquête en vertu de la Loi sur le SCRS n'est pas le même que celui de déclencher ou d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence pour un état d'urgence. (transcription de la Commission, page 218)
26. L'honorable Bill Blair, C.P., C.O.M., député, président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre de la Protection civile, a déclaré à la Commission, le 21 novembre 2022, « aux fins de la Loi sur les mesures d'urgence, je crois que cette définition a une application plus large que celle qu'elle contient ». (transcription de la Commission, page 309)
27. L'honorable Marco Mendicino, C.P., député, ministre de la Sécurité publique, a affirmé que « le seuil a été atteint dans l'interprétation plus large de la loi ». (transcription de la Commission, page 197)
Dans ce rapport, monsieur le président, je remarque un thème récurrent dans les témoignages des ministres.
28. Entre-temps, l'honorable Dominic LeBlanc, C.P., c.r., député, ministre des Affaires intergouvernementales, de l'Infrastructure et des Collectivités, qui a également comparu le 22 novembre 2022, a assuré la Commission que « Mon collègue, David Lametti, sera ici demain. Il sera en mesure, j'en suis sûr, de parler directement du test juridique que le gouvernement a utilisé et conclu lorsque le gouverneur en conseil a pris la décision. » (transcription de la Commission, page 296)
29. M. Lametti, pour sa part, lors de sa comparution le 23 novembre 2022, a tenté de résoudre la quadrature du cercle sur l'interprétation du seuil : « bien qu'il s'agisse de la même norme de la même ampleur, l'interprétation de cette norme est faite selon un ensemble plus large de critères par un ensemble très différent de personnes ayant un objectif différent à l'esprit, et cet objectif est donné par la Loi sur les mesures d'urgence et non par la Loi sur le SCRS. » (transcription de la Commission, page 81)
30. Il a ensuite clarifié,
Le seuil, tel qu'il est appliqué, comme vous l'avez vu dans les témoignages devant cette Commission, a évolué. Les règles générales d'interprétation ont évolué. L'objet de cette loi est très différent.... les mêmes mots auront, non pas un sens plus large, mais pourront être — auront un champ d'interprétation plus large, selon la structure même de la Loi sur les mesures d'urgence. Et je pense que c'est l'interprétation que je vous soumettrais comme étant celle qui se vérifie le mieux dans la pratique et qui est correcte. (transcription de la Commission, pages 83 et 84)
31. Malheureusement, lorsqu'on lui a demandé d'expliquer les assurances dont M. Vigneault a parlé, et qui sont citées ci‑dessus, M. Lametti n'a pas pu répondre (transcription de la Commission, page 170).
32. Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député, premier ministre, était le dernier témoin devant la Commission le 25 novembre 2022, et il a également été interrogé sur la question du seuil de la Loi sur le SCRS. Pour sa part, M. Trudeau a expliqué,
L'utilisation de la définition de la Loi sur le SCRS, comme je l'ai déjà dit, s'inscrit dans deux contextes très différents : l'utilisation par le SCRS et l'utilisation dans l'invocation d'un état d'urgence. Le contexte est différent, l'objectif est différent, le décideur est différent. Les exigences qui l'entourent, les intrants sont différents. (transcription de la Commission, pages 72 et 73)
Permettez-moi une parenthèse, monsieur le président. À mon époque, si j'étais au tribunal et que plusieurs personnes livraient des témoignages très semblables, j'étais certainement porté à croire qu'elles étaient de connivence et avaient comparé leurs témoignages avant le procès.
Quoi qu'il en soit, je continue:
Il suffit de dire que l'enjeu en suspens de l'interprétation juridique nouvelle — et que certains, comme l'ACLC, ont qualifiée de « créative » — est devenu un enjeu très important dans les dossiers soumis à votre comité et à la Commission. En effet, elle a été un irritant pour plus que certains des membres de votre comité.
34. L’avocat de la Commission, Gordon Cameron, a fait remarquer, à la fin de l’interrogatoire de M. Lametti, que la Commission avait « tenté de trouver un moyen de lever le voile qui a fait de ce qui s’est avéré être un enjeu central de l’audience une boîte noire », en déplorant que « nous regrettons simplement que cela se solde par une absence de transparence de la part du gouvernement dans cette procédure ». (transcription de la Commission, page 171)
Ce sont des propos percutants de la part de l'avocat, monsieur le président.
Le paragraphe 35 de notre rapport provisoire se lit comme suit:
35. L’honorable Paul Rouleau, commissaire de la Commission, a effectivement ajouté à cette observation,
comme l’a mentionné l’avocat de la Commission, il y a un enjeu de caractère raisonnable. Et j’ai un peu de mal, et je ne sais pas si vous pouvez m’aider, à évaluer le caractère raisonnable lorsque nous ne savons pas sur quoi ils agissaient. Et devons-nous simplement présumer qu’ils ont agi de bonne foi sans connaître la base ou la structure dans laquelle ils ont pris cette décision? Et vous savez de quoi je parle. (transcription de la Commission, page 176)
En guise de parenthèse, encore une fois, monsieur le président, le juge Rouleau a malheureusement accepté la nouvelle interprétation du gouvernement sans l'avoir vue, ce qui, à mon avis, entache son travail dans le cadre de l'enquête du comité.
Je veux revenir en arrière et rappeler à mes collègues autour de la table que ce rapport provisoire a été présenté par le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, dont les membres sont issus de tous les partis. Voilà l'opinion exprimée jusqu'à maintenant, au cours de la dernière demi-heure au sujet du rapport qui a été présenté. Ce n'est pas seulement moi qui le dis.
36. En fait, cela se résume à un argument du type « faites-nous confiance » quant à la justification de la proclamation d’un état d’urgence qui permet au Cabinet fédéral de légiférer par décret et de le faire sur des questions qui sont normalement de compétence provinciale.
37. Pourquoi le gouvernement adopterait-il une telle ligne de conduite et resterait-il si opaque dans ce domaine? Cela soulève de nombreuses questions, invite à la spéculation et incite à rechercher d’autres éléments de preuve afin de tirer des conclusions.
38. Par exemple, au fur et à mesure que d’autres documents présentés à la Commission sont apparus, il est devenu évident que M. Lametti était peut-être depuis longtemps un partisan de l’action énergique, allant jusqu’à l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence.
39. Notamment, le troisième jour des manifestations...
— et c'est essentiel —
... il a envoyé un SMS à son chef de cabinet: « Avons-nous prévu que ces camions soient retirés demain ou mardi? Quelle autorité normative avons-nous ou un ordre est-il nécessaire? Loi sur les mesures d’urgence? » (document de la Commission SSM.CAN.00007845_REL .0001). Le 2 février 2022, il envoyait un message à M. Mendicino : « Vous devez faire bouger la police. Et les [Forces armées canadiennes] si nécessaire. » (Document de la Commission SSM.CAN.00007851_REL .0001)
40. Entre-temps, les interventions de M. Lametti lors d’une réunion du 5 février 2022 ont incité le commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada, Mark Flynn, M.O.M., à faire remarquer à ses collègues lors d’une discussion de groupe : « Quand le VG parle comme ça, nous ferions mieux de mettre en place notre propre plan ». Quelques minutes plus tôt, dans la même discussion de groupe, la commissaire de la GRC Brenda Lucki, C.O.M., a écrit : « J’ai besoin de le calmer », puis, en même temps que la remarque du commissaire adjoint Flynn au sujet de M. Lametti, elle a ajouté : « ok, donc le calme n’est pas dans les cartes » (document de la Commission PB.NSC.CAN.00008043_REL .0001).
41. Au cours des dix minutes qui ont immédiatement suivi l’intervention de M. Lametti qui avait fait tant de bruit, la commissaire Lucki a envoyé au commissaire de la police provinciale de l’Ontario, Thomas Carrique, O.O.M., plusieurs messages, dont les suivants:
« Entre toi et moi seulement, le [gouvernement du Canada] perd/a perdu confiance dans SPO... »
— c'est‑à‑dire le service de police d'Ottawa —
« ... nous devons passer à une action/application sûre »
« Parce que s’ils veulent aller à la Loi sur les mesures d’urgence, toi ou peut être amené à diriger... ce n’est pas quelque chose que je veux »
« J’essaie de les calmer, mais ce n’est pas facile lorsqu’ils voient des grues, des structures, des chevaux, des châteaux gonflables dans le centre-ville d’Ottawa ».
« Des suggestions pour les calmer? » (document de la Commission OPP00004583)
Ils font référence aux ministres et au Cabinet.
42. Se pourrait-il que le procureur général (et peut-être d’autres de ses collègues du Cabinet) ait été tellement attaché à l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence que tout conseil juridique a été modelé pour donner la réponse souhaitée?
43. Il est certain que des doutes sur la solidité des arguments en faveur de l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence sont reconnus par Mme Charette dans sa note de service du 14 février 2022 à M. Trudeau recommandant la déclaration de l’état d’urgence: « De l’avis du BCP, cette situation s’inscrit dans les paramètres statutaires définissant les menaces à la sécurité du Canada, bien que cette conclusion puisse être vulnérable à la contestation. » (document de la Commission SSM.NSC.CAN.00003224_REL.0001, page 8)
Nous l'avons d'ailleurs bien constaté, monsieur le président.
44. Ces enjeux incitent votre comité à revoir ses ordonnances antérieures de production des avis juridiques sur lesquels le gouvernement s’est appuyé — à la fois pour le travail [du Comité] et pour celui de la Commission sur l’état d’urgence. Comme M. Beatty l’avait expliqué [au Comité], lors de sa comparution le 29 mars 2022:
« Si vous examinez les mesures prises par le gouvernement à la suite de l’invocation de la Loi et que vous découvrez des preuves indiquant qu’il n’était pas approprié d’invoquer cette loi, alors tout ce qui en a découlé serait également inapproprié. Il me semble qu’il s’agit ici de la même chose. »
Je crois qu'il est important de relire cette citation. Elle provient de M. Beatty, qui a rédigé le projet de loi au milieu des années 1980:
« Si vous examinez les mesures prises par le gouvernement à la suite de l’invocation de la Loi et que vous découvrez des preuves indiquant qu’il n’était pas approprié d’invoquer cette loi »...
... ce qui a été fait depuis...
... alors tout ce qui en a découlé serait également inapproprié. Il me semble qu’il s’agit ici de la même chose. »
Nous arrivons ici au cœur de la transparence, monsieur le président.
45. Il est nécessaire, pour une transparence totale, que soient divulgués tous les avis juridiques sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour déclarer le tout premier état d’urgence au Canada, afin que nous puissions déterminer si cela était approprié ou non. Nous avons des questions auxquelles nous voulons des réponses.
C'est une demande d'un comité parlementaire, qui a envoyé son rapport au Parlement.
46. Le droit primordial qu’ont les membres des comités d’obtenir une réponse à leurs questions...
... et cela pourrait intéresser M. McKinnon...
... découle du pouvoir des deux Chambres de procéder à des enquêtes, de convoquer des personnes et de demander la production de documents et de dossiers. De tels privilèges parlementaires sont définis dans le préambule et à l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi qu’à l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada. Les deux Chambres ont délégué ces pouvoirs aux membres [du Comité]...
... on entend ici le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise...
... par l’entremise des ordonnances des Chambres visant à former le Comité.
47. Vu leur nature constitutionnelle, les pouvoirs d’un comité...
... pas seulement les pouvoirs du comité mixte spécial, mais bien ceux de tous les comités...
... l’emportent sur le droit législatif et les autres privilèges, comme le secret professionnel de l’avocat. En ce qui concerne les documents, il n’existe aucune limite quant à la nature des documents qui peuvent être exigés; les seuls préalables étant qu’ils existent en format papier ou électronique et qu’ils soient au Canada. Il peut s’agir de documents et de dossiers qui émanent ou qu’ont en leur possession des gouvernements, mais aussi de documents du secteur privé ou de la société civile (La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3 e éd., p. 984; voir aussi La Procédure du Sénat en pratique, p. 199‑200).
48. Il peut arriver que les auteurs ou les responsables de documents refusent de les fournir aux comités ou qu’ils acceptent de le faire uniquement après en avoir expurgé certaines parties. Il arrive aussi que les fonctionnaires et les ministres invoquent les obligations que leur imposent certaines lois pour justifier leur refus, notamment la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi sur l’accès à l’information (La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3 e éd., p. 985).
49. Comme le précise La procédure et les usages de la Chambre des communes, ce genre de situation ne limite pas le pouvoir des comités d’exiger la production de documents et de dossiers:
Aucune loi ou pratique ne vient diminuer la plénitude de ce pouvoir dérivé des privilèges de la Chambre, à moins que des dispositions légales le limitent explicitement ou que la Chambre ait restreint ce pouvoir par résolution expresse. Or, la Chambre n’a jamais fixé aucune limite à son pouvoir d’exiger le dépôt de documents et de dossiers.
C'est également ce qui ressort des décisions du Président Milliken dans les Débats de mars 2011 et de la décision du Président Rota du 16 juin 2021, Débats, pages 8548 à 8550).
50. De même, comme indiqué dans Erskine May, 25 e édition, au paragraphe 38.32, le même pouvoir d'envoyer des documents n'est pas considéré comme faisant l'objet d'une exception statutaire à la Chambre des communes du Royaume-Uni:
Il n’existe pas de restriction au pouvoir des comités d’exiger la production de documents d’organismes privés ou de particuliers si ce n’est que les documents demandés doivent être pertinents pour le travail du comité, tel que défini par son ordre de renvoi. Des comités restreints ont formellement ordonné au président d’une industrie nationalisée et d’une société privée de produire des documents. Des avocats ont reçu l’ordre de produire des documents concernant un client et un organisme de réglementation a reçu l’ordre de produire des documents dont la divulgation faisait l’objet d’une restriction législative.
Le paragraphe 51 du rapport provisoire se lit ensuite comme suit:
51. Ces dernières années, il y a eu un cas très médiatisé où la Chambre des communes du Royaume-Uni a insisté sur la production d’avis juridiques du gouvernement lorsque, au milieu des débats sur le Brexit, le 13 novembre 2018, elle a adopté une motion exigeant la production de tous les avis juridiques complets, entre autres celui fourni par le procureur général, sur l’accord de retrait proposé relativement aux conditions encadrant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, notamment l’accord sur le filet de sécurité entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande et le cadre pour les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
52. Le 3 décembre 2018, le procureur général d’Angleterre et du Pays de Galles a présenté au Parlement un document présentant les répercussions juridiques globales de l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne signé le 25 novembre 2018. Le même jour, il a fait une déclaration à la Chambre; ni le document ni la déclaration ne faisaient référence à la résolution du 13 novembre 2018, et le document n’avait pas pour but de constituer une réponse à la résolution de la Chambre.
53. Plus tard dans la journée, après que les représentants de cinq partis d’opposition ont allégué que le gouvernement n’avait pas produit les documents requis, M. le Président Bercow a jugé qu’il y avait présomption suffisante d’outrage (Official Report, colonne 625). La Chambre des communes, le 4 décembre 2018, a adopté la motion suivante:
Que la Chambre : conclue que, en ne se conformant pas à l’exigence de l’ordre de dépôt de documents adopté le 13 novembre 2018 de publier intégralement l’avis juridique final que le procureur général a fourni au Cabinet concernant l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ainsi que le cadre de travail pour l’avenir de la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, les ministres ont commis un outrage; [et] ordonne la publication immédiate dudit document.
54. Le lendemain, le gouvernement a produit un exemplaire complet et non censuré des conseils juridiques du procureur général. Le procureur général a affirmé s’être conformé à l’ordre de la Chambre du 4 décembre, « par respect pour la position constitutionnelle de la Chambre ». (Comité de procédure de la Chambre des communes du Royaume-Uni, « The House’s power to call for papers: procedure and practice » (2019), paragraphe 68)
55. Votre comité souhaite attirer l’attention sur ce qui semble être une possible violation de privilège, en relation avec la production d’un avis juridique en réponse à son ordre du 31 mai 2022, et recommande que la Chambre prenne les mesures jugées nécessaires.
56. En outre, votre comité fait la recommandation suivante:
Qu’un ordre soit donné pour tous les avis juridiques sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour déterminer que
(a) le seuil des « menaces à la sécurité du Canada », tel que défini par l’article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, requis par l’article 16 de la Loi sur les mesures d’urgence, avait été atteint;
(b) les seuils requis par les paragraphes 3(a) ou (b) de la Loi sur les mesures d’urgence, concernant une « urgence nationale », ont été atteints;
(c) la situation ne pouvait pas « être réglée efficacement sous le régime d’une autre loi du Canada », comme l’exige l’article 3 de la Loi sur les mesures d’urgence, à condition que
(d) ces documents soient déposés au Bureau du légiste et conseiller parlementaire, dans les deux langues officielles, dans les 14 jours;
(e) une copie des documents soit également déposée au Bureau du légiste et du conseiller parlementaire, dans les deux langues officielles, dans les 14 jours, avec toute proposition de rédaction de renseignements qui, de l’avis du gouvernement, pourraient raisonnablement compromettre la sécurité nationale;
(f) le Bureau du légiste et conseiller parlementaire avise sans délai le président de la Chambre, qui informe immédiatement le Sénat ou la Chambre, selon le cas, s’il est convaincu que les documents demandés ont été produits conformément à l’ordonnance, à condition que le président de la Chambre, si le Sénat ou la Chambre, selon le cas, est ajourné, dépose l’avis du Bureau du légiste et conseiller parlementaire sur le Bureau conformément à la règle 14‑1(6) du Sénat ou à l’article 32(1) du Règlement de la Chambre, selon le cas;
(g) le Bureau du légiste et conseiller parlementaire transmet à la Commission sur l’état d’urgence une copie des documents non expurgés visés à l’alinéa (d), dès leur réception;
(h) le Président du Parlement fait déposer sur le Bureau les documents expurgés en vertu du paragraphe e) à la première occasion et, après avoir été déposés, ils sont renvoyés à la Commission mixte spéciale sur la déclaration de situation de crise;
(i) les représentants du Bureau du légiste et du conseiller parlementaire discuteront avec le Comité mixte spécial, lors d’une réunion à huis clos qui se tiendra dans le mois suivant le dépôt des documents expurgés, de son accord ou non avec les expurgations proposées par le gouvernement; et
(j) le Comité mixte spécial peut, après avoir entendu le Bureau du légiste et du conseiller parlementaire, accepter les expurgations proposées ou en rejeter une partie ou la totalité et demander la production des documents non expurgés de la manière déterminée par le Comité mixte spécial;
Qu’il soit ordonné au greffier d’aviser la Commission sur l’état d’urgence de l’adoption de la présente ordonnance; et
Qu’un message soit envoyé à l’autre Chambre pour l’informer en conséquence.
Vous pouvez constater, monsieur le président, qu'il existe un précédent permettant de présenter des documents aux comités, même si ce sont des documents confidentiels du Cabinet.
Je pense qu'il est important d'avoir une idée de la réaction du public. Au fur et à mesure que nous avançons, je vais aborder les points les plus poignants de la décision du juge Mosley, mais je voudrais d'abord passer en revue certains des commentaires parus dans les médias en réponse à cette décision. Je me contenterai d'en relever quelques-uns.
Paul Wells écrit ce qui suit le 23 janvier, jour de la décision de la Cour fédérale:
Cette décision fera l'objet de toutes sortes d'inepties, dont certaines émaneront de gens qui se considèrent comme des amis de ce gouvernement. Il convient donc de souligner que cette contestation a abouti en partie grâce à la qualité de l'argumentaire de défenseurs des libertés civiles qui ont fait de brillantes études de droit et qui ne peuvent être considérés, comme ce gouvernement le fait manifestement pour un trop grand nombre de ses détracteurs, comme des instruments de Donald Trump.
Il poursuit en disant:
Mon opinion sur tout cela s'éloigne pas mal de toutes les écoles de pensée surchauffées qui débattent habituellement du convoi et de ses conséquences. Je n'ai pas vraiment aimé le convoi, et encore moins au fur et à mesure qu'il se déroulait. Cela dit, je crois qu'il était possible d'y remédier. On a d'ailleurs largement réussi à le faire grâce au droit commun et aux pouvoirs policiers ordinaires. Je pense que le gouvernement Trudeau, soumis à des pressions extraordinaires et en particulier à de fortes pressions commerciales de la part des États-Unis, a décidé de briser la vitre d'urgence et de saisir le petit marteau. Je n'ai pas aimé le précédent ainsi créé, et je suis donc plus satisfait de la décision du juge Mosley que de...
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Mettez un doigt à l'endroit où vous étiez rendu pour y revenir.
M. Glen Motz: Pardon?
Mme Jennifer O'Connell: Mettez un doigt à l'endroit où vous étiez rendu pour y revenir.
M. Glen Motz: Merci.
Mme Jennifer O'Connell: Monsieur le président, je crois qu'il est important de souligner que pendant que M. Motz lit des articles de journaux, nous avons des témoins qui attendent de comparaître sur la question de la cybersécurité et qui ont pris le temps malgré leur horaire chargé de venir nous transmettre leur expertise. Au lieu de les entendre, nous écoutons M. Motz nous prouver ses capacités de lecture. Il se contente de lire des journaux.
J'invoque à mon tour le Règlement.
Je voudrais également demander que M. Motz reconnaisse comme il se doit le titre des personnes évoquées même s'il lit des articles...
C'est ce que j'ai fait. Je lis ce que les auteurs ont écrit. Je ne vais pas changer ce qu'ils ont écrit.
Malheureusement, c'est ce qui se produit lorsque vous vous interjetez vous-même... Je n'entrerai pas là‑dedans.
Ne lançons pas un débat, monsieur Motz.
M. Glen Motz: Merci, monsieur le président.
Le président: Veuillez vous assurer de nommer les articles et les auteurs.
Allez‑y, monsieur Shipley.
J'invoque le Règlement.
Je suis désolé, mais il lisait une citation. Vous attendez-vous à ce qu'il change la citation, monsieur le président?
Un instant, messieurs dames.
Je viens de dire à M. Motz qu'il devrait simplement lire l'article et identifier le journal d'où il provient et l'auteur, monsieur Shipley. C'est tout.
Merci, monsieur le président.
Nous avons dépensé des milliers de dollars pour faire venir ces témoins. La réunion porte sur un projet de loi important sur la cybersécurité. Je me demande si vous pourriez demander à M. Motz de suspendre le débat pour permettre aux témoins de présenter leur témoignage. Nous pourrons toujours reprendre le débat lors de la prochaine réunion. Je ne comprends pas pourquoi nous dépenserions des milliers de dollars de l'argent des contribuables pour inviter des témoins et ne pas les entendre ensuite sur un projet de loi important lié à la cybersécurité.
Oui.
J'aime bien M. Julian, bien qu'il soit un collègue du NPD. Je serais prêt à honorer sa demande et à ajourner ce débat sur cette motion si c'est pour passer au projet de loi C‑26 pendant le temps qu'il nous reste.
Je n'ai pas présenté de motion. J'ai appuyé la proposition de mon collègue de consacrer le reste de la réunion à l'étude du projet de loi C‑26 et de reprendre le débat à la prochaine réunion.
Merci beaucoup.
Plaît‑il au Comité de procéder ainsi?
Des députés: Oui.
Le président: D'accord. Nous allons passer aux témoins. Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour permettre aux témoins de s'installer.
Reprenons.
Je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins.
Nous recevons, par vidéoconférence depuis Toronto, Mme Joanna Baron, directrice exécutive de la Canadian Constitution Foundation. Nous accueillons aussi, en personne, M. Aaron Shull, directeur général et avocat général du Centre for International Governance Innovation, ainsi que Mme Sharon Polsky, présidente du Conseil du Canada de l'accès et la vie privée. Bienvenue.
J'invite quiconque souhaite prendre la parole en premier à se présenter.
Je suis Joanna Baron, directrice exécutive de la Canadian Constitution Foundation, ou la CCF. Je suis heureuse que ma présence par vidéoconférence ici ce matin ne coûte pas des milliers de dollars aux contribuables.
Voulez-vous que je fasse ma déclaration préliminaire?
Le président: Je vous en prie.
Mme Joanna Baron: Merci beaucoup.
Bien entendu, je suis ici pour parler du projet de loi C‑26. Ce projet de loi donne au gouvernement de nouveaux pouvoirs très larges. Or ces pouvoirs ne sont pas accompagnés d'un régime de freins et de contrepoids assurant la protection des droits, ce qui est pour nous une source de préoccupation. J'aimerais vous en dire plus à ce sujet au nom d'un organisme de bienfaisance juridique voué à la défense des libertés fondamentales.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi menace de porter atteinte à notre droit à la vie privée, ainsi qu'aux principes de reddition de comptes et d'application régulière de la loi, les assises de notre démocratie. Les pouvoirs proposés par le projet de loi risquent d'avoir des répercussions sur nos droits à la vie privée, à la liberté d'expression, à l'égalité, ainsi qu'à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, des droits qui sont garantis par la Charte.
Bien sûr, nous comprenons que la cybersécurité est primordiale. Toutefois, nous ne croyons ni n'acceptons qu'elle l'emporte sur les libertés civiles.
Les propositions que la CCF est heureuse d'appuyer, conjointement avec d'autres groupes de défense des libertés civiles, concordent avec les approches prises par d'autres pays, dont nos partenaires du Royaume-Uni et de l'Australie. Ces deux pays accordent beaucoup plus d'importance à la proportionnalité, à la reddition de comptes et au droit à la vie privée.
Les préoccupations soulevées par le projet de loi touchent la vie quotidienne des Canadiennes et des Canadiens. Par exemple, en vertu du projet de loi, si l'appareil ou le dispositif intelligent d'une personne était piraté et utilisé pour attaquer un site Web du gouvernement, le gouvernement fédéral pourrait ordonner l'interruption de son service de télécommunications au moyen d'un arrêté secret. La personne ou l'entreprise touchée ne serait jamais informée que c'est le gouvernement qui aurait ordonné l'interruption du service.
En outre, le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme pour rétablir le service aux personnes ou aux entreprises dont le service a été interrompu. En 2024, cela équivaut à les priver de leurs moyens de subsistance.
Je vais parler de quelques enjeux importants.
Le projet de loi laisse présager l'imposition de nouvelles obligations excessives de surveillance. Il permet au gouvernement d'ordonner secrètement aux fournisseurs de télécommunications « de faire ou de s'abstenir de faire toute chose nécessaire ». Cela ouvre la porte à l'imposition de nouvelles obligations aux entreprises privées, ainsi qu'à d'autres risques liés aux normes de cryptage, ce qui va à l'encontre du droit à la vie privée.
De plus, le projet de loi n'offre aucune protection. Il ne prévoit aucune mesure assurant le respect de la proportionnalité ou la protection des renseignements personnels ni d'autres mesures pour limiter les mauvais usages des nouveaux pouvoirs qu'il accorde au gouvernement, pouvoirs qui sont assortis d'amendes élevées, voire de peines d'emprisonnement en cas de non-respect.
Nous recommandons d'ajouter un critère de proportionnalité et l'obligation de consulter des experts pour empêcher le ministre d'utiliser des problèmes mineurs pour justifier des actions disproportionnées. Avec l'ajout du critère de proportionnalité, le projet de loi C‑26 correspondra davantage aux mesures prises par nos homologues de l'Australie et du Royaume-Uni.
Maintenant, j'aimerais parler de préoccupations liées à la protection des renseignements personnels.
Le projet de loi autorise le gouvernement à recueillir de vastes catégories de renseignements auprès des exploitants. Le gouvernement pourrait ainsi obtenir des renseignements personnels identifiables, qu'il pourrait ensuite transmettre à des organismes nationaux ou étrangers. Le projet de loi ne comprend pas de mécanisme limitant l'usage que le gouvernement fédéral peut faire des données qu'il recueille, il ne précise pas les délais de conservation des données et il ne prévoit aucune mesure de réparation en cas de négligence à l'égard des données de la population.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que les dispositions relatives à la confidentialité contredisent les principes de reddition de comptes et d'application régulière de la loi. Le projet de loi permet au gouvernement de prendre des arrêtés confidentiels, sans l'obliger à les rendre accessibles au public. Bien sûr, nous comprenons que la confidentialité est nécessaire, mais pour que les décideurs élus soient tenus de rendre des comptes, il faut que la population ait une idée de la façon dont ces pouvoirs sont exercés, ainsi que de leurs effets.
Il va sans dire que la confidentialité excessive a des répercussions sur le droit à la liberté d'expression de la population et des médias, un droit garanti par l'alinéa 2b) de la Charte.
En dernier lieu, j'aimerais parler de la présentation d'éléments de preuve secrets devant les tribunaux, une pratique autorisée par le projet de loi C‑26.
Même si les arrêtés relatifs à la sécurité pris en vertu de la loi peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire, le projet de loi pourrait restreindre l'accès des demandeurs aux éléments de preuve, ce qui est contraire aux règles de justice naturelle. Le ministre est autorisé à demander que des éléments de preuve du gouvernement soient entendus uniquement par le juge, à huis clos. En cas de contrôle judiciaire, le demandeur ne peut pas avoir accès aux renseignements lorsque — je cite le projet de loi — « la divulgation de ces [...] renseignements pourrait porter atteinte, selon [le juge], aux relations internationales »...
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, j'ai décidé d'utiliser mon bref temps de parole pour vous fournir un conseil et pour vous faire une proposition de bonne foi. J'aimerais aussi vous présenter une observation générale.
Je trouve la version actuelle du projet de loi acceptable. D'après moi, c'est un pas dans la bonne direction. Évidemment, le Comité a reçu de nombreux avis, et la majorité de ces avis sont très bons. Je ne vais pas examiner le projet de loi article par article. Je vais plutôt citer l'ancien secrétaire américain à la Défense, M. Robert McNamara, qui a dit: « Ne répondez jamais à la question qu'on vous pose. Répondez plutôt à la question que vous auriez voulu qu'on vous pose. »
J'aurais voulu qu'on me pose la question que la députée de Saint-Jean a posée au début de la semaine au sujet des mesures incitatives liées à la cybersécurité. Je vais vous conseiller d'apporter un changement au projet de loi qui aura, d'après moi, un effet très positif. Je vous recommande de créer un incitatif fiscal pour encourager les petites et moyennes entreprises à mettre en place ce qu'on appelle les contrôles de cybersécurité de base, ou les normes de cybersécurité. Pourquoi est‑ce important? Parce que les PME représentent 98 % de notre économie; pourtant, elles ne sont mentionnées nulle part dans le projet de loi.
En outre, les normes de cybersécurité établies par le Centre de la sécurité des télécommunications sont très bien. Si la majorité des PME les adoptaient, elles seraient probablement protégées, car je peux vous dire que les cybercriminels sont paresseux et qu'il y a une dupe à tous les coins de rue. Si les PME canadiennes se protègent au moyen de ces contrôles, elles s'en tireront probablement très bien.
Selon moi, il serait beaucoup plus efficace de créer des incitatifs fiscaux pour encourager la conformité en matière de cybersécurité plutôt que d'imposer des sanctions en cas de non-conformité, car de tels incitatifs favorisent la participation. Ainsi, ils renforcent la sécurité nationale, tout en offrant de nombreux avantages sur le plan économique: moins d'entreprises de la chaîne d'approvisionnement auraient à interrompre leurs activités, et par conséquent, les revenus imposables seraient probablement plus élevés à la fin de l'année.
Maintenant, je comprends que le projet de loi doit être adopté à la Chambre des communes, et bien que je sois impartial, je sais aussi que vous avez un travail à faire. Selon moi, la politique partisane est une composante saine de la démocratie, et je vous encourage à poursuivre les discussions que vous avez. Je peux tout de même envisager ma recommandation d'un point de vue politique. Aux yeux des libéraux, elle concorderait avec le programme d'innovation et de développement économique du parti. Les conservateurs la verraient probablement d'un bon œil sur les plans de la responsabilité financière et de la sécurité nationale. Les néo-démocrates seraient favorables au soutien de nos communautés, qui reposent sur les PME. Les bloquistes reconnaîtraient qu'elle protège les intérêts économiques du Québec. Enfin, je pense que les membres du Parti vert appuieraient cette approche durable visant à assurer notre avenir numérique.
Voilà mon conseil: créez un crédit d'impôt pour encourager les PME à adopter les contrôles de cybersécurité.
Maintenant, voici ma proposition. Je travaille pour l'un des meilleurs groupes de réflexion au monde. Si cela peut vous rendre service, je serai ravi de vous fournir un projet de libellé pour la modification proposée. Ensuite, je pourrais convoquer des collègues experts pour vous donner d'autres conseils ou pour répondre à vos questions. Vous avez un travail difficile à faire.
J'ai une dernière chose à dire avant de me taire, monsieur le président. On ne vous le dit sûrement pas assez: merci pour le travail que vous faites. Le travail des députés est ardu. C'est exigeant, et je pense que la majorité des gens ne se rendent pas compte de l'ampleur des efforts que vous déployez.
Mon travail consiste à fournir des conseils sur les politiques d'un point de vue impartial. J'espère que c'est ce que j'ai fait. Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole au nom du Conseil du Canada de l'accès et la vie privée, une organisation sans but lucratif, non partisane et indépendante qui n'est financée ni par le gouvernement ni par l'industrie.
Comme toutes les personnes ici présentes et tous ceux et celles qui utilisent Internet, nos membres doivent de la reconnaissance à sir Tim Berner-Lees: son invention est devenue le Web que nous connaissons et que nous aimons — ou que nous aimons détester. C'est une source de nouvelles et d'opinions, parfois contraires aux nôtres; c'est un endroit où nous pouvons trouver et transmettre des renseignements, et ce, en toute liberté. Aujourd'hui, c'est justement cette liberté qui est menacée, et ce sont les gouvernements démocratiques qui mènent la charge.
Le gouvernement du Canada maintient qu'il est essentiel de contrôler le contenu d'Internet pour protéger la démocratie et la cohésion sociale. Il donne l'exemple de la tentative d'insurrection qui a eu lieu le 6 janvier à Washington et qui a vraisemblablement été organisée en ligne. Il a mis au point plusieurs mesures législatives pour nous protéger d'éventuels dangers.
Comme vous le savez, le projet de loi C‑26, l'une de ces mesures, vise à fournir un cadre pour protéger les cybersystèmes critiques et essentiels à la sécurité nationale et à la sécurité publique. Le projet de loi C‑26 permet au Canada de prendre des mesures rigoureuses pour lutter contre les menaces à la sécurité du secteur des télécommunications, mais il va aussi beaucoup plus loin. D'abord, il s'applique à six secteurs des infrastructures essentielles. Toutefois, ce n'est que le début.
Comme Mme Baron l'a souligné, tout service, tout système ou toute catégorie d'exploitants peut être désigné critique. Toutes les entreprises risquent d'être touchées par les larges pouvoirs conférés par le projet de loi, et d'être obligées de faire, ou de s'abstenir de faire, toute chose qu'on leur ordonne de faire. Elles pourraient être contraintes, entre autres, d'ouvrir des issues, de déchiffrer des données ou d'aller à la pêche dans le but de fournir au gouvernement les renseignements qu'il lui faut pour prendre un arrêté. Ces renseignements comprennent le contenu de vos courriels et de vos textos, l'emplacement de votre téléphone cellulaire et de votre véhicule, les données sur les acheteurs et les achats, et les renseignements sur les donateurs. L'arrêté restera secret jusqu'à ce que la personne ou l'entreprise visée se rende compte qu'il se passe quelque chose, car la simple divulgation de l'existence d'arrêtés pris en vertu du projet de loi sera illégale.
Le projet de loi nous rappelle les régimes d'Europe de l'Est d'il y a 100 ans, en ce sens qu'il autorise le ministre à exiger de toute personne qu'elle fournisse, dans les délais et selon les modalités qu'il précise, tout renseignement demandé, sous la menace d'amendes. Il autorise aussi quiconque à saisir des renseignements et à accéder à des systèmes, mais sans les freins et contrepoids qui sont les piliers de la démocratie.
Il est à noter que rien n'exige que les délais et les modalités soient raisonnables. En outre, les renseignements demandés en vertu du projet de loi ne se limitent pas aux données organisationnelles ou opérationnelles. Il y a une raison à cela. Néanmoins, cela ouvre la porte à la collecte, à l'utilisation et à la divulgation sans surveillance de renseignements personnels. Ainsi, le projet de loi menace le droit à la vie privée des individus et il empêche les organisations de se conformer aux lois sur la protection des renseignements personnels ou de fournir des réponses précises aux demandes d'accès à l'information.
Malheureusement, le projet de loi ne parle pas du tout de consulter le commissaire à la protection de la vie privée pour assurer la protection adéquate des renseignements personnels. On y précise que les données organisationnelles peuvent être désignées confidentielles, mais il n'y a pas de disposition semblable par rapport aux renseignements personnels. Étant donné l'imprécision du projet de loi, le gouvernement pourrait prendre des arrêtés déraisonnables pour contraindre les entreprises de télécommunications et les fournisseurs d'accès Internet de surveiller toute personne, toute entreprise ou tout groupe dont il considère les comportements ou les commentaires comme une menace pour la sécurité du Canada. Il pourrait également les obliger à cesser de leur offrir des services.
Par ailleurs, pour encourager la conformité volontaire, le projet de loi prévoit des pénalités sévères que seules les plus grandes sociétés auront les moyens de payer. L'omission de payer une amende ou de déposer une requête en révision « vaut aveu de responsabilité »; le paiement d'une pénalité aussi. Cela nous rappelle la chasse aux sorcières de Salem. Dans tous les cas, les entreprises répercuteront les coûts et les amendes sur les consommateurs. Ainsi, les pénalités réduiront la concurrence en éliminant les entreprises qui n'ont pas les moyens de les payer. Les consommateurs finiront par faire les frais des amendes payées par les sociétés qui ont suffisamment de moyens pour les acquitter.
De telles mesures incitatives sont très motivantes. On pourrait même dire qu'elles sont coercitives, car c'est facile de convaincre une entreprise ou une personne qui tient à garder son argent durement gagné et à éviter les amendes de faire ce qu'on lui dit de faire. De son côté, le gouvernement ne pourra pas être accusé d'abus de pouvoir puisque ce n'est pas lui, mais bien les sociétés se conformant volontairement aux arrêtés qui entraveront les libertés garanties par la Charte.
À notre avis, en adoptant le projet de loi C‑26 tel quel et en donnant aux représentants élus et aux fonctionnaires non élus des pouvoirs trop larges sans les obliger à rendre des comptes, on diminuera encore davantage la confiance de la population envers le gouvernement, la fonction publique et les institutions fédérales. On favorisera également la mise en place d'une technocratie fondée sur l'invention de sir Tim Berners-Lee. La population canadienne mérite mieux.
Nous vous fournirons volontiers d'autres renseignements et les modifications proposées.
Merci, madame Polsky. Vous avez conclu juste à temps.
Nous allons passer à la période de questions.
Chers collègues, étant donné le temps que nous avons, chacun disposera de quatre minutes. Nous ne pourrons pas aller au‑delà du temps qui nous est imparti.
Nous allons commencer avec M. Shipley.
Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser d'abord à Mme Baron. Je veux avant tout vous donner l'occasion de terminer votre déclaration liminaire.
Merci beaucoup.
Je voulais mentionner que le projet de loi devrait être modifié pour permettre aux avocats qui détiennent une cote de sécurité spéciale, comme c'est évidemment le cas dans le contexte de l'immigration, de participer aux procédures. Un peu plus tôt aujourd'hui, on a d'ailleurs suggéré la même chose pour le contexte de la Loi sur les mesures d'urgence.
Les dispositions sur les avocats dotés d'une cote de sécurité ne sont pas une solution parfaite dans les procédures régulières, mais cela permettrait aux avocats en question de vérifier la preuve présentée lors des audiences secrètes. Ces avocats détiendraient la cote de sécurité de niveau très secret qui les autoriserait à faire une vérification de base pour voir si les droits des requérants sont respectés.
Merci.
J'ai pris des notes pendant votre déclaration liminaire. Vous avez parlé des coupures de services. Pourriez-vous étayer un peu vos propos? Je n'ai pas tout saisi. Parliez-vous de services aux abonnés individuels, tels que les services de téléphonie cellulaire, ou des services aux entreprises? À quoi vouliez-vous en venir? Pourriez-vous apporter des précisions?
Puisque le projet de loi confère au ministre le pouvoir de faire toute chose ou de s'abstenir de faire toute chose, le gouvernement pourrait donc ordonner à un fournisseur de services de télécommunication de couper le service Internet d'entreprises ou d'abonnés lorsqu'il croit ou qu'il possède la preuve que le service a été compromis ou utilisé pour attaquer un site Web du gouvernement ou que tout autre acte inapproprié a été commis.
Merci.
Vous avez également soulevé des préoccupations concernant la surveillance. Selon vous, il faudrait établir des balises pour éviter le recours abusif aux nouveaux pouvoirs conférés au ministre.
Pourriez-vous nous dire exactement quelles sont vos préoccupations concernant la surveillance?
Oui.
Encore une fois, le projet de loi permet au gouvernement d'ordonner secrètement aux fournisseurs de services de télécommunication de faire ou de s'abstenir de faire toute chose. De fil en aiguille, une obligation de surveillance pourrait être imposée aux entreprises privées. Un autre risque serait l'affaiblissement des normes de chiffrement.
Merci.
J'aimerais poser une question à Mme Polsky.
Vous avez dit que le projet de loi s'appliquait à six catégories d'infrastructures essentielles. Certains témoins ont dit que la portée était insuffisante. Dans la foulée de votre déclaration liminaire, pensez-vous que ce nombre est trop faible ou trop élevé?
Dans l'état actuel des choses et selon les catégories d'infrastructures essentielles établies juste après le 11 septembre, n'importe quelle infrastructure pourrait tomber dans au moins une des catégories. Ces dernières sont très vastes et leur définition n'est pas très précise.
À peu près tout a une valeur économique. Bon nombre de choses sont liées au transport. Il s'agit moins de définir les catégories que de cerner les menaces et d'anticiper les conséquences possibles de la version actuelle du projet de loi.
Merci.
Je vais vous poser rapidement une question complémentaire.
Vous avez parlé du contrôle ministériel. Vous avez mentionné que certaines personnes pourraient entrer dans tout lieu et procéder à des saisies, d'où la nécessité de mettre en place des mécanismes de contrôle. Pourriez-vous en dire plus à ce sujet?
Bien sûr.
Au titre du projet de loi, sauf erreur, n'importe qui pourrait être nommé inspecteur. Cette personne aurait le pouvoir d'accéder à n'importe quel lieu sans mandat, sauf dans les maisons d'habitation. Elle pourrait saisir n'importe quoi. Aucune restriction n'est prévue. Le projet de loi n'exige pas que les éléments saisis soient associés à une plainte ou à une préoccupation soulevée. Ce pouvoir est illimité.
Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais moi aussi remercier les témoins de leur présence sur place ou virtuellement.
Monsieur Shull, je vais commencer avec vous.
Tout d'abord, merci d'utiliser votre déclaration liminaire pour proposer des solutions et des idées. En fait, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous essayons d'améliorer le projet de loi C‑26 pour que ce texte protège les Canadiens et leurs droits constitutionnels.
Ma première question porte sur le signalement obligatoire par les secteurs concernés lorsque survient un incident de cybersécurité. Pourquoi le signalement obligatoire est‑il important?
Je peux vous donner deux ou trois raisons.
Premièrement, le signalement permet au Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, ou au Centre canadien pour la cybersécurité de prendre des mesures.
Le problème, c'est que la plupart des secteurs essentiels sont visés par des acteurs étatiques. Il ne faut pas se leurrer. Les personnes qui essaient de se faufiler au moyen d'un insigne militaire pour attaquer une structure civile vont y parvenir.
Le CST pourrait vous faire une présentation sur les États ennemis qui diffusent des logiciels malveillants dans les infrastructures essentielles au Canada. Ces acteurs se positionnent afin d'être prêts lorsqu'un conflit éclatera. Ils sont très nuisibles. Les organismes gouvernementaux devraient, dans la mesure du possible, accroître leur efficacité dans ces réseaux afin de pouvoir réagir lorsque des incidents surviennent.
Deuxièmement, les signalements augmentent la visibilité dans le réseau.
Troisièmement, ils font la promotion des pratiques exemplaires. Si un code d'exploitation a été utilisé une fois, il faut faire en sorte que ce soit la dernière.
Merci de votre réponse.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Polsky et à Mme Baron. Je vais demander à chacune d'entre vous d'y répondre. Je vous serais reconnaissant de continuer à donner des réponses brèves, car j'ai seulement quatre minutes.
J'aimerais d'abord savoir si vous seriez en faveur de l'inclusion d'une norme de raisonnabilité qui s'appliquerait aux directives sur la cybersécurité et aux ordonnances visant les systèmes de télécommunication.
Vous pouvez y aller en premier, madame Polsky.
Merci.
Je voudrais également savoir si vous appuieriez l'ajout de précisions sur la portée du pouvoir du ministre de rendre des ordonnances en remplaçant « de faire toute chose » par « de faire toute chose qu'il précise dans l'ordonnance ».
Vous pouvez répondre en premier, madame Polsky.
Le libellé actuel indique « de faire toute chose ». Seriez-vous en faveur de remplacer ce passage par « de faire toute chose qu'il précise dans l'ordonnance »?
À première vue, la formulation « de faire toute chose qu'il précise dans l'ordonnance » semble poser des limites. Malheureusement, selon mon expérience et selon des discussions avec les forces de l'ordre, avec des membres du Barreau et de la magistrature, de même qu'avec certains de vos collègues, tous ont admis qu'ils ne comprenaient pas. Ils ne connaissent pas le domaine. Je pense aux technologies, à l'intelligence artificielle et aux conséquences voulues et non voulues de certaines mesures législatives qui ont été proposées.
Demander de limiter les pouvoirs lorsque les juges ne sont pas tenus de suivre une formation sur ces questions... Ils peuvent être saisis de n'importe quoi et se faire réellement embobiner.
À mon avis, le fait d'ajouter la notion de faire toute chose précisée dans l'ordonnance n'inscrirait pas la proportionnalité dans la loi. Je trouve cela mieux que « de faire toute chose » ou « de s'abstenir de faire toute chose », mais cette solution ne serait pas très bien arrimée elle non plus.
Le président semble relativement clément aujourd'hui. Je vais donc poser une autre question, si je puis me permettre. Seriez-vous en faveur d'une liste de facteurs que le ministre serait tenu de considérer avant d'émettre une ordonnance?
Vous pouvez répondre, madame Polsky.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'utiliser de leur précieux temps pour être ici et nous accompagner dans cette étude.
Monsieur Shull, j'ai bien aimé votre allocution d'ouverture. Vous êtes allé droit au but, comme on dit. J'ai bien aimé ça.
J'ai parlé à quelques groupes à l'extérieur de ce comité, et une majorité d'entre eux pensent que le projet de loi C‑26 est une belle avancée, un beau pas en avant. Dans l'ensemble, ils trouvent que c'est bien.
Toutefois, deux grandes critiques sont formulées.
Tout d'abord, on critique le fait qu'on octroie énormément de pouvoirs au gouvernement. Ce projet de loi accorde à certains ministres la liberté de prendre des décrets et des arrêtés, mais ne donne pas nécessairement de détails à ce sujet. On ne sait pas quelle forme ça peut prendre.
Ensuite, on critique la sévérité des sanctions. Vous avez parlé d'encouragements fiscaux. Si je ne me trompe pas, vous proposez de mettre en place des avantages ou des incitatifs fiscaux pour les entreprises qui seraient tenues de mettre en place un cadre pour la cybersécurité, par exemple, au lieu d'imposer des sanctions. Vous présentez la chose sous un autre angle: il faudrait permettre aux gens de participer un peu plus de façon volontaire, tout en assurant la conformité et la protection des renseignements échangés.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?
[Traduction]
Monsieur le président, c'est une excellente question.
Je parle des petites et moyennes entreprises, et non pas des fournisseurs d'infrastructures essentielles définis dans la loi. Le projet de loi permet l'utilisation des pouvoirs fiscaux fédéraux pour protéger les entreprises qui représentent le gros de l'économie au Canada. Les infrastructures essentielles sont très importantes pour la simple raison qu'elles sont... essentielles. Si elles tombent en panne, tout s'écroule.
Un grand nombre d'entreprises qui ne sont pas des fournisseurs d'infrastructures essentielles se font voler par des rançongiciels. Voilà le problème que nous avons. Il faut mettre fin à ce fléau. Le crédit d'impôt tiendrait lieu de mesure incitative.
C'était une bonne question, monsieur le président.
[Français]
Quelle serait votre suggestion: devrions-nous remplacer les sanctions par des incitatifs fiscaux ou laisser en place les sanctions?
[Traduction]
Je laisserais les sanctions en place. Vous soulevez un bon point. Le projet de loi est presque incohérent lorsqu'il énonce que les sanctions administratives pécuniaires visent à encourager la conformité, mais que ces mêmes sanctions peuvent s'élever à 15 millions de dollars par jour. Elles ne sont pas établies dans une intention punitive, mais elles peuvent imposer une amende faramineuse. Considéré sous cet angle, cela sonne très punitif.
Tout cela pour dire que je laisserais en place la structure de sanctions visant les fournisseurs d'infrastructures essentielles. J'ajouterais une structure de mesures incitatives pour les petites et moyennes entreprises qui n'entrent pas dans la définition de fournisseur d'infrastructures essentielles.
[Français]
Vous parlez des petites et moyennes entreprises. Certaines craignent la paperasse supplémentaire que ça peut représenter. Comme on le sait, le domaine de la cybersécurité évolue très rapidement. Si elles font face à un incident, par exemple, elles doivent respecter les délais prescrits pour communiquer l'information au gouvernement. C'est sans compter la sécurité et la confidentialité de ces informations. Les entreprises ont des craintes à cet égard. Or, je n'ai pas réussi à obtenir beaucoup de réponses de la part du gouvernement pour les rassurer.
À votre avis, que peut-on dire à ces entreprises? Ont-elles raison d'éprouver ces craintes?
[Traduction]
Voilà une autre excellente question, monsieur le président.
Personnellement, je ne trouve pas très convaincant l'argument du fardeau réglementaire. Le projet de loi indique que les entreprises du secteur des infrastructures essentielles doivent avoir en place un plan de cybersécurité. À l'inverse, les entreprises qui n'ont pas de plan sont considérées comme non conformes. Il y a aussi l'obligation de signaler tout incident pour ne pas écoper d'une sanction.
Je reconnais qu'il y a un fardeau réglementaire. Par contre, les entreprises ont l'habitude de se plier à de multiples obligations. Dans ce cas‑ci, les entreprises visées assument une fonction vitale dans l'économie. Il est donc normal qu'elles se protègent. Leur non-conformité doit entraîner des conséquences, car leur rôle est trop important pour qu'elles soient laissées à elles-mêmes.
[Français]
[Traduction]
Monsieur le président, puis‑je intervenir rapidement?
Je suis désolé, monsieur Julian. Je fais un bref rappel au Règlement.
Nous, les députés, nous sommes souvent loin de nos amis et de notre famille. J'aimerais en profiter pour souhaiter à Mme Michaud un bon anniversaire. Comme elle n'est pas parmi les siens aujourd'hui, je voulais lui transmettre nos vœux publiquement.
Joyeux anniversaire.
Monsieur Julian, vous pouvez poursuivre.
Une voix: Notre cadeau sera de ne pas chanter.
Je vais utiliser mes quatre minutes, mais après, nous devrions chanter pour Mme Michaud. J'y reviendrai dans quatre minutes.
Monsieur le président, je pense que nous avions tous des questions pour M. Neiman et M. Holland. J'espère que ces deux témoins reviendront devant le Comité. Évidemment, ce seront des dépenses supplémentaires en raison des manœuvres d'obstruction des conservateurs, mais il est capital de faire les choses correctement pour ce projet de loi. Je remercie les témoins d'avoir répondu à nos questions. Nous en avions beaucoup plus à poser.
Je vais m'adresser à Mme Polsky et à Mme Baron.
Vous faites partie de la coalition dont les membres ont soumis conjointement un excellent mémoire. Votre document renferme 16 recommandations d'améliorations que le Comité pourrait apporter au projet de loi. Ces recommandations touchent plusieurs aspects: « limiter les pouvoirs ministériels »; « protéger les renseignements personnels et professionnels confidentiels »; « maximiser la transparence »; « permettre aux avocats spéciaux de protéger l'intérêt public »; « renforcer la responsabilité du CST [Centre de la sécurité des télécommunications] ».
Parmi les 16 recommandations, quelles sont les plus cruciales dont nous devrions absolument tenir compte? Faut‑il plutôt les considérer comme un bloc de modifications qui doivent toutes être apportées pour que le projet de loi remplisse son objet avec transparence?
Je vais commencer par Mme Polsky.
Merci. Je pense que vous avez visé juste. C'est en effet une question de transparence.
Aucune recommandation n’est plus importante que les autres. Elles doivent toutes être mises en œuvre pour que le projet de loi soit raisonnable, juste et équilibré et qu'il mérite la confiance du public. Elles doivent toutes être inscrites dans la loi. C'est aussi simple que cela. Sans la totalité de ces modifications, l'équilibre, la raisonnabilité et la proportionnalité ne seront pas au rendez-vous.
Si je comprends bien, les 16 recommandations sont interreliées. Si elles ne sont pas toutes prises en compte, vous et votre coalition n'allez pas être prêtes à appuyer le projet de loi.
La prémisse du projet de loi est importante, mais comme le dit le vieux dicton: les batailles se perdent dans la précipitation. Nous devons prendre le temps de bien faire les choses afin de ne pas avoir à y revenir et de ne pas voir des gens souffrir parce que le projet de loi n'a pas été fait correctement dès le départ. Il ne faut pas l'adopter à la hâte.
Merci de votre réponse.
Madame Baron, je vous pose la même question.
Parmi les 16 recommandations, lesquelles, selon vous, devrions-nous intégrer en priorité dans le projet de loi?
Nous, les groupes de défense des libertés civiles, discutons de ces solutions depuis plusieurs années. Tout comme Mme Polsky, je ne peux pas choisir un enfant préféré. Les recommandations forment un tout qui vise à atteindre les objectifs de proportionnalité, de protection de la vie privée et de contrôle sur l'exercice d'un pouvoir illimité. Elles sont indissociables.
Je ne peux pas en retenir une en particulier. Si je le faisais, j'en choisirais probablement une qui est liée à mon expertise, mais qui ne serait pas nécessairement une solution à ce qui constitue, de l'avis de tous, une nécessité absolue, soit les enjeux de cybersécurité.
Merci. Je voulais savoir en fait quel était le point le plus crucial. Où trace‑t‑on la ligne de démarcation qui indiquera que le projet de loi atteint bien son objectif? Vous dites que les recommandations sont toutes essentielles. Je vous remercie.
Mes quatre minutes sont écoulées, mais je voudrais que nous chantions tous en chœur Bonne fête à Mme Michaud.
Des députés: Bravo!
Merci, chers collègues.
Je remercie les témoins de nous avoir accordé de leur temps. Je mentionne aux témoins qu'il nous reste peut-être des questions à poser, car notre temps était limité. Si vous souhaitez soumettre d'autres informations au Comité, nous les accueillerons avec plaisir.
Allez‑y, monsieur McKinnon.
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