Bienvenue à la réunion no 84 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Les membres du Comité participent à la réunion en personne, dans la salle, et à distance, avec l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole.
Un effet larsen pourrait se produire. Ce problème de son peut être très nocif pour les interprètes et leur causer des blessures graves. Le plus souvent, l'effet larsen survient lorsque l'on place une oreillette trop près d'un microphone. Nous demandons donc à tous les participants de faire preuve d'une grande précaution lorsqu'ils manipulent leurs oreillettes, en particulier lorsque leur micro ou celui de leur voisin est allumé.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 23 octobre 2023, le Comité entame son étude des droits des victimes, du reclassement et du transfèrement des délinquants fédéraux.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Du Syndicat des agents correctionnels du Canada, nous accueillons Jeff Wilkins, président national et, du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice, Patrick Ménard, vice-président régional pour le Québec, et Jeff Sandelli, vice-président régional pour la Communauté SCC — CLCC Ouest. Tous comparaissent par vidéoconférence.
Bienvenue à tous.
Vous disposerez de cinq minutes au plus pour formuler vos observations liminaires, après quoi nous procéderons aux séries de questions.
J'invite maintenant M. Wilkins à formuler ses observations liminaires.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour aux membres du Comité, à mes collègues et aux témoins présents aujourd'hui.
Je m'appelle Jeff Wilkins. Je suis le président national du Syndicat des agents correctionnels du Canada. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'espère pouvoir répondre à certaines questions très importantes que vous pourriez poser au sujet des droits des victimes d'actes criminels, du reclassement de sécurité et du transfèrement des délinquants dans le cadre du mandat du Service correctionnel du Canada.
Je serai aussi bref que possible dans mon introduction, car il est sans doute préférable de consacrer du temps aux questions. Ceci étant dit, j'aimerais aborder quelques points qui pourront peut-être servir de contexte aux questions que vous allez me poser.
Lorsque l'on examine la motion visant à charger ce comité d'enquêter sur les droits des victimes, le reclassement de sécurité et le transfèrement des détenus, il est évident que ce comité avait été créé suite au transfert très médiatisé de Paul Bernardo. Je dois donc vous informer, dans mon introduction, que je ne serai peut-être pas en mesure de répondre à toutes les questions que vous vous posez sur ce transfert particulier. Les agents correctionnels jouent un rôle très important en documentant les routines et les comportements quotidiens des détenus, mais ils ne constituent qu'une toute petite partie de l'équipe de gestion des cas des détenus. Très souvent, SCC prend des décisions sans que nos membres en soient informés, ce qui a assurément été le cas pour ce transfert particulier.
Le rôle d'un agent correctionnel, en tant que membre de l'équipe de gestion d'un cas, serait de faire rapport sur des éléments comme le comportement au sein de l'établissement, l'assiduité aux programmes ou aux cours, la participation aux visites de l'établissement ou le traitement des demandes générales de visites familiales privées. Ces rapports, qui sont souvent compilés dans les dossiers de cas par un CX‑2, sont ensuite utilisés par les agents de libération conditionnelle et les autres membres de l'équipe de gestion du cas du détenu pour mieux évaluer le comportement du détenu par rapport au plan correctionnel.
Nous espérons que ces rapports parviennent également à l'agent de libération conditionnelle lorsqu'il analyse des éléments comme les examens de classification de sécurité ou d'autres évaluations en vue de prendre une décision. Cependant, nous nous demandons parfois pourquoi nous ne participons pas davantage aux évaluations en vue de la prise de décision, étant donné que nos membres sont avec les détenus 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et connaissent mieux le cas des détenus que la plupart des membres de l'équipe de gestion des cas.
Comme vous le savez certainement, SCC utilise ce que l'on appelle une échelle de classement par niveau de sécurité pour déterminer le placement dans un pénitencier, ainsi que le transfert vers un établissement dont le niveau de sécurité est inférieur. Cette échelle tient compte de trois éléments principaux: le niveau d'adaptation à l'établissement, le risque que représente le détenu pour le public et le risque d'évasion. En fin de compte, cette échelle sert à établir la classification de sécurité du détenu, qui peut être maximale, moyenne ou minimale.
On pourrait certainement débattre de la nécessité de modifier cette échelle, et je ne suis pas un professionnel des statistiques qui puisse se prononcer sur la validité de l'échelle. Toutefois, dans l'état actuel des choses, le Syndicat est confronté à des problèmes lorsque l'on ne respecte pas l'échelle, comme dans le cas de ce détenu particulier.
Selon le rapport publié par Service correctionnel du Canada, l'échelle de classement par niveau de sécurité du détenu n'a pas été respectée pour maintenir le détenu à un niveau de sécurité maximal depuis 1999. Le fait qui nous préoccupe et qui est, à mon avis, plus préjudiciable à la sécurité de nos collectivités, est que l'on ne tient parfois pas compte de l'échelle afin de placer un détenu à un niveau de sécurité inférieur à celui recommandé. Nos membres et les agents correctionnels perdent alors confiance dans la validité de l'échelle.
Il est arrivé que l'on place un détenu dans un établissement de sécurité minimale alors que l'échelle de classement par niveau de sécurité exigeait son placement dans un établissement de sécurité moyenne. Dans un cas particulier, ce type de décision a conduit à une évasion et au meurtre d'un membre du public. Il s'agit d'une pratique dangereuse. Bien que je ne dispose pas des statistiques les plus récentes concernant tous les détenus placés en sécurité minimale, de nombreux détenus incarcérés dans un établissement à sécurité minimale ne répondent pas aux critères de sécurité minimale selon l'échelle de classement par niveau de sécurité.
En ce qui concerne les discussions sur les droits des victimes, le Syndicat des agents correctionnels du Canada vous dira qu'il faut faire plus pour promouvoir les droits des victimes. Nous avons le devoir, dans le cadre de notre mandat, de protéger le public, et les victimes, en tant que membres du public, devraient être au centre des préoccupations.
Il est encourageant de constater que SCC a accepté la recommandation, issue du dernier examen, de former un groupe de travail multidisciplinaire chargé d'examiner des façons d'améliorer les politiques et les pratiques en matière de notification et de mobilisation des victimes. Nous nous réjouissons à l'idée de proposer quelques idées au sein de ce groupe de travail. Toutefois, à ce jour, le Syndicat n'a pas encore été invité à le faire.
Sur ce, je vais conclure mon introduction et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président. C'est moi qui vais débuter.
Je tiens tout d'abord à saluer les membres du Comité et à les remercier de cette invitation à m'exprimer au nom du syndicat qui représente les employés et employées de la sécurité et de la justice, le SESJ. Ce dernier compte environ 18 000 membres, dont une forte proportion travaille pour le Service correctionnel du Canada.
J'occupe le poste de vice-président régional pour le Québec et je représente des membres travaillant dans des pénitenciers fédéraux. Avant d'être élu au SESJ, j'ai travaillé comme agent de libération conditionnelle en pénitencier pendant 22 ans. J'ai travaillé dans un établissement à vocation psychiatrique à multiples niveaux de sécurité, ainsi qu'en établissement à sécurité moyenne et en unité d'évaluation initiale.
J'ai aussi eu l'occasion d'être formateur local pour les nouveaux employés et superviseur de stage pour les futurs agents de libération conditionnelle. J'ai représenté le Service correctionnel du Canada lors de séances de formation offertes à d'autres organisations, comme l'Agence des services frontaliers du Canada et la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec.
Parmi nos membres, on retrouve un grand nombre d'employés qui occupent un rôle de premier répondant. Nos membres travaillent en milieu carcéral et ont le statut d'agent de la paix. Ceux-ci côtoient des délinquants sur une base quotidienne ou offrent des services aux victimes et au public.
Nos membres sont des professionnels qui interviennent sur plusieurs plans. Par exemple, ils offrent de la formation aux détenus en ce qui concerne les compétences et l'employabilité. Ils voient aussi à la réduction du risque en offrant des programmes et des interventions. De plus, ils cernent les causes de la criminalité, interviennent, font un suivi et évaluent les délinquants. En outre, nos membres formulent des recommandations aux décideurs, notamment en matière de transfèrement, de permissions de sortie et de mise en liberté. Ils offrent également des services aux victimes et s'assurent que les torts sont pris en considération lors des décisions. Enfin, nos membres exécutent leur travail tout en tenant compte des rapports de police, des décisions des tribunaux, des préoccupations des victimes, des rapports médicaux et d'autres rapports professionnels, ainsi que des progrès réalisés par le délinquant.
Les membres du SESJ contribuent donc au respect des droits des victimes et, ainsi, à la réduction des risques de récidive en communauté.
Merci. Je cède maintenant la parole à M. Jeff Sandelli.
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Bonjour. Je m'appelle Jeff Sandelli et j'ai commencé ma carrière à Service correctionnel du Canada en 2008 en tant qu'agent de libération conditionnelle en établissement à l'établissement à sécurité moyenne de Stony Mountain, situé au nord de Winnipeg.
Pendant deux ans, j'ai acquis une expérience essentielle pour comprendre les mécanismes liés à l'entrée d'un délinquant dans un établissement fédérale et à son parcours au sein de celui‑ci. En un mot, ce parcours commence par une évaluation initiale des délinquants purgeant une peine fédérale, se poursuit avec la possibilité pour ces délinquants de participer à différentes interventions visant à répondre à leurs besoins et à leur capacité de réadaptation, et se termine par une évaluation des efforts de réadaptation fournis par le délinquant et la planification de sa réinsertion possible dans la communauté.
En 2010, j'ai été muté au bureau des libérations conditionnelles de Winnipeg, où j'ai assumé le rôle d'agent de libération conditionnelle dans la collectivité. À ce titre, j'ai continué d'aider les délinquants fédéraux libérés dans la collectivité à se réinsérer en les orientant vers des intervenants et des professionnels de la santé, et en établissant des liens avec des partenaires communautaires afin de répondre à leurs besoins fondamentaux, notamment en matière de logement et d'emploi. En parallèle, nous nous sommes efforcés de concilier ces activités avec la nécessité d'assurer la sécurité publique grâce à une collaboration continue avec leurs soutiens professionnels et personnels, en utilisant des outils de supervision pour confirmer le respect des conditions imposées et des considérations relatives aux victimes, ce qui comprend la consultation de l'unité de services aux victimes de SCC.
Cette évaluation continue a parfois abouti à la réincarcération de délinquants fédéraux en liberté conditionnelle parce qu'ils présentaient un risque trop élevé pour pouvoir demeurer dans la collectivité. Dans d'autres cas, les délinquants fédéraux ont pu mettre en place un soutien suffisant pour commencer une vie plus productive, éviter la récidive et arriver à l'expiration de leur peine sous surveillance.
J'ai continué d'exercer les fonctions d'agent de libération conditionnelle dans la collectivité jusqu'en 2021. J'ai alors été élu vice-président régional du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice. En tant que vice-président régional, je représente des centaines de membres du personnel de la sécurité publique fédérale, du Nord-Ouest de l'Ontario à la Colombie-Britannique et dans le Nord, dans des zones urbaines et rurales, et je travaille avec le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles.
En tant que syndicat national représentant plus de 18 000 employés de la fonction publique fédérale dans 18 ministères et organismes, nous sommes immensément fiers du travail qu'accomplit le personnel de la sécurité publique jour et nuit, 365 jours par an, pour assurer la sécurité des Canadiens dans chaque province et territoire.
Au sein du système correctionnel fédéral, le Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice représente des milliers d'employés qui participent aux programmes fédéraux de libération conditionnelle et soutiennent les délinquants en matière d'éducation, d'emploi, d'interventions spécifiques aux autochtones et de services alimentaires, et effectuent des travaux liés à l'entretien et à l'administration.
Les membres du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice sont pour la plupart des agents de sécurité publique très dévoués qui travaillent dans l'ombre, souvent sans reconnaissance, pour assurer la sécurité des Canadiens jour après jour, sacrifiant parfois leur propre santé mentale.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être présents aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Wilkins.
Monsieur Wilkins, lorsque le transfert choquant de M. Bernardo a finalement été rendu public, les représentants de vos sections locales de l'Ontario et du Québec se sont dits déconcertés par la décision de transférer M. Bernardo d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne.
Mike Bolduc, le président de la région du Québec, a déclaré qu'ils n'avaient même pas été mis au courant, comme si cette décision avait été prise en cachette. Il a déclaré qu'ils n'avaient absolument pas été informés et que ni le président régional de l'Ontario ni lui ne savaient que cette personne allait être transférée.
J'ai été informé que seuls trois agents de l'établissement de Millhaven avaient été informés du transfert de M. Bernardo le soir d'avant, et qu'ils avaient reçu l'ordre de garder le secret. Personne d'autre n'était au courant. Pourquoi pensez-vous que ce transfert a été caché à vos membres et au public?
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Les déclarations qui ont été faites sont tout à fait exactes. Comme je l'ai souligné dans mon introduction, les agents correctionnels ne participent pas souvent à la prise de ces décisions au sein de l'équipe de gestion des cas.
Lors du transfert d'un détenu très médiatisé, il est généralement nécessaire de conserver le secret. Les trois agents qui ont été informés la veille étaient ceux qui ont accompagné le détenu le lendemain. Pour autant que je sache, ce sont les seuls agents correctionnels qui étaient au courant du transfert. Encore une fois, j'ai vérifié auprès du président local. Il n'a été informé que le matin, lorsqu'il s'est présenté au travail.
La question est de savoir pourquoi. C'est une très bonne question. Je pense qu'en ce qui concerne la gestion du cas de ce délinquant, le CX‑2 affecté à son dossier aurait dû être informé de ce qui allait arriver à son détenu, mais pour autant que je sache, il n'était même pas au courant.
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Je vous remercie. Je vais passer à autre chose. Vous avez brièvement évoqué une affaire. Je vais y revenir un peu plus en détail.
En 2019, deux détenus condamnés pour des crimes violents se sont évadés de l'établissement à sécurité minimale William Head, en Colombie-Britannique, et ont assassiné un habitant de la région à son domicile. Après cet événement, nous avons appris que les autorités correctionnelles avaient annulé leur évaluation de sécurité, qui indiquait qu'ils ne devaient pas être placés dans une prison à sécurité minimale. Or, ils purgeaient leur peine dans un établissement à sécurité minimale confortable, parfois appelé le « Club Fed » en raison de la souplesse de ses conditions.
Estimez-vous que cette affaire illustre les problèmes systémiques plus larges que vous avez décrits concernant le reclassement et le transfèrement des délinquants fédéraux au Canada?
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Lorsqu'un délinquant nouvellement condamné est transféré du tribunal à une unité d'évaluation du Service correctionnel du Canada, il est assujetti à un processus d'évaluation initiale. À cette étape, on rassemble toute l'information concernant le délinquant et on utilise l'outil auquel vous faites référence. Il s'agit de l'Échelle de classement par niveau de sécurité. Comme M. Wilkins l'a dit, l'outil se base sur différents facteurs, y compris le type de délit pour lequel le délinquant est incarcéré, de même que ses antécédents à titre de détenu, c'est-à-dire ses incarcérations antérieures. Le passé du détenu en matière d'incarcération, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, sera donc pris en compte lors de l'évaluation au moyen de cet outil. Celui-ci permet ensuite de proposer un niveau de sécurité.
On doit utiliser l'outil en parallèle avec l'ensemble des documents disponibles, comme les rapports de police et les rapports des cours de justice, tout en tenant compte des préoccupations des victimes et des torts causés à celles-ci, entre autres choses.
En cours d'incarcération, il y aura une révision de la cote de sécurité. Cette révision sera faite à l'aide d'un autre outil, soit l'Échelle de réévaluation de la cote de sécurité. C'est un outil complètement différent du premier outil utilisé à l'admission, au début de la peine d'incarcération.
Tout au long de la peine purgée, les trois critères primordiaux visant à évaluer le niveau de sécurité d'un délinquant sont le risque à l'intérieur des murs, donc l'adaptation en établissement, le risque pour le public et le risque d'évasion.
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Merci, monsieur le président.
Ce que M. Ménard était en train de dire était très intéressant. Je vais y revenir, mais, juste avant, j'ai trois points à soulever.
D'abord, monsieur le président, je vous félicite pour votre élection à la présidence du Comité. Je n'étais pas là quand cela s'est passé, mais je comprends que les choses se sont déroulées dans les règles de l'art. Alors, je vous félicite pour ce nouveau poste.
Ensuite, j'ai un avis de motion à déposer. Je vais lire la motion, tout simplement pour en donner avis, afin que nous puissions en débattre à un autre moment. La motion est la suivante:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur les enjeux de sécurité qui découlent de l'implantation de groupes de criminels organisés à partir du Mexique et de l'Amérique centrale et du Sud qui mènent des activités clandestines et illégales au Canada, particulièrement à partir du Québec et à la frontière, grâce à l'utilisation de faux passeports et sous de fausses identités et qui font notamment le trafic de personnes migrantes, d'armes et d'objets de valeur issus du vol vers les États‑Unis;
Que le Comité oriente cette étude en vue de l'élaboration de solutions efficaces et concrètes afin de mettre fin à cette situation qui menace la vie, l'intégrité et la sécurité de personnes vulnérables et qui présente des enjeux de sécurité publique pour le Québec et le Canada;
Que le Comité consacre un minimum de trois réunions à cette étude;
Que le Comité invite à comparaître, pour au moins une heure par témoin, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, M. Marc Miller; le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, M. Dominic LeBlanc; des représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada; des représentants de la GRC; et tout autre témoin que le Comité jugera utile d'entendre;
Et que le Comité fasse rapport de ses observations et de ses recommandations à la Chambre.
L'avis de motion est déposé. J'imagine que nous pourrons en débattre à un autre moment.
En dernier lieu, je voulais exprimer ma plus sincère sympathie pour les proches et les familles des victimes. Je sais que nous entreprenons une étude qui peut être très difficile pour certaines personnes et qui peut raviver des souvenirs douloureux. Je veux les assurer que le Bloc québécois va procéder de la façon la plus adéquate possible, c'est-à-dire que la manière dont les questions seront posées sera la moins partisane possible. Je pense que ce dossier et ce sujet demandent toute la compassion que nous pouvons offrir. La partisanerie n'a pas sa place là-dedans. Je voulais simplement offrir ce message aux gens qui nous écoutent peut-être, alors que nous en sommes au début de cette étude.
Je vais maintenant poser mes questions.
D'abord, je tiens à vous remercier, chers témoins, d'être des nôtres. Je pense que votre avis est très important. Je ne sais pas à quel point vous pouvez nous donner votre avis, ou si vous pouvez seulement nous donner de l'information factuelle pour nous expliquer la manière dont les choses se passent. Quoi qu'il en soit, c'est intéressant de comprendre ces éléments pour aller de l'avant dans cette étude.
Monsieur Ménard, ce que vous disiez était très intéressant. Je vous laisse le temps de revenir sur les trois types de transfèrement que vous avez abordés, particulièrement le deuxième type, soit le transfèrement qui est demandé par l'équipe de gestion de cas.
Dans le cas qui est devant nous, je ne sais pas si on connaît les détails de ce transfèrement.
Sinon, je vous laisserais poursuivre sur votre lancée et nous expliquer ce qui peut amener à un type de transfèrement ou à un autre.
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On parle ici d'un cas classique de transfèrement volontaire, qui nécessite une recommandation de l'équipe de gestion des cas.
Parmi les situations les plus courantes, il peut s'agir d'un détenu qui aimerait avoir accès à des services dans la langue de son choix. Par exemple, un anglophone voudrait cesser d'être au Québec, parce qu'il n'y a pas assez de services en anglais, ou vice-versa pour un francophone. C'est une situation qui peut arriver.
La situation la plus courante, c'est lorsqu'il est question de l'accès à des programmes qui correspondent aux prescriptions qu'on retrouve dans le plan correctionnel. Il s'agit donc d'avoir accès à des programmes qui sont en lien avec les facteurs de risque du détenu. Dans ce cas, le délinquant pourrait demander à être transféré de façon volontaire dans un établissement donné qui offre ces programmes. Formuler la demande, c'est une chose, mais il faut aussi s'assurer que le niveau de sécurité de l'établissement correspond à la cote de sécurité du délinquant.
Il faut donc s'assurer que le programme est offert, qu'il est donné dans la bonne langue et qu'il est en lien avec les facteurs dynamiques ou criminogènes du détenu. Si c'est le cas, l'équipe de gestion de cas doit étudier la demande du détenu afin de déterminer, dans un premier temps, si l'Échelle de réévaluation de la cote de sécurité propose un niveau de sécurité correspondant. On peut avoir un individu qui est dans un établissement à sécurité maximale et qui veut suivre un programme offert dans un établissement à sécurité moyenne. Il faut vérifier si l'application de l'Échelle de réévaluation de la cote de sécurité appuie un transfèrement à un établissement à sécurité moyenne. Il faut aussi évaluer les trois facteurs à considérer pour permettre une réévaluation à la baisse de la cote de sécurité, soit l'adaptation à l'établissement, le risque d'évasion et le risque pour la sécurité du public. Pour chacun de ces trois facteurs, on doit évaluer si le risque est faible, modéré ou élevé. Évidemment, si on évalue que le risque est élevé pour au moins un de ces trois facteurs, la personne reste en établissement à sécurité maximale.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Au nom du NPD, je tiens à exprimer mes condoléances aux victimes de M. Bernardo et à leurs familles. Nous cherchons à comprendre ce qui s'est passé au printemps dernier, et je pense que tous les membres du Comité s'unissent pour essayer d'obtenir des réponses.
J'aimerais commencer par vous, monsieur Wilkins.
M. Shipley a cité l'article de presse reprenant les propos de Mike Bolduc voulant que le transfert ait été caché. Il n'avait aucune idée que M. Bernardo était transféré et ne savait pas pourquoi. M. Bernardo a eu deux audiences de libération conditionnelle, en 2018 et en 2021, et on la lui a refusée les deux fois.
Monsieur Wilkins, selon votre expérience, est‑ce une chose qui joue un rôle déterminant dans les transferts, ou si on n'en tient pas compte?
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Je vous remercie de votre réponse.
Vous avez parlé de l'échelle de classement par niveau de sécurité, mais vous avez également dit dans votre déclaration préliminaire que de nombreux détenus ne répondent pas aux critères des établissements à sécurité minimale.
Ai‑je bien compris? Dites-vous que l'échelle a été supplantée et que, dans le cas de M. Bernardo, on y a dérogé pour le garder dans un établissement à sécurité maximale, mais que dans de nombreux autres cas, on outrepasse la cote pour que le détenu ait un niveau de sécurité inférieur à ce que justifie réellement son échelle de classement par niveau de sécurité?
Ai‑je raison? Pourriez-vous estimer le nombre de détenus qui seraient touchés par cette mesure?
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Encore une fois, mes collègues seront peut-être mieux placés que moi pour répondre à cette question.
Je crois comprendre que différents pouvoirs entrent en jeu lors de divers types de transferts. S'il s'agit d'un transfert à l'intérieur d'une région d'un établissement à sécurité moyenne à un établissement à sécurité minimale, par exemple, c'est le directeur d'établissement qui a le pouvoir délégué de prendre la décision. Si le détenu va à l'extérieur de la région, le pouvoir délégué est différent. S'il s'agit d'une personne désignée délinquant dangereux, ce serait un autre pouvoir, là aussi.
Ce que nous avons vu, c'est qu'une fois que l'équipe de gestion de cas, qui comprend l'agent de libération conditionnelle, décide de transférer un détenu dans un établissement à sécurité inférieure, même si cela ne correspond pas à l'échelle de classement par niveau de sécurité, il incomberait au directeur d'établissement d'agir. Ces gens peuvent le faire.
Comme je l'ai dit, les mots qui sont employés sont « risque gérable ».
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Je tiens à remercier la présidence.
Monsieur Wilkins, vous aviez raison de dire qu’il y avait, avant le projet de loi , un libellé qui aurait permis la reclassification. En fait, c'est dans les années 1990, sous le gouvernement de Brian Mulroney, que les mesures les moins privatives de liberté ont été évoquées pour la première fois. Les gouvernements successifs ont conservé cette expression, mais elle ne provenait pas vraiment du projet de loi . Vous aviez raison de vous souvenir qu'il y a eu des échanges à ce sujet.
Encore une fois, l'expression « le moins privatif de liberté » a été introduite par Brian Mulroney, et le même libellé a été repris sous le gouvernement conservateur précédent de Stephen Harper. Il est donc tout simplement faux de laisser entendre que c'était en quelque sorte un changement proposé dans le projet de loi qui a créé un nouveau libellé. Il faut que cela figure au compte rendu.
De plus, monsieur le président, il y a parfois des perceptions erronées sur ce que signifient les cotes de sécurité maximale, moyenne et minimale. Il ne s'agit pas d'une punition ou d'une situation attribuable à l'issue de l'affaire dont le délinquant a été reconnu coupable. Elles portent plutôt sur le d'un risque à la sécurité publique en général et le risque d'évasion.
M. Shipley a parlé des évasions, mais il a comme par hasard omis certaines données, et je tenais à ce que ce soit au compte rendu. En 2006‑2007, il y a eu 37 évasions de prisons fédérales au Canada. En 2007‑2008, il y en a eu 33, puis 24 en 2008‑2009, 31 en 2009‑2010 et 17 en 2010-2011. La liste est longue. Les années suivantes, il y en a eu 16, 24, 13, 15 et 18. En 2016, c'était 9, puis 18 en 2017‑2018 et 13 en 2018‑2019. Le chiffre diminue constamment. En 2019‑2020, il y en a eu 12, puis 11 en 2020‑2021.
Il est franchement faux de laisser entendre que le projet de loi a donné lieu à cette nouvelle mesure la moins privative de liberté. C'est le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney qui l'a introduite. En ce qui concerne la suggestion selon laquelle les reclassifications ont entraîné des évasions de prisonniers, il y a eu des fluctuations, mais le nombre le plus élevé était 37 évasions en 2006‑2007. Je tiens à ce que ces faits figurent au compte rendu, car ils sont vraiment importants si nous voulons parler de reclassification et de niveaux de sécurité.
Monsieur Wilkins, vous avez parlé des agents correctionnels et de leur rôle. Vous avez dit avoir des suggestions sur la façon dont la voix des membres de votre syndicat peut faire partie de cette consultation continue, et je pense qu'il y a des améliorations à apporter ici. Je serais heureuse de recevoir toute recommandation à ce sujet au sein du Comité.
J'aimerais aussi poser une question. Les conservateurs ont proposé un système au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui permettrait de voir la totalité de la classification d'un détenu... Si la détention commence par une cote de sécurité maximale, celle‑ci ne bougerait pas. Il n'y aurait pas d'incitation à la bonne conduite ni de mécanisme de réadaptation.
Vos membres se préoccupent-ils de leur propre sécurité s'il n'y a pas d'interventions de réadaptation et de mesures à mettre en place pour favoriser une bonne conduite et promouvoir ce genre de programme dans les établissements? Le risque pour vos membres ne serait‑il pas plus grand s'il n'y avait pas de possibilité de réadaptation et de programmes?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur le processus d'évaluation de la cote de sécurité.
Selon ce que je comprends de ce qui a été dit jusqu'à maintenant, ce ne sont pas nécessairement les membres représentés par vos deux syndicats qui procèdent à ce type d'évaluation. Je veux quand même faire un lien avec l'évaluation faite par les agents de libération conditionnelle.
Ce n'est pas un secret, il y a une surcharge de travail au sein du système. Selon un sondage mené en 2019 auprès du syndicat des employés de la sécurité et de la justice, il y avait manifestement une surcharge de travail. Cela a été rapporté dans plusieurs médias écrits. Je vais lire un extrait d'un de ces articles, parce que je pense qu'il y a un parallèle ou un lien à faire avec les personnes qui sont chargées de l'évaluation au sein du système. Il s'agit d'un article de La Presse de mai 2019, mais, selon les discussions que j'ai eues avec le syndicat au cours des derniers mois, le problème semble être toujours présent.
Voici ce que dit l'article:
Les agents de libération conditionnelle du Canada affirment que le système correctionnel du pays est à un point critique en raison d’une charge de travail « insurmontable » — une situation qui, selon eux, pose de réels risques pour la sécurité publique.
Un sondage mené par le Syndicat des employés de la sécurité et de la justice (SESJ) auprès des agents de libération conditionnelle a révélé que plus des deux tiers des agents craignent de ne pas pouvoir protéger correctement le public, faute de temps pour évaluer, superviser et préparer la sortie de détenus.
Le syndicat, qui représente les agents, affirme que cela signifie que de nombreux contrevenants passent dans les mailles du filet — des gens qui, dans certains cas, peuvent récidiver et faire du mal à autrui ou à eux-mêmes.
David Neufeld, vice-président national du syndicat, soutient que les problèmes découlent de compressions budgétaires sous l’ancien gouvernement conservateur, qui ont entraîné une réduction des effectifs et une augmentation de la charge de travail.
Depuis lors, les mesures prises par le gouvernement Trudeau pour offrir davantage de programmes aux délinquants autochtones et aux personnes atteintes de maladies mentales ont nécessité plus de travail, a ajouté M. Neufeld.
Le syndicat réclame plus de personnel et davantage de ressources au sein du système correctionnel afin de veiller à ce que les détenus soient correctement évalués en ce qui a trait aux risques en vue d’une libération.
Je sais qu'il s'agit de deux éléments distincts, mais j'aimerais entendre votre opinion, monsieur Ménard.
Est-ce toujours un problème pour les agents de libération conditionnelle? Peut-on faire ce lien avec les agents ou les personnes qui procèdent à l'évaluation des cotes de sécurité pour les détenus? À votre connaissance, y a-t-il, là aussi, une surcharge de travail qui pourrait nuire à la sécurité du public?
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Je vais le faire, monsieur le président, car je pense qu'il est juste de dire que nos agents de libération conditionnelle et nos agents de classement, les membres des deux syndicats qui sont représentés ici aujourd'hui, accomplissent un travail remarquable dans des circonstances très difficiles.
Ils doivent faire face à des problèmes sur le lieu de travail et à des problèmes de santé mentale qui sont soulevés tous les jours. Leur milieu de travail est très difficile. C'est pourquoi, le 20 septembre, j'ai déposé le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, qui crée une présomption concernant la classification des blessures pour les travailleurs correctionnels fédéraux — les membres du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice et du Syndicat des agents correctionnels du Canada — afin que ce soit couvert.
Je voulais demander aux représentants des deux organisations ici présentes dans quelle mesure le gouvernement fédéral devrait fournir des ressources supplémentaires — adopter des projets de loi comme celui que j'ai déposé au nom du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice — de sorte que leurs membres, qui font un travail si précieux, puissent évoluer dans un milieu qui est sûr et qui leur permet de continuer à faire leur travail pour les Canadiens.
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Je pense pouvoir répondre à cette question. Merci beaucoup de la question ainsi que du projet de loi et de cette mention.
Je pense qu'il est extrêmement important de comprendre que, dans le cadre du travail crucial que nous accomplissions pour protéger la sécurité des Canadiens, ce que nos membres font dans les coulisses — peu de gens connaissent le travail qui est effectué —, les ressources constituent certainement une question très importante. Une situation dans laquelle il y a un manque de ressources ajoute une pression considérable sur nos membres qui sont dans ces établissements, dans les bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité et dans les centres correctionnels communautaires et qui entreprennent ce travail. Il s'agit d'un travail de première ligne et de soutien. Tout le monde est touché par ce travail. C'est un travail stressant au départ. Il est certain que le risque de blessures liées au stress opérationnel est élevé dans le milieu correctionnel. Nous le savons. Cependant, en l'absence de ressources adéquates, il est encore plus élevé. Il s'agit d'un facteur aggravant. Pour que l'évaluation et les résultats soient bons, je pense que nous savons que nous aurons besoin d'un personnel de sécurité publique en bonne santé.
Nous demandons à tous les partis de soutenir le contenu du projet de loi , les modifications qu'il apporterait à la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, afin que tous les employés fédéraux de la sécurité publique soient traités de la même manière dans l'ensemble du pays. À l'heure actuelle, cette question est laissée à la discrétion des provinces. La Loi sur l'indemnisation des agents de l'État confie l'évaluation à chaque province. Par conséquent, nos membres ne sont pas tous traités de la même manière. Ils ne bénéficient pas en principe de la même couverture dans toutes les provinces. Ainsi, un membre qui se trouve dans une province peut bénéficier d'une protection présomptive pour sa blessure, alors que dans une autre province, il n'en bénéficierait pas. Ce n'est pas juste. Cela ne nous met pas dans une bonne position, car nous continuons à voir de plus en plus de membres du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice partir en congé pour cause de blessures liées au stress.
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Merci beaucoup. Mes questions s'adresseront à M. Wilkins.
Nous savons que Paul Bernardo était un meurtrier et un violeur en série. Nous savons qu'il a commis des actes absolument ignobles et dégoûtants. Il a été décrit comme un psychopathe et un prédateur sexuel sadique. Nous savons également que pendant son séjour dans une prison à sécurité maximale, il a fait l'objet d'une évaluation tous les deux ans, soit 14 fois au total, la dernière ayant eu lieu en juin 2022. Un mois plus tard seulement, bien sûr, la décision a été annulée. Il a été transféré dans une prison à sécurité réduite.
Toutefois, jusqu'à ce moment‑là, la Commission des libérations conditionnelles avait déterminé, à 14 reprises, qu'il n'était pas apte à être transféré. La raison en était que, selon la décision de la Commission des libérations conditionnelles et ce qu'elle indiquait dans son rapport, M. Bernardo n'avait pas manifesté de remords ni d'empathie et n'avait aucunement réfléchi aux crimes qu'il a commis. En outre, à trois reprises, il a été trouvé en possession de choses interdites dans sa cellule. Il a été trouvé en possession d'un rasoir et d'une arme. En outre, il a attaqué un gardien et a bien entendu causé des préjudices dans cette affaire également. Il s'agit d'un individu détenu dans une prison à sécurité maximale. Il a également été déclaré délinquant dangereux.
Ma question est très simple. Est‑ce quelqu'un que l'on devrait transférer d'une prison à sécurité maximale à une prison à sécurité moyenne?
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Merci, monsieur le président. Merci aux témoins de comparaître devant le Comité.
J'ai pris quelques notes en consultant le rapport de la vérificatrice générale sur le racisme systémique au sein du Service correctionnel du Canada. Nous savons que pour chaque délinquant admis dans un établissement correctionnel, le personnel correctionnel doit avoir recours à l'Échelle de classement par niveau de sécurité pour déterminer son niveau de sécurité. Nous avons constaté que le personnel correctionnel avait en fait dérogé à la recommandation de l'Échelle pour 30 % des évaluations de sécurité, en octroyant un niveau de sécurité plus élevé pour la moitié de ces cas et un niveau de sécurité moins élevé pour l'autre moitié.
Tout d'abord, l'allégation selon laquelle il existe une approche laxiste en matière de criminalité est quelque peu ridicule. Toutefois, j'aimerais comprendre ce qui pousserait le personnel correctionnel à déroger à la recommandation de l'Échelle de classement par niveau de sécurité.
N'importe lequel des témoins peut répondre à la question.
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Effectivement, le dossier doit être pris en compte dans son ensemble. Il y a des outils qui servent à obtenir un résultat, que ce soit l'Échelle de classement par niveau de sécurité, qui est utilisée au début de la peine d'incarcération ou au moment du retour en établissement lors d'un échec en communauté, ou bien l'Échelle de réévaluation de la cote de sécurité, qui est utilisée au minimum tous les deux ans, lors de la révision de l'ensemble du dossier. Les résultats obtenus par le recours à ces outils sont mis en parallèle avec toutes les autres données recueillies qui s'inscrivent sous trois facteurs à considérer: le risque à l'intérieur des murs, le risque d'évasion et le risque pour la sécurité du public.
La grande particularité ou caractéristique des détenus qui sont dans un établissement à sécurité moyenne, par comparaison aux détenus qui sont dans un établissement à sécurité maximale, c'est le niveau de risque à l'intérieur des murs. C'est le facteur qui sera déterminant dans presque tous les dossiers. C'est l'adaptation en établissement qui va presque toujours faire qu'un détenu pourrait se trouver dans un établissement à sécurité moyenne plutôt que dans un établissement à sécurité maximale, et ce, quel que soit le résultat obtenu lorsqu'on utilise l'échelle. En fait, on considère le résultat, car il est important, mais ce n'est pas tout.
Prenons un exemple très simple, soit celui d'un bon détenu, bien tranquille, qui est dans un établissement à sécurité moyenne, qui fait ce qu'il a à faire, qui suit ses programmes, mais qui se fait prendre en possession de 100 livres de cocaïne et d'armes à feu. Je vous garantis que, même si l'évaluation au moyen de l'échelle indique qu'il correspond à une cote de sécurité moyenne, on lui attribuera une cote de sécurité maximale.
Vous comprendrez que l'outil ne peut pas tout calculer, parce qu'il y a beaucoup trop de données à considérer. Il y a donc des exceptions. C'est la raison pour laquelle, au bout du compte, ce sont des êtres humains, en l'occurrence nos membres, les agents de libération conditionnelle, qui formulent des recommandations. Si on se basait seulement sur un outil, il n'y aurait pas de professionnels pour prendre en compte l'ensemble d'un dossier. Les outils ne tiennent compte que d'une parcelle des données, soit celles qui ont été considérées par la science, nous dit-on, et qui seraient exactes, à ce jour. C'est le Service correctionnel du Canada qui prétend cela. Pour notre part, nous travaillons avec les outils qu'on nous donne.
C'est mon propos.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur présence.
Les audiences de ce comité sont importantes, car nous essayons de comprendre une décision épouvantable qui n'aurait pas dû être prise et je pense que nous sommes tous d'accord là‑dessus. Notre comité peut formuler des recommandations pour que plus jamais ce type de décision ne soit prise.
Dans notre collectivité, le nom « Paul Bernardo » est synonyme de mal et la décision a eu pour effet de victimiser à nouveau les familles, qui ont dû revivre cet horrible souvenir à cause, je dirais, du manque de compassion et de perspicacité du Service correctionnel du Canada en ce qui concerne son processus de transfèrement des détenus.
Les conséquences de cette décision et de ces crimes horribles ont été particulièrement ressenties dans notre collectivité, à Niagara, ainsi que dans celle de mon collègue. Elle a fait en sorte que des amis de Kristen French ont communiqué avec mon bureau pour voir s'il était possible de trouver des moyens de faire en sorte que ce type de décision soit annulé et qu'une telle chose ne se reproduise plus jamais.
C'est ce qui m'a amené à élaborer un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi , qui exigerait que tous les délinquants dangereux et les auteurs d'une série de meurtres condamnés par un tribunal soient détenus en permanence dans un établissement à sécurité maximale. De plus il abrogerait la norme relative au « milieu où seules existent les restrictions les moins privatives de liberté » et rétablirait le concept « restrictions nécessaires » que le gouvernement conservateur précédent avait adopté.
Mon collègue conservateur, le , a lui aussi présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui sera débattu très bientôt. Il s'agit du projet de loi . Il modifiera la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'exiger que les détenus qui ont été déclarés délinquants dangereux ou déclarés coupables de plus d'un meurtre au premier degré se voient attribuer une cote de sécurité maximale et être incarcérés dans un pénitencier à sécurité maximale ou dans un secteur à sécurité maximale d’un pénitencier.
Ce sont là des mesures que nous pouvons prendre. J'espère qu'avec l'appui de tous les collègues de la Chambre, ce type de mesure législative pourra être présenté et mis en œuvre.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Wilkins, si vous le permettez.
Le rapport du Service correctionnel du Canada sur le transfèrement de Paul Bernardo de l'établissement à sécurité maximale à celui à sécurité moyenne a révélé qu'il s'était intégré pendant seulement quatre mois avant que son transfèrement ne soit approuvé, après avoir refusé de s'intégrer à la population générale pendant près de 30 ans. Un transfèrement lui avait été refusé plus tôt dans l'année, et l'une des raisons claires de ce refus était qu'il ne s'était pas pleinement intégré. En fait, ce qui préoccupait principalement le comité d'examen concernant le transfèrement, c'était qu'il n'y avait pas de justification détaillée précisant comment la période de quatre mois était suffisante pour commencer à réévaluer l'adaptation en établissement.
Monsieur Wilkins, d'après votre expérience, avez-vous déjà vu ce type de transfèrement se produire, avec une période d'intégration aussi courte de seulement quatre mois?
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Je peux répondre en premier, si personne n'y voit d'inconvénient.
Les professionnels que nous représentons veulent évidemment un maximum d'indépendance et d'autonomie lorsqu'ils formulent leurs recommandations. C'est ce que nous voulons.
Je dirais que la sécurité publique est un sujet délicat. Les gens situés à la base ressentent les changements de gouvernement. Les politiques ne changent pas, les lois ne changent pas, les directives du commissaire sont réévaluées de temps à autre; tout cela se fait tranquillement. Cependant, les changements de gouvernement apportent des changements de vision, et cela descend effectivement jusqu'à la base et peut avoir une influence sur les professionnels qui travaillent sur le terrain. Quoi qu'il en soit, cela doit avoir le moins de répercussions possible sur nos membres. Si les lois et les directives ne changent pas, ils doivent pouvoir continuer de faire leur travail de façon indépendante.
Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose.
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Certainement. Je vais tenter de répondre rapidement, car je sais que nous allons probablement manquer de temps.
Un établissement à sécurité maximale, bien entendu, est un établissement entouré de murs ou d'une clôture avec une patrouille armée affectée au périmètre, mais il y a aussi des armes à l'intérieur. Des agents affectés à la passerelle d'observation assurent une couverture maximale de toutes les aires de l'établissement, qu'il s'agisse de l'aire des programmes, de l'aire de l'éducation ou de l'aire des loisirs.
Il n'y a pas d'armes à l'intérieur d'un établissement à sécurité moyenne. Il y a un périmètre de sécurité, mais nous comptons beaucoup plus sur la sécurité active que sur la sécurité statique à l'intérieur d'un établissement à sécurité moyenne…
Habituellement, il n'y a pas de clôture autour d'un établissement à sécurité minimale. Les détenus ont la possibilité de quitter les lieux s'ils le souhaitent, mais ils ne le font généralement pas. Cet établissement convient mieux aux détenus qui approchent la fin de leur peine ou à ceux qui purgent de courtes peines pour des délits non violents.
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La surcharge de travail est toujours un problème d'actualité. J'ai commencé ma carrière en 1999, et ce problème existait déjà.
La charge de travail des agents de libération conditionnelle à l'intérieur des murs est calculée sous forme de nombre de délinquants par agent, et ce nombre n'a cessé d'augmenter au cours des années. Lorsque des ratios sont établis, très souvent, ils ne sont pas respectés.
Pour ce qui est des agents à l'extérieur, en communauté, ils doivent produire différents rapports et avoir un nombre minimal de contacts avec les délinquants. La charge de travail en communauté est mesurée par un outil qui fait, en quelque sorte, le minutage du travail des agents de libération conditionnelle.
Alors, c'est effectivement une question extrêmement importante pour nous. Non seulement le nombre de cas et la fréquence des contacts augmentent, mais les cas sont aussi de plus en plus lourds. De plus, l'employeur, soit le Service correctionnel du Canada, demande que l’on considère de plus en plus de facteurs propres à chaque dossier, qu'il s'agisse de la santé mentale ou de l'ethnicité, par exemple. Alors, il y a beaucoup de variables qui doivent être prises en considération et qui alourdissent les rapports, les interactions et les interventions.
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Je vous remercie beaucoup.
Je remarque — et je pense que c'est important pour le compte rendu — que les cinq pires années pour les évasions de prison étaient toutes sous l'ancien gouvernement conservateur de M. Harper. Je pense que c'est une chose à laquelle nous devons réfléchir dans l'optique de la sécurité publique et du bilan du gouvernement.
[Français]
Monsieur Ménard, je me tourne maintenant vers vous.
Plus tôt, j'ai posé des questions sur le fait que, parfois, on passe outre à l'évaluation de la cote de sécurité d'un détenu faite au moyen d'une échelle de classement. Selon ce que nous avons entendu, il arriverait dans environ 10 % des cas que cette évaluation ne soit pas prise en compte par des gens au sein du Service correctionnel du Canada, ou même par des gens qui gèrent une prison.
Selon votre expérience, est-ce que cela arrive souvent?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Wilkins, j'ai un exemplaire du mémoire que votre organisme a présenté au Comité en 2018, lors de notre première étude sur le projet de loi . Je constate que votre troisième demande était la suivante: « l’élimination du libellé qui, à l’heure actuelle, recommande que les options d’intervention soient le moins restrictives possible pour revenir au libellé précédent, qui recommandait qu’elles soient les plus appropriées ».
Le fait est qu'avant le projet de loi , les mots « le moins restrictives » ne figuraient pas dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle a été modifiée en 2012 sous notre gouvernement conservateur dans le cadre de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, ce qui nous a permis d'éliminer les mots « le moins restrictives possible » pour les remplacer par les mots « le plus approprié » ou « les restrictions nécessaires ».
Je trouve très intéressant le rapport d'examen publié au cours de l'été par le Service correctionnel du Canada en réponse au transfert de M. Bernardo, car il indique que l'Établissement de Millhaven a élaboré un « plan d’intégration en établissement ». Le rapport indique ensuite ce qui suit: « Ces efforts s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie de gestion en établissement visant à établir des cohortes (...) dans le but sous-jacent d’atténuer les pressions exercées sur la sous-population et d’offrir un milieu moins privatif de liberté aux délinquants. »
Avant le projet de loi , les pénitenciers fédéraux étaient-ils tenus d'adopter des stratégies visant à créer un milieu moins privatif de liberté aux délinquants?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Permettez-moi de rectifier le compte rendu une fois de plus. Je vais offrir une citation pour corriger les renseignements erronés que M. Lloyd vient d'ajouter au compte rendu. Un article du Globe and Mail indique ce qui suit:
Toutefois, une porte-parole de Sécurité publique Canada affirme que le transfert de M. Bernardo aurait eu lieu en vertu de l'ancien libellé de la Loi, qui a été adopté par l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Cette version de la Loi stipulait que les détenus devaient être maintenus dans des établissements avec les restrictions « nécessaires ». Lorsque la Loi a été créée par l'ancien premier ministre progressiste-conservateur Brian Mulroney au début des années 1990, elle utilisait les mots « le moins restrictives ».
« Le résultat de ce transfert n'a pas été affecté par l'adoption du projet de loi C‑83. Un tel transfert aurait également eu lieu en vertu de l'ancien libellé, dans lequel on parlait de restrictions « nécessaires », a déclaré la porte-parole de Sécurité publique…
Monsieur le président, les députés d'en face ont ricané et chahuté pendant toute la lecture de la citation, mais je les comprends, car ils prétendent vouloir punir sévèrement la criminalité, mais ils n'ont aucune preuve de leurs prétentions. Ce sont en réalité deux gouvernements conservateurs qui ont adopté les libellés contenant les mots « le moins restrictives » et « nécessaires », qui n'auraient pas empêché ce transfert.
Si nous voulons parler des changements à apporter pour créer de meilleures conditions de sécurité publique dans les établissements pénitentiaires, nous devrions au moins nous fonder sur des faits, et non sur la fiction créée par les conservateurs. Laissons-les s'amuser, car ils n'ont pas fait grand-chose ici aujourd'hui.
Ma dernière question s'adresse à M. Sandelli.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des différents programmes et de certains des travaux effectués par vos membres à cet égard. Je vous en remercie, car je suis certaine que c'est un travail incroyablement difficile et que vous et vos membres devez en ressentir les effets. Notre étude porte sur l'ensemble des classifications et des transferts de détenus, et non sur un seul individu. Dans de nombreux cas, il peut arriver que même des délinquants dangereux aient purgé leur peine, sur le fondement d'une décision du tribunal, et qu'ils doivent être libérés dans la population.
Du point de vue de la sécurité publique, comment réagiriez-vous si un délinquant qui a purgé sa peine dans un établissement à sécurité maximale était directement libéré dans la communauté sans d'abord avoir suivi un programme de réinsertion sociale? Pensez-vous que cela rendrait nos communautés plus sûres?
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En me fondant également sur ma déclaration préliminaire, je pense que nos membres travaillent extrêmement fort dans le cadre de ces interventions, et nous travaillons dans un système qui a été conçu en fonction d'un scénario selon lequel, lorsqu'un délinquant entre dans le système, on lui offre des possibilités de réadaptation ou d'apprentissage de différentes façons d'agir et de penser, afin qu'il puisse réussir cette transition.
Dans des circonstances idéales, qu'un détenu ait d'abord été incarcéré dans un établissement à sécurité moyenne ou dans un établissement à sécurité maximale, on espère qu'il pourra graduellement passer à un établissement à sécurité moyenne et à un établissement à sécurité minimale, tout en profitant des interventions offertes et en apportant des changements tout au long de son parcours, en plus de faire l'objet d'une évaluation générale par un agent de libération conditionnelle. Dans le cadre de ce processus, on tient compte des rapports rédigés par les responsables des programmes, de tout ce que peuvent fournir le service de psychologie et le service de l'éducation, en plus des résultats des mesures empiriques qui sont en place. Nous avons observé qu'un détenu qui parvient à franchir toutes ces étapes avant de s'intégrer dans la communauté s'en sort généralement mieux, car il se prépare à réintégrer la société après avoir vécu en établissement.
C'est un enjeu bien réel, et il faut du temps pour y parvenir. Nous savons que les 30 premiers jours du retour d'un détenu dans la communauté sont extrêmement stressants. Nous observons les meilleurs résultats chez les individus qui ont obtenu une semi-liberté, généralement après avoir franchi toutes les étapes offertes dans le système.
Compte tenu de la manière dont notre système est conçu, c'est ainsi que nos membres font leur travail sur le fondement des politiques et des directives du commissaire qui ont été mises en place. Si des changements, quelle que soit leur nature, sont apportés à ces politiques et à ces directives ou à leur fonctionnement, nous espérons que les ressources nécessaires auront également été prévues, afin que nous puissions intervenir de manière appropriée et fournir les conseils et le soutien dont ces gens ont besoin pour continuer à travailler dans le cadre de ce modèle.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais commencer en disant qu'il y a eu beaucoup de discussions par ici pour faire de ce sujet un enjeu non partisan. Jamais je n'ai entendu de ce côté‑ci de la table le mot « libéral » ni les mots « » être prononcés. Je n'ai pas entendu beaucoup de ce genre de qualificatifs. Toutefois, de l'autre côté de la table, j'entends parler de premiers ministres qui étaient en exercice il y a environ 20, 30 ou 40 ans. On parle de partisanerie. Je pense que ce que j'entends ici aujourd'hui est absolument dégoûtant. Nous sommes ici pour résoudre les problèmes de notre temps. Nous ne sommes pas ici pour parler... J'entends les députés d'en face faire « Hm, mm ». C'est de la désinvolture.
Savez‑vous, j'ai présenté un exemple concret d'un crime horrible commis par deux détenus qui s'étaient échappés d'un établissement à sécurité minimale, mais quelqu'un de l'autre côté — du côté des libéraux; je vais le dire, parce qu'on nous a appelés « les conservateurs » toute la journée — a dit à quel point les libéraux font un excellent travail et qu'il y a moins d'évasions. Pourquoi n'appelez‑vous pas la famille de la victime pour lui dire à quel point vous faites un excellent travail et qu'il y a moins d'évasions, alors qu'elle a perdu un être cher?
Je ne pense pas que vous écoutiez attentivement à l'heure actuelle, madame O'Connell, mais je suis toujours en train de parler.
Le président: Veuillez vous adresser à la présidence.
M. Doug Shipley: Tout cela me répugne un peu. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler des droits des victimes et poursuivre...
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Oui, ma question s'en vient, et elle sera sans équivoque. Je n'ai que quelques petites choses encore à dire. Nous sommes assis ici et nous avons reçu beaucoup de remarques partisanes venant de l'autre côté. C'est intéressant qu'ils invoquent maintenant le Règlement quand nous leur rendons la pareille. Nous sommes réunis depuis une heure et demie, mais tout ce qu'ils nous servent n'est que partisanerie; cela suffit.
Comme je l'ai dit, si les évasions sont en baisse et que l'enjeu ici n'est pas important... Je pense qu'il l'est. Le sujet à l'étude aujourd'hui, c'est les droits des victimes d'actes criminels. Je ne pense pas que nous en ayons assez parlé.
J'aimerais aussi savoir... De l'autre côté, on a fait allusion aux détenus dont le niveau de sécurité est abaissé. J'espère sincèrement qu'on ne songe pas à abaisser le niveau de sécurité de Bernardo et à le libérer. Si c'est ce à quoi vous songez, c'est horrible. J'espère qu'il ne verra jamais la lumière du jour.
Je poserais la question suivante aux témoins... Au tout début, j'ai dit que les choses s'étaient faites en secret et que personne n'était au courant. Seules trois personnes à Millhaven étaient au courant de son transfèrement.
Comment le personnel pouvait‑il se préparer à la prise en charge d'un horrible criminel comme lui, si personne dans l'établissement d'arrivée ne savait qu'il s'en venait, monsieur Wilkins?
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Je vous remercie, monsieur Wilkins.
Ce que nous tentons de dire ici, aujourd'hui, et l'enjeu que nous cherchons à régler, c'est qu'il y a eu des problèmes dans ce transfèrement. Cela pose problème. Le public a décrié la décision, et il est toujours indigné. Vous êtes d'accord qu'il y a eu des faux pas. Nous ne réglerons peut‑être pas tous les problèmes ici, aujourd'hui, mais au moins c'est notre travail d'essayer de les régler.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Je crois que mon temps est écoulé.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais reposer la question que j'ai posée à la hâte à ma dernière intervention.
D'après le rapport de la vérificatrice générale sur le racisme systémique à Service correctionnel Canada, nous savons qu'il y a des disparités dès que les contrevenants entrent dans les établissements fédéraux. Nous savons que l'attribution des cotes de sécurité, y compris l'utilisation de l'échelle de classement par niveau de sécurité — dont nous avons parlé ici au Comité —, et les dérogations à cette échelle que les agents correctionnels accordent souvent conduisent un nombre disproportionné de délinquants noirs et autochtones vers les établissements à sécurité maximale. Même si la majorité des contrevenants seront mis en liberté conditionnelle avant la fin de leur peine, les données montrent que ces détenus demeurent derrière les barreaux plus longtemps et à des niveaux de sécurité plus élevés.
J'aimerais simplement savoir ce que pensent les témoins de ces données. Pensent‑ils que le processus pourrait être plus juste? Comment pourrions‑nous avoir un processus plus juste?
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Je peux me prononcer sur la question.
Nos membres, en particulier les agents de programme correctionnel ainsi que les agents de libération conditionnelle, reçoivent des formations axées précisément sur les questions ethniques. Ces formations leur sont données de façon régulière, par exemple chaque année ou tous les deux ans. Les statistiques sont connues dans le système et nos membres sont informés sur ces questions. Ces formations ont pour but d'accroître leur sensibilité à cet égard, car ils doivent considérer les spécificités ethniques, c'est-à-dire les différences qui peuvent exister entre les divers groupes ethniques, et soupeser ces variables au moment de formuler leurs recommandations à l'intention des décideurs.
Le but de tout cela est évidemment d'essayer d'enrayer autant que possible toute forme de discrimination qui pourrait être inconsciente et d'éduquer nos membres afin qu'ils gardent toujours le même professionnalisme.
Ce n'est pas vrai que nos membres travaillent pour faire des statistiques. C'est possible que l'organisation veuille atteindre certaines statistiques, mais, de notre côté, nos membres sont formés pour être davantage sensibilisés à ces questions, afin qu'ils soient les plus justes possible lorsqu'ils formulent des recommandations.
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Merci, monsieur le président.
J'ai une question concernant le droit à la vie privée par opposition aux droits des victimes, dans la foulée du transfèrement du détenu Bernardo. Ma question s'adresse autant à M. Wilkins qu'à M. Ménard, alors j'aimerais qu'ils se sentent bien à l'aise d'y répondre tous les deux.
Dans ce cas précis, le précédent ministre de la Sécurité publique, , avait dit que les Canadiens avaient le droit de savoir pourquoi le Service correctionnel du Canada avait procédé au transfèrement de M. Bernardo. Pour sa part, le Service correctionnel du Canada disait plutôt avoir l'obligation de protéger le droit à la vie privée du détenu. Selon un article de Radio‑Canada, un porte-parole du Service correctionnel du Canada disait « qu'en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'organisme indépendant ne peut pas divulguer les informations personnelles d'un détenu sans son consentement, “sauf dans des circonstances spécifiques” ».
Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances précises on pourrait donner certaines informations ou notifications aux familles des victimes, par exemple? Comment ce processus se fait-il, en général?
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J'aimerais commencer par faire un commentaire.
En ce qui concerne la protection de la vie privée, je peux dire honnêtement que c'est la première fois en 21 ans de carrière que je nomme publiquement un délinquant. C'est quelque chose qu'on nous apprend lorsque nous joignons le service: la vie privée des détenus est primordiale. Nous ne sommes pas censés en parler à nos amis ni à notre famille. En fait, même dans les réunions de comité patronal‑syndical, nous ne désignons généralement pas les détenus par leur nom.
Les préoccupations relatives à la vie privée reposent en général sur toutes sortes de raisons. Dans le cas présent, je pense que vous demandez s'il y a un bon équilibre. Bien sûr, les victimes ont clairement besoin de savoir ce qui se passe exactement avec le détenu. Parce que ce détenu est si connu au Canada, je pense bien qu'il faut prendre ces préoccupations en considération. Je dirais honnêtement que des libertés ont été prises à un point que je n'avais jamais vu auparavant quant aux informations transmises à la population sur son transfèrement.
Messieurs Wilkins, Ménard et Sandelli, je vous remercie beaucoup de votre témoignage aujourd'hui. Quelles autres recommandations pourriez‑vous nous faire pour bâtir un système digne de confiance, pour que le public ait confiance dans le transfèrement de détenus, la classification au bon niveau des détenus sans dérogation et la transmission des informations voulues aux familles des victimes?
Afin de bâtir un système auquel les Canadiens peuvent accorder toute leur confiance, quelles recommandations pouvez-vous nous faire, tous les trois, en vue de la production du rapport de notre comité durant les prochaines semaines?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Plus loin dans le rapport d'examen publié cet été en réponse au transfèrement de Bernardo, il est indiqué que la dérogation à l'échelle de réévaluation de la cote de sécurité — il avait reçu une cote de sécurité moyenne, mais il y a eu 13 reclassifications — s'expliquait principalement par « des mesures qui étaient nécessaires pour gérer le délinquant en toute sécurité, et non par des problèmes de comportement ».
Je trouve intéressant qu'on fasse surtout état de la sécurité du délinquant. Il ne semble pas qu'on se soit beaucoup inquiété des comportements du délinquant. Les gens de la Commission des libérations conditionnelles parlaient de manipulation, d'idées de grandeur, de désinvolture et d'un manque de remords pour ses actions. La liste se poursuit encore et encore. On parle ici d'un psychopathe, comme la commission l'a réitéré à maintes reprises.
Je trouve aussi intéressant que les définitions des cotes de sécurité fournies par la Bibliothèque décrivent les établissements à sécurité moyenne comme un milieu qui « permet aux délinquants d'interagir avec les autres détenus et les prépare à progresser vers les établissements à sécurité minimale ». Service correctionnel Canada signale que les détenus ne vont pas forcément passer à un établissement à sécurité minimale ou être libérés dans la société, mais je trouve cela très préoccupant. J'aimerais pouvoir rassurer les Canadiens et les familles des victimes et dire que cela ne s'inscrit pas dans un effort pour faire passer M. Bernardo d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne qui, par définition, vise à le préparer à être potentiellement transféré dans une prison à sécurité minimale.
Est‑ce que M. Wilkins ou les autres témoins peuvent garantir aux Canadiens et à ce comité que M. Bernardo ne sera pas transféré dans une prison à sécurité minimale?
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Je comprends. Merci de votre réponse, monsieur Wilkins.
Avant même la transition d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité minimale en tant que telle, il était déjà inconcevable que cette décision — que l'ancien a d'ailleurs qualifiée de « choquante et [d']incompréhensible » — ait été prise. Nous sombrons dans l'indifférence à force d'être témoins de l'accumulation de décisions choquantes et incompréhensibles qui sont prises au pays. C'est extrêmement préoccupant.
La décision de sortir ce détenu d'un établissement à sécurité maximale était à ce point incompréhensible que je ne serais pas surpris de voir au cours des prochaines années... Je ne serais même plus scandalisé par un transfert au minimum, car la décision qui a été prise est tellement choquante et incompréhensible. Nous ne pouvons pas donner la garantie aux Canadiens que cet individu ne sera pas transféré au minimum, sauf si des modifications législatives établissent, comme l'a recommandé votre syndicat, des exigences générales qui permettraient d'éviter que les criminels de la pire espèce atterrissent grâce au système dans des établissements à sécurité minimale.
Que pourrions-nous faire pour assurer aux Canadiens que ce scénario ne se produira pas? Ma question s'adresse à M. Wilkins ou à n'importe quel témoin qui connaît bien la Commission des libérations conditionnelles.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins du travail qu'ils accomplissent. Je les remercie également d'être venus témoigner au nom de leurs membres aujourd'hui.
Monsieur Ménard, merci de votre réponse, car je pense que ce serait très dangereux de laisser entendre aux victimes, à leur famille et à leurs amis, que le Comité... Le fait d'évoquer sans s'appuyer sur des faits que cet individu pourrait se retrouver dans la communauté est tout simplement irresponsable.
Je vous remercie d'avoir expliqué clairement le processus et exposé les raisons pour lesquelles les politiciens ne se mêlent pas des transfèrements d'un lieu de détention à un autre, puisque ce sont des experts — vous trois et vos membres — qui montent les dossiers qui permettent de prendre les décisions en question. Vos explications seront inscrites au compte rendu et rassureront les Canadiens sur la robustesse du processus. Elles permettront de contrer les propos alarmistes et les jeux politiques faits au nom de je ne sais quoi... L'instrumentalisation de crimes haineux à des fins politiques est vraiment navrante.
Monsieur Wilkins, vous avez parlé de mieux intégrer au processus les avis et les observations des agents. Vous avez dit que les détenus se comportaient parfois très différemment avec les agents de libération conditionnelle, ce que je peux parfaitement imaginer. Les agents correctionnels pourront dire ce qu'ils en pensent.
Comment fonctionnez-vous dans ces circonstances? Des mécanismes vous permettent-ils de recueillir les avis des agents correctionnels afin d'étayer le profil des détenus? M. Wilkins soulève un bon point en soulignant que les détenus changent de comportement lorsqu'ils sont en présence, par exemple, de leur agent de libération conditionnelle. Avez-vous quelque chose à suggérer pour améliorer ces interactions?
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On parle ici d'une équipe de gestion de cas, qui est constituée principalement de trois types d'employés: l'agent de libération conditionnelle, son superviseur et l'agent de correction. Parfois, selon les dossiers, des psychologues, des psychoéducateurs, des éducateurs spécialisés, ou même des professeurs, peuvent se greffer à l'équipe.
Évidemment, l'agent de correction doit consigner ce qu'il observe dans différents documents, comme des registres d'intervention, des rapports d'observations et des rapports d'incidents. Je vous garantis que ce qui est écrit est forcément pris en compte. Quand les agents de libération conditionnelle ouvrent leur ordinateur, ils sont en mesure de voir à l'écran s'il y a eu des incidents, car l'ordinateur les cumule. L'information est là, visible. Ils peuvent lire ce qui se passe et ce qui est arrivé. Ils peuvent consulter les rapports d'infractions et voir ce qui s'est produit. Il y a énormément d'information qui provient des agents de correction, du personnel sur le plancher, des professeurs, des agents de programme, des agents de programmes sociaux, des agents de liaison autochtone, et ainsi de suite. Au bout du compte, la personne qui doit prendre en compte toute cette information, c'est l'agent de libération conditionnelle.
Toutes les informations sont cumulées dans des dossiers informatiques et dans des dossiers en format papier. C'est ce qui explique un peu la lourdeur de la tâche: il y a énormément d'information à prendre en compte.
De plus, rien n'empêche les gens de se parler entre eux, évidemment. Ce sont de bonnes pratiques qui doivent être encouragées.
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Merci, monsieur Sandelli. Voilà qui nous amène à la fin de la période de questions.
Messieurs Ménard, Sandelli et Wilkins, merci beaucoup du professionnalisme que vous avez démontré lors de notre discussion sur ce sujet très important.
Vous êtes libres de quitter la séance.
Chers collègues, le greffier voudrait que je vous signale une ou deux choses. Je vais donc faire ce que me demande mon patron.
Lundi prochain, nous tiendrons une séance sur la même étude. Les témoins suivants ont confirmé leur participation: M. Shawn Tupper, sous-ministre de Sécurité publique Canada, et Mme Anne Kelly, commissaire de Service correctionnel Canada.
Nous avons un problème. L'enquêteur correctionnel du Canada, M. Ivan Zinger, ne pouvait pas témoigner aujourd'hui. Il a demandé à comparaître après le 7 décembre, car il se trouve à l'étranger en ce moment.
J'aimerais soumettre cette demande au Comité, mais je suppose que nous n'avons pas vraiment le choix.
Rapidement, le budget de voyage concernant le port de Montréal a été rejeté aujourd'hui par le Sous-comité des budgets de comité du Comité de liaison.
Un député: Nous pouvons nous y rendre en groupe.
Le président: Si les membres du Comité sont d'accord, une option dont nous disposons serait de demander au greffier de préparer un autre budget de voyage pour le Comité et de présenter une demande pour la période allant d'avril à juin.
Des députés: D'accord.
Le président: Comme c'est ce que veut le Comité, je vais le suggérer.
Monsieur Julian, vous avez la parole.