Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à tous à cette 45e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Nous commencerons par reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres participent soit en présentiel dans la salle, soit à distance avec l'application Zoom.
Conformément à notre motion pour affaires courantes, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 23 juin 2022, le Comité reprend l'étude du projet de loi C‑21, Loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu).
Nous avons aujourd'hui deux groupes de témoins. Dans la première heure, nous entendrons, par vidéoconférence, le chef régional Terry Teegee de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Nous recevons aussi la quatrième vice-cheffe Heather Bear de la Federation of Sovereign Indigenous Nations. Enfin, nous accueillons Mme Melanie Omeniho, présidente de Women of the Métis Nation - Les Femmes Michif Otipemisiwak.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire.
Chef régional Teegee, vous avez la parole pour cinq minutes.
Tout d'abord, je veux reconnaître que je vous parle sur les terres non cédées et toujours occupées de la Première Nation Lheidli T'enneh.
Je remercie tous les membres du Comité de leur présence aujourd'hui. Je remercie également la vice-cheffe Bear et la nation métisse.
Comme notre temps est limité, je vais aborder tout de suite nos préoccupations et nos recommandations. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous voulons des communautés plus sûres. Pour ce faire, nous devons entre autres restreindre davantage l'accès aux armes telles que les armes de poing et les armes d'assaut.
Les initiatives du gouvernement fédéral visant à restreindre ou à bloquer la vente ou le transfert d'armes prévues dans le projet de loi C‑21 sont louables. Nous sommes néanmoins très préoccupés par le manque de clarté concernant les mesures dites « drapeau rouge » ou « drapeau jaune » qui s'appliquent aux membres des Premières Nations, surtout lorsque ces mesures s'appliquent à ceux qui vivent dans des réserves et dans les communautés des Premières Nations.
Les armes de poing et les armes d'assaut ne sont pas utilisées pour la chasse. Toutefois, le projet de loi C‑21 ne prévoit pas de lignes directrices sur la façon dont s'appliqueront ces nouvelles mesures dites drapeau rouge et drapeau jaune aux Premières Nations.
Ce manque de clarté peut avoir des conséquences graves sur la possession d'armes d'épaule et de carabines, dont l'utilisation responsable, pour la chasse, est très répandue dans les réserves et les communautés des Premières Nations de même que dans les terres traditionnelles et les terres assujetties à des traités. Le Parlement ne doit pas laisser de côté ce problème qui risque de restreindre les droits de chasser ancestraux ou issus de traités prévus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et dans la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée l'an dernier.
Les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ des Premières Nations connaissent les taux les plus élevés de violence fondée sur le sexe et de violence entre partenaires intimes au pays. Parallèlement, les hommes et les femmes des Premières Nations sont surreprésentés dans les établissements carcéraux à des taux ahurissants. Les peuples des Premières Nations forment la population carcérale qui enregistre la croissance la plus rapide au Canada, malgré des décennies de recommandations et de réformes du système de justice pénale, qui étaient bien intentionnées au départ, mais qui se sont avérées inefficaces, puisqu'elles n'ont pas réussi à éradiquer le racisme systémique et le colonialisme au sein du système de justice pénale.
Comme je l'ai mentionné, les membres des Premières Nations sont déjà surreprésentés. Ils sont aussi appréhendés de façon disproportionnée par la police. On ne sait pas exactement comment le projet de loi pourrait favoriser les pratiques policières discriminatoires ou les interactions négatives avec les forces de l'ordre.
Le problème des gangs s'envenime dans les communautés et les réserves des Premières Nations, mais le projet de loi ne prévoit aucun nouvel outil qui permettrait aux corps policiers des Premières Nations de contrer ces gangs et la violence armée, objectif pourtant explicite du projet de loi. La violence perpétrée par les gangs est la manifestation de problèmes chroniques tels que la pauvreté, le manque de services, le chômage et la violence intergénérationnelle. Des solutions à ces problèmes fondamentaux en feront plus pour réduire cette violence que le resserrement des restrictions visant les propriétaires d'armes respectueux des lois. Il doit y avoir une plus grande coopération entre les forces policières non autochtones, telles que la GRC, et les forces policières autochtones et des Premières Nations.
Nous recommandons les modifications suivantes.
L'Assemblée des Premières Nations recommande que les dispositions du projet de loi C‑21 prévoyant des mesures dites drapeau rouge ou drapeau jaune soient modifiées afin que les droits inhérents et constitutionnels des Premières Nations soient respectés.
Nous recommandons que l'application des mesures dites drapeau rouge ou drapeau jaune soient clarifiée pour les peuples des Premières Nations, notamment les réserves.
Nous recommandons qu'un mécanisme de surveillance soit instauré pour que le contrôleur des armes à feu consulte les Premières Nations au sujet des ordonnances de type drapeau rouge ou drapeau jaune et qu'il s'assure que celles‑ci ne restreignent pas l'accès aux armes à feu communément utilisées pour la chasse.
Nous recommandons que le projet de loi C‑21 soutienne les services de police des Premières Nations et fasse en sorte que les ressources dont ils ont besoin pour maintenir la loi et l'ordre dans leur territoire soient arrimées aux causes profondes de la violence commise par les gangs et de la violence armée.
Nous recommandons que le projet de loi C‑21 soutienne les programmes de prévention destinés aux jeunes des Premières Nations et conçus pour contrer la violence commise par les gangs et les armes illégales.
Finalement, nous recommandons que le projet de loi C‑21 appuie les programmes de prévention de la violence fondée sur le sexe et de la violence contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ au sein des Premières Nations.
Essentiellement, l'Assemblée des Premières Nations est d'avis que le gouvernement du Canada doit mettre en place un processus permettant d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones au titre de l'article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui est désormais inscrite dans la loi canadienne en la matière.
(1110)
Merci de votre temps. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci. Je vous parle ce matin du magnifique territoire non cédé du Traité no 6.
Merci d'avoir invité la Federation of Sovereign Indibenous Nations à comparaître lors de cette séance importante consacrée au projet de loi sur les armes à feu.
La fédération défend les intérêts de 73 Premières Nations dans la province de la Saskatchewan. Nous nous sommes engagés à honorer l'esprit et l'intention des traités, de même qu'à promouvoir, à protéger et à mettre en œuvre les promesses faites dans les traités. Aujourd'hui, j'aimerais parler des droits inhérents de chasse, de pêche, de trappage et d'assemblée des Premières Nations, protégés par la Constitution et les traités, et les difficultés posées par le racisme systémique avec lesquelles nos membres sont continuellement aux prises.
L'affirmation de notre droit de chasser est un élément fondamental des promesses faites aux Premières Nations dans les traités. Nous comprenons que le projet de loi C‑21 a pour objet de s'attaquer aux problèmes de sécurité publique. Nous savons qu'il renferme des dispositions permettant de geler la chasse, des mesures dites drapeau rouge ou drapeau jaune, ainsi que des dispositions permettant de prévenir la contrebande d'armes à feu illégales et d'interdire les armes à air comprimé. Il contient aussi des dispositions visant à modifier le Code criminel.
Les membres des Premières Nations sont conscients des problèmes qui menacent la sécurité des personnes vulnérables. Ils ne s'opposent sûrement pas au gel des armes de poing ou aux mesures dites drapeau rouge vu les problèmes croissants liés à la pauvreté, aux dépendances et aux gangs et la crise des drogues avec lesquels les Premières Nations sont aux prises. Voilà entre autres pourquoi nous réclamons les ressources nécessaires pour établir nos propres systèmes judiciaires, y compris des forces policières pour les tribus. Quant à la sécurité au sein des nations, nous soutenons les lois qui protègent les femmes, les personnes LGBTQ+ et les citoyens.
Nous reconnaissons la nécessité de mettre en place des solutions pour protéger les personnes qui courent un danger immédiat. Par contre, nous craignons que les mesures dites drapeau rouge ou drapeau jaune et les modifications du Code criminel soient utilisées contre les citoyens des Premières Nations, notamment les chasseurs de subsistance visés par les traités qui détiennent un permis. Une disposition du projet de loi énonce que des signalements peuvent être faits selon le principe du drapeau jaune auprès du commissaire aux armes à feu. Cette disposition pourrait mener à des situations abusives telles que le déclenchement d'une enquête sur la base d'un signalement contenant très peu d'informations auprès du commissaire aux armes.
Tous connaissent en Saskatchewan les tensions entre les propriétaires de terres privées et les chasseurs de subsistance visés par les traités. Ces tensions pourraient pousser les propriétaires à signaler n'importe quel individu qui chasse sur leurs terres — ce que bon nombre font déjà — et entraîner la révocation du permis et la confiscation des armes des chasseurs de subsistance. La confiscation des armes des chasseurs de subsistance, qui s'adonnent à cette activité dans le seul but d'apporter de la nourriture à la maison, a des répercussions non seulement sur les chasseurs, mais aussi sur leur famille.
En fait, la confiscation d'armes peut se répercuter sur tous les membres de la nation, car certaines cérémonies, notamment les festins, n'incluent que de la nourriture traditionnelle fournie par des chasseurs. Les produits de la chasse sont également servis lors des funérailles et des célébrations. Comme nous chassons pour de nombreux rassemblements et événements, la confiscation d'armes a des conséquences qui vont bien au‑delà du retrait de ces armes de la circulation.
La confiscation d'armes pour des raisons autres que les risques pour la sécurité, la violence entre partenaires intimes ou toute autre forme de violence empêche les nations et les citoyens de faire valoir leurs droits inhérents, constitutionnels et issus des traités. Les armes sont également considérées comme des outils pour les chasseurs de subsistance des Premières Nations.
Nous savons que le projet de loi a pour objet de révoquer des permis. Or, bon nombre de chasseurs des Premières Nations ne détiennent pas de permis, car leur traité n'en exige pas pour la chasse. Les membres des Premières Nations possèdent un droit inhérent et issu des traités pour la chasse. Ils n'ont pas besoin de permis de possession et d'acquisition ou de tout autre type de permis pour se prévaloir de ce droit. Pourtant, les chasseurs des Premières Nations se font harceler par les agents de conservation et la GRC.
Bien que l'intention du projet de loi C‑21 est de s'attaquer aux problèmes de sécurité, je recommanderais de le modifier pour qu'il dégage explicitement les chasseurs exerçant leurs droits inhérents, constitutionnels et issus des traités pour la chasse de l'obligation de détenir un permis de possession et d'acquisition ou tout autre type de permis. Voilà pourquoi nous étions en désaccord avec une portion du projet de loi C‑71. Cette autre mesure législative qui nous est imposée causera des complications aux membres des Premières Nations, surtout en ce moment où ils se débattent avec le racisme systémique. Nos membres font l'objet d'une surveillance policière disproportionnée et sont surreprésentés dans le système judiciaire et les prisons. Le projet de loi prévoit une exception pour les chasseurs de subsistance, mais nous savons que les juges seront pour la plupart très réticents à l'accorder, car les membres des Premières Nations ne sont pas traités de façon juste et sont présumés coupables a priori.
(1115)
Le Canada doit faire mieux dans la lutte contre le racisme systémique inhérent au système colonial. Il doit modifier ces systèmes pour que les membres des Premières Nations soient traitées de façon juste.
Le Canada doit nous aider à remettre en place nos propres lois. Il doit nous fournir les ressources dont nous avons besoin pour établir nos propres systèmes.
Il doit tenir compte des aspects de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui se rattachent à notre capacité à appliquer notre mode de vie, notamment la chasse de subsistance et la chasse à des fins cérémonielles.
Le Canada doit prendre acte des articles 2, 5, 11 et 15 et adopter des mesures concrètes pour la prévention du racisme systémique et des injustices vécues chaque jour par les membres des Premières Nations.
C'est de cette manière que le Canada parviendra à la réconciliation.
J'invite maintenant Mme Omeniho à faire sa déclaration liminaire. Vous avez la parole pour cinq minutes.
Je pense que nous avons perdu Mme Omeniho. Si nous réussissons à rétablir la communication, nous l'inviterons à prononcer sa déclaration.
Entretemps, nous allons procéder à la période de questions. Je suis désolée pour tous ceux qui avaient des questions pour Mme Omeniho. Nous allons faire de notre mieux pour régler ce problème.
En fait, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour essayer de rétablir la communication avec Mme Omeniho.
Apparemment, Mme Omeniho a perdu la connexion Internet. Elle ne pourra pas se joindre à nous. Nous essayerons de la faire comparaître peut-être plus tard dans la séance, avec le prochain groupe de témoins ou aussitôt que possible. Je vous présente toutes mes excuses.
Nous allons poursuivre avec Mme Dancho.
Madame Dancho, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui et de nous faire part de vos réflexions sur le projet de loi. Je suis très heureuse que des consultations aient été menées avec les dirigeants autochtones au Canada. Ces consultations sont très importantes pour le projet de loi et pour toute mesure pouvant avoir une incidence sur les droits issus des traités et les droits constitutionnels.
Tout d'abord, je me demandais quelles consultations ont été menées auprès de vous ou auprès d'autres dirigeants autochtones au Canada pendant la rédaction du projet de loi C‑21. Savez-vous si des consultations ont été menées? Avez-vous été consultée?
Vice-cheffe Bear, vous pouvez répondre en premier.
Je suis vraiment préoccupée. Nous n'avons participé à aucune consultation digne de ce nom sur les questions qui gravitent autour de la loi sur les armes. Les dirigeants dans la région sont très préoccupés, surtout par les questions qui touchent à la chasse.
À propos des armes de poing, les trappeurs en ont parfois en leur possession, particulièrement dans le Grand Nord. Les utilisateurs des terres ne connaissent pour ainsi dire pas le projet de loi.
Quant à savoir qui en subira les répercussions sur le terrain, aucune information n'a été communiquée et aucune consultation n'a été menée à ce sujet.
Vous mentionnez que les trappeurs ou les personnes qui se trouvent dans les régions sauvages canadiennes, qui portent déjà une arme d'épaule ou peut-être un couteau de chasse, ont aussi souvent en leur possession une arme de poing ou un pistolet. Ils portent une arme de poing pour pouvoir se défendre lors d'une situation d'urgence impliquant un animal agressif de grande taille dont ils seraient trop près pour braquer leur arme d'épaule. Cet argument a été invoqué plusieurs fois par les membres de l'industrie. Merci de l'avoir mentionné pour que cela figure au compte rendu.
Je voudrais poser la même question sur les consultations au chef régional Teegee.
Il n'y a pas eu de consultations importantes ou d'engagements significatifs auprès des Premières Nations, en tout cas pas à ce niveau.
Je suis aussi codétenteur, avec Ghislain Picard, du portefeuille pour la justice et la police à l'Assemblée des Premières Nations. Aucune consultation ou discussion en bonne et due forme n'a été menée sur le projet de loi. Je trouve cela préoccupant vu les effets préjudiciables que cette mesure pourrait avoir sur les droits, les titres et les intérêts autochtones et sur la conformité à la déclaration des Nations Unies.
Vous avez tous les deux soulevé des préoccupations à propos du projet de loi C‑21.
Vice-cheffe Bear, lors de votre témoignage sur le projet de loi C‑71 devant le Comité, vous aviez dit craindre que cette mesure empêche les Autochtones de transmettre leur culture de la chasse et de la trappe.
J'aimerais que vous en disiez un peu plus à ce sujet.
Si je peux revenir brièvement à ce que je disais tout à l'heure, j'ajouterais que l'absence de consultations significatives se conjugue à l'absence d'engagements qui auraient été nécessaires pour mener les choses à bien.
Je suis désolée, mais au sujet de... Pourriez-vous répéter votre question?
Lors de votre témoignage devant le Comité sur le projet de loi C‑71, vous aviez dit craindre que cette mesure porte atteinte à la capacité des Premières Nations de transmettre leur culture et leur patrimoine au Canada. Pourriez-vous nous dire si le projet de loi C‑21 risque d'avoir des effets similaires?
Dès que des lois s'appliquent à la chasse, à la pêche ou à la trappe pratiquée par les Premières Nations, il y a un risque de préjudice, surtout lorsque des armes sont saisies. Les enquêtes m'inquiètent particulièrement.
Les chasseurs ne chassent pas seulement pour eux-mêmes. Ils le font pour les cérémonies, pour la culture et pour les rites de passage. Le retrait d'une arme empêche la tenue de ces événements et enfreint par le fait même le droit inhérent et issu des traités garanti par la Constitution qui y est associée.
Malheureusement, en Saskatchewan, il y a les tensions que j'ai mentionnées. Les propriétaires de terres et les contrôleurs d'armes à feu semblent continuer à viser les chasseurs des Premières Nations. L'adoption de lois supplémentaires serait nuisible aux chasseurs.
En fait, le projet de loi est censé viser les criminels. L'esprit et l'intention de cette mesure législative sont d'éradiquer la criminalité liée à l'utilisation des armes à feu par certaines personnes. Les chasseurs ne commettent pas de crimes. Ils soulagent la pauvreté et apportent de la nourriture aux aînés et aux parents célibataires. Même si nous détenons déjà le droit de chasser, on nous a promis que nous serions libres de chasser et que nos territoires de chasse seraient préservés, mais la confiscation des armes empiéterait sur ce droit.
Merci aux deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Seulement pour clarifier le point sur les consultations, je sais que le ministre Mendicino a rencontré, je crois, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l'ITK avant le dépôt du projet de loi. J'ai communiqué avec les trois organismes de femmes et j'ai rencontré l'Association des femmes autochtones et Les Femmes Michif. Je n'ai pas pu rencontrer Pauktuutik, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Des discussions ont eu lieu.
Chef régional Teegee, nous avons parlé à quelques reprises de la justice pénale. Je suis désolée de ne pas vous avoir posé de questions à ce sujet, ni à vous ni à la vice-cheffe Bear.
Un point qui a été soulevé lors de mes conversations avec les organismes de femmes autochtones a été les inquiétudes suscitées par la violence fondée sur le sexe. Chef régional Teegee, vous avez souligné que la population de femmes autochtones enregistrait le plus haut taux de violence fondée sur le sexe au pays. Dans le cadre des conversations, on a dit que le droit à la vie des femmes ne devrait pas l'emporter sur le droit de chasser des hommes. C'est une Autochtone qui l'a dit, pas moi. Comment pouvons-nous établir un équilibre entre le droit de chasser avec une arme à feu et les risques que courent les femmes?
Chef régional Teegee, vous pouvez commencer, si vous le voulez bien.
Au sujet des consultations, si je peux parler pour ma région, c'est une chose que d'aller au bureau de la direction de l'Assemblée des Premières Nations pour discuter avec le chef national, ou même avec moi. Ce qu'il faut faire, c'est se rendre à la base et expliquer la façon dont ce projet de loi pourrait enfreindre les droits des Autochtones qui pratiquent ces activités, comme l'a souligné la vice-cheffe Bear. Nous devons parler des effets possibles de cette mesure sur les chasseurs et les trappeurs qui se nourrissent des produits de leur chasse ou qui s'en servent à des fins cérémonielles et sociales et qui transmettent ces traditions aux générations suivantes. Il faut en faire plus.
Pour ce genre de question, mon attention se tourne naturellement vers la police. Notre groupe de travail sur la police se penche sur le financement des programmes et des services essentiels — des fonds dont les forces policières des Premières Nations ont cruellement besoin —, surtout dans le cadre des ententes tripartites pour nos propres services de police.
Quant à la sécurité des femmes, je suis convaincu que ce problème ne sera pas facile à résoudre, particulièrement pour les ménages où il y a de la violence. Voilà pourquoi l'Assemblée des Premières Nations souhaite voir davantage de mesures préventives et davantage de ressources affectées à cet effet. Les mesures pourraient viser les armes d'épaule ou les armes de poing, ou toute forme de violence à la maison. Force est de constater le manque de ressources axées sur la prévention au sein des communautés des Premières Nations pour assurer la sécurité des femmes et des enfants.
Selon moi, nous devons nous pencher sur ce qui se passe dans les maisons. Pour venir à bout de ces problèmes, nous devrons mettre en place des mesures préventives. L'ajout de ressources fait d'ailleurs partie des recommandations que nous avons formulées au Comité.
Chef régional Teegee, je suis d'accord avec vous sur ce point. Nous sommes également d'accord pour dire que nous devons faire quelque chose pour la police des Premières Nations. Sachez que nous sommes tout à fait d'accord sur l'importance de la prévention. Cela dit, lorsqu'il y a une arme à feu à la maison et qu'une femme...
Voici un argument que je fais valoir aux collègues pour soutenir les mesures dites drapeau rouge. Il est vrai que les femmes peuvent appeler la police en cas de problème lié à une arme à feu à la maison. Par contre, bon nombre de femmes autochtones ne sont pas à l'aise d'appeler la police. Dans le Nord, il y a eu le cas d'une Autochtone qui a appelé la police pour faire retirer une arme de chez elle, mais qui a été arrêtée pour non-respect des conditions de libération parce qu'elle était en état d'ébriété. Comme les femmes n'ont pas assez confiance en la police, les mesures dites drapeau rouge constitueraient une solution de rechange pour obtenir de l'aide.
Je me demandais si vous aviez quelque chose à dire à ce sujet.
Oui, je pense qu'il s'agit de clarifier ces dispositions. Nous recommandons de prendre le temps de bien comprendre comment les dispositions relatives au drapeau rouge et au drapeau jaune contenues dans ce projet de loi touchent les peuples autochtones et les communautés des Premières Nations. Nous avons besoin de plus de clarté.
En ce qui concerne les exemples que vous avez donnés, il y a des cas très similaires dont j'ai entendu parler qui témoignent de la même méfiance envers la GRC. La méfiance envers les services de police fait partie des problèmes que nous essayons de régler à l'APN, surtout dans un contexte où l'on passe du financement des services de programme au financement des services essentiels.
L'autre problème auquel il faut nous attaquer, c'est celui de la confiance nécessaire au sein même des forces de police. Ce ne sera certainement pas facile. Je pense qu'il faut clarifier comment ce projet de loi touche non seulement nos communautés des Premières Nations, mais aussi nos droits issus de traités, nos droits autochtones, surtout à la lumière de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Vous semblez être favorable à certains éléments du projet de loi C‑21, mais vous avez émis certaines réserves au sujet de mesures qui s'y retrouvent, notamment celles qui concernent le drapeau rouge et le drapeau jaune. Vous vous interrogez sur l'applicabilité de ces mesures dans vos communautés et vous craignez que les droits des Premières Nations ne soient pas respectés.
Pouvez-vous nous parler davantage des mesures liées au drapeau jaune et au drapeau rouge? Qu'est-ce qui vous inquiète au sujet de leur applicabilité? Vous avez dit que ce n'est pas clair. Qu'est-ce qui n'est pas clair dans le projet de loi tel qu'il est libellé actuellement?
Eh bien, je pense que ce qui n'est pas clair pour moi comme pour beaucoup d'Autochtones, c'est que bien trop souvent, des projets de loi et des lois bien intentionnés peuvent être utilisés contre les peuples des Premières Nations. Je crois que la vice-cheffe Bear en a donné un bon exemple. Il pourrait y avoir un rapport sur quelqu'un ou ce pourrait être utilisé d'une manière ou d'une autre à mauvais escient pour vraiment empiéter sur les droits d'une personne à chasser, sur la capacité d'une personne autochtone à accéder à sa subsistance (à la nourriture, à diverses ressources). Je pense qu'il y a trop souvent une trop grande marge de manœuvre.
On ne sait pas très bien comment ce projet de loi sera utilisé et, je dirais, qui est le contrôleur des armes à feu. Bien trop souvent, même dans les activités de maintien de l'ordre, il arrive que le préposé aux armes à feu utilise ces dispositions d'une manière qui punit vraiment les Autochtones. Pour moi, si les règles ne sont pas claires et qu'il y a trop de marge de manœuvre, il y a des agents qui prendront des libertés et utiliseront ces dispositions contre des Autochtones. Elles seront utilisées d'une manière qui limitera réellement notre droit de chasser. C'est ce que je crains. Je pense que tout dépendra de la personne qui utilisera ces dispositions, mais il est plus que probable qu'il s'agisse d'un préposé aux armes à feu ou d'un policier, tout dépendra de la personne qui fera appliquer les règles, du moment, de l'endroit et de la façon dont elles seront utilisées.
Je suis parfaitement d'accord avec l'aspect sécurité, parce qu'il arrive trop souvent, comme beaucoup d'entre vous le voyez à ce comité, que des armes de poing et d'autres armes à feu soient utilisées par des gangs, entre autres. C'est toujours inquiétant pour de nombreuses Premières Nations également.
De mon côté, ce point apparaît clair pour moi. Par exemple, à l'article 36, la décision définitive semble revenir au contrôleur des armes à feu. L'article donne le pouvoir à ce contrôleur de révoquer le permis d'un particulier s'il est convaincu que ce dernier a participé à un acte de violence familiale ou a traqué quelqu'un.
Dans ce même article, des exceptions s'appliquent. La première d'entre elles est la nécessité pour une personne de posséder une arme à feu pour chasser, notamment à la trappe, afin d'assurer sa subsistance ou celle de sa famille. Vous avez notamment émis des réserves, car vous avez des inquiétudes au sujet du droit à la subsistance, à la chasse et à la trappe. Toutefois, il semble clair pour moi que, dans le projet de loi, ces exceptions sont prises en compte dans la décision du contrôleur.
Cette exception vous rassure-t-elle? Auriez-vous plutôt aimé qu'elle aille plus loin? Trouvez-vous que cet article en particulier peut porter atteinte aux droits des Premières Nations?
J'aimerais vous entendre davantage sur cet article. Je comprends assez bien votre point de vue, mais il semble clair pour moi que des exceptions s'appliquent, et que celles-ci répondent à ce qui semble vous inquiéter.
Certaines dispositions du projet de loi C‑21 définissent les tâches du préposé aux armes à feu. Je pense qu'en fin de compte, c'est une mise en garde. Par exemple, il y a beaucoup de règles régissant le travail des policiers, mais il y a tout de même un taux élevé de décès et de blessures chez les Autochtones en détention.
Si je fais le lien avec cela, c'est parce qu'il faut définir plus clairement les devoirs du préposé aux armes à feu, ce qu'il peut et ne peut pas faire. Je pense que tout dépend du travail de ce préposé et de son obligation de rendre des comptes. Il faut nous assurer qu'il respecte les règles sur ce qu'il peut et ne peut pas faire.
En dépit de toutes les règles et dispositions que ce projet de loi peut prescrire, tout dépend de la personne qui fait le travail. Si un employé du contrôleur des armes à feu ne suit pas les règles ou prend des libertés avec cette loi et ces règles, quels recours avons-nous pour l'en tenir responsable?
Nous avons beau avoir la meilleure version possible du projet de loi C‑21, mais cela dépend parfois de la personne et de ses intentions. Bien trop souvent, selon l'expérience des Autochtones, les gens prennent excessivement de libertés.
J'ai siégé de nombreuses années au comité de la sécurité publique pendant une autre législature. C'est agréable d'y revenir. C'est particulièrement agréable d'y être un jour où des représentants des Premières Nations sont là.
Je veux commencer par reconnaître une chose très importante qui a été dite par la vice-cheffe Bear. C'est vraiment une chose que j'entends très souvent des membres des Premières Nations de ma circonscription. La nation T'Sou-ke, la Première Nation Sc'ianew, la nation Songhees et la nation Esquimalt déplorent toutes leur incapacité de participer à toutes les consultations auxquelles on leur demande de participer.
Je pense que c'est un point très important qui est soulevé ici. Nous devons leur fournir les moyens nécessaires si nous voulons que les gens puissent participer véritablement aux consultations. Je remercie la vice-cheffe Bear pour cette remarque.
Je voudrais concentrer mon attention sur la vice-cheffe Bear encore un instant.
Dans les discussions sur les dispositions législatives relatives au drapeau rouge, on fait remarquer qu'il s'agit d'une solution de rechange au recours à la police en cas de violence familiale, en raison de la méfiance qui existe, et qu'elle pourrait être utile aux Premières Nations. Je me demande si les Premières Nations font davantage confiance aux préposés aux armes à feu ou au système judiciaire. Ces dispositions sont-elles vraiment une solution utile pour les Premières Nations afin de régler des problèmes comme ceux liés à la violence familiale?
Je pense que c'est un enjeu très complexe et, là encore, qu'il faut tenir des consultations en profondeur pour orienter la réforme des armes à feu. Je pense que cette question mérite beaucoup plus de consultations, de discussions et de réflexions.
Quand on parle des Premières Nations et de leur relation avec la police, surtout lorsqu'il s'agit des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et de la violence commise contre les femmes, bien souvent, nos femmes ne sont pas crues. Nous le savons. Nous savons que nous sommes déjà mal protégées. Nous savons que la plus grande critique que nous puissions faire aux forces de l'ordre au sujet de leurs interventions auprès des femmes dans des situations vulnérables ou de nos populations vulnérables concerne probablement le délai d'intervention.
En ce qui concerne le contrôle des armes à feu et les situations dans lesquelles hisser le drapeau rouge ou jaune, je crains que cela n'aille plus loin encore. Je pense à ce qui s'est passé dans la nation crie de James Smith avec les plans de libération. Le chef régional Teegee a souligné l'importance de la prévention, des plans de libération et de connaître son peuple et ses besoins de services policiers. C'est essentiel pour les Premières Nations. Je parle ici de la situation dans les réserves.
La seule chose qu'il nous manque ici, c'est un vrai service de police constitué de policiers qui se soucient vraiment des gens. Il y a un manque de formation adaptée à la culture. Ils ne sont pas intégrés à la communauté, pour connaître les gens, et je pense que c'est une faille énorme. Il y a aussi beaucoup de lacunes en ce qui concerne la toxicomanie et la santé mentale. Voilà ce qui manque dans nos communautés.
Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour véritablement déterminer qui devrait pouvoir avoir une arme ou qui ne devrait pas en avoir. Quand on vit dans la communauté, qu'on en fait partie, les dirigeants le savent. Je pense vraiment qu'il aurait dû y avoir davantage de consultations sur cette question, sur la violence commise contre les femmes et les problèmes fondamentaux qui touchent les enfants et les familles.
Cette loi va‑t‑elle vraiment résoudre le problème de la criminalité? Je ne le pense vraiment pas. Concernant la partie sur les permis, je doute fort que cette loi change beaucoup la donne. Elle pourrait changer certaines choses, notamment pour la prévention, la saisie d'armes. Il y a l'interdiction d'avoir une arme pour une personne ayant des antécédents de violence. Je suis d'accord avec cela. Comme je l'ai dit, c'est un enjeu difficile.
Je pense que si quelqu'un veut commettre un crime, il va le faire, qu'il ait un permis ou non. Je crois vraiment que nous avons beaucoup à faire en matière de prévention et qu'il faut offrir davantage de programmes de soutien aux femmes qui se trouvent dans des situations de violence et d'abus.
Je suis désolée de m'aventurer ainsi sur un territoire si vaste, mais vous posez une question très complexe.
Vous me rappelez une chose que le chef héréditaire de longue date de la nation Esquimalt, Andy Thomas, me disait toujours. Il disait: « Nous vous disons de quoi nous avons besoin, puis vous revenez nous consulter sur toutes sortes de concepts brillants. Vous devriez simplement nous écouter dès le départ. »
Je pense que le chef régional Teegee et vous nous parlez tous deux des choses que les Premières Nations proposent pour améliorer le maintien de l'ordre et la lutte contre la violence familiale, puis que nous vous parlons de choses totalement différentes. C'était l'une des frustrations du chef Thomas.
Merci, monsieur Garrison. Je sais que vous auriez besoin de beaucoup plus de temps à ce sujet, mais vous aurez une autre occasion d'intervenir.
Cela met fin à notre première série de questions. Nous commencerons le deuxième tour, qui sera écourté un peu. Nous nous arrêterons après l'intervention de M. Garrison.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici.
J'ai préparé toute une liste de questions, mais je n'en poserai aucune pour tout de suite parce que, vice-cheffe Bear, vous avez dit quelque chose dans votre déclaration préliminaire qui m'a vraiment marqué, et j'aimerais que vous vous expliquiez un peu plus, si vous le pouvez, s'il vous plaît. J'ai noté votre citation ici. Vous avez déclaré que « la confiscation d'armes a des conséquences qui vont bien au‑delà du retrait des armes de la circulation ».
Pourriez-vous nous en dire plus et nous expliquer ce que vous entendez par là?
Nous voyons l'arme à feu du point de vue du chasseur et des droits issus de traités. C'est un outil. C'est un outil que nous utilisons pour faire beaucoup de choses.
J'ai parlé, par exemple, de nos rites de passage pour les jeunes chasseurs, les jeunes garçons. Quand on part à la chasse, on ne fait pas que chasser. On enseigne le courage à son enfant et on crée des liens. On lui transmet des protocoles, des protocoles cérémoniels, on lui enseigne comment s'occuper de sa proie. Il y a les rites de passage, la révérence envers l'animal et le tabac. Avec cet outil viennent de nombreux enseignements et aussi des questions de sécurité. Quand on enlève une arme à feu à quelqu'un, on lui enlève en même temps la possibilité de transmettre cette tradition orale.
Le fusil est également utilisé, bien sûr, pour assurer la subsistance des aînés. Dans un contexte de pauvreté, nous complétons nos revenus avec la viande sauvage. Il y a aussi notre souveraineté alimentaire et le mode de vie, la culture, qu'on nous a promis de protéger dans les traités. Un pacte sacré a été conclu pour que nous puissions toujours garder ce mode de vie, et le fait de nous enlever une arme nous prive d'une grande partie de ce que nous sommes et de nos origines.
Pour résoudre les problèmes de criminalité, bien simplement, peut-être que oui.
Cela nous renvoie à l'esprit du projet de loi C‑21 et à l'utilisation d'armes à feu dans les centres urbains. Il y a aussi que la plupart du temps, il y a des liens entre nos communautés des Premières Nations et les centres urbains, où beaucoup de nos jeunes se joignent à des gangs. Si cette mesure empêche les membres degangs d'utiliser des armes de poing et des armes automatiques pour commettre des actes de violence, elle permettra peut-être de prévenir la criminalité.
En même temps, comme l'a dit la vice-cheffe Bear, s'il y a une volonté et des moyens pour que ces événements se produisent, ils se produiront la plupart du temps. Nous espérons évidemment que cela réduira la violence associée aux gangs. Je pense que c'est l'une des choses qui nous préoccupent vraiment.
Quand on regarde la réalité du point de vue des Premières Nations, comme je l'ai dit, l'une des plus grandes critiques des Premières Nations concerne le délai d'intervention. Est‑ce que le fait de devoir obtenir un permis de port d'arme va changer quelque chose dans la violence armée? Je ne vois pas vraiment quel effet cette loi pourrait avoir dans les réserves. À l'extérieur des réserves, si l'on pense à la violence des gangs et l'accès aux armes à feu, je ne pense vraiment pas que cette loi va freiner un criminel ayant l'intention de commettre un crime avec une arme à feu. Ils ne s'arrêteront pas pour se demander s'ils ont ou non un permis. Ils n'en ont vraiment rien à faire.
Je crois que ceux qui seront le plus touchés par cette loi sont les chasseurs et peut-être les trappeurs parce qu'ils utilisent des armes de poing. Très franchement, je ne crois pas que cette loi aura vraiment l'effet escompté pour endiguer la criminalité. Elle la réduira peut-être d'un petit pourcentage, mais un criminel commettra son crime, qu'il ait un permis de port d'arme ou non.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici.
Madame Bear, j'aimerais commencer par vous. De toute évidence, l'une des choses que nous voulons essayer de prévenir ici, c'est la violence familiale, et l'une des préoccupations soulevées par de nombreux groupes de femmes, c'est que la présence et la prépondérance des armes à feu dans les foyers contribuent à la hausse de la violence contre les femmes.
Je crois comprendre que les communautés autochtones ne sont pas différentes à cet égard. Pouvez-vous nous parler de vos expériences? Le chef Teegee peut peut-être nous éclairer aussi sur ce point. Arrive‑t‑il que la présence d'armes à feu dans les foyers de vos communautés cause des problèmes de violence familiale?
Chez les Premières Nations, comme nous sommes probablement les plus vulnérables parmi les vulnérables dans ce pays, il y a toujours cette crainte que nos enfants ou nos familles soient blessés au moyen d'une arme à feu.
Le problème que nous rencontrons, c'est que souvent, quand les femmes dénoncent des incidents de violence conjugale, on ne les croit jamais. Toute l'escalade jusqu'à la violence commise avec une arme à feu pourrait probablement être évitée à un stade très précoce, mais là encore, c'est un phénomène très complexe. On parle ici de sécurité des armes à feu et de la sécurité de nos femmes et de nos enfants — et des hommes, bien sûr. Il arrive que l'inverse se produise.
Tant que nous n'aurons pas examiné de près ce projet de loi sur les armes à feu, pour déterminer s'il permettra vraiment de mettre fin à la violence familiale commise au moyen d'une arme à feu... Je pense que c'est la question. Peut-être qu'il la réduira un peu, mais je préférerais miser sur la prévention et la police tribale. Nos propres forces policières, dans les réserves, connaîtraient nos communautés et nos gens.
D'accord, mais avant de donner la parole au chef Teegee, pour poursuivre sur cette question, ne pensez-vous pas que c'est une bonne idée de retirer leurs armes à feu aux personnes qui commettent des actes de violence familiale à la maison?
Absolument. Je n'ai aucun problème avec cela, et c'est ce que je veux dire quand je dis que lorsqu'on connaît les gens, on sait qui devrait avoir accès à une arme et qui ne devrait pas y avoir accès. Je suis d'accord avec cela dans certaines circonstances, mais comme je l'ai dit, je crains qu'avec le racisme systémique et ce à quoi nous et nos chasseurs sommes confrontés, il y ait un autre discours et que cela ouvre la porte à plus de harcèlement...
M. Taleeb Noormohamed: Bien sûr.
La vice-cheffe Heather Bear: ... envers des personnes qui ne sont que des chasseurs innocents.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que la prévention est très importante. Je pense qu'il n'y a aucun doute à ce sujet. Il importe également de nous attaquer aux problèmes du racisme systémique. Cela ne fait aucun doute. Merci d'avoir partagé cela avec nous.
Chef Teegee, très brièvement, quelle est votre expérience concernant les armes à feu dans les foyers et la violence familiale?
Je céderai ensuite le reste de mon temps de parole à mon collègue, M. Chiang.
Merci pour cette question qui est certes fort délicate.
Si l'on pense à ce qui peut se passer dans nos communautés, je peux vous dire que mon propre oncle a été abattu au moyen d'une arme à feu. C'était il y a plus de 30 ans et il est bien certain qu'aucune de ces lois n'existait à ce moment‑là. Les relations avec la police étaient peut-être également moins bonnes. Selon moi, on a surtout pu voir évoluer nos rapports avec la GRC qui interagit plus souvent avec nos chefs et nos conseils, et connaît désormais mieux nos communautés. Nous devions composer à l'époque avec la problématique non réglée des pensionnats indiens et les répercussions néfastes qui en découlaient pour la génération suivante avec toute la violence que cela ramenait dans nos communautés. Ce sont vraiment des problèmes non réglés de santé mentale et de toxicomanie qui ont coûté la vie à mon oncle.
Je crois cependant que les choses s'améliorent. Je sais que des mesures de prévention ont été mises en place dans ma communauté. Davantage de perspectives s'ouvrent devant les jeunes. On s'attaque véritablement aux problèmes liés à la consommation de drogues dans la communauté. La situation n'est toutefois pas la même partout. Certaines communautés s'en tirent mieux que d'autres.
J'ai l'impression en parlant de tout cela qu'il est possible que certains de ces problèmes… Bien que le projet de loi C‑21 s'inspire de bonnes intentions pour endiguer la vague de crimes violents liés aux armes à feu et au gangstérisme, je pense qu'il a des conséquences non souhaitées. J'essaie en définitive de faire valoir, de concert avec ma collègue de la FSIN, que ces gens des Premières Nations sont en fait d'honnêtes citoyens qui se servent des armes à feu surtout aux fins de la chasse et du piégeage de subsistance, et ce, conformément à leurs traditions, suivant les modalités du traité qui les concerne et dans le respect de leur culture.
Une Première Nation au nord de la Saskatchewan a rétabli l'état d'urgence à la suite d'incidents liés aux gangs et à la drogue. La nation a demandé l'aide du gouvernement fédéral pour contrôler le crime. Dans cet article, vous avez été citée comme suit:
[Traduction]
Il faut que des mesures soient prises sans tarder pour cette communauté qui est en crise. Les écoles et les enfants doivent être protégés des gangs. Et j'exhorte les membres de ces gangs à bien vouloir cesser leurs activités et arrêter de vendre la mort à nos gens.
[Français]
Dans la situation actuelle, certaines communautés sont des victimes directes ou collatérales de la violence liée aux gangs.
Pensez-vous que le projet de loi C‑21 contribuera à régler ce problème? Une disposition du projet de loi vise à régler le problème des armes à feu illégales et leur trafic en augmentant les peines maximales pour ces crimes. À mon avis, cela ne changera pas grand-chose, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet.
Pensez-vous que le projet de loi C‑21 aura un effet positif sur la diminution de la violence liée aux gangs?
Merci de porter attention à ce qui se passe dans le Nord et dans bon nombre de nos communautés.
Quant à savoir si ce projet de loi aura une incidence positive pour la suite des événements dans le Nord, pour donner cet exemple, je ne peux pas vraiment l'affirmer avec certitude. Les gens qui se livrent à des activités criminelles le font sans se soucier de quoi que ce soit. Je pense qu'il existe déjà des mesures législatives permettant la saisie des armes à feu lorsqu'un crime est commis. En cas de crime violent lié aux drogues et aux armes à feu, les policiers sont autorisés à s'emparer des armes utilisées. Les criminels ne se préoccupent pas vraiment des lois. Ils se livrent déjà à des activités semblables, et je ne vois vraiment pas comment ce projet de loi pourrait les empêcher de le faire.
Je répète que ce sont souvent des problèmes de santé mentale et de toxicomanie qui sont en cause. Je pense qu'il faut vraiment mettre l'accent sur les mesures préventives non seulement, par exemple, dans les plans de libération des individus qui sortent de prison après avoir commis un crime violent, mais aussi en matière de santé mentale. Je suis persuadée que nous pouvons faire mieux.
Je tiens à assurer à nos deux témoins que je les entends haut et fort insister sur l'importance de la prévention et du renforcement des capacités des services de police des Premières Nations.
Chef Teegee, vous avez fait part dans vos observations préliminaires de vos préoccupations quant aux dispositions touchant les signalements, notamment quant au risque qu'elles empiètent sur les droits ancestraux et issus de traités des Autochtones. Vous avez dit qu'il convient de modifier ces dispositions.
Je vais vous poser une question très précise à ce sujet, car je veux vraiment tirer les choses au clair. Si ces dispositions concernant les signaux d'alarme ne sont pas modifiées, préféreriez-vous qu'elles soient carrément retirées du projet de loi?
C'est à votre comité qu'il revient de déterminer si l'on atteint effectivement les objectifs établis. Je pense qu'il faudrait modifier ces dispositions de façon à permettre à nos Premières Nations…
Pour ce qui est des signaux d'alarme en vue d'une éventuelle interdiction ou d'une suspension, il est primordial de bien expliquer aux gens comment on peut s'en servir et quelles seront les incidences pour les Autochtones, surtout dans le contexte du consentement libre, préalable et éclairé que prévoit la déclaration des Nations unies qui a force de loi.
Il faudrait tenir de plus vastes consultations concernant les modifications à apporter à ces dispositions de telle sorte que ce projet de loi n'ait pas de conséquences non souhaitées. Je dirais que si ces dispositions ne sont pas modifiées, il est fort possible… J'estime qu'il convient de discuter davantage des moyens à prendre afin de mieux tenir compte de la conjoncture découlant de la déclaration des Nations unies.
Je ne saurais vous le dire. C'est vraiment au Comité qu'il revient de décider s'il souhaite donner suite à nos recommandations.
Je voudrais poser la même question à la vice-cheffe Bear. Si notre comité ne parvient pas à modifier ces dispositions, préféreriez-vous qu'elles soient abandonnées en attendant de plus amples consultations?
Dans le contexte d'une éventuelle réforme du système de gestion des armes à feu, je pense que les risques d'empiétement peuvent avoir des incidences profondes. Il s'agit là de droits conférés par des traités qui sont protégés par la Constitution. Nous devons également mieux garantir le droit au consentement libre, préalable et éclairé découlant de la déclaration des Nations unies.
J'estime par ailleurs que nous optons pour une démarche plutôt saine en nous efforçant d'instaurer un discours et un dialogue sur les moyens à privilégier pour mieux protéger nos femmes, nos enfants et nos hommes de la violence perpétrée au moyen d'une arme à feu. Cette façon de faire pourrait être extrêmement bénéfique.
Ce sera notre dernière question pour les témoins de ce premier groupe. Je tiens d'ailleurs à les remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui pour nous épauler dans la poursuite de cette étude en nous faisant bénéficier de leur expérience, de leurs connaissances et de leur sagesse.
Nous allons nous interrompre un instant, le temps d'établir la connexion avec nos prochains témoins. Merci.
Pour cette seconde heure de notre séance, nous accueillons par visioconférence M. Francis Langlois, professeur et chercheur associé à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, qui témoigne à titre personnel. Nous recevons également le Dr Caillin Langmann, professeur adjoint de clinique à la faculté de médecine de l'Université McMaster.
Je signale que nous avons effectué les tests de connexion requis avec nos témoins.
Nous allons d'abord inviter chacun d'entre eux à nous présenter une déclaration préliminaire.
Voilà de nombreuses années déjà que j'étudie la culture des armes à feu ainsi que les lois et les aspects technologiques qui s'y rattachent. Je veux vous parler aujourd'hui des armes fantômes, c'est‑à‑dire des armes à feu qui ne sont pas identifiées par un numéro de série. Ces armes posent un problème de plus en plus grave pour la sécurité publique. On en trouve partout en Amérique du Nord, mais ici même au Québec, un jeune homme a été arrêté à la frontière en mars 2021 avec en sa possession pas moins de 248 armes fantômes, des répliques du pistolet Glock 17. De telles armes nous arrivent en traversant la frontière, et ce, quand elles ne sont pas fabriquées ici même.
Je vais proposer quelques pistes de solution qui aideraient à endiguer cette menace croissante pour la sécurité publique au Canada. Une de mes principales revendications viserait l'élargissement de la définition d'arme à feu, et ce, pour une raison bien simple. Comme les numéros de série figurent essentiellement sur une seule des composantes de l'arme — le châssis —, les gens peuvent imprimer ou fabriquer un châssis en polymère ou en métal, puis commander des pièces aux États-Unis où il est légal d'en produire. En vertu de la loi américaine, ces pièces ne sont pas considérées comme étant des armes à feu. Il est donc possible d'acheter en ligne un barillet sans qu'il soit considéré comme une arme. Il en va de même d'une glissière. Si quelqu'un en fait l'achat, il n'y a aucune vérification, ce qui fait qu'il est très facile de se procurer de telles pièces et même d'en retrouver ici. C'est de cela que je souhaiterais vous entretenir aujourd'hui.
Merci de me donner l'occasion de vous présenter le résultat de mes recherches sur les lois régissant les armes à feu au Canada et leurs incidences sur le nombre d'homicides, d'homicides entre conjoints, de tueries et de suicides.
Je suis professeur adjoint en médecine à l'Université McMaster et urgentologue à Hamilton. Je suis pair évaluateur pour des revues spécialisées relativement aux enjeux touchant le contrôle des armes à feu, les homicides, les suicides, la violence et la lutte contre l'appartenance à des gangs. J'ai à mon crédit quatre publications revues par un comité de lecture sur les lois et leurs effets sur les homicides et les suicides au Canada.
J'ai fait parvenir au Comité mes travaux de recherche ainsi qu'un rapport concernant le projet de loi à l'étude. Je vais tenter de résumer brièvement le tout.
Le projet de loi C-21 propose deux changements importants à la réglementation: une interdiction essentielle de la vente d'armes de poing et un régime permettant de demander une ordonnance d'interdiction d'urgence concernant une arme à feu. Les résultats de mes travaux sur les lois précédemment en vigueur au Canada peuvent aider à déterminer quelles pourraient être les incidences de ce projet de loi.
Depuis 2003, le nombre d'armes à feu à utilisation restreinte, y compris les armes de poing, a doublé, passant de 572 000 à 1,2 million. En revanche, le nombre total d'homicides au moyen d'une arme à feu n'a pas augmenté, pas plus que le nombre d'homicides avec une arme de poing. Bien que l'on note une hausse récente nous rapprochant des niveaux atteints au début des années 2000, une analyse statistique nous révèle que le nombre d'homicides a plutôt fluctué en suivant une moyenne constante. Vous pouvez consulter à ce sujet le graphique annexé à mon mémoire.
Des mesures législatives prises dans les années 1990 ont mené à l'interdiction de plus de 550 000 armes à feu, dont une grande quantité d'armes de poing. Les recherches ont toutefois démontré que cette interdiction n'a procuré aucun avantage statistiquement significatif quant à la réduction du nombre d'homicides, d'homicides entre conjoints et de tueries. Les suicides par arme à feu ont été moins nombreux, mais seulement pour être remplacés par la pendaison, si bien que le nombre total de suicides est demeuré stable. D'autres pays, comme l'Australie et l'Angleterre, ont aussi imposé des mesures de contrôle strictes relativement aux armes de poing sans pour autant que le nombre d'homicides fluctue de façon statistiquement significative.
Pour ce qui est des ordonnances d'interdiction d'urgence, il existe d'ores et déjà un système permettant à quiconque le juge nécessaire de communiquer avec le contrôleur des armes à feu pour dénoncer le propriétaire d'une arme. J'ai moi-même eu à le faire en ma qualité de médecin auprès de patients psychiatriques, et j'ai pu constater que l'on réagissait rapidement et efficacement pour le retrait des armes à feu et la révocation des permis.
Il est par ailleurs actuellement possible pour un médecin de maintenir un patient sous garde en demandant une évaluation psychiatrique s'il est justifié de craindre qu'il a des intentions homicidaires ou suicidaires. C'est quelque chose que je fais régulièrement. En pareil cas, il est possible d'envisager avec le patient suicidaire des moyens de réduire les risques. J'ai des réserves quant à la possible expansion de ce concept qui pourrait aller jusqu'à la communication de renseignements confidentiels sur un patient au contrôleur des armes à feu sans que le patient y ait consenti. Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada a aussi fait une mise en garde concernant cette façon de faire dans son rapport de 2001 sur le programme de contrôle des armes à feu.
Dans les années 1990, des changements ont été apportés au Canada pour permettre aux gens de faire état de leurs inquiétudes au contrôleur des armes à feu et pour autoriser ce dernier à révoquer les permis et à confisquer les armes. Les recherches ont malheureusement démontré que ces nouvelles mesures réglementaires n'ont eu aucun effet sur le nombre d'homicides, d'homicides entre conjoints et de tueries au Canada. Il est intéressant de noter qu'une étude récente sur l'ordonnance de protection en Californie a aussi révélé qu'il n'y a pas d'avantages découlant d'une réglementation semblable.
En résumé, les données compilées jusqu'à maintenant indiquent que les lois sur les armes de poing n’ont pas pour effet de faire baisser le nombre d'homicides ou le nombre total de suicides. En outre, le système de protection d'urgence que l'on propose d'instaurer existe déjà.
La mise en œuvre et la mise en application des mesures réglementaires proposées en vue notamment d'interdire certaines armes à feu coûteront sans doute des milliards de dollars. La ministre des Finances a annoncé récemment que le Canada devra compenser toute nouvelle dépense en procédant à des réductions équivalentes. La Nouvelle-Écosse doit investir 500 millions de dollars dans son système de santé. Ma ville doit actuellement composer avec des temps d'attente de six à huit heures aux urgences, et il faut compter des mois pour qu'un patient puisse voir un psychiatre. Les fonds que l'on envisage de consacrer à ces programmes de contrôle des armes à feu seraient beaucoup mieux investis dans notre système de santé où ils permettraient d'améliorer directement le sort des gens.
Des représentants de différentes disciplines de tir sportif qui ont témoigné devant le Comité se sont dits préoccupés du fait que ce projet de loi ne prévoit aucune exemption pour leurs sports respectifs. D'autres témoins nous ont dit que nous ne pouvions pas accorder une exemption pour les sports en question, car cela représenterait une menace pour la sécurité publique.
Vos travaux vous permettent-ils de conclure qu'une exemption accordée à l'IPSC ou aux clubs de tir à cheval aurait quelque impact négatif que ce soit sur la sécurité publique?
Comme je l'indiquais tout à l'heure, plus de 550 000 armes à feu ont été interdites dans les années 1990, dont bon nombre d'armes à canon court, sans qu'aucun avantage ne puisse être associé à cette mesure.
Je ne vois pas qu'est‑ce que cela pourrait changer d'autoriser un groupe relativement restreint d'utilisateurs à posséder une arme de poing, surtout à la lumière des récents rapports qui révèlent qu'environ 85 % des armes de poing ayant servi à perpétrer un acte criminel sont importées illégalement des États-Unis.
Dans le même ordre d'idées, j'ai entendu M. Langlois nous parler du grand nombre d'armes fantômes en circulation, ce qui ne manque pas de nous préoccuper vivement.
J'ai l'impression que nous nous en remettons à des méthodes plutôt conventionnelles pour contrôler l'approvisionnement en armes à feu. J'estime que le projet de loi C‑21 s'inscrit assurément dans cette approche conventionnelle.
Étant donné cette réalité des armes fantômes, pensez-vous que le projet de loi C‑21 va véritablement contribuer à la réduction de la violence armée au Canada?
Je n'en ai pas du tout l'impression. Il est difficile de s'en remettre à une grande partie des études qui sont réalisées du fait qu'il est possible de se procurer une arme à feu de bien des façons différentes. Le problème est le même avec les études menées aux États-Unis. La facilité avec laquelle on peut faire passer une arme à feu d'un État à l'autre fait en sorte que bon nombre de ces études ne permettent pas vraiment de tirer des conclusions valables.
Je ne vois pas comment ce projet de loi pourrait améliorer les choses.
Au début de la présente étude, nous avons reçu les représentants de l'organisation Médecins pour un meilleur contrôle des armes à feu. Ils ont affirmé que le projet de loi C‑21 et les autres politiques semblables pour le contrôle des armes à feu allaient réduire de façon significative le nombre total de suicides au Canada. Ils se sont d'ailleurs engagés à nous transmettre des données probantes à ce sujet. J'ai vérifié ce matin même et ils n'avaient toujours pas transmis ces données au Comité.
Outre vos propres travaux dans le contexte canadien, je n'ai trouvé aucune étude vérifiée par des pairs qui laisserait entendre qu'une mesure législative semblable va permettre de réduire le nombre total de suicides. Savez-vous s'il existe des données qui indiqueraient que ce n'est pas le cas?
Je n'ai rien vu rien de tel pour le Canada. Un article publié récemment dans le Journal de l'Association médicale canadienne indiquait que le nombre de suicides par arme à feu semble effectivement diminuer avec l'adoption de mesures législatives pour le contrôle de ces armes, mais que le nombre total de suicides demeure inchangé. Soit dit en passant, mes travaux étaient classés parmi les plus probants à cet égard.
D'autres études menées en Australie ont aussi révélé que le nombre total de suicides ne change pas, même si on recense moins de suicides au moyen d'une arme à feu. Il existe de nombreuses études dans le même sens, et j'y fais référence dans le mémoire que j'ai soumis au Comité.
La pendaison est une méthode de suicide facilement accessible dont le taux d'efficacité de 80 % est similaire à celui des armes à feu. Lorsqu'une personne est vraiment déterminée à se suicider, il est à peu près impossible de l'en dissuader. Malheureusement, nous ne pouvons nous appuyer dans notre rôle de médecin sur aucune règle décisionnelle clinique ni aucun moyen véritable de prédire qui va attenter à ses jours.
Lorsque je vois un patient qui possède une arme à feu, je peux discuter avec lui de la façon de réduire les risques. Il est ainsi possible que le contrôleur des armes à feu lui retire son arme ou encore qu'il la remette lui-même à un ami. La seconde chose que je peux lui offrir, c'est une consultation chez le psychiatre qui ne viendra qu'environ huit mois plus tard. C'est presque une insulte.
Avec le projet de loi C‑21, le gouvernement envisage un rachat des armes à feu qui pourrait coûter des milliards de dollars. Ne croyez-vous pas que cet argent serait dépensé beaucoup plus judicieusement si l'on s'en servait pour lutter contre les problèmes de santé mentale au Canada? Est‑ce que cela n'aurait pas un effet plus marqué sur la réduction du suicide, de la violence familiale et de la criminalité armée dans ce pays?
Voilà une dizaine d'années déjà que je m'adresse aux parlementaires. On me dit que l'on augmente le financement, mais je vois seulement nos listes d'attente qui ne cessent de s'allonger, surtout au cours des deux dernières années.
Nous avons reçu des témoins qui nous ont dit se servir de revolvers à simple action pour leur sport. Il y en a même qui ont des pistolets à chargement par la bouche utilisant de la poudre noire, des armes des XVIIe et XVIIIe siècles. Toutes ces armes sont considérées comme étant des armes de poing pour l'application de ce projet de loi.
Est‑ce que vos recherches indiquent qu'il y a nettement moins de risques que les criminels utilisent de telles armes de poing?
Mes recherches ne portaient pas sur cet aspect, mais d'autres travaux se sont intéressés aux préférences des criminels. Ceux‑ci préfèrent généralement utiliser des armes à feu avec magasin éjectable. Il n'en a pas toujours été ainsi. Auparavant, ils se servaient de revolvers.
Malgré les restrictions en place dans le District de Columbia et ailleurs aux États-Unis de même qu'en Australie, on ne peut noter aucune amélioration du point de vue de la réduction du nombre d'homicides.
Nous savons que les propriétaires d'armes de poing détenteurs de permis sont très peu susceptibles de commettre un crime. Concluriez-vous qu'il est juste de dire qu'une personne qui utilise une arme à feu à poudre noire à chargement par la bouche ou un révolver à simple action est encore moins susceptible de présenter un risque pour la sécurité publique?
Je suis fasciné par les observations des témoins, particulièrement celles des personnes qui observent les conséquences de la violence armée dans les salles d'opération et les urgences.
Ma première question s'adresse au Dr Langmann.
Je crois comprendre que vous avez comparu devant le comité qui étudie les armes à feu et les gangs, et je sais que vous avez réalisé certaines recherches. Ces dernières portaient-elles sur l'incidence du projet de loi C‑71, comme la vérification des antécédents et la confiscation des armes à feu par la Couronne en vertu d'ordonnances d'interdiction? Quand ces recherches ont-elles eu lieu?
Mes recherches ont porté sur les années allant de 1974 à 2016, au cours desquelles un certain nombre de règlements législatifs ont été mis en œuvre, dont certains portant sur la délivrance de permis ont été adoptés en 2001. Malheureusement, aucune preuve ne démontre que ces mesures et la confiscation des armes à feu se sont traduites par une réduction des taux d'homicides ou d'homicide entre conjoints...
Ces données, sur lesquelles vous vous appuyez, datent de 2016. Je fais face à un défi très difficile ici, car je tente de concilier vos propos avec ceux d'autres témoins qui ont comparu pas plus tard que la semaine dernière et qui ont exprimé une opinion très différente.
Je suis certain que vous avez entendu parler de la Dre Najma Ahmed et de son témoignage. La Dre Ahmed, qui est professeure de chirurgie à l'Université de Toronto, chirurgienne-traumatologue et chirurgienne-urgentiste, a déclaré que « Les blessures et les décès causés par les armes à feu représentent un problème urgent de santé publique. » Elle a en outre ajouté que selon l'Association médicale canadienne, les blessures et les accidents causés par des armes à feu « constituent une cause importante de décès prématurés et évitables au Canada. » Êtes-vous d'accord avec l'Association médicale canadienne?
Oui, bien entendu. Les blessures causées par les armes à feu constituent un problème sérieux. Nous parlons aujourd'hui d'un projet de loi, et j'ai effectué des recherches sur le sujet. Ce n'est pas le cas de la Dre Ahmed. C'est ce que les données démontrent. Je ne peux que vous fournir que ce que montrent les données.
Je comprends ce que vous indiquez dans vos recherches, mais pour moi, vous dites que la législation actuelle n'a pas été aussi efficace que nous l'aurions voulu et n'a pas eu les résultats escomptés. J'en conclus que nous devrions examiner les dispositions du projet de loi C‑21 pour chercher à améliorer et à renforcer les mesures de sécurité que nous tentons d'instaurer.
Certainement, et mes recherches ont pour but d'étudier certaines de ces questions.
Comme je l'ai indiqué, dans les années 1990, plus de 550 000 armes à feu ont été interdites, y compris des armes de poing. L'Australie a également interdit les armes de poing, en limitant essentiellement l'usage aux personnes comme les athlètes olympiques, et ces mesures n'ont entraîné aucune réduction des homicides par arme à feu.
Je vous proposerais de recourir à d'autres méthodes, comme investir dans des programmes de dissuasion des jeunes et intervenir auprès des jeunes quand ils risquent d'adopter des comportements criminels. Ces programmes de dissuasion ont fait la preuve probante qu'ils entraînent ultérieurement une réduction des homicides et de la violence criminelle. Même Sécurité publique Canada a publié un rapport en 2012 indiquant que certains petits programmes mis en œuvre au Canada avaient permis de réduire de moitié la récidive chez les jeunes contrevenants.
Selon moi, ce que vous faites ne fonctionne pas parce que vous ciblez les propriétaires d'armes à feu qui présentent un risque extrêmement faible. Ils ont obtenu un permis, ont fait l'objet des vérifications d'usage et sont surveillés quotidiennement. Vous gagneriez donc très peu à dépenser beaucoup d'argent dans ces domaines, étant donné que les permis, par exemple...
Je vous remercie, docteur. Je soulignerais que nous avons investi 122 millions de dollars pour soutenir 47 projets de dissuasion et de prévention à l'égard des gangs, ainsi que 250 millions de dollars dans le Fonds pour bâtir des communautés sécuritaires. Nous effectuons donc également des investissements à cet égard.
Je veux aborder un autre sujet, auquel vous avez fait allusion dans votre introduction: il s'agit des préoccupations en matière de confidentialité quand quelque chose vous inquiète chez un patient. Je comprends que le signalement obligatoire est difficile, puisque cela fait intervenir plusieurs autorités, et notamment les règles que les médecins s'imposent par l'entremise de leur ordre professionnel. Cependant, seriez-vous d'accord pour que le gouvernement fédéral oblige les médecins à faire un signalement s'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'un patient pourrait poser un danger pour lui-même ou pour autrui? Ils feraient ce signalement auprès d'un agent de la paix ou du contrôleur des armes à feu pour qu'ils s'en servent comme preuve afin de confisquer les armes en question ou d'entamer une transaction ex parte pour les retirer à leur détenteur.
Pour la violence, de telles mesures existent déjà. Si un médecin craint sérieusement qu'un patient commette un homicide ou un acte de violence, il a le devoir de le signaler à la police. Pour ce qui est du suicide...
M. Tony Van Bynen: D'accord...
Dr Caillin Langmann: Vous m'avez posé deux questions, alors permettez-moi d'y répondre, car elles portent sur des sujets différents.
Ce que vous me demandez de faire à titre de médecin, c'est d'envoyer tous mes patients qui ont une forme quelconque de dépression ou de pensées suicidaires au contrôleur des armes à feu pour qu'il conserve un dossier à leur sujet, ce qui n'est peut-être pas l'intention de la mesure. J'enverrais ainsi un nombre considérable de dossiers de patients à un tiers. Certains dossiers de patients ont déjà été transmis au gouvernement américain, notamment dans des cas d'ordonnances de détention psychiatrique...
Bonjour, monsieur Langlois. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à témoigner devant le Comité. Je suis contente que le Comité puisse bénéficier de votre expertise.
La question des armes à feu au Canada et aux États‑Unis est justement un de vos champs d'expertise. Depuis le dépôt de ce projet de loi, je reçois beaucoup de commentaires et de courriels de la part de citoyens inquiets, et je suis certaine que c'est aussi le cas de mes collègues. Les citoyens pensent que le projet de loi C‑21 leur enlèvera le droit de posséder une arme à feu, comme si on avait quelque chose comme le deuxième amendement américain. Vous comprenez ce que je veux dire.
Hier, nous recevions les représentantes de PolySeSouvient, qui se disent inquiètes de constater que cette espèce de culture du fusil à l'américaine s'installe de plus en plus dans des villes comme Montréal et les grandes villes canadiennes. Dans ces villes, les jeunes se joignent de plus en plus à des gangs de rue et d'autres jeunes veulent s'armer pour se protéger de cela.
Je me demande si vous croyez au fait que certaines idéologies ou certains réflexes plus américains en ce qui a trait à la possession des armes à feu font leur chemin tranquillement au Canada. Pensez-vous que le projet de loi C‑21 peut nous prémunir contre cela?
Je vous remercie de votre question, madame Michaud.
Effectivement, on voit apparaître au Canada un discours très proche de celui que l'on retrouve aux États‑Unis. Parfois, certaines personnes qui défendent le droit de posséder et d'utiliser des armes à feu ont recours à des arguments qui sont tirés directement des propos que tiennent des organismes comme la National Rifle Association.
Cela dit, vous avez parfaitement raison. La Cour suprême du Canada et une cour de l'Ontario, notamment, ont réaffirmé le droit du gouvernement fédéral de légiférer sur la question des armes à feu, ici, au Canada. Au Canada, la possession d'armes à feu reste un privilège qui est accordé par le gouvernement.
J'ouvre ici une petite parenthèse. La question des armes fantômes vient limiter, sinon enlever, le pouvoir décisionnel que possède le gouvernement canadien quant aux personnes qui peuvent posséder une arme à feu et quant aux types d'armes à feu qui sont disponibles légalement pour les Canadiens et les Canadiennes. Je ferme la parenthèse.
On retrouve au Canada un discours et une culture des armes à feu qui sont importés des États‑Unis et qui sont diffusés dans les médias et sur les réseaux sociaux, notamment. Toutefois, comme l'a dit le Dr Langmann, la première raison pour laquelle les gens se procurent des armes, c'est pour se protéger. C'est aussi la raison pour laquelle une partie des criminels le fait.
Plusieurs recherches ont été publiées sur la violence par armes à feu aux États‑Unis. Je pense aux études de Patrick Sharkey ou de Thomas Abt, qui sont assez récentes. Ces études démontrent que ce qu'on cherche, d'abord et avant tout, c'est la protection. Ensuite, il y a cette question que l'on pourrait qualifier de culturelle, la question du statut. Le fait de posséder une arme à feu donne un certain statut à un individu et, évidemment, on le montre.
D'autres études démontrent les problèmes que cela engendre. S’il y a une arme à feu sur un lieu d'altercation, il y a de très fortes chances qu'elle soit utilisée, particulièrement si elle est illégale. L'effet de ces armes est celui qu'on voit dans l'actualité dans les grandes villes canadiennes comme Toronto, Montréal et Vancouver.
Je dirais que cette culture est effectivement importée, mais l'idée que l'arme à feu devient une solution à différents problèmes, que ce soit pour des criminels ou d'autres personnes, vient aussi un peu des États-Unis. Il y a effectivement une percolation de ces idées au Canada.
Vous abordez la question des armes fantômes. C'est un phénomène de plus en plus présent et, malheureusement, le projet de loi C‑21 n'aborde pas vraiment cette question. Je sais que vous avez quelques propositions à nous donner à cet égard. Je sais aussi que le gouvernement semble disposé à apporter des amendements au projet de loi. Sinon, j'aimerais le faire.
Qu'est-ce que vous nous conseillez pour légiférer de la meilleure façon possible par rapport aux armes fantômes?
Comme je le disais en introduction, un des grands problèmes est que les composantes identifiées par un numéro de série enregistré sont les chargeurs et les culasses, donc la crosse des pistolets et celle des fusils d'assaut. Par ailleurs, la plupart des composantes des armes à feu ont un numéro de série fourni par le fabricant. Étant donné qu'on ne considère que la crosse comme un élément pour identifier l'arme à feu, il devient alors facile de produire cette composante en polymère à la maison, soit avec une imprimante 3D, ou encore de l'usiner à partir d'une pièce de métal que l'on va sculpter dans une machine.
Une fois qu'on a fait cela, on peut acheter indépendamment les autres pièces et il n'y aura pas de vérification. Aux États-Unis, il n'y en a vraiment pas.
Il y a même une industrie de fabrication d'armes de type « polymer 80 ». On les nomme ainsi parce que ces armes ne sont pas tout à fait terminées, il reste à les assembler et à percer quelques trous dans la crosse. Ainsi, ces armes sont faciles à produire là-bas. Évidemment, elles proviennent des États-Unis et on ne peut pas vérifier ce qui est fait là-bas. Par contre, il faut renforcer ces contrôles, non seulement à la frontière, mais aussi à Postes Canada, et ainsi de suite.
Il faut vérifier ce que les gens commandent. Si une personne se met à commander des canons à un rythme frénétique, par exemple, pour des pistolets ou des choses comme cela, il faudrait identifier ces composantes pour qu'elles fassent partie de la définition de ce qu'est une arme à feu. C'est l'une des choses qui seraient importantes. En effet, une arme à feu n'est plus simplement la poignée ou la crosse, c'est aussi le canon, la culasse...
Docteur Langmann, vous dites que vous avez publié des recherches couvrant les années allant de 1974 à 2016, ce que je ne remets pas en question, puisque vos travaux sont fort respectés. Dans le cadre de ces recherches, vous avez constaté que les diverses mesures de contrôle des armes à feu n'avaient eu aucune incidence sur les taux d'homicide et de suicide.
Ce qui me fait sourciller, c'est l'espèce de conclusion hâtive à laquelle vous semblez arriver, affirmant qu'aucune mesure future visant à restreindre ou à contrôler les armes à feu ne pourra avoir une incidence quelconque sur la violence par arme à feu au pays. Est‑ce réellement ce que vous affirmez?
Ce n'est pas une conclusion hâtive, car on peut extrapoler en se basant sur le fait qu'un grand nombre d'armes de poing ont déjà été interdites dans les années 1990 et que cela s'est avéré sans effet. Depuis 2000, le nombre d'armes de poing que possèdent des Canadiens a considérablement augmenté, sans que le taux d'homicides augmente à l'avenant. En outre, l'Australie a adopté des lois fort semblables à celle que vous proposez et impose une interdiction complète des armes de poing, mesures qui n'ont entraîné aucune réduction des homicides. Je pense qu'on peut en conclure que le projet de loi présentera peu d'avantages, voire aucun.
Ce projet de loi est fort coûteux. Peut-être devriez-vous envisager d'autres méthodes dont les effets ont été prouvés, notamment sur le plan de la dissuasion des jeunes, comme j'en ai parlé.
Vous avez tiré une autre conclusion avec laquelle je ne suis pas d'accord, disant qu'il faut choisir entre les mesures de prévention et les mesures de contrôle des armes à feu. Dans notre pays riche, si tout le monde payait son dû, nous aurions les moyens de faire les deux.
Je veux parler un peu plus des statistiques. Selon ce que j'ai entendu à titre de membre du Comité de la justice et lu ici dans des études plus circonscrites, les femmes sont cinq fois plus susceptibles d'être tuées en raison de la violence conjugale quand un fusil est présent dans la résidence. Nous avons également entendu dire que les taux de suicide chez les adolescents sont de trois à quatre fois plus élevés quand une arme à feu se trouve dans la maison. Ces données semblent entrer en contradiction avec vos études à portée plus générale.
Diriez-vous que ces études sont invalides ou qu'elles portent peut-être sur une question plus précise et que nous devrions leur porter attention?
Tout d'abord, vous devez lire l'étude parue dans l'American Journal of Public Health, car elle montre qu'une femme qui possède une arme à feu comme protection est moins susceptible d'être tuée.
Il y a eu une étude transversale, et c'est le genre d'études le plus faible de tous. Une étude a également été menée aux États‑Unis sur les femmes américaines. Mes études ne sont pas transversales. Elles sont chronologiques et sont presque expérimentales. Elles ont un effet expérimental et de contrôle.
Je me suis intéressé aux homicides entre conjoints et aux lois dans le cadre de ces études, et les lois et l'interdiction des armes à feu n'ont pas entraîné de réduction du nombre d'homicides entre conjoints. Les données montrent qu'au cours des 10 dernières années, ce sont peut-être 0,01 % des titulaires de permis d'arme à feu qui ont vu leur permis confisqué pour des motifs familiaux. Je ne m'attends donc pas à ce que le projet de loi que vous proposez ait le moindre effet.
Pour ce qui est du suicide chez les adolescents, une étude transversale a également été menée à ce sujet. Vous avez peut-être entendu parler des études transversales qui montrent que la consommation élevée d'alcool cause le cancer, alors que d'autres indiquent que cela ne le cause pas. Ces études se contredisent tout le temps, et ce, parce qu'elles n'ont pas de mesures de contrôle adéquates et comportent des facteurs de confusion. Vous devez examiner de meilleures études, comme celles dont je parle et qui s'apparentent aux études quasi expérimentales que j'effectue.
J'ai réalisé des études sur le suicide chez les jeunes et les lois portant sur l'interdiction et l'entreposage des armes à feu et sur d'autres mesures, et aucune d'entre elles n'a montré que les taux globaux de suicide chez les jeunes diminuent après la mise en œuvre de lois ou la confiscation des armes à feu.
Docteur Langmann, je veux vous remercier du travail de première ligne que vous accomplissez à titre d'urgentologue, même si nous ne nous entendons pas sur les implications de vos recherches.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les deux témoins de comparaître.
Docteur Langmann, je vous remercie de vos observations sur la dissuasion des jeunes et les initiatives qui s'adressent aux jeunes à risque. Je conviens que c'est quelque chose à quoi nous devons porter attention.
Je suis convaincu — et je pense que la preuve est nette, comme vous l'avez indiqué — que le projet de loi C-21 est bancal. Je ne fais partie du Comité que depuis cinq ou six séances, mais la plupart des témoins que j'ai vus défiler devant nous se sont montrés critiques à l'égard du projet de loi C‑21 dans la version proposée. Nous avons constaté que certains de ses éléments sont déjà couverts par des lois existantes. C'est ce que de nombreux témoins nous ont indiqué.
Le projet de loi semble idéologiquement fondé sur la crainte des armes à feu. Nous avons observé ce qui ne peut être décrit que comme un manque de compréhension total du tir sportif, des fusils à air comprimé récréatifs, de l'utilisation récréative d'armes à feu dans des champs de tir et de la culture qui entoure l'utilisation non seulement sécuritaire, mais légale des armes à feu.
Nous connaissons tous le dicton voulant que si on a un marteau, tout a l'air d'un clou. Certains pensent que les lois peuvent éliminer la violence par arme à feu, mais le fait est que ceux qui commettent un crime ne se soucient pas des lois ou des bonnes intentions derrière leur création.
Je suis un peu curieux à ce sujet. Quel conseil pratique donneriez-vous au Comité sur ce qu'il faudrait ajouter au projet de loi C-21? Est‑ce que le projet de loi ou certaines de ses dispositions valent seulement la peine d'être conservés? Par quoi commencer? Que devons-nous faire pour l'améliorer?
Je pense que les dispositions dont j'ai parlé, particulièrement celle sur l'interdiction des armes de poing, n'auront aucun effet, et je me préoccupe des ordonnances d'interdiction.
Le régime en place actuellement permet à quelqu'un de présenter une plainte anonyme auprès d'un contrôleur des armes à feu. D'après ce que j'ai vu, ces plaintes donnent rapidement lieu à une enquête. Ce nouveau projet de loi propose de demander aux gens de témoigner devant un juge. Pour avoir travaillé avec des femmes à risque, je sais que c'est une des choses les plus dangereuses à leur demander, car elles en subiront les conséquences.
Je proposerais plutôt d'envisager d'investir dans les refuges pour femmes. Dans un contexte familial, c'est quand les femmes s'apprêtent à partir ou à appeler la police ou une autre autorité qu'elles courent le plus grand risque. Il faut les sortir de cette situation. En travaillant avec mes patientes, j'ai constaté que les refuges pour femmes sont souvent pleins: où peuvent-elles aller, alors?
Je ne pense pas que la nouvelle ordonnance d'interdiction aura un effet bénéfique. Elle pourrait même être un obstacle de plus pour certaines parties. Selon moi, le régime actuel fonctionne à des degrés acceptables, mais comme je l'ai indiqué plus tôt et comme je peux le répéter, l'interdiction des armes de poing n'aura pas d'effet bénéfique.
Pour ce qui est de dire ce que nous pouvons faire, nous devons sérieusement commencer à examiner les causes fondamentales du problème. Quelques témoins ont indiqué qu'ils avaient dépensé de l'argent dans certains domaines. Pourquoi ne pas dépenser davantage? Le rachat des armes à feu à autorisation restreinte dont nous avons parlé la dernière fois coûtera des milliards de dollars. Nous envisageons de dépenser des milliards de dollars, alors que certains patients ne peuvent être vus avant six mois en psychiatrie. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi nous n'investissons pas dans d'autres domaines.
Je vous remercie de ces réflexions, docteur Langmann. Je suis d'accord avec vous.
S'il est une chose qui m'étonne toujours depuis que je suis ici, c'est le fait que certaines mesures sont peut-être bien intentionnées, mais elles ont des conséquences néfastes ou sont très mal gérées.
J'examine ce projet de loi, que d'autres personnes ont qualifié de paresseux. Je serais d'accord avec cette affirmation. C'est facile de cibler les personnes qui, comme vous l'avez souligné, ont un potentiel de 0,01 % de poser un problème. Nous avons des problèmes avec la violence des gangs, le projet de loi de réforme des libérations conditionnelles, la contrebande et les jeunes à risque. Nous avons de l'argent à jeter par les fenêtres, mais pas de fonds à investir là où des problèmes existent vraiment.
Je suis extrêmement troublé par la direction que nous prenons. Nous investissons des efforts, du temps et des ressources dans un projet de loi qui, dans sa forme actuelle, n'aura aucun effet sur la sécurité publique, point final.
Si l'un d'entre vous peut ajouter quoi que ce soit aux recommandations sur les amendements et les modifications qui pourraient être apportées au projet de loi, je vous encouragerais à en faire part au Comité, si ce n'est déjà fait.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous accordez.
Monsieur Langlois, je voudrais commencer par vous.
Le service de police de Vancouver, et d'autres forces de police comme l'Association canadienne des chefs de police, nous ont fait part de leurs préoccupations au sujet des armes fantômes et de la capacité des gens de fabriquer leurs propres armes et de commander des pièces à domicile. L'examen du projet de loi C‑21 nous offre l'occasion de commencer à envisager d'ajouter des dispositions afin de réglementer le groupe de la détente, la glissière, le canon et d'autres composantes.
Quelle incidence pensez-vous que cela aura sur les problèmes d'aujourd'hui et, surtout, sur la résolution des problèmes que la violence par arme à feu posera demain aux corps de police?
Si on nomme d'autres pièces, comme le canon et la glissière, il sera plus difficile d'en commander et d'en fabriquer. Les personnes qui se font surprendre à en fabriquer seront considérées comme étant en train de fabriquer des armes et s'exposeront à des peines d'emprisonnement plus longues.
Les autorités pourront plus facilement arrêter quelqu'un qui importe ces pièces au Canada. Les pièces d'arme ne sont pas considérées comme des armes si quelqu'un les fabrique lui-même. Voilà pour le premier point. Le gouvernement devrait également envisager de demander aux fabricants d'armes d'attribuer des numéros d'identification à ces pièces.
De plus, le gouvernement du Canada devrait réfléchir à la manière dont il pourrait interdire à quiconque de créer ou d'importer des imprimantes 3D conçues expressément pour fabriquer des armes, comme la Ghost Gunner, fabriquée au Texas par Defense Distributed. Il s'agit d'un des exemples les plus connus, mais d'autres appareils ou machines sont vendus en ligne. Cela étant dit, les imprimantes 3D ordinaires devraient toujours être autorisées.
Docteur Langmann, je m'adresserai maintenant à vous.
Vous avez exprimé certaines idées particulières avec lesquelles je ne suis pas nécessairement en accord, mais nous pouvons peut-être nous entendre à propos des armes fantômes. Pensez-vous que ces armes poseront un problème dans l'avenir ou que ce n'est qu'une passade?
Non, je prévois qu'elles poseront un problème sérieux dans l'avenir. Un nombre toujours croissant d'armes non identifiées apparaissent dans les statistiques.
Je pense que toute restriction sur les importations pourrait entraîner une faible réduction du nombre d'armes disponibles, mais je crains que de nouvelles méthodes pour se procurer et fabriquer des pièces n'émergent au fil du temps sur les marchés clandestins.
Ici encore, si on ne commence pas à s'attaquer aux causes fondamentales... Ce sont les jeunes à risque qui utilisent ces armes. Ils commencent par de petits crimes...
Je suis désolé, docteur. Je ne suis pas en désaccord avec vous au sujet de la prévention. Je veux simplement confirmer que vous convenez que les armes fantômes sont un problème auquel nous devrions nous attaquer. Je veux savoir si vous en convenez ou non.
Monsieur Langlois, je veux revenir à vos recherches dans ce domaine. Vous avez parlé avec des forces de police et étudié les tendances d'avenir. Quand vous constatez la facilité avec laquelle on peut se procurer ou fabriquer des pièces d'armes à domicile, que pensez-vous que l'avenir nous réserve si nous ne mettons pas fin à ces pratiques et si nous ne tentons pas de nous attaquer directement au problème en faisant en sorte qu'un grand nombre des dispositions visant les armes à feu s'appliquent également aux pièces?
La tendance empirera et s'accélérera, mais je pense que le Dr Langmann a raison. Le problème s'amplifiera parce qu'il est devenu plus facile de fabriquer des armes fantômes depuis 2013, année au cours de laquelle la première arme à feu imprimée a été fabriquée. Les armes produites alors étaient de piètre qualité et se brisaient très facilement, mais on peut maintenant imprimer des armes à feu très efficaces chez soi.
Bien entendu, le gouvernement doit agir et faire quelque chose pour freiner la tendance et signifier son intention de limiter le trafic des [difficultés techniques]...
Monsieur Langlois, quand le gouvernement a présenté le projet de loi C‑21, il a présenté quatre ou cinq mesures ou articles en disant qu'ils allaient contribuer à la lutte contre le trafic d'armes illégales. On y retrouve une augmentation de la peine maximale pour le trafic d'armes à feu, par exemple. Or, selon un article du Devoir paru en juin, quand on vous a demandé si des peines plus longues seraient utiles, vous avez répondu: « On sait que, de façon générale, les criminels sont plutôt découragés par la peur de se faire prendre, et non pas par la sévérité des peines ».
Je suis plutôt d'accord avec vous, et je prends souvent l'exemple de William Rainville, un jeune qui avait un dossier vierge et qui a passé la frontière avec environ 250 armes. Il a été condamné à cinq ans de prison et il a été libéré sous condition moins d'un an plus tard.
Pensez-vous que cette mesure qui va vraiment contribuer à la lutte contre le trafic d'armes à feu? Sinon, quelle mesure privilégieriez-vous à cet égard?
Le cas de M. Rainville est assez intéressant dans la mesure où il a passé seulement quelques mois en prison pour avoir essayé d'importer environ 250 répliques de Glock 17. Il est sorti de prison au mois de juillet cet été.
Je maintiens ce que je dis: les punitions ne sont pas le meilleur moyen de dissuader les gens de commettre des crimes. Cela dit, il faut rester sévère à l'égard des gens qui importent des armes à feu ou d'autres produits dangereux qui sont une menace à la sécurité publique.
L'augmentation des peines n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais on doit agir sur deux fronts.
D'un côté, il faut augmenter la surveillance à la frontière, en coopération avec les autorités américaines. C'est à ce sujet que je travaille en ce moment. Il faut agir des deux côtés de la frontière pour éviter le trafic d'armes à feu. Il faut assurer une meilleure surveillance en augmentant les ressources humaines, de même qu'augmenter les peines pour trafic d'armes.
De l'autre côté, il faut s'attaquer aux causes de la violence, comme le Dr Langman l'a dit à plusieurs reprises. Pourquoi de jeunes hommes dans les grandes villes canadiennes s'arment-ils? On pourrait s'attaquer à ces causes pour faire baisser la violence par arme à feu de façon générale.
Je vais faire le pont avec la question que vous m'avez posée précédemment.
Il semble qu'ici, de même que dans les médias et dans le débat public, on ait importé des États‑Unis la façon de discuter du problème des armes à feu. Suivant cette façon d'en discuter, soit on interdit les armes à feu, soit on intervient dans les milieux. Or il faut faire les deux; l'un est indissociable de l'autre. D'une part, il faut faire de la répression, et, d'autre part, s'attaquer aux causes de la violence par arme à feu en faisant de la prévention auprès des gens qui peuvent tomber dans le cycle de la violence. Il faut aider les communautés qui ont besoin de ressources extérieures. Une panoplie de programmes peuvent être mis en place.
Je pense que c'est l'un « et » l'autre, et non pas l'un « ou » l'autre. Évidemment, il y a des considérations budgétaires, mais je...
Je remercie les deux témoins de nous avoir fait profiter de leur sagesse, de leur expérience et de leurs connaissances. Vous nous êtes d'une aide considérable.
Je veux rappeler au Comité que le délai pour proposer des amendements reste le 17, conformément au plan de travail. Nous devons entendre d'autres témoins cet après-midi, mais j'encouragerais certainement tous les membres à présenter leurs amendements au greffier législatif le plus tôt possible au cas où il y aurait des goulets d'étranglement.