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Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 25e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Je tiens d'abord à mentionner que je me trouve sur le territoire du Traité no 1 et les terres ancestrales des Métis.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre pris le 25 novembre 2021. Les membres participent en personne dans la salle ou à distance sur l'application Zoom. Les membres et les témoins qui participent virtuellement peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais ou le français.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le jeudi 3 mars 2022, le Comité reprend son étude de l'évaluation de la posture de sécurité du Canada par rapport à la Russie.
Nous accueillons aujourd'hui par vidéoconférence M. Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l'Université Queen's, qui comparaît à titre personnel. Nous accueillons aussi deux représentants du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale: M. Aaron Shull, directeur général, et M. Wesley Wark, agrégé supérieur.
Les témoins auront chacun cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire, après quoi nous commencerons nos périodes de questions.
Bienvenue à tous. J'invite maintenant M. Christian Leuprecht à faire sa déclaration préliminaire d'au plus cinq minutes.
Monsieur Leuprecht, vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je vais intervenir en anglais, mais n'hésitez pas à poser vos questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.
[Traduction]
Des acteurs étrangers exploitent l'extrémisme violent à caractère idéologique, ou EVCI, et les activités séditieuses au Canada et dans d'autres pays occidentaux. L'information erronée et la désinformation diffusées par les Russes sur les plateformes de médias sociaux de source ouverte compromettent les forces de police et le gouvernement au pouvoir. La méconnaissance générale entourant l'EVCI, la sédition et l'ingérence des acteurs étrangers a créé de réelles vulnérabilités à la sécurité nationale. Ces activités n'ont pas pris fin avec l'occupation illégale d'Ottawa. Les agents malveillants sont capables de mobiliser l'opinion politique et d'encourager un certain niveau d'activités potentiellement illégales.
L'architecture de la sécurité régionale et nationale sous-estime depuis un certain temps l'EVCI, les intentions séditieuses, les activités des séparatistes et les conséquences de l'ingérence des acteurs étrangers. Le terrorisme djihadiste ayant été la priorité de nos efforts, les organismes d'application de la loi se sont retrouvés mal préparés parce qu'ils ne recevaient pas les alertes précoces et les renseignements stratégiques nécessaires pour adapter leur posture à un scénario de menace en constante évolution.
À l'échelle nationale et internationale, les discours efficaces d'acteurs malveillants qui propagent des théories du complot et de faux discours continueront d'inspirer d'autres attaques contre l'État. Les critères que doivent respecter les organismes fédéraux d'application de la loi pour déclencher une enquête sur l'ingérence d'acteurs étrangers sont assez rigoureux, exigeant souvent qu'il y ait une grande criminalité ou des liens directs avec un État étranger. La barre est trop haute et difficile à atteindre pour les services de police locaux et fédéraux. Cela offre un environnement favorable à l'influence des acteurs étrangers.
Des enquêtes proactives sur les activités de l'EVCI au Canada sont nécessaires si nous voulons évaluer les risques connexes avec un certain degré d'exactitude.
Je vais maintenant vous présenter sept recommandations.
Premièrement, l'architecture de sécurité nationale du Canada doit être plus active et plus ferme dans la lutte contre l'EVCI et l'ingérence d'acteurs étrangers. Il est important de préciser que l'EVCI n'englobe pas l'activisme politique et la pensée radicale. Au Canada, l'EVCI s'inspire de la haine et des valeurs fondamentales idéologiques extrêmes, et il tend à promouvoir la violence et, récemment, des idées séditieuses et séparatistes.
Deuxièmement, il faut accroître l'éducation et la sensibilisation sur les conséquences de l'EVCI et de l'ingérence étrangère, non seulement sur la sécurité nationale, mais aussi sur la sécurité humaine, et reconnaître les liens entre les deux. Des acteurs étrangers ont réussi à promouvoir la discorde au sein de notre société et à affaiblir la confiance du public envers nos institutions, notamment dans les domaines de la santé publique et de l'application de la loi.
Troisièmement, nous devons repenser nos façons de répondre à l'ingérence étrangère. Les organismes fédéraux ont besoin d'un cadre plus étoffé leur permettant de travailler plus activement en coordination avec les services de police compétents qui connaissent bien les communautés touchées par l'ingérence étrangère. Nous avons besoin de capacités cybernétiques accrues, non seulement pour reconnaître l'information erronée et la désinformation, mais aussi pour les combattre activement. Les services du renseignement doivent améliorer leurs activités de sensibilisation et d'éducation du public.
Quatrièmement, l'architecture de sécurité nationale du Canada doit être plus souple et mieux adaptée à un environnement de menaces changeant et complexe, influencé par les tendances et les développements géopolitiques.
Cinquièmement, tout comme l'a fait l'Australie, nous devons adopter des lois sur l'ingérence étrangère pour mettre plus d'outils à la disposition des organismes d'application de la loi, mais uniquement si les recommandations trois et quatre sont respectées. Les lois et les capacités actuelles sont rarement utilisées. Nous devons chercher des occasions d'appliquer les lois existantes pour protéger les intérêts nationaux du Canada par d'autres moyens qui peuvent être tout aussi efficaces pour renforcer l'environnement opérationnel.
Sixièmement, la réponse à l'ingérence étrangère et à l'EVCI ne doit pas nécessairement se limiter à des accusations criminelles. La recherche de renseignements et la mobilisation sont indispensables pour arriver non seulement à mieux cerner le risque, mais aussi à rendre l'environnement opérationnel moins favorable. L'absence d'arrestations ou d'accusations ne devrait jamais servir de baromètre du risque.
Septièmement, les procureurs spéciaux ont besoin de ressources accrues pour répondre aux complexités de l'EVCI, de l'ingérence étrangère et du crime organisé.
J'aimerais préciser en terminant que le présent exposé a été rédigé conjointement avec John Khoshandish de la Police régionale de York.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité. C'est avec honneur et humilité que je m'adresse à vous aujourd'hui. J'en suis très heureux.
Afin de préparer ma participation, j'ai écouté tous les autres témoignages que vous avez entendus. Je crois que le meilleur conseil que je puisse donner au Comité, c'est que si vous vous concentrez trop sur la gestion des urgences et la préparation aux situations d'urgence, vous ratez une occasion de prévoir et de planifier stratégiquement. C'est vraiment sur cet aspect que je vais essayer d'orienter mes observations.
Il y a une urgence et forcément, nous y répondons, mais nous devons arriver à un point où le Canada aura un plan stratégique approuvé par tous les partis. La réalité, c'est que peu importe qui est à la tête du gouvernement, les menaces sont les mêmes. Autrement dit, un effort non partisan est nécessaire si nous voulons vraiment bien faire les choses.
Mon deuxième conseil serait de mentionner que bien que les travaux actuels du Comité concernent la Russie, il est évident que ces menaces ne viennent pas uniquement de la Russie. Nous le savons tous. Je veux simplement dire que ce dont nous parlons aujourd'hui s'applique à un contexte beaucoup plus large.
Parlons des infrastructures essentielles. Un fonctionnaire américain qui décrit avec justesse ce qui se passe en disant: « C'est assez stupéfiant [...] aller travailler tous les jours derrière des portes closes, essentiellement pour essayer de savoir s'il est possible de paralyser toute l'infrastructure d'un pays sans jamais tirer un coup de feu ou larguer une bombe. » La réponse est oui, c'est possible. Cela devrait donner matière à réflexion à tous les Canadiens. C'est dans ce contexte que nous parlons aujourd'hui.
Pour être le plus utile possible à votre comité, je vais faire deux choses. Je vais d'abord examiner les menaces énoncées dans le Règlement, et ensuite les classer en fonction de ce que vous pouvez changer et de ce que vous ne pouvez pas changer. Il est tout à fait logique de se concentrer sur ce que l'on peut réellement changer.
Je proposerai ensuite une recommandation qui, à mon avis, si on y donne suite, atténuera soit une approche trop étroite à l'égard de la sécurité nationale, soit une approche réactionnaire. C'est ce que faisait Wayne Gretzky. Wayne Gretzky est le meilleur joueur de hockey de tous les temps parce qu'il patinait vers l'endroit où irait la rondelle, et non où elle se trouvait. J'ai l'impression qu'en ce moment, nous gardons les buts. Nous devons faire plus que cela. Nous avons besoin d'un cadre stratégique que nous pourrons appliquer partout au monde.
Premièrement, pour ce qui est des menaces précises, l'étude demande d'examiner les infrastructures essentielles, tant physiques que cybernétiques. Je vous encouragerais à vous concentrer sur l'aspect cybernétique, et ce, pour deux raisons. Premièrement, la plupart des infrastructures essentielles sont de toute façon cybernétiques. Deuxièmement, si nous parlons d'une attaque cinétique de la Russie contre l'infrastructure essentielle du Canada, nous serions dans une situation relevant de l'article 5 de l'OTAN. Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez changer.
Concentrez-vous sur la cybernétique. Les exemples sont très nombreux. Tous les autres témoins en ont parlé. Je ne vais pas mentionner tous ces exemples, mais permettez-moi de dégager deux grandes tendances. Ce qui rend ces armes si dangereuses, c'est qu'elles sont déployées en secret, qu'elles sont développées en secret et qu'elles sont trafiquées en secret. Cela signifie que nous pourrions empiéter par erreur sur les lignes rouges de quelqu'un d'autre. Cela crée un environnement opérationnel extrêmement dangereux.
L'étude demande également d'examiner la prévalence et les répercussions de la désinformation russe. Je pense qu'il est important de faire la distinction entre « information erronée » et « désinformation ». L'information erronée n'est pas citée dans le Règlement, et je pense que c'est peut-être un oubli, parce qu'en réalité, nous parlons d'information erronée russe.
Concrètement, que peut faire le Comité? Il peut se concentrer sur l'amplification. C'est l'endroit idéal pour notre travail. Puisque 39 % du trafic Internet provient de robots malveillants, c'est là que vous pouvez travailler pour changer les choses. Le trafic automatisé représente 64 % de l'ensemble du trafic Internet, donc de robots. Permettez-moi de m'arrêter un instant. Considérant que 39 % du trafic Internet provient de robots malveillants, nous pouvons faire deux choses simples.
Allez chercher l'argent. Les gens ne se réveillent pas le matin avec un sens du devoir civique qui les pousse à gérer une ferme de robots russes. Ils veulent être payés. Je pense que les sanctions qui ont été adoptées contre la Russie valident ce principe. Exploitons cet aspect.
L'autre chose que nous pouvons faire, c'est examiner l'architecture technique d'Internet. Il y a des façons d'utiliser ce que l'on appelle le système de « noms de domaine » pour s'assurer que les grandes fermes de robots ne fonctionnent pas. Dirigez-les vers l'océan ou vers l'espace. Nous devons tirer parti de l'architecture d'Internet pour réduire le trafic.
Nous pouvons aussi collaborer avec des partenaires internationaux pour définir ce que sont les robots malveillants, pour ensuite travailler avec l'architecture technique d'Internet et les fournisseurs afin d'en restreindre le flux.
L'étude demande aussi d'examiner les activités d'espionnage ou de sabotage et le recours aux armes de destruction massive. Eh bien, en ce qui concerne les armes de destruction massive, vous n'avez probablement aucun pouvoir. Si la Russie utilise des armes de destruction massive, tout est possible. Vous seriez probablement dans un contexte touchant l'article 5 de l'OTAN.
Quant aux activités d'espionnage et de sabotage, il y en a déjà, mais encore une fois, elles sont surtout cybernétiques. Il y a une interaction dynamique entre la sécurité économique, la prospérité et la sécurité nationale réelle. Nous devons simplement trouver une façon de renforcer les entreprises canadiennes. J'ai quelques idées sur la façon dont nous pouvons concrètement aider nos entreprises dans ce contexte opérationnel, si vous voulez y revenir pendant la période des questions.
Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'une nouvelle stratégie de sécurité nationale qui soit le résultat d'un effort vraiment non partisan.
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Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à participer à votre étude de l'évaluation de la posture de sécurité du Canada par rapport à la Russie.
J'aimerais commencer par faire valoir deux points.
Premièrement, la planification de la sécurité nous demande d'adopter une vision à long terme. Les menaces auxquelles le Canada est exposé vont bien au‑delà de celles qui sont actuellement posées par la Russie. Les réponses quant à la façon dont le Canada devrait répondre à ces menaces ne seront pas trouvées dans une étude limitée à l'examen des dangers russes.
Le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, le CIGI, a entrepris la réalisation d'un projet ambitieux et inédit visant à relever ces défis en matière de sécurité. Nous parlons de « réinventer une stratégie canadienne de sécurité nationale ». Nous avons commencé ce travail bien avant l'invasion russe de l'Ukraine. Le fondement du projet est la conviction que le Canada doit sérieusement repenser son approche en matière de sécurité nationale et l'étonnante constatation que le Canada n'a actuellement aucune stratégie globale sur la sécurité nationale. La dernière et l'unique stratégie a été élaborée en 2004, il y a donc 18 ans. Notre rapport identifie un éventail de menaces continues et de nouvelles menaces, notamment les bouleversements géopolitiques mondiaux, les menaces actuelles et futures liées aux pandémies et à la sécurité de la santé, les répercussions des changements climatiques sur la sécurité, les changements technologiques et l'insécurité économique.
Le deuxième point que j'aimerais faire valoir en réponse directe à votre étude, c'est que ce sont les organismes de sécurité nationale et de renseignement du Canada, et non les militaires, qui constituent la première ligne de défense du pays. C'est particulièrement vrai dans le cas de la Russie si nous voulons cerner les menaces, protéger les infrastructures essentielles, lutter contre la désinformation parrainée par l'État et mener des activités de contre-espionnage.
J'aimerais vous lire une partie de l'introduction du chapitre consacré au renseignement de la politique de sécurité nationale de 2004. On peut y lire ce qui suit:
Le renseignement est le fondement de notre capacité à prendre des mesures efficaces pour assurer la sécurité du Canada et celle de sa population.
La politique dit également:
Le renseignement est important non seulement pour la sécurité du Canada, mais également pour une solide politique internationale, militaire et économique.
Considérant que notre système de sécurité nationale et de renseignement est très important pour affronter la menace russe, sur quels aspects devrions-nous nous concentrer relativement à notre posture de sécurité? Je vais énoncer trois plus grands enjeux et établir un ordre de priorité.
Le premier est notre capacité en matière de renseignement, c'est‑à‑dire la collecte, l'analyse et la production de rapports significatifs sur les capacités et les intentions d'auteurs de menaces comme la Russie. Plus particulièrement, nous devons être en mesure d'envisager les issues de la guerre de la Russie contre l'Ukraine et de planifier en conséquence.
Le deuxième est nos efforts de lutte contre l'espionnage étranger ciblant les secteurs public et privé.
Le troisième, en tant que menace de haut niveau, est notre capacité de nous défendre contre les cyberattaques ou les tentatives qui menacent les infrastructures essentielles. Le Centre de la sécurité des télécommunications et ses homologues du Groupe des cinq ont lancé des avertissements répétés au sujet de la menace de cyberattaques russes contre les infrastructures essentielles, et nous avons maintenant une base de données contenant des preuves sur ces menaces et les capacités russes, y compris les exemples du ver NotPetya en 2017 et du piratage du logiciel de la chaîne d'approvisionnement SolarWinds en 2020.
Je signale également que le Canada, contrairement à ses partenaires de l'OTAN et de l'Union européenne, n'a encore pris aucune mesure pour expulser les agents de renseignement russes de ses trois services. Le Canada doit prendre des mesures fermes pour contrer les activités d'espionnage et d'ingérence de la Russie. Je remarque que, selon les derniers chiffres, plus de 500 fonctionnaires russes ont été expulsés de diverses capitales occidentales depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. Le Canada n'en a expulsé aucun.
L'invasion russe de l'Ukraine nous a donné l'occasion de repenser notre approche en matière de sécurité nationale. Nous devons abandonner nos vieilles habitudes nombrilistes en matière de sécurité nationale, comme je les appelle, et reconnaître que nous vivons dans un monde de menaces dans lequel les frontières n'existent pas. Nous devons développer la capacité souveraine requise pour en comprendre les origines et les répercussions à l'échelle mondiale, et pour ce faire, nous devons renforcer la capacité générale de collecte et d'évaluation du renseignement.
Nous devons également être prêts à déployer une capacité d'intervention offensive, y compris en utilisant le renseignement et des outils cybernétiques. Je crois que la guerre en Ukraine a mis cet aspect en lumière de façon flagrante, et le Canada a réagi d'une certaine façon en fournissant des fonds à l'Ukraine pour l'achat d'images satellites et en permettant à MDA de partager ses analyses de RADARSAT.
Je pense que nous pourrions en faire plus pour soutenir l'Ukraine par le renseignement, des outils cybernétiques et des opérations, et en l'aidant davantage à mener des enquêtes sur les crimes de guerre. De sérieux motifs et le rapport spécial produit par le CIGI — le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale — à l'automne 2021 justifient que les capacités du Canada en matière de sécurité nationale soient examinées de manière approfondie et continue pour répondre à un nouvel environnement de menaces. Je rappellerais aux membres du Comité que le dernier examen de ce genre a été fait par un examinateur externe en 1970.
Nous devons aussi…
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Très brièvement, je pense que le Canada a quelques capacités limitées relativement au renseignement étranger, particulièrement celles qui relèvent du Centre de la sécurité des télécommunications et, dans une certaine mesure, d'Affaires mondiales Canada. Nous pourrions faire beaucoup plus. Le Canada a souvent fait l'objet de critiques discrètes de la part de ses partenaires du Groupe des cinq qui considèrent qu'il se comporte un peu comme un profiteur dans le partenariat de l'alliance.
Ma plus grande préoccupation est que nous devons vraiment renforcer notre capacité souveraine de comprendre le monde et les menaces qui nous ciblent. Je crois que nous pouvons faire beaucoup en ce sens, à la fois pour renforcer les capacités de collecte de renseignements — surtout pour l'aspect négligé de l'importance de l'évaluation du renseignement dans le système éparpillé et non structuré du gouvernement fédéral — et le système utilisé pour faire rapport sur les renseignements recueillis, pour tenter de nous assurer qu'il ait une incidence sur la prise de décisions.
Nous avons déclaré dans le rapport spécial du CIGI que nous estimions qu'il était important d'examiner la gouvernance de la sécurité nationale au Canada, qui est depuis longtemps, bien sûr, un système très décentralisé, cloisonné et basé sur les mandats et l'expertise des ministères. avec relativement peu de coordination et de contrôle centraux. Nous avons fait valoir dans ce rapport, entre autres, l'idée qu'il devrait y avoir un comité permanent du Cabinet sur la sécurité nationale et le renseignement. De tels comités du Cabinet ont déjà existé. Ils sont actuellement remplacés par le Groupe d'intervention en cas d'incident, comme vous le savez certainement, qui réunit ponctuellement des ministres et des fonctionnaires du Cabinet en cas d'urgence uniquement et qui, à mon avis, a très peu de capacité en matière de réflexion et de planification stratégique. Merci.
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Au cours des 25 dernières années, le nombre de demandes imposées aux Forces armées canadiennes a considérablement augmenté tant qualitativement du point de vue de la complexité de l'environnement de sécurité, que quantitativement du point de vue de ce que l'on attend des Forces armées canadiennes.
En février de cette année, les Forces armées canadiennes avaient 7 600 soldats de moins que l'effectif autorisé de 72 500 soldats, mais il manquait environ 10 000 personnes du côté opérationnel. Cela signifie en fait que les FAC fonctionnent à 85 % du niveau de dotation requis pour répondre à ses exigences opérationnelles et à ses mandats. Cette situation a d'importantes conséquences sur le moral, ainsi que sur la capacité de mener des opérations nationales de défense continentale, ainsi que des opérations pour assurer la sécurité régionale et internationale. Cela explique en partie pourquoi le gouvernement est plus limité qu'il le voudrait peut-être pour répondre aux défis actuels.
C'est le résultat de 20 ans de négligence anodine pendant lesquels les gouvernements ont choisi les formations d'attaque, la structure de forces et les opérations auxquelles ils participaient. En mettant l'accent sur les opérations, nous avons négligé la reconstitution, la régénération et le soutien de la force. Nous devons donc déployer tous les efforts sur ce front parce que de 15 à 20 ans sont nécessaires, comme vous l'avez mentionné, pour former un soldat d'expérience qui peut alors non seulement mener des opérations cinétiques à l'étranger ou pour la défense continentale, mais aussi participer à des interventions nationales complexes auxquelles les Forces armées canadiennes sont de plus en plus appelées à participer.
Le Centre de la sécurité des télécommunications a mis en place ce qu'on appelle les contrôles de cybersécurité de base pour les petites et moyennes entreprises. Si les entreprises s'y conforment, il y a de fortes chances qu'elles n'aient pas de problèmes, parce qu'aucun auteur de menaces au niveau de l'État ne s'en prendrait à une petite entreprise, surtout si elle est difficile à infiltrer. Cela n'en vaut tout simplement pas la peine.
Nous avons mis en place des contrôles de base, mais le problème, c'est que, même s'ils existent, la plupart des entreprises ne les appliquent pas. Si la menace n'est pas suffisante pour qu'elles agissent, vous devez les motiver à le faire. J'examinerais la possibilité d'offrir un genre de crédit d'impôt. Si vous accordiez aux petites et moyennes entreprises un remboursement de 5 000 $ sur leurs impôts, il y a de fortes chances qu'elles mettent en place ces contrôles de base.
Si toutes les petites et moyennes entreprises du pays le faisaient, cela coûterait 50 millions de dollars. Je peux vous garantir que la cybercriminalité fait perdre beaucoup plus d'argent à l'économie, alors ce serait une bonne politique économique. Cette mesure rendrait également nos entreprises plus résilientes.
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C'est une très bonne question parce que, en partie, c'est un peu comme le chien qui n'a pas aboyé. Nous avions supposé que nous allions voir beaucoup plus de cyberattaques et des attaques beaucoup plus sophistiquées que ce fut le cas.
Le défi avec la Russie est le suivant. Les attaques de SolarWinds ont montré que la Russie, la Chine et une poignée d'autres acteurs disposent de capacités extrêmement avancées pour se livrer à des exploits ciblés, alors que 98 ou 99 % des attaques sont de niveau moyen et qu'il est possible de s'en prémunir à l'aide de capacités raisonnables. Nous venons d'assister à un exploit ciblé de cette nature en Ukraine contre un fournisseur de satellites américain. Il a mis hors service certaines infrastructures essentielles en Ukraine pas plus tard que la semaine dernière. Il ne visait pas les infrastructures essentielles en sol américain. L'exploit peut être déployé de manière générique contre toutes sortes d'hôtes d'infrastructures essentielles, de sorte que ce qui a été déployé et la manière dont il l'a été étaient nettement préoccupants.
En résumé, ces acteurs possèdent la patience, les compétences et les ressources nécessaires pour créer des exploits très délibérés et ciblés. Ce ne sont pas des cibles d'opportunité, mais des cibles tout à fait intentionnelles, comme nous l'avons vu dans l'attaque de SolarWinds. Voilà pourquoi nos infrastructures essentielles sont disproportionnellement vulnérables à ces types de capacités étatiques ou, dans le cas de la Russie, de capacités tolérées par l'État qui sont extrêmement sophistiquées.
C'est là que nous avons besoin d'une collaboration plus poussée entre le renseignement d'origine électromagnétique et le secteur privé, car seul le renseignement d'origine électromagnétique possède la connaissance du domaine de ces types de capacités. Dans bien des cas, il faut des capacités offensives pour désactiver les exploits qui sont déployés contre nous. Il faut aussi une position plus énergique en matière d'application de la loi, comme nous l'avons vu de la part des autorités britanniques et américaines qui ont obtenu des mandats pour effectivement modifier le codage et les logiciels d'infrastructures essentielles si les entreprises n'agissent pas assez rapidement.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous.
Je vais d'abord m'adresser à M. Leuprecht.
Dans un article que vous avez coécrit et qui a été publié dans La Presse en mars dernier, vous disiez ce qui suit:
Depuis une vingtaine d’années, au lieu de s’investir dans la politique internationale, nos gouvernements canadiens ont plutôt tergiversé et privilégié les grands discours: les mots étant plus importants que l’action. Une telle approche témoigne des lacunes de la politique de défense et de la diplomatie canadiennes.
Vous disiez également ceci:
Pour regagner sa place au sein des institutions alliées et multilatérales, le Canada doit offrir des capacités réelles. Par exemple, une capacité expéditionnaire robuste, une défense contre les missiles balistiques, le renouvellement du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et la mise en place d’une agence de renseignement étranger autonome.
J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur ces propositions. J'aimerais également que vous nous parliez du fait que le gouvernement canadien a annoncé récemment qu'il souhaitait peut-être se joindre au bouclier antimissile américain.
Pensez-vous que c'est une bonne idée et qu'il devrait le faire rapidement?
Le cas échéant, croyez-vous que c'était une erreur de ne pas le faire plus tôt?
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Mes propos démontrent qu'on a négligé, pendant deux décennies, d'investir dans les capacités de base des Forces armées canadiennes pour la défense du continent. Celle-ci importe forcément, car l'objectif primordial d'un État devrait toujours être sa sécurité et celle de ses citoyens. Il faut également considérer que la sécurité de l'Amérique du Nord constitue aussi un investissement dans l'OTAN. Si les États‑Unis ne sont pas sûrs, cela diminue leur capacité de dissuasion sur les plans cinétique et nucléaire face à nos alliés et nos partenaires, en Europe et ailleurs.
Quant au bouclier antimissile, il y a depuis longtemps une situation contradictoire. En effet, le Canada fait partie d'un bouclier de ce genre en Europe, mais il ne fait pas partie du même bouclier en Amérique du Nord.
Pourquoi se joindrait-il à ce bouclier? Parce que les missiles de la Corée du Nord, et bientôt aussi ceux de l'Iran, auront la capacité de toucher la côte Est de l'Amérique du Nord dans un temps prévisible. En effet, si des États peuvent lancer des missiles, ils peuvent restreindre notre capacité de prendre des décisions politiques démocratiques souveraines.
Si nous prenons une décision qui gêne un autre État qui possède des missiles, celui-ci peut nous menacer avec ses missiles. Dans ces conditions, nous ne pourrons pas mettre en vigueur une décision démocratique souveraine. Nous imposerons donc des contraintes au peuple canadien et empêcherons le gouvernement au pouvoir de prendre des décisions qui correspondent aux valeurs et aux intérêts fondamentaux du Canada.
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Il y a toujours le risque d'une escalade horizontale ou verticale de la part de la Russie, soit envers l'Ukraine, soit envers les pays alliés ou partenaires. Il est certain que les rapports avec la Russie sont difficiles. Il faut se rappeler que la Russie menace nos intérêts non seulement en Europe, notre deuxième partenaire stratégique après les États‑Unis, mais aussi dans l'Arctique, ce qui exige des investissements considérables, comme vous l'avez mentionné, dans le NORAD, soit le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, et dans d'autres organisations.
Les relations avec la Russie seront ardues pendant les prochaines décennies. Cependant, il faut aussi se rappeler que le conflit en cours est avec le régime actuel de la Russie, non pas avec la population russe. En Russie, il y a une nouvelle génération, plus jeune que moi, qui est beaucoup plus favorable à l'Occident et qui ne ressent pas ce mécontentement quant à la défaite de la guerre froide ou quant à la chute de l'empire soviétique. Je crois donc que, au cours des 25 prochaines années, il y aura un rapprochement potentiel avec la Russie, mais que nous nous trouverons probablement, d'ici là, dans une situation où la Russie va continuer de menacer tous les membres de l'OTAN, ainsi que l'ordre international établi depuis la signature de l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Helsinki, en 1975.
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Merci, monsieur le président.
Vous savez, dans le cadre de notre étude sur la Russie, il est frappant de constater à quel point les recoupements avec notre étude sur l'extrémisme violent à caractère idéologique, l'EVCI, que nous venons de conclure, sont nombreux, notamment en ce qui concerne le rôle d'acteurs étatiques étrangers qui aident à propager la désinformation. Si vous provoquez ce degré de perturbation dans la politique interne d'un pays, il est évident que cela va provoquer passablement de distraction.
Monsieur Shull, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé du trafic automatisé et de la nécessité de nous attaquer aux bots. À terme, comme parlementaire, mon objectif est de produire un rapport complet renfermant des recommandations solides sur ce que le gouvernement fédéral peut faire.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point et formuler une recommandation précise sur ce que vous souhaitez que le gouvernement fédéral fasse pour s'attaquer aux bots? Grâce à nos études précédentes, nous savons que les bots contribuent à amplifier une grande partie de la désinformation dont nous avons entendu parler. Les bots et les fermes à trolls essaient vraiment de disséminer tout ce contenu, ce qui cause beaucoup de ravage dans notre politique interne.
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Bien sûr. J'ai mentionné deux choses, mais permettez-moi d'y revenir plus en détail.
Par souci de clarté, un troll est une personne et un bot est un robot, mais ils travaillent de concert. Les trolls contrôlent les bots. Il y a en fait ce qu'on appelle des « cyborgs », lorsque des trolls manipulent des armées de bots et les redirigent.
Je voulais dire plus tôt que le troll veut être payé. Faites en sorte qu'il soit plus difficile pour eux d'être payés. Le système est déjà en place grâce aux sanctions. Vous avez la preuve du concept. Aucun citoyen ne se lève le matin pour gérer une ferme à trolls par sens du devoir civique. Il veut toucher un chèque de paye. Faites en sorte qu'il soit plus difficile de toucher ce chèque de paye et cela réduira l'amplification à laquelle nous assistons.
La deuxième chose dont nous avons parlé est qu'il n'y a pas de définition largement reconnue de ce qu'est un « mauvais » bot. Nous devons collaborer avec les États alliés pour déterminer en quoi ils consistent. Ensuite, nous devons mettre en place un mécanisme, au moyen d'une action collective, afin de tirer parti de ces sanctions et de nous attaquer à l'architecture technique. Il faut travailler avec les agences de gouvernance d'Internet. Il existe un organisme appelé ICANN, mais je n'entrerai pas dans les détails ici. Il faut nous attaquer à l'architecture technique et nous assurer qu'aucune grande ferme ne se forme.
En tant que parlementaire, depuis que je siège ici, je suis de plus en plus mécontent du rôle du Parlement en matière de sécurité nationale. Je pense que nous faisons preuve d'une trop grande déférence envers le pouvoir exécutif et les agences de sécurité nationale et j'aimerais que le Parlement joue un rôle plus énergique dans cette conversation.
Si vous comparez cette situation avec le Congrès des États-Unis, les commissions de surveillance du renseignement de la Chambre et du Sénat des États-Unis jouent un rôle très actif dans ce que fait la CIA sur une base hebdomadaire.
M. Wark et vous avez parlé de la nécessité d'un plan stratégique, d'une stratégie canadienne de sécurité nationale. En ce qui concerne le rôle du Parlement, si vous prenez les lois qui régissent la GRC et le SCRS et la façon dont le SCRS et le CST collaborent, parce qu'ils sont dans deux domaines différents, avez-vous des recommandations précises sur ce que nous pouvons présenter au dans le prochain grand chapitre et sur les différentes lois que le Parlement doit examiner et réformer pour nous faire entrer dans le XXIe siècle?
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Merci, monsieur MacGregor.
Par votre entremise, monsieur le président, je pense que les ressources supplémentaires destinées au CST sont les bienvenues. Bien sûr, il est toujours important de suivre comment ces ressources sont dépensées et c'est un rôle que les comités parlementaires peuvent jouer.
Le défi pour le Parlement en matière de sécurité nationale, à mon avis, est que les comités parlementaires peuvent avoir une incidence majeure sur le cadre général, la gouvernance et les questions stratégiques. Toutefois, il est difficile pour un comité permanent du Parlement d'entrer dans les détails du renseignement et de la sécurité nationale, en raison du manque d'accès aux renseignements classifiés et aux séances d'information classifiées. C'est un rôle que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement peut jouer, comme le Parlement l'a prévu. Je tiens simplement à dire en passant que je suis heureux de voir que ce comité est de nouveau opérationnel. Je pense qu'il mérite l'appui du Parlement à l'avenir. L'interaction entre le CPSNR et les comités parlementaires est une question importante qui n'a pas vraiment été définie lorsque le CPSNR a été créé et je pense que vous devriez en parler avec vos collègues parlementaires qui siègent à ce comité.
Je vous remercie.
Je lis le rapport de 2021 d'Élections Canada et on y évoque la mésinformation et la désinformation, mais les auteurs semblent vraiment minimiser l'incidence qu'elles ont eue, en disant que les Canadiens peuvent faire confiance au processus électoral. Je pense que dans l'ensemble, la grande majorité… Nous pouvons faire confiance au processus électoral, mais nous savons que parfois, les élections au Canada peuvent littéralement être décidées par une seule circonscription ou une seule poignée de circonscriptions.
Selon vous, Élections Canada doit‑il prendre cela plus au sérieux et alerter les Canadiens, non seulement dans ses rapports après coup, mais pendant une élection, qu'une campagne de désinformation est menée pendant l'élection?
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Je pense que les parlementaires doivent faire très attention de ne pas sympathiser avec des activités criminelles ou manifestement illégales. Lorsque nous commençons à brouiller ces frontières, nous nous mettons dans le pétrin.
En même temps, je pense que nous commençons à nous mettre dans le pétrin lorsque nous voyons les gouvernements faire des clins d'oeil complices à la police pour lui suggérer de ne pas être trop ferme avec ces manifestants parce que nous avons de la sympathie pour eux, mais d'être fermes avec ces autres manifestants parce que nous n'avons aucune sympathie pour eux.
Je pense que nous avons besoin d'un consensus multipartite pour nous assurer de faire respecter l'État de droit de façon égale et équitable partout au pays, de sorte que les forces de l'ordre disposent toujours de renseignements et d'une orientation claire sur l'allure que doit prendre leur approche.
Je suis profondément préoccupé par la mesure dans laquelle nous politisons de plus en plus les activités d'application de la loi au Canada en raison de l'étendue des sympathies que le gouvernement pourrait avoir pour tels manifestants ou tels autres, au lieu de tracer une ligne claire. Si une manifestation est illégale, et d'autant plus si elle est criminelle, nous devons laisser la règle de droit suivre son cours.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous consacrer mes dernières minutes, monsieur Shull.
J'ai beaucoup aimé votre analogie de départ, à propos de M. Wayne Gretzky, soit qu'il faut patiner là où la rondelle s'en va et non là où elle est. C'est non seulement un bon conseil pour les jeunes hockeyeurs de ce monde, mais c'est aussi un bon conseil en matière de sécurité pour le Canada.
En considérant le contexte actuel, quelle devrait être la prochaine étape pour que le gouvernement du Canada ou le Parlement renforce sa sécurité?
M. Charles Burton, de l'Institut Macdonald‑Laurier, a témoigné la semaine dernière. Il disait qu'il y avait peut-être un manque de transparence de la part de la GRC, du SCRS et de la CST en ce qui concerne les informations qu'ils recueillent et qui peuvent être délicates, sur la sécurité nationale et, notamment, sur la Russie. Selon lui, cela empêche peut-être les parlementaires de bien faire leur travail, parce qu'ils n'ont pas accès à ces informations pour édicter des lois visant à renforcer leur sécurité.
Qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord sur ces propos?
Selon vous, que devrions-nous faire à cet égard?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Leuprecht, je pense que je vais vous consacrer mes deux dernières minutes et demie. Merci d'être venu témoigner à la fois pour cette étude et pour notre étude sur l'IVCI.
Je veux aborder en fait le même sujet que celui sur lequel M. Noormahamed vous a interrogé. Vous avez dit très clairement que vous aimeriez qu'une commission royale soit créée pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. Je pense que le rôle que jouent les entreprises de médias sociaux est l'un des facteurs que nous avons répertoriés dans notre étude précédente et qui me semblent très pertinents pour celle‑ci. S'il existe des vulnérabilités que d'éventuels acteurs étatiques étrangers peuvent exploiter pour semer activement la désinformation, la discorde et contribuer à des événements comme ceux d'Ottawa… Comme vous l'avez dit, la capitale d'un pays du G7 a été essentiellement paralysée pendant trois semaines complètes.
Avez-vous des recommandations sur les mesures proactives que nous pouvons recommander? L'une des choses qui nous posent des problèmes en tant que comité est le juste équilibre entre le respect de la liberté d'expression, un droit garanti par la Charte, et le fait de tenir les entreprises de médias sociaux responsables du rôle qu'elles jouent en offrant une plateforme pour la propagation de ce type de désinformation. Pouvez-vous nous suggérer des mesures proactives que nous pourrions recommander à l'égard des plateformes de médias sociaux?
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Nous reprenons nos délibérations.
Pour cette deuxième heure, nous accueillons William Browder, chef de la direction chez Hermitage Capital Management, à titre personnel; M. Jeffrey Mankoff, chercheur universitaire émérite de la National Defence University; et Errol Mendes, professeur de droit constitutionnel et international de l'Université d'Ottawa.
Nous accorderons jusqu'à cinq minutes pour les déclarations liminaires, après quoi nous passerons à nos séries de questions.
Permettez-moi de donner d'abord la parole à Dr William Browder qui fera une déclaration liminaire d'au plus cinq minutes.
Allez‑y, monsieur.
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Je suis l'une des personnes qui ont passé les 10 dernières années à se battre en combat singulier avec Vladimir Poutine. Cela a commencé par mon plaidoyer pour la loi Magnitsky dans le monde entier. Beaucoup d'entre vous me connaissent grâce au travail que j'ai effectué avec de nombreux députés au Canada sur cette question.
J'ai vu comment Poutine et son régime s'en prennent à leurs ennemis, aux personnes et aux pays qu'ils considèrent comme tels, etc. Au début de notre conversation, je tenais simplement à vous faire part de quelques réflexions sur l'état des lieux de la guerre en Ukraine, sur notre réaction à cette guerre, sur la réaction de Poutine à notre réaction et sur les mesures que nous pourrions prendre pour nous protéger, protéger le Canada et l'Occident en général.
D'abord et avant tout, le gouvernement du Canada et les gouvernements des États-Unis, de l'Union européenne, du Royaume-Uni et de l'Australie ont fait un excellent travail en imposant des sanctions pour tenter de paralyser l'effort de guerre de Vladimir Poutine. Les sanctions ont été plus impressionnantes que ce à quoi je me serais attendu et peut-être même plus impressionnantes que ce que j'aurais demandé. Si nous considérons le nombre de personnes et les noms des personnes sanctionnées, il y a vraiment de quoi être fiers.
Comme je l'ai appris par mes propres recherches, le problème tient au fait que j'estime que la somme que le régime criminel de Vladimir Poutine a volée au peuple russe depuis 2000, année de son entrée au pouvoir, s'élève à environ 1 billion de dollars. Lui et les 1 000 personnes les plus influentes ont volé 1 billion de dollars à la Russie et cet argent les attend à l'Ouest. Nous avons imposé des sanctions pour essayer de restreindre leur accès à cet argent afin qu'ils ne puissent pas l'utiliser pour l'effort de guerre, mais si nous regardons les sommes qui ont été gelées grâce à ces sanctions, c'est une partie minuscule, de minimis, de l'argent qui a été siphonné hors de Russie.
La raison en est qu'il y a eu énormément de contournement des sanctions. Lorsque nous inscrivons une personne sur la liste des sanctions, elle peut avoir des actifs en son nom propre, mais elle peut aussi utiliser toutes sortes de structures compliquées, comme des sociétés de portefeuille, pour détenir ses actifs. Ces personnes utilisent aussi des membres de leur famille, des prête-noms, des dépositaires et des sociétés fiduciaires, entre autres. Cela fait partie des moyens qu'elles utilisent pour se défendre en quelque sorte et garder leur argent caché.
Une autre réaction du régime de Poutine à nos efforts pour l'isoler consiste à militariser tout ce qu'il peut militariser. Il militarise le prix du blé en restreignant l'exportation de blé d'Ukraine. Il militarise le prix du pétrole en le poussant à la hausse. Il militarise le prix du gaz. Ces trois éléments auront un effet très dramatique sur toutes les démocraties. Bien des gens ne se soucieront pas de l'Ukraine, ils vont se soucier du prix de la nourriture chez eux. Ils vont se soucier de mettre de l'essence dans leur voiture. Ils vont se soucier de pouvoir chauffer leurs maisons.
Lorsque nous réfléchissons à la manière dont nous voulons réagir à cette militarisation, nous devons nous pencher très précisément sur ces trois éléments et trouver des moyens de réduire leur capacité à militariser ces prix.
Dans le cas du pétrole, l'Arabie saoudite est le plus grand fournisseur de pétrole au monde. Elle a la capacité d'augmenter sa production. Si elle le faisait…
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et les témoins, merci beaucoup.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie représente la poursuite d'un effort de longue date de Moscou pour réécrire l'issue de la guerre froide. La menace est exacerbée par le rejet ouvert par le président Poutine de la nation et de l'État ukrainiens. La conviction qu'il a exprimée que les Russes et les Ukrainiens ne forment qu'un seul peuple implique que les Ukrainiens n'ont pas le droit de déterminer leur propre destin politique et qu'ils sont condamnés par l'histoire à faire partie d'une grande nation russe.
Dans les régions occupées par les forces russes, nous avons vu ce que cela signifie en pratique: l'éradication de la culture ukrainienne et de ses porteurs, la déportation massive de civils, y compris d'enfants, les agressions sexuelles généralisées et autres crimes de guerre.
N'ayant pas réussi à freiner l'occidentalisation de l'Ukraine par d'autres moyens, la Russie mène cette guerre en ne visant rien de moins que le démantèlement de l'État ukrainien et l'effacement de l'identité ukrainienne.
L'Occident est aussi une cible dans ce conflit, non seulement parce que ses membres continuent de soutenir l'Ukraine, mais aussi en raison de ce qu'ils représentent, c'est‑à‑dire un ordre fondé sur des règles et reposant sur les bases du libéralisme et de la démocratie, ce qui comprend le droit des Ukrainiens à une vie libre et pacifique dans leur propre État. Alors même que l'armée russe poursuit son assaut contre l'Ukraine, la Russie poursuit ses efforts de longue date pour miner la solidarité euroatlantique et semer le chaos, la confusion et la corruption dans l'espace euroatlantique. Comparativement aux États situés en première ligne du conflit, comme la Pologne, la Roumanie et les pays baltes, le Canada est relativement à l'abri, tout comme les États-Unis, des pires activités perturbatrices de la Russie, sans pour autant y être immunisé.
En effet, la Russie dispose d'une grande panoplie d'activités perturbatrices qu'elle peut employer contre les membres actuels et futurs de l'alliance de l'OTAN. Il s'agit de techniques comme l'espionnage et la promotion de la désinformation, que la technologie a permis à la Russie d'amplifier. Si les médias sociaux, les logiciels espions et d'autres technologies modernes jouent un rôle déterminant dans cette campagne de désinformation et de perturbation, les parallèles de l'époque de la guerre froide montrent comment l'Occident peut riposter.
Les mesures les plus importantes prises par les dirigeants occidentaux pour contrer l'influence soviétique pendant la guerre froide consistaient à s'attaquer aux causes profondes de la vulnérabilité de la société que Moscou exploitait. À cette époque, la croyance en la vulnérabilité de la démocratie a conduit à investir dans l'éducation publique, la législation des droits civils et l'expansion de l'État-providence. Aujourd'hui, des investissements similaires contribueraient grandement à contrer les vulnérabilités que la Russie manipule, comme d'autres acteurs malveillants. Nous l'avons déjà fait, nous pouvons le faire à nouveau. La question de savoir si nous pouvons le faire est vraiment une question de priorité et de volonté politique.
Bien entendu, la Russie dispose aussi d'autres outils de perturbation, comme le sabotage, l'assassinat et le recours à des armes non conventionnelles. Par rapport à la guerre froide, la Russie est peut-être plus disposée à utiliser au moins certaines de ces armes en raison de la faiblesse relative de son armée régulière, comme nous avons tous pu le constater en Ukraine.
Le président Poutine et son entourage comprennent que la Russie ne peut pas gagner une guerre conventionnelle contre l'OTAN. Ils ont donc opté pour la menace nucléaire comme moyen de dissuasion. Même si la probabilité d'un recours au nucléaire est faible, d'autres types d'attaques non conventionnelles sont malheureusement possibles. La Russie de Poutine n'a pas hésité à mener des actions de sabotage et d'assassinat à l'étranger, y compris dans des États membres de l'OTAN.
L'an dernier, un tribunal allemand a condamné un membre du Service fédéral de sécurité russe pour le meurtre d'un exilé tchétchène, Zelimkhan Khangoshvili, dans un parc de Berlin. Des agents russes ont aussi été impliqués dans deux attentats retentissants perpétrés au moyen d'armes interdites sur le sol britannique: l'empoisonnement au polonium d'Alexander Litvinenko, transfuge du FSB, et la tentative d'assassinat de l'agent double Sergei Skripal au Novichok, un agent neurotoxique. Ces attentats témoignent d'une volonté manifeste de recourir non seulement à la violence, mais aussi de franchir les limites internationalement reconnues concernant l'utilisation d'armes chimiques et radiologiques.
Malgré la nature ciblée des attentats contre Khangoshvili, Skripal et probablement d'autres ennemis du Kremlin, les gouvernements occidentaux ont des raisons de s'inquiéter de la possibilité d'attentats similaires, voire à plus grande échelle. Le danger ne fera que croître à mesure que les relations avec Moscou se détérioreront et que Poutine sera de plus en plus désespéré par les pertes russes en Russie. Les attentats, cybernétiques ou cinétiques, visant les infrastructures essentielles, le sabotage, les attentats terroristes sous de faux drapeaux, voire l'utilisation d'armes chimiques, devraient faire partie des travaux des planificateurs de la défense des États membres de l'OTAN. Par ailleurs, les voies de communication avec Moscou doivent rester ouvertes, ne serait‑ce que pour communiquer sans équivoque la détermination de l'OTAN à prévenir de tels attentats et, au besoin, à y riposter.
La guerre en Ukraine a déjà montré les limites financières, militaires et politiques auxquelles la Russie de Poutine est confrontée. En s'enlisant en Ukraine, la Russie et Poutine pourraient devenir plus agressifs et imprudents. Tout en restant déterminés à aider l'Ukraine à vaincre la menace que la Russie de Poutine fait peser sur son existence, l'Occident, l'OTAN, le Canada et les États-Unis doivent tous rester attentifs à la possibilité que la Russie franchisse des limites que l'on croyait jusque‑là infranchissables. Cette reconnaissance ne plaide pas pour la timidité, mais plutôt pour la préparation et la prudence.
Nous vivons une époque dangereuse, mais comme J.R.R. Tolkien l'a écrit, si nous ne pouvons pas choisir l'époque dans laquelle nous vivons, tout ce qu'il nous reste à décider, c'est ce que nous faisons du temps qui nous est accordé.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité, pour cette invitation.
J'aimerais commencer par dire que je suis intrigué de voir comment, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, le monde civilisé a parlé des violations massives du droit international, y compris du droit humanitaire. En revanche, lorsque des cyberattaques ont lieu, on parle peu des lois qui sont en jeu. Permettez-moi de dire d'emblée qu'à mon avis, il ne s'agit pas d'une zone de non-droit. Une partie de mon exposé aujourd'hui consiste à parler tout d'abord de ce qui se passe, puis à proposer des moyens d'établir un cadre juridique pour ce genre d'attaques, tant sur le plan national que sur le plan international, en commençant par les attaques actuelles, puis les attaques éventuelles futures venant de la Russie.
Récemment, Affaires mondiales a fait l'objet d'une attaque qui a essentiellement interrompu plusieurs de ses activités, et le ministère a dû faire appel au Centre de la sécurité des télécommunications pour rétablir les choses. Ce qui m'intrigue, c'est que juste un mois auparavant, le CST avait publié un bulletin d'avertissement selon lequel des acteurs soutenus par la Russie pourraient être impliqués dans de nombreuses attaques, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. J'ai trouvé vraiment intriguant que, dans ce bulletin, le CST affirme que, bien qu'il y ait eu des « intrusions » — et c'est le mot utilisé — dans les infrastructures essentielles, la fabrication, les soins de santé et l'énergie, il n'y a peut-être pas eu de véritable tentative de créer des perturbations dans ces domaines, à moins que des hostilités internationales ne soient déclenchées.
Eh bien, je suis sûr que le président Poutine pense qu'il y a des hostilités internationales entre le Canada et la Russie en ce moment. Nous devrions donc nous attendre à ce que la Russie fasse pratiquement tout contre l'Ukraine, en particulier dans le domaine bancaire, et cela devrait nous mettre en garde contre tout ce qui pourrait arriver au Canada, compte tenu de ce que la Russie fait dans les Balkans, en Ukraine, etc.
Quelle a été notre réaction? Bon nombre des exposés précédents ont souligné la nécessité d'adopter des mesures proactives pour mettre fin à cette situation. Je ne vais pas m'y attarder. Je pense que l'une des choses essentielles que nous devons faire est de commencer à penser à travailler avec nos alliés, à titre d'avertissement sur le plan de la politique ou de possibilités de contre-mesures, dans une de violation grave du droit international, y compris éventuellement du droit humanitaire si ces attaques visent des hôpitaux ou des réserves d'eau, par exemple, ce qui pourrait mettre en danger de nombreuses vies en violation grave du droit humanitaire international.
Enfin, avant que mon temps de parole ne s'épuise, je pense qu'un autre domaine sur lequel nous devrions nous concentrer est le grave impact de la désinformation. Comme l'a récemment déclaré un responsable d'Affaires mondiales, les trolls russes inondent le Canada de faux renseignements, en particulier dans les domaines où ils pensent pouvoir susciter la plus grande méfiance envers le gouvernement et, plus récemment, cela incluait les vaccins, les mandats de vaccination et d'autres domaines susceptibles de causer une certaine méfiance envers le gouvernement et, par conséquent, ils espèrent, la méfiance à l'égard de ce que le Canada fait pour soutenir l'Ukraine.
Permettez-moi de dire que, même si de nombreuses personnes affirment que cela ne cause pas de dommages réels et ainsi de suite, il suffit de voir ce que ce genre de désinformation a causé aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, en particulier le genre de désinformation haineuse comme la théorie du remplacement, pour constater qu'elle cause des décès et des blessures.
L'une des choses que je préconise, c'est qu'en l'absence d'une loi nationale traitant des préjudices en ligne, nous devrions réfléchir sérieusement à la façon dont nous pouvons nous lier, par exemple, à l'Union européenne, qui propose actuellement une loi sur les services numériques qui place le fardeau sur les plateformes elles-mêmes et leur impose la responsabilité de procéder à des évaluations annuelles et à des vérifications indépendantes et, en fin de compte, d'étayer ces mesures par un cadre réglementaire pouvant donner lieu à des amendes massives.
Je sais qu'il pourrait y avoir beaucoup de problèmes si nous proposions une telle loi, en ce qui concerne l'énorme tollé qu'elle causerait quant à la liberté d'expression, mais je pense qu'il est temps que nous commencions à prendre en compte ce que l'Union européenne propose.
Enfin, pour terminer mon exposé, je crois que nous devons maintenant envisager de collaborer avec nos alliés pour présenter un cadre de sécurité collective. Si l'un de nos alliés est attaqué, nous produirions un cadre de sécurité collective équivalent à l'article 9 du traité de l'OTAN et nous le présenterions à la Russie, à la Chine et à d'autres États étrangers pour leur dire que nous pourrons répondre avec notre force collective, ce qui pourrait très bien être l'élément dissuasif ultime pour certains de ces pays.
Je m'en tiendrai là.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins qui sont avec nous ce matin pour partager leur sagesse et leurs idées.
Monsieur Browder, je vais commencer par vous. J'ai lu votre premier livre, The Red Notice, il y a quelques années et je viens de télécharger votre plus récent livre dont j'ai lu deux ou trois chapitres jusqu'à présent. Je vous en remercie. Je recommande à tous les membres du Comité de les lire pour mieux comprendre la corruption qui sévit aujourd'hui en Russie sous la direction du président Poutine.
Dans votre livre, vous parlez de votre ami et avocat, Sergei Magnitsky, et je tiens à vous remercier d'avoir persévéré et d'encourager les pays occidentaux à appliquer les lois et les sanctions Magnitsky, ce que nous avons fait maintenant.
Monsieur Browder, voici ma question. Vous avez comparu devant le comité des affaires étrangères le 10 février de cette année, environ deux semaines avant que la Russie n'envahisse l'Ukraine, et vous avez recommandé que nous identifiions 50 des principaux oligarques de Poutine et que nous les frappions durement, là où ça fait mal, c'est‑à‑dire sur leurs comptes bancaires.
Vous avez recommandé d'en frapper cinq, puis cinq autres, et, si Poutine envahissait effectivement l'Ukraine, de frapper tous les autres. Vous avez dit: « Je crois que cela arrêterait Poutine dans son élan et qu'il n'envahirait pas l'Ukraine. »
De toute évidence, monsieur, quelque chose a déraillé. Soit le gouvernement n'a pas suivi votre conseil, soit vous avez sous-estimé la propension de Poutine à l'imprudence.
À vous la parole.
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Merci pour cette question. C'est une question très importante.
À mon avis, Poutine ne croyait pas que nous allions proposer les sanctions que nous avons proposées au moment où nous les avons proposées.
Il a examiné notre comportement, et quand je dis « notre », je pense au Canada, aux États-Unis, à l'Union européenne et au Royaume-Uni. Il a examiné notre comportement après l'invasion de la Géorgie: rien; après l'annexion illégale de la Crimée: pratiquement rien; après l'abattage du vol MH17: rien; et après les empoisonnements de Salisbury: rien. Il était d'avis que nous n'allions rien faire s'il envahissait l'Ukraine. Il pensait que nous prendrions une sorte de sanctions symboliques semblant faire quelque chose, mais ne faisant rien. Je crois qu'une partie de son erreur de calcul concernant l'invasion de l'Ukraine est que nous n'avons rien fait.
Lorsque j'ai fait cette proposition le 10 février, tout ce que nous avions à faire était de sanctionner cinq oligarques, non pas comme une punition majeure, mais comme une démonstration que nous avons la capacité de le faire, mais nous ne l'avons pas fait, alors il est entré en Ukraine et, ce faisant, il a fondamentalement lancé le processus. Lorsque Poutine lance un processus, il ne revient jamais en arrière; il n'a qu'une marche avant, pas de marche arrière.
Je pense qu'à ce stade, les sanctions ne sont pas dissuasives. Elles visent à le saigner à blanc de ses ressources financières.
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Permettez-moi de ne pas féliciter le Canada pour sa mise en œuvre de la loi Magnitsky. La loi Magnitsky a été adoptée en 2017, à l'unanimité, par les chambres basse et haute du Parlement. Tout de suite après son adoption, un certain nombre de Russes, y compris ceux qui ont tué Sergei Magnitsky, ont été sanctionnés, ainsi que les assassins de Jamal Khashoggi, et certains fonctionnaires vénézuéliens et des personnes du Myanmar. Je crois qu'il y a eu une autre série de sanctions.
Depuis lors, la loi Magnitsky n'a pas été utilisée en tant que texte de loi. Toutes les sanctions ont été utilisées dans le cadre de l'autre loi sur les sanctions — je ne me souviens plus de son nom.
La loi Magnitsky devrait être la principale loi sur les sanctions à utiliser au Canada, et je propose et recommande que, compte tenu du peu d'utilisation de cette loi par le ministère des Affaires étrangères, il y ait une sorte d'examen parlementaire pour déterminer quel est le blocage, quel est l'obstacle, car la loi Magnitsky est le principal outil à utiliser pour s'attaquer aux violateurs des droits de l'homme.
Il y a beaucoup de victimes qui veulent que le Canada se joigne au reste de la coalition des pays volontaires — les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne — pour utiliser la loi Magnitsky dans toutes sortes de situations terribles où elle n'a pas été utilisée jusqu'à présent.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Encore une fois, je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Browder, j'ai eu le privilège de rencontrer votre père et votre oncle lorsque j'étais étudiant. De toute évidence, vous venez d'une longue lignée de personnes qui ont rendu des services remarquables dans une variété de domaines.
Votre histoire m'a frappé sur plusieurs plans, en ce qui concerne la façon dont vous êtes devenu personnellement une cible pour M. Poutine. Étant donné que vous connaissez probablement mieux que quiconque le monde des oligarques, je me demande si vous pensez que les pressions financières exercées sur les oligarques par le Canada et d'autres pays auront l'impact que nous espérons pour ce qui est de faire pression sur M. Poutine. Le cas échéant, quel est, selon vous, l'horizon temporel à cet égard?
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Merci de cette question. C'est une excellente question.
L'une des choses que je voudrais souligner maintenant — et il est très important que tout le monde le comprenne — est que les oligarques n'ont pas de pouvoir politique en Russie. Ils sont subordonnés à Vladimir Poutine. Ils ont peur de Vladimir Poutine. À tout moment, s'ils le critiquent de quelque manière que ce soit, ils peuvent être appauvris, emprisonnés ou tués. Il l'a fait à d'autres oligarques à titre d'exemple, et tout le monde a terriblement peur de lui.
Le but de sanctionner les oligarques n'est donc pas de les amener à se soulever et à le remplacer, car cela n'arrivera pas.
Nous sanctionnons les oligarques parce qu'ils sont les gardiens de l'argent de Vladimir Poutine. Lorsque nous avons sanctionné Vladimir Poutine au tout début de ce processus — et je crois que le Canada a été le premier ou le deuxième pays à le faire —, c'était très satisfaisant. C'était symbolique. Mais Vladimir Poutine ne possède pas l'argent en son propre nom. Cet argent est au nom d'autres personnes, les oligarques. Si vous prenez un oligarque qui vaut 20 milliards de dollars, 10 millions de dollars appartiennent à l'oligarque et 10 millions de dollars appartiennent à Vladimir Poutine.
Donc, si l'on sanctionne les oligarques, c'est dans le but de sanctionner Vladimir Poutine. C'est l'objectif principal. Mais si nous prenons un peu de recul et que nous nous demandons comment cela fonctionnera et à quoi cela servira, je pense que l'objectif principal doit être de couper sa capacité financière à mener cette guerre. Nous avons fait quelques bonnes choses dans ce sens. L'Occident et le Canada ont sanctionné les réserves de la banque centrale russe, qui s'élèvent à environ 350 milliards de dollars, ce qui est excellent. L'Occident a sanctionné 35 oligarques. Quand je dis 35 oligarques, je veux dire que les États-Unis, le Canada, l'Union européenne, le Royaume-Uni ou l'Australie ont sanctionné 35 oligarques. Ce ne sont pas nécessairement tous les pays qui ont sanctionné tous ces oligarques. Cela aussi est très utile.
Cela dit, il y a 118 oligarques sur la liste de souhaits de Forbes, donc nous n'en sommes pas encore là. Mais même avec ces deux catégories, qui représentent beaucoup d'argent et beaucoup d'actifs dans le monde entier, nous n'avons touché que ce que j'appellerais les économies de la Russie. Ce que nous n'avons pas touché, ce sont les revenus de la Russie. Le revenu de la Russie est d'un milliard de dollars par jour que la Russie reçoit de la vente de pétrole et de gaz. Certes, la majeure partie va aux Européens. Elle va à l'Allemagne, à la France, à l'Italie, etc. Mais c'est vraiment problématique, car chaque jour Vladimir Poutine reçoit un milliard de dollars et chaque jour il dépense un milliard de dollars pour la guerre qui tue des Ukrainiens. On pourrait donc dire que si nous ne contrôlons pas cela, le gel des avoirs ne signifie rien, car il continue à disposer des revenus nécessaires pour agir comme il le fait.
C'est donc l'énorme éléphant dans la pièce qui doit être traité. Ce n'est pas tellement à la portée du Canada, mais c'est la clé de toute l'affaire. Et puis le calendrier dépend beaucoup de cela. Si nous y parvenons, il sera rapidement à court d'argent.
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Je suis content que vous fassiez cette mise au point parce que là où le Canada peut avoir une certaine influence, c'est sur la question financière. Il peut jouer un rôle de chef de file dans ce domaine, en sachant que ce rôle est limité. Nous savons par exemple qu'il ne peut pas faire grand-chose concernant l'importation d'hydrocarbures russes par certains pays européens, qui ne peuvent pas du jour au lendemain s'affranchir de cette dépendance.
Pour ce qui est de l'avenir, il est clair qu'il faudra tarir les sources de financement et leur couper l'accès à leurs économies, comme vous l'avez expliqué. À mon avis, nous avons marqué un grand coup en les empêchant d'accéder au système SWIFT.
Quelles mesures devons-nous prendre pour aider l'Europe à couper les rentrées de fonds liées au pétrole? Il ne faut pas rêver: il sera impossible de remplacer l'approvisionnement énergétique en provenance de Russie en claquant des doigts. C'est impossible. Quels autres moyens l'Europe pourrait-elle déployer, outre les pressions morales, pour infléchir la situation? En matière morale, que peut faire le Canada pour aider l'Europe, parce que c'est probablement notre meilleure arme. Le Canada n'est pas une superpuissance, ne l'oublions pas.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Browder, à entendre parler mon collègue M. Van Popta du livre que vous avez écrit et mon collègue M. Noormohamed des membres de votre famille, on voit que les membres du Comité ont une grande admiration pour vous. Je devrai certainement lire moi-même ce livre. Je continuerai un peu dans la même veine que mon collègue en parlant des sanctions imposées à la Russie.
Vous disiez que le but des sanctions imposées aux oligarques était d'affecter Vladimir Poutine lui-même et que le Canada ou l'Occident avaient fait un bon travail à cet égard. Nous savons plus ou moins quand cela aura un résultat. À supposer que le conflit prenne fin, comment craignez-vous que la Russie puisse réagir à ces sanctions imposées notamment par le Canada et par l'Occident, une fois que tout cela sera fini du côté de l'Ukraine?
Y a-t-il des risques de répercussions pour un pays comme le Canada?
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De manière générale, la Russie cible un pays en particulier. Actuellement, tous les pays, et j'entends par là les pays occidentaux parce que l'Inde et le Brésil ne sont pas impliqués, ont fait front commun. Tous les pays européens, le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis ont uni leurs efforts, et je ne vois vraiment pas comment la Russie pourra prendre des mesures économiques contre tous ces pays.
Je crois que le plus probable est que la Russie reste fidèle à elle-même et tente de manipuler les processus politiques dans tous nos pays. M. Mendes a parlé d'ingérence, de piratage informatique et d'autres types de manœuvres. Nous devons nous y attendre et nous préparer à opposer des contre-mesures à ces tentatives.
Nous devons nous attendre à ce que la Russie lâche les fauves et se livrer à des actes abjects allant jusqu'à l'assassinat, comme elle l'a fait à Berlin et ailleurs. Il faudra probablement mettre en place un dispositif de sécurité très strict pour contrôler les Russes qui essaient d'entrer au Canada.
Comme je l'ai mentionné en introduction, la Russie a inclus les prix du blé, du pétrole et du gaz dans son arsenal. Le blé en particulier est une arme redoutable. Il faut absolument mettre cette question au premier plan. Il faut que nos forces militaires — « nos », c'est‑à‑dire les forces des pays alliés — prennent les grands moyens pour que l'Ukraine puisse exporter son blé en protégeant les navires qui quittent ses ports. Si la Russie attaque ces navires, la crise alimentaire qui s'ensuivra dans le monde aura des conséquences inimaginables.
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Merci, monsieur le président.
Merci également aux témoins de guider le Comité dans le cadre de la présente étude. Vos témoignages sont extrêmement éclairants.
Monsieur Browder, je vais commencer par vous. J'ai été frappé de vous entendre parler des milliers de milliards de dollars que Poutine et son entourage ont volés au peuple russe et qui sont actuellement gelés dans divers pays occidentaux.
Vous avez beaucoup d'expérience dans le secteur bancaire. Vous connaissez les stratagèmes complexes que les gens utilisent pour mettre leur fortune à l'abri, comme les sociétés de portefeuille et ce genre de choses. Le Canada a eu ses propres problèmes. On en est même venus à parler du « lavage de la neige » à cause de la facilité avec laquelle on peut créer des sociétés fictives ici.
Malgré les annonces importantes récemment, y compris la mise en place d'un registre de la propriété effective et, nous l'espérons, d'une agence spécialisée dans les crimes financiers dans un avenir proche, je reste sur ma faim et j'aimerais avoir votre point de vue. Comment les pays peuvent-ils prendre les devants dans ce domaine? Est‑il facile d'engager des juricomptables qui pourront nous aider à découvrir où les oligarques ont caché leur argent? Les États-nations peuvent-ils y arriver s'ils le souhaitent vraiment?
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Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adressent à M. Browder. Merci infiniment de votre présence devant le Comité. Vous avez manifestement beaucoup d'expérience.
Tout à l'heure, vous avez parlé du fait que nous nous attaquons aux économies, mais pas aux revenus. Vous avez ajouté que les oligarques russes n'ont pas vraiment de pouvoir politique dans leur propre pays.
J'aimerais poursuivre sur le thème de la sécurité nationale au Canada, qui fait partie des questions qui préoccupent beaucoup le Comité. Je crois que vous avez mentionné que plus d'une centaine d'oligarques russes vivent ici, au Royaume-Uni et aux États-Unis, selon le classement Forbes. J'aimerais savoir combien d'oligarques russes qui vivent encore au Canada ont échappé aux sanctions. Je voudrais connaître leur nombre exact. J'aimerais aussi que vous nous parliez un peu des moyens pour contrer les opérations de blanchiment d'argent qui permettent aux oligarques russes de financer le régime Poutine.
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Concernant les oligarques, comme vous l'avez mentionné, 118 sont inscrits au classement Forbes des fortunes mondiales, et 35 ont fait l'objet de sanctions. Il en reste donc un bon nombre qui n'ont pas été sanctionnés.
En plus de cela, les entreprises des oligarques sont enregistrées au nom de prête-noms, de fiduciaires ou d'autres personnes. Par exemple, la sanction infligée à Roman Abramovich par le Royaume-Uni visait aussi Eugene Shvidler, un de ses partenaires, Eugene Tenenbaum, un autre de ses collaborateurs, ainsi qu'une autre personne. Le couperet est tombé sur Roman Abramovich et sur son réseau aussi.
Dans trop de cas, les sanctions n'ont pas été étendues aux partenaires des oligarques, et je crois qu'il sera très important d'y remédier.
Tout s'est passé très vite. Généralement, je porte un regard très critique sur les gouvernements qui en veulent toujours plus, mais je dois avouer que je suis impressionné par le travail acharné du gouvernement canadien et des autres, et par les résultats des sanctions imposées. Il faut néanmoins élargir les filets pour attraper ceux qui gravitent dans les réseaux complexes entourant les oligarques. Autrement, nous allons récupérer seulement une partie du butin issu de leurs arrangements financiers.
J'ai oublié la seconde question. Pouvez-vous me la répéter rapidement?
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Je vais m'adresser à M. Mendes pour commencer.
J'ai lu votre biographie avec beaucoup d'intérêt, et je sais que vous avez été conseiller auprès des Nations unies. Il existe un lien entre la discussion d'aujourd'hui, qui touche la dimension nationale de l'action du Canada, mais également sa dimension internationale.
Nous savons que la Russie et d'autres pays siègent au Conseil de sécurité.
Selon vous, comment le Canada peut‑il collaborer avec la communauté internationale pour contenir les assauts de la Russie et éviter que d'autres pays en subissent les contrecoups sur leur territoire? Je pense notamment à la hausse des prix du pétrole. Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
Elle est très importante. À mon sens, l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les menaces similaires que la Chine et d'autres pays font peser sur les règles internationales nous obligent à voir la réalité en face. En dépit de ce que le président Biden affirme, nous n'assistons pas à une lutte entre la démocratie et l'autocratie, mais plutôt à une charge à fond de certains États autoritaires contre les règles internationales qui ont été établies depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pour cette raison, quand nous essayons de comprendre ce qui se passe en Russie, par exemple, nous devons nous rappeler comment ces pays peuvent… Les pays occidentaux ne sont pas les seuls concernés. D'autres pays respectent les règles établies après la Seconde Guerre mondiale. Comment pouvons-nous nous coaliser pour empêcher la Russie, mais aussi d'autres pays comme la Chine, de saboter l'ordre international, le climat de paix et de sécurité recouvré après la Seconde Guerre mondiale? Une partie de la réponse se trouve dans la collaboration dans des domaines très différents.
Ma réponse pourrait également s'appliquer à la question posée par Mme Michaud. Par exemple, nul besoin de publiciser les contre-mesures aux cyberattaques. Si elles sont suffisamment musclées, elles porteront leurs fruits. Notamment, si tous les pays occidentaux qui sont les cibles des cyberattaques russes se concertent pour prendre des contre-mesures et des moyens dissuasifs assez percutants pour dérégler une bonne partie des technologies et des procédés de fabrication d'armes en Russie, nous pourrions bloquer ces activités et empêcher la production de beaucoup des armes utilisées pour attaquer l'Ukraine.
Les États qui respectent la primauté du droit peuvent unir leurs efforts pour contrer différents types d'attaques menées un peu partout dans le monde. C'est pourquoi je recommande vivement aux États qui respectent la primauté du droit international, comme je l'ai exposé dans le mémoire de huit pages que j'ai préparé en vue de ma comparution et que je vous invite à lire, de réfléchir à des interventions collectives en matière de sécurité, inspirées de l'article 5, pour contrer le type de dommages que la Russie…
M. Sameer Zuberi: Merci…
M. Errol Mendes: … et d'autres pays, y compris la Chine, peuvent leur infliger.
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Merci, monsieur Mendes. Il me reste une minute et demie.
J'aimerais tout d'abord saluer M. Browder.
J'aime votre livre. Je ne l'ai pas terminé, mais je le trouve très bien fait. Je vais vous envoyer un courriel pour savoir si je devrais passer rapidement au second et sauter le premier, et s'il y a eu des mises à jour. Je vois que vous faites non de la tête.
Je reviens à MM. Mendes et Mankoff. Vous pouvez tous les deux répondre à ma question.
J'aimerais parler de la sécurité dans l'Arctique et dans les parties au nord du Canada qui sont très peu peuplées. Considérant les agissements actuels de la Russie et d'autres acteurs internationaux, dans quelle mesure cet enjeu devrait‑il retenir notre attention?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Mankoff, dans un article d'opinion publié le 7 mars 2022 dans le Toronto Star, vous disiez que l'Occident devait décider jusqu'où il voudrait aller pour répondre aux préoccupations déclarées de la Russie concernant une Ukraine hostile à ses frontières. Il pourrait s'agir de relancer le contrôle des armements, mais aussi de répondre aux préoccupations de la Russie concernant la poursuite de l'expansion de l'OTAN.
J'aimerais comprendre davantage ce que vous vouliez dire par là, à savoir comment l'Occident devrait répondre aux préoccupations de la Russie concernant l'expansion de l'OTAN. Il faut se rappeler qu'il n'y avait pas vraiment eu de discussions pour que l'Ukraine devienne membre de l'OTAN au moment où elle a été envahie par la Russie.
Comme je l'ai demandé un peu plus tôt à un autre témoin, considérant la volonté de la Suède et de la Finlande de se joindre à l'OTAN, devrions-nous craindre certaines répercussions?
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Merci de poser cette question.
Cette guerre se terminera quand un accord de paix quelconque sera signé. Le contenu de cet accord dépendra, de toute évidence, des événements sur le terrain. Dans cet accord, une des questions qu'il faudra résoudre concernera la nature de l'architecture de sécurité en Europe. Un des arguments avancés par la Russie pour justifier son invasion tenait à sa conviction que l'expansion de l'OTAN nuirait à ses intérêts. Rien ne nous oblige à penser que cette crainte est légitime, mais nous avons tout intérêt à prendre acte de la crainte exprimée par la Russie. Pour assurer la stabilité du continent européen, il faudra trouver une façon de répondre à cette crainte.
La volonté exprimée par la Suède et la Finlande d'intégrer l'OTAN nous a donné une preuve que la Russie est actuellement incapable de mettre à exécution certaines des menaces qu'elle a proférées. Suivant l'issue de la guerre avec l'Ukraine, il se peut bien qu'elle se retrouve dans une position semblable à l'égard de ce pays. Cependant, peu importe si l'Ukraine devient membre de l'OTAN ou non, il faudra à long terme en faire une composante d'une convention beaucoup plus vaste sur la nature de l'architecture européenne de sécurité qui devra être établie après la guerre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Mendes, je vais vous adresser mes questions.
Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé des trolls utilisés par les Russes pour ébranler la confiance du public. Nous en avons eu des exemples. Nous savons que dès que la guerre en Ukraine a éclaté, beaucoup de sites qui ont attisé la méfiance du public à l'égard des mesures sanitaires dans les médias sociaux ont commencé à diffuser des messages de propagande pro-Kremlin. On peut facilement penser que la Russie est derrière cette propagande.
C'est un thème qui rejoint directement ceux que nous examinons dans le cadre de notre étude sur l'extrémisme violent à caractère idéologique. Une des difficultés rencontrées par le Comité a été de tracer la ligne entre le respect du droit à la liberté d'expression garanti par la Charte et la nécessité d'obliger les entreprises de médias sociaux à assumer la responsabilité du contenu de leurs sites.
J'aimerais savoir, monsieur, si vous avez des suggestions à faire au Comité eu égard aux recommandations qu'il formulera sur la protection des plateformes de médias sociaux contre l'ingérence d'acteurs étatiques étrangers qui diffusent de la désinformation pour attiser la méfiance du public envers nos institutions démocratiques.
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Nous verrons à ce qu'il soit distribué aux membres. Merci.
Distingués collègues, c'est ce qui conclut notre rencontre avec le groupe de témoins.
En votre nom et au nom de tous les parlementaires, je remercie les témoins pour les éclairages qu'ils nous ont apportés sur une situation qui évolue tous les jours devant nos yeux et ceux du monde entier.
Merci énormément de nous avoir fait bénéficier de vos lumières et de votre expertise.
Distingués collègues, je vous rappelle que la réunion du jeudi 19 mai portera sur le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (C). Elle aura lieu de midi à 14 heures, heure de l'Est — veuillez noter la différence — parce que c'est le moment où le sera disponible.
Merci beaucoup à tous. La séance est levée.