Je vous souhaite la bienvenue à la 23e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Tout d'abord, nous reconnaissons que cette rencontre a lieu sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre pris le 25 novembre 2021. Les membres participent en personne dans la salle ou à distance sur l'application Zoom. Les membres et les témoins qui participent virtuellement peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Au bas de votre écran montrant la salle, vous avez le choix entre le français et l'anglais.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le jeudi 17 février 2022, le Comité reprend son étude sur la montée de l'extrémisme violent à caractère idéologique au Canada.
Nous avons avec nous aujourd'hui Mme Vidhya Ramalingam, cofondatrice de Moonshot, et Adam Hadley, directeur exécutif de Tech Against Terrorism.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour votre exposé, après quoi suivra une période de questions.
Monsieur Hadley, vous avez maintenant la parole pour un maximum de cinq minutes.
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Bonjour à tout le monde, et merci de votre invitation.
Je me présente: Adam Hadley, directeur exécutif de Tech Against Terrorism. Dans les prochaines minutes, je vous présenterai qui nous sommes et ce que nous faisons à Tech Against Terrorism, et je vous expliquerai notre position sur quelques-uns des sujets de discussion.
Tech Against Terrorism est une organisation sans but lucratif basée au Royaume-Uni, sous forme de partenariat public-privé constitué avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme de l'ONU, en avril 2017. Nous avons pour mission de collaborer avec le secteur mondial de la technologie, et plus particulièrement avec les petites plateformes technologiques, pour les aider à réprimer l'utilisation terroriste de leurs services tout en respectant les droits de la personne. Notre travail est reconnu par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment les résolutions 2354 et 2395. En tant que partenariat public-privé, nous œuvrons avec les grandes démocraties — des gouvernements comme ceux du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande — aux côtés du secteur technologique, qui englobe aussi bien les grandes plateformes technologiques que les plus petites.
Si nous concentrons davantage notre activité sur les petites plateformes, c'est en raison du caractère limité des capacités et des ressources dont elles disposent pour contrer l'utilisation terroriste de leurs services. Notre mission consiste à aider gratuitement ces petites plateformes à mieux réagir aux activités et aux contenus terroristes. Depuis deux ou trois ans en particulier, on observe une migration croissante depuis les très grandes plateformes vers les plus petites. Cette situation représente une vulnérabilité stratégique face à l'utilisation d'Internet par les terroristes.
Tech Against Terrorism surveille sur une base horaire plus d'une centaine de plateformes technologiques. Nous surveillons également quelque 200 sites Web tenus par des terroristes. Au total, nous travaillons avec 150 plateformes, à qui nous fournissons divers services pour les aider à mieux intervenir. Nous travaillons également avec d'autres organisations axées sur le contre-terrorisme en ligne, comme le Global Internet Forum to Counter Terrorism.
De façon plus détaillée, notre travail consiste à comprendre la nature des menaces en nous appuyant sur le renseignement de source ouverte, pour décortiquer la façon dont les terroristes utilisent certaines plateformes. À partir de ces renseignements et des conclusions que nous en avons tirées, nous tendons la main à ces plateformes pour nouer des relations et évaluer dans quelle mesure nous pouvons les appuyer.
Tout cela prend la forme d'un service de mentorat que nous offrons gratuitement aux plateformes, un service conçu pour renforcer leurs capacités. Nous le faisons en parallèle avec le Forum mondial d'Internet contre le terrorisme, ou GIFCT. Je souligne que nous avons mis au point un logiciel, appelé plateforme d'analyse des contenus terroristes, qui aide à signaler aux petites plateformes l'existence de contenus terroristes. Ce logiciel d'analyse a jusqu'à présent été financé par le gouvernement du Canada. Il a permis de signaler quelque 30 000 URL — des contenus terroristes individuels — aux plateformes, qui ont supprimé plus de 90 % de ces contenus. Nous avons également conçu une plateforme de partage du savoir qui permet de communiquer aux petites plateformes des informations et des conseils sur les meilleures pratiques. Nous travaillons activement à faire retirer d'Internet les sites terroristes.
Je souligne que nous nous intéressons principalement aux organisations extrémistes islamistes violentes, et bien sûr à l'extrême droite. Notre travail est généralement axé sur la désignation. Tout en respectant la primauté du droit, nous croyons que la désignation est un mécanisme essentiel pour assurer un retrait rapide des contenus par les plateformes. C'est pourquoi nous félicitons le gouvernement du Canada pour son avant-gardisme dans la désignation des organisations relevant de l'ensemble du spectre du terrorisme et de l'extrémisme violent.
En résumé, nous incitons les gouvernements à privilégier la primauté du droit et leur mode de réglementation, en veillant à donner des définitions claires aux entreprises technologiques pour qu'elles puissent intervenir plus efficacement. À nos yeux, la désignation représente un outil névralgique qui peut servir à assurer cette clarté, qui aidera les petites plateformes technologiques à mieux combattre l'activité terroriste.
Enfin, je tiens à souligner l'importance d'une action proportionnelle. Souvent, la réglementation dans ce domaine vise principalement les grandes entreprises technologiques. Nous comprenons cette préoccupation, mais le tableau actuel des menaces nous apprend qu'une bonne proportion de l'activité terroriste, toutes formes confondues, implique les petites plateformes. Souvent, la réglementation n'en tient pas compte et ne tient pas compte non plus de la nature du virage opéré par l'adversaire — autrement dit, quand l'activité terroriste change ou s'adapte en fonction des mesures employées pour prévenir l'utilisation terroriste des services.
Merci beaucoup pour votre invitation aujourd'hui; il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
Je m'appelle Vidhya Ramalingam. Il y a 11 ans, après qu'un terroriste d'extrême droite eut assassiné 77 personnes en Norvège, j'ai dirigé la première initiative intergouvernementale de l'Union europérenne sur le terrorisme d'extrême droite. C'est à ce titre que j'ai commencé à travailler avec Sécurité publique Canada et que j'ai constaté directement la résilience et la force dont font preuve les praticiens canadiens pour détourner d'autres Canadiens de la voie de la violence.
Je dirige maintenant Moonshot, une organisation qui collabore avec les gouvernements du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et d'autres pays pour mettre en place des capacités de prévention en ligne qui soient adaptées aux défis du XXIe siècle.
De toute évidence, on constate une sophistication croissante de la menace posée par les acteurs et les groupes qui prônent un extrémisme violent à caractère idéologique, ou EVCI, aussi bien en ligne que hors-ligne. Moonshot a commencé en février 2019 à étudier l'intérêt des Canadiens envers ce type de contenu sur les moteurs de recherche. En un peu plus d'un an, nous avons pisté au Canada plus de 170 000 recherches individuelles de contenu associé à un extrémisme violent à caractère idéologique. Cet intérêt a grimpé avec l'accroissement du temps passé en ligne par les Canadiens à cause de la pandémie de COVID‑19 et des confinements. Durant les périodes de confinement, les recherches de contenu d'extrême droite ont augmenté de 19 % par semaine. À Ottawa, la déclaration de l'état d'urgence en Ontario a engendré une hausse de 35 %.
Nous avons constaté un plus grand intérêt envers les théories du complot. Sur une période d'un an, les théories du complot liées à la suprématie blanche, comme le plan Kalergi, le grand remplacement et le génocide blanc, ont fait l'objet de plus de 25 000 recherches au Canada.
De concert avec Sécurité publique Canada, nous avons également réalisé la première étude systématique sur la communauté canadienne des incels violents. L'écosystème incel canadien occupe à la fois des plateformes de niche et des plateformes grand public, dont Twitter, YouTube, Telegram et Reddit. Comparativement aux utilisateurs d'autres pays, les utilisateurs canadiens des sites incels étaient 65 % plus susceptibles de publier des articles sur le mouvement incel et ils commentaient de manière particulièrement favorable la violence incel commise au Canada.
Cela dit, nous ne sommes pas dépourvus d'outils d'intervention. Pour les gouvernements aujourd'hui, le principal défi consiste peut-être à déterminer comment faire entrer nos modèles de prévention dans le XXIe siècle. Nous devons intervenir là où les groupes extrémistes cherchent à recruter: en ligne. En 2022, tout modèle de prévention doit comporter une robuste composante numérique qui doit être mise en oeuvre de manière sécuritaire, éthique et responsable, en privilégiant le respect de la vie privée des utilisateurs.
Voilà nos recommandations pour le Canada. Premièrement, renforcer les services préexistants de santé comportementale et les autres services d'accompagnement pour la prévention, spécialement le soutien à la santé mentale, la sensibilisation communautaire ainsi que les aspects adjacents comme la prévention du suicide. Les praticiens de première ligne, tels que l'équipe RAPS et le RPC-PREV au Québec, OPV en Alberta et Yorktown Family Services en Ontario, sont les mieux placés pour intervenir.
Deuxièmement, il faudrait adapter en vue d'une prestation en ligne l'ensemble des services de prévention. Une étude menée en 2017 par Moonshot a révélé que seulement 29 % des praticiens canadiens faisaient appel aux médias sociaux dans leur travail de prévention. Nous devons renforcer leur littératie numérique et leur capacité d'intervention en ligne. À cette fin, on peut recourir à une foule d'outils et de méthodologies en ligne. Ainsi, de 2019 à 2020, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que chaque Canadien cherchant du contenu extrémiste en ligne se voie proposer une option de rechange au contenu terroriste, plus sûre. Nous avons utilisé des outils publicitaires pour protéger environ 155 000 recherches de contenu violent d'extrême droite et environ 16 000 recherches liées à Daech et Al‑Qaïda. Au fil d'une évolution naturelle, ces outils devraient servir à diriger les Canadiens vers des services de prévention qui les aideraient à changer de parcours.
Enfin, troisièmement, il faudrait mettre en évidence sur Internet les services de prévention du terrorisme comme les lignes d'assistance, le counselling et les offres de sortie. Les faits nous prouvent l'efficacité d'une telle stratégie. Nous avons constaté que les publics à risque de pencher vers l'extrémisme de droite aux États-Unis étaient 48 % plus susceptibles que la population en général d'accepter les offres en ligne de services de soutien psychosocial. Uniquement au cours de l'année dernière, Moonshot a aiguillé plus de 150 individus américains à risque d'extrémisme violent vers des séances de counselling par textos, grâce à une communication en ligne. Nous travaillons maintenant avec le gouvernement américain pour lancer au niveau des États, en commençant par l'État de New York, des modèles qui dirigeront les internautes à risque vers des programmes de soutien locaux.
Ici au Canada, nous devons porter les services locaux à la connaissance des Canadiens qui flirtent avec le contenu extrémiste sur Internet. À cette fin, les fournisseurs locaux et les réseaux comme le RPC-PREV ont besoin d'un investissement soutenu pour mener leurs interventions, prolonger leurs heures de service et soutenir le bien-être professionnel et mental de leur personnel. Ces organisations comblent un vide critique dans l'infrastructure de sécurité publique du Canada. Le gouvernement devrait investir dans ces modèles et soutenir les efforts visant à offrir les interventions en ligne, là où ces services sont le plus nécessaires.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Ma question s'adresse à M. Hadley.
En 2017, votre organisation a déployé une plateforme de partage des connaissances qui offre aux entreprises en démarrage et aux petites entreprises de technologie une gamme d'outils qu'elles peuvent utiliser pour mieux se protéger contre l'exploitation de leurs services par les terroristes.
Pourriez-vous nous donner des détails sur le fonctionnement de cette plateforme et nous parler de quelques résultats que vous avez observés?
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Avec plaisir. Merci beaucoup de votre question.
La plateforme de partage des connaissances est conçue pour être un outil gratuit pour les plateformes technologiques. Son objectif est d'aider les responsables de petites plateformes à mieux comprendre comment les terroristes utilisent Internet. Notre plateforme couvre tous les types de terrorisme et d'extrémisme violent, notamment l'extrémisme islamiste, l'extrême droite ainsi que plusieurs autres organisations terroristes désignées comme telles par des organismes internationaux.
Plus précisément, la plateforme de partage des connaissances fournit de l'information sur les logos associés aux groupes désignés, la terminologie qu'ils utilisent et la phraséologie qui peut être caractéristique du contenu publié. Elle contient aussi des détails sur le processus afin d'aider les plateformes à prendre de meilleures décisions à l'égard de la modération du contenu. De plus, on y trouve beaucoup de renseignements sur les listes de groupes désignés à l'échelle internationale, un résumé des efforts mondiaux visant la réglementation en ligne et plusieurs autres éléments. Vous pourrez obtenir d'autres renseignements sur le site ksp.techagainstterrorism.org.
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Nous veillons à contrôler l'accès dans toutes nos activités. En fait, dans tout ce que je dirai aujourd'hui pendant la présente réunion, je vais supposer que des terroristes et des extrémistes violents sont à l'écoute, et par conséquent, il y a toujours une préoccupation de ne pas trop en divulguer.
Tech Against Terrorism se démarque par le fait qu'une grande partie de son travail est confidentiel et privé. Si nous voulons établir un climat de confiance avec de plus petites plateformes, une grande partie du travail doit se faire en privé. Plus précisément, l'accès à la méthodologie et à l'information des petites plateformes suscite de graves préoccupations. Nous savons que les terroristes et les extrémistes violents sont très habiles pour modifier leur utilisation d'Internet. Plus ils ont de renseignements sur la modération du contenu, plus il est facile de modifier leurs méthodes et donc de déjouer les mécanismes conçus pour empêcher ce genre d'activité. Nous devons donc être prudents.
Ainsi, pour toutes les personnes qui présentent une demande d'accès à la plateforme de partage des connaissances, nous vérifions si elles sont bel et bien associées à une plateforme réelle. Nous communiquerons par courriel et par téléphone, et nous nous assurerons que les connaissances partagées conviennent à ces personnes.
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Avec plaisir. L'automatisation peut s'appliquer à plusieurs différentes activités. Il est souvent question des algorithmes, qui font sans aucun doute partie de l'automatisation. Cependant, selon notre expérience, le plus grand défi que doivent relever les petites plateformes ne porte pas sur les éléments de base, mais plutôt sur le processus. L'automatisation de la modération du contenu est un mécanisme simple en principe. Elle permet de repérer un contenu susceptible d'enfreindre la loi ou les conditions d'utilisation. Ce contenu doit ensuite être examiné pour établir s'il enfreint ces limites établies. Il faut prendre des mesures, consigner ces mesures et produire un rapport. Il faut aussi offrir à l'utilisateur la possibilité de contester cette décision. Dans le cas des processus, des processus complexes, particulièrement pour les plus petites plateformes, la plus grande partie de notre soutien porte sur cette infrastructure de base.
Nous pourrions dire que tout cela concerne l'automatisation. Il faut s'assurer que les petites plateformes sont capables de repérer et de modérer le contenu de façon précise et évolutive. Contrairement aux grandes plateformes, les petites plateformes ont de très petites équipes. Elles sont souvent sans revenus ou peu rentables, et en général leur infrastructure technique n'est pas particulièrement raffinée. Cela explique en partie pourquoi les terroristes et les extrémistes violents utilisent souvent de plus petites plateformes, car ils savent qu'elles éprouvent beaucoup plus de difficultés à supprimer du contenu.
Lorsque nous travaillons avec de petites plateformes, nous fournissons une série de recommandations sur la meilleure façon d'utiliser la technologie et l'automatisation pour améliorer la précision et l'efficacité du processus de modération du contenu. L'automatisation peut inclure d'autres mécanismes, notamment le hachage ou le partage de hachage. Éventuellement, cela peut comprendre la recherche de mots clés et de terminologie, ainsi que des mécanismes plus sophistiqués pour comprendre si un symbole se trouve dans une image ou une vidéo.
Cependant, la plupart des petites plateformes ont rarement la capacité ou les moyens de mettre en place une automatisation complexe. L'automatisation que nous soutenons généralement est assez simple et son but est de les aider à prendre les bonnes décisions et à consigner ces décisions. De manière générale, un important principe de la modération du contenu est, à notre avis du moins, la transparence. C'est pourquoi nous recommandons que les plateformes de toutes tailles investissent dans la production de rapports sur la transparence. Pour ce faire, elles ont besoin d'automatisation pour comprendre ce qui a été supprimé et ce qui a été conservé.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de prendre le temps de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Ma première question va s'adresser à Mme Ramalingam.
Madame Ramalingam, dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé du triste événement qui s'est produit en Norvège. Pour éclairer le Comité, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la loi européenne qui a été récemment adoptée et qui porte sur les contenus illégaux en ligne. Quelle leçon pouvons-nous en tirer?
J'aimerais aussi vous entendre plus particulièrement sur la question de la responsabilité des entreprises technologiques.
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Je vous remercie beaucoup de votre question.
Nous admirons vraiment la planification du gouvernement canadien à l'égard de cette menace. Il s'agit d'une menace émergente qui doit préoccuper non seulement le gouvernement canadien, mais aussi les gouvernements mondiaux.
J'ai mentionné dans mon exposé quelques-unes de nos principales conclusions relativement au mouvement des incels au Canada, mais j'aimerais maintenant parler un peu de la prévention. Parmi les principaux constats que nous avons faits au début de ce travail, il y a le fait que les communautés des incels se montrent ouvertes aux interventions en santé mentale et en santé comportementale. En fait, cela n'est pas différent des autres formes d'extrémisme violent, c'est ainsi dans l'ensemble du spectre. Que nous parlions de l'extrémisme violent inspiré d'Al‑Qaïda et de Daech, ou de l'extrême droite ou de l'extrême gauche, nous avons systématiquement constaté que, dans l'ensemble du spectre, ces groupes sont réceptifs aux interventions comportementales.
Dans le cas de la communauté violente des incels, et un peu parce que nous avons remarqué qu'il y avait déjà beaucoup de discussions sur la santé mentale et le bien-être sur les plateformes, nous avons une occasion d'utiliser les interventions en santé mentale pour amorcer un dialogue avec les personnes qui présentent des risques de commettre des actes de violence.
Nous encourageons vivement le gouvernement canadien à investir considérablement, comme je l'ai mentionné, dans des modèles de santé comportementale en s'appuyant sur les organismes de prévention et de prestation de services sociaux qui existent partout au pays, et en leur donnant les ressources dont ils ont besoin pour traiter les cas issus de ce violent mouvement misogyne.
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Je vous remercie de votre question.
Je pense que le Canada est très bien placé, en fait, pour tirer parti des programmes phares dans lesquels le gouvernement canadien a investi au cours des 10 dernières années en commençant à renforcer leur capacité numérique pour les aider à travailler en ligne.
J'ai parlé de certaines des conclusions d'une étude que nous avons menée il y a cinq ans sur le niveau de la capacité numérique des praticiens en prévention au Canada, et ce niveau était très faible. Nous devons faire des efforts pour améliorer cette situation, et je proposerais que le gouvernement canadien s'efforce d'offrir de la formation et qu'il renforce les capacités des organisations qui doivent commencer à utiliser les médias sociaux pour promouvoir leurs services en ligne.
Je proposerais aussi que nous commencions à considérer la mise en place de programmes à grande échelle dans l'ensemble du pays — plutôt que de nous concentrer sur quelques territoires et provinces où nous avons déjà beaucoup investi et où ces programmes existent —, mais aussi de vraiment commencer à penser aux régions où il n'y a aucun programme de ce genre, notamment au Manitoba, en Saskatchewan, dans les provinces de l'Atlantique et les territoires. Nous devons former des équipes de spécialistes capables de répondre aux besoins des publics à risque dans ces régions et commencer à offrir des services en ligne à ces personnes.
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Merci de votre réponse.
En ce qui concerne l'attaque du 6 janvier au Capitole, il y a des preuves que les organismes fédéraux américains d'application de la loi et de renseignement savaient dès novembre 2021 qu'il y avait un risque de violence. Ici, au Canada, avant l'occupation illégale de notre capitale et les nombreux actes de violence qui en ont découlé, et qui ont été rapportés par nos services de police, il y avait des indications que l'occupation se préparait au début de janvier. Nous devons tirer des leçons de notre passé afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.
Considérant ces deux exemples, avez-vous des recommandations précises sur ce que nous devons vraiment surveiller avant que les choses se concrétisent de façon très violente et physique?
Nous vivons une période de crise prolongée. Les mouvements extrémistes nationaux, les mouvements d'EVCI dans l'ensemble du spectre idéologique, se développent dans les moments de crise, et ils utilisent en fait ces moments pour transformer l'anxiété et la peur dans la société en une occasion de croissance. C'est ce qui s'est produit le 6 janvier aux États‑Unis. Nous avons vu des extrémistes exploiter l'insécurité et l'anxiété générées par l'élection présidentielle aux États‑Unis, et nous avons vu la même chose avec les convois au Canada. Les groupes extrémistes ont profité de la polarisation sociale et utilisé ce moment pour manipuler la situation et croître au Canada.
Nous devons être un peu plus proactifs et porter attention aux crises qui se profilent à l'horizon. Nous devons veiller à ce que nos programmes de prévention aient les outils requis pour prévenir ces crises afin de ne pas simplement réagir et répondre à la violence après coup, mais d'intervenir de façon préventive auprès des personnes qui pourraient être à risque dans notre collectivité et de travailler avec elles pour qu'elles comprennent que la violence n'est pas la solution.
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Je vous remercie de votre question.
Chaque fois que je parle de différence entre hommes et femmes, je pense qu'il est vraiment important de ne pas aller de l'avant avec des hypothèses. J'ai tendance à entendre, et je l'ai souvent entendu dans l'ensemble du spectre des politiques à l'échelle internationale, cette notion que seuls les hommes s'impliquent vraiment, et non les femmes. Je tiens à dire que nous avons des preuves qui montrent le contraire. À l'échelle mondiale, en fait, dans l'ensemble des États‑Unis, du Canada, du Royaume‑Uni, de l'Australie et de la Nouvelle‑Zélande, nous constatons souvent que 25 % des personnes qui s'intéressent au contenu extrémiste de droite sont en fait des femmes, des personnes qui s'identifient comme étant des femmes. Cela ne diminue en rien le fait que nous constatons généralement qu'en moyenne 75 % des personnes qui s'intéressent à ce contenu en ligne sont des hommes.
De plus, nous devons bien comprendre les véritables interactions entre les mouvements violents misogynes — j'ai mentionné les incels violents — et les communautés extrémistes d'extrême droite. Nous avons également vu la misogynie violente se conjuguer avec d'autres formes d'extrémisme, y compris l'extrémisme inspiré par Al‑Qaïda et Daech, et ce, dans l'ensemble du spectre idéologique.
Je nous encouragerais à vraiment examiner les données au moment de concevoir des mécanismes de prévention, mais aussi à considérer les interventions sexospécifiques nécessaires.
Je remercie nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Ramalingam de Moonshot.
Nous essayons de vous entendre ici depuis un certain temps. Je veux vous remercier pour le travail que vous accomplissez et de votre présence ici aujourd'hui.
Depuis 2014, le SCRS a identifié 10 complots — sept attaques et trois complots déjoués — qui ont tué 26 personnes et en ont blessé 40 en sol canadien. Leurs auteurs ont tous été identifiés. Dans quatre cas, les incels étaient responsables, et tous les complots étaient liés à des attaques d'extrême droite ou des incels.
Lorsque le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a déposé son rapport, il a mentionné qu'au cours des deux dernières années, « [...] le SCRS a découvert d'importantes activités liées à l'extrémisme violent à caractère idéologique [...] (notamment les groupes d'extrême droite), comme en témoignent l'activité en ligne et les attaques. L'augmentation importante des activités extrémistes violentes à caractère idéologique en 2020 donne à penser que le contexte de la menace terroriste amorce un virage. La principale menace physique au Canada demeure les attentats peu sophistiqués contre les lieux publics non protégés. »
Compte tenu des conclusions des rapports des organismes indépendants tels que le SCRS, ne serait‑il pas logique que le gouvernement du Canada finance votre recherche sur ces menaces?
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À l'époque, certaines de mes principales recommandations reposaient sur le fait que l'extrémisme de droite tombe souvent dans un vide politique entre les initiatives de sécurité communautaire et la lutte contre le terrorisme. Dans l'ensemble du Canada, les praticiens et la communauté du contre-terrorisme avaient besoin, à ce moment, de compétences pour lutter contre le terrorisme d'extrême droite. Je suis d'avis que la situation s'est grandement améliorée au cours des 10 dernières années, et c'est tout à l'honneur du Canada et de la communauté gouvernementale internationale.
Cela dit, je crois que c'est dans le cyberespace que la menace a évolué depuis 2011. Il y a un risque inquiétant que des membres du grand public soient exposés à un contenu qui était autrefois confiné à des créneaux très spécialisés en ligne, ou même à des communautés très particulières hors ligne.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que du contenu véhiculé par des groupes d'extrême droite et aussi par des groupes violents fait soudainement son apparition dans les communautés virtuelles ordinaires. C'est là où nous devons investir non seulement dans la prévention, mais aussi dans des programmes plus généraux qui permettront aux gens de développer, comme je l'ai mentionné, des compétences critiques en matière de consommation médiatique afin qu'ils soient préparés à la possibilité de voir ce contenu.
Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je dirais qu'il y a une application de messagerie canadienne, que je ne nommerai pas, qui a été complètement inondée d'activités terroristes. Nous pensons qu'à un certain point, 80 % de ses utilisateurs étaient associés à l'État islamique il y a quelques années. Cette plateforme était donc simplement incapable de fonctionner normalement parce qu'elle était dominée par l'activité terroriste.
Nous constatons de plus en plus que les sites Web exploités par des terroristes représentent un énorme problème. Nous parlons de centaines de sites Web exploités par des terroristes et majoritairement détenus ou exploités, selon notre évaluation, par des acteurs d'extrême droite. La raison pour laquelle ces sites Web demeurent actifs si longtemps, c'est que l'infrastructure juridique qui aiderait les gouvernements à comprendre comment procéder pour les fermer est très vague.
Dans une certaine mesure, le secteur privé collabore à des sites Web exploités par des terroristes. Je crois que ce n'est que récemment qu'un site Web qui, selon toute vraisemblance, appartenait ou était exploité par American Futurist, une organisation étroitement liée au groupe désigné NSO et à James Mason, a été fermé. Certains efforts visant à faire supprimer les sites Web exploités par des terroristes ont été fructueux. Il y a toutefois encore beaucoup de travail à faire. Il ne s'agit pas seulement de petites plateformes, mais aussi de sites Web exploités par des terroristes.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Madame Ramalingam, j'aimerais poursuivre avec vous.
J'ai vraiment aimé les recommandations que vous avez présentées à notre comité concernant la nécessité de renforcer la santé mentale et l'intervention communautaire et de nous assurer que ces services soient adaptés de façon à être utilisés en ligne. Notre comité a récemment terminé une étude sur le trafic illégal des armes et la guerre des gangs. Nous avons entendu plusieurs témoignages sur l'efficacité des programmes communautaires visant à aider les populations vulnérables à vivre autrement qu'avec les gangs. Je pense que nous pouvons utiliser ce même modèle.
J'aimerais vous poser une question précise au sujet du sociomuselage.
La semaine dernière, M. Imran Ahmed a témoigné devant notre comité. Il travaille pour le Center for Countering Digital Hate. Je vais vous citer une partie de son témoignage. Il a dit: « Le sociomuselage de ces gens pour les mettre dans leur propre petit trou, un petit trou d'antisémites, d'anti-vaccination et d'aliénés est une bonne chose parce que vous limitez leur capacité d'infecter d'autres personnes. » Il a ajouté que c'est aussi une bonne chose pour des tendances comme la convergence et l'hybridation des idéologies.
Vous proposez une série de recommandations qui constituent une intervention positive. Auriez-vous des observations sur l'utilisation possible du sociomuselage pour essayer, je suppose, de cautériser la plaie et d'empêcher certaines de ces idéologies insensées et l'extrémisme violent de se propager aux groupes vulnérables?
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Je vous remercie de votre question, monsieur MacGregor.
Le sociomuselage fonctionne. Beaucoup de preuves semblent indiquer que le sociomuselage permet de limiter la diffusion de contenu terroriste sur les plateformes, mais cela ne suffit pas. Si nous voulons prévenir efficacement l'utilisation abusive des plateformes en ligne par des terroristes, nous devons accepter deux choses. Premièrement, il y aura toujours du contenu qui tombera dans une zone grise et qui ne pourra pas être supprimé, et ces groupes se montrent d'une extrême prudence.
Deuxièmement, il y aura toujours des zones non assujetties à la modération sur les plateformes technologiques. J'ai parlé de « recherche » à quelques reprises — c'est un excellent exemple. Les moteurs de recherche ne vous empêchent pas d'entrer tout ce que vous voulez dans le champ de recherche. C'est un endroit idéal pour intervenir auprès d'une personne qui cherche activement du contenu terroriste.
Dans ce genre de cas, en plus des efforts de modération, nous devons réfléchir à la façon d'offrir des solutions de rechange plus sécuritaires aux personnes qui pourraient être susceptibles de participer à des actes de violence. Vous pouvez supprimer l'utilisateur et vous pouvez supprimer le compte ou la vidéo, mais cette personne existera toujours dans la collectivité.
Merci.
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Les résultats de nos recherches, dont certains proviennent de notre collaboration avec Life After Hate au fil des années, tendent à montrer qu'il est important de tenir compte de l'idéologie, mais qu'il faut avant tout axer les interventions sur les causes sous-jacentes. Si nous réussissons à éradiquer ces causes, l'idéologie perd automatiquement son emprise.
Dans notre travail en ligne, quand nous discutons avec des personnes à risque, la manière la plus efficace que nous avons trouvée pour entrer en contact avec elles n'est pas de contredire leur idéologie ou de leur dire qu'elles ont tort, mais plutôt de parler de leur état émotif. L'an dernier, l'annonce qui a été la plus efficace aux États-Unis auprès des suprémacistes blancs commençait par quelque chose comme « la colère et la tristesse peuvent nous isoler ».
Je suis tout à fait d'accord avec M. McAleer quand il affirme qu'il faut s'intéresser à l'idéologie, mais que le plus important pour lui enlever son pouvoir est de travailler sur les causes sous-jacentes.
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Je vais profiter de ce temps pour remercier de nouveau nos témoins et leur dire à quel point nous leur sommes reconnaissants.
Je vous remercie infiniment pour les éclairages que vous nous avez apportés. C'était fascinant, nécessaire et d'une importance capitale pour le pays. Au nom de mes collègues du Comité et de l'ensemble des parlementaires, je vous remercie d'avoir passé la dernière heure avec nous. Vos témoignages sont précieux.
Chers collègues, je vous rappelle qu'il nous reste une dernière réunion dans le cadre de notre étude sur l'EVCI. Nous recevrons des représentants du ministère durant la première heure, et seulement deux témoins durant la deuxième partie, pour nous donner le temps de transmettre nos instructions aux analystes relativement à l'ébauche du rapport du Comité sur l'EVCI. Ce segment de la réunion se déroulera à huis clos.
Nous allons suspendre la séance.
Le greffier va opérer sa magie pour que les prochains témoins soient prêts pour la suite de la réunion. Je pense qu'une ou deux minutes suffiront. Nous y sommes presque.
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Nous allons reprendre nos délibérations.
Pour ce second volet de la réunion, nous recevrons l'imam Navaid Aziz, qui témoignera à titre personnel ; M. Mohammed Hashim, le directeur général de la Fondation canadienne des relations raciales, ainsi que Mme Kara Brisson-Boivin, la directrice de recherche de l'organisme HabiloMédias.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour nous livrer ses remarques liminaires. Nous allons entendre en premier lieu l'imam Aziz.
Nous vous écoutons. Vous avez cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité. Je vous suis reconnaissant de m'accueillir et de me permettre d'échanger avec vous aujourd'hui.
Comme le président l'a mentionné, je m'appelle Navaid Aziz et je suis un islamiste de formation classique. J'agis à titre d'imam depuis plus de 10 ans à Calgary. De 2012 à 2015, une vague de jeunes musulmans sont allés grossir les rangs de groupes et de factions extrémistes à l'étranger. C'est durant cette période que j'ai commencé à m'intéresser personnellement à l'extrémisme violent parce que je voulais approfondir le plus possible ma compréhension du phénomène.
J'ai été témoin expert dans un procès pour terrorisme devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. J'ai encadré et soutenu plusieurs personnes accusées d'infractions de terrorisme dans leur processus de réadaptation, et j'ai deux publications à mon actif. La première porte sur la réinsertion sociale et la réadaptation de combattants canadiens et étrangers, et la seconde est un petit guide sur l'extrémisme d'extrême droite au Canada.
J'espère vous livrer aujourd'hui un point de vue unique, en ce sens qu'il mettra au premier plan la communauté.
À partir de la période 2012‑2015, la communauté musulmane a subi des pressions accablantes et elle a été bombardée de questions sur la raison des problèmes dans sa communauté, les difficultés d'intégration des musulmans, ce qu'elle fait pour régler les problèmes. On demande à une communauté qui n'est ni homogène ni monolithique de résoudre des problèmes dont elle n'est pas responsable. Pour seul soutien, on a dit à la communauté ce qu'elle devrait faire, alors qu'elle n'a aucune expérience puisqu'elle n'a jamais rencontré ces problèmes.
Les milieux policiers et les décideurs ont voulu sécuriser leur relation avec la communauté musulmane en infiltrant des informateurs dans les mosquées, ce qui a attisé la méfiance. Les relations ont été construites sur la base d'une opération de renseignement qui visait à recueillir de l'information en vue d'éventuelles poursuites, mais le soutien nécessaire n'a jamais été fourni. Cette approche a aussi donné l'impression qu'il existe de bons et de mauvais musulmans. Ceux qui acceptaient de coopérer étaient du côté des bons, et les autres étaient du côté des mauvais. Il est tout simplement exclu qu'il se trouve au sein de la communauté des personnes ordinaires, neutres.
Pendant des années, beaucoup d'experts ont pointé du doigt le fait que les poursuites pour actes de terrorisme intentées au Canada visent de manière disproportionnée des membres de la communauté musulmane.
Même si ce n'est pas quelque chose dont j'aime parler, je me dois de signaler devant le Comité que depuis 2016, nous observons une nette montée du populisme et de l'extrême droite, et que la communauté musulmane a été leur cible de choix. En 2017, nous avons vécu le massacre de la mosquée de Québec et, en 2021, l'assassinat de sang-froid de la famille Afzaal à London, en Ontario. Puissions-nous ne jamais oublier ces gens.
Les autres communautés n'ont jamais eu à se justifier et à répondre à des questions du genre: pourquoi tous ces problèmes et que faites-vous pour les régler?
Nous n'avons pas compris que la sécurisation des relations se traduirait par l'infiltration d'une armada d'informateurs, ou que nos membres seraient divisés entre les bons et les mauvais. Cela ne signifie pas que c'est la réponse qui devrait être attendue, mais il est clair qu'il y a des problèmes graves à l'échelon des institutions et qu'il faut s'y attaquer.
Quelle est ma proposition et à quoi faut‑il s'attarder? Je recommande trois choses en matière de financement.
La première a trait à la proposition d'infrastructure de sécurité. Il faut s'assurer que tous les groupes minoritaires seront admissibles aux subventions ou à l'aide proposées. Historiquement, ils ont été peu enclins à soumettre des demandes pour obtenir ce genre de financement et ils n'en ont pas reçu. C'est très difficile pour ces groupes.
Deuxièmement, concernant le financement durable des initiatives de lutte contre l'extrémisme violent dans l'ensemble du Canada, et particulièrement en Alberta, où l'organisation pour la prévention de la violence a observé une augmentation importante des appels, notamment en mars et avril 2020, après le 6 janvier et après les manifestations du convoi pour la liberté. Il peut être tentant de penser que ces événements exacerbent la radicalisation d'extrême droite, mais ils peuvent aussi faire réfléchir et amener des gens à demander de l'aide, pour eux-mêmes ou pour des membres de leur famille qui semblent engagés sur une pente dangereuse. Ces programmes ne reçoivent pas de financement durable, mais dépendent aussi de subventions et d'aide ponctuelle.
Troisièmement, il faut financer la recherche. Il faudra examiner en profondeur et de manière prioritaire les facteurs propices à l'éclosion de ces formes d'extrémisme violent.
Ma dernière recommandation est d'examiner les relations en ajoutant le point de vue de la communauté. C'est essentiel. Quand il est question d'équité, de diversité et d'inclusion, le nombre… La représentativité ne doit pas être définie seulement par le nombre de personnes en plus, mais également par la prise en compte des concepts, des idées, des sources. Tout cela doit être considéré comme faisant partie de l'équité, de la diversité et de l'inclusion dans les infrastructures et les conseils d'administration.
C'est ce que je voulais partager avec vous dans les cinq minutes qui m'ont été accordées.
Merci de m'accueillir aujourd'hui. Je tiens à souligner que je me trouve actuellement sur le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de Credit, à Mississauga, en Ontario.
Je m'appelle Mohammed Hashim, et je suis le directeur général de la Fondation canadienne des relations raciales. La FCRR a été établie dans la foulée des excuses présentées aux Canadiens d'origine japonaise injustement emprisonnés dans des camps d'internement durant la Seconde Guerre mondiale. Une des stipulations de l'entente de redressement qu'ils ont conclue visait la création de la FCRR à titre de société d'État fédérale indépendante. Elle a été fondée en 1996 et relève aujourd'hui du ministère du Patrimoine canadien.
En plus de mener des recherches et d'encourager la mobilisation communautaire, la FCRR anime des discussions sur les politiques, fournit du financement aux groupes communautaires et collabore actuellement avec le gouvernement à l'élaboration d'une stratégie renouvelée de lutte au racisme, d'une nouvelle stratégie de lutte contre la haine, ainsi que d'une stratégie de lutte contre les préjudices en ligne pour le Canada.
Si on étudie l'écosystème de l'EVCI, on constate que souvent, la violence est seulement un bout de l'histoire, qu'il y a eu un long parcours avant. Une personne peut commencer par des incidents haineux, passer ensuite aux discours haineux, qui peuvent dégénérer en crimes haineux et mener à la violence. C'est un parcours type.
Nous ne sommes pas des experts de l'EVCI, mais nous pensons que bien avant les actes de violence, il y a eu la haine. C'est pourquoi nous nous concentrons sur la haine. Comme nous savons qu'il est impossible de faire ce travail sans aide, nous coprésidons un groupe de travail national sur les crimes haineux avec la GRC. Notre groupe réunit certains des plus brillants esprits des milieux policiers qui, ensemble, travaillent à améliorer la formation, à sensibiliser la population et à établir des normes pour la police et la communauté.
La haine est une préoccupation grandissante au Canada et dans le monde, et ses cibles changent constamment. Les communautés racialisées sonnent l'alarme depuis des années. Le soir du massacre de la mosquée de Québec, j'ai discuté avec une amie qui m'a dit qu'elle n'était pas surprise parce que les musulmans canadiens et d'autres minorités sont les cibles de la haine depuis des années dans ce pays.
La peur que cette communauté soit la cible d'actes violents était constante, et beaucoup la ressentent aujourd'hui. C'est à cause du refus constant des institutions de prendre les atteintes au sérieux que nous sommes ici aujourd'hui pour essayer de réparer les pots cassés. C'est important d'être ici, mais il est tout aussi important de réaliser que cette discussion se fait attendre depuis longtemps. Quand il est question de la haine et de l'administration de la justice, il est difficile de croire que le système parviendra à redresser les torts du passé.
Depuis beaucoup trop longtemps, les plateformes en ligne offrent un environnement sûr pour la propagation, en toute impunité, de discours haineux. Ceux qui vomissent cette haine se sentent puissants, au‑dessus des lois et des conséquences, tandis que les victimes se sentent démunies et seules. L'enquête de Statistiques Canada sur la victimisation a répertorié plus de 200 000 incidents haineux, dont près de la moitié étaient de nature violente. Or, les incidents haineux signalés à la police ces dernières années représentent une infime fraction de ce nombre, probablement autour de 1 %. Il existe un fossé énorme entre les comptes rendus que les gens font de leurs expériences et ce qui retient l'attention du système de justice. Un lien de confiance aussi fragile avec le système entraîne forcément des répercussions pour les personnes et les communautés, même si ce système fonctionne.
Récemment, la juge Cidalia Faria a rendu une décision dans un litige qui mettait en cause une femme qui s'est interposée pour empêcher un homme de malmener une autre femme et son enfant. L'homme s'en est pris à la bonne samaritaine, lui a arraché son hidjab et l'a frappée au visage en lui lançant des injures haineuses. La victime, bien connue pour son engagement bénévole dans la communauté, a fait valoir que sa parole lui avait été volée et que son agresseur lui avait dit que si elle le dénonçait, les conséquences seraient terribles. Cette femme qui n'avait pas l'habitude de mâcher ses mots ne se sent plus elle-même depuis l'agression.
Je vous raconte cette histoire parce que je pense que nous avons manqué à notre devoir à l'égard de cette victime. Je ne mets pas en doute la décision de la juge de laisser l'agresseur s'en tirer avec une condamnation avec sursis parce qu'il y avait des circonstances atténuantes, mais je sais pertinemment que la victime n'a pas reçu le soutien qui lui aurait redonné confiance dans ce pays.
Elle n'est pas la seule dans cette situation. Notre pays fait souvent faux bond aux victimes de la haine et, par ricochet, à leurs communautés. Le Canada doit se doter d'un système solide d'aide aux victimes de la haine. Un tel système est nécessaire pour aider les victimes à se rétablir, mais aussi pour que les communautés se sentent appuyées tout au long du processus puisque, après le signalement d'un crime haineux, les victimes doivent être soutenues durant le procès et recevoir de l'aide ensuite pour retomber sur leurs pieds. Nous savons que les crimes haineux sont des crimes à messages, et il est temps que les victimes entendent ce que nous avons à dire en réplique. Elles doivent savoir qu'elles sont vues et entendues, qu'elles seront soutenues.
Je me suis concentré sur les victimes parce que trop souvent, quand nous parlons de crimes haineux et d'EVCI, les projecteurs sont braqués sur les auteurs. Il est rarement question des victimes. La prévention, les enquêtes et les poursuites sont des priorités et sont au cœur de nos discussions au sein du groupe de travail national sur les crimes haineux. Il faut prendre conscience des conséquences de notre refus de prévenir les préjudices et de laisser les victimes s'arranger avec les problèmes. Si les victimes, autant les personnes que les communautés, ont l'impression qu'on ne les écoute pas, elles risquent fort de perdre foi en nos systèmes démocratiques.
Bonjour à tous les membres du Comité, et merci de me donner la possibilité de témoigner devant vous.
HabiloMédias s'intéresse à la haine en ligne depuis près d'une vingtaine d'années. Les résultats de nos recherches sont constants: les jeunes Canadiens sont souvent exposés à du contenu raciste et sexiste en ligne, ils trouvent qu'il serait important de faire quelque chose, mais ils n'ont pas un regard suffisamment critique pour dénoncer les contenus haineux ou intervenir pour les faire cesser.
Nos recherches auprès des jeunes portent sur leurs attitudes et leurs expériences à l'égard de la haine en ligne. Plus précisément, nous cherchons à comprendre pourquoi ils interviennent ou non quand ils tombent sur ces contenus. Nous avons constaté que les manifestations flagrantes de haine sont beaucoup moins répandues que les cultures qui alimentent la haine et qui sont propagées par des groupes qui banalisent le racisme, la misogynie et d'autres attitudes discriminatoires. Si on ne fait rien pour contrer la haine en ligne, les utilisateurs en viennent à croire que toute intervention est disproportionnée. Les normes d'une communauté sont largement dictées par 10 % de ses membres les plus engagés.
Quand les cultures de la haine sont déguisées en consensus et que les comportements encouragés ne sont pas perçus comme néfastes, la plupart des témoins seront portés à croire qu'une intervention ne vaut pas le risque de se voir exclus de la société. Les jeunes sont particulièrement vulnérables parce qu'ils ont peur de perturber l'harmonie sociale, de perdre leur capital ou leur statut social auprès de leurs pairs, ou d'attirer une attention non désirée.
Les groupes qui propagent la haine profitent de cette vulnérabilité. Ils profitent aussi de l'architecture numérique des espaces en ligne pour faire croire que la haine fait partie intégrante des courants de pensée dominants et qu'elle est donc acceptable, et ainsi élargir leur bassin de recrues potentielles pour créer un environnement en ligne hostile à leurs cibles. Notre dernière étude auprès des jeunes Canadiens révèle que ceux qui font partie de la communauté des personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et autres, ou 2SLGBTQ+, sont jusqu'à deux fois plus susceptibles de déclarer avoir subi de l'intimidation ou d'avoir vu du contenu raciste ou sexiste en ligne.
Notre étude sur la connaissance des algorithmes met en évidence la manière dont la conception, les options par défaut et l'intelligence artificielle façonnent les espaces en ligne. Les algorithmes de recommandation peuvent diminuer la capacité de vérifier la véracité d'un message en ligne étant donné que les utilisateurs ont tendance à penser que le contenu sélectionné expressément pour eux par un algorithme est plus fiable.
La haine en ligne peut modifier la manière dont nous pensons savoir ce que nous sommes convaincus de savoir au sujet des faits scientifiques et historiques, des normes sociales, et même de notre réalité commune. Comme les jeunes s'informent essentiellement sur Internet, ils courent un plus grand danger d'être induits en erreur par des contenus haineux. Si la désinformation n'est jamais mise en doute et que les utilisateurs n'ont pas l'esprit critique nécessaire pour la mettre en doute eux-mêmes, des jeunes risquent d'être happés par une propagande dangereusement distordue.
Les jeunes ont besoin de soutien pour acquérir les compétences et les connaissances requises pour déceler la haine en ligne. Il faut leur apprendre comment développer leur pensée critique globale, leur permettre de perfectionner leur littératie en matière de médias numériques, et les amener à reconnaître les techniques et les idéologies de haine. Pour être en mesure d'aborder des sujets controversés et favoriser des discussions saines et ouvertes, il faut que les utilisateurs fassent la distinction entre des arguments fondés sur des faits et ceux qui visent à déshumaniser l'autre et à le rendre menaçant.
Il faut aussi donner aux jeunes des exemples clairs de la manière dont ils peuvent réagir à la haine et aux comportements préjudiciables en ligne. L'important est de leur faire comprendre que même un petit effort pour contrer la haine en ligne peut convaincre d'autres utilisateurs d'intervenir. Les jeunes doivent avoir le sentiment que leurs opinions et leurs expériences sont prises au sérieux et que les décideurs en tiendront compte.
Les jeunes pensent que les plateformes et les entreprises technologiques ont la responsabilité d'établir des règles et des normes communautaires claires pour faciliter la dénonciation de la haine par les utilisateurs, et de prendre ensuite des mesures coercitives qui seront rendues publiques. Les jeunes réclament également des politiques qui viseront à leur offrir, à eux et aux adultes de confiance qui les entourent, davantage de possibilités de renforcer leur littératie en matière de médias numériques en classe, à la maison et dans les communautés partout au pays.
Pour conclure, j'aimerais approfondir un peu ce dernier point.
On n'insistera jamais assez sur l'importance de l'éducation pour contrer la haine en ligne. Les gouvernements et les plateformes numériques ont certes un rôle important, mais aucun législateur, modérateur ou concepteur ne réussira à nous sortir seul de ce guêpier. Nous devons nous assurer que toute la population canadienne a les outils et l'esprit critique essentiels pour devenir des citoyens numériques aptes à s'engager de manière sûre, positive et éthique.
Dans cette optique, la littératie en matière de médias numériques fait partie des moyens de prévention et de réduction des préjudices à notre portée pour contrer l'extrémisme violent à caractère idéologique. C'est surtout une assurance que les plateformes ou les organismes de réglementation ne s'en tireront pas à bon compte en se déchargeant des problèmes sur les utilisateurs. Toute la société doit être mise à contribution pour demander des comptes aux plateformes et aux gouvernements et exiger d'eux qu'ils s'acquittent du rôle qui leur incombe de lutter contre la haine en ligne et de favoriser la littératie en matière de médias numériques.
HabiloMédias milite pour l'adoption d'une stratégie nationale de littératie en matière de médias numériques depuis plus de 15 ans, une recommandation que les principaux intervenants et partenaires de la communauté ont systématiquement reprise à leur compte et que nous avons réitérée dans notre rapport De l'accès à l'engagement: Établir une stratégie pour la littératie aux médias numériques au Canada, publié le mois dernier. La stratégie recommandée offrirait aux experts, aux militants et aux fournisseurs de services une approche uniforme, quoique souple, de prévention de la haine en ligne et d'intervention…
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Merci beaucoup de poser cette question.
HabiloMédias est le centre canadien spécialisé dans la littératie en matière de médias numériques. Nous sommes un organisme sans but lucratif, et une partie de notre mandat est axé sur les jeunes. Nous sommes très actifs auprès des jeunes de la maternelle à la 12e année, mais nous avons aussi pris part à des campagnes publiques qui s'adressaient à toute la population canadienne au cours des cinq dernières années.
Pour ce qui a trait à la haine en ligne, nous avons concentré notre travail sur l'expérience des jeunes Canadiens. Ce travail fait partie de notre mandat. Nous pensons que leur expérience est unique et qu'elle constitue un objet de recherche à part entière. Jusqu'ici, nos recherches nous ont amenés à concevoir et à mettre en œuvre des interventions axées sur les jeunes, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, dont l'importance qu'ils accordent à l'approbation de leurs pairs et à leurs relations avec les autres jeunes.
Bien sûr, nous voyons des suicides à tous les âges, mais il n'est pas rare d'entendre parler de suicide chez les jeunes, en particulier au deuxième et au premier cycle du secondaire, par suite de l'intimidation et de la pression des pairs. Ces raisons de se suicider ne sont pas aussi courantes, semble‑t‑il, chez les adultes par exemple.
Pouvez-vous nous parler de l'effet de l'univers en ligne sur la santé mentale des jeunes et de la façon dont vos services y contribuent?
Nous savons que l'un des avantages de la communauté en ligne est aussi l'un de nos plus grands défis, à savoir l'anonymat.
Je peux utiliser l'exemple mis en lumière par notre travail auprès de la communauté 2SLGBTQ+. Dans ce contexte, des jeunes nous ont dit que l'environnement en ligne, et surtout la possibilité de rester anonymes dans les espaces, est un énorme avantage, car ils peuvent encore une fois s'engager dans un jeu d'identité et trouver une communauté alors qu'ils ne seraient peut-être pas à l'aise de le faire en personne.
Cependant, nous savons que cela pose aussi un grand défi, car pour de nombreux agresseurs, allant de l'intimidation aux groupes haineux, l'anonymat est un outil énorme qu'ils peuvent utiliser à leur avantage, à la fois pour tâter le terrain dans les différentes communautés auxquelles les jeunes participent, par exemple dans les communautés de jeu, et pour tenter de recruter de nouvelles recrues potentielles dans leurs mouvements.
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Dans le contexte de la haine en ligne avec les jeunes, les plus grands facteurs que nous avons trouvés pour expliquer pourquoi les jeunes n'interviennent pas sont, premièrement, parce qu'ils ont du mal à reconnaître ce qui constitue sans équivoque de la haine en ligne et, deuxièmement, parce qu'ils ne savent pas comment réagir. L'obstacle dans ce cas‑ci est ce que j'ai mentionné à propos du fait que les jeunes se soucient naturellement du maintien de l'harmonie sociale entre leurs pairs.
Cependant, en même temps, nous savons que les normes ou la morale de la communauté, pour ainsi dire, au sein d'une communauté en ligne sont généralement établies et définies par les 10 % les plus véhéments. Nous avons constaté que même une toute petite intervention au sein d'une communauté en ligne pour montrer l'absence de consensus autour d'un point de vue particulier, par exemple, était incroyablement motivante et a encouragé d'autres participants à réagir eux aussi.
Les jeunes ont réagi à cette sorte d'échange entre pairs... Ils ont eu l'occasion de reconnaître et de réaliser que d'autres jeunes, ou n'importe quel membre de la communauté, réagissaient de façon contraire. Cela a fait bouger les choses au sein de la communauté et a montré à quel point il est utile de faire savoir à la communauté qu'il n'y avait pas consensus.
Par ailleurs, je tiens à mentionner que nous voulons aussi faire comprendre aux jeunes que nous devons établir des paramètres sur les types de contenu avec lesquels nous devrions interagir, car nous pourrions suggérer qu'un sujet donné mérite d'être débattu, ce que les groupes haineux peuvent aussi tourner à leur avantage. Une partie des ressources, des outils, des leçons et des capacités de réflexion critique que nous fournissons a pour but d'aider les jeunes à distinguer les faits de la fiction pour être en mesure de distinguer les arguments fondés sur des faits de ceux qui tentent de semer le doute et le négationnisme, par exemple.
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Je vous remercie de cette réponse.
Le point que vous avez soulevé sur la bravoure discrète, le fait de faire progresser les choses en ligne et de donner un autre point de vue est vraiment puissant.
J'aimerais changer de sujet un instant et m'adresser à l'imam Aziz. J'ai trouvé votre travail sur la déradicalisation au sein de la communauté musulmane très intéressant. Je voudrais revenir sur certaines de vos remarques dans votre déclaration liminaire à propos des récits et du cadrage de cette communauté en particulier.
Je voudrais vous poser la question suivante: trouvez-vous que des expressions comme « terrorisme islamique », « islamisme » et « islamiste » sont exactes? C'est la première question. Deuxièmement, trouvez-vous que l'emploi de ces expressions est nuisible à notre objectif en tant que pays d'atténuer et de réduire l'extrémisme ou un mouvement vers celui‑ci?
J'aimerais connaître vos réflexions sur ces expressions en particulier, si vous voulez bien.
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Merci beaucoup pour votre question.
Je vais diviser les choses en deux parties distinctes. En ce qui concerne les expressions employées, comme « terrorisme islamique » et « extrémisme islamique », je crois qu'elles sont très préjudiciables à la communauté musulmane et à d'autres groupes minoritaires en général. La responsabilité est imputée à la religion elle-même. Le blâme est rejeté sur la religion elle-même, mais des études ont montré que cela ne pourrait pas être plus loin de la vérité. Cela a été prouvé en théorie et en pratique. La grande majorité des musulmans sont des citoyens respectueux des lois et contribuent à leur communauté et à leur société. C'est la même chose au niveau théorique. Si vous étudiez les textes musulmans et les écrits d'érudits musulmans, vous constaterez qu'ils poussent toujours les musulmans vers un mode de vie équilibré.
Le défi ici vient d'un point de vue universitaire. Depuis très longtemps, on emploie des expressions comme « islamisme », « islamiste », « terrorisme islamique » et « djihadisme ». Elles sont devenues courantes et font partie du langage courant dans ce domaine d'études. Il est très difficile d'essayer de changer la terminologie, mais je crois qu'elle est préjudiciable et qu'un effort devrait être fait pour trouver une terminologie plus inclusive qui ne blâme pas une religion ou une communauté particulière dans son ensemble. Comme nous l'avons vu dans les témoignages précédents, des problèmes sous-jacents doivent être abordés et des recherches supplémentaires doivent être menées sur des termes plus précis à employer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Je vais poser mes premières questions à M. Aziz.
Vous avez beaucoup parlé de l'importance de rétablir la confiance pour encourager les victimes à dénoncer les crimes en ligne. On sait qu'il est important de sensibiliser l'ensemble du système à ces problèmes.
D'après vous, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire? Quelles mesures devrait-il prendre pour rétablir la confiance des collectivités et des gens qui veulent s'adresser aux forces policières pour dénoncer ces crimes?
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Merci beaucoup pour votre question et merci à l'interprète de faciliter notre discussion.
La confiance doit provenir d'un lieu où les émotions ne sont pas exacerbées. Souvent, l'interaction avec les forces de l'ordre survient à un moment où les émotions sont vives. Mon approche consiste à recommander la mise en place de conseils consultatifs communautaires avec les forces de l'ordre en tout temps, lorsque les émotions sont fortes et lorsqu'elles ne le sont pas, pour les guider et faciliter leurs échanges avec les communautés. C'est la première chose à faire.
La deuxième chose est de se réconcilier et de s'excuser pour les erreurs commises. Nous devons comprendre que les communautés sont constituées d'êtres humains qui vivent des émotions humaines. Si les gens sont blessés, le progrès est impossible. Les erreurs commises doivent être reconnues et des excuses doivent être présentées.
Le troisième facteur est l'éducation. Il est très facile de dire: « Voici ce que vous devez faire pour signaler un crime haineux », mais pour ce qui est du processus proprement dit, les gens doivent être guidés. Il faudrait prévoir des séances de formation pour les membres et les dirigeants de la communauté sur la façon de signaler les crimes haineux.
Le quatrième facteur est la douceur dont il faut faire preuve. Souvent, les gens qui ont vécu une expérience traumatisante sont incapables d'exprimer ce qu'ils ont vécu, ou ils peuvent oublier ce qui s'est réellement passé. Les policiers ne doivent pas l'oublier. Vous avez affaire à une personne qui vient de vivre une expérience traumatisante, ou qui ne se souvient peut-être pas immédiatement de tous les détails. Faites tout votre possible pour ne pas la traiter comme l'auteur du crime. Traitez‑la plutôt comme une victime. Souvent, les gens ont l'impression d'être l'auteur du crime alors qu'ils en sont la victime, ce qui les dissuade de porter plainte. Le traitement qui leur est réservé est très important.
Ce sont là quelques-unes des recommandations que je ferais à propos de l'application de la loi. Merci beaucoup.
En ce qui concerne la surveillance, il faut garder deux choses en tête. La première, c'est son coût élevé. La surveillance est très peu rentable. Elle coûte très cher. Nous devons envisager d'autres moyens d'obtenir des renseignements en cas de besoin.
La deuxième, la base d'une relation, si l'échange d'information se fait dans les deux sens et si le soutien est fourni dans les deux sens, naturellement, les renseignements dont les forces de l'ordre peuvent avoir un besoin impérieux seront fournis. Les communautés reconnaîtront qu'il est dans leur intérêt de fournir des renseignements aux forces de l'ordre et aux agences. Cela ne servira que leurs intérêts et leur propre protection. Ces renseignements doivent provenir d'un lieu sûr et d'une plateforme égalitaire.
L'un des exemples que j'aime donner dans mes exposés est celui d'un autobus que l'on conduit. Dans un espace précriminel, la communauté dirige l'autobus et le conduit. Les forces de l'ordre laissent aller les choses et se contentent de soutenir la communauté musulmane, ou plutôt les communautés en général. Dans un espace postcriminel, ou après un acte criminel, les forces de l'ordre ouvrent la voie. Elles conduisent l'autobus. La communauté est là pour jouer un rôle de soutien si nécessaire.
Cette approche de collaboration, où tout le monde est sur un pied d'égalité et sur la même longueur d'onde, est très importante, mais elle n'est possible qu'en établissant des relations sur un pied d'égalité. La clé ici est la collecte de renseignements et non pas tant l'accent mis sur la surveillance elle-même.
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Merci beaucoup pour cette question.
Oui, nous avons effectué plusieurs sondages sur la haine en ligne, en particulier pour savoir si les Canadiens voient ou non d'un bon oeil une loi sur la haine en ligne et connaître leur vécu de la haine en ligne. Je pense que certains des chiffres les plus frappants qui ressortent de ces recherches concernent l'identité des victimes. Selon les recherches dont nous disposons, les principes victimes de la haine en ligne sont les femmes, les femmes de couleur et les jeunes de 18 à 30 ans. Ce sont les principales cibles de la haine en ligne. Ces personnes font l'objet de plus de contenus haineux, de commentaires misogynes et de commentaires racistes que n'importe qui d'autre.
Il y a aussi un énorme sentiment de déception par rapport à ce que nos communautés attendent de l'expérience en ligne et ce qu'elles vivent. Il y a un manque de confiance dans la possibilité d'offrir un espace sûr. Cependant, les répondants sont nettement favorables à un cadre législatif plus strict dans cet environnement, parce que les gens veulent que cet espace devienne plus sûr.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'aider à nous guider dans cette étude.
Monsieur Aziz, j'aimerais vous adresser ma première question, si vous le permettez. J'étais député lors de la 42e législature et je me souviens de la fureur suscitée par le débat sur la motion 103, qui employait le terme « islamophobie » et la désignait pour ce qu'elle est. J'ai toujours trouvé très étrange que l'on accepte généralement ce que le terme « antisémitisme » veut dire, mais que le terme « islamophobie » ait suscité un tel tollé et une telle fureur.
Je pense que j'aimerais que vous me parliez, monsieur, des reliquats de ce débat très houleux sur l'islamophobie pour la communauté musulmane. Où en sommes-nous maintenant après les années qui se sont écoulées depuis ce débat?
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Merci beaucoup pour votre question.
Je pense qu'il est important de mettre en lumière les différentes visions de ce débat. Selon l'une d'elles, nous devons appeler cette haine de son vrai nom, à savoir qu'il s'agit de haine antimusulmane. Il ne s'agit pas d'une peur que les gens entretiennent, le débat est clairement dirigé contre la communauté musulmane et doit être qualifié de haine antimusulmane. Selon une autre vision, on craint que si nous commençons à qualifier des choses d'islamophobes, nous ne puissions plus ensuite critiquer la religion ou les textes religieux, ce qui est un droit que les gens ont.
Cela dit, je pense que ce débat se poursuit. Je ne vois pas de conclusion de sitôt. C'est au plan théorique. Au plan pratique, je pense qu'il faut comprendre que tous les citoyens et tous les êtres humains méritent des droits égaux. Ils méritent de jouir des droits et libertés que tout le monde possède.
L'étiquette que nous lui donnons précisément a moins d'importance. Que faisons-nous pour assurer la sécurité de tous, l'inclusion de tous et que chacun jouisse des mêmes chances et libertés que les autres? C'est ce qu'il faut examiner.
Malheureusement, je ne peux pas vous annoncer la bonne nouvelle que ce débat sera résolu de sitôt.
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Je vous remercie. Merci beaucoup pour vos réponses à ce sujet.
J'aimerais me tourner vers HabiloMédias et Mme Brisson-Boivin.
J'ai ici votre imprimé, les recommandations concernant les plateformes. Vous avez mentionné que l'élaboration et la mise en oeuvre de règles qui aident à définir les valeurs d'une communauté peuvent modifier le comportement des gens et que si les plateformes ne définissent pas de règles ni de normes claires, les normes de la communauté seront définies par les utilisateurs.
Tout au long de notre étude, nous avons constaté ce conflit. Bien sûr, les plateformes de médias sociaux gagnent beaucoup d'argent grâce aux revenus publicitaires, qui sont réellement alimentés par le contenu généré par les utilisateurs, et plus ce contenu peut être excitant ou extrême, plus vous obtenez d'interactions. Voilà où ce conflit se situe. Les entreprises de médias sociaux affirment que leurs conditions générales sont tout à fait claires, mais cela n'a pas empêché des gens comme Pat King d'utiliser Facebook pour faire une diffusion en direct en route vers l'occupation d'Ottawa.
Je n'ai pas beaucoup de temps. Je suppose que ma question est la suivante: quel rôle clair le gouvernement fédéral doit‑il jouer pour aider ces entreprises à établir la responsabilité et la transparence à l'égard de ces règles et normes claires?
Merci à tous les témoins de passer du temps et de partager leur sagesse et leurs connaissances avec nous alors que nous cherchons à rédiger un rapport sur l'extrémisme violent à caractère idéologique.
Je vais commencer par Mme Brisson-Boivin.
Je vous remercie pour le travail très important que votre organisme, HabiloMédias, accomplit.
Je lis dans une publication de votre organisme qui décrit le parcours de l'accès à l'interaction. Elle renferme une excellente définition de travail dont je veux faire part à mes collègues. Elle dit que la littératie numérique et médiatique est la capacité d'accéder aux médias de toutes sortes, de les utiliser, de les comprendre et d'interagir avec eux de manière critique, efficace et responsable.
Pour réduire un peu le champ d'intérêt, notre étude porte sur la montée de l'extrémisme violent. Votre travail concerne particulièrement les jeunes et consiste à faire entrer HabiloMédias dans leur vie. Vous pourriez peut-être relier ces deux éléments, votre recherche et la montée de l'extrémisme violent dans nos collectivités.
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Merci beaucoup pour cette question.
Je dirais que les deux sont liés dans la mesure où nous estimons que la littératie numérique et médiatique est le nerf de la guerre, ou souvent une mesure parfois considérée comme une réflexion après coup ou une réponse. Nous la voyons vraiment comme une approche préventive de réduction des préjudices, tant pour les jeunes que pour les adultes de confiance dans leur vie.
Le rapport que vous citez se concentre en particulier sur la façon dont le Canada doit prendre position sur la littératie numérique et médiatique, que nous considérons comme un processus d'apprentissage de toute une vie. Nous parlons de soutien depuis la maternelle jusqu'aux établissements pour personnes âgées.
De nombreuses administrations à travers le monde sont en train d'élaborer des stratégies pour la littératie numérique et médiatique. Ces stratégies comprennent certaines des compétences clés en matière de réflexion critique que j'ai mentionnées à propos de l'authentification et de la vérification de l'information et la reconnaissance de la haine en ligne par rapport aux préjugés culturels et de certaines idéologies et tactiques de la haine, y compris l'emploi de la désinformation et de la mésinformation.
Le rapport stratégique que vous citez est un rapport dans lequel nous préconisons que le gouvernement fédéral s'unisse pour soutenir les Canadiens dans leur parcours vers la littératie numérique et médiatique, un parcours de toute une vie.
C'est un parcours de toute une vie, pas seulement pour les jeunes. Je pense que les adultes pourraient grandement bénéficier eux aussi de l'éducation donnée par HabiloMédias.
Vous avez dit dans votre témoignage que nous ne pouvons pas réglementer notre parade face aux dangers sur l'Internet. L'Internet est un cadeau formidable, mais il est aussi plein de dangers. Je vais utiliser l'exemple que j'ai utilisé avec mes enfants. Nous demandons à nos policiers de veiller à la sécurité dans nos rues, mais en même temps, nous évitons de nous promener seuls dans les ruelles sombres, parce que c'est dangereux.
J'aimerais connaître votre avis d'experte sur le partage des responsabilités entre les écoles, les éducateurs, les parents, les collectivités, le gouvernement et les individus eux-mêmes.
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Merci beaucoup pour cette question.
Je pense que cela figure parmi les grandes questions. C'est le grand défi inextricable auquel nous sommes confrontés. Comment créer cette réponse de l'ensemble de la société dont je parlais?
D'abord et avant tout, nous avons besoin d'un leadership à l'échelle fédérale, dans lequel le gouvernement fédéral assume la responsabilité de l'élaboration d'une stratégie qui aura une incidence sur les autres ministères lors de l'établissement des budgets, par exemple, en incluant la littératie numérique et médiatique comme objectif budgétaire clé.
Nous devons aussi cartographier le domaine de la littératie numérique et médiatique au Canada. Cela n'a pas encore été fait. Des centaines d'organisations font ce travail sur le terrain, y compris HabiloMédias. Nous devons mieux comprendre qui elles sont, ce qu'elles font et comment nous pouvons collaborer.
Cela explique aussi mon commentaire sur le budget. Nous devons créer un financement pour ces travaux qui ne mettent pas ces organisations de la société civile en concurrence les unes avec les autres, mais qui nous permettent de travailler en synergie pour lutter contre ces différents problèmes, qui incluent la gamme des préjudices en ligne dont nous avons tous parlé ainsi que l'extrémisme violent à caractère idéologique.
Nous estimons que le secteur de l'éducation est un acteur dans ce domaine, mais pas le seul. Nous estimons que la réglementation est cruciale et importante, mais qu'elle n'est pas la seule solution. Il en va de même pour les responsabilités des plateformes et pour la conception technologique de celles‑ci. Cela fait partie de la solution, mais ce n'est pas la seule solution.
Merci beaucoup.
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Pour être honnête, je pense qu'une grande partie de notre discussion va un peu à rebours. Nous entendons beaucoup les universitaires. Nous entendons beaucoup les forces de l'ordre, mais les victimes ne sont pas au coeur de cette discussion.
Il y a 20 ans, je travaillais pour l'organisation MADD, Les mères contre l'alcool au volant, et j'ai pu constater que lorsque l'on met l'accent sur les voix des victimes, cette intégration soutient non seulement le secteur des services sociaux, mais aussi le milieu policier et le système judiciaire. Le niveau de renseignements que le système acquiert dans son ensemble en se concentrant sur les voix des victimes revêt une importance capitale.
Qui voyons-nous comme victimes? Comme je l'ai dit, en ce qui concerne la haine en ligne, nous avons constaté que les femmes, les femmes de couleur et surtout les jeunes sont les plus visés, mais la haine est une cible mouvante. On voit parfois des musulmans. On voit parfois des membres de la communauté juive. Les plus nombreux ont généralement été les Noirs et les communautés autochtones, et nous voyons maintenant une augmentation en flèche du racisme anti-asiatique. Je pense que la situation évolue avec le temps.
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Cela étant, je pense qu'il serait utile pour nous tous de nous concentrer sur les victimes tandis que nous essayons de réfléchir à la façon d'améliorer la situation.
En tant que participants à la conversation politique, comment pouvons-nous dépolitiser un peu la situation pour vraiment nous concentrer sur le problème et reconnaître qu'il est très réel? À votre avis, que devrions-nous faire, en fonction de vos travaux, pour tenter d'aborder ce problème de front?
En quelques mots, pourriez-vous nous décrire ce que nous pourrions faire, où nous pourrions investir, ce qui aiderait à résoudre ce problème une fois pour toutes afin que nous puissions parvenir au type de société qui permet à chacun de sentir qu'il peut devenir meilleur, vivre de la façon la plus authentique, sans se soucier des difficultés de cette nature?
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Je pense que nous devons cesser de dire à certaines personnes que nous les croyons et à d'autres que nous ne les croyons pas. Je pense que nous devons nous concentrer rigoureusement sur les victimes, et écouter leurs points de vue et les croire réellement. Il ne suffit pas de dire « Je vous crois ou je ne vous crois pas ». Je pense que nous devons créer un système pour aider les victimes.
Nous en avons vu de très bons exemples à travers le monde, notamment en Allemagne, qui sont maintenant exportés dans des pays de l'OCDE. Naturellement, leur contexte est très différent. Cependant, je pense que nous pouvons recadrer notre infrastructure de services sociaux pour soutenir les victimes de la haine. Cela pourrait avoir des effets tangibles, non seulement pour déterminer qui est une victime, ce qu'elle ressent, de quelle forme d'aide elle a besoin, mais aussi pour que le système dans son ensemble reconnaisse le mal qui se produit.
J'y vois un certain nombre de composantes. M. Aziz a souligné le traitement sensible et respectueux des victimes de crime haineux. Il y a un réel besoin de le comprendre. Si vous voulez que les gens s'adressent à la police pour signaler ces incidents, il faut qu'il y ait un spécialiste pour traiter les crimes haineux. Je pense que l'aide aux victimes est un élément clé et essentiel de cette réponse.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je félicite moi aussi mon collègue, qui est parent d'un enfant de trois semaines. Pour ma part, je suis mère d'un enfant de trois mois. Nous pourrions avoir des échanges sur ce sujet et sur la fatigue qui vient avec un nouvel enfant. Je le félicite encore une fois.
J'aimerais revenir sur certains de vos propos, monsieur Hashim.
Vous avez vu un fossé entre le milieu urbain et ce qui se passe dans les communautés rurales. Avez-vous un peu plus de recommandations à nous faire pour combler ce fossé entre les villes et les milieux plus ruraux?
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Je pense qu'il y a un fossé bien réel. Pour être franc, lorsque nous voyons les forces de police réagir à la haine, parce que les forces de police dans les zones urbaines sont plus exposées aux communautés racisées et comptent plus de policiers racisés, leur capacité à saisir les répercussions de l'incident est généralement meilleure que dans les zones rurales.
Je peux vous donner l'exemple d'un service de police rural où une personne a été prise pour cible et assassinée. Dans les 24 heures, la police a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un crime haineux. Après avoir écouté la communauté, le service de police s'est rétracté et a dit qu'il allait enquêter sur la possibilité d'un crime haineux, mais le mal était fait, car on avait dit à la communauté, à la hâte: « Écoutez, oui, une personne a été prise pour cible et oui, une personne a été tuée, mais nous ne pensons pas qu'il s'agissait d'un crime haineux ». Les répercussions sur cette communauté ont été très réelles.
En ce qui concerne les réponses des zones rurales par rapport aux zones urbaines, je pense que les zones urbaines sont plus développées. Une partie du travail que nous faisons avec notre groupe d'études consiste à créer des normes nationales en matière d'enquête et à aider les organismes ruraux qui ne disposent pas de ressources ou d'unités spécialisées en crime haineux. Je vais vous donner l'exemple de London, en Ontario, où quatre personnes ont été assassinées. On y trouve aujourd'hui une unité des crimes haineux composée d'une seule personne. Je ne sais même pas si le poste a été pourvu.
Il y a un énorme fossé à travers le Canada entre les réponses rurales et urbaines à la haine. Je pense que la création de normes nationales et la capacité à soutenir les petits services de police locaux constituent une intervention importante à laquelle notre travail contribuera, je l'espère.
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Je conclus pour nous tous. D'accord. Je vous remercie, monsieur le président.
Ma dernière question s'adresse à vous, madame Brisson-Boivin. Vous avez dit qu'il est très important que les sites Web, les applications ou les plateformes de médias sociaux disposent d'outils clairs et faciles à utiliser pour signaler les comportements inacceptables.
Nous avons vu aussi des exemples où, je me souviens, au plus fort de la pandémie de la COVID‑19, beaucoup de fausses informations ont été diffusées sur la nature de la pandémie, son origine et s'il s'agissait même d'une pandémie grave. Je me souviens qu'en particulier sur Facebook, chaque fois qu'il était question de la COVID‑19, un petit avertissement était affiché au bas de chaque message pour orienter les gens vers des renseignements factuels.
Pouvez-vous commenter un peu cet exemple précis? Devrions-nous avoir des avertissements semblables, par exemple si un message fait allusion à la suprématie blanche ou est de nature antisémite ou autre? Devons-nous avoir de petits outils éducatifs qui renvoient les gens à une source véridique et vérifiée sur ces sujets? Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
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Merci beaucoup pour la question. Je vais essayer d'être brève.
Oui, lorsque nous pensons à des réponses technologiques, les plateformes ont tendance à réagir par des mises à disposition, ce qui est exactement ce que vous avez mentionné, des solutions conceptuelles autour, par exemple, de l'étiquetage d'un élément de désinformation. Nous pourrions envisager d'étiqueter quelque chose de haineux ou contraire aux normes de la communauté. Je pense que c'est un bon point de départ. Cependant, nous devons nous demander ensuite: « Et après? »
Que se passe-t‑il lorsque nous disons à une personne qu'il s'agit d'un élément de désinformation ou d'un contenu haineux? L'utilisateur doit alors disposer d'autres compétences et outils pour, par exemple, trouver la source originale de la désinformation et se sentir en confiance pour la vérifier. De même, dans le cas de la haine en ligne, que se passe-t‑il ensuite? Que se passe-t‑il une fois que nous leur avons signalé qu'il s'agit d'un contenu haineux?
De notre point de vue, je le répète, ces outils sont utiles, mais ils ne sont pas le fin mot de l'histoire. Je pense que nous avons besoin d'autres outils et de compétences en matière de réflexion critique qui permettront aux gens de vérifier et d'authentifier l'information ou de réagir à la haine en ligne.
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Merci, monsieur MacGregor.
Je remercie les témoins pour cette heure de réflexion très intéressante et importante à partir de votre vécu à la fois en tant que personnes et en tant que dirigeants d'organisations qui sont plongés dans ce sujet. Au nom de mes collègues du Comité, je tiens à vous remercier pour votre éclairage et votre temps.
Chers collègues, je vous rappelle que jeudi, nous accueillerons des témoins et un groupe de discussion. Nous nous réunirons à huis clos pour la dernière partie de la réunion afin de donner des consignes rédactionnelles à nos analystes sur cette étude.
J'ai hâte à ce moment et je suis impatient de profiter du temps radieux d'ici là. Sur ce, la séance est levée.