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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 085 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 27 novembre 2023

[Énregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 85e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
    Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Les membres du Comité participent à la réunion en personne, dans la salle, ou à distance, avec l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des députés.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Un effet larsen pourrait se produire. Ce problème de son peut être très nocif pour les interprètes et leur causer des blessures graves. Le plus souvent, l'effet larsen survient lorsque l'on place une oreillette trop près d'un microphone. Nous demandons donc à tous les participants de faire preuve d'une grande précaution lorsqu'ils manipulent leurs oreillettes, en particulier lorsque leur micro ou celui de leur voisin est allumé.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 23 octobre 2023, le Comité poursuit son étude des droits des victimes, du reclassement et du transfèrement des délinquants fédéraux.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Du Service correctionnel du Canada, ou le SCC, nous accueillons M. Anne Kelly, commissaire; Mme Kirstan Gagnon, commissaire adjointe, Communications et engagement; et Mme France Gratton, commissaire adjointe, Opérations et programmes correctionnels. Du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, nous recevons M. Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire, services correctionnels et justice pénale; et M. Shawn Tupper, sous-ministre. Est également des nôtres, du Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada, M. Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada.
    Bienvenue à tous. Vous avez cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires au nom de vos organisations respectives, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    J'invite maintenant Mme Kelly à nous soumettre ses remarques liminaires.

[Français]

     Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole dans le cadre de votre étude sur le classement par niveau de sécurité et le transfèrement des délinquants, ainsi que sur les droits des victimes d'actes criminels.
    Ces questions ont grandement attiré l'attention du public à la suite du transfèrement, l'été dernier, du délinquant Paul Bernardo d'un établissement à sécurité maximale vers un établissement à sécurité moyenne. J'aimerais prendre le temps aujourd'hui d'expliquer plus en détail comment nous procédons au classement par niveau de sécurité ainsi que la façon dont nous nous y prenons pour assurer le respect des droits des victimes.

[Traduction]

    Alors que nous sommes réunis ici, mes pensées accompagnent les victimes et les membres de leurs familles. Ce que ces gens‑là ont vécu est inimaginable. Ce délinquant a commis des crimes horribles, et il va de soi que le simple fait d’entendre les détails de cette affaire a suscité de vives émotions. Je déplore la douleur et les inquiétudes que la situation a pu engendrer. La sécurité du public et des victimes demeure un facteur prépondérant dans toutes les décisions que nous prenons.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je travaille au Service correctionnel du Canada depuis 40 ans. J’ai consacré ma carrière au service de la population canadienne et au maintien de la sécurité publique. Je peux vous certifier d'expérience que notre système correctionnel peut uniquement fonctionner si nous exerçons nos fonctions dans le respect de la loi.
    Au Canada, la réhabilitation des délinquants constitue l’un des rôles fondamentaux de notre système correctionnel et fait partie intégrante du mandat qui lui est conféré par la loi. Cela vaut pour toutes les personnes dont nous avons la charge et la garde, y compris les délinquants susceptibles de demeurer incarcérés pour le reste de leurs jours.
    La loi oblige le SCC à attribuer une cote de sécurité à tous les détenus et à la réévaluer régulièrement. Dans les deux cas, notre approche est très rigoureuse. Elle inclut une composante statistique reposant sur des outils actuariels fondés sur la recherche, et une composante clinique s'appuyant sur l'évaluation d'un ensemble de facteurs par des professionnels spécialement formés à cette fin. L’Échelle de classement par niveau de sécurité et l’Échelle de réévaluation de la cote de sécurité sont deux outils actuariels qui génèrent une cote en fonction des antécédents du détenu, lesquels peuvent inclure les incidents de sécurité, les évasions et la gravité des infractions commises.
    L’évaluation comprend en outre la prise en compte par les agents de libération conditionnelle de trois facteurs prévus dans la loi et les politiques, soit le degré de surveillance et de contrôle requis au sein de l’établissement, ce qu’on appelle également l’adaptation au milieu carcéral, le risque d’évasion et le risque pour la sécurité publique.
    L'évaluation définitive du risque, qui combine la cote actuarielle et l'évaluation des trois facteurs susmentionnés permet de déterminer la cote de sécurité du détenu. Celui‑ci doit alors être placé dans un établissement qui correspond à sa cote de sécurité.
    Il est important de souligner qu’un détenu peut être placé ou renvoyé dans un établissement de niveau de sécurité supérieur à tout moment, si cela est jugé nécessaire pour assurer la sécurité d’un établissement ou du public. Au moment de déterminer l’établissement qui convient le mieux pour gérer un détenu, la loi exige que le SCC tienne compte d’un certain nombre de facteurs, dont la disponibilité des programmes et des services pertinents.
(1105)

[Français]

     Le Service a toujours exigé la prise en compte de l'information relative aux victimes dans la prise de décisions et la formulation de recommandations. À tout moment, au cours de la peine d'un délinquant, une victime peut présenter une nouvelle déclaration au Service ou mettre à jour sa déclaration. Avant la prise de toute décision, l'équipe de gestion de cas est tenue de prendre en compte ces déclarations dans le cadre de l'évaluation globale menée en vue d'un transfèrement.
    Au Service, nous nous efforçons de communiquer aux victimes les renseignements dont elles ont besoin pour se faire entendre de manière efficace au sein du système correctionnel. De plus, nous veillons à ce que les victimes soient traitées avec compassion et respect, et de manière équitable.

[Traduction]

    J’ai entendu de nombreux points de vue différents après le transfèrement de Paul Bernardo. C’est la raison pour laquelle j’ai cru bon d’ordonner la tenue d’un examen supplémentaire. J’ai ainsi voulu m’assurer que les décisions avaient été prises dans le respect de la loi, des politiques et des procédures qui régissent notre travail. Bien que le comité d’examen ait conclu que le SCC a agi conformément aux lois et politiques pertinentes, il a aussi recommandé que je mette sur pied un comité de travail multidisciplinaire chargé d’améliorer les politiques et les pratiques touchant les victimes. J’ai accueilli cette recommandation et j’y ai donné suite.
    Le comité est composé de 11 membres, dont des victimes, des membres de comités consultatifs régionaux sur les victimes dirigés conjointement par le SCC et la Commission des libérations conditionnelles du Canada, des experts du domaine correctionnel et des représentants de l’Ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels. Le Comité multidisciplinaire sur les services aux victimes a entamé ses travaux le 17 novembre. Au cours des prochains mois, il se penchera sur la façon dont nous fournissons des services aux victimes d’actes criminels ainsi que sur d’autres domaines où des améliorations peuvent être apportées.
    Nous avons par ailleurs entrepris récemment un examen de nos politiques afin de déterminer comment nous pouvons mieux servir les victimes et leur communiquer plus rapidement de l’information sur les délinquants qui leur ont causé du tort.
    Merci, madame Kelly, pour vos observations préliminaires. Espérons que vous aurez l'occasion de nous en dire davantage en répondant aux questions des membres du Comité.
    Monsieur Tupper, à vous la parole.
    Je suis reconnaissant de l’occasion qui m’est donnée de prononcer quelques mots sur le travail de Sécurité publique Canada dans le cadre de votre étude sur les droits des victimes d’actes criminels, le reclassement et le transfèrement des délinquants fédéraux.
    Comme vous l'avez indiqué, je suis accompagné aujourd'hui de M. Chad Westmacott, notre directeur général, Sécurité communautaire, services correctionnels et justice pénale.
    Monsieur le président, d’un point de vue législatif, Sécurité publique Canada est responsable de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. À ce titre, je parlerai du travail de mon ministère dans ce contexte. J’aimerais toutefois souligner que nous n'avons pas notre mot à dire dans les décisions opérationnelles du Service correctionnel du Canada, qui relèvent de ma collègue ici présente.
    La Loi précise clairement que les pouvoirs décisionnels liés aux activités relèvent uniquement du SCC. Comme vous le savez, cette loi guide le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles dans la façon dont les peines fédérales de deux ans ou plus sont mises en œuvre. Elle constitue également le fondement des droits à l’information, à la protection et à la participation des victimes de délinquants sous responsabilité fédérale, tels qu’ils sont énoncés dans la Charte canadienne des droits des victimes.

[Français]

    Le Bureau national pour les victimes d'actes criminels de Sécurité publique Canada est une ressource importante en ce qui concerne la façon dont nous fournissons de l'information. Il aide les victimes à s'orienter dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition fédéral en leur fournissant l'information dont elles ont besoin sur leurs droits et les services fédéraux qui leur sont offerts.
    Les commentaires des victimes nous permettent constamment d'ajuster et d'améliorer l'information que nous communiquons. Un exemple serait la façon dont nous contribuons à expliquer les règles de base du calcul des peines pour les délinquants sous responsabilité fédérale, notamment en ce qui concerne la façon dont les dates d'admissibilité pour divers types de mise en liberté sont déterminées.
    Depuis 2015, le Bureau national pour les victimes d'actes criminels a distribué plus de 80 000 exemplaires de ses publications.
(1110)

[Traduction]

    Le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada fournissent aux victimes inscrites des renseignements sur le délinquant sous responsabilité fédérale qui leur a causé un préjudice. Ils aident également les victimes à soumettre des déclarations de la victime, qui peuvent être prises en compte dans la prise de décisions et qui peuvent faciliter la participation des victimes aux audiences de libération conditionnelle.
    Le 20 juillet 2023, une directive ministérielle intitulée « Échange de renseignements : Cote de sécurité et transfèrement des délinquants » a été émise à l'intention du Service correctionnel du Canada. On y reconnaît le fait qu’il est possible d’en faire davantage pour veiller à ce que les droits des victimes soient pris en considération plus tôt dans le cadre du processus décisionnel. Cela comprend la mise en œuvre d’une approche qui tient compte des victimes. La directive a pour but d’améliorer le mécanisme de notification des victimes inscrites, notamment quant aux modalités concernant le moment et la façon de communiquer cette notification relative à la cote de sécurité et au transfèrement.
    Des efforts sont actuellement déployés, aussi bien à Sécurité publique Canada qu'au SCC, afin de déterminer les changements stratégiques et législatifs à apporter pour la mise en œuvre de la directive. En outre, mon ministère appuie les récentes modifications législatives visant à consolider le Registre national des délinquants sexuels et à mieux habiliter les victimes d’actes criminels.
    Pour veiller à ce que les victimes connaissent leur droit à l’information, les juges seront maintenant tenus de demander si les victimes veulent recevoir régulièrement des informations sur leur dossier après la condamnation. Ils seront également tenus de veiller à ce que les souhaits des victimes, s’ils sont connus, soient consignés au dossier de l’instance. En recevant des tribunaux les coordonnées de la victime, le Service correctionnel du Canada pourra inscrire les victimes de façon proactive pour qu’elles puissent recevoir les renseignements, au lieu de leur imposer ce fardeau.
    En vertu de la Charte canadienne des droits des victimes, les victimes peuvent également se plaindre directement auprès des ministères et organismes fédéraux si elles estiment que leurs droits ont été bafoués ou violés afin que l'on puisse rapidement trancher sur la question. Qui plus est, si le résultat d’une plainte n’est pas satisfaisant pour la victime, il y a un ombudsman des victimes d’actes criminels prêt à lui venir en aide.
    Mon ministère joue également un rôle en vue d’accroître la transparence du processus de traitement des plaintes. Le Bureau national pour les victimes d’actes criminels, en collaboration avec les partenaires au sein du portefeuille, produit un rapport annuel qui compile les renseignements normalisés sur les plaintes et la façon dont elles ont été réglées. Nous et nos partenaires, sommes ainsi mieux à même de surveiller les tendances nouvelles et émergentes, de régler les problèmes systémiques dans l'application des politiques et de trouver des moyens de réduire davantage le fardeau des victimes.
    En ce qui concerne la mise en oeuvre de la Charte canadienne des droits des victimes dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition fédéral, le Bureau a tenu jusqu’à présent cinq tables rondes nationales afin que nous puissions tous aborder cette question de la bonne façon.

[Français]

     Nous avons parlé de responsabilisation, de la façon dont les délinquants sont réintégrés, de justice réparatrice, de sensibilisation et de mobilisation.
    Notre ministère s'engage à mettre en œuvre la Charte canadienne des droits des victimes. Les victimes doivent être traitées avec compassion et respect. Nous demeurons déterminés à leur fournir des renseignements exacts et opportuns, conformément aux lois et aux politiques et de la manière dont elles nous ont dit qu'elles voulaient les recevoir.

[Traduction]

    Je vais devoir vous arrêter maintenant. Je vous remercie.
    Comme tout le monde a reçu ce matin la déclaration écrite de M. Zinger, nous allons passer directement aux questions.
    Le premier à pouvoir poser ses questions sera M. Lloyd, pour une période de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question est pour M. Zinger.
    En juin et juillet 2022, votre bureau serait intervenu dans le dossier de Paul Bernardo pour s'assurer que le principe de la solution la moins privative de liberté était respecté par le Service correctionnel du Canada. Pouvez-vous nous le confirmer?
     Je vous remercie pour votre question à laquelle je vais devoir répondre à la fois par oui et par non.
    Comme vous le savez, nous sommes un organisme indépendant ayant un rôle d'ombudsman. Nous enquêtons sur les plaintes en mettant l'accent sur le respect de la loi.
    Généralement, les plaintes que nous recevons concernant les transfèrements font suite à une demande qui a été refusée. Nous enquêtons alors pour déterminer si le refus était justifié. En l'espèce, nous avons effectivement communiqué avec M. Bernardo, comme on le souligne dans le rapport du comité d'examen mis sur pied à l'initiative de la commissaire.
    Ce n'est pas M. Bernardo qui nous a demandé de nous pencher sur le refus de sa demande de transfèrement dans un établissement ontarien. Il était de toute évidence…
(1115)
    Je suis désolé, monsieur Zinger, mais je dispose très peu de temps et je vais passer à ma prochaine question.
    Avant même le projet de loi C‑83, les modifications apportées avec l'adoption de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés en 2012 ont fait en sorte qu'il fallait éviter d'aller au‑delà de ce qui est « nécessaire et proportionnel », plutôt que de choisir la solution « la moins privative de liberté ». Est‑ce bien le cas?
    C'est exact.
    En 2012, votre prédécesseur, Howard Sapers, avec lequel vous avez travaillé à titre de directeur général, a noté ses préoccupations quant au changement de libellé nous faisant passer des « mesures les moins restrictives possible » à celles qui sont dans les limites de ce qui est « nécessaire et proportionnel ». Il jugeait cette formulation ambiguë en faisant valoir qu'elle laisserait un plus grand pouvoir discrétionnaire au Service correctionnel du Canada, notamment pour ce qui est de l'établissement de la cote de sécurité.
    Est‑ce bien ce qu'il a dit?
    Je ne m'en souviens pas. C'est à lui que vous devriez poser la question.
    Si vous me demandez…
    On peut le lire dans la section des perspectives pour 2012‑2013 du rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel.
    Je vous en cite un extrait:
le remplacement du principe...des « mesures les moins restrictives possible » par un principe relatif à des mesures « nécessaires et proportionnelles » semble ajouter une ambiguïté et une discrétion inutiles, là où la précision et l'uniformité sont requises. Avec une telle terminologie, il pourrait être plus difficile pour mon équipe de tenir le SCC responsable de ses décisions et de ses actions revêtant une importance sur les plans de la vie, de la liberté et de la sécurité (p. ex. ...cotes de sécurité...)
    Monsieur Zinger, si le projet de loi C‑83 n'avait pas modifié la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour rétablir en 2019 le principe des mesures « les moins privatives de liberté », croyez-vous que le Service correctionnel du Canada jouirait d'un plus grand pouvoir discrétionnaire en vertu de cette loi pour déterminer la cote de sécurité d'un détenu?
    C'est une question hypothétique, et je ne suis pas certain d'être la personne la mieux placée pour y répondre.
    Je peux vous dire que le critère introduit par le gouvernement Harper pour permettre des mesures dans les limites de ce qui est « nécessaire et proportionnel » risquait fort d'entraîner une interprétation dans le sens des mesures « les moins privatives de liberté », ce qui permet d'assurer la sécurité publique. Je crois que…
    Mais pas nécessairement…
    … cela devient une question d'interprétation…
    Pas nécessairement…
    … parce que c'est quelque chose qui…
    Le critère des mesures « les moins privatives de liberté » est un principe fondamental que le Canada a adopté à l'instar de nombreux autres pays. Ce principe a pour base le droit international protégeant les droits de la personne. On le retrouve notamment dans l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, qui a fait l'objet d'une refonte en 2015. Le Canada a adhéré à ces règles. Il figure aussi dans des instruments comme l'Ensemble de principes pour la protection…
    Monsieur Zinger, j'ai vraiment très peu de temps pour vous poser des questions.
    Vous parlez d'une possible interprétation dans le sens des mesures les moins privatives de liberté, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'on les interpréterait toujours de cette manière.
    Je pense que c'est du domaine des hypothèses. Je ne saurais vous le dire exactement.
     Dans le rapport d'examen rendu public par le Service correctionnel du Canada, il est question à maintes reprises des mesures « les moins privatives de liberté » dans le contexte de l'intervention de votre bureau dans le dossier de M. Bernardo.
    En considérant cela, croyez-vous que le principe des mesures les moins privatives de liberté, selon la compréhension que vous en avez, a été l'un des facteurs ayant contribué à la modification de sa cote de sécurité?
    Comme je l'indiquais, je pense que le principe des mesures « les moins privatives de liberté » doit servir de base, et ce, pas uniquement pour les transfèrements. Il s'applique également à des activités comme les fouilles, l'utilisation de matériel de contrainte, le recours à la force, le placement dans une unité d'intervention structurée…
    Je suis désolé, monsieur Zinger, mais vous pourriez répondre simplement par un oui ou par un non.
    J'invoque le Règlement.
    Est‑ce que la cote de sécurité…?
    Je vous demanderais d'arrêter le chronomètre, monsieur le président.
    Je suis désolé, mais votre collègue a fait un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, les règles du Comité sont très claires. Un député ne peut pas demander à un témoin de répondre par oui ou par un non. Il doit lui permettre de répondre comme bon lui semble. J'encouragerais d'ailleurs tous mes collègues à éviter de parler en même temps que nos témoins. Nous avons des interprètes, et nous souhaitons tous entendre les réponses.
    Monsieur le président, j'ose espérer que nos règles seront appliquées. Il faut laisser au témoin un temps à peu près équivalent à celui qu'on prend pour lui poser la question.
(1120)
    Je rappelle que c'était la période à ma disposition pour poser mes questions.
    On ne peut pas obliger un témoin à répondre par oui ou par non.
    Je vous remercie.
    Je demanderais à tout le monde, députés comme témoins, d'éviter de parler en même temps que quelqu'un d'autre. Cela peut rendre la tâche très difficile à nos interprètes.
    Vous pouvez poursuivre, monsieur Lloyd. Il vous reste une minute.
    Merci.
    Monsieur Zinger, ma question était claire. Dans le cas de Bernardo, est‑ce que le principe des mesures les moins privatives de liberté, une exigence de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, a été l'un des facteurs ayant contribué à l'attribution d'une nouvelle cote de sécurité?
    Je l'ignore. C'est la stricte vérité, car nous n'avons jamais cherché à déterminer…Il n’y a eu aucune plainte. On ne nous a jamais demandé de nous pencher sur la question pour voir si le Service correctionnel du Canada avait agi correctement dans ce dossier. Nous n'avons jamais fait enquête. Nous n'avons jamais recommandé que M. Bernardo soit transféré d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne.
    C'est ma réponse à votre question.
    Je sais qu'il ne me reste que très peu de temps.
    L’Établissement de Millhaven a amorcé un virage stratégique en juillet 2022 en vue d’« offrir un milieu moins privatif de liberté aux délinquants ». Attribuez-vous ce changement à l'intégration de Paul Bernardo au sein de la population carcérale de cet établissement?
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.
    Merci.
    Merci, monsieur Zinger.
    Nous passons maintenant à M. McKinnon qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser ma première question à la commissaire Kelly. Comme je ne suis pas certain qu'elle soit la personne la mieux placée pour y répondre, je lui demanderais de bien vouloir la rediriger au besoin.
    Je crois que de nombreux Canadiens craignent qu'un transfèrement de la sorte d'un établissement à sécurité maximale vers un établissement à sécurité moyenne se traduise par une forme quelconque d'atténuation de la peine imposée au délinquant en question. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et peut-être aussi nous donner une meilleure idée des différences entre les conditions de détention d'un délinquant dans ces deux types d'établissements?
    Merci de la question.
    Je dirais que, dans ce cas‑ci, Paul Bernardo a reçu la peine la plus sévère que nous avons dans le système de justice pénale, soit une peine d'emprisonnement à perpétuité. Il a également été désigné comme étant un délinquant dangereux, et la peine est le châtiment.
    En ce qui concerne les différentes classifications de sécurité, dans les établissements à sécurité maximale, l'individu présente un risque élevé lié à l'adaptation en établissement, ce qui signifie qu'il requiert un niveau élevé de contrôle et de supervision, ou présente un risque élevé d'évasion ou un risque élevé pour la sécurité publique. Si vous êtes incarcéré dans un établissement à sécurité minimum, vous devez présenter un risque faible pour l'adaptation en établissement, l'évasion et la sécurité publique. Les établissements à sécurité moyenne incluent d'autres types de classifications.
    De toute évidence, les établissements à sécurité maximale et moyenne ont le même contrôle du périmètre. Cependant, dans les établissements à sécurité maximale, c'est strictement contrôlé à l'intérieur, tandis que dans les établissements à sécurité minimum, c'est moins contrôlé, mais c'est quand même contrôlé. C'est la différence entre les niveaux de sécurité.
    Je crois comprendre que la classification de sécurité concerne la manière dont le détenu est géré au sein du système et les contrôles, comme vous l'avez mentionné, qui sont imposés. Cela n'a rien à voir avec la sécurité ou l'intensité de la peine qu'ils purgent.
    En fait, lorsque nous effectuons une classification de sécurité, comme je l'ai dit, il y a deux outils. Il y a une composante statistique et une composante clinique. Évidemment, nous examinons les risques pour la sécurité, donc la gravité de l'infraction et les infractions antérieures. Nous examinons ces éléments.
    L'attribution d'une classification de sécurité est prévue par la loi. Nous devons en attribuer une à chaque détenu et réaliser des examens régulièrement. Pour ceux qui sont dans des établissements à sécurité maximale et moyenne, nous devons revoir la classification de sécurité tous les deux ans. Toutefois, il peut y avoir quelqu'un comme Paul Bernardo, qui reste un risque élevé pour la sécurité du public, mais nous pouvons gérer ce délinquant particulier ou des délinquants comme lui dans un établissement à sécurité moyenne.
    Il s'agit de gérer le risque que le délinquant présente dans l'établissement.
(1125)
    En quoi cela change-t‑il la vie du délinquant? Je pense qu'il y a une perception selon laquelle une classification de sécurité inférieure signifie qu'il est dehors à jouer au golf toute la journée.
    Quelle est la différence de qualité de vie pour le délinquant entre un établissement à sécurité moyenne et un établissement à sécurité maximale?
    Tout d'abord, la sécurité maximale est très strictement surveillée. Les mouvements sont très contrôlés. Il n'est pas aussi facile de mettre en place des programmes, et c'est l'un... Nous sommes tenus par la loi de réadapter les délinquants, ce qui se fait par l'entremise de services, d'interventions et de programmes.
    Il est certain que lorsqu'un détenu passe à un établissement à sécurité moyenne, il y a plus de possibilités pour ce qui est des interventions et des programmes.
    À quelle fréquence ces transferts surviennent-ils? De plus, dans le cas où ce détenu aurait un comportement violent, quel serait le délai pour le transférer à nouveau dans un établissement à sécurité maximale?
    Nous effectuons de nombreux transferts chaque année, et les détenus passent de la sécurité maximale à la sécurité moyenne et à la sécurité minimale. Toutefois — et je pense que le président de l'UCCO-SACC-CSN l'a mentionné —, si un délinquant a des comportements quelconques, nous les surveillons. S'il fait quelque chose qu'il ne devrait pas faire, nous n'hésitons pas à le renvoyer dans un établissement avec un niveau de sécurité plus élevé.
    Je pense que les témoins précédents ont parlé des différents types de transferts — volontaires, involontaires et d'urgence. Nous utilisons les transferts d'urgence dans ces cas‑là. Par conséquent, le transfert est immédiat ou ils sont placés dans ce que nous appelons nos unités d'intervention structurées jusqu'à ce que nous puissions les transférer.
    L'une des différences que vous avez mentionnées est l'accès aux programmes. Si le délinquant...
    Votre temps est écoulé, monsieur McKinnon.
    Je vous remercie.
    Vous pourrez poursuivre ce que vous avez à dire au prochain tour.
    Merci, madame Kelly.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons maintenant passer à M. Blanchette-Joncas, du Bloc. Merci.

[Français]

    Je salue les témoins et les collègues qui sont ici pour notre étude.
     Monsieur Zinger, en préambule, je me permets de citer un article de Radio‑Canada:
Après un examen rapide du rapport du Service correctionnel, l'avocat Tim Danson, qui représente les familles French et Mahaffy [...] croit qu'il est inapproprié de s'appuyer sur le principe qui veut qu'un détenu soit emprisonné dans l'environnement qui est le « moins restrictif » en tenant compte de sa classification.
À son avis, cette règle ne peut s'appliquer automatiquement à tous les détenus et la loi devrait conséquemment être modifiée pour tenir compte de la situation des délinquants les plus dangereux.
L'avocat conteste aussi l'argument selon lequel le Service correctionnel est limité dans les informations qu'il peut communiquer pour respecter la vie privée du détenu et la confidentialité.
    Tim Danson dit aussi qu'« il est temps pour le gouvernement de réévaluer complètement le besoin de transparence dans le système des services correctionnels et des libérations conditionnelles. »
    Monsieur Zinger, en 2018, votre bureau avançait que Service correctionnel Canada manquait de transparence et d'imputabilité. Cela concerne-t-il aussi les transfèrements de détenus et l'examen des décisions les visant? Votre avis a-t-il changé depuis?
    Nous voyons maintenant que la majorité des Canadiens sont d'accord sur les principes sous-jacents relatifs au Service correctionnel du Canada. On parle de mettre l'accent sur la réhabilitation et du fait que la punition est d'envoyer les gens en prison.

[Traduction]

    C'est une peine, pas un châtiment.

[Français]

     Les gens sont d'accord sur l'idée que les détenus retiennent tous leurs droits, sauf ceux qui ont été restreints. Cela s'applique à la grande majorité des détenus. Le problème, c'est que, lorsqu'on commence à avoir des cas beaucoup plus difficiles ou problématiques, le fait d'appliquer ces mêmes principes devient un vrai défi. Cela teste le système.
    Vous avez parlé des droits des victimes. À mon avis, s'il y a une chose que le Comité peut faire, c'est se pencher un peu sur la perception du public. Selon cette perception, il y a un manque de cohérence entre les droits des victimes et ceux des détenus. J'espère que tous les membres du Comité vont pouvoir en arriver à un consensus à cet égard. Je suis d'accord sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une perception; c'est la réalité et des faits s'ajoutent à cela. Je crois que le gouvernement fédéral pourrait en faire beaucoup plus à cet égard. Je suis absolument prêt à vous donner mes avis sur cette question.
(1130)
     Vous avez parlé de la perception. La perception découle de l'information qui est transmise au public. Le lien de confiance s'établit, ou non, par la suite.
    Je vais revenir sur deux mots très importants: « transparence » et « imputabilité ». Ce n'est pas moi qui ai inventé ces mots, puisque c'est votre bureau qui a les a mentionnés en 2018. Aujourd'hui, nous parlons de la perception, de l'information qui a été transmise en lien avec le cas de M. Bernardo.
    Ce qui a été évoqué par votre bureau en 2018 concerne-t-il aussi le transfèrement des détenus et l'examen des décisions les visant? Entre 2018 et 2023, est-ce que les choses ont changé? Si les choses n'ont pas changé, qu'est-ce qui pourrait être mis en place pour améliorer la transparence de l'agence, selon vous?
    Il est clair pour moi que cela continue de poser un problème.
    Au cours des deux derniers mois, par exemple, j'ai continué d'insister pour que le Canada ratifie le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Mon objectif est d'amener le Canada à améliorer sa structure afin d'ajouter un aspect externe de surveillance non seulement au Service correctionnel du Canada, mais aussi à tout établissement de détention au Canada. Voilà une mesure possible.
    Pour revenir à toute la question des victimes, je crois que ce n'est pas juste une question de perception. Au Canada, quand il s'agit des droits des accusés et des prisonniers, il semble y avoir toutes sortes de recours, et j'en suis conscient.
    Or, ce n'est pas toujours le cas pour les victimes. Je crois qu'il y a un gros travail à faire. Selon moi, on pourrait revoir le Code criminel et la procédure des cours criminelles pour améliorer le simple fait qu'il y a beaucoup des soi-disant droits des victimes qui ne sont pas vraiment des droits. En effet, il ne peut pas y avoir de droit s'il n'y a pas de recours.
    Je pourrais aussi considérer que le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels est chapeauté par le ministère de la Justice. Or, selon moi, il devrait être régi par une loi distincte et être indépendant. Il devrait également bénéficier d'un budget similaire au mien. En ce moment, je crois que le budget de l'ombudsman s'élève à 1,2 million de dollars. Or, le mien s'élèvera l'an prochain à 7,5 millions de dollars. En ce qui concerne les perceptions, cela n'a aucun sens qu'il n'y ait pas de parité sur ce point.

[Traduction]

    Monsieur Zinger, c'est tout le temps dont nous disposons.
    Nous allons passer à Mme Barron, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je suis ici pour remplacer mon collègue, le député Peter Julian. Je tiens à exprimer mes condoléances aux familles et aux victimes de Paul Bernardo, car je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Kelly.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de l'importance des droits des victimes dans la prise de décisions, des communications avec les victimes et de l'adoption d'une approche fondée sur la compassion et le respect des victimes.
    Pouvez-vous préciser comment vous avez suivi le processus visant à garantir les droits des victimes lors de la prise de décisions concernant le transfert de Paul Bernardo d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne?
(1135)
    Dans le cadre du processus de transfert, nous devons tenir compte du fait que les victimes ont présenté des déclarations. Ces déclarations sont prises en considération.
    Dans le cas du transfert en question, nous avons communiqué avec les victimes, et je me suis entretenue avec l'une d'entre elles avant que l'affaire soit examinée. Après l'examen du dossier, nous avons à nouveau communiqué avec les victimes, et j'ai discuté avec bon nombre d'entre elles pour passer en revue les conclusions et les recommandations. À la suite de cet examen, il a été recommandé, comme je l'ai dit, de créer un comité multidisciplinaire, ce qui a été fait. J'ai mentionné la composition du comité. Jusqu'ici, il y a eu deux réunions.
    Nous allons écouter les victimes. Nous allons être à l'écoute de leurs besoins et nous allons améliorer nos politiques et nos pratiques en matière d'échange de renseignements.
    Merci.
    Ce que j'essaie de comprendre, c'est si les victimes et les familles — plus précisément les familles des victimes de Paul Bernardo — ont été informées de ce transfert au moment opportun. Comment cela s'est‑il passé?
    En ce qui concerne le fonctionnement des transferts, disons d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, nous sommes tenus d'informer les victimes. Normalement, c'est après le transfert. Dans le cas d'un transfert vers un établissement à sécurité minimale, nous informons les victimes avant le transfert.
    Dans ce cas particulier, nous avons informé les victimes le matin du transfert.
    Merci.
    Pensez-vous que le fait que les victimes et les familles des victimes apprennent la nouvelle après coup ou le matin même est conforme à ce que vous avez relevé comme étant la garantie de faire preuve de compassion et de respect pour les familles des victimes? Comment cela s'aligne-t‑il?
    Encore une fois, dans ce cas‑ci, nous avons suivi les lois et les politiques, mais je pense qu'on a reconnu — et cela faisait partie de l'examen — que l'on aurait peut-être pu faire plus. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place le comité multidisciplinaire, afin de discuter précisément de ces questions.
    Pouvez-vous clarifier la transition de la sécurité maximale à la sécurité moyenne de Paul Bernardo? Cela signifie-t‑il qu'il y a plus de chances ou de probabilités que les familles des victimes le voient, après avoir été placé dans un établissement à sécurité moyenne, être transféré dans la communauté? Comment cela se traduit‑il pour les futures étapes visant à garantir la justice pour les victimes, que Paul Bernardo a si brutalement... et la violence qu'il leur a infligée?
    Il a commis des crimes tout à fait horribles.
    L'autre chose que je voudrais dire, c'est que Paul Bernardo a passé 30 années consécutives dans un établissement à sécurité maximale. Il a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne. À ce stade, il n'est absolument pas question de passer à un niveau de sécurité inférieur. Il vient d'être transféré dans un établissement à sécurité moyenne et il y restera. Je l'ai mentionné lors de la conférence de presse — pour que ce soit bien clair —, soit qu'il reste à un niveau élevé pour ce qui est de la sécurité du public. Aucun détenu dont le niveau de sécurité est élevé ne peut passer au niveau de sécurité minimale.
    Merci. Je veux poursuivre dans le même ordre d'idée.
    Nous savons que — j'essaie de me rappeler l'année — à William Head, deux détenus condamnés pour des crimes violents se sont évadés du centre de sécurité minimale et ont assassiné un habitant de la région à son domicile. Cette question a déjà été soulevée à ce comité. Le fait que Paul Bernardo passe de la sécurité maximale à la sécurité minimale suscite des inquiétudes, et avec raison, alors que nous assistons à des incidents où des personnes s'évadent et causent d'autres préjudices. Je me demande...
(1140)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je suis désolé, mais était-ce une erreur? Il a été transféré — corrigez-moi si j'ai tort — d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, et non pas d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité minimale. Vous avez dit « minimale » deux fois. Je veux juste m'assurer que c'était une erreur.
    C'était une erreur. Merci d'avoir apporté cette clarification. Je l'aurais corrigée après coup, si bien que je vous remercie de l'avoir précisé maintenant.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous diriez aux victimes, aux familles et aux communautés qui s'inquiètent de ce que cela signifie pour aller de l'avant et veiller à ce que justice soit rendue pour ces familles?
    Comme je l'ai déjà dit, dans un établissement à sécurité moyenne, le contrôle du périmètre est le même que dans les établissements à sécurité maximale. Il a passé 30 ans dans une prison à sécurité maximale. Il y a peu de temps, il est passé à la sécurité moyenne, si bien qu'il y a encore du travail à faire.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Barron.
    Monsieur Shipley, vous disposez de cinq minutes, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, merci à tous les témoins de votre présence aujourd'hui. Je vais commencer avec Mme Kelly.
    En 2018, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a conclu que M. Bernardo présentait un risque élevé de violence envers un partenaire intime et qu'il était insensible, désinvolte, pompeux, sournois, trompeur, manipulateur et menteur.
    En 2021, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a fait état que M. Bernardo présentait des traits psychopathes tels que l'arrogance, la mentalité du « tout lui est dû » et un manque d'empathie, qui ne peuvent pas être traités. Le psychiatre de la Couronne chargé de désigner M. Bernardo comme délinquant dangereux a trouvé des preuves de paraphilie, de trouble de la personnalité narcissique, d'abus d'alcool et de psychopathie.
    Patrick LeSage, le juge de première instance de M. Bernardo, a déclaré qu'il est un « délinquant dangereux » et un « psychopathe sexuellement sadique » dont la probabilité « d'être soigné est extrêmement faible ».
    Estimez-vous que cet homme a sa place dans une prison à sécurité moyenne?
    Encore une fois, notre travail consiste à attribuer une classification de sécurité à chaque détenu et à la revoir à intervalles réguliers, ce que nous avons fait dans ce cas, et M. Bernardo a été classé dans la catégorie de sécurité moyenne. Une fois cette classification déterminée, nous devons veiller à ce que le détenu soit transféré dans un établissement correspondant à son niveau de sécurité.
    Le fait qu'il soit dans une prison à sécurité moyenne ne change rien au fait qu'il est aussi un psychopathe et toutes les autres choses que vous avez mentionnées. M. Bernardo peut être géré dans un environnement à sécurité moyenne.
    Monsieur Zinger, je vais vous céder la parole.
    Le rapport du Comité d'examen du SCC fait état que le protocole de réévaluation du niveau de sécurité pour M. Bernardo a été appliqué 14 fois entre 1999 et 2022, toujours avec une recommandation de sécurité moyenne, mais qu'il a été remplacé à chaque fois par une recommandation de sécurité maximale, sauf cette fois‑ci. Ce qui est choquant, c'est qu'il s'est vu refuser un transfert et une reclassification à un niveau de sécurité moyenne quatre mois avant d'être enfin approuvé.
    Le rapport fait également état que M. Bernardo a soudainement changé d'idée. En fait, le rapport semble indiquer que la réunion de votre bureau avec M. Bernardo a été le catalyseur de la volonté d'intégrer M. Bernardo.
    Qui de votre bureau a rencontré M. Bernardo, et quelle était la nature de cette activité?
    Merci de la question.
    Comme vous l'avez mentionné, M. Bernardo s'est vu refuser la reclassification à plusieurs reprises. Nous n'avons jamais enquêté à ce sujet et nous n'avons jamais fait de recommandation pour qu'il soit transféré dans la catégorie de sécurité moyenne.
    En fait, nous sommes intervenus assez tard dans le processus parce que le Service correctionnel du Canada n'a pas respecté son obligation de traiter une demande dans un délai donné, soit de 60 jours. Nous sommes intervenus en raison de cette allégation de non-respect de la politique en matière de traitement des demandes.
    Nous avons rencontré le...
    Merci, monsieur Zinger.
    Je n'ai que cinq minutes moi aussi, et il me reste environ une minute, alors je vous remercie. Je suis désolé de vous interrompre.
    Madame Kelly, je vais revenir à vous pour vous poser rapidement une dernière question.
    Pendant son incarcération, M. Bernardo a été l'instigateur de neuf incidents différents, dont la possession d'un objet non autorisé et la possession d'un objet de contrebande. Ses audiences de libération conditionnelle ont également confirmé qu'il n'éprouvait aucun remords pour ses crimes. Pourquoi ses antécédents derrière les barreaux et l'absence de remords pour ses crimes n'ont-ils pas joué un rôle plus important dans la révision de sa classification de sécurité?
(1145)
    Là encore, la classification de sécurité est un processus. Nous évaluons un certain nombre de facteurs. Nous utilisons un outil actuariel. L'évaluation finale est une combinaison des deux, si bien que ce que vous avez mentionné a certainement été pris en considération, mais l'évaluation finale était que ce délinquant particulier pouvait être géré dans un établissement à sécurité moyenne.
    Très rapidement, parce que j'ai très peu de temps, vous avez mentionné dans votre discussion précédente qu'à ce stade, il n'y a pas de discussions pour faire passer M. Bernardo de la catégorie de sécurité moyenne à la catégorie de sécurité minimale. Ne s'agit-il pas d'une possibilité pour l'avenir?
    Je ne peux pas parler de l'avenir. Ce que je peux dire, comme je l'ai mentionné, c'est qu'il a passé 30 ans dans un établissement à sécurité maximale. Il est dans une prison à sécurité moyenne depuis environ un an. Il présente encore un risque élevé pour la sécurité du public, si bien qu'un établissement à sécurité minimale n'est pas dans les plans.
    Merci, madame Kelly.
    Merci, monsieur Shipley.
    Nous allons maintenant entendre Mme O'Connell.
    Allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Commissaire Kelly, je me réjouis que vous ayez parlé de la nécessité d'en faire plus pour ce qui est d'informer les victimes. Nous sommes tout à fait d'accord. Nous pensons qu'il est tout à fait inacceptable de penser que les victimes, en particulier dans ce cas, apprennent l'existence d'un transfert dans les médias. J'espère que votre équipe et vous examinez cette question de très près. C'est inacceptable. Je pense que ce comité attend avec impatience les futures recommandations et les changements que vous mettrez en oeuvre.
    Nous avons reçu des témoins du syndicat des services correctionnels et des représentants de la Commission des libérations conditionnelles. Ils ont parlé de mieux informer les gens, mais je peux certainement voir l'équilibre entre la volonté de ne pas interférer dans un transfert et la notification publique, afin d'éviter ce type d'incidents. Il n'en est pas question ici, mais je pense qu'il s'agit d'une menace très réelle. Vous ne voudriez pas que quelqu'un essaie d'aider un détenu à s'échapper, par exemple, pendant un transfert. Je pense que c'est crucial, mais le fait de compter sur cela et celui de ne pas informer les familles des victimes ne constituent pas le bon équilibre.
    Je vais m'arrêter là, car je crois savoir, comme vous l'avez déjà mentionné, que vous y travaillez.
    Je veux parler de la suggestion que les députés d'en face ont faite à plusieurs reprises au sujet du projet de loi C‑83, qui est le catalyseur qui a permis que cela se produise. Selon une citation du Globe and Mail, le libellé original le « moins restrictif » a été présenté par Brian Mulroney dans les années 1990 et a été remplacé par le terme « nécessaire », qui a été défini par Stephen Harper. La citation provient de la Sécurité publique, alors peut-être que M. Tupper peut s'exprimer à ce sujet. Il a été suggéré que, peu importe si l'on utilise « moins restrictif » ou « nécessaire », le processus de l'échelle de classement par niveau de sécurité dans l'exemple de M. Bernardo n'aurait fait aucune différence. Connaissez-vous cette citation? C'est Magali Deussing qui l'a citée.
    Pouvez-vous confirmer si vous estimez que l'échelle de classement par niveau de sécurité aurait été mise en oeuvre de la même manière, que le libellé soit le « moins restrictif » ou « nécessaire »?
    Je ne connais pas la citation. Ce que je dirai, c'est que nous savons que les décisions prises par le service sont fondées sur des preuves. Elles sont fondées sur une modélisation qui reflète des décennies d'expérience dans l'application de ces évaluations. Nous savons que les efforts les plus importants sont consacrés à ceux qui présentent le risque le plus élevé.
    À mesure que nous travaillons sur ces processus et que nous examinons l'approche fondée sur des preuves qu'ils adoptent pour effectuer ces évaluations, je suis convaincu que les résultats sont cohérents dans le temps.
    Merci.
    Je dois admettre que, pour la population et même pour moi, surtout avant d'occuper ce poste, la compréhension de la différence entre un établissement à sécurité maximale et un établissement à sécurité moyenne... Ils semblent différents, mais ils ne sont pas un prolongement de la peine pour les crimes odieux ou les crimes en général. Même si des délinquants qui ont commis, disons, des crimes moins odieux sont dans un établissement à sécurité maximale, la cote de sécurité dépend vraiment de la sécurité, de la mobilité des travailleurs correctionnels à l'intérieur de l'établissement ou du risque d'évasion. Lors de notre dernière réunion, on nous a décrit la différence entre un établissement à sécurité maximale et un établissement à sécurité moyenne. Dans les établissements à sécurité moyenne, on trouve le même périmètre, mais pas les armes pour assurer le contrôle à l'intérieur de l'établissement. Cela permet un peu plus de mobilité pour les programmes.
    Il y a un volet des programmes dont nous ne parlons pas. Nous avons entendu parler de la nature haineuse de Paul Bernardo, mais comment veille-t‑on à ce qu'il comprenne les conséquences de ses crimes et de ses actes et à ce que les victimes adoptent cette approche? On s'assurera ainsi qu'il ne pourra pas vivre sans comprendre le tort qu'il a causé aux victimes et, bien honnêtement, aux femmes partout au pays.
(1150)
    Merci, madame O'Connell et monsieur Tupper. Votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Kelly, je me permets de citer l'ancien ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, selon lequel la population canadienne mérite de savoir pour quelle raison le délinquant a été transféré d'une prison à sécurité maximale à une prison à sécurité moyenne. Il a déclaré: « Le système aurait dû faire mieux. [...] Il faut en faire davantage pour que les victimes soient au premier plan des décisions — et je suis déterminé à faire en sorte que ce soit accompli ». C'est tiré d'un communiqué paru en juillet dernier.
    Nous connaissons le mandat de Service correctionnel Canada, le protocole relatif au transfèrement, et le droit à la vie privée des délinquants. Est-ce que, selon vous, le ministre est allé trop loin dans ses propos?
    Nous avons mis sur pied un comité multidisciplinaire pour examiner ce que nous pouvons faire de plus pour les victimes, et déterminer l'information que nous pouvons leur transmettre et le moment où nous la leur transmettons. De plus, l'examen qui a été fait du cas particulier dont vous parlez a révélé qu'il y avait du travail à faire sur ce plan.
    D'accord.
    Présentement, nous sommes conscients que le droit à la vie privée d'une personne incarcérée prime sur le droit des victimes et de leur famille d'obtenir de l'information. Concrètement, vous dites ce que le ministre a mentionné, et vous avez parlé d'un comité qui a été mis sur pied, mais qu'est-ce que nous pouvons faire de plus pour permettre aux familles de recevoir l'information plus tôt?
    Justement, la directive ministérielle prévoit que, lorsqu'un transfèrement est envisagé, le Service correctionnel du Canada correspond avec les victimes pour qu'elles sachent qu'elles peuvent en tout temps mettre à jour leur déclaration, ce qui est très important. Cela fait partie de l'information que nous leur transmettons.
    Madame Gagnon, voulez-vous en dire davantage à ce sujet?
    Oui, je veux aussi préciser que, dans le cas en question, nous avons vraiment avisé les victimes avant que le transfèrement ait eu lieu, même si le préavis n'a pas été long, une semaine avant que ce soit rapporté par les médias. Les victimes ont été reconnaissantes de recevoir l'information.
    La directive ministérielle impose de donner plus d'information aux victimes, justement pour leur permettre de nous renseigner sur leur sécurité. Nous devons notamment déterminer s'il y a des considérations, par exemple d'ordre géographique, dont il faut tenir compte dans un transfèrement. Nous mettons donc ces règles en application.

[Traduction]

    Merci, madame Gagnon.
    Nous allons maintenant écouter Mme Barron.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer à vous poser des questions, madame Kelly.
    M. Wilkins, qui a comparu ici avant ma participation au Comité et qui est le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada, a dit dans son témoignage la semaine dernière que les agents correctionnels ne participent souvent pas, de concert avec les équipes de gestion de cas, à la prise de décisions concernant le transfèrement des détenus.
    Est‑ce vrai? Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
(1155)
    L'équipe de gestion de cas est composée de l'agent de libération conditionnelle et d'autres membres, dont des agents correctionnels. Les agents correctionnels se voient attribuer un petit nombre de cas. Mme Gratton pourrait vous en dire plus à ce sujet.
    Tous les 45 jours, ils doivent préparer un dossier structuré. C'est en quelque sorte un gabarit. Ils savent si le délinquant a été impliqué dans un incident et s'il travaille ou participe à des programmes. Le dossier est très détaillé. De plus, ils soumettent des rapports d'observation quotidiens. Ces rapports d'observation et ces dossiers d'intervention structurée sont des renseignements qui sont pris en considération par l'agent de libération conditionnelle, qui est la personne qui formule les recommandations. Les agents correctionnels participent certainement au processus.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y a lieu de s'inquiéter du fait qu'ils ne participent pas à cette étape de la décision? Comme le président du syndicat soulève ces préoccupations, pouvez-vous nous expliquer sur quoi elles se fondent?
    En fait, j'ai été très heureuse d'entendre M. Wilkins dire que les agents correctionnels voudraient être encore plus impliqués dans le processus de gestion de cas. Je peux vous dire que je vais en discuter avec lui.
    Merci. J'ai oublié de régler ma minuterie, alors je vais continuer à poser des questions jusqu'à ce qu'on m'interrompe.
    Madame Kelly, pouvez-vous nous décrire le processus d'échange d'information entre les établissements où Paul Bernardo a séjourné et entre les agents correctionnels des deux établissements? En quoi consiste le processus de communication entre les établissements?
    Lorsque nous transférons un délinquant, il y a normalement un échange de renseignements entre les agents de libération conditionnelle d'un établissement à l'autre, de sorte qu'ils savent quels délinquants s'ajouteront à leur population. Voilà le fonctionnement.
    Merci, madame Barron.
    C'est maintenant le tour de Mme Thomas.
    Merci beaucoup.
    Madame Kelly, je me pose quelques questions au sujet de la chronologie. Pouvez-vous nous confirmer à quelle date le transfert de Paul Bernardo d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne a eu lieu?
    Le transfèrement a eu lieu le 29 mai.
    Merci. Pouvez-vous me dire à quelle date le ministre a été informé que ce transfèrement serait effectué?
    Il y a eu des notifications à partir de février, puis de nouveau en mars et en mai. Je pense que c'est quelque chose qui a également été mentionné lors de la conférence de presse.
    Pouvez-vous me dire à quelle date les familles des victimes ont été informées de ce transfert?
    Les familles des victimes ont été mises au courant du transfert le jour du transfert, en matinée.
    Ont-elles été avisées avant ou après le transfert de M. Bernardo?
    Cela s'est fait par téléphone et par écrit. Par la suite, nous avons communiqué à nouveau avec certains d'entre eux et nous leur avons parlé pour mieux expliquer le raisonnement derrière la décision.
    Le transfert avait‑il déjà eu lieu?
    Pas le matin de... non.
    Je trouve intéressant que les familles des victimes aient été informées du transfert de M. Bernardo essentiellement au moment même du transfert.
    Madame Kelly, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les victimes doivent passer en premier et qu'elles sont la priorité dans le système, mais il semble que M. Bernardo était au courant de son transfèrement avant les familles des victimes, ce qui laisse croire que ce criminel passe avant les victimes. N'est‑ce pas vrai?
    Encore une fois, les délinquants peuvent demander un transfèrement, et nous devons procéder à la classification de sécurité à intervalles réguliers, ce qui mène parfois à un transfèrement. Nous travaillons donc avec le délinquant.
    Pour ce qui est des victimes, ici encore, nous avons respecté la loi et la politique. Comme Mme Gagnon l'a dit, étant donné qu'il a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne, nous avons informé les victimes du transfert le matin même. Pour l'avenir, je le répète, j'ai formulé une recommandation. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai mis sur pied un comité multidisciplinaire: nous pourrons travailler avec les victimes pour voir comment améliorer nos services.
(1200)
    Mon argument demeure valide. M. Bernardo a su qu'il allait être transféré avant que les familles des victimes en soient informées. Cela souligne encore une fois qu'on a accordé plus d'importance à l'agresseur qu'aux familles des victimes — les victimes, essentiellement.
    Je pense que la situation met en lumière un élément qui ne va pas du tout dans notre système de justice. Nous avons d'innombrables exemples de revictimisation de personnes touchées par de tels scénarios. Je pense à Terri-Lynne McClintic, qui, nous le savons, a brutalement agressé, violé et assassiné une fillette de huit ans et qui a été transférée d'une prison à un pavillon de ressourcement. Ce n'est que par la suite que la famille en a soudainement été informée. Le père a parlé de l'incidence traumatisante que le transfert a eue sur lui.
    Je pense à Nicholas Baig. En 2017, il était à Pickering, en Ontario — dans la circonscription de Mme O'Connell —, et il a assassiné sa femme. Elle était enceinte de neuf mois. Il l'a poignardée 17 fois, et il a été transféré d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne. Ce n'est que par la suite que la famille a été mise au courant. La mère a parlé de la situation, de la revictimisation et des répercussions que la décision a eues sur elle.
    Je pense à Mark Smich. Il a brutalement tué deux personnes simplement parce qu'il était fasciné par la mort. Il a été condamné à deux peines d'emprisonnement à perpétuité, et lui aussi a été transféré d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne. Les familles ne l'ont su qu'après coup. Elles ont parlé des répercussions de cette revictimisation.
    Je dois vous demander ceci, madame Kelly: croyez-vous vraiment que les victimes passent en premier?
    C'est un équilibre délicat à trouver. Je peux comprendre. Comme je l'ai dit, certains des crimes que vous avez mentionnés étaient innommables, inimaginables.
    Franchement, je ne sais pas ce que les victimes vivent. Je ne peux qu'imaginer leur souffrance. Le problème, c'est...
    Le temps est écoulé. Ma question est simple. Croyez-vous que les droits des victimes sont la priorité?
    Encore une fois, c'est une question d'équilibre.
    La question est simple. Croyez-vous que les droits des victimes sont la priorité?
    Merci, madame Kelly.
    Merci, madame Thomas.
    Nous allons maintenant passer à M. Bittle, qui est en ligne.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais poser ma première question à M. Tupper.
    Vous avez dit que Sécurité publique Canada ne participe pas aux décisions opérationnelles du Service correctionnel du Canada. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
    Selon le fonctionnement de notre portefeuille, mes liens avec tous les portefeuilles sont axés sur les politiques, sur notre capacité de nous réunir et d'assurer une surveillance au sein du portefeuille. Les questions opérationnelles dans toutes nos organisations sont confiées aux dirigeants des organisations respectives. Ces questions dépendent de l'expertise des organisations et de leur capacité de prendre les meilleures décisions.
    Merci beaucoup.
    Certains ont laissé entendre, peut-être encore plus lorsque cette situation a été soulevée pour la première fois, que le ministre pouvait simplement, conformément à la loi, promulguer un décret sur un délinquant en particulier. Est‑ce que la loi confère ces pouvoirs au ministre?
    Pourquoi ne répondriez-vous pas à cette question sur les pouvoirs, monsieur Westmacott?
    Il y a certainement une séparation. Nous devrons examiner les détails de la loi, mais la prise de décisions ministérielles est sans contredit séparée de la nature opérationnelle du Service correctionnel du Canada, ou SCC. La loi établit les paramètres du fonctionnement du SCC et des pouvoirs du ministre. Or, pour les transfèrements de délinquants, il faut absolument se référer à la loi qui établit les paramètres dont la commissaire Kelly a parlé. Ensuite, l'opérationnalisation de ces paramètres relève du mandat du SCC.
    Je vais être encore plus direct. Un décret promulgué par un ministre au sujet du transfèrement d'un détenu serait‑il légal?
    Il vaudrait peut-être mieux poser la question à Mme Kelly.
    Je crois comprendre que le ministre n'a pas de rôle à jouer. C'est vraiment une décision opérationnelle.
(1205)
    Merci beaucoup. Je vais maintenant m'adresser à M. Zinger.
    Plus tard cette semaine, la Chambre débattra du projet de loi C‑351, qui prévoit que les détenus déclarés délinquants dangereux soient placés dans un pénitencier à sécurité maximale. S'il était adopté, quelle incidence ce projet de loi aurait‑il sur la sécurité publique, le cas échéant?
    Je n'en suis pas certain. Ici encore, je ne suis pas au courant.
    Ce que je peux vous dire, c'est que parmi les délinquants qui sont désignés dangereux et qui purgent une peine d'une durée indéterminée — non pas une durée déterminée suivie d'une ordonnance de surveillance de longue durée —, la très grande majorité ne sortira jamais du pénitencier. La grande majorité d'entre eux mourront derrière les barreaux, au point où nous pourrions dire que le statut de délinquant dangereux assorti d'une peine d'une durée indéterminée est en fait une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour la majorité d'entre eux.
    Madame Kelly, compte tenu de l'exigence de sécurité maximale prévue dans le projet de loi C‑351, y aura‑t‑il une incidence sur la sécurité dans les établissements si la proposition est mise en œuvre?
    Je dirais que oui.
    Tout d'abord, nous pourrions avoir besoin de plus d'espace dans les établissements à sécurité maximale. De plus, à ce stade, rien n'incite les délinquants à participer à des programmes de réadaptation pour maintenir un bon comportement. Le fait est que nous utilisons des cotes de sécurité et des processus, mais il y a des détenus qui ne se retrouveront jamais dans un établissement de sécurité minimale. Je veux simplement que ce soit clair.
    Il ne fait aucun doute que l'idée de faire purger l'intégralité des peines à perpétuité dans des établissements à sécurité maximale aurait des répercussions sur notre gestion de la population et pourrait avoir des effets sur la sécurité de notre personnel.
    Merci, madame Kelly.
    Merci, monsieur Bittle.
    Nous passons maintenant à M. Baldinelli.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence. Je pense que nous pouvons tous compatir pleinement avec les victimes et leurs proches. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici aujourd'hui. Nous tentons de comprendre les décisions qui ont été prises et qui ont mené au transfèrement dans un établissement à sécurité moyenne d'une personne aussi odieuse que Paul Bernardo.
    Madame Kelly, j'aimerais commencer par vous. Le 20 juillet, soit la date à laquelle vous et le Service correctionnel du Canada avez publié l'examen sur le transfèrement de Paul Bernardo, la Presse canadienne vous a citée: « Sa présence dans un établissement à sécurité moyenne n'enlève rien au fait qu'il est psychopathe et qu'il a commis des crimes horribles et innommables. »
    Comment se fait‑il, alors, que vous ayez pu qualifier Paul Bernardo de psychopathe ce jour‑là — ce que vous avez répété aujourd'hui — et que vous soyez quand même à l'aise avec votre décision?
    Encore une fois, lorsque nous examinons les cotes de sécurité et que nous menons le processus, nous pouvons déterminer que des détenus n'ont pas de remords ou sont psychopathes, mais cela ne nous empêche pas de gérer leur comportement dans un environnement à sécurité moyenne.
    Je pense qu'il est important de se rappeler que plus de 95 % des détenus dans les établissements à sécurité maximale sont là en raison de leur comportement. Ils sont agressifs. Ils font du mal aux autres détenus. Ils attaquent le personnel. Ce n'est pas le cas de ce délinquant. Il peut être géré dans un établissement à sécurité moyenne.
    Madame Kelly, permettez-moi de poursuivre sur cette lancée, alors, si vous pensez qu'il peut être réadapté d'une certaine façon ou qu'on peut le gérer.
    J'ai reçu un courriel qui vous a été envoyé le 8 juin par ma concitoyenne, Marcia Penner, pour vous faire part de son opposition ferme à la décision prise par le SCC. Mme Penner était l'une des meilleures amies de Kristen French, qui a été violée et assassinée par M. Bernardo.
    Dans sa lettre, elle écrit:
Cet « homme » est un monstre qui ne peut être réhabilité. C'est un pédophile violeur, kidnappeur et meurtrier en série. Il a été déclaré délinquant dangereux. Il fait partie des pires parmi les pires. S'il ne satisfait pas aux exigences obligatoires pour purger l'intégralité de sa peine dans un établissement de sécurité maximale, je vous prie de me dire qui les satisfait.
    Dans votre réponse par courriel, vous avez fourni un lien vers la déclaration que vous avez publiée à ce sujet le 5 juin. Cependant, ce que je trouve plus intéressant, c'est votre bloc-signature, qui contient cette citation: « Le travail est un autoportrait de la personne qui l’a accompli. Marquez votre travail au sceau de l’excellence. » Je me demande sérieusement si cette décision de transfert était excellente.
    Si Paul Bernardo n'a pas besoin d'être dans un établissement à sécurité maximale, quel délinquant dangereux, violeur ou tueur en série doit s'y trouver? Si Paul Bernardo — le pire des pires — n'a pas besoin d'y être, quel genre de délinquant doit y purger sa peine?
(1210)
    Je le répète: les établissements à sécurité maximale, selon la loi et la réglementation, accueillent les détenus qui ont une cote élevée au chapitre de l'adaptation à l'établissement. En d'autres mots, on y trouve les détenus qui ont besoin d'un degré élevé de contrôle et de surveillance ou qui présentent un risque élevé d'évasion et un risque élevé pour la sécurité publique en cas d'évasion.
    Voilà les délinquants qui répondent aux critères de sécurité maximale.
    Madame Kelly, il s'agit du pire des pires délinquants au Canada. C'est un psychopathe avoué. Vous l'avez encore admis aujourd'hui.
     Ne vous rendez-vous pas compte de l'impact de vos commentaires sur les familles, les amis et le grand public? Cela déconsidère presque le système judiciaire et le système correctionnel, car les gens commencent à se demander qui est votre client.
    Votre client est‑il Paul Bernardo ou le public canadien? Pouvez-vous répondre à cette question? Qui est votre client?
    Je prends évidemment mon travail de commissaire au sérieux. La citation que vous avez mentionnée figure dans le bloc-signature que j'utilise depuis plus de 30 ans, et j'y crois.
    À titre de commissaire, je tiens manifestement à assurer la sécurité du public et du personnel. C'est notre travail. Je peux comprendre, encore une fois, que ce transfert particulier suscite de vives émotions, et à juste titre. Mais au bout du compte, il faut se demander s'il est possible de gérer un délinquant dans un certain type d'établissement. Les établissements à sécurité maximale et à sécurité moyenne sont soumis à la même surveillance du périmètre.
     Pourquoi ce changement? Pourquoi Paul Bernardo, qui a commis les crimes les plus odieux, ne pourrait‑il pas rester dans un établissement à sécurité maximale?
    Parce que lorsque nous avons examiné sa cote de sécurité… Pendant de nombreuses années, il était dans un établissement à sécurité maximale parce qu'il nécessitait un niveau élevé de supervision et parce qu'il ne pouvait pas s'intégrer aux autres détenus.
    Est‑ce que cela a changé en quatre mois?
    Je vous remercie, madame Kelly et monsieur Baldinelli.
    La parole est à M. Gaheer.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de comparaître devant le Comité.
    Mes questions s'adressent à Mme Kelly.
    J'aimerais parler de l'Échelle de classement par niveau de sécurité. Lors de notre dernière réunion, j'ai cité le rapport de 2022 de la vérificatrice générale qui portait sur les obstacles systémiques dans les services correctionnels. Dans ce rapport, la vérificatrice générale indique ce qui suit:
Le personnel correctionnel doit évaluer les résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité de chaque délinquant admis dans un établissement correctionnel afin de déterminer son niveau de sécurité.
    La vérificatrice générale a constaté que le personnel correctionnel avait modifié la recommandation de l’Échelle dans 30 % des évaluations de sécurité, en octroyant un niveau de sécurité plus élevé dans près de la moitié des cas. Pourquoi a‑t‑on apporté des modifications dans 30 % des cas?
    L'Échelle de classement par niveau de sécurité et l'échelle de classification des cotes de sécurité sont des outils qui évaluent certaines mesures. Ces outils évaluent l'adaptation au milieu carcéral et le risque lié à la sécurité. Un agent de libération conditionnelle, qui a une formation spécialisée, doit ensuite évaluer trois éléments, à savoir l'adaptation au milieu carcéral, le risque d'évasion et le risque pour la sécurité du public. Il est possible… Les outils actuariels attribuent une note aux détenus, mais ensuite, sur le fondement d'une évaluation des différents facteurs, qui combine les outils actuariels et l'évaluation, on détermine la cote de sécurité d'un détenu.
    Il arrive que la cote de sécurité finale du délinquant soit différente de la note générée par l'outil actuariel, et il y a des raisons très pertinentes pour cela.
(1215)
    Nous savons que la cote de sécurité des délinquants peut changer au cours de leur incarcération. Par exemple, la cote de sécurité d'un délinquant qui se trouve dans un établissement à sécurité moyenne et qui commet un acte violent ou qui est impliqué dans des activités de contrebande peut toujours revenir au niveau maximal. Est‑ce exact?
    Oui. Leur comportement est surveillé à tous les niveaux. Par exemple, si nous découvrons qu'un détenu d'un établissement à sécurité moyenne ou minimale est impliqué dans des activités de contrebande, sa cote de sécurité peut revenir à un niveau plus élevé, et c'est ce qui se produit.
    J'aimerais aborder la question de l'indépendance des services correctionnels.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance de l'indépendance opérationnelle du Service correctionnel du Canada?
    Nous sommes formés pour faire ce travail. Nous avons des professionnels. Les pouvoirs nécessaires sont délégués au Service correctionnel du Canada par l'entremise de la loi. Nous avons des outils, des procédures et des pratiques exemplaires à notre disposition. Nous avons certainement l'expertise nécessaire. Je suis convaincue que les employés du Service correctionnel du Canada ont les compétences nécessaires pour mener des évaluations et prendre des décisions éclairées.
    Enfin, selon vous, qui sont les personnes les mieux placées pour prendre des décisions au sujet de la cote de sécurité des délinquants? Est‑ce que ce sont les professionnels des services correctionnels qui travaillent collectivement au sein d'une équipe de gestions de cas d'un individu ou pensez-vous que ce sont les politiciens qui siègent à Ottawa?
    Cette tâche devrait être confiée à des professionnels des services correctionnels.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Gaheer et madame Kelly.
    La parole est maintenant à M. Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Kelly, je veux vous entendre de nouveau nous parler de l'importance de maintenir le caractère complètement indépendant et apolitique du processus d'évaluation et de classement par niveau de sécurité.
    La loi dit clairement que nous devons assigner une cote de sécurité à chaque détenu, réviser celle-ci régulièrement, ce que nous faisons, et transférer le délinquant dans un établissement qui correspond à sa cote de sécurité.
    Pouvez-vous nous dire combien il est important que ce processus demeure indépendant et apolitique? C'est plutôt sur le côté apolitique que j'aimerais entendre vos commentaires.
    Encore là, notre devoir est de respecter la loi. Comme je l'ai dit, nos employés sont formés pour faire ce travail, et la loi s'applique à chaque détenu.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce ne sont pas les politiciens qui devraient gérer les prisons?
    C'est le personnel opérationnel qui doit le faire.
    En lien avec ce que vous venez de mentionner, j'aimerais vous entendre commenter le projet de loi C‑351, qui a été déposé par un député conservateur et qui sera débattu à la Chambre dès demain. Il vise essentiellement à retirer aux agents du Service correctionnel du Canada le pouvoir discrétionnaire de modifier la cote de sécurité des personnes déclarées délinquants dangereux et de celles déclarées coupables de plus d'un meurtre au premier degré.
    Ce projet de loi va-t-il contribuer à renforcer les droits des victimes d'actes criminels, ou semble-t-il n'avoir aucune réelle incidence sur ces dernières?
    Il est évident que cela aurait une incidence sur les établissements. Les détenus n'auraient plus de raison valable de bien se comporter ou de participer à des interventions ou à des programmes. À mon avis, cela pourrait mettre à risque la sécurité de notre personnel et, ultimement, du public.
    En ce qui concerne les droits des victimes, s'il n'y avait pas de reclassement, les délinquants resteraient incarcérés toute leur vie.
(1220)

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Kelly.
    La parole est maintenant à Mme Barron. Elle a deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais que vous m'aidiez à mieux comprendre la situation. Jusqu'à présent, au cours de cette réunion, on a beaucoup parlé du fait que Paul Bernardo a passé 30 ans dans un établissement à sécurité maximale. Vous avez discuté des facteurs qui sont pris en compte dans la décision liée à son transfert d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, y compris l'adaptation au milieu carcéral, le risque d'évasion et le risque pour le public en cas d'évasion.
    La justification que j'ai entendue jusqu'à présent concerne le fait que ce détenu a apparemment montré certains signes d'adaptation au milieu carcéral. Ne tient‑on pas compte d'une combinaison de facteurs? Pourquoi un facteur l'emporterait‑il sur les autres, y compris les risques connus en cas d'évasion ou le risque pour les autres détenus qui se trouveraient dans le même établissement à sécurité moyenne?
    Il semble qu'on ait favorisé un facteur au détriment des autres. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    En fait, les trois facteurs doivent être pris en compte. Il s'agit d'une évaluation, et le règlement stipule que nous devons évaluer les trois facteurs, à savoir l'adaptation au milieu carcéral, le risque d'évasion et le risque pour la sécurité du public.
    D'accord. Je pourrais peut-être apporter une petite précision.
    De l'extérieur — et je ne suis pas à l'intérieur de cette affaire —, nous entendons dire qu'un psychologue a indiqué dans son rapport que Paul Bernardo a participé à des programmes liés aux infractions commises, mais qu'il continue de manifester des attitudes et des comportements problématiques liés à ces infractions, et qu'il éprouve plusieurs problèmes liés à la réceptivité. Le psychologue a également formulé un avertissement selon lequel les améliorations manifestées par le détenu restaient « intermittentes ».
    Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je suis très inquiète lorsque je vois des rapports indiquant que Paul Bernardo affiche les mêmes comportements qu'auparavant, qu'il n'éprouve pas de remords et qu'il présente un risque élevé de — je n'arrive pas à trouver le mot exact pour l'instant — commettre à nouveau le même type d'infraction. Cela m'inquiète.
    Comment est‑il possible que ce détenu soit passé d'une cote de sécurité maximale à une cote de sécurité moyenne, compte tenu des renseignements dont nous disposons et qui sont accessibles au public, ainsi que des inquiétudes qu'il suscite?
    Le règlement précise les critères nécessaires pour recevoir une cote de sécurité de niveau maximal, moyen ou minimal. Pour le niveau de sécurité maximal, il faut avoir un niveau élevé en ce qui concerne l'adaptation au milieu carcéral ou le risque d'évasion et le risque pour la sécurité du public. Il faut que ce soit les deux.
    Le temps imparti est écoulé. Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Shipley. Il a cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Aujourd'hui, nous avons entendu quelques questions sur les différences entre un établissement à sécurité maximale et un établissement à sécurité moyenne.
    Madame Kelly, plus tôt aujourd'hui, vous avez mentionné qu'il y a plus d'occasions pour les délinquants dans les établissements à sécurité moyenne. Je ne m'excuse aucunement pour ce que je vais dire ensuite. Je m'attends à ce que Paul Bernardo n'ait aucune occasion et je tiens à ce qu'il n'en ait aucune.
    Vous avez également mentionné qu'il a été incarcéré dans un établissement à sécurité maximale pendant 30 ans et qu'il s'est intégré au milieu carcéral, ce qui explique en partie qu'il ait reçu la cote de sécurité moyenne. Cependant, il ne s'était intégré que depuis quatre mois. Comment pourrait‑il changer autant en seulement quatre mois d'intégration, après avoir passé 30 ans dans un établissement à sécurité maximale?
    Oui, il a passé 30 ans dans un établissement à sécurité maximale, mais lorsqu'on dit qu'en juillet 2022, il était complètement intégré… Dans le rapport, vous pourrez constater que l'intégration de ce détenu faisait partie d'une stratégie à plus long terme qui comportait de nombreuses étapes sur plusieurs années. Il a commencé à s'intégrer dans un petit groupe à la fois et il a été suivi tout le long de cette période. En juillet 2022, il était complètement intégré, et c'est la raison pour laquelle, quelques mois plus tard, sa cote de sécurité a été revue et qu'on lui a attribué une cote de sécurité moyenne.
(1225)
    Merci pour votre réponse. Vous avez indiqué qu'il avait été suivi pendant cette période. J'espère que cet horrible criminel a été suivi tout au long de ses 30 années.
    Madame Kelly, lors de notre dernière réunion, Jeff Wilkins, le président du syndicat des agents correctionnels, a exprimé de sérieuses inquiétudes quant au fait que la haute direction du Service correctionnel du Canada attribue régulièrement aux détenus une cote de sécurité différente ou plus faible que celle recommandée. Il a déclaré qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que les détenus reçoivent une cote de sécurité plus élevée, mais que le fait de leur octroyer un niveau de sécurité inférieur pouvait entraîner de graves problèmes de sécurité publique. Nous avons appris que cette pratique avait contribué à l'évasion de deux détenus qui ont brutalement assassiné un homme de 60 ans en Colombie-Britannique.
    Au cours de l'année dernière, dans combien de cas a‑t‑on remplacé la cote de sécurité d'un délinquant pour lui octroyer un niveau de sécurité inférieur?
    Une cote de sécurité maximale est plus souvent remplacée par une cote de sécurité moyenne que par une cote de sécurité minimale. Le remplacement par une cote de sécurité maximale représente environ 9 % des cas, mais nous avons fait des recherches...
    Ma question ne porte pas sur vos recherches, mais sur le nombre de cotes de sécurité de délinquants qui ont été remplacées par une cote de sécurité inférieure l'année dernière. Avez-vous ces renseignements sous la main?
    Non.
     Pouvez-vous vous engager devant ce comité à fournir ces renseignements et à nous les communiquer prochainement?
    Oui.
    Je vous remercie. Ces renseignements nous seront très utiles.
    Madame Kelly, votre ministère a envoyé de nombreux courriels au cabinet du ministre au sujet du transfert de M. Bernardo. Étant donné que vous avez suivi le processus mis en place par le ministre de la Sécurité publique, aviez-vous des raisons de croire que le ministre n'était pas au courant du transfert?
    Nous avons suivi la procédure habituelle. Nous avons avisé et... Je ne fais pas partie du cabinet du ministre. Comme je l'ai dit, nous avons suivi la procédure habituelle.
    Cette procédure est en place depuis longtemps et je suis sûr que vous avez eu de nombreuses discussions avec le ministre et son équipe au cours de cette période. N'avez-vous pas trouvé étrange qu'entre le 27 février, date à laquelle le commissaire adjoint a informé le cabinet du ministre, et le 29 mai, date à laquelle le transfert a eu lieu, le ministre n'ait jamais évoqué ce transfert? Il s'agit d'une période de presque trois mois.
    Tout d'abord, je dois vérifier si j'ai eu des réunions avec le ministre. Habituellement, si nous avons des réunions, elles portent sur des sujets très précis.
    Si vous avez eu des discussions avec le ministre ou son personnel, il s'agissait d'une question très médiatisée. Le jour du transfert, le ministre s'est dit choqué et consterné d'apprendre cette nouvelle. Je suis donc surpris qu'il n'y ait pas eu de discussion ou que vous n'ayez pas été surprise que l'on ne vous ait pas informée. Il s'agissait probablement de l'un des transferts les plus médiatisés.
    Vous avez parlé de 41 ans de carrière. C'est une longue carrière, et je vous en remercie, mais il doit s'agir de l'un des transferts les plus médiatisés et les plus importants jamais réalisés, et vous n'en avez pas discuté directement avec le ministre. Est‑ce exact?
    Encore une fois, nous avons suivi la procédure habituelle, mais par la suite, l'ancien ministre a déclaré qu'il souhaitait être conseillé directement et officiellement, et nous avons donc mis en place un processus à cet effet.
    Merci, madame Kelly.
    Merci, monsieur Shipley.
    Nous passons maintenant à M. McKinnon pour cinq minutes.
    Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    J'allais vous poser une question tout à l'heure, madame la commissaire, à propos de l'accès aux programmes dans les établissements à sécurité moyenne. Pourquoi est‑ce important pour la gestion d'un prisonnier?
    L'accès à ces programmes est important parce que ceux‑ci sont mondialement reconnus et fondés sur la recherche, et parce qu'ils réduisent effectivement la récidive. Ils ne fonctionnent toutefois pas de la même manière pour tous les délinquants. Je crois que le président de l'UCCO-SACC-CSN a dit que personne ne devait rester les bras croisés. Nous voulons que les délinquants suivent des formations, participent à des programmes, obtiennent un emploi ou pratiquent des loisirs constructifs. C'est très important pour la gestion des établissements. La recherche a montré que les programmes réduisent le taux de récidive.
(1230)
    Je pense qu'il est important de réduire le taux de récidive, mais nous espérons tous qu'il ne verra plus jamais la lumière du jour. Il me semble que la récidive n'est pas notre préoccupation première dans ce cas‑ci.
    Considère‑t‑on que l'accès à de meilleurs programmes constitue un avantage pour le détenu, ou la valeur de ces programmes réside‑t‑elle réellement dans le fait qu'ils facilitent la gestion des détenus dans l'environnement carcéral?
    Le but est de gérer les détenus.
    Les programmes permettent d'apprendre beaucoup de choses. Même les personnes qui ne sortiront peut-être jamais d'un établissement acquièrent des compétences précieuses dans le cadre de ces programmes, et cela se ressent dans leur comportement en milieu carcéral. Ces programmes contribuent assurément à protéger le personnel et à garantir sa sécurité ainsi que celle des autres détenus.
    Merci.
    J'ai remarqué un fil conducteur dans les questions posées par mes collègues conservateurs. On a toujours l'impression que le reclassement de M. Bernardo à un niveau de sécurité moyenne constitue en quelque sorte une atténuation de sa peine. Pouvez-vous me dire si les oreillers sont plus doux dans les établissements à sécurité moyenne?
    Non.
    Ses conditions n'exigeaient pas qu'il soit placé dans un établissement à sécurité maximale. Il a été condamné à purger une peine d'un certain nombre d'années en milieu carcéral. Il n'a pas été condamné à être incarcéré dans un établissement à sécurité moyenne ou maximale. La modification de la cote de sécurité ne tient compte que de la gestion du détenu, de la gestion des conditions de détention et du niveau danger qu'il pose au sein de l'établissement. Ce transfert n'augmente en aucun cas ses chances d'être remis en liberté ou de s'évader.
    Tout à fait. La cote de sécurité est très importante. Elle permet de gérer les détenus là où ils doivent l'être.
    D'accord. L'expérience quotidienne de M. Bernardo dans un établissement à sécurité moyenne est, à l'exception de l'accès accru à des programmes, essentiellement la même que dans un établissement à sécurité maximale.
    Oui. Il se lève. Il reçoit la même nourriture. Il vit dans le même type de cellule. La literie est la même. Une grande partie de ce que l'on trouve dans les cellules d'un établissement à sécurité maximale se retrouve dans les cellules d'un établissement à sécurité moyenne.
    Il ne bénéficie d'aucune sorte d'avantage. Il doit encore subir l'intégralité de sa peine.
    L'avantage pour la société est‑il qu'il est peut-être moins coûteux de le gérer dans un environnement à sécurité moyenne?
    Oui.
    Souhaitez-vous formuler d'autres commentaires sur la nature de son expérience? Vous avez indiqué qu'il n'est pas susceptible d'être un jour placé dans un établissement à sécurité minimale.
    Merci, monsieur McKinnon.
    Merci.
    Merci, madame Kelly.
    Nous passons maintenant au quatrième tour. M. Lloyd sera le premier à prendre la parole, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame la commissaire, merci de votre présence aujourd'hui.
    Pensez-vous que l'on a appliqué la loi dans le cadre du transfèrement de Paul Bernardo?
    Oui.
    Cette loi comprend-elle le principe des « restrictions les moins privatives de liberté »?
    Je tiens à dire qu'il s'agissait des restrictions les moins privatives de liberté compatibles avec la protection du public.
    Bien entendu.
    Pourtant, ce principe figure dans la loi. N'est‑ce pas?
    Oui.
    La question des « restrictions les moins privatives de liberté » ont fait l'objet de nombreux débats. J'espère donc que vous pourrez éclairer ce comité.
    J'aimerais obtenir des précisions sur le nombre total de détenus qui ont été transférés d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité minimale depuis le 1er janvier 2012. Je ne vous demande pas de me donner ce chiffre aujourd'hui, mais si vous pouviez me communiquer ces renseignements, ce serait formidable.
    Mme Anne Kelly: D'accord.
    M. Dane Lloyd: Deuxièmement, pouvez-vous fournir une justification pour le transfèrement de chacun de ces détenus? Je ne demande pas que vous me communiquiez de renseignement personnel... mais une justification générale des raisons de ces transfèrements au cours de cette même période.
(1235)
    Nous pouvons vous indiquer le type de transfèrement. Nous allons voir ce que nous pouvons faire.
    D'accord.
    De même, étant donné qu'il s'agit d'un transfèrement sans précédent... Le seul précédent que nous avons trouvé pour un transfèrement de cette importance est celui de Terri-Lynne McClintic, qui a eu lieu avant que le projet de loi C‑83 n'entre en vigueur. Sans divulguer les renseignements personnels — qui sont caviardés — et compte tenu du précédent que vous avez créé en publiant l'examen du transfèrement de Paul Bernardo, vous engagez-vous à fournir les renseignements relatifs à l'examen du transfèrement de Terri-Lynne McClintic?
    J'en prends note également.
    J'aimerais que vous vous engagiez à le faire, sans divulguer les renseignements personnels, que vous avez caviardés dans le cas de M. Bernardo. Sur la base de ce précédent, pouvez-vous vous engager à fournir à ce comité l'examen du transfèrement de Terri-Lynne McClintic?
    Oui.
    Thank you.
    Pour mon dernier tour, je note qu'à la page iv du rapport d'examen du transfèrement de M. Bernardo, le quatrième paragraphe indique qu'après le rejet de sa demande, en juin 2022, il a présenté une autre demande, en juillet 2022, après s'être intégré dans son unité.
    À l'époque, le rapport indiquait ce qui suit:
Selon les renseignements fournis au comité d’examen, après que le délinquant eut présenté une demande de transfèrement...
     Il y a là une partie caviardée.
..., le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) a entamé des discussions informelles concernant la cote de sécurité du délinquant, afin d’assurer le respect du principe des « restrictions les moins privatives de liberté » et autres exigences prévues par la loi, conformément à la LSCMLC.
    Que savez-vous au sujet de l'intervention du Bureau de l'enquêteur correctionnel en ce qui concerne le reclassement de sécurité de Paul Bernardo et ses droits en vertu du principe des « restrictions les moins privatives de liberté »?
    M. Zinger n'est plus là.
    Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Cette discussion a été menée au niveau local.
    Le rapport d'examen indiquait que le Bureau de l’enquêteur correctionnel doutait que sa cote de sécurité soit appropriée. Il était ici tout à l'heure. Il a dit qu'il avait des préoccupations en ce qui a trait au calendrier. Il voulait que ce soit fait dans les 60 jours. Il craignait que le Service correctionnel ne respecte pas ce délai. Cependant, le rapport indique qu'il avait « entamé des discussions informelles ». J'aimerais savoir quelles ont été ces discussions informelles, concernant le « respect du principe des “ restrictions les moins privatives de liberté ” par le Service correctionnel du Canada ».
    Quelle a été la nature de ces discussions?
    Je ne peux pas me prononcer à ce sujet.
    D'accord.
    J'aimerais que vous ajoutiez ces renseignements à ceux de ma demande précédente: pouvez-vous les transmettre au greffier avant le 15 janvier? Cela vous laisse‑t‑il assez de temps pour déposer les renseignements que je vous ai demandés tout à l'heure?
    Les rapports que vous avez demandés... d'ici le 15 janvier?
    Oui.
    Oui.
    Merci.
    Il me semble que le Bureau de l'enquêteur correctionnel est intervenu en juillet 2022. Cependant, le rapport indique qu'une enquête était déjà en cours au sein du Bureau de l'enquêteur correctionnel.
    Quelle était la nature de cette enquête concernant Paul Bernardo?
    Je ne le sais pas.
    Le Bureau de l'enquêteur correctionnel vous a‑t‑il fait savoir qu'il menait une enquête? S'est‑il renseigné sur le processus d'établissement de la cote de sécurité de Paul Bernardo?
    Il n'a pas présenté de demande à mon bureau.
    Pouvez-vous vous engager à ce que votre bureau, sans divulguer de renseignement personnel, communique ces renseignements à ce comité, afin que nous puissions déterminer la nature de ces enquêtes et savoir ce qui a motivé le Bureau de l'enquêteur correctionnel à ouvrir cette enquête?
    Vous voulez savoir si nous avons reçu de la correspondance?
    Oui...
    Comme je l'ai dit, pas à ma connaissance, mais...
    ...si vous avez ces renseignements.
    Merci.
    Merci, monsieur Lloyd.
    Merci, madame Kelly.
    Nous passons maintenant à M. Schiefke.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence aujourd'hui et me joindre à mes collègues pour adresser mes pensées aux familles des victimes de M. Bernardo.
    Je vais vous adresser la plupart de mes questions, madame Kelly. La première concerne la peine maximale prévue par la loi canadienne. Elle a été appliquée à M. Bernardo. Est‑ce exact?
(1240)
    Oui.
    Depuis son incarcération, il y a 30 ans, il se trouve dans un établissement à sécurité maximale. Est‑ce exact?
    Oui, depuis 30 années consécutives.
    D'accord.
    Dans vos observations liminaires, vous avez parlé des outils actuariels et de l'échelle actuarielle que vous utilisez pour déterminer si un détenu doit être transféré ou non. Pouvez-vous me citer trois des facteurs que vous utilisez pour déterminer si un détenu doit être transféré d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne?
    Tout d'abord, il faut bien comprendre que les outils actuariels aident à ancrer le jugement clinique de l'agent de libération conditionnelle. Il s'agit vraiment d'un outil d'assistance.
    Nous examinons le degré d'adaptation au milieu carcéral et les incidents éventuels, les antécédents d'évasion, la stabilité dans la rue, la consommation d'alcool ou de drogue, l'âge au moment de la condamnation, le nombre de condamnations antérieures, la gravité de l'infraction actuelle, la durée de la peine et les manquements aux conditions.
    Madame Kelly, tous ces éléments ont été pris en compte pour déterminer que M. Bernardo devait être transféré d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne. Est‑ce exact?
    Oui.
    Pour prendre cette décision, attribuez-vous du poids à la couverture médiatique de tel ou tel détenu? Cela fait‑il partie de la discussion?
    Non.
    Attribue‑t‑on du poids, d'une manière ou d'une autre, à la volonté des représentants élus qu'un détenu soit incarcéré dans un type d'établissement particulier?
    Non.
    Accorde‑t‑on du poids à la volonté de tout ministre, quelle que soit son allégeance politique? Ce facteur jouerait‑il un rôle dans votre décision de transférer ou non un détenu?
    Non, car nous sommes guidés par la législation, les règlements et les politiques.
    Corrigez‑moi si je me trompe, mais votre priorité absolue, et celle de tous les employés des établissements pénitentiaires du Canada est d'assurer la sécurité des Canadiens. C'est la base de vos décisions.
    Tout à fait.
    Jusqu'à maintenant, vous avez fait... Nous avons constaté une réduction considérable du nombre de détenus qui se sont évadés, et je vous en félicite, vous et votre équipe. En 2006‑2007, nous avons atteint le nombre record de 38 détenus évadés, mais en 2016‑2017, leur nombre a atteint le niveau le plus bas en 20 ans, soit neuf évasions. Puis il y en a eu 13 en 2018‑2019, 12 en 2019‑2020 et 11 en 2020‑2021. Ce chiffre diminue régulièrement. C'est le résultat du bon travail que vous et votre équipe accomplissez, et je tiens à vous en féliciter.
    Ce que je veux faire pendant mon intervention — et c'est le message que j'aimerais vous transmettre, à vous et à votre équipe, dont j'ai dit qu'elle avait fait du bon travail pour assurer la sécurité des Canadiens —, c'est de mentionner qu'à mon avis, quelque chose a, malheureusement, été fait incorrectement dans ce cas‑là, et j'espère que c'est ce sur quoi porte le travail que vous et votre équipe réalisez en collaboration avec le comité multidisciplinaire. Le problème, c'est la manière dont les familles des victimes ont été traitées dans ce cas‑là. Elles ont été informées du transfert, le matin où il avait lieu, sans avoir reçu le moindre conseil qui pouvait s'imposer après avoir entendu cette nouvelle et l'avoir vue dans les médias. L'effet que cela a dû avoir sur eux... Je dis cela en tant que père, en tant que frère, en tant que fils et en tant que député représentant ma collectivité, Vaudreuil-Soulanges. Je ne peux pas imaginer l'effet que cela a dû avoir sur eux, et la journée qu'ils ont vécue.
    Il y a eu une omission dans ce cas‑là. Je suis heureux que vous le reconnaissiez, et j'espère vraiment — et je vous transmets ce message — que cette omission sera au cœur des travaux que ce comité réalise et qu'une diligence raisonnable sera mise en place pour garantir que les familles et les victimes seront traitées avec plus de diligence et d'attention à l'avenir.
    C'est ainsi que je souhaitais utiliser ma série de questions aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.
    Merci.
    Est‑ce tout? Je vous remercie, monsieur Schiefke.
    Nous allons poursuivre nos délibérations.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Kelly, le comité d'examen qui s'est penché sur le cas de Paul Bernardo a formulé deux recommandations. La première était que Service correctionnel Canada communique les conclusions de cet examen et les recommandations formulées aux victimes inscrites, et ce, avant toute divulgation d'information aux médias ou d'autres membres du public. Vous avez mentionné l'avoir fait.
     La seconde recommandation était que Service correctionnel Canada renforce la notification aux victimes et l'engagement de ces dernières en mettant sur pied un comité qui se consacrera à ces efforts. Vous avez mentionné l'avoir fait également.
    Concrètement, qu'est-ce qui a été mis en place au sein de votre organisation depuis la formulation de ces deux recommandations?
     Comme je l'ai dit, on a mis sur pied ce comité, qui a tenu des réunions, pour parler notamment de la communication d'information et du moment opportun pour le faire. Différentes mesures ont été prises et Mme Gagnon pourrait en dire plus.
(1245)
    Madame Kelly, vous dites que vous appuyez les recommandations et que vous êtes prête à les suivre.
    Toutefois, prenons du recul. Si le transfèrement de Paul Bernardo était à refaire aujourd'hui, est-ce que des choses seraient faites différemment? Si oui, lesquelles?
    Selon la directive ministérielle, quand on envisage le transfèrement d'un détenu, il faut vraiment communiquer avec les victimes, les aviser du processus, leur parler et leur demander si elles veulent mettre à jour leur déclaration. Je pense que c'est vraiment important. J'ai eu la chance de parler aux victimes et je pense que ces changements vont être une bonne chose.
    En lien avec ces recommandations, que diriez-vous de la confiance du public envers le système de justice et Service correctionnel Canada? Quel message aimeriez-vous envoyer à la population aujourd'hui, concernant ces façons de faire, qui pourraient être différentes et améliorées à l'avenir?
    J'ai passé tellement de temps avec Service correctionnel Canada. Il est difficile d'entendre que les Canadiens n'ont plus confiance en nos décisions. Comme commissaire, je ne veux pas que ce soit ainsi. J'invite tous les membres du Comité à venir dans nos établissements pour voir le travail que nous y faisons.
     Je suis très ouverte aux propositions d'amélioration. S'il y a des choses à améliorer, je pense qu'on devrait le faire. C'est ce que nous ferons aussi pour les victimes.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Kelly.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Barron pendant deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Kelly, je ne me souviens pas si vous avez dit que vous avez passé 41 ou 42 ans...
    C'est 40 ans.
    En 40 ans, je suis certaine que vous avez accumulé une mine d'informations que vous pourriez nous communiquer. Je suis simplement curieuse de savoir si, au cours de ces 40 années, vous avez constaté des tendances ou des changements dans le traitement des détenus liés à la sécurité nationale, où leur classement aurait été annulé ou ils auraient été transférés dans des endroits ayant un niveau de sécurité inférieur. Avez-vous remarqué une augmentation de ce phénomène récemment? Avez-vous une idée à ce sujet?
    Non, en fait... Évidemment, lorsque j'ai commencé à travailler dans cet organisme, nous devions produire nos rapports par écrit. Il n'y avait pas d'ordinateurs. Il n'y avait pas de médias sociaux. Cependant, j'étais au fond une agente de libération conditionnelle — c'est ainsi que j'ai commencé. Nous faisions la même chose. Nous évaluions les zones. Nous transférions les détenus dans des établissements à sécurité minimale.
    En fait, je dirais qu'au début des années 1980, il y avait beaucoup plus d'évasions des établissements à sécurité minimale, par exemple. Je pense qu'il a été mentionné qu'il n'y a plus autant d'évasions. La population carcérale a cependant beaucoup changé depuis que j'ai commencé à travailler à SCC. Elle est beaucoup plus complexe.
    Je vous remercie...
    Je tiens à dire.... Je tiens à remercier notre personnel parce qu'il accomplit un travail phénoménal dans des circonstances très difficiles.
    Je vous remercie. Ces remerciements sont très appropriés.
    La question posée par l'un de mes collègues conservateurs à propos de l'électeur qui disait, « Si Paul Bernardo n'est pas incarcéré dans un établissement à sécurité maximale, alors qui devrait l'être? », m'a vraiment interpellée. Je nous entends parler des différences qui existent entre l'expérience qu'aurait vécue Paul Bernardo dans un établissement à sécurité maximale comparativement à celle qu'il aurait vécue dans un établissement à sécurité moyenne. Pourquoi y a‑t‑il des établissements à sécurité maximale si l'expérience dans ces établissements n'est pas différente? Je ne comprends pas cela.
    Un établissement à sécurité maximale semble être l'endroit idéal pour quelqu'un comme Paul Bernardo, qui ne montre aucun remords. Il représente un risque pour le public. Il représente un risque pour les autres détenus. Pourquoi n'est‑il pas incarcéré dans un établissement à sécurité maximale? Pour réitérer la question de mon collègue conservateur, s'il n'est pas incarcéré dans un établissement à sécurité maximale, alors qui l'est?
    Je n'ai que cinq secondes, alors je dirai très rapidement que les personnes détenues dans des établissements à sécurité maximale sont celles dont le comportement ne peut pas être géré ailleurs. Ils agressent les membres du personnel, jettent de l'urine sur eux, et se poignardent les uns les autres. Ces...
(1250)
     Je vous remercie, madame Kelly. Le temps qui nous était imparti est écoulé.
    Nous allons passer à Mme Thomas.
    Merci.
    Madame Kelly, vous avez commencé votre déclaration en disant que la sécurité des victimes continue d'être « une priorité ». Est‑ce vrai?
    Oui.
    Dans le cas de Paul Bernardo, les victimes n'ont été informées de son transfert qu'après coup ou peut-être au moment du transfert. Néanmoins, Paul Bernardo aurait été informé du transfert avant les victimes. Cela donne-t‑il l'impression que les victimes ont été prises en considération en premier?
    Tout d'abord, nous travaillons avec les délinquants. Comme différentes raisons motivent un transfert, les délinquants jouent assurément un rôle dans le processus.
    En ce qui concerne la notification des victimes, dans ce cas, nous les avons informées du transfert le matin même. Normalement, dans le cas d'un transfèrement dans un établissement à sécurité moyenne, nous les avisons après le transfert, conformément à la loi. Mais dans ce cas, en raison de la nature très médiatisée de l'affaire, nous les avons informées du transfert dans la matinée. Toutefois, en collaboration avec le comité multidisciplinaire que nous avons mis en place, ce sont des aspects dont nous discutons pour déterminer comment nous pourrions améliorer les renseignements fournis aux victimes.
    Je trouve intéressant que vous reveniez sans cesse sur les conclusions du comité multidisciplinaire, mais en même temps, vous semblez adopter une attitude très défensive lorsque la terminologie relative à l'équilibre est évoquée.
     Selon la formulation de la décision de la Cour suprême en 2012, il y aurait « un équilibre juste et proportionnel […] eu égard à l’affaire particulière dont la cour est saisie ».
    Elle utilise les mots « juste et proportionnel ». Le mot « proportionnalité » ne laisse pas entendre que la balance fonctionne comme cela, mais plutôt qu'il faut prendre en compte les facteurs qui pourraient faire pencher légèrement la balance. Voilà l'équilibre dont traite la décision que la Cour suprême a prise en 2012.
    Dans le cas qui nous occupe, la balance a penché du côté de Paul Bernardo et non du côté des familles des victimes. Pourquoi est‑ce le cas?
    Je précise encore une fois que, dans ce cas, nous avons procédé à la classification de sécurité. Nous avons procédé au transfert et, conformément à la loi, nous avons informé les victimes le matin même, mais à l'avenir — et c'est ce que je disais en français —, lorsque nous envisagerons ou soutiendrons un transfert, nous communiquerons avec les victimes pour qu'elles aient la possibilité de mettre à jour leur déclaration.
    Je pense que c'est une bonne idée, et nous sommes très réceptifs à cette idée.
    Cependant, M. Bernardo est passé une fois de plus avant les victimes. Pourquoi?
    Je ne dirais pas qu'il est passé avant les victimes. Là encore, nous...
    Diriez-vous que le fait d'informer les victimes après ou pendant le transfert les plaçait dans une situation équitable?
    Tout d'abord, avant de prendre la décision de le transférer, nous aurions également pris en compte toutes les déclarations des victimes. Cela aurait, sans aucun doute, fait partie de la...
    Pour être claire, madame Kelly, vous dites que vous avez pris en compte leurs déclarations et que, compte tenu de ces déclarations, vous avez déterminé qu'il était dans leur intérêt d'être mis au courant, soit pendant le transfert, soit après celui‑ci. En vous fondant sur les déclarations des victimes, vous avez décidé que c'est ce qui était dans leur intérêt.
    Non, ma réponse comporte deux volets.
    Si les victimes présentent une déclaration, qui a été actualisée, celle‑ci est prise en compte dans le cadre du processus de transfert.
    En ce qui concerne la notification, une fois que la décision de le transférer a été prise, nous avons suivi la loi et les politiques. Cependant, à l'avenir...
    Madame Kelly, je comprends ce que vous dites. Je comprends vos intentions pour l'avenir. J'espère qu'elles sont vraies, mais ce que je vous ai entendu dire à maintes reprises aujourd'hui...
    Je voudrais faire un rappel au Règlement, monsieur le président. Je pense que ma collègue harcèle le témoin, et je soutiens que ce n'est pas approprié.
    Je vous remercie, monsieur McKinnon.
    Veuillez poursuivre, madame Thomas.
    Merci.
    Néanmoins, les propos que j'entends aujourd'hui indiquent que, dans ce cas, M. Bernardo a été privilégié par rapport aux victimes.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Tony Baldinelli.
    Vous disposez de 30 secondes, monsieur Baldinelli.
    Pour m'appuyer sur les observations de mon collègue, Benjamin Roebuck, je précise rapidement que l'ombudsman fédéral a déclaré ce qui suit à propos de la décision et du transfert: « Le système établit un mauvais équilibre entre les droits des victimes et les droits à la vie privée des prisonniers », ce qui indique que le système est déséquilibré. Cela nous amène à nous poser la question suivante: à qui sert le système de justice?
(1255)
    En ce qui nous concerne, nous prenons évidemment en considération la protection du public, de notre personnel et de nos institutions. Nous travaillons également avec les victimes, et nous leur fournissons des informations.
    Huit mille victimes sont enregistrées auprès de nous, et nous transmettons environ 40 000 communications par année à leur intention.
    Je vous remercie de votre réponse. Le temps qui nous était imparti est écoulé.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme O'Connell.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie encore une fois de répondre à toutes nos questions. Je pense que ces réponses sont très utiles.
    Je souhaite donner suite à la dernière question que Mme Barron vous a posée et à laquelle vous répondiez lorsque vous avez été interrompue.
    Au début des témoignages, nous avons parlé du fait que l'incarcération dans un établissement à sécurité maximale ou un établissement à sécurité moyenne n'est pas une extension de la peine infligée à un délinquant donné. Vous avez commencé à expliquer ce concept. Je ne crois pas que les Canadiens fassent nécessairement preuve de méfiance à votre égard. Ils ont juste une mauvaise compréhension du fonctionnement interne des services correctionnels.
    Vous parliez des types de détenus qui seraient soumis à un régime de sécurité maximale. Pouvez-vous poursuivre cette réponse? Je l'ai trouvée très utile.
    Je mentionne très rapidement que plus de 95 % des détenus des établissements à sécurité maximale sont des détenus dont nous ne pouvons pas contrôler le comportement autrement que dans cet environnement. Comme je l'ai indiqué, ils agressent les membres du personnel. Ils agressent d'autres détenus. Ils font du trafic de drogue. Ils doivent être soumis à un degré élevé de contrôle et de surveillance.
    Paul Bernardo n'appartient pas à cette catégorie. Je précise encore une fois que je sais qu'il a commis des crimes horribles. Aujourd'hui, il est incarcéré dans un établissement à sécurité minimale, mais il y a des délinquants qui n'atteignent jamais le niveau de sécurité minimale...
    De sécurité moyenne.
    Oui, il est dans un établissement à sécurité moyenne, mais il y a des délinquants qui n'atteignent jamais le niveau de sécurité minimale.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Je crois qu'un argument crucial qu'il faut faire valoir, c'est le fait qu'une ingérence dans ce processus de classification pourrait en fait mettre en danger nos employés des services correctionnels, et que ce processus n'est pas lié à la détermination de la peine, mais plutôt à une question de sécurité surtout pour les personnes qui servent les Canadiens et qui font un travail incroyablement difficile en s'occupant des personnes qui ont commis les crimes les plus odieux qui soient.
    Il y a des gens qui travaillent dans ces institutions. Un élément fondamental de la sécurité maximale par rapport à la sécurité moyenne consiste-t‑il à s'assurer que les bonnes classifications et les bonnes mesures de sécurité sont appliquées à ceux qui présentent le plus grand risque et à faire en sorte que ces paramètres soient mis en place essentiellement pour assurer la sécurité et la protection de nos employés dans l'exercice de leurs fonctions?
    Absolument. C'est un environnement très difficile. Toutefois, comme je l'ai dit, les établissements à sécurité maximale sont destinés à ceux dont le comportement ne peut être contrôlé ailleurs.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Lorsqu'un détenu est transféré dans un établissement à sécurité moyenne, par exemple, les périmètres sont toujours sécurisés pour maintenir l'absence de risque pour la sécurité publique, mais les mesures d'incitation à la bonne conduite encouragent également les détenus à ne pas attaquer les agents des services correctionnels. Les limites sont toujours contrôlées afin d'éviter tout risque d'évasion ou de rendre le séjour en prison plus confortable. La sécurité moyenne fonctionne comme un mécanisme visant à modifier les comportements des détenus, afin de garantir la sécurité des agents des services correctionnels.
    Tout à fait.
    Nous travaillons avec les délinquants au moyen de programmes, d'interventions et de services. L'objectif est toujours de leur permettre d'acquérir certaines compétences et de passer à un niveau de sécurité, disons, moyen.
    De nombreux délinquants détenus dans des établissements à sécurité maximale purgent des peines d'une durée déterminée et seront mis en liberté un jour. Nous voulons nous assurer que, lorsqu'ils le seront, ils seront dans un meilleur état que lorsqu'ils sont entrés dans ces établissements, afin de garantir la sécurité du public.
(1300)
    Je vous remercie de votre réponse. J'estime que c'est certainement le cas. Nous pourrions probablement avoir toute une conversation portant sur les peines d'une durée déterminée et les détenus, mais dans le cas présent, où la peine est d'une durée indéterminée, on pourrait se dire: « Qu'est‑ce que ça peut faire? S'il s'agit d'une personne qui ne pourra jamais être réadaptée, il n'y a aucun avantage à travailler avec elle ».
    Toutefois, si l'avantage consiste à garantir un comportement qui assure la sécurité des agents des services correctionnels, alors c'est avantageux.
     Absolument.
    L'avantage est de s'assurer que le comportement n'entraîne pas plus de violence au sein du système et plus de violence envers des victimes innocentes — c'est-à-dire celles qui, franchement, font un travail incroyablement difficile au nom des Canadiens, afin que ces détenus soient en sécurité et ne présentent pas un risque pour la sécurité publique.
    Je vous remercie de vos réponses.
    Je vous remercie, madame O'Connell.
    Je vous remercie également, madame Kelly, de votre coopération et de vos réponses.
     De plus, nous remercions tous les gens assis au bout de la table.
    Pour l'instant, cela met fin à la séance. Je vais chercher à obtenir votre accord pour lever la séance.
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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