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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 57e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Soulignons tout d'abord que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 3 février 2023, le Comité amorce son étude sur les effets des amendements retirés — G‑4 et G‑46 — au projet de loi , Loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence liés aux armes à feu.
Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nous allons tout de suite présenter le premier.
Pendant la première heure, nous accueillons le Centre islamique de Québec et PolySeSouvient. Nous recevons également, à titre personnel, M. Jim Shockey, qui est guide et pourvoyeur. Chaque organisation pourra prononcer une déclaration de cinq minutes.
Je crois que le Centre culturel islamique et PolySeSouvient vont mettre leur temps imparti en commun. Vous disposez en tout de 10 minutes. Je vais vous laisser vous partager le temps comme bon vous semble, et je vous arrêterai au bout de 10 minutes. Nous allons commencer par vous, puis nous écouterons M. Shockey par la suite.
Veuillez commencer. Vous disposez de 10 minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, je tiens tout d'abord à mentionner la présence parmi nous d'un représentant de la communauté de Polytechnique, M. Serge St‑Arneault. Pour ma part, je représente la communauté musulmane de Québec et la Mosquée de Québec.
Nous voici encore une fois devant vous. Nous sommes d'accord pour dire qu'il est important de tenir ces consultations, car le débat sur l'interdiction des armes d'assaut, il ne faut pas se le cacher, semble avoir dérapé vers des enjeux purement politiques au lieu de se concentrer sur l'importance d'éliminer les armes de guerre de notre société. Je pèse bien mes mots lorsque je dis qu'il s'agit d'armes de guerre.
Permettez-moi de rappeler encore une fois — il est très important de le faire — qu'il y a à peine deux mois, dans le cas des gens de Polytechnique ici présents, et à peine deux semaines, dans le cas des gens de la mosquée que je représente, nous nous remémorions les 20 morts de l'attentat. Il s'agit de 14 jeunes filles qui auraient pu être aujourd'hui des expertes en ingénierie et travailler, pour notre bien, dans le domaine des ponts, de l'aviation ou dans d'autres domaines, et de six pères de famille qui auraient pu avoir la joie de voir leurs enfants aller sereinement à l'école. On parle ici de 20 morts, sans oublier les blessés et les rescapés avec qui nous partageons la douleur, le chagrin et un cœur brisé par le feu inhumain des armes.
Cela fait plus de trois décennies que des victimes de tueries de masse commises avec ce type d'armes luttent pour une telle interdiction. Il s'agit de 33 ans dans le cas de Polytechnique. J'ai honte lorsque je pense que, dans un pays comme celui-ci, après 33 ans de lutte, nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord. Nous luttons et ils et elles luttaient uniquement pour faire en sorte que les armes ne circulent pas et que les mêmes événements, le même chagrin qu'ils ont connus à Polytechnique ne se répètent pas. On parle de 16 ans dans le cas du Collège Dawson et de six ans dans celui de la Mosquée.
Or, bien que toutes nos démarches soient appuyées par la grande majorité des Canadiens, qui ne veulent pas de ces armes, j'en suis sûr, nous devons encore revenir au Parlement, devant vous, pour faire valoir l'importance d'interdire les armes d'assaut. Tout cela est lamentable du point de vue des victimes comme nous et des citoyens ordinaires, qui se demandent encore pourquoi ces armes n'ont pas été interdites immédiatement, malgré ces massacres. La Nouvelle‑Zélande et l'Australie, en revanche, sont un exemple patent. Elles ont en effet mis en vigueur cette interdiction juste après la tragédie de Christchurch et celle de Port Arthur, que vous connaissez.
Pourtant, le Canada est situé à côté d'un pays que je ne nommerai pas, mais qui fait état de résultats et d'effets désastreux dus à un accès facile aux armes, et aux armes d'assaut, notamment. En 2020, 647 tueries de masse ont été commises avec des armes à feu, dont des armes d'assaut, aux États‑Unis. C'est presque deux tueries par jour. Voulons-nous que la même chose se passe ici, chez nous, au Canada? Non.
Des écoliers et des enseignants sont assassinés dans leurs écoles, des personnes dans leurs lieux de prières et d'autres sur leurs lieux de travail. Je dois souligner ce qui suit pour, encore une fois, nous secouer et nous faire comprendre que nous ne sommes pas en train de défendre ici un lobby. Nous ne sommes pas des lobbyistes: nous sommes des gens qui crient, avec tout leur cœur, pour que ces armes ne circulent pas dans nos rues, que nos enfants ne soient pas tués et que les travailleurs ne le soient pas non plus. Nous le faisons tout en respectant les chasseurs, tout en respectant les autres. Mes amies ici présentes vont vous donner plus de détails.
C'est ce que nous voulons éviter pour le Canada ainsi que pour nos enfants afin d'assurer un avenir meilleur. Je suis convaincu que si chacun des partis politiques y met un peu du sien, nous aurons, j'en suis convaincu, la joie d'assister à l'adoption de ce projet de loi, qui est notre seule chance de voir interdire les armes d'assaut, et ce, pour notre bien à tous.
S'il vous plaît, mettez-vous au travail. Je dirais même, mettons-nous au travail pour y arriver. C'est tout ce que je voulais vous dire, de bon cœur, en espérant que vous allez nous aider à arriver au résultat attendu.
Je cède maintenant mon temps de parole restant à mes collègues de PolySeSouvient, Nathalie Provost et Heidi Rathjen, ici présentes.
Merci, mesdames et messieurs.
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Bonjour et merci, monsieur le président.
En 1991 et en 1995, les gouvernements conservateur et libéral, respectivement, ont interdit une liste d'armes d'assaut. Cependant, à cause de l'absence de définition globale et permanente dans la loi, de nouveaux modèles d'armes d'assaut ont progressivement envahi le marché canadien.
Entendez-moi bien, s'il vous plaît. Sans définition dans la loi, les manufacturiers vont continuer à produire de nouveaux modèles, et un retour en arrière sera beaucoup plus facile sous un gouvernement qui ne partagerait pas les mêmes valeurs de sécurité publique. Pour nous, l'objectif est la permanence. Nous n'en pouvons plus de refaire ce chemin de croix.
Depuis 2015, le Parti libéral a été élu trois fois avec la promesse d'interdire les armes d'assaut. Le Bloc et le NPD ont partagé cet engagement, mais les progrès se font lentement. Ce n'est que maintenant, au cours de son troisième mandat, que le gouvernement tente de respecter sa promesse. Les amendements G‑4 et G‑46 au projet de loi font en sorte que le Canada n'a jamais été aussi près d'une interdiction complète et permanente des armes d'assaut.
Je vous rappelle que cette mesure constitue la première demande des étudiants de Polytechnique Montréal et des familles des victimes depuis janvier 1990. Heidi et moi étions à la première conférence de presse où cette demande a été faite. Nous avons appuyé la stratégie globale du gouvernement annoncée en mai 2022, parce qu'elle comprend le rachat obligatoire, la promesse d'une interdiction permanente ainsi que le resserrement réglementaire pour les chargeurs d'armes à grande capacité.
Nous avons pu compter sur l'appui indéfectible du Bloc québécois depuis 1990, et nous comprenons aujourd'hui que le chef du NPD aurait appuyé nos demandes. S'il vous plaît, en comité, nous vous demandons de travailler à répondre à la demande des Canadiens d'interdire les armes d'assaut, de décortiquer les amendements retirés de façon que les Canadiens comprennent bien leur véritable nature et leurs effets. C'est sur un fondement solide, scientifique, rationnel, ancré dans des faits que de nouveaux amendements clairs et améliorés pourront être adoptés. Nous y tenons.
Nous espérons aujourd'hui que ces consultations extraordinaires viseront, d'abord et avant tout, à éclaircir les répercussions réelles des amendements G‑4 et G‑46 puisque tout nouvel amendement devrait s'appuyer sur des inquiétudes véritables et légitimes.
Bien que nous soyons ouverts à la possibilité que les amendements proposés aient englobé des fusils de chasse légitimes, rien n'indique jusqu'à présent que c'eut été le cas. Au contraire, une analyse détaillée des allégations formulées par un des groupes du lobby des armes à feu les plus militants — une analyse validée par la GRC — démontre que tous ses arguments sur les fusils de chasse interdits s'avèrent soit faux soit trompeurs.
En effet, de tous les modèles figurant dans leurs mèmes, vidéos et affiches, un seul serait touché par un projet de loi amendé: le SKS, qui est manifestement une arme militaire. Ce modèle a fait l'objet d'une exemption dans le décret de 2020 parce qu'il n'est pas de conception moderne.
La classification de tous les autres modèles présentés dans les médias sociaux, vidéo et plateformes du groupe de lobbyistes ne changerait pas. En effet, l'amendement G‑46 incorporait les décrets de 2020, y compris les variantes, pour plus de clarté, c'est-à-dire les modèles dont les versions de calibre militaire sont interdites depuis près de trois ans et dont les versions de calibre de chasse demeurent utilisées pour la chasse, légales et sans restriction. Des experts gouvernementaux ont témoigné de ces faits devant ce comité et, comme je l'ai dit, notre évaluation a été validée par la GRC.
Nous croyons que cette mésinformation, d'une considérable ampleur, a provoqué des craintes répandues et injustifiées chez les chasseurs, qui ont donc inondé les députés de courriels, d'appels et de lettres. À notre avis, cette manifestation de craintes a probablement entraîné le retrait des deux amendements. J'espère que ce comité cherchera à démythifier cette désinformation dans l'intérêt de tous.
Cela dit, nous reconnaissons qu'un écueil important réside dans le manque de clarté entourant ces amendements. Les propositions législatives étaient particulièrement difficiles à comprendre. Nombreux sont ceux qui croient que toutes les versions des modèles énumérés dans l'amendement G‑46 seraient interdites, alors que les fonctionnaires ont témoigné du contraire. Par conséquent, nous sommes entièrement en faveur de réviser le libellé des deux amendements afin de les simplifier et de faciliter leur compréhension.
De plus, nous demeurons persuadés que les amendements ne visaient pas à interdire des armes à feu utilisées de façon raisonnable pour la chasse. Nous avons ouvertement appuyé l'idée d'exempter des modèles précis si certains d'entre eux se retrouvaient à tort dans le groupe des modèles interdits. Il convient toutefois de noter que le simple fait que certains chasseurs se servent d'une arme pour leur passe-temps ne signifie pas qu'elle est une arme de chasse. Pour illustrer mon argument, pensons au lobby des armes à feu qui considère que le modèle AR‑15 et même les armes de poing conviennent à la chasse. C'est la raison pour laquelle il importe de parler d'usage raisonnable, une expression qui existe également dans le Code criminel.
Nous reconnaissons qu'il faut tenir compte d'enjeux propres aux droits de chasse des peuples autochtones...
Dans ma hâte de commencer la réunion, j'ai omis de vous présenter individuellement.
Nous recevons M. Benabdallah, porte-parole du Centre culturel islamique de Québec. Nous accueillons également les représentantes de PolySeSouvient: la coordonnatrice, Heidi Rathjen; et la porte-parole, Nathalie Provost. Je suis désolé de cet oubli.
Nous allons maintenant enchaîner avec M. Shockey.
Nous vous écoutons pendant cinq minutes.
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On m'a présenté comme étant un guide de chasse, mais je suis en fait un chasseur.
Pour vous donner une idée de mon statut dans le monde de la chasse, je vous dirai qu'on m'a décerné le prix du chasseur professionnel de l'année, ou Professional Hunter of the Year award, en 2009; les prix du chasseur international de l'année, ou International Hunter of the Year award, et de la conservation et de la chasse mondiales, ou World Conservation and Hunting award, en 2012; le prix Conklin en 2016 pour les normes les plus élevées et la chasse éthique et équitable; et le prix Ovis pour la chasse équitable et la pleine intégrité en 2018. J'ai aussi remporté le prix Weatherby en 2018, faisant de moi le deuxième Canadien seulement en sept ans à recevoir ce prix. Je suis un chasseur.
J'ai aussi produit plus de 500 épisodes de contenu télévisuel en plein air et je travaille de près avec les communautés inuites et de Premières Nations dans le Nord. J'ai rédigé plus de 1 000 articles et de publications sur le plein air. Sur une note personnelle, je suis marié depuis 38 ans à mon âme sœur et j'ai deux enfants et quatre petits-enfants. Fait d'autant plus important pour ce comité, je m'inquiète de plus en plus gravement de la sécurité de ma famille, ici au Canada, et pour la sécurité publique de mes concitoyens canadiens.
Toutefois, en tant que chasseur, je veux clairement indiquer à ce comité que, bien que des gens comme moi adoptent le mode de vie du terrain à l'assiette — nous allons sur le terrain pour chasser ce que nous mangeons —, nous ne sommes pas vos ennemis. Les chasseurs ne sont pas les ennemis à cibler dans ce contexte, et nos armes à feu ne représentent pas une menace à la sécurité du Canada et des Canadiens.
Je vais aborder certains des enjeux du projet de loi qui nous inquiètent, nous, les chasseurs.
Les armes semi-automatiques sont-elles populaires? Oui, elles le sont. On s'en sert couramment pour chasser diverses espèces animales, dans des conditions très variées. Afin d'obtenir un permis de chasse, les chasseurs doivent réussir des tests et faire l'objet de vérifications. Ils sont les mieux placés pour savoir quelle arme convient à un objectif donné. Je n'utilise pas d'armes. Je ne pense pas que ces armes à feu sont considérées comme des armes dans le Code criminel canadien. Vous pouvez le confirmer. Les fusils semi-automatiques et les fusils de chasse sont monnaie courante.
La majorité des activités de pourvoirie dont je m'occupe ont lieu dans des communautés éloignées, principalement dans des territoires inuits ou de Premières Nations. Les retombées économiques que génèrent les chasseurs qui visitent ces endroits, surtout des États-Unis... Ils utilisent souvent leurs fusils semi-automatiques. Je crains que l'adoption éventuelle du projet de loi entraîne un boycottage de la part des chasseurs américains. Les répercussions pour ces communautés éloignées, qui ont besoin de cette contribution en dollars américains, seraient désastreuses.
Soit dit en passant, la viande des animaux chassés dans ces communautés est donnée aux communautés, aux aînés y résidant. Dans le territoire de chasse et pêche de la rivière Rogue, nous donnons plusieurs tonnes de viande aux aînés qui ne peuvent pas chasser. Nous leur fournissons des pièces traditionnelles des animaux — le nez, la crépine — qu'ils ne peuvent chasser, mais dont ils dépendent.
Les fusils semi-automatiques représentent le meilleur moyen de défense pour se protéger contre les animaux dangereux et d'autres menaces. Le gouvernement du Yukon a en fait choisi les AR‑10... Je crois que c'est le nom du modèle retenu. Je suis un chasseur, pas un expert en armes à feu, mais je crois que le gouvernement du Yukon a choisi ce modèle pour ses agents de conservation, après que des études ont prouvé qu'il s'agit de l'arme à feu à privilégier. Ces travailleurs se retrouvent dans des situations dangereuses.
Je ne veux pas accaparer trop de votre temps. Je le répète: je suis un chasseur et, manifestement, je détonne parmi vous tous. Je remarquerais au passage que, de ce côté, il ne s'agit pas de défenses d'éléphant, mais plutôt de défenses de mammouth laineux. Vous avez mentionné le respect pour les chasseurs. C'est important, à mon avis. Tout le monde comprend que les chasseurs ne représentent pas une menace à votre sécurité ou à la sécurité nationale du pays. Nous nous sentons toutefois vilipendés et marginalisés. Plus récemment, nous nous sommes sentis attaqués. Nous ne sommes pas des ennemis. Nous aimons notre pays. Bien évidemment, il est fondamentalement répréhensible et terrible de voler une vie, mais il est également répréhensible de voler un mode de vie.
Je reviens au respect pour les chasseurs. Je suis ici parce que j'aimerais être respecté. Je parle pour les chasseurs partout au Canada. Nous avons l'impression d'être devenus des criminels avec ce débat. Je pense qu'il y a des lacunes graves dans le projet de loi . J'entends et je comprends ce qu'ont dit les témoins précédents, mais il y a des contrevérités dans ce discours.
Le président: Pourriez-vous conclure, monsieur?
M. Jim Shockey: Je parle à titre de chasseur et au nom de la communauté des chasseurs. Comme vous l'avez vu lorsque vous avez tenté d'adopter les amendements, nous avons peur et ce n'est pas nous, le problème.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être parmi nous.
Merci, monsieur Shockey, d'être en ligne.
J'aimerais dire que je suis ravie des propos honnêtes. Je sens que tout le monde parle avec son cœur. Je comprends les sentiments très vifs qui sont exprimés ici.
Je parle au nom de notre équipe en affirmant que nous voulons que le dialogue et la consultation d'aujourd'hui et des prochaines séances se fassent dans le respect. Je vous suis reconnaissante du ton que vous avez tous adopté pour démarrer ce processus de consultation aujourd'hui.
Monsieur Shockey, j'ai quelques questions pour vous d'abord.
Vous avez parlé de l'incidence économique de la chasse dans le Nord. Je ne connais pas très bien le contexte. Je ne viens pas du Nord. Je viens d'une région rurale du Manitoba. Toutefois, je comprends qu'une grande partie de l'alimentation des Autochtones — des dizaines de milliers de livres de viande qui sont fournies — dans le Nord du Canada, particulièrement là où se trouve votre pourvoirie, vient des chasseurs américains auxquels votre pourvoirie sert de guide. Est‑ce exact?
Les Américains nous apportent une contribution très positive dans les collectivités éloignées du Nord. Un témoin a parlé d'un nom qu'il ne voulait pas mentionner, mais je vais le faire. Les Américains viennent et dépensent de l'argent. Pour la population, c'est un énorme avantage économique. La vaste majorité des Américains qui viennent donnent la viande aux aînés de ces communautés.
Dans mon cas, sur le territoire de la pourvoirie de la rivière Rogue, au Yukon, ce sont les aînés de la bande de Mayo qui reçoivent la viande. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas que la viande à proprement parler, comme des steaks. Nous récupérons la crépine, les reins, le diaphragme, le nez... Les chasseurs américains donnent toutes ces parties aux aînés, ce qui leur permet de maintenir leur style de vie traditionnel, même s'ils sont trop vieux pour aller chasser eux-mêmes.
Je vous remercie pour ces renseignements. C'est un aspect très important. Aucune évaluation économique de ces amendements n'a été faite. Je crois qu'il s'agit d'un aspect important, s'il devait y avoir des conséquences sur des bandes, de reconnaître ces conséquences et les moyens pour les atténuer.
Quelle est la proportion de chasseurs américains dans votre pourvoirie? Je sais qu'il y a des milliers de pourvoiries. Je sais très bien que les pourvoiries dans les régions rurales du Nord du Manitoba profitent grandement de la présence des chasseurs américains. Quand la frontière a été fermée en raison de la COVID, la situation a été très difficile pour elles, tout comme pour les guides autochtones qu'elles emploient.
Pourriez-vous me donner une estimation de la proportion d'Américains parmi les chasseurs qui se rendent chez vous?
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je voudrais d'abord vous remercier d'être ici avec nous. Il est évident que les expériences et la tragédie que vous décrivez vous font revivre des moments difficiles. Il nous est impossible de comprendre l'ampleur des difficultés et de la tristesse que vous revivez chaque fois que vous êtes ici avec nous.
Cependant, il est très important pour nous de prendre votre expérience en considération dans nos délibérations. Je vous remercie encore une fois de votre présence.
[Traduction]
Je voudrais d'abord vous remercier de nous faire part de votre point de vue et de prendre le temps d'être parmi nous sur un sujet que je sais être extrêmement difficile.
Je l'ai répété à de nombreuses reprises, et d'autres l'ont dit également: l'intention de ce projet de loi n'était pas de retirer leur droit de chasse aux peuples autochtones. Il ne visait pas non plus à nuire aux chasseurs et aux agriculteurs. Il est très important, à mon avis, d'affirmer dès le départ qu'il nous faut nous assurer, au fil de la discussion, de ne pas oublier la mémoire des victimes et de ne pas emprunter une voie qui n'éradiquera pas les massacres comme ceux de la mosquée de Québec et de l'École Polytechnique. Il nous faut trouver une façon d'atteindre ce but ensemble, et je suis reconnaissant qu'il s'agit de l'approche que nous ayons tous adoptée aujourd'hui.
Peut-être pourrais‑je demander à Mme Rathjen — nous avons abordé ce sujet ensemble précédemment —quelle est la meilleure façon de tenir compte de la question des droits des peuples autochtones et de nous assurer que la loi, quelle qu'elle soit, continue de garantir leur droit de chasse et ne leur complique pas la tâche inutilement.
Monsieur Benabdallah, il y a quelques semaines, nous avons souligné le sixième anniversaire du massacre de six personnes à la mosquée de Québec. Comme vous l'avez mentionné, il y a à peine quelques mois, nous nous sommes remémoré les femmes tuées à l'École Polytechnique. Je suis toujours frappé par le fait que, dans les deux situations, une arme en possession légale d'un soi-disant propriétaire d'arme à feu respectueux de la loi est responsable du massacre.
De nombreuses années après la Polytechnique, qu'est‑ce que vous avez retenu et qu'a retenu votre communauté du fait qu'une personne qui s'est procuré une arme à feu de façon légale entre dans la mosquée et commette un acte pareil?
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C'est un souvenir qui n'arrête pas de nous hanter, chaque année.
Le tueur qui s'est présenté à la mosquée avait un arsenal, dont plusieurs armes de poing et une arme d'assaut. Quand l'arme d'assaut s'est enrayée, il a utilisé les armes de poing. Quarante-huit balles ont été tirées et ont fait six morts. Il y a une victime, encore en fauteuil roulant, qui a reçu six balles dans le cou et une septième ailleurs qui se fait toujours sentir.
Si l'arme d'assaut de cet individu avait fonctionné, il y aurait eu au minimum 50 décès. Tout le monde était dans le fond de la mosquée. Heureusement qu'elle s'est enrayée. Il l'a jetée sciemment par terre et a pris ses armes de poing.
C'est tout cela qui reste dans la mémoire des amis, des familles, de ceux qui étaient là et qui doivent imaginer ce qui serait arrivé si l'arme d'assaut avait fonctionné et ce qu'ils auraient récolté. Ils se disent qu'ils ne seraient pas là à commémorer cet événement, mais qu'ils seraient dans des cercueils, sous terre. C'est cela que nous voulons faire valoir.
Voulons-nous que les choses continuent comme cela?
Voulons-nous être comme les États‑Unis?
Nous ne sommes pas contre les chasseurs, nous l'avons dit. Nous ne sommes pas contre les Autochtones, nous l'avons dit, monsieur le chasseur. Vous êtes un chasseur invétéré qui a une grande expérience. Jamais, lors de nos discussions, nous ne nous sommes opposés aux chasseurs. C'est de la diffamation, pour nous, que de dire le contraire. C'est comme si nous, qui avons subi les conséquences de cette attaque, étions contre les chasseurs. Quelle impression allons-nous donner à la population? Jamais nous n'avons été contre les chasseurs, jamais nous n'avons été contre les Autochtones, sur la terre desquels nous sommes, vous et moi.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. Nous leur sommes très reconnaissants d'avoir accepté de comparaître devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Vous êtes encore ici, alors que vous nous aviez dit à quelques reprises à quel point il était important de légiférer sur les armes à feu en général, et sur les armes de poing et d'assaut en particulier.
Vous êtes ici à nouveau parce que j'ai proposé à mes collègues du Comité de réentendre des témoins à la suite des amendements qui avaient été déposés par le gouvernement pour légiférer sur les armes d'assaut.
Le Comité ne faisait pas nécessairement de progrès à la suite du dépôt de ces amendements, parce que ceux-ci changeaient du tout au tout le projet de loi. Vous le savez, au départ, le projet de loi portait majoritairement sur les armes de poing. Le gouvernement a proposé de nouveaux amendements en novembre, alors que le projet de loi avait été déposé en mai, avec des amendements substantiels sur les armes d'assaut.
Vous êtes en faveur d'une interdiction des armes d'assaut. Le Bloc québécois aussi; nous l'avons dit à maintes reprises. Or nous nous sommes retrouvés en quelque sorte dans une impasse. C'est pour cette raison que nous avons proposé de recevoir d'autres témoins. Entre-temps, le gouvernement a retiré les amendements G‑4 et G‑46, il y a quelques jours, en disant qu'il n'avait pas suffisamment consulté les groupes concernés et la population.
De ce que je comprends, lors du dépôt du projet de loi, il y a eu une couverture médiatique. Le gouvernement semblait avoir fait la promesse à certains groupes d'inclure l'interdiction des armes d'assaut dans le projet de loi. Le gouvernement disposait alors d'environ cinq mois pour produire un projet de loi bien ficelé mais, malheureusement, ce n'est pas nécessairement ce que nous avons vu.
Je vais poser une question à laquelle pourront répondre les témoins de PolySeSouvient et, ensuite, M. Benabdallah.
Comme le gouvernement vous avait promis de mettre en avant une interdiction des armes d'assaut, voyez-vous le retrait des amendements G‑4 et G‑46 comme une promesse rompue?
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De ce que nous comprenons, le jour où les amendements ont été retirés, le gouvernement, du moins M. Trudeau et le ministre, s’est engagé à réessayer. La façon dont cela a été fait a été problématique, ce qui ne nous concerne pas, mais ils veulent toujours travailler avec les deux autres partis qui, lors des trois dernières élections, se sont aussi engagés à appuyer ou à adopter une interdiction des armes d'assaut. Nous constatons que la volonté est encore là et qu'on y travaille toujours.
Nous comptons maintenant sur le Comité, surtout pour comprendre pourquoi les amendements ont été retirés. Je pense que c'est en grande partie à cause de la désinformation qui a fait peur aux chasseurs. Tout ce qu'on entend, c'est que le projet de loi allait trop loin, mais ce sont les dires de certains députés et de certains groupes. Nous avons décortiqué cela nous-mêmes et nous savons maintenant, avec la confirmation de la GRC, que toutes les affirmations voulant que des armes de chasse auraient être interdites par les amendements sont fausses. La catégorie de toutes les armes de chasse qui ont été présentées par ceux qui s'opposaient aux amendements ne changera pas.
Les amendements ont donc été mal compris, et c'est maintenant le temps de prendre du recul et de comprendre comment cela est arrivé, afin de les réintroduire dans le projet de loi et de les améliorer s'il y a lieu. Il y a certainement lieu de les clarifier et de les simplifier. Je pense surtout à l'amendement G‑46, parce que, lorsque les chasseurs voyaient leur modèle d'arme sur les listes, ils croyaient que toutes les versions de ce modèle seraient interdites, alors que ce n'était pas le cas. Cela touche seulement les modèles ayant une énergie initiale de plus de 10 000 joules. Ce sont des armes à feu de calibre militaire, qui peuvent percer des véhicules militaires. À titre comparatif, l'énergie initiale des projectiles tirés par un AK‑47, à la sortie du canon, est de 2 000 joules. Les amendements visaient à limiter cela à 10 000 joules. En fait, c'est un critère qui existe déjà. Il ne s'agit donc vraiment pas d'armes de chasse.
Malheureusement, puisque cela faisait 309 pages et qu'on ne voyait pas le haut du paragraphe, les gens n'ont pas compris qu'on interdirait seulement des modèles de calibre militaire. Or c'est ce que fait déjà le règlement actuel. Les modèles conçus pour la chasse sont permis, et cela ne change pas. Ce sont ces armes qu'ils ont nommées dans leur campagne.
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Il est nécessaire qu'il y ait une définition. C'est fondamental pour que le projet de loi, lorsqu'il sera adopté, ait un effet permanent.
Depuis 1990, il y a eu beaucoup de listes, mais le marché est vaste et l'innovation des entreprises est sans fin. Si nous n'avons pas une définition claire, nous allons recommencer à courir après notre queue. Cela n'a aucun sens que nous soyons encore là, après 33 ans, à discuter d'une demande légitime, qui est appuyée par la majorité des Canadiens.
J'espère que les libéraux vont déposer un nouvel amendement et que celui-ci sera jugé de façon objective, en se basant sur des faits. Nous ne sommes pas en train de faire une analyse émotive parce que nous avons été blessées à Polytechnique; nous sommes en train d'analyser une proposition sur des bases scientifiques.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Shockey, madame Provost et madame Rathjen, je vous remercie de votre présence. J'étais étudiant à l'Université de Sherbrooke lorsque le massacre misogyne est survenu à Polytechnique. Cela est resté gravé dans ma mémoire, il n'y a aucun doute là-dessus.
Monsieur Benabdallah, il y a quelques semaines, sur la Colline du Parlement, nous avons commémoré le massacre islamophobe survenu au Centre culturel islamique de Québec, un autre événement qui est resté gravé dans notre mémoire.
Ma première question s'adresse à vous. Vous avez soulevé la question des armes de guerre et des armes de chasse. Je suis nouveau au Comité. C'est ma première réunion. Bien sûr, toutes ces questions de définitions sont extrêmement importantes.
Vous me pardonnerez si vous avez déjà répondu à cette question, mais avez-vous des recommandations à faire quant aux façons de distinguer les armes de guerre des armes de chasse?
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M. Benabdallah qui est devant vous vient d'une mosquée; M. Benabdallah qui est devant vous parle de la tragédie; M. Benabdallah vous dit que nous ne souhaitons pas que cette tragédie survienne de nouveau. Toutefois, M. Benabdallah n'est pas un technicien de la chose.
Si vous me posez des questions sur la foresterie, je peux faire un bras de fer avec vous, j'en serais capable.
On se bat sur la question des armes. Elles ont 33 ans d'expérience, monsieur Julian. Elles ont jugé utile de dire aujourd'hui que, s'il faut redéfinir les choses pour qu'elles soient plus précises, plus encadrées et plus parlantes pour tout le monde, elles sont là. Je suis avec elles. Je suis désolé d'esquiver la question, mais je ne suis pas un technicien. Ce sont mes collègues, les techniciennes.
Je souhaite qu'il n'y ait plus d'armes de guerre qui circulent. Il y avait une arme de guerre dans la mosquée. Si elle avait bien fonctionné, il y aurait eu au moins 45 ou 50 morts dans notre mosquée. Je ne le souhaite à personne.
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Vous avez demandé de donner une définition. Je ne peux pas entrer dans les détails, mais, essentiellement, nous parlons d'armes qui peuvent tirer en rafale, des armes semi-automatiques.
J'aimerais toutefois corriger une fausse perception que certains ont, dont le témoin qui est à nos côtés. Nous ne visons pas toutes les armes semi-automatiques. Nous visons vraiment les armes semi-automatiques à caractère militaire, qui sont conçues avec des chargeurs de plus de cinq balles et qui ne sont pas utilisées pour la chasse. Elles ont des caractéristiques militaires, dont une énergie initiale extrêmement puissante qui est trop élevée pour l'utilisation qu'un citoyen normal pourrait faire d'une arme.
Comme Mme Provost l'a expliqué, cela prend une définition permanente pour inclure des nouveaux modèles qui pourraient arriver sur le marché ultérieurement.
En même temps, nous pensons qu'il est important d'avoir une liste, car une définition permanente ne peut pas inclure toutes les armes d'assaut. Il y a des armes d'assaut qui ont différents mécanismes et qui peuvent seulement être répertoriées au moyen d'un processus de cas par cas dans le cadre duquel on regarde les caractéristiques militaires. Dans les critères des décrets de 2020, on a ajouté un élément dans la description, qui donne l'intention du législateur. On y parle d'armes conçues à des fins militaires qui ne sont pas acceptables pour l'usage citoyen.
Bref, cela prend les deux.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est une discussion très importante.
Je vais poser des questions à M. Shockey. Je suis moi aussi un chasseur, mais je n'ai produit aucune émission de télévision. Je suis loin d'avoir connu le même succès dans le monde de la chasse que notre invité et témoin, M. Shockey. Moi, je serais plutôt de ceux qui regardent ses émissions.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui pour parler des effets que cela peut avoir.
J'ai été guide dans le Nord. J'ai été agent de conservation et garde de parc national. Dans le cadre de mes fonctions à ce titre, on m'a fourni des armes à feu.
Monsieur Shockey, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion à la pourvoirie de Rogue River, située au Yukon, et indiqué que le gouvernement libéral du Yukon a autorisé l'utilisation du AR‑10 — un fusil semi-automatique de calibre .308 — pour les agents de conservation. En fait, la décision a été prise après le décret de mai 2020, qui a fait passer le AR‑10 de la catégorie des armes à feu sans restriction à la catégorie des armes à feu prohibées. À l'époque, le gouvernement libéral du Yukon a déclaré qu'il s'agissait de la meilleure option disponible pour assurer la protection des agents de conservation lors d'intervention de gestion des conflits et des interactions entre humains et animaux sauvages, et pour protéger la population en cas de présence d'un animal sauvage dangereux.
Monsieur Shockey, dans le cadre de vos activités, vous avez embauché de nombreux guides autochtones et travaillé avec des gens de ces collectivités. Je vous pose donc la question suivante: la vie d'un agent de conservation vaut-elle plus ou moins que celle d'un chasseur, d'un guide ou de toute autre personne qui travaille dans ces contextes dangereux? Ces gens devraient-ils avoir accès à la même force de frappe qu'un agent de conservation, étant donné que les agents de conservation ne peuvent être partout à la fois?
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Le sentiment ou l'impression qui règne chez les chasseurs, pour répondre à la première partie de votre question, c'est le sentiment d'être attaqués. Comme je l'ai dit plus tôt, nous nous sentons vilipendés, marginalisés. Nous avons le sentiment de ne pas être respectés et qu'il y a une certaine méfiance à notre égard.
J'entends continuellement le même refrain: « arme, arme, arme ». Je n'ai pas d'arme. Il s'agit d'une opinion subjective basée sur toute situation où il y a usage d'une arme à feu. Je n'ai pas d'arme, mais j'entends continuellement que je possède de telles armes. Ce n'est pas le cas.
J'entends continuellement que ce sont des armes à feu à usage militaire. Mon fusil anglais classique à deux canons, avec mécanisme à bascule, double détente et monture en noyer de Turquie gravé, vaut 90 000 $. Il figure sur cette liste. Il va être interdit. Il n'a jamais servi pour quelque crime que ce soit et n'a certainement pas été utilisé à des fins militaires.
Lorsque j'entends cela, en tant que chasseur — je suis à l'écoute —, je comprends les émotions que cela suscite. C'est une terrible tragédie. Cela ne peut jamais être minimisé. D'un autre côté, comme je l'ai dit plus tôt, il y a un mode de vie qui est aussi important pour beaucoup de gens, surtout pour nous. J'ai l'impression d'être dans The Hunger Games: je viens du district Douze et je suis un tribut. Vous êtes les gens du Capitole et vous ne nous comprenez pas.
Dans les communautés nordiques, une interdiction ou une manifestation empêchant l'entrée au Canada — un boycottage — serait catastrophique. D'où viendraient les revenus de ces communautés? Du tourisme? Ce n'est pas réaliste. Cela ne correspond pas à la réalité de la plupart des communautés éloignées. Les revenus qu'elles tirent de sources extérieures proviennent de la chasse, des pourvoiries et des emplois connexes. Les Premières Nations et les Métis participent à notre émission de télévision appelée Yukon Harvest, qui est diffusée sur APTN.
Comme je l'ai dit, un boycottage serait catastrophique, et c'est uniquement en raison de l'adoption du projet de loi . Cela ne comprend pas les différents amendements et tout le reste. On ne peut sous-estimer les répercussions et les coûts en vies humaines. La situation est déjà difficile pour les gens de ces communautés, alors si on ajoute cela, en plus...
C'est fondé sur de bonnes intentions, mais j'ai l'impression que cela aura des conséquences inattendues.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Monsieur Benabdallah, c'est un plaisir de vous revoir. Je vous remercie de votre accueil chaleureux à la mosquée de Québec, il y a deux semaines, lors de la commémoration de l'attentat.
Mesdames Rathjen et Provost, de PolySeSouvient, on parle depuis le début de la rencontre d'un fait que vous avez d'ailleurs évoqué dans votre allocution d'ouverture, soit que plusieurs partis se sont engagés à interdire les armes d'assaut par le passé.
C'est bien agréable de voir M. Julian et Mme Michaud poser d'excellentes questions durant cette réunion du Comité.
Personnellement, j'ai beaucoup d'espoir. Je suis une battante, mais je suis également quelqu'un qui pense qu'on peut changer le monde.
Je suis heureuse et véritablement soulagée d'avoir entendu plus tôt aujourd'hui le chef du NPD, , dire en entrevue à l'extérieur de la Chambre qu'il était en faveur des amendements qui permettraient d'intégrer dans le projet de loi une définition des armes de types d'assaut interdites.
Plus particulièrement, j'ai trouvé important que M. Singh dise être « toujours ouvert à trouver des façons d'avoir des amendements qui vont vraiment protéger la communauté et répondre aux besoins et aux inquiétudes d'organisations comme PolySeSouvient ».
Mesdames, quel message voulez-vous transmettre aux trois partis progressistes qui ont cette intention et cette conviction?
Pourquoi le temps presse-t-il?
Pourquoi faut-il agir en proposant des amendements au projet de loi ?
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Préparer, déposer, analyser et étudier un projet de loi est un processus long et fastidieux. En ce moment, on ne peut pas profiter des circonstances favorables soulevées par le projet de loi .
Nous avons comparu devant le Comité à plusieurs reprises, et nous savons très bien que le processus est très long. Si on laisse passer la possibilité de proposer une définition, on ne sait pas si l'on va pouvoir le faire plus tard ou s'il y aura aussi une volonté politique de le faire.
Pour nous, c'est fondamental que tous les partis qui s'accordent pour dire qu'il faut interdire des armes d'assaut au Canada se mettent au travail.
De plus, à mon avis, il est fondamental qu'on se concentre sur les faits, les données et l'analyse objective d'un amendement. Il faut que ce soit un amendement solide.
Mon grand-père et mes oncles sont des chasseurs. Personnellement, je n'habite pas dans un milieu rural, mais c'est de là que je viens, et je reconnais l'importance de la chasse pour plusieurs Canadiens, pour les communautés et pour les Premières Nations du Canada. Cela fait partie de notre histoire et de nos fondements.
Jamais PolySeSouvient n'a demandé l'arrêt de la chasse ou l'interdiction de toutes les armes. Ce que nous voulons, c'est qu'on trouve le moyen de définir clairement ce qu'est une arme d'assaut, en se basant sur des critères solides et scientifiques. Ainsi, ce type d'arme ne se retrouvera plus entre les mains des Canadiens. Il y a certainement une façon de faire rationnelle, qui n'est pas basée sur les émotions, qui permettrait aux chasseurs de se sentir respectés et à l'ensemble des Canadiens, qui veulent vivre dans un pays sécuritaire, de compter sur une loi sur les armes à feu qui respecte ce besoin fondamental.
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Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je veux simplement apporter une précision sur un point mentionné par M. Shockey.
Si les amendements avaient été adoptés, 19 000 modèles d'armes à feu, et plus de 100 000 variations, auraient été disponibles. Je crois savoir qu'il y a 20 millions d'AR‑15 aux États-Unis. Au Canada, ces armes sont à utilisation retreinte depuis 1977 et prohibées depuis 2020. Donc, le pessimisme pour l'avenir de l'industrie semble sans fondement.
Je tiens seulement à dire que les armes à feu couramment utilisées pour la chasse sont très différentes des armes à feu utilisées par certains pour la chasse au gibier trophée en Afrique ou par des Américains qui vont dans le Nord dans le but de garnir leur mur de gibier trophée.
Je vais en rester là, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les propos de ma collègue Mme Bendayan. Je la remercie de ses bons mots.
Pour être honnête avec elle, si ma collègue veut que le NPD ou le Bloc québécois appuie ce que le gouvernement va présenter, encore faut-il qu'il présente quelque chose. Pour le moment, nous prenons quatre séances pour entendre à nouveau les témoins, et cela laisse très peu de temps au gouvernement pour remodeler quelque chose. J'ai une crainte liée à cela, même si notre intention est la même, à savoir interdire les armes d'assaut.
Mesdames, vous vous rappelez sûrement que, quand vous êtes venues témoigner la première fois, je vous ai dit que si le gouvernement ne tenait pas sa promesse, le Bloc québécois le ferait en déposant un amendement pour interdire les armes d'assaut.
J'ai consulté la conseillère législative et elle m'a dit que ce ne serait pas recevable, car cela allait au-delà de la portée du projet de loi , que ce dernier portait sur les armes de poing et qu'il serait extrêmement surprenant que le président du Comité mette cela en avant. Or, finalement, le président l'a mis en avant. Mon amendement a été rejeté, mais il y a eu l'amendement des libéraux.
Tout cela pour vous dire que je crois que, derrière le fait que le gouvernement a retiré ses amendements, il y a une crainte que le Président de la Chambre des communes, par la suite, décide que ces amendements étaient irrecevables. Cette crainte est toujours présente.
Comment devrions-nous fonctionner, selon vous?
Le gouvernement doit-il proposer quelque chose de différent dans un projet de loi indépendant du projet de loi C‑21? Doit-il le faire directement dans le projet de loi C‑21?
Vous avez parlé de définition, et je suis d'accord pour dire qu'on doit avoir une bonne définition qui inclut les armes avant, pendant et après.
On ne devrait donc pas fonctionner par liste. Les listes qu'il y avait dans les décrets montraient qu'il y avait des trous et que cela ne fonctionnait pas. Cette définition devrait donc englober toutes les armes, dont les futures armes.
Que proposez-vous? Que devrait faire le gouvernement pour la suite des choses, considérant que le Comité n'a que quelques semaines avant de reprendre l'étude article par article du projet de loi?
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Nous ne sommes évidemment pas des experts de la procédure parlementaire. Je ne peux donc pas me prononcer sur ce qui est recevable ou non.
Néanmoins, une chose est certaine. Nous croyons que le gouvernement doit consulter les deux partis de l'opposition qui l'appuient, c'est-à-dire le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique, et collaborer avec eux.
Nous encourageons le gouvernement à travailler avec vous pour que les amendements soient déposés de nouveau et qu'ils aient l'aval de tous les partis qui sont en faveur de l'interdiction des armes d'assaut.
Je le répète, d'un point de vue extérieur, nous avons l'impression qu'on fait d'importants pas en arrière. Ce que nous voyons, c'est qu'il y a eu trois élections où ces trois partis ont promis d'interdire les armes d'assaut.
On nous parle ici de procédure et de choses techniques alors que ce n'est pas notre domaine. Nous sommes des citoyens ayant vécu des tueries de masse, nous portons le message de 80 % des Canadiens qui veulent interdire ces armes et nous vous demandons de faire ce qu'il faut pour atteindre cet objectif.
Il doit y avoir des procédures spéciales, mais nous ne les connaissons pas. C'est au Comité et au gouvernement de les trouver.
C'est certain qu'au bout du compte, nous demandons et nous souhaitons l'adoption d'un projet de loi qui inclura une définition permanente, une interdiction permanente et complète des armes d'assaut.
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Merci, monsieur le président.
Vous avez livré un message très clair aujourd'hui. Néanmoins, il faut dire que ce qu'a dit Mme Michaud est extrêmement important.
Le gouvernement aurait dû renvoyer ce projet de loi en comité avant l'étape de la deuxième lecture. Le fait que ce n'a pas été le cas a fait que ces amendements n'ont pas été recevables. C'est l'un des problèmes que le Comité est en train d'étudier.
C'est au Comité de le faire, et non à vous. Nous le ferons de la meilleure façon possible, évidemment. Nous avons compris votre message aujourd'hui. Celui-ci est très clair.
[Traduction]
Monsieur Shockey, j'ai une question pour vous. Je vous prie encore une fois de m'excuser s'il s'agit d'une question à laquelle vous avez déjà répondu. Je crois que vous n'en êtes pas à votre première comparution au Comité, mais comme je suis le nouveau venu, ici, je vais poser la question même s'il est possible que vous y ayez déjà répondu.
Vous avez indiqué que, selon votre estimation, les Américains représentent 97 % de la clientèle des pourvoiries. Je ne savais pas si vous parliez de votre entreprise ou des entreprises de la région en général.
Pouvez-vous quantifier les répercussions, selon vous, de ces deux amendements? Qu'est‑ce que cela représenterait pour votre entreprise ou pour les pourvoiries en général?
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Merci, monsieur Julian.
Merci également à vous, monsieur Shockey.
C'est ainsi que se termine cette partie.
Je tiens à tous vous remercier pour le temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Je vous remercie aussi de vos témoignages. Ils sont tous extrêmement utiles et seront d'une aide précieuse dans notre travail. Je vous remercie tous de votre présence et de nous avoir fait bénéficier de votre expertise et de vos perspectives.
Sur ce, nous allons suspendre la séance afin d'accueillir le prochain groupe de témoins. Merci.
Aujourd'hui, pour cette partie, nous accueillons M. Mark Ryckman, qui est le responsable des politiques de Fédération des pêcheurs et chasseurs de l'Ontario. Il comparaît en personne. Nous entendrons aussi, par vidéoconférence, le Dr Caillin Langmann, professeur adjoint en clinique à la Faculté de médecine de l'Université McMaster, qui témoigne à titre personnel.
Bienvenue, messieurs.
Vous aurez d'abord jusqu'à cinq minutes chacun pour faire une déclaration liminaire.
Nous commençons avec M. Ryckman pour cinq minutes, s'il vous plaît.
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Au nom de la Fédération des pêcheurs et chasseurs de l'Ontario, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant le Comité.
La Fédération des pêcheurs et chasseurs de l'Ontario est la plus grande organisation à but non lucratif vouée à la conservation de la faune aquatique et terrestre en Ontario. Elle compte 100 000 membres, sympathisants et abonnés ainsi que 725 clubs affiliés, dont 55 exploitent 122 champs de tir agréés par le contrôleur des armes à feu. Fondée il y a 95 ans, notre organisation défend depuis longtemps les intérêts de la communauté des chasseurs de l'Ontario.
Bien que certaines dispositions du projet de loi nous préoccupent, je limiterai mes commentaires aux répercussions des amendements G‑4 et G‑46 sur la communauté des chasseurs.
La chasse est une tradition ancienne transmise de génération en génération qui demeure un mode de vie pour de nombreux Canadiens autochtones et non autochtones. Aujourd'hui, la chasse contribue de façon importante à notre pays sur les plans social, culturel et économique. Elle demeure un moyen important de mettre de la nourriture sur la table, de se rapprocher de la nature, de créer et d'entretenir des relations, de se détendre en plein air et de contribuer au mouvement de conservation. En effet, certains s'indignent lorsque l'on qualifie la chasse de sport ou de passe-temps, car la chasse est beaucoup plus que cela.
La chasse n'est pas l'apanage des Canadiens des régions rurales. Les chasseurs viennent des régions urbaines, des banlieues et des régions rurales de partout au Canada. Ils sont juges, avocats, enseignants, dentistes, plombiers, mécaniciens et même politiciens. La chasse fournit des informations et du financement pour la gestion de la faune, peut contribuer au contrôle des populations et à la gestion des conflits entre les humains et les animaux sauvages et, grâce aux activités de conservation, peut favoriser un sentiment d'obligation de redonner à la nature.
En 2018, les dépenses dans le secteur de la chasse se sont élevées à 5,9 milliards de dollars, pour une contribution totale de 4,1 milliards de dollars au PIB du Canada. La chasse a contribué au maintien de 33 000 emplois et a généré près de 2 milliards de dollars en revenus de main-d'œuvre. L'importance de notre patrimoine de chasse est même reconnue dans la législation fédérale.
Un type d'arme à feu exclusivement utilisé pour la chasse, cela n'existe pas. Les armes à feu principalement utilisées pour chasser sont aussi fréquemment utilisées pour le tir sur objets divers, le tir aux champs de tir ou même la compétition. Il n'y a pas de critères précis pour la classification d'une arme à feu comme une arme de chasse ou non, en particulier lorsqu'on se base uniquement sur l'apparence ou la conception générale de l'arme à feu. Cela nécessite un examen exhaustif de multiples caractéristiques et fonctions d'une arme à feu, comme le mécanisme et le calibre, mais d'autres facteurs non liés à l'arme à feu doivent être pris en considération, notamment la cartouche, l'utilisateur, l'environnement, les espèces cibles et le lieu.
Nous nous réjouissons du retrait des amendements, et je félicite le Comité d'étudier leurs effets. Outre la nature des amendements, nous avons été consternés par leur présentation inattendue et sans consultations. En proposant l'amendement G‑4, le gouvernement est passé directement à la prohibition, écartant du coup des solutions de rechange moins extrêmes qui lui auraient permis d'atteindre son objectif sans restreindre les droits des chasseurs et d'autres propriétaires d'armes à feu légales.
Adopter une approche progressive et adaptative favorise la création de meilleures politiques, et est beaucoup plus juste pour les Canadiens qu'une interdiction inutilement radicale des armes à feu selon la marque et le modèle. Prenons l'exemple des chargeurs amovibles. Le Code criminel interdit déjà, pour une arme d'épaule semi-automatique à percussion centrale, la possession de tout chargeur d'une capacité de plus de cinq cartouches. Tout chargeur d'une capacité supérieure à cinq cartouches doit être claveté pour limiter le nombre de projectiles.
Le projet de loi propose d'aller plus loin et de faire du retrait de la clavette une infraction distincte plutôt qu'une infraction moindre et incluse. Une nouvelle infraction était déjà proposée — bien qu'elle n'était pas encore en vigueur ni mise à l'épreuve — lorsque les amendements ont été proposés. Même si le gouvernement se sentait obligé d'aller plus loin, il aurait pu prendre des mesures ciblées, comme interdire l'importation et la vente de nouveaux chargeurs pouvant avoir une capacité supérieure à cinq cartouches.
Nous sommes contre ces amendements pour des raisons partisanes, émotives ou prédéterminées par principe. Nous sommes arrivés à cette conclusion uniquement au terme d'une analyse critique approfondie. Cela n'améliorera pas la sécurité publique. Ce n'est tout simplement pas étayé par des preuves.
Les armes à feu ne sont pas la maladie, en particulier dans un pays comme le Canada, qui est doté de lois rigoureuses sur les armes à feu. La violence armée est souvent le symptôme de problèmes sociétaux beaucoup plus importants. Priver de leurs armes les Canadiens respectueux des lois n'atténuera pas les problèmes en amont qui alimentent l'activité criminelle et la demande d'armes à feu illicites. Par conséquent, toute interdiction des armes à feu selon le modèle sera continuellement vouée à l'échec, car cela n'aura pas d'impact notable sur la réduction de la violence armée ou l'amélioration de la sécurité publique.
Si le discours politique demeure centré sur l'idée d'établir une liste d'armes à feu qui devraient être prohibées ou autorisées, alors nous continuerons à ne pas consacrer les ressources et le temps nécessaires pour régler les enjeux cruciaux auxquels nous sommes confrontés.
Je vous remercie.
:
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter le résultat de mes recherches sur les liens entre la législation canadienne relative aux armes à feu et les homicides, les homicides conjugaux, les tueries et les suicides au Canada.
Je suis professeur adjoint de médecine clinique et urgentologue. Je travaille en Ontario. Je suis aussi pair examinateur dans les domaines du contrôle des armes à feu, de l'homicide, du suicide, de la violence et de la lutte contre l'appartenance aux gangs pour des revues universitaires. J'ai à mon crédit quatre publications évaluées par des pairs au sujet de la législation et de ses effets sur l'homicide et le suicide au Canada.
En 2022, j'ai présenté et soumis des études et un rapport au Comité au sujet du projet de loi . Les recherches démontrent que les mesures visant à interdire un grand nombre d'armes de poing imposées dans les années 1990 n'ont eu aucun effet sur les taux d'homicides.
Aujourd'hui, on propose d'interdire les armes dites « d'assaut ». Les résultats de mes travaux sur les lois canadiennes précédentes peuvent être utilisés pour déterminer les effets possibles du projet de loi. Depuis 2003, le nombre d'armes à feu à utilisation restreinte a doublé: il est passé de 572 000 à 1,2 million. En revanche, le nombre total d'homicides commis avec une arme à feu n'a pas augmenté, pas plus que le nombre d'homicides par arme à poing. Malgré les fluctuations récentes nous rapprochant des niveaux atteints au début des années 2000, une analyse statistique révèle que le taux d'homicides a plutôt changé en suivant une moyenne constante.
Des mesures législatives prises dans les années 1990 ont mené à l'interdiction de plus de 550 000 armes à feu, y compris des armes à feu de style militaire et des armes de poing. Mes recherches ont toutefois démontré que cette interdiction n'a procuré aucun avantage statistiquement significatif quant à la réduction des taux d'homicides, d'homicides conjugaux et de tueries au Canada. Les limitations instaurées en 1994 sur la capacité des chargeurs n'ont pas non plus entraîné une réduction des taux d'homicides et de tueries. Il en va de même pour l'interdiction des armes à feu entièrement automatiques imposée à la fin des années 1970.
D'autres pays, comme l'Australie et l'Angleterre, ont aussi imposé des mesures de contrôle strictes relativement aux armes de poing et aux armes à feu semi-automatiques, sans pour autant que le taux d'homicides fluctue de façon statistiquement significative, selon plusieurs études. Les recherches faites aux États-Unis sur les mesures qui interdisent les armes d'assaut montrent aussi que leur effet est limité. Comme l'ont révélé Blau et al. et Siegel et al., de telles lois ne se traduisent pas par une diminution du nombre de victimes.
Fait intéressant, en se penchant sur 30 ans d'incidents, Blau et al. ont constaté un lien plus étroit entre l'augmentation du nombre de victimes et les fusils de chasse qu'entre l'augmentation de ce nombre et les armes semi-automatiques. Pour leur part, en utilisant une méthode quasi expérimentale semblable à la mienne, Webster et al. n'ont pas trouvé de lien entre l'interdiction des armes d'assaut et le nombre de tueries ou de décès.
En résumé, les données compilées jusqu'à maintenant montrent que les mesures proposées pour interdire les armes de poing et les armes à feu semi-automatiques n'auront pas pour effet de réduire les taux d'homicides ou de tueries. Les méthodes qui se sont révélées plus efficaces pour réduire le nombre d'homicides par arme à feu ciblent la demande et la prévalence des armes à feu dans les activités criminelles. Comme l'a démontré Statistique Canada, un pourcentage important des homicides commis à l'aide d'une arme à feu mettent en cause des gangs.
Pour réduire la violence qui sévit actuellement dans les villes canadiennes, les données montrent qu'il faut intervenir tôt auprès des jeunes pour les dissuader de se joindre aux gangs. En 2012, Sécurité publique Canada a recueilli des données provenant de programmes mis en œuvre pour réduire le taux de participation aux gangs au Canada. Selon son rapport de recherche, ces programmes entraînent une diminution du taux de participation de l'ordre de 50 %.
En adoptant une nouvelle loi qui cible les propriétaires légitimes d'armes à feu, qui commettent rarement des crimes, une nouvelle loi qui, selon de nombreuses études, n'aura pas d'effet statistique significatif, on ne changera pas le nombre de décès attribuables aux armes à feu au Canada. La confiscation des armes à feu coûtera sans doute des milliards de dollars; or il serait plus avantageux d'investir cet argent dans des programmes de déjudiciarisation des jeunes et de réduction de la participation aux gangs.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leur présence. J'ai une question pour chacun d'eux.
Docteur Langmann, votre curriculum vitae est fort impressionnant. Je sais que vous êtes très humble, mais j'aimerais souligner certaines de vos réalisations. Vous êtes titulaire d'un doctorat en biochimie et en biologie moléculaire. Vous avez obtenu votre doctorat en médecine de l'Université Queen's et vous vous êtes spécialisé en médecine d'urgence à l'Université McMaster. En outre, vous êtes un associé du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. En 2011, vous étiez chercheur principal en traumatologie. Aujourd'hui, vous êtes urgentologue à l'hôpital St. Joseph's. Vous êtes également professeur adjoint de médecine clinique à l'Université McMaster et directeur de l'unité d'enseignement clinique de l'hôpital St. Joseph's.
Ce n'est qu'un aperçu; je pourrais en dire plus. Vous avez aussi évalué des articles à titre de pair examinateur, et d'après mes recherches, vous êtes l'un des plus grands spécialistes au Canada dans les domaines de la violence par arme à feu, de l'homicide, de l'homicide conjugal, de la tuerie et de l'effet de la législation sur le contrôle des armes à feu mise en place par différents gouvernements.
Ai‑je bien résumé vos qualifications et vos recherches?
:
D'accord. Merci beaucoup d'être des nôtres. Je sais qu'il y a beaucoup de questions pour vous, mais nous trouvons tous important de prendre des décisions fondées sur des données probantes. Je vous remercie d'attirer à nouveau l'attention du Comité sur ces données.
Monsieur Ryckman, j'aimerais utiliser le temps qu'il me reste pour vous poser une question sur le facteur de confiance chez les chasseurs. J'entends beaucoup dire que les deux modifications retirées temporairement entraîneront l'interdiction de plusieurs armes à feu communément employées pour la chasse.
Durant votre déclaration préliminaire, vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de la culture de la chasse au Canada. Je sais que la chasse au gibier trophée suscite un débat et des critiques, mais j'aimerais vous raconter quelque chose. N'hésitez pas à me faire part de ce que vous disent vos 100 000 membres.
J'ai commencé à chasser avec mon père durant ma jeunesse. Il y a un registre pour les trophées, et voir son nom y être consigné est un grand honneur. Après avoir pratiqué la chasse pendant de nombreuses années, mon père a finalement attrapé un mâle typique de 165 points. Ma famille était très fière; c'était un grand moment pour nous. Je ne l'oublierai jamais. C'était très impressionnant. Aussi, quand j'étais au secondaire, l'association de chasse locale m'a décerné un prix spécial: une plaque pour le plus grand mâle dans mon groupe d'âge. Mon père était fier de moi.
Je sais que votre association travaille activement à encourager les jeunes. C'est naturel: tous les chasseurs veulent attraper le plus grand mâle et tous les pêcheurs veulent attraper le plus gros poisson. C'est une grande partie de la culture. Êtes-vous d'accord avec moi là‑dessus?
De nos jours, l'allusion au terme « chasse au gibier trophée » peut induire les gens en erreur, ce qui est préoccupant. Ce genre de chasse ne fait pas vraiment partie de la culture au Canada, du moins pas de la façon dont les gens tendent à l'interpréter. En règle générale, ce type de chasse s'effectue dans le cadre de safaris en Afrique. La viande est donnée aux communautés locales et le chasseur en rapporte une partie à la maison: son trophée, si l'on veut.
La chasse au gibier trophée ou la pêche du même type en Ontario et au Canada est très différente.
Dans ma famille, le trophée, c'est le poisson que ma fille a pêché... Un tout petit poisson.
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Quand j'étais petite, j'ai réussi à pêcher une carpe. J'en étais très fière.
Je comprends ce que vous dites; je crois qu'on favorise une certaine compétition et que c'est encourageant. Je sais que votre association fait beaucoup de travail en ce sens et qu'il y a un grand sentiment de fierté qui y est rattaché.
Pour la minute qu'il me reste, pourriez-vous nous parler du facteur de confiance? Il faut une grande confiance entre le gouvernement responsable de la Loi sur les armes à feu — le gouvernement fédéral — et vos 100 000 membres et abonnés. Nous devons être des citoyens respectueux de la loi. Cela me préoccupe beaucoup. C'est ce que j'entends.
Pouvez-vous nous parler, en 30 secondes, de ce que vous disent vos membres? Je répète qu'ils sont 100 000.
Je remercie les témoins de leur présence.
Nous avons décidé de tenir des réunions supplémentaires sur le sujet parce que nous reconnaissons que certaines organisations, comme la Fédération des pêcheurs et chasseurs de l'Ontario, n'avaient pas été entendues au sujet du projet de loi. Je vous suis très reconnaissante d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de votre expertise dans le domaine. C'est très important pour nous d'entendre le point de vue des chasseurs. Nous n'avons jamais eu l'intention d'interdire les fusils utilisés pour la chasse; votre témoignage aujourd'hui est donc le bienvenu.
J'aimerais vous poser une question. On a diffusé de l'information trompeuse au sein de la communauté des chasseurs, voulant que les fusils qu'ils possèdent déjà soient désormais interdits. Nous prenons une part de responsabilité pour cette mauvaise interprétation du projet de loi, qui n'était pas facile à comprendre ou à interpréter.
Savez-vous combien de modèles auraient toujours été offerts sur le marché canadien si l'amendement G‑46 avait été adopté?
:
Bien sûr. Je vais vous répondre en deux temps.
Pour répondre directement à votre question, la carabine SKS est probablement l'un des fusils de chasse les plus répandus, et elle figure clairement sur la liste. Je crois que tout le monde est passé à côté. Ce fusil est tout à fait légitime pour la chasse en Ontario et au Canada, mais il se trouve sur la liste. Il aurait été interdit si les amendements G‑4 et G‑46 avaient été adoptés.
Ce qui nous préoccupe de façon plus générale, c'est que si le gouvernement doit créer une liste de fusils exemptés, cela remet en question la formulation de départ de la loi. C'est une chose de présenter un ou deux modèles d'armes à feu, mais si l'on doit exempter 15, 20, 30 ou 50 modèles parce que la communauté de chasseurs se préoccupe de leur interdiction, c'est peut-être un indice au sujet de la formulation de la loi.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
J'ai moi-même invité la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs à venir témoigner un peu plus tard, au cours des prochains jours, mais je suis très contente que nous recevions celle de l'Ontario. Je suis certaine que vous vous parlez et que vous avez sensiblement les mêmes positions, mais c'est quand même intéressant d'avoir votre point de vue.
En fouillant un peu sur votre site Internet, on constate qu'il y avait un appel à l'action concernant le projet de loi . Vous décriviez les raisons pour lesquelles vous étiez en désaccord sur les amendements qui ont été proposés par le gouvernement. Vous vous disiez préoccupés par l'impact de ceux-ci sur les chasseurs, car un bon nombre de ces armes à feu étaient utilisées par des chasseurs au pays.
Je vais reprendre ce que disait ma collègue Mme Damoff avant moi. Évidemment, vous avez parlé de la SKS, dont on a beaucoup entendu parler.
Vous dites qu'un bon nombre des armes en question sont utilisées par des chasseurs. Pouvez-vous nous donner des exemples d'armes qui sont couramment utilisées pour la chasse et qui se retrouvaient sur cette liste? Vos membres vous ont-ils signalé que l'arme qu'ils utilisaient s'y retrouvait, par exemple?
:
Oui, certains l'ont fait. Je n'ai pas de liste avec moi, malheureusement. Je vous renverrais à un rapport rédigé par l'un de mes collègues, en réponse au décret de mai 2020. Il a donc été rédigé quelque peu avant les amendements et avant l'ajout de nouveaux modèles d'armes à feu, dans l'amendement G‑46.
Nous avions sondé un grand nombre de chasseurs au Canada et leur avions demandé: « Parmi ces armes nouvellement interdites, qui étaient sans restriction il y a un jour, quels sont les modèles que vous utilisez actuellement ou que vous utilisiez à des fins de chasse légitime au Canada? » Les répondants au sondage avaient évoqué 64 modèles, il me semble.
Bien sûr, les choses ont quelque peu changé depuis. L'amendement et la formulation finale qui serait imposée ou adoptée auraient une grande incidence sur les modèles qui se trouvent sur cette liste. Je pense notamment au fusil Plinkster... Nous pourrions passer chacun des modèles en revue. Ce qui nous préoccupe et ce qui est incertain, je dois l'admettre, c'est votre interprétation de certains de ces amendements proposés.
J'ai écouté des heures de témoignages devant le Comité: des experts de la GRC, de Sécurité publique Canada, du Programme canadien d'armes à feu, etc., et ils ont été très ouverts au sujet de leur interprétation de ces amendements et dispositions. Il ne s'agit pas des interprètes juridiques finaux de ces amendements. L'arbitre final, c'est le tribunal. S'il y a une telle confusion relative à l'interprétation d'un amendement, il faut à tout le moins le revoir et probablement le reformuler. S'il est à ce point mauvais, il faut le rejeter. C'est ce qui orientera la liste des marques et modèles qui se trouvent à l'amendement G‑46.
Nous avons reçu une explication détaillée, qui est très courte.
Lors d'une réunion en comité, nous avons reçu des fonctionnaires et nous leur avons demandé de nous fournir une explication par écrit sur les amendements proposés.
C'est plutôt facile à comprendre, mais nous avons eu beaucoup de difficulté à comprendre l'explication et ce n'est pas encore tout à fait clair.
Il est intéressant de voir que l'annexe 1 de l'amendement G‑46 porte sur des armes qui sont prohibées depuis les années 1990, depuis le Décret fixant une période d'amnistie (2020).
Ensuite, à l'annexe 2 de l'amendement G‑46, on cible les alinéas 97 à 232, qui portent sur les armes qui deviendraient prohibées avec l'ajout de ces amendements. On parlait d'approximativement 480 marques et modèles d'armes à feu qui sont actuellement non prohibés, ce qui ne faisait qu'en ajouter un petit nombre.
Je suis d'accord avec mes collègues sur le fait qu'énormément de désinformation a circulé. Par exemple, si on appuyait sur Ctrl+F pour faire une recherche dans le document et qu'on arrivait à un modèle, on avait tout de suite l'impression qu'il était prohibé alors qu'on parlait d'un modèle avec une puissance totalement différente. Par ailleurs, si on n'avait pas lu au préalable le chapeau, comme on l'appelle, on ratait les informations qui indiquaient « à l'exception de ces modèles-ci ». Cela a créé extrêmement de confusion.
Pour essayer de démêler tout cela, j'ai essayé de voir ce qui se fait ailleurs. Parfois, c'est bien d'aller se comparer à d'autres pays pour voir ce qu'ils ont fait et la façon dont ils ont procédé.
Les analystes du Comité et de la Bibliothèque ont été assez gentils pour me préparer rapidement un petit document.
Je vais vous donner l'exemple de la Nouvelle‑Zélande.
La façon dont la Nouvelle‑Zélande a procédé est assez semblable à ce que proposait le gouvernement avec les amendements G‑4 et G‑46 au projet de loi . Toutefois, un passage a particulièrement attiré mon attention où on dit que le projet de loi visait également à préserver l'accès à des armes à feu semi-automatiques de moindre capacité reconnues pour être utilisées par les chasseurs et les agriculteurs.
On voit que la Nouvelle‑Zélande a procédé d'une façon similaire, mais en portant une attention aux agriculteurs, aux chasseurs et peut-être même aux Autochtones, qui utilisent certains modèles.
On comprend que le gouvernement va reprendre l'étude de la question à zéro et qu'il va essayer de proposer quelque chose.
Dans le cadre de cette nouvelle proposition, croyez-vous que le gouvernement devrait avoir cette même attention à l'égard des chasseurs, des agriculteurs et des Autochtones, comme le fait la Nouvelle‑Zélande?
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Incidemment, les taux ont augmenté. Bien sûr, lorsqu'on prend des mesures pour restreindre la possession d'armes à feu, un marché noir se met en branle. C'est ce qu'on constate dans ce cas. Les imprimantes 3D sont de plus en plus utilisées à cette fin en Amérique du Nord.
Il va falloir commencer à s'attaquer à la demande. On tente de contrôler l'offre en interdisant les armes à feu sur la base de définitions fallacieuses. Si l'on ne cible pas la demande plutôt que l'offre, on n'obtiendra aucun résultat.
On cible habituellement les propriétaires légitimes d'armes à feu qui respectent la réglementation. Ces gens sont les moins susceptibles d'être impliqués dans des activités criminelles au pays. Ils ont déjà passé le processus de contrôle. Je ne vois aucun avantage à cette mesure législative, et ce n'est pas étonnant, parce qu'on ne peut s'attendre à des avantages marginaux lorsqu'on cible un groupe qui présente déjà un faible risque.
C'est là‑dessus que devrait se centrer votre travail: la demande.
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Le problème, c'est que de nombreux criminels n'ont besoin de l'arme qu'une seule fois, à un moment donné, et qu'ils peuvent ensuite s'en débarrasser. Même un canon en polycarbonate imprimé ne servirait qu'une fois, et c'est tout.
Je vous recommanderais de commencer à cibler les jeunes à risque, très tôt à risque, qui commencent à s'impliquer dans des activités criminelles. Je recommanderais de lancer des programmes de déjudiciarisation pour les jeunes, afin de les détourner de cette activité, ainsi que de la thérapie cognitivo-comportementale. Nous devrions commencer à travailler au grave problème de consommation de méthamphétamines que nous constatons partout au pays. Apparemment, en ce moment, mon service d'urgence — derrière moi — est rempli de patients qui sont intoxiqués ou qui souffrent de psychose à cause de l'abus de méthamphétamines.
L'attention portée à un petit segment de la société qui utilise les armes à feu à des fins généralement légitimes a peut-être pour effet de détourner votre attention d'un besoin important à l'heure actuelle, soit de commencer à envisager la déjudiciarisation dès maintenant et de financer ces secteurs.
Comme je l'ai dit, Sécurité publique Canada a publié en 2012 un rapport...
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Les criminels utilisent toutes les armes à feu qu'ils peuvent se procurer. Il n'y a pas d'arme à feu particulière. Ils recherchent surtout des armes de poing, mais ils utilisent tout ce qu'ils peuvent se procurer.
La carabine SKS a été mentionnée tout à l'heure. C'est une arme à feu qui existe depuis les années 1940. Elle est fréquemment utilisée. Elle était très bon marché et a été vendue à grande échelle dans ce pays après l'effondrement du bloc soviétique. Beaucoup de ces armes sont utilisées parce qu'elles sont très faciles à trouver, mais c'est en raison de leur banalité. On utilise ce qui est banal.
Tous les types d'armes à feu sont extrêmement dangereux. Des fusils à verrou, que nous appelons fusils de chasse, ont servi à tuer des policiers. Ils ont servi à tuer certains de mes patients. Ils sont extrêmement dangereux. Ils sont plus dangereux, je pense, que ce que l'on appelle communément un fusil d'assaut, parce que le calibre et l'énergie du projectile sont beaucoup plus élevés que ceux de la plupart des fusils d'assaut comme l'AR‑15.
Pour moi, cela n'a aucun sens.
Vous avez tout à fait raison, car au bout du compte, nous devons aider les personnes qui ont besoin d'aide. Nous devons retirer les armes à feu, quelles qu'elles soient, des mains de ceux qui ne devraient pas en avoir. C'est aussi simple que cela.
Nous devons veiller à ce que nos organismes d'application de la loi disposent du financement, de la formation et des outils dont ils ont besoin pour lutter contre des phénomènes tels que le crime organisé et la violence armée. Cela inclut les facteurs en amont qui mènent à la criminalité, et ainsi de suite.
Enfin, nous devons également nous assurer que le système judiciaire réserve aux crimes violents, y compris les crimes commis avec des armes à feu, le traitement qu'ils méritent.
Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cette réunion du Comité. Je me trouve en ce moment au Yukon. Je tiens à remercier tous les membres du Comité pour les efforts formidables consacrés à ce projet de loi.
Je suis plutôt nouveau à ce comité, mais je vais néanmoins consacrer une minute et demie au Dr Langmann.
Je vous remercie de votre travail, docteur. Je pense que vous travaillez très minutieusement à ce dossier depuis fort longtemps.
J'aimerais simplement savoir quel est votre degré de confiance concernant les données, car j'ai également entendu dire que les données manquent, en fait, et que nous n'en avons vraiment pas assez pour pouvoir établir une corrélation entre des armes à feu particulières, acquises légalement ou illégalement, et les incidents qui se produisent. Je suis également préoccupé par la perception selon laquelle nous sommes peut-être allés trop loin dans ce que nous avons accompli jusqu'à présent en matière de contrôle des armes à feu comme moyen de prévenir la violence armée.
Je veux savoir dans quelle mesure les données dont nous disposons vous inspirent confiance, et j'aimerais que vous me disiez si vous pensez qu'il nous faut davantage de données pour pouvoir vraiment comprendre ce qui se passe.
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Vous demandez à un statisticien s'il aimerait avoir plus de données, et la réponse est oui. Nous voulons toujours plus de données.
Heureusement, le nombre d'homicides de masse dans ce pays est très faible, ce qui en dit long. C'est en partie une question de population. Cependant, en matière d'analyse des données, je fais ce qu'on appelle des tests de sensibilité des données pour voir dans quelle mesure les données permettent de prédire quelque chose. La conclusion est qu'elles sont en fait assez bonnes pour prédire si, par exemple, des mesures législatives ont eu un effet bénéfique. Je peux dire cela en ce qui concerne les homicides, les homicides conjugaux, les homicides de masse, les suicides et ainsi de suite.
Bien sûr, j'aimerais beaucoup avoir des données sur la provenance des armes à feu et sur la manière dont elles ont été utilisées, ainsi que sur les antécédents de l'agresseur, à savoir s'il a des antécédents criminels ou non, si l'arme a été utilisée dans la commission d'un familicide, par exemple. Malheureusement, une grande partie de ces données sont également privées et protégées. Statistique Canada exerce un certain contrôle sur la conservation de ces renseignements, mais il s'agit bien sûr d'une question que le gouvernement doit régler et à laquelle il doit travailler.
Nous aimerions vous permettre de nous en dire plus à ce sujet, mais je veux passer à autre chose. Je veux simplement attirer l'attention sur l'énoncé de politique de l'Association médicale canadienne sur la violence armée, qui souligne, à la lumière d'une étude internationale, que l'accès des civils aux armes à feu permettant un tir rapide entraîne, ou semble entraîner, une augmentation de la fréquence des fusillades de masse. Ce document met en évidence la corrélation générale entre le manque de contrôle sur l'accès aux armes à feu et les fusillades de masse, ce qui est, je le sais, l'un des objectifs du projet de loi .
J'aimerais revenir rapidement à M. Ryckman.
Monsieur Ryckman, vos écrits sont très éloquents. J'ai lu une partie de ce que vous avez écrit sur votre site Web au sujet de la recherche d'un terrain d'entente, alors c'est ce que j'aimerais essayer de faire: trouver un terrain d'entente. Je suis sûr que vous êtes au courant de bon nombre des préoccupations exprimées par mes électeurs du Yukon. Je n'ai encore rencontré personne au Yukon qui ne déplore pas la violence armée. Je tiens également à saluer les propos que j'ai entendus au cours de l'heure précédente, ceux de la témoin de PolySeSouvient: un puissant témoignage sur la valeur de la chasse.
Je vois une possibilité de converger vers un terrain d'entente. Selon vous, la violence armée au Canada est‑elle un problème urbain, un problème rural, les deux ou aucun des deux?
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Je vous remercie de cette question.
J'admets que je ne suis pas un expert en matière de violence armée. Je dirai que, d'après moi, rares sont les Canadiens qui ne pensent pas que le gouvernement peut en faire davantage pour réduire la violence armée, même si nous sommes loin de la réalité américaine, et malgré l'avalanche de nouvelles qui nous parviennent chaque jour des médias américains. Le Canada a des lois très strictes sur les armes à feu, un cadre législatif très solide qui dicte l'utilisation et la possession d'armes à feu. Nous sommes très différents des États-Unis à cet égard. Le gouvernement peut toujours en faire plus.
La question est donc de savoir quel est le seuil. Quel est l'objectif de la politique que le gouvernement tente de mettre en œuvre dans ce cas? Au départ, il s'agissait d'une interdiction des armes de poing et, comme je l'ai dit tout à l'heure, elle s'est transformée de façon inattendue en quelque chose qui touche directement la communauté des chasseurs. Je suis d'accord avec vous pour dire que la violence armée est un problème; je pense que tout le monde est d'accord avec vous également.
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Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre avec vous, monsieur Ryckman.
Vous n'êtes probablement pas sans savoir que, à la suite du dépôt des amendements par le gouvernement, les députés de tous les partis ont reçu des centaines et des centaines de communications, sous la forme de courriels, de lettres ou d'appels, de la part de gens qui étaient fâchés ou qui se sentaient incompris.
Évidemment, on s'en fait parler lors de soupers officiels dans sa circonscription, ainsi que lors de soupers de familles et d'amis. Tout le monde a son opinion sur la chose, et c'est très bien.
J'étais surprise de constater, en parlant à des chasseurs, qu'ils réagissaient parfois ainsi: si l'arme avec laquelle ils chassent se retrouve prohibée demain matin, ils vont tout simplement en acheter une autre.
On comprend que tous les chasseurs n'ont pas eu cette réaction, et c'est aussi très bien. C'est également bien normal que les chasseurs puissent se faire entendre. Je crois comprendre que le gouvernement n'a pas consulté les chasseurs avant d'apporter ces amendements et qu'il est donc très légitime qu'ils se fassent entendre.
Croyez-vous que le fait que les chasseurs se sentent interpellés et qu'ils ne sachent pas quelles seront les prochaines étapes peut avoir alimenté la grogne?
Les chasseurs ne savent pas ce qui arrivera au lendemain de l'adoption du projet de loi, notamment si on l'adoptait avec ces amendements et qu'on y retrouvait des armes utilisées couramment pour la chasse. Vont-ils se faire arrêter par la police parce qu'ils ont un objet prohibé chez eux? Va-t-il y avoir ou non un programme de rachat? Vont-ils pouvoir revendre leur arme au gouvernement? La police va-t-elle entrer dans leur maison pour aller chercher leur arme?
Il n'y avait pas de réponses à leur donner au moment où les amendements ont été déposés.
Pensez-vous que cela a pu faire augmenter la grogne, de façon assez légitime, je dirais, chez les chasseurs?
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Oui, absolument. On a déjà mentionné à plusieurs reprises qu'il y avait eu non seulement de la désinformation, mais aussi de la mésinformation. Il y a eu tout simplement un manque de clarté, et la responsabilité en incombe principalement au gouvernement pour sa façon de présenter les choses.
Vous avez tout à fait raison, en ce sens que l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, ou OFAH, n'a pas fait de commentaires sur le projet de loi , initialement. Même si nous l'avions fait, nous n'aurions pas parlé des amendements, car ils n'existaient pas à l'époque. Nous aurions parlé de la teneur du projet de loi qui nous était présenté, lequel était entièrement différent de ce dont je suis ici pour parler aujourd'hui.
L'incertitude mène assurément à l'inquiétude. Il n'y a pas que l'incertitude concernant l'interprétation de certaines des dispositions proposées, mais aussi l'incertitude quant à savoir si oui ou non la GRC va frapper à la porte de quelqu'un et lui prendre son arme, ou si cette personne va être convenablement indemnisée pour un bien qu'elle possédait légalement la veille.
Vous avez raison, et je suis d'accord pour dire que la confusion est à l'origine de certaines des préoccupations exprimées. Cela ne fait aucun doute. Nous avons déployé des efforts concertés pour obtenir toute l'information possible de la part de la Sécurité publique et du gouvernement, et nous avons diffusé cette information.
Avant de terminer, je tiens à dire que vous êtes les bienvenus, concernant tous les courriels. Nous n'avons pas créé ce problème. Nous n'avons pas provoqué la colère et la méfiance de la communauté des chasseurs. C'est le processus et la teneur des amendements qui en sont la cause. Nous avons simplement donné aux gens un moyen très direct et facile de contacter leurs députés.
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C'est une excellente question.
Je ne vais pas vous présenter un long résumé de notre mémoire, mais nous avions certaines préoccupations au sujet du projet de loi , notamment les répercussions sur les gens qui se feraient retirer leurs armes à feu en vertu des dispositions dites du drapeau rouge et du drapeau jaune, sans audience appropriée ou sans préavis. Ce n'était rien que des amendements ne pouvaient résoudre.
Je dirai aussi, cependant, que les amendements au sujet desquels je témoigne aujourd'hui ont incontestablement des conséquences sur la communauté des chasseurs, et cela fait partie de notre mandat. Une partie de notre mandat consiste à promouvoir la chasse en Ontario et à faire ce que nous pouvons pour protéger ce patrimoine. Une grande partie de la teneur du projet de loi comme tel ne relève pas de notre mission de bienfaisance. Nous avons peut-être quelques préoccupations, mais nous ne ferions pas nécessairement beaucoup de lobbying au sujet de certaines de ces dispositions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais m'adresser à la Dre Langmann.
Docteure, le gouvernement essaie de convaincre la population canadienne que ses décisions sont fondées sur des données probantes. D'après votre témoignage et vos recherches approfondies, crédibles et non financées par le gouvernement, rien ne prouve que les interdictions relatives aux armes à feu ont une incidence sur la sécurité publique, les homicides ou les suicides. Le gouvernement semble plutôt inventer des faits pour prendre des décisions.
Je pense que le Comité doit vraiment se demander s'il préfère avoir moins d'armes à feu dans les collectivités — comme le gouvernement le propose — ou moins de personnes qui commettent des crimes avec des armes illégales. Il me semble que l'approche paresseuse est de tout simplement interdire des armes à feu, comme on essaie de le faire.
Dans vos recherches, cela aurait un effet correspondant. Vous dites que cela ne contribue pas du tout à prévenir la violence liée aux armes à feu, les homicides, les tueries de masse, les suicides et la violence familiale. Dans le temps qu'il reste, pouvez-vous expliquer votre point de vue là‑dessus?
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Bien sûr. Je suis moi-même mélangée lorsque je regarde les propositions actuelles, car elles portent sur des armes d'assaut. En ce qui concerne la recherche, il est vraiment difficile de même savoir ce que cela signifie. Je pense qu'on parle probablement de fusils semi-automatiques.
Quand on examine les travaux de recherche, y compris les miens et ceux provenant d'autres pays — l'Australie et la Grande‑Bretagne ont interdit la majorité de ces fusils —, on constate que rien ne prouve que cette mesure a permis de réduire les taux d'homicides. Dans les faits, les gens se servent encore d'autres types d'armes à feu, comme les fusils à verrou. En 2010, Derrick Bird s'est déplacé en voiture en Grande‑Bretagne avec un fusil de chasse et un fusil à verrou. Il a tué 12 personnes. Il est possible de commettre ces actes avec n'importe quel type de fusil.
Ce que la mesure législative semble faire, c'est cibler des propriétaires légitimes d'armes à feu. Elle ne semble pas cibler... même si elle l'a fait pour certaines peines minimales obligatoires. Dans l'ensemble, on semble cibler des propriétaires légitimes d'armes à feu avec toutes sortes de mesures législatives et de restrictions. Vous ciblez un groupe de personnes qui adoptent rarement des comportements criminels.
Il me semble que la meilleure approche serait d'essayer de réduire la demande dans les milieux criminels. Ce serait d'essayer de réduire le nombre de jeunes, habituellement des hommes, qui se joignent aux gangs et de tenter de s'attaquer à la prolifération des drogues de rue qui se répandent au pays. La quantité de méthamphétamines est maintenant dangereuse. C'est ce que je constate tout le temps aux urgences.
Tout ce que j'entends dire, c'est que nous ciblons un groupe de chasseurs. C'est illogique pour moi. On pourrait croire que nous portons des œillères pour ignorer ce qui nous entoure.
Je pourrais poursuivre, mais je pense que c'est...
Pour revenir à l'arme d'assaut, je ne suis pas étonné que nous ayons cette liste étrange qui comprend certains fusils, mais pas d'autres. Tout le monde semble d'ailleurs la trouver illogique. C'est insensé pour moi en tant que chercheur, car elle devrait s'appuyer sur le mécanisme du fusil: est‑ce que ce sont les fusils semi-automatiques ou les fusils à verrou qui nous préoccupent? Nous préoccupons-nous ensuite du fait que la plupart des fusils de chasse utilisent des projectiles de haut calibre, à grande vélocité et à forte puissance qui peuvent causer de graves dommages? Nous en parlons comme si ce n'était pas une préoccupation. Pourtant, les fusils d'assaut, comme un AR‑15 de petit calibre, sont notre principale préoccupation pour une raison ou une autre.
Vous avez besoin d'une meilleure définition avant de faire quoi que ce soit, et si vous pensez que l'interdiction de fusils semi-automatiques réduira le nombre d'homicides, vous avez tort. Ce n'est pas ce qu'indiquent les bons travaux de recherche qui proviennent des États-Unis, de l'Australie ou d'ici. Il faut donc choisir autre chose.