Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la réunion numéro 108 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 13 décembre 2023, le Comité reprend son étude du projet de loi S‑210, Loi limitant l'accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.
Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les députés et aux autres participants en personne de consulter les cartes qui se trouvent sur leur table afin de prendre connaissance des conseils à suivre pour éviter les problèmes de retour de son.
Veuillez prendre note des mesures préventives ci‑après, mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris des interprètes. N'utilisez que les oreillettes noires homologuées. Vous ne devez plus utiliser les anciennes oreillettes grises. Tenez votre oreillette éloignée des microphones en tout temps. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la face vers le bas sur l'autocollant placé sur la table à cet effet.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride.
J'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des députés et des témoins. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. À titre de rappel, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Tout d'abord, nous avons des factures à payer. Le lundi 6 mai, le greffier a distribué...
Je sais qu'il y a eu des désaccords sur certains aspects de l'ordre du jour au cours des dernières réunions, mais les parties en ont discuté. Il se peut que nous nous mettions d'accord, il se peut aussi que nous n'y parvenions pas. J'aimerais proposer quelque chose et voir si j'obtiens le consentement unanime, et déterminer où nous en sommes.
Je propose que nous obtenions le consentement unanime pour ce qui suit: Que l'on distribue immédiatement le rapport préliminaire sur le transfert de M. Bernardo; que ce rapport soit examiné lors de la prochaine réunion du Comité; que le président demande l'affectation de ressources supplémentaires dans la semaine du 3 juin pour l'étude du projet de loi S‑210; et que le ministre de la Sécurité publique soit invité à comparaître pour une période de deux heures au cours de la semaine du 10 juin, dont une heure serait consacrée au vol d'automobiles et une heure au budget principal des dépenses, et que le ministre des Transports soit invité à comparaître séparément pour une période d'une heure pour parler du vol d'automobiles.
Je pense que cette motion a été distribuée et j'espère obtenir le consentement du Comité.
Monsieur le président, j'invoque à nouveau le Règlement. J'aimerais proposer... Pourrait‑on suspendre la séance pendant cinq minutes pour discuter de cette question?
Le lundi 6 mai et le 24 mai, le greffier a distribué un budget provisoire pour le projet de loi S‑210 d'un montant de 15 000 $.
Le Comité souhaite‑t‑il adopter ce budget? Veuillez lever la main.
(La motion est adoptée.)
Le président: De même, je note que la date limite pour faire rapport du projet de loi S‑210 à la Chambre est fixée au vendredi 7 juin.
Le Comité souhaite‑t‑il demander une prolongation de 30 jours de séance pour l'examen du projet de loi S‑210 et que le président fasse rapport à la Chambre? Puis‑je avoir un vote à main levée sur cette question?
Vous ne pouvez pas mettre fin au débat sur ce point, et cette question sera portée devant la Chambre si vous le faites, monsieur le président. Vous ne pouvez pas mettre fin au débat.
S'il s'agit d'une question à débattre, alors j'aimerais en parler.
Vous ne pouvez pas interrompre les intervenants de façon arbitraire ou limiter le débat sur une question dont le Comité est saisi. Il s'agit d'une violation manifeste du Règlement, qui peut faire l'objet d'un recours devant la Chambre.
Si vous souhaitez proposer que l'on demande une prolongation, j'aimerais m'exprimer à ce sujet et je dois être entendu.
Les comités prennent leurs décisions de deux manières, par consentement ou au moyen d'une motion. Si ce comité est saisi d'une motion, je souhaite en discuter.
Vous ne pouvez pas obtenir le consentement du Comité lorsque certains députés expriment leur désaccord, à moins que le débat ne prenne fin. C'est la règle.
Monsieur le président, je souhaite m'exprimer sur la motion soumise au Comité. Vous devez respecter les règles. Vous n'êtes pas autorisé à procéder de cette façon et je vais parler de cette motion. Si vous déposez une motion pour demander une prolongation, je souhaite m'exprimer à son sujet.
Le Comité est saisi d'un certain nombre de questions à examiner, et ces questions...
J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le Comité n'a pas donné son consentement pour que l'on procède de cette manière. Vous n'avez pas le consentement du Comité. Vous ne pouvez pas exiger le consentement sans permettre aux intervenants de s'exprimer à ce sujet.
Si vous demandez l'avis du greffier, il confirmera exactement ce que je dis.
Monsieur, vous ne pouvez pas présumer du consentement du Comité sans déposer de motion. Je défendrai jusqu'au bout le Règlement et les prérogatives de ce comité. Je connais le Règlement mieux que vous, monsieur le président. Posez la question au greffier. Demandez l'avis du greffier, car il sait que j'ai raison. Le Président de la Chambre saura que j'ai raison.
Il est honteux que vous pensiez que, parce que vous êtes assis à ce fauteuil, vous pouvez faire preuve d'un mépris flagrant pour les règles qui protègent les privilèges des députés.
Si vous voulez soumettre une motion au Comité, faites‑le et nous pourrons en débattre. Si vous ne déposez pas de motion, vous n'avez pas le consentement du Comité.
Il me semble qu'en l'occurrence, les rappels au Règlement servent à interrompre la présidence.
M. Genuis ne cesse de vous prendre la parole, monsieur le président. J'ai beaucoup de mal à suivre. Il n'arrête pas de vous interrompre.
Cette attitude respecte‑t‑elle les règles de la Chambre? Peut‑on interrompre la présidence? Suffit‑il d'interrompre les autres participants pour faire passer son message de force? Est‑ce ainsi que les choses fonctionnent ici?
J'ai beaucoup de mal à suivre, monsieur le président, parce que vous êtes sans cesse interrompu.
Dans l'ouvrage de Bosc et Gagnon, on lit que toute tentative de saper l'autorité du président ou de lui manquer de respect peut être considérée comme un acte de désordre ou d’inconduite. À ce stade, les propos de M. Genuis, et la façon dont il se conduit envers vous et la fonction de ce comité, en ne vous laissant pas terminer ce que vous avez à dire, semblent se situer quelque part dans cette zone.
Je pense que le Comité a donné son consentement pour que l'on distribue l'ébauche du rapport Bernardo, pour qu'un rapport sur les vols de voitures soit rédigé et distribué, pour que l'étude du projet de loi C‑70 commence jeudi, et pour que nous procédions aux audiences telles qu'elles sont programmées aujourd'hui.
Que l'ébauche de rapport sur l'étude des droits des victimes d'actes criminels, reclassement et transfèrement des délinquants fédéraux, soit immédiatement distribuée aux membres du Comité; que les analystes préparent une ébauche de rapport sur l'étude du phénomène grandissant des vols de voiture au Canada et qu'il soit distribué; et que l'étude du projet de loi C‑70, Loi concernant la lutte contre l'ingérence étrangère, soit entamée le jeudi 30 mai 2024.
Des députés: Oui.
Le président: Le greffier pose une question sur la déclaration de vol d'automobiles. Nous n'avons pas encore donné de consignes aux analystes.
C'est vrai. C'est un absolu. Laissons les choses telles quelles, pour qu'ils puissent procéder de leur mieux, parce que, de toute façon, c'est eux qui nous apprennent des choses.
Ceci étant dit, nous avons le consentement unanime.
Tout est clair, monsieur le greffier?
D'accord. Très bien. Revenons au projet de loi S‑210.
J'aimerais tout d'abord reconnaître que M. Genuis n'avait pas tort auparavant. Je n'aime pas le dire, mais c'est la vérité.
Monsieur le président, j'aimerais souligner qu'il très élégant de votre part de l'admettre et je tiens à vous en féliciter. Je tiens à dire que c'est tout à votre honneur de reconnaître la règle. Je vous en suis reconnaissant.
Je tiens simplement à dire que nous avons tous mis du nôtre pour en arriver là. Je pense que c'est un signe très important que, lorsque nous nous engageons à faire quelque chose ensemble et que nous avons un objectif commun, nous pouvons réellement faire avancer les choses. Je tiens à remercier mes anciens collègues de ce comité, qui me manquent beaucoup, de nous avoir permis de le faire et d'avoir travaillé tous ensemble.
Ce processus n'est en fait pas particulièrement inhabituel à cet endroit et à cette époque de l'année, pas plus qu'un rapprochement soudain vers la fin.
Merci à nos témoins d'avoir attendu. Nous allons maintenant passer à vos observations, qui seront suivies de questions. Vous deviez disposer d'une heure entière. Nous disposons des ressources nécessaires pour vous accorder cette heure. M. Dufresne est là avec Mme Lara Ives. Je leur ai dit que nous les ferons entrer une heure après avoir commencé, de sorte que nous aurons également un groupe complet.
Cela étant dit, j'aimerais maintenant accueillir la témoin qui est la marraine du projet de loi S‑210 au Sénat. Je tiens à souligner que la sénatrice Miville-Dechêne guide ce projet de loi à travers les différents processus depuis 2020. Je crois qu'elle l'a déposé quatre fois.
Quoi qu'il en soit, nous sommes heureux que vous puissiez enfin vous exprimer.
Nous recevons l'honorable Julie Miville-Dechêne, sénatrice. Nous avons également, à titre individuel, Jérôme Lussier, directeur des affaires parlementaires du Bureau de la sénatrice Miville-Dechêne.
J'invite maintenant la sénatrice à formuler des observations liminaires d'une durée maximale de cinq minutes.
Je vous remercie de l'invitation à présenter le projet de loi S‑210. Je serai heureuse de répondre aux questions en français, mais je vais faire mon allocution en anglais, puisque c'est surtout dans cette langue que sont venues les critiques.
Pour répondre directement à votre question, je dirai ce qui suit: ce projet de loi a eu droit à deux études en comité, à cause des élections. Nous avons entendu 24 témoins et il y a eu 28 mémoires. On peut donc dire que ce projet de loi a été bien étudié au Sénat.
[Traduction]
Le projet de loi S‑210 vise à appliquer à la pornographie en ligne les règles qui s'appliquent normalement hors ligne. Le projet de loi fait trois choses. Premièrement, il oblige les sites Web qui proposent de la pornographie à vérifier l'âge des utilisateurs avant d'autoriser ces derniers à accéder à leur contenu. Deuxièmement, il met en place un mécanisme d'application qui peut entraîner le blocage des sites Web non conformes au Canada. Troisièmement, il prévoit que les méthodes acceptables de vérification de l'âge seront décidées par voie réglementaire, après consultation et avis d'experts. Le projet de loi précise que toute méthode approuvée doit être fiable, recueillir des renseignements uniquement à des fins de vérification de l'âge, détruire tout renseignement personnel une fois la vérification effectuée et respecter les pratiques exemplaires en la matière.
Les sondages indiquent que près de 80 % des Canadiens sont favorables à la vérification de l'âge pour accéder à la pornographie en ligne, mais le projet de loi S‑210 a été attaqué et je tiens à rectifier certaines faussetés qui ont été dites à ce sujet.
On a dit qu'aucun pays n'avait fait cela. C'est faux. L'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Union européenne et plusieurs États américains ont adopté des lois et des règlements pour rendre l'accès à la pornographie conditionnelle à une vérification de l'âge. L'Espagne devrait bientôt lancer un projet pilote à ce sujet. L'Australie, qui avait suspendu ses travaux, a annoncé la semaine dernière qu'elle ira de l'avant.
Le projet de loi a été dépeint comme un projet de loi partisan ou idéologique visant à contrôler la sexualité. C'est faux. La vérification de l'âge est soutenue par le gouvernement socialiste espagnol et le gouvernement conservateur britannique. En Californie, un projet de loi sur la vérification de l'âge a récemment été approuvé à l'unanimité par deux comités législatifs. Ce n'est pas un projet de loi partisan.
On a dit qu'il s'agissait d'une attaque contre la liberté d'expression. Encore une fois, c'est faux. Le projet de loi S‑210 n'aurait pas d'incidence sur la capacité des adultes d'accéder à la pornographie; il empêcherait simplement les enfants d'y accéder. En Europe, des sites pornographiques ont contesté les lois sur la vérification de l'âge et se sont fait rabrouer à chaque étape. Aux États-Unis, pays réputé pour la grande protection qu'il accorde à la liberté d'expression, les sites pornographiques ont contesté les lois et ont échoué jusqu'en Cour suprême.
Il a été dit que la vérification de l'âge nécessiterait la présentation d'une pièce d'identité aux sites pornographiques. Encore une fois, c'est faux. En Europe et ailleurs, la vérification de l'âge est généralement effectuée par des sociétés tierces grâce à des méthodes qui font en sorte qu'aucun renseignement personnel n'est communiqué aux sites pornographiques. Il s'agit là des pratiques exemplaires, des pratiques qui devront nécessairement être d'usage au Canada.
Il a été dit que ce projet de loi bloquera la représentation de toutes les formes de nudité. C'est faux. Le projet de loi reprend la définition de la pornographie inscrite dans le Code criminel. Le projet de loi prévoit aussi les exceptions d'usage pour l'art, la science et l'éducation.
Il a été dit que ce projet de loi allait imposer une vérification de l'âge sur tous les sites Web. C'est faux. Le projet de loi S‑210 n'impose une vérification de l'âge que pour l'accès au contenu pornographique. Si un site Web contient du contenu pornographique et du contenu non pornographique, la vérification de l'âge ne sera requise que pour l'accès au contenu pornographique.
Il a été dit qu'il n'y avait aucun moyen de vérifier l'âge d'une personne sans compromettre la protection des renseignements personnels. C'est faux. La France est en train de mettre au point une méthode doublement anonyme. Le régulateur britannique a recommandé des méthodes d'estimation de l'âge qui ne collectent aucun renseignement sur l'usager. L'Australie a expliqué sa récente décision d'aller de l'avant avec la vérification de l'âge en disant que la technologie qu'elle a examinée il y a seulement un an s'est déjà améliorée.
Enfin, il a été dit que la vérification de l'âge est inutile parce que les enfants trouveront des moyens de la contourner. Une fois de plus, c'est faux. Des études réelles montrent que seul un petit nombre d'enfants sait comment contourner ces restrictions. Il est possible que des adolescents plus âgés et des adultes utilisent des réseaux privés virtuels, ou RPV, pour contourner la vérification de l'âge, mais il est très peu probable qu'un grand nombre d'enfants de 8, 10 et 12 ans le fassent.
Je répondrai volontiers aux questions, mais je vous en prie, ne laissez pas le Canada être le dernier endroit au monde où les pornographes sont plus protégés que les enfants.
Je vais y aller d'une série de questions courtes. Je vous saurais gré d'être aussi brève que possible, voire de répondre par oui ou par non lorsque ce sera possible.
Vous avez dit que pour l'étude du Sénat, il y avait eu 24 témoins et 28 mémoires. Est‑ce exact?
Le projet de loi S‑210 exige qu'une méthode de vérification de l'âge soit utilisée, mais il ne prescrit pas cette méthode. Est‑ce exact? Pourquoi ne pas définir explicitement la méthode de vérification de l'âge à même la loi?
Eh bien, c'est comme cela qu'on écrit un bon projet de loi. La vérification de l'âge est un procédé essentiellement technique. Le projet de loi stipule — c'est quelque chose qui est dit très clairement à l'article 11 — que des précautions doivent être prises, que les pratiques exemplaires doivent être respectées et que la vie privée doit être protégée. Or, le fait de choisir une méthode de vérification de l'âge particulière dans le projet de loi serait une grave erreur, car il s'agit de méthodes qui évoluent. Nous voulons que le règlement fasse en sorte que les spécialistes, les experts et le gouvernement soient ceux qui choisiront la meilleure méthode de vérification de l'âge au moment où ils devront le faire.
Oui. Je peux citer Ofcom, qui est l'organisme de réglementation en Grande-Bretagne, sur les types de méthodes de vérification de l'âge qui pourraient être très efficaces. Ils sont en train de mettre en place une réglementation. La Grande-Bretagne a adopté un projet de loi complet à ce sujet. On y mentionne l'estimation de l'âge du visage. Vous avez entendu parler de l'estimation de l'âge. C'est une méthode qui consiste à analyser les caractéristiques du visage d'un utilisateur pour estimer son âge, mais il n'y a aucune collecte de données. Il s'agit d'une estimation, à plus ou moins deux ans près.
C'est l'une de ces méthodes. Il y en a évidemment d'autres.
Il y en a donc d'autres, en plus de la méthode du visage, qui n'impliquent pas une analyse du visage, mais qui permettent quand même d'estimer l'âge sans preuve d'identité.
Le processus de vérification pourrait‑il être effectué par un tiers, de sorte que l'identité d'une personne ne puisse jamais être liée à ses habitudes de consommation de pornographie, même en cas de fuite des données?
Encore une fois, si vous regardez notre projet de loi, l'article 11 précise que les « pratiques exemplaires » doivent être respectées. Évidemment, la vérification par une tierce partie est une de ces pratiques exemplaires. C'est ce que l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni proposent ou ont déjà mis en œuvre. L'idée, évidemment, est de ne pas avoir à soumettre de données personnelles à des sites pornographiques ou à des plateformes sur le Web...
En fait, c'est ce que l'on appelle le double anonymat, parce que d'un côté, la tierce partie fait la vérification avec toutes les pratiques exemplaires d'usage et se soumet à toutes les lois sur la protection de la vie privée. Elle envoie simplement un jeton aux sites pornographiques. La seule question est de savoir si ce client a 18 ans ou plus. Le site pornographique ne sait jamais qui vient sur son site.
La Loi sur la protection des renseignements personnels s'appliquerait-elle toujours? Ce projet de loi modifie‑t‑il ou affaiblit‑il de quelque façon que ce soit les protections prévues aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
Ce projet de loi s'appliquerait‑il au matériel éducatif, aux œuvres d'art comportant de la nudité ou d'autres représentations du corps humain qui ne sont pas de nature pornographique?
Non. Comme je l'ai dit tantôt, l'article 6 prévoit une exception pour le matériel éducatif, scientifique et artistique. Ces trois types de matériel sont exclus de toute vérification de l'âge.
C'est l'une des statistiques préoccupantes. L'âge moyen varie entre, selon les études, 11 et 13 ans. Maintenant, pour ce qui est du pourcentage des jeunes qui voient de la pornographie pour la première fois, il faut savoir que 50 % des 13 ans, 27 % des 11 ans et 10 % des 9 ans ont déjà regardé ou été en contact avec de la pornographie. Ce sont des chiffres énormes.
Oui, et comme le Centre canadien de protection de l'enfance jouit d'une très bonne réputation au Canada, je vais citer certaines des choses que cet organisme a dites sur le fait que tous les enfants aient accès à la pornographie sans qu'on leur pose la moindre question sur leur âge.
Le Centre canadien de protection de l'enfance affirme que les préjudices subis par les enfants exposés à du matériel sexuellement explicite comprennent « la difficulté à nouer des relations saines », « des croyances et des comportements sexuels néfastes » et « une normalisation des préjudices sexuels ». Parce que la pornographie est là, elle est normalisée. La pornographie qu'ils voient, qui peut contenir de la violence et des actes dégradants, est normale pour eux, de sorte qu'ils sont évidemment plus susceptibles de subir les préjudices d'un pornographe.
C'est bien d'arriver là où nous pouvons enfin avoir une bonne conversation sur ce projet de loi.
Sénatrice, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce que vous essayez d'accomplir est très important, et je pense qu'il y a de nombreux moyens d'y parvenir. À mon avis, le projet de loi C‑63 tient compte de bon nombre des problèmes que vous cherchez à résoudre.
L'un des enjeux sur lesquels je souhaitais vous entendre est la question de la vie privée en ligne. Pourriez-vous expliquer brièvement les effets que ce projet de loi pourrait avoir sur la vie privée des Canadiens en ligne? Y a‑t‑il des préoccupations concernant la vie privée des utilisateurs en ligne?
Je dois dire, tout d'abord, que le projet de loi C‑63 ne parle pas de la vérification de l'âge. Il n'y a rien dans ce projet de loi sur la vérification de l'âge. Ces mots ne sont même pas utilisés et il y a très peu de choses sur la pornographie. Le projet de loi C‑63 parle du concept très vague de « caractéristiques de conception adaptées à l’âge ». Il dit qu'il devrait y avoir une conception adaptée à l'âge; je suis désolée, mais une conception adaptée à l'âge n'est pas une vérification de l'âge. Elle pourrait l'être à un moment donné si un comité en décidait ainsi, mais ce n'est pas dans le projet de loi. C'est la première chose que je voulais dire.
En ce qui concerne la protection de la vie privée, nous avons des lois au Canada. Pourquoi...
Tout d'abord, sur cette question, il est évident que le Canada a des lois sur la protection des renseignements personnels. Or, pourquoi ces lois cesseraient-elles tout à coup de s'appliquer à toute entreprise effectuant une vérification par une tierce partie? C'est ridicule.
Je vais citer des personnes qui sont plus expertes que moi en la matière. L'Age Verification Providers Association, ou AVPA, a dit que « la technologie de vérification de l'âge préservant les renseignements personnels est déjà utilisée à grande échelle; elle est très efficace et nos membres ont déjà effectué plus d'un milliard de ces vérifications ». L'AVPA affirme également que « la vérification de l'âge peut être conçue de manière à assurer la protection intégrale de l'identité des utilisateurs ».
Sur cette base, qui concevrait la technologie que vous proposez? Quelle technologie proposez-vous d'utiliser? S'agirait‑il d'une technologie du secteur privé ou du gouvernement?
Non, je dis que toutes ces questions seront résolues dans la réglementation. Ce que je vous dis, c'est qu'à l'article 11 du projet de loi, nous avons cinq principes qui garantissent le respect de la vie privée. Je vais vous lire le principal d'entre eux, qui concerne le mécanisme de vérification de l'âge qui sera retenu. L'article dit qu'on veillera à ce que le mécanisme « assure le respect de la vie privée des utilisateurs et protège leurs renseignements personnels ».
Sur ce point, cependant, l'une des préoccupations soulevées par les gens est que le paragraphe 11(2) permet l'utilisation par les services Internet de méthodes de vérification de l'âge qui, selon certains, sont fondamentalement peu sûres, qu'il s'agisse du téléchargement de données ou de l'analyse de l'activité des médias sociaux.
Comment garantir aux Canadiens qu'ils n'auront pas à fournir tous ces renseignements pour permettre cette vérification de l'âge?
L'une des choses dont j'essaie de m'assurer, c'est que nous atteignons l'objectif.
Le paragraphe 11(2) tel que je le lis — et il se peut que ce soit ma propre lecture — permettrait l'utilisation de n'importe quelle option pour la vérification de l'âge.
Ces options devraient respecter ces règles parce qu'elles figurent dans le projet de loi. Aucune méthode qui ne respecte pas la confidentialité ne pourrait être choisie dans la réglementation parce que la réglementation, comme vous le savez, doit suivre les principes qui sont dans le projet de loi.
La façon dont cela se fait dans d'autres pays... par exemple, l'Allemagne a un système d'accréditation. Certaines entreprises spécialisées dans la vérification de l'âge peuvent se porter candidates. Pour qu'elles soient accréditées à faire la vérification de l'âge des Canadiens, il faudrait qu'elles aient une accréditation.
À cet égard, vous avez vu des technologies et des politiques de restriction de l'âge être contestées devant des tribunaux et par des juridictions aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Comment faire en sorte que cela ne se termine pas par une contestation devant les tribunaux?
Jusqu'à présent, aux États-Unis, les sociétés pornographiques qui ont intenté des procès ont perdu. Maintenant, aux États-Unis — qui sont vraiment très forts en matière de liberté d'expression —, il y a déjà une décision de justice qui dit que ces lois ne sont pas inconstitutionnelles. C'est très intéressant, car il y a quelques années, c'était le contraire.
Aujourd'hui, le problème des jeunes — des enfants — qui regardent de la pornographie est si répandu que les tribunaux ont manifestement changé d'avis à ce sujet. Je dirais aussi...
Je tiens d'abord à préciser que personne ici ne pense qu'il faut accorder aux enfants un accès illimité à des contenus pornographiques.
Mon objectif principal est de m'assurer que le projet de loi en question ne puisse pas être contesté avec succès devant les tribunaux.
Par exemple, vous avez parlé un peu des États-Unis. Au Royaume-Uni, il y a eu une série de contestations, et d'autres pays ont fait l'objet de contestations similaires. Au Canada, nous menons depuis longtemps un débat sur différents enjeux liés au respect de la vie privée.
Comment faire en sorte que les membres de la communauté LGBTQ2S+ en particulier, et d'autres, ne se retrouvent pas en mauvaise posture sur le plan judiciaire? Pour être clair, il ne s'agit pas de dire qu'il faut donner aux enfants un accès illimité à la pornographie. Il ne faut pas en conclure que c'est ce qu'il faut faire.
Ma question est la suivante. Comment aborder cet enjeu de manière à protéger les jeunes, à donner aux gens l'assurance que ce qui est fait ici relève des lois canadiennes sur la protection de la vie privée et que nous agissons d'une manière cohérente avec la loi?
En ce qui concerne les poursuites judiciaires, en France et en Allemagne, tous les procès ont été perdus par les sociétés pornographiques, de sorte que nous ne sommes pas confrontés à un grand défi à ce stade.
En ce qui concerne votre deuxième question, l'objectif de ce projet de loi est de protéger l'ensemble des mineurs contre la pornographie. Ce que vous dites ici, c'est que certains membres de la communauté LGBTQ pourraient être particulièrement vulnérables au problème de la protection de la vie privée.
Je n'ai vu aucune étude à ce sujet. Nous affirmons que la vie privée sera respectée. En ce qui concerne les paris et toutes sortes d'autres questions, nous divulguons déjà une partie de nos renseignements personnels à plusieurs compagnies. Pourquoi en irait-il différemment ici et pourquoi cette communauté serait-elle ciblée?
Je suis désolée, je ne comprends pas. Au Canada, avec les lois que nous avons adoptées, qu'est‑ce qui vous fait penser que les noms de certains individus soient davantage à risque d'être divulgués?
Madame la sénatrice, je vous remercie d'être ici. J'avais bien hâte de vous entendre parler de l'important projet de loi S‑210, qui vise à limiter l'accès en ligne des jeunes à du matériel sexuellement explicite. On pourrait dire aussi qu'il vise à protéger les jeunes de la possibilité de faire leur propre éducation sexuelle au moyen de la pornographie en ligne.
J'ai bien aimé la façon dont vous avez décrit ce projet de loi en disant que, ce qu'il vise, c'est qu'on fasse en ligne ce qu'on fait hors ligne. La situation était beaucoup plus simple quand les enfants n'avaient pas le droit d'aller acheter au dépanneur des revues contenant du matériel pornographique. Maintenant, elle est un peu plus complexe avec tout ce qui est disponible en ligne.
Par contre, vous avez sûrement constaté que ce projet de loi ne fait pas l'unanimité. Le gouvernement a voté contre le fait de le renvoyer pour étude à un comité parlementaire. C'est grâce au vote des autres partis d'opposition que le Comité peut étudier ce projet de loi aujourd'hui. Ce dernier est bien fait: je l'ai lu et je trouve que c'est un bon projet de loi. D'ailleurs, le Bloc québécois l'approuve.
Il n'est évidemment pas simple de travailler sur la vérification de l'âge. Nous avons pu lire ce qui se fait dans les autres pays. Vous avez mentionné l'Allemagne, le Royaume‑Uni, la France, quelques États des États‑Unis, l'Espagne et l'Australie, notamment. D'après ce que je lis sur les mesures concrètes prises par ces pays, je constate souvent que la loi n'a encore jamais été appliquée ou qu'elle ne le sera que dans le cadre de projets pilotes à venir. Nous n'avons donc pas nécessairement d'indications claires sur ce qui se fait et sur ce que le Canada pourrait faire, ni d'exemples dont il pourrait s'inspirer.
J'aimerais entendre vos commentaires sur une question que vous avez abordée plus tôt, et je vais vous permettre de répondre en français: pourquoi avoir choisi que les dispositions relatives au fonctionnement se retrouvent dans la réglementation plutôt que dans le projet de loi directement?
Qu'aimeriez-vous que le gouvernement fasse en matière de réglementation? Cela ne vous fait-il pas peur de laisser tout cela à la réglementation étant donné que le gouvernement ne veut pas du projet de loi S‑210?
L'Allemagne vérifie l'âge depuis des années et des années au moyen d'une réglementation. Nous avons d'ailleurs entendu un témoignage à ce sujet au Sénat. Il n'y a jamais eu de fuite d'informations personnelles. Il existe 80 systèmes différents, mis en œuvre en collaboration avec des tierces parties accréditées. C'est donc un système qui fonctionne parce qu'évidemment, ce pays a commencé à faire de la réglementation avant l'arrivée de Pornhub. Cependant, les plateformes internationales refusent de s'y conformer.
Quant à la Grande‑Bretagne, un premier projet de loi n'a pas fonctionné. Un deuxième a été adopté, et on est en plein à l'étape de la réglementation, qui s'en vient. Je sais que le projet de loi de ce pays a été l'un des modèles que le gouvernement du Canada a examinés, parce qu'il est très sérieux, il a fallu des années avant qu'il soit prêt, et il est excellent. Il traite beaucoup de pornographie et beaucoup du fait qu'il faut à la fois s'attaquer aux sites pornographiques et aux médias sociaux. En effet, les enfants regardent de la pornographie autant sur Twitter que sur les sites pornographiques. Il faut donc s'inquiéter de l'ensemble.
Il y a donc des pays qui vérifient l'âge, mais vous avez raison: nous en sommes tout de même aux débuts. Toutefois, on ne peut pas dire que l'Allemagne soit un pays minuscule, et son système fonctionne. Dans le cas de la France, ce sera pour septembre.
Pour revenir à votre question sur la réglementation, il est vrai que le gouvernement a dit assez clairement ne pas aimer mon projet de loi. Je suis cependant de celles qui croient tout de même que les gouvernements ont des responsabilités. Je fais confiance au gouvernement pour que, une fois le projet de loi devenu loi, il consulte des experts et cherche les meilleures méthodes de vérification de l'âge, celles qui protégeront le mieux les Canadiens. Je ne vois donc pas pourquoi il y aurait de la mauvaise foi sur le plan de la réglementation dans la mesure où ce n'est à l'avantage d'aucun Canadien de créer un mauvais système de vérification d'âge.
Je vous dirais que la loi britannique telle qu'elle est rédigée ressemble beaucoup plus à celles que nous produisons dans le cadre de notre système juridique et de notre gouvernement.
Dans les règlements connexes à cette loi, on parle maintenant d'estimation de l'âge, d'assurance sur l'âge. Oui, il y a les cartes d'identité, et oui, il y a des méthodes plus classiques, mais il y a aussi l'estimation de l'âge. Celle-ci permet, sans collecter aucune donnée, d'estimer l'âge à plus ou moins deux ans. Si cette méthode ne fonctionne pas, on peut passer à une autre méthode.
Ce qui est très intéressant chez les Britanniques, c'est qu'ils disent qu'il est de la responsabilité de ceux qui diffusent de la pornographie de s'assurer que ces méthodes, qui devraient normalement être appliquées par des tierces parties, fonctionnent. On n'enlève donc pas de responsabilités aux sites pornographiques. On dit toujours que c'est eux qui doivent, s'il y a un choix de méthode, non seulement en choisir une, mais aussi s'assurer qu'elle fonctionne.
Il ne me reste que quelques secondes, mais je veux quand même vous entendre parler du fait que, selon le gouvernement, on n'a pas besoin du projet de loi S‑210, étant donné qu'on a le projet de loi C‑63. À ma connaissance, ce n'est pas du tout la même chose. Le projet de loi C‑63 est très important, entendez-moi bien, mais ce n'est pas la même chose que le projet de loi S‑210. Êtes-vous du même avis?
Je me suis prononcée en faveur de la première partie du projet de loi C‑63, qui concerne toute la question des enfants. Il y a de très bonnes choses là-dedans mais, étrangement, pas un mot sur la vérification de l'âge ni sur la pornographie, qui sont quand même des préjudices importants découlant des médias sociaux. J'en suis très déçue. On a beau me dire que la commission qui sera mise sur pied un jour pourrait décider que la vérification de l'âge est la bonne façon de faire, ça ne me rassure pas. Tout ça nous fait reculer.
Sachez que, pour moi, c'est une question pressante de santé publique. En effet, depuis 15 à 20 ans, nos enfants sont soumis à cette pornographie sans aucune restriction, et ça modifie leur façon de voir la sexualité. La sexualité devrait être une belle chose et je suis pour une sexualité saine, mais ce n'est pas ça que la pornographie présente. Je comprends que c'est légal pour les adultes, mais ça n'a jamais été conçu pour être consommé par les enfants et leur tenir lieu d'éducation sexuelle.
Non seulement ça leur enlève tous leurs rêves et tout le mystère mais, en plus, ça leur fait adopter des comportements épouvantables qui sont plus violents. Selon une étude qui m'a complètement renversée, plus de 47 % des jeunes hommes et des jeunes femmes disent qu'il y a forcément de la violence dans les relations sexuelles et que les filles s'attendent à ça. Imaginez où on en est rendu.
Merci, madame la sénatrice, de vous joindre à nous aujourd'hui pour conseiller le Comité par rapport à ce projet de loi.
J'ai voté en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. Je suis d'accord avec le principe. De nombreux députés sont des parents. Je parle non seulement des députés réunis autour de cette table, mais aussi des députés présents à la Chambre des communes. Nous abordons donc ces enjeux par intérêt à la fois professionnel et personnel.
Cela dit, cette question a suscité beaucoup de courrier de la part de mes électeurs et, en fait, de nombreuses personnes qui savent que je suis membre du Comité. À titre personnel, j'essaie de trouver un équilibre entre les préoccupations réelles des parents concernant l'accès des enfants, mais je veux aussi en savoir un peu plus sur les personnes qui soulèvent des problèmes concernant la protection de la vie privée. C'est pourquoi je souhaite accorder une attention particulière à cette étude.
L'une des questions que je me pose est la suivante. Nous avons étudié un certain nombre de renseignements portant sur ce projet de loi, ainsi que plusieurs recommandations. L'une d'entre elles concernait la possibilité de vérifier l'âge des utilisateurs au point d'accès sur les appareils, plutôt que sur les sites Web.
Cette technologie est mise de l'avant par Ethical Capital Partners, qui est désormais le nouveau propriétaire du site Web Pornhub.
Les représentants de cette société ont fait le tour du Parlement pour promouvoir leur nouvelle technologie. Lorsque nous nous sommes rencontrés, je leur ai dit que s'ils pensaient être en mesure de convaincre les grandes multinationales comme Google de le faire, c'est très bien. Par contre, à ce stade, il existe différents sites Web qui sont responsables d'avoir laissé des enfants consommer des contenus pornographiques au cours des 20 dernières années. Les représentants de ces sites Web affirment que ce n'est pas leur rôle de vérifier l'âge de chaque internaute, et qu'ils préfèrent laisser à d'autres le soin d'exécuter cette tâche.
Évidemment, pour commencer, c'est un peu étrange, et puis il y a toute cette idée d'avoir... Je n'ai rien contre le fait d'avoir une vérification de l'âge au téléphone, mais personne ne le fait dans le monde. Une telle technologie sera sans doute accessible un jour, mais pour l'instant, ce n'est pas le cas.
Est‑ce en raison de la grande variété d'appareils existants? Certaines personnes utilisent un ordinateur portable, un téléphone ou un vieil ordinateur de bureau.
C'est parce qu'il faudrait que beaucoup de... Google, Microsoft et tous les autres doivent être d'accord pour faire cela, et nous n'avons aucune indication qu'il s'agit d'une nouvelle méthode utilisée par certains pays. Personne n'a encore emprunté cette voie.
Je ne dis pas qu'il s'agit d'une mauvaise voie, mais cette voie n'existe tout simplement pas encore.
Je voudrais entrer dans les détails du projet de loi. Lorsque j'examine votre projet de loi, à la page 3, le paragraphe 6(2), intitulé « Défense — but légitime », précise ce qui suit:
Nulle organisation ne peut être déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 5 si les actes qui constitueraient l’infraction ont un but légitime lié à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts.
Si je devais demander à des passants dans la rue ce qu'ils pensent de l'expression « but légitime », je pense que l'on obtiendrait différentes réponses, car il s'agit d'un concept sujet à interprétation.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous voyez les choses en tant que marraine du projet de loi?
Je comprends que cette stratégie de défense puisse être utilisée dans différentes circonstances. Il y a évidemment une question d'interprétation. Je dirais que les gens disent qu'il serait problématique de montrer un nu sur les médias sociaux. Non seulement ils ne comprennent pas cette définition particulière, mais c'est plus large que cela. Le matériel sexuellement explicite ne se réfère pas à la simple nudité. Il s'agit d'un terme du Code criminel, et cette définition est très pointue.
Je vais lire le passage en français. Je suis désolée, je dois...
Vous estimez que cela contribue clairement à définir l'expression « but légitime », qui est déjà présente dans le Code criminel. D'accord, c'est bien. C'est ce que je voulais savoir.
L'autre partie que je voulais aborder se trouve à la page 5, à l'alinéa 9(5)a). Il s'agit d'une ordonnance émise par la Cour fédérale. Dans cette section, il est dit que l'ordonnance du tribunal peut avoir pour effet d'empêcher des personnes au Canada d'avoir accès à du matériel autre que du matériel sexuellement explicite mis à disposition par l'organisation qui a reçu l'avis.
Quel autre matériel pourrait, selon vous, être interdit d'accès et pourquoi avez-vous inclus cet article dans le projet de loi?
D'accord. Si vous le permettez, je répondrai en français sur ce point.
[Français]
D'abord, il faut comprendre que, avant qu'un site Web soit bloqué, la personne qui en est responsable aura reçu un avis détaillé. Ensuite, elle aura eu 20 jours pour décider ou non de se conformer à la loi. Après, on aura confié le dossier à la Cour fédérale, qui aura délibéré pour décider si on a vraiment atteint le stade où on doit bloquer le site. Je tiens à dire cela, parce que c'est une méthode qui correspond aux normes juridiques canadiennes, qui protègent ceux qu'on veut punir en leur laissant le recours de parler au tribunal et de se défendre.
Si, passé tout cela, on considère que le site pornographique n'agit pas, la question du blocage se pose. Quand un fournisseur de service Internet se fait dire qu'il doit bloquer un site, il peut le faire. Si un site Web contient à la fois du matériel pornographique et du matériel non pornographique, une fois qu'on le bloque, on bloque plus que simplement le contenu pornographique. Dans ce cas, la raison est simple: c'est au site de décider s'il se conforme à la loi ou non. Prenons l'analogie d'un bar. Si un bar laisse entrer des enfants et les laisse boire de l'alcool, le bar va éventuellement se faire retirer son permis d'alcool, ce qui l'empêchera d'en servir non seulement aux enfants, mais aussi aux adultes.
Je pense qu'il est vraiment important de clarifier la question du blocage des sites, car je pense qu'il y a eu des informations erronées à ce sujet. Pour être tout à fait clair, le blocage de sites Web n'est une sanction que pour les internautes qui contreviennent à la loi de manière répétée. Si je commets un délit, je risque d'aller en prison, et si je suis envoyé en prison, cela viole mes droits à la mobilité et ma capacité à faire toutes sortes d'autres activités que je pourrais normalement faire. C'est parce que j'ai commis un délit et que je suis pénalisé pour cela.
De la même manière, ce projet de loi ne concerne pas le blocage de sites en général. Il permet seulement de l'utiliser comme sanction pour ceux qui refusent obstinément de se conformer à la loi.
Je pourrais ajouter ici qu'en Allemagne, Twitter diffusait à la fois du matériel non pornographique et du matériel pornographique. Le gouvernement a indiqué à Twitter qu'aucun mécanisme de vérification de l'âge n'avait été mis en place. Finalement, Twitter a abandonné toute sa section consacrée à des matériels pornographiques. Ils l'ont décidé eux-mêmes parce qu'ils ne voulaient pas être soumis à la loi sur la vérification de l'âge.
Twitter vient de retirer 60 pages de son site Web en Allemagne. C'est ce que je veux dire ici.
En ce qui concerne les médias sociaux, certains critiques ont dit que cela s'appliquerait aux médias sociaux qui choisissent d'héberger des contenus pornographiques et de les montrer aux enfants, mais il me semble que si l'on ne peut pas servir de l'alcool à des enfants dans un bar, on ne peut pas non plus servir de l'alcool à des enfants dans un kiosque de crème glacée. Si nous décidons qu'une activité doit être protégée par l'âge, alors cette vérification de l'âge doit nécessairement exister dans tous les contextes où ce contenu pourrait être montré à des enfants.
La solution est qu'il ne s'agit pas d'une vérification de l'âge pour ces sites en général, mais spécifiquement pour le contenu pornographique dont nous parlons, parce que Twitter ne devrait pas être autorisé à rendre accessible du matériel pornographique à des enfants de neuf ans, pas plus que n'importe quel autre site Web.
C'est assez facile à faire parce que, si vous avez été sur Twitter et que vous avez essayé de trouver du matériel pornographique, vous verrez qu'il y a une page qui alerte sur la présence de contenu délicat.
Twitter sait où il se trouve, il est donc facile à trouver et il peut être bloqué en fonction de l'âge, vérifié en fonction de l'âge, tous ces éléments fonctionnent.
J'ajouterais à cette analogie que les enfants ne peuvent pas aller dans un bar et boire, mais qu'ils ont le droit d'aller au restaurant. Le serveur n'a pas le droit de leur donner à boire.
Ce n'est pas tant le lieu que le contenu pornographique que nous visons. C'est là qu'il faut mettre un terme à ce phénomène, car il ne concerne évidemment pas seulement les sites pornographiques, mais aussi les plateformes de médias sociaux.
C'est souvent là que les enfants ont leur première occasion d'accéder à des contenus pornographiques.
Il me semble évident que dans un monde où la technologie évolue rapidement, il n'est pas possible d'inscrire dans le texte de loi le type précis de méthode de vérification de l'âge qui sera utilisé. Cela empêcherait le processus d'amélioration progressive de l'efficacité.
Pour ceux qui sont sceptiques à l'égard du pouvoir gouvernemental en général, quelles sont les garanties relatives au processus de réglementation qui figurent dans le projet de loi et qui existent en règle générale?
Je reviens à l'article 11, car il est issu du processus du Sénat. Il s'agissait d'un amendement parce que, de toute évidence, nous avons entendu les mêmes préoccupations, alors nous avons proposé de mettre en place de véritables garanties dans le projet de loi.
Ces garanties figurent à l'article 11. La méthode sélectionnée doit être fiable, préserver la vie privée des utilisateurs et protéger leurs renseignements personnels, collecter et utiliser les renseignements personnels uniquement à des fins de vérification de l'âge, détruire tous les renseignements personnels collectés à des fins de vérification de l'âge une fois la vérification terminée — nous parlons ici de les détruire — et, de manière générale, se conformer aux meilleures pratiques.
En vérité, comment aurions-nous pu choisir une méthode de vérification de l'âge? Cela fait quatre ans que je travaille sur ce dossier, le monde a évolué et les technologies ont beaucoup progressé.
Sénatrice, le texte du projet de loi est tout à fait explicite à ce sujet.
Pour conclure mes questions, comment expliquez-vous le volume de la désinformation et de la désinformation pure et simple?
Je pense qu'une partie d'entre elles peut provenir de certains groupes industriels, mais comment expliquer le volume d'absurdités, franchement? Certaines personnes sont effrayées par ce qui se passerait si ce projet de loi était adopté parce qu'elles ne comprennent pas du tout de quoi il s'agit.
Comment en tenez-vous compte et comment réagissez-vous à cette situation?
Il est facile d'effrayer les gens avec de la désinformation. Moi, je suis incapable de comprendre que cette fausseté devienne plus importante que la protection de tous les enfants.
Comme nous le savons tous, nos droits, défendus par la Charte, ne sont pas absolus. Oui, la liberté d'expression existe, et les adultes continueront à pouvoir regarder du matériel pornographique, mais qu'en est‑il des enfants? Les enfants ont eux aussi des droits.
Les Nations unies demandent maintenant aux pays de mettre en place des systèmes de vérification de l'âge. Lorsque j'ai présenté ce projet de loi, ce problème n'était pas aussi bien connu. Maintenant que le temps a passé, il s'agit d'une véritable question de sécurité publique, et je pense qu'il faut s'y attaquer.
Je vous remercie, sénatrice, d'être venue nous présenter votre témoignage.
Votre projet de loi n'inclut pas de définition du matériel sexuellement explicite ou de la pornographie, mais renvoie à un article du Code criminel concernant la mise à disposition de matériel sexuellement explicite à des enfants. Est‑ce exact?
La pornographie, le matériel sexuellement explicite, n'est pas défini en tant que tel dans le Code criminel en ce qui concerne les adultes. Elle n'existe que pour la pornographie enfantine. Le terme connu est « matériel sexuellement explicite ». Je vais vous lire la définition, car lorsque nous lisons...
C'est ainsi que se déroule le processus législatif. Dans la définition, je parle de matériel sexuellement explicite. Dans les projets de loi, on ne donne pas la définition du Code criminel. Elle figure seule dans le Code criminel, car si la définition est modifiée, il faut empêcher que cela n'affecte le projet de loi.
C'est juste que je n'ai pas beaucoup de temps. Je voudrais en venir à ma question, si vous êtes d'accord. Je vous prie de m'excuser.
Puisque vous vous appuyez sur cette définition externe, saviez-vous que la majorité des entreprises de diffusion en continu sur le Web, et nous pouvons penser à des noms connus comme HBO, Hulu et Netflix, qui sont couramment accessibles pour les familles canadiennes, ne sont pas consultées pour leur contenu pornographique? Ils hébergent des contenus qui contiennent parfois des aspects sensibles et du matériel sexuellement explicite. Saviez-vous qu'ils seraient également impliqués dans la formulation du projet de loi tel qu'il est actuellement présenté?
Il ne s'agit pas seulement de nudité ou de contenu délicat.
Je citerai le professeur Trudel, spécialiste de ces questions:
[Français]
Dans l'arrêt Sharpe, la Cour suprême du Canada a précisé que l'expression « activités sexuelles explicites » renvoie à des activités sexuelles intimes représentées de manière détaillée et non équivoque, et visant à stimuler sexuellement les personnes qui consomment ce type de matériel.
L'aspect sur lequel je souhaite attirer l'attention est que lorsque vous avez du contenu en ligne, en particulier sur Netflix, HBO ou Hulu, l'interprétation peut être différente selon qu'il s'agit d'une scène ou d'un film entier.
Pensez-vous que le contenu non pornographique accessible dans l'ensemble du pays devrait être évalué et réglementé et qu'il devrait faire l'objet de la même responsabilité juridique que le contenu que vous proposez de capturer dans le cadre de votre projet de loi?
Je ne comprends pas vraiment votre question en ce sens que ces deux contenus sont différents. Vous savez, les scènes de nudité ou les scènes d'amour ne sont pas la même chose que le matériel sexuellement explicite. Ce matériel a été défini par le tribunal pénal, et cette définition a été peaufinée par la jurisprudence.
Nous parlons en ce moment de l'équivalent de la pornographie. Le Code criminel utilise simplement l'expression « matériel sexuellement explicite » pour désigner la pornographie. Il s'agit de la même chose.
Cependant, les gens craignent que le libellé du projet de loi, dans sa forme actuelle, soit trop général et qu'il englobe ces types de contenu qui sont largement disponibles au Canada.
C'est la définition que le Code criminel utilise. La pornographie est définie dans le texte de loi comme du « matériel sexuellement explicite ». Si l'on n'utilise pas cette définition, que faut‑il utiliser d'autre?
L'objectif est de mettre les enfants ou les mineurs à l'abri de la pornographie. C'est l'outil dont nous disposons et qui nous sert depuis des décennies à cet égard.
Bien sûr. Pendant l'élaboration du projet de loi et de son libellé, des consultations ou des travaux ont-ils été effectués pour garantir que les contenus qui ne sont pas censés être visés ne le sont pas?
Oui. Je vous ai signalé que Pierre Trudel était l'un des experts qui ont témoigné, et nous avons évidemment consulté des experts.
J'ai consacré quatre ans à l'élaboration de ce projet de loi, alors il n'est manifestement pas parfait. Le matériel sexuellement explicite fait allusion à des choses qui visent à exciter quelqu'un sexuellement en l'exposant à de gros plans d'organes sexuels. Nous ne parlons pas en ce moment d'images très idylliques. Ce contenu est très différent. J'ai regardé de la pornographie pour préparer ce projet de loi. Il n'est pas difficile de faire la distinction entre ce que l'on voit sur le canal HBO et ce que l'on voit sur un site Web pornographique. J'ai le regret de vous signaler que la pornographie est extrêmement différente.
Sénatrice, c'est une conversation très intéressante. J'imagine que c'est le genre de choses que vous devez sans cesse rétablir depuis quatre ans.
Vous avez dit que le projet de loi avait été étudié deux fois au Sénat. Inévitablement, des changements y ont été apportés, notamment à l'article 11. Vous en avez parlé un peu tout à l'heure, en disant qu'il y avait eu des inquiétudes pour ce qui est de l'accès aux renseignements personnels ou de la vie privée.
Pouvez-vous nous parler des changements qui ont été apportés depuis la version originale du projet de loi, et ces changements sont-ils positifs, à votre avis?
Oui. J'étais totalement d'accord sur tous les changements qui ont été apportés à la première version du projet de loi.
N'oubliez pas que j'ai commencé à travailler sur ce projet de loi pendant la pandémie, alors que tout était compliqué. Nous avons apporté des corrections. J'ai notamment présenté des amendements pour corriger deux erreurs.
La première erreur était qu'au début, c'était des personnes, et non des organisations, qui étaient citées dans l'infraction. Or, il y avait là un danger, effectivement, de compliquer la vie des travailleuses du sexe, notamment. Nous ne voulions pas viser ces personnes, mais plutôt les organisations définies dans le Code criminel. Nous avons donc apporté ce changement.
Nous avons aussi beaucoup renforcé la deuxième section du projet de loi pour ajouter le recours à la Cour fédérale. Au départ, un peu comme dans certains pays où on bloque un site lorsqu'on constate une infraction ou qu'un site ne respecte pas la loi, il était question de bloquer le site si le responsable de la question jugeait qu'il le fallait. Nous avons ajouté un recours à la Cour fédérale pour justement nous assurer qu'il n'y aura aucune intervention de nature politique ou de nature idéologique dans ces décisions, et que celles-ci seraient vraiment prises sur la foi de faits pouvant être contre-vérifiés par la Cour.
Le projet de loi prévoit une date d'entrée en vigueur pour la loi, mais pas pour la réglementation. Dans un projet de loi comme celui-ci, est-il possible de prévoir que la réglementation de vérification de l'âge doit entrer en vigueur avant une année précise?
Nous avons travaillé sur le projet de loi C‑21, mais la réglementation qui découlait de l'adoption de l'ancien projet de loi C‑71 n'était même pas encore entrée en vigueur. Il a fallu plusieurs années avant que cela ne se produise.
Comment peut-on s'assurer que le gouvernement travaille rapidement sur un système de vérification de l'âge, si ce projet de loi est finalement adopté?
Il faut vivre d'espoir. En effet, vous avez tout à fait raison. Il faut que la vérification de l'âge soit au point, il faut que la réglementation soit prête pour que ce projet de loi puisse entrer en vigueur. Je considère qu'un an est une période raisonnable, étant donné qu'on pourra regarder ce qui se fera en France et en Grande-Bretagne, deux pays qu'on connaît bien et qui vont avoir mis en place toutes les structures et toute la réglementation requises dans les mois qui viennent. Le gouvernement aura donc des exemples qu'il pourra suivre.
Sénatrice, je crois que la partie sur laquelle je voulais me concentrer — comme mes collègues l'ont fait —, c'est la section de ce projet de loi qui figure sous la rubrique « Règlements » et plus précisément l'article 11. Le paragraphe 11(1) est très facile à comprendre, mais je m'interrogeais à propos de la formulation du paragraphe 11(2), car il indique ce qui suit:
Avant de prévoir un mécanisme de vérification de l’âge en vertu du paragraphe (1), le gouverneur en conseil examine si le mécanisme
Ce passage est suivi des points a) à e). Je m'interroge sur le choix de l'expression anglaise « must consider », ou « examine » en français, car la disposition semble donner au gouvernement une échappatoire, du genre « Oh, nous avons examiné ces cinq points ». Ne serait‑il pas plus judicieux d'utiliser une phrase comme « le gouverneur en conseil s'assure qu'il est fiable, qu'il respecte la vie privée et qu'il recueille et utilise des renseignements personnels uniquement à des fins de vérification de l'âge »?
En ma qualité de parent qui examine ce libellé, si le projet de loi était formulé de manière à indiquer que le gouverneur en conseil doit faire telle ou telle chose au lieu d'examiner... Comprenez-vous pourquoi certaines personnes pourraient avoir des préoccupations? La formulation du projet de loi pourrait donner au gouvernement une échappatoire. Oui, il doit examiner le mécanisme, mais il n'est pas forcé de vérifier que le mécanisme est effectivement en place.
Je dirais qu'il est évident que le mot anglais « consider », ou « examine » en français, exprime une certaine force, mais les méthodes de vérification de l'âge sont toutes différentes. D'après ce que j'ai lu, certaines de ces règles ne s'appliqueront pas. Si vous procédez à une estimation de l'âge, par exemple, vous ne recueillez pas de données à caractère personnel, de sorte que certaines de ces règles ne s'appliqueront pas. Selon le mécanisme de vérification de l'âge qui sera mis en place, vous utiliserez ces critères ou moins... Je pense que c'est pour cette raison qu'il a été prudent d'opter pour le mot « consider » ou « examine » plutôt que l'expression « must apply » ou « doit appliquer ».
D'accord. C'était le raisonnement. C'était à cause des différentes technologies qui existent. Elles ne rempliraient pas nécessairement tous ces critères.
Compte tenu des préoccupations exprimées au sujet de la protection de la vie privée, ne voudrions-nous pas que toutes les technologies remplissent ces critères? Je ne sais pas si vous voudriez qu'elles remplissent quatre des cinq critères dans le cas présent. Le voudriez-vous?
Sénatrice, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd'hui.
Ma première question porte sur... Je n'en suis pas certain, mais je pense qu'au début de l'heure, quelqu'un — je ne sais pas si c'était le président ou vous, sénatrice — a mentionné que vous avez tenté à quatre reprises — je crois que c'était le nombre de fois cité — de faire adopter ce projet de loi. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Où et pourquoi son adoption a‑t‑elle été stoppée les autres fois?
C'est une question intéressante. Le projet de loi a absorbé toute ma vie au cours des quatre dernières années... Enfin, pas toute ma vie, parce qu'en ma qualité de sénatrice, je m'occupe d'autre chose aussi, mais oui, j'ai commencé ce travail en 2020. En fait, je l'ai commencé quand je suis allée manifester devant l'entreprise Pornhub contre le matériel sexuel illégal. Vous savez, ils affichaient de la pornographie juvénile. De graves accusations ou allégations de pornographie juvénile avaient été faites, alors je suis allée sur place. Après la manifestation, j'ai commencé à me poser des questions: « Que font les enfants pendant la pandémie? ». Ils étaient devant leurs écrans. C'est à ce moment‑là que l'idée a commencé à prendre corps.
À partir de 2020, mon projet de loi a franchi les étapes d'un premier cycle, dans le cadre duquel le Comité l'a examiné. J'ai dû répondre à des questions difficiles et nombreuses, et j'ai apporté quelques modifications au projet de loi. Nous étions encore au beau milieu de la pandémie, puis les élections ont été déclenchées. Au cours de ce processus, le projet de loi a été adopté au Sénat, puis il est mort au Feuilleton. Il a donc fallu que je recommence tout le processus encore une fois après les élections, à partir de l'étape de la première lecture, et en collaboration avec des membres du Comité différents. Plus je franchissais les étapes du processus, plus j'avais de partisans. Au final, aucun membre du Comité ou du Sénat ne s'est opposé à l'adoption du projet de loi.
Cela a pris beaucoup de temps, mais on m'a dit qu'il n'était pas tout à fait anormal que les projets de loi d'initiative parlementaire prennent du temps. Dans le cas présent, le fait que les élections ont été déclenchées au moment où elles l'ont été a nui à mes efforts.
Je vous remercie de votre réponse. Je suis content d'avoir posé cette question, car je pensais que le nombre de tentatives s'élevait à quatre. On dirait plutôt qu'il y en a eu deux. Je vous remercie de cet éclaircissement.
L'une des préoccupations, évidemment... Je ne crois pas que quiconque dans la salle pense que les enfants devraient avoir accès à n'importe quelle sorte de pornographie, mais très franchement, l'un des aspects problématiques du projet de loi est la vérification de l'âge et le processus qui s'y rattache. Vous avez mentionné, tout comme le fait le projet de loi, que cette vérification sera effectuée par une société tierce. Existe‑t‑il, à l'heure actuelle, des entreprises canadiennes qui effectuent ce type de travail? Le cas échéant, pour qui le font-elles? J'entends par là la vérification de l'âge.
Yoti est l'un des principaux acteurs de ce secteur. Le siège social de l'entreprise se trouve sur la côte ouest, je crois, mais elle est originaire de Grande-Bretagne. Yoti est l'un des principaux acteurs de la vérification de l'âge.
Il y a beaucoup d'acteurs dans ce secteur, mais je crois, pour ce qui est des entreprises canadiennes... Il y en a une en Ontario.
Pour quels secteurs procèdent-ils à une vérification de l'âge? Vous avez mentionné l'entreprise, mais que fait-elle en ce moment — et pour qui ou pour quoi?
Je sais qu'une vérification de l'âge est effectuée, par exemple, pour les paris en ligne. Cependant, cette vérification est-elle effectuée par un vérificateur d'âge ou, dans le cas qui nous intéresse, par les sociétés émettrices de carte de crédit? Je ne crois pas que l'âge soit vérifié fréquemment au Canada.
Je suis désolée, mais je ne suis pas en mesure de répondre intelligemment à votre question. Voulez-vous que je vous fasse parvenir une réponse plus tard?
Regardez-moi ça. Je vous ai mis dans l'embarras, et voilà. C'est pour ça que nous sommes est là.
Oui, j'aimerais connaître les noms de quelques entreprises et les secteurs pour lesquels elles effectuent actuellement des vérifications de l'âge.
L'une des autres études que nous avons récemment menées en comité portait sur la cybersécurité. Il était stupéfiant d'entendre parler des entreprises, des gouvernements et des grandes organisations qui ont été piratés. De nombreux renseignements privés ont été dérobés ou échangés contre des rançons.
Êtes-vous inquiète à ce sujet? Nous avons entendu parler d'une entreprise canadienne. Je suis sûr qu'il y en a d'autres, ou du moins je l'espère. Nous ne connaissons pas leur taille. Nous ne savons pas pour qui elles font... Avez-vous des inquiétudes concernant la sécurité et la cybersécurité?
Je pense que nous sommes tous préoccupés par cette question. Des entreprises comme les Caisses Desjardins au Québec, à qui nous confions notre argent, connaissent des problèmes de ce genre. Il est évident que cela peut se produire partout.
Toutefois, je me demande pourquoi le risque serait plus grand pour la pornographie que pour les banques et toutes sortes d'autres secteurs. Dès que l'on commence à être présent sur le Web, à transmettre des informations sur le Web et à effectuer des opérations bancaires sur le Web, tous ces risques existent. Cependant, comme je l'ai mentionné à ce sujet, l'Allemagne est le pays qui a acquis le plus d'expérience à cet égard, mais il n'a pas connu de fuites de données ou de grands scandales dans le domaine de la confidentialité des données.
Avant de poursuivre, je vous prie de ne pas hésiter, évidemment, à présenter au Comité toute information complémentaire que vous souhaiteriez nous communiquer.
Sénatrice, avant de poser ma question, je tiens à dire que, selon moi, nous comprenons tous l'objectif que vous tentez d'atteindre. J'ai simplement de nombreuses inquiétudes quant à la manière dont nous tentons d'y parvenir.
Je vais vous donner un exemple.
L'une des séries télévisées que j'ai préférées jusqu'ici est Le trône de fer. J'adore cette série. Elle a commencé à m'obséder, et je l'ai regardée tout au long de sa diffusion. Je regarde maintenant les émissions dérivées. Elles sont diffusées par un fournisseur canadien, c'est‑à‑dire Crave. Selon les définitions qui figurent actuellement dans la mesure législative, cette émission serait visée par cette loi. J'ai des employés qui, je le sais, sont des admirateurs de la série Bridgerton qui est diffusée sur Netflix, soit un autre fournisseur de services Internet qui propose ce que la loi définit comme du « matériel sexuellement explicite ».
Je sais que vous essayez d'empêcher les enfants de voir de la pornographie, mais vous n'avez pas défini le terme « pornographie » dans votre mesure législative. Vous avez défini l'expression « matériel sexuellement explicite ». Des séries comme les émissions que j'ai mentionnées, et même des films récompensés par des Oscars, comme La liste de Schindler, Le patient anglais, Shakespeare et Juliette, Le gladiateur, Crash, Esclave pendant 12 ans, La forme de l'eau, Le livre de Green et Parasite, seraient tous visés par la loi, compte tenu de la définition qui figure dans le Code criminel.
Ma question est la suivante: pourquoi utilisez-vous cette définition trop générale? Pourquoi n'avez-vous pas proposé une définition plus robuste et plus stricte de la « pornographie », au lieu d'utiliser la définition de « matériel sexuellement explicite » du Code criminel?
Monsieur Bittle, si vous le permettez, je vous répondrai en français.
D'abord, je suis complètement en désaccord avec votre prémisse, puisque ni Game of Thrones ni Bridgerton — que je regarde religieusement — ne contiennent de pornographie ni de matériel sexuellement explicite…
… au sens du Code criminel. J'ai l'impression que vous ne vous référez pas à la définition de « matériel sexuellement explicite » telle qu'elle est écrite dans le Code criminel.
Je suis désolé de vous interrompre, madame la sénatrice, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je regarde maintenant la définition — le paragraphe 171.1(5) — qui correspond au « matériel sexuellement explicite ». Elle dit ce qui suit:
soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, des seins, des organes génitaux ou de la région anale d’une personne;
La définition est très générale étant donné qu'il s'agit de ce que les Canadiens voient à la télévision, et qu'ils ont accès à ce contenu sans utiliser une carte d'identité numérique. Vous proposez de modifier cela, et je pense que les Canadiens s'attendent à ce que, lorsqu'ils vont sur Netflix ou Crave ou sur des plateformes telles qu'Amazon Prime, ils puissent avoir accès à ces émissions sans avoir besoin d'utiliser une carte d'identité numérique pour le faire.
Il y a une ancienne décision de la Cour suprême des États-Unis au sujet de la pornographie dans laquelle on peut lire ce qui suit: « Je reconnais la pornographie quand je la vois ». En quelque sorte, vous êtes en train de prendre cette position et de nous renvoyer à cette définition du Code criminel; mais cette définition est très générale, madame la sénatrice, et elle va englober beaucoup plus de contenu que ce que vous avez l'intention de viser, j'en suis sûr. Cependant, ce libellé figure dans la mesure législative.
Comment les Canadiens peuvent-ils avoir l'assurance qu'ils ne seront pas mêlés à cette affaire si l'on se fonde sur le libellé de la mesure législative que je viens de lire — et je sais que vous avez essayé de lire la définition à certains de mes collègues.
Oui, parce que contrairement à vous, je ne crois pas que la définition soit très générale. Je pense que si vous examinez la jurisprudence pour déterminer comment ces trois mots ont été interprétés par les tribunaux... Vous verrez que j'ai cité le professeur Trudel qui citait la décision Sharpe.
Je précise encore une fois, madame la sénatrice, que vous êtes du genre à soutenir qu'« on reconnaîtra la pornographie quand on la verra ». Il ne me reste plus beaucoup de temps, mais je vous signale que vous avez laissé les choses très vagues pour l'organisme qui fera respecter cette loi.
En réalité, le seul organisme opérationnel dont le gouvernement fédéral dispose est le CRTC. Selon vous, est‑ce que c'est lui qui sera chargé de veiller au respect de cette mesure législative?
L'organisme n'a pas été défini, car, comme vous le savez, votre propre gouvernement tente actuellement d'établir une commission, un ombudsman et toutes ces choses.
Cependant, vous conviendrez avec moi qu'il est très probable que ce sera le CRTC. Vous ne voulez pas qu'il prenne part à cela, parce que cette décision ne sera pas populaire, mais vous conviendrez avec moi que le CRTC est l'organisme le plus susceptible de s'occuper de cette question.
Madame la sénatrice, en ce qui concerne les organismes opérationnels, vous conviendrez avec moi que le CRTC est l'organisme le plus susceptible de faire respecter cette mesure législative particulière.
Eh bien, on ne me poussera pas à répondre à une question posée de cette façon. Ce n'est pas le genre de question que j'aime. Dans le projet de loi, nous n'avons pas précisé de quel organisme il s'agit. Vous pouvez certainement avoir votre opinion, mais je reviendrais sur un fait. Qu'auriez-vous fait pour définir la pornographie sans prendre la définition du Code criminel, l'une de nos principales lois au Canada, une définition qui est sérieuse, qui a été interprétée par tous les tribunaux comme correspondant à de la pornographie, et non pas à des photos artistiques de je ne sais quoi?
Vous avez raison de dire qu'il y a une dose... Ce n'est pas scientifique, mais je dirais que cette définition est assez bonne et qu'elle a déjà été utilisée pour montrer qu'il ne s'agit pas de... On parle de pornographie lorsqu'il s'agit d'utiliser du matériel sexuellement explicite.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins que nous recevons pour la deuxième partie de la séance.
Nous accueillons des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada: M. Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada; et Mme Lara Ives, directrice exécutive de la Direction des politiques, de la recherche et des affaires parlementaires. Nous accueillons également des représentants du ministère du Patrimoine canadien: M. Owen Ripley, sous-ministre adjoint délégué des affaires culturelles; Mme Katie O'Meara, analyste de politiques; et M. Galen Teschner-Weaver, analyste de politiques.
Monsieur Dufresne, merci d'avoir attendu. Vous avez été très patient. Je vous invite maintenant à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes, s'il vous plaît.
En tant que commissaire à la protection de la vie privée du Canada, mon mandat est de protéger et de promouvoir le droit fondamental à la protection de la vie privée. À ce titre, je dois notamment fournir des conseils, des orientations et des recommandations sur la protection des renseignements personnels et veiller au respect des deux lois fédérales canadiennes sur le sujet, à savoir la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s'applique aux institutions du gouvernement fédéral, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au Canada.
En janvier, j'ai lancé mon plan stratégique, qui cible trois grandes priorités: optimiser l'incidence des efforts du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pour protéger et promouvoir le droit à la vie privée; faire valoir la protection de la vie privée à l'heure où se succèdent les changements technologiques et agir en ce sens; et défendre le droit à la vie privée des enfants.
[Traduction]
Je soutiens l'objet du projet de loi S‑210, qui consiste notamment à protéger la santé mentale des jeunes contre les répercussions néfastes de l'exposition à du matériel sexuellement explicite, mais le projet de loi a certaines répercussions sur la protection de la vie privée, et je souhaite proposer quelques modifications pour remédier à la situation.
Le projet de loi tel qu'il est rédigé prévoit que toute organisation qui rend accessible à un jeune du matériel sexuellement explicite en ligne à des fins commerciales est coupable d'une infraction et passible d'une amende dont la somme peut augmenter selon qu'il s'agit d'une première infraction et d'un cas de récidive. Le fait pour une organisation de croire que le jeune était âgé d'au moins 18 ans peut constituer un moyen de défense si celle‑ci avait mis en place un mécanisme de vérification de l'âge prévu par règlement afin de limiter l'accès au matériel sexuellement explicite.
La vérification de l'âge peut soulever des préoccupations en matière de protection de la vie privée, étant donné qu'elle nécessite généralement la collecte de renseignements personnels, qui peuvent comprendre des données biométriques ou des pièces d'identité. Tel qu'il est rédigé, le projet de loi s'appliquerait à des services comme les médias sociaux et les moteurs de recherche qui peuvent rendre accessible du contenu sexuellement explicite, mais qui sont principalement axés sur d'autres types de contenu. Des obligations relatives à la vérification de l'âge pourraient ainsi être imposées, y compris dans les cas où une grande partie du contenu n'est pas sexuellement explicite.
Pour régler cette situation, le Comité pourrait envisager de limiter l'obligation de vérification de l'âge aux sites Web qui fournissent principalement du matériel sexuellement explicite à des fins commerciales.
[Français]
Avant de prescrire un mécanisme de vérification de l'âge, le gouverneur en conseil devra tenir compte de certains critères. Il devra notamment examiner si le mécanisme assure le respect de la vie privée des utilisateurs et protège leurs renseignements personnels. Ces critères sont positifs et importants.
Je recommande l'ajout de critères à la liste, pour que les mécanismes prescrits protègent suffisamment la vie privée. Plus précisément, il pourrait s'agir d'évaluer si les mécanismes prescrits sont proportionnés et limitent la collecte de renseignements personnels à ce qui est strictement nécessaire à la vérification. Les mécanismes de vérification de l'âge devraient également empêcher le suivi ou le profilage des personnes lorsqu'elles visitent des sites Web ou ont recours à des services.
[Traduction]
À l'échelle internationale, divers pays ont pris des mesures pour empêcher les enfants d'accéder à du contenu pornographique, mais certaines des lois sur le sujet ont un champ d'application plus limité que celui du projet de loi S‑210. Par exemple, le Texas et l'Utah imposent des mécanismes de vérification de l'âge uniquement sur les sites qui atteignent un certain seuil de contenu pornographique. Certains organismes de réglementation ont également déployé des efforts afin d'atténuer les risques pour la vie privée que présente l'utilisation de technologies de vérification de l'âge. Par exemple, en Espagne et en France, les organismes de réglementation ont travaillé avec des chercheurs pour concevoir et évaluer des mécanismes potentiels de vérification de l'âge.
[Français]
Le Commissariat poursuit ses recherches dans ce domaine. Nous sommes aussi membres d'un groupe de travail international, composé d'autres organismes de réglementation de la vie privée, afin d'échanger de l'information sur les mécanismes de vérification de l'âge et de tirer parti de l'expérience de chacun. En particulier, les membres de ce groupe de travail prévoient publier, plus tard cette année, une déclaration commune sur les principes de vérification de l'âge. De plus, le Commissariat est en train de préparer un document d'orientation sur la confirmation de l'âge et la protection de la vie privée à l'intention des organisations, et lancera une consultation exploratoire sur le sujet le mois prochain.
(1825)
[Traduction]
Enfin, si le projet de loi S‑210 est adopté, je serai heureux de donner des conseils sur les règlements en matière de protection de la vie privée et des renseignements personnels au moment opportun. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à discuter du projet de loi S‑210. En tant que sous-ministre adjoint délégué aux Affaires culturelles au ministère du Patrimoine canadien, je serai responsable de la Loi sur les préjudices en ligne qui est proposée dans le cadre du projet de loi C‑63.
Au cours de l'élaboration du projet de loi C‑63, le ministère a entendu directement des experts, des survivants provenant de la société civile et des membres du public s'exprimer sur ce qui devrait être fait pour lutter contre la prolifération des contenus préjudiciables en ligne.
Un thème commun est ressorti de ces consultations: la vulnérabilité des enfants en ligne et la nécessité de prendre des mesures proactives pour les protéger. C'est dans cette optique que la future Loi sur les préjudices en ligne propose une obligation de protéger les enfants, ce qui obligera les plateformes à intégrer des caractéristiques de conception adaptées à l'âge des enfants. Le projet de loi C‑63 propose également une autorité de réglementation spécialisée qui disposera des compétences et de l'expertise nécessaires pour élaborer des règlements, des orientations et des codes de pratique, tout en consultant des experts et la société civile.
[Traduction]
Avec le projet de loi S‑210 on cherche aussi à atteindre un objectif admirable, à savoir protéger les enfants en ligne. Cependant, le projet de loi pose de nombreux problèmes: sa portée est beaucoup trop vaste quant aux services et aux contenus réglementés; il comporte des risques pour la protection de la vie privée des Canadiens, particulièrement compte tenu de la situation actuelle concernant les cadres de vérification de l'âge à l'échelle internationale; il présente une incohérence structurelle en semblant mélanger des éléments criminels avec des éléments réglementaires; il repose de manière troublante sur le blocage de sites Web comme principal mécanisme d'application; et il est flou au sujet de sa mise en œuvre et le calendrier de mise en œuvre n'est pas réaliste.
Je vais expliquer brièvement quelques-uns de ces problèmes.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi S‑210s'appliquerait à un large éventail de sites Web et de services qui rendent accessible du matériel sexuellement explicite à des fins commerciales sur Internet: moteurs de recherche, plateformes de médias sociaux, applications de diffusion en continu et de vidéo à la demande, fournisseurs d'accès à Internet, etc. En outre, dans le projet de loi, la définition de « matériel sexuellement explicite » n'est pas limitée à la pornographie. Elle englobe un éventail plus large de contenus de divertissement grand public comportant de la nudité ou des scènes à caractère sexuel, y compris des contenus que l'on trouve sur des services comme Netflix, Disney+ ou CBC Gem. L'imposition d'exigences relatives à la vérification de l'âge pour ce type de services et de contenus aurait des répercussions considérables sur la manière dont les Canadiens accèdent à Internet et l'utilisent.
Si des efforts sont déployés ailleurs dans le monde pour concevoir des technologies de vérification de l'âge et en prescrire l'utilisation, il n'y a toujours pas de consensus sur la question de savoir si ces technologies sont suffisamment précises et respectueuses de la vie privée. Par exemple, la France et l'Australie craignent que la technologie ne soit pas encore suffisamment évoluée, et l'essai de diverses approches est en cours. Au cours des prochaines années, le Royaume-Uni finira par exiger la vérification de l'âge pour certains types de services dans le cadre de sa loi sur la sécurité en ligne, la Online Safety Act. L'Ofcom mène actuellement des consultations sur les principes qui devraient orienter le déploiement de ces technologies. Toutefois, l'obligation n'est pas encore en vigueur et les services n'ont pas encore à déployer des mécanismes de vérification de l'âge à grande échelle. Dans les États qui sont déjà allés de l'avant, comme certains États américains ou l'Allemagne, des questions continuent de se poser sur la protection de la vie privée, l'efficacité et la conformité en général.
En bref, ces exemples à l'étranger montrent que les exigences relatives à la vérification de l'âge sont encore en cours d'élaboration. En outre, aucun autre pays ne propose un cadre dont la portée est comparable à celle du projet de loi S‑210. Le blocage de sites Web reste un instrument d'application très controversé qui pose une série de défis et qui pourrait avoir une incidence sur la liberté d'expression des Canadiens et sur l'engagement du Canada à l'égard d'un Internet ouvert et libre et de la neutralité du Net.
(1830)
[Français]
Je tiens à affirmer une fois de plus que le gouvernement reste déterminé à mieux protéger les enfants en ligne. Toutefois, selon le gouvernement, la réponse n'est pas de prescrire une technologie spécifique qui engendre un risque pour la vie privée et qui enfreint notre engagement à l'égard d'un Internet ouvert. Il est essentiel que toute mesure élaborée pour atteindre cet objectif permette la création d'un cadre à la fois souple et informé sur les mesures à prendre pour protéger les enfants en ligne.
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins d'être présents pour parler de cette question importante.
Il va sans dire que tout le monde ici estime qu'il est très important de protéger les enfants contre des contenus auxquels ils ne devraient pas être exposés, en particulier le matériel sexuellement explicite. J'ai un fils de 10 ans et il est malheureusement temps d'en parler. Au cours de son témoignage un peu plus tôt, la sénatrice a dit qu'environ 10 % des enfants de 9 ans... Je crois que c'est la statistique. J'ai dû m'absenter, mais j'allais la vérifier. Manifestement, restreindre l'accès des enfants à ce type de matériel est une question d'intérêt public importante et pressante.
Ma première question s'adresse au commissaire à la protection de la vie privée. Avez-vous comparu devant le comité sénatorial ou envoyé des mémoires, ou quoi que ce soit de ce genre?
J'ai mentionné un aspect au sujet de la portée pour ce qui est organisations visées, de sorte qu'il pourrait falloir apporter une modification à la loi. Cependant, en effet, concernant les règlements, nous recommandons l'ajout de critères relatifs à la nécessité et à la proportionnalité. Nous recommandons d'empêcher le suivi des personnes à l'aide de ces renseignements. C'est conforme aux pratiques exemplaires à l'échelle internationale et à ce dont ont convenu mes collègues.
Le tout pourrait faire l'objet d'un règlement. Si la loi ajoute les critères, elle offre simplement une plus grande certitude que le gouvernement y donnera suite. Quoi qu'il en soit, je ne manquerai pas de faire des recommandations au gouvernement à l'étape des recommandations au sujet de ces contenus.
Par exemple, en ce qui concerne le suivi des personnes, je regarde l'article qui porte sur les règlements, plus particulièrement le paragraphe 11(2). Vous connaissez probablement très bien son contenu. Je vous laisse le trouver.
M. Philippe Dufresne: Je n'ai pas entendu la fin de votre question.
M. Frank Caputo: Pourriez-vous aller au paragraphe 11(2), s'il vous plaît?
En ce qui concerne le suivi des personnes, qui est probablement l'une des principales préoccupations que vous avez en tant que commissaire à la protection de la vie privée... Les alinéas 11(2)c) et 11(2)d) stipulent ce qui suit:
c) recueille et utilise des renseignements personnels à des fins de vérification de l'âge seulement, à moins que la loi ne prévoie d'autres fins;
d) détruit tout renseignement personnel recueilli à des fins de vérification de l'âge, une fois la vérification terminée;
L'alinéa 11(2)d), en particulier, ne répond‑il pas à votre préoccupation à propos du suivi? D'après mon interprétation du projet de loi, le suivi ne serait pas autorisé dans ce contexte.
Je veux m'assurer que les choses sont aussi claires que possible à cet égard.
Ce serait certainement un argument à faire valoir pour ce qui est de s'assurer que les règlements l'empêchent. Si le gouvernement l'interprétait ainsi en adoptant le règlement, on obtiendrait le résultat escompté.
Je signale que la surveillance, le profilage ou l'utilisation de ces renseignements à des fins publicitaires, ou à toute autre fin, c'est un sujet de préoccupation. La loi ou, à tout le moins, le règlement devraient être explicites à ce sujet.
Si je pose la question, ce n'est pas pour riposter, mais simplement pour vous donner mon interprétation. L'alinéa 11(2)c), par exemple, dit: « recueille et utilise des renseignements personnels à des fins de vérification de l'âge seulement ». À mon avis, ce texte indique que l'utilisation de ces renseignements à des fins commerciales est exclue. Je pense que le terme « uniquement », par exemple, est on ne peut plus clair.
Je comprends. Lorsqu'on parle de la vérification de l'âge, compte tenu de certaines préoccupations, et pour rassurer les Canadiens sur ce dont il est question ici, il s'agit de savoir s'il y a une nette contradiction entre la vérification de l'âge et la protection de la vie privée. La réponse est non. On peut avoir les deux, mais il faut que le mécanisme de vérification de l'âge soit adéquat et qu'on le concoive en tenant compte de la protection de la vie privée. Encore une fois, il s'agit de s'assurer que l'utilisation des renseignements n'entraînera pas ces conséquences.
Ce que je veux dire, c'est qu'à la lecture du paragraphe 11(2), je pense que l'on peut atteindre un bon équilibre compte tenu des instructions que l'article en question nous fournit sur la façon dont les règlements doivent fonctionner. Autrement dit, les données ne doivent être utilisées que pour la vérification de l'âge. Elles ne doivent pas être utilisées pour d'autres raisons et doivent être détruites une fois que l'objectif — la vérification de l'âge — a été atteint.
Il me semble que la disposition va assez loin pour répondre aux préoccupations en matière de protection de la vie privée. L'objectif est d'empêcher les enfants d'accéder à des renseignements préjudiciables.
Nous disons que l'on doit recueillir ces renseignements uniquement à cette fin, qu'on ne peut pas les utiliser à d'autres fins et qu'on doit les détruire. J'essaie juste de voir comment les règlements pourraient aller plus loin.
D'autres autorités responsables de la protection des données — par exemple, mes collègues espagnols — l'ont énoncé explicitement comme un principe en disant que l'information ne doit pas être utilisée pour le suivi et le profilage. Par conséquent, je pense qu'il est important de l'énoncer très clairement, que ce soit dans le projet de loi ou dans les règlements.
La technologie peut évoluer. Les technologies de suivi peuvent évoluer. Cette mesure doit être neutre sur le plan technologique. Nous devons nous assurer que le principe s'appliquera à toutes les avancées technologiques et que la technologie sera utilisée pour vérifier l'âge et rien d'autre.
Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier les témoins de leur présence.
Comme M. Caputo, je pense que tout le monde ici souhaite la même chose, soit que les enfants n'aient pas accès à ce genre de contenu.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Dufresne.
Dans vos observations, vous avez mentionné des changements à apporter pour limiter le champ d'application du projet de loi. Dans une question précédente, j'ai dit que j'aimais beaucoup la série Le trône de fer. Je ne vous demanderai pas de me dire si vous l'avez vue. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, si c'est une question qui met quelqu'un sur la sellette.
Est‑ce que des émissions comme celle‑là font qu'une entreprise comme Crave, qui appartient à Bell, je crois, serait peut-être visée par le projet de loi si nous n'apportons pas les amendements que vous proposez?
Encore une fois, ce seraient les tribunaux et l'organisation qui se pencheraient sur la question.
Si l'on regarde la définition de « matériel sexuellement explicite » qui figure dans le Code criminel, il y est question de « toute représentation photographique, filmée, vidéo ou [...] » et d'une personne « se livrant à une activité sexuelle explicite ». II peut s'agir d'un « écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d'une activité sexuelle explicite ».
Cela soulève la question de savoir ce qui sera visé au juste, et il s'agit de clarifier les choses.
Je comprends que l'objectif est de couvrir les sites Web pornographiques et d'autres types d'images, etc., et de protéger les enfants contre cela. C'est l'un des points que je souligne.
Je pense que je vais poser la même question à M. Ripley.
Lorsque j'ai examiné ce projet de loi, j'ai commencé à penser à des films que j'avais vus. J'en ai énuméré quelques-uns, comme La Liste de Schindler, Green Book: Sur les routes du Sud, Collision et Gladiateur. Ce sont des films que nous connaissons tous, ou nous pouvons nous entendre pour dire que ce sont des productions artistiques. Je pense qu'ils ont tous remporté l'Oscar du meilleur film, même si l'on peut ne pas approuver le choix des films vainqueurs.
Monsieur Ripley, le projet de loi viserait‑il ces films s'ils étaient mis en ligne sur un site Web?
Selon le gouvernement, oui, ils seraient visés parce que la définition de « matériel sexuellement explicite » qui est proposée comprendrait, par exemple, la représentation de scènes à caractère sexuel ou de nudité dans un but sexuel. Les services seraient tenus d'établir un mécanisme de vérification de l'âge pour l'accès à ce type de contenu.
Je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que la définition proposée a du sens dans le contexte du Code criminel, qui couvre toute une série d'infractions, dont les situations où un adulte entre en contact avec un mineur en utilisant des contenus sexuellement explicites. Elle a du sens dans ce contexte.
Toutefois, cela ne se limite pas strictement à la pornographie. Cela englobe, par exemple, les scènes à caractère sexuel ou la nudité.
Monsieur Ripley, je sais que vous avez beaucoup parlé du CRTC devant un autre comité, auquel je siégeais, mais il semble — et vous me corrigerez peut-être — que c’est l'organisme le plus susceptible de veiller au respect de cette mesure législative.
Je me demande si vous pouvez expliquer cela, ou s'il y a d'autres organismes qui, à votre connaissance, participeraient à cette tâche.
Le gouvernement est préoccupé par la mise en œuvre proposée par le projet de loi. Pour être clair, il faudrait qu'un ministre soit désigné et qu'il propose au gouverneur en conseil ou au Cabinet le ministère ou l'organisme fédéral le mieux placé pour administrer cette mesure législative. Si elle était adoptée dans sa forme actuelle, le ministre devrait en effet passer en revue les organismes ou les ministères existants et évaluer lequel est le mieux en mesure de le faire.
Je voudrais souligner que, dans le contexte du projet de loi sur les préjudices en ligne, le gouvernement est finalement arrivé à la conclusion qu'il n'existe aucune entité qui soit bien équipée pour jouer ce rôle, qu'il s'agisse du CRTC ou, avec tout le respect que je dois à la personne assise à côté de moi, du commissaire à la protection de la vie privée. Le gouvernement est d'avis que nous avons besoin d'une entité qui possède les compétences nécessaires et le cadre qui convient pour réglementer le cyberespace sur le plan des préjudices en ligne. Voilà pourquoi le gouvernement propose la création d'une nouvelle entité chargée de veiller à ce que la surveillance de cet espace soit assurée de manière appropriée et que les garanties adéquates soient mises en place.
Dans le cas de cette mesure législative particulière, nous assumerions le mandat que le Parlement nous confierait et nous le remplirions de notre mieux. Toutefois, je ne crois pas que le gouvernement ait l'intention de demander à mon bureau de s'occuper de cette question, en précisant toutefois qu'en ce qui concerne l'élaboration de la réglementation, nous soyons heureux de fournir des conseils et des commentaires et d'être consultés à ce sujet afin de garantir que les règlements sont pris dans l'optique de la protection de la vie privée.
Je ne dispose pas de beaucoup de temps, mais je pourrais peut-être interroger M. Ripley afin qu'il nous en dise davantage à propos du projet de loi C-63, la loi sur les préjudices en ligne, en ce qui concerne les mesures que le gouvernement a l'intention de prendre pour protéger les Canadiens contre les préjudices qui existent sur Internet.
La loi sur les préjudices en ligne s'appliquerait aux services de médias sociaux. Elle propose trois obligations principales, dont l'une, comme cela a été mentionné plus tôt, est l'obligation de protéger les enfants. Il s'agit d'une obligation assez souple, qui permettrait à la commission sur la sécurité numérique de mettre en place différents types de mesures ou d'obligations pour mieux protéger les enfants canadiens dans le cyberespace, en utilisant une conception adaptée à leur âge.
Le gouvernement estime qu'il s'agit d'une obligation suffisamment souple pour répondre à la question de savoir si certains services, par exemple, devraient avoir recours à des mécanismes de confirmation ou de vérification de l'âge. Le gouvernement est d'avis que le cadre comporte les mesures de protection appropriées, et il y aurait en fait, au terme de consultations avec la société civile et des experts, un organisme de réglementation qui assumerait ce mandat et posséderait les compétences nécessaires pour faire ce travail de façon précise et respectueuse de la vie privée, si cela devait être envisagé.
Monsieur Ripley, c'est une conversation très intéressante. Je ne comprenais pas très bien la réticence du gouvernement à ne pas appuyer ce projet de loi, mais maintenant, ça se clarifie un peu. Je comprends que, pour vous, la définition de matériel sexuellement explicite est trop large. Alors, je cherche une solution.
Pour que ce projet de loi soit plus acceptable pour vous, est-ce qu'il aurait fallu qu'il utilise le terme « pornographie » et le définisse directement, au lieu d'utiliser l'expression « matériel sexuellement explicite »? Est-ce que ça changerait beaucoup de choses pour vous? Est-ce que ça réduirait les chances que le projet de loi s'applique à une scène de nudité ou de relation sexuelle dans un film?
Je ne suis pas en mesure de prendre position sur les amendements potentiels. Cependant, si j'ai bien compris, l'intention de la sénatrice est de viser la pornographie. Or, comme vous l'avez mentionné, la définition de « matériel sexuellement explicite » est plus large que celle donnée à « pornographie ». Si l'intention de la sénatrice et des membres du Comité est vraiment de viser la pornographie, on pourrait réfléchir à comment restreindre la définition actuelle, qui est plus large.
Vous avez aussi des inquiétudes relativement à la protection de la vie privée et des renseignements personnels.
On fait souvent des comparaisons avec le projet de loi C‑63 mais, à mon avis, il s'agit de deux choses assez différentes. En effet, le projet de loi C‑63 vise à protéger les enfants contre le contenu en ligne préjudiciable, ce qui est tout à fait louable. Le projet de loi S‑210, lui, vise à limiter l'accès à la pornographie.
L'instance que vous voulez créer au moyen du projet de loi C‑63 m'apparaît très efficace pour jouer un tel rôle. La commission de la sécurité numérique pourrait jouer le même rôle que celui des commissions d'autres pays. C'est la même chose pour ce qui est des processus de vérification de l'âge.
Pouvez-vous nous préciser quelles sont vos inquiétudes concernant la protection de la vie privée, ainsi que vos autres inquiétudes?
Dans le contexte où les objectifs du projet de loi C‑63 sont de promouvoir la sécurité en ligne et de réduire les préjudices, l'obligation de protéger les enfants, dont il est question à partir de l'article 64, est assez souple. Selon cet article, « l'exploitant est tenu de protéger les enfants à l'égard du service réglementé qu'il exploite en se conformant à l'article 65 ». L'article 66, quant à lui, donne à la commission les pouvoirs d'établir une série d'obligations ou de mesures qui doivent être intégrées au service.
Selon le gouvernement, on a la flexibilité nécessaire pour se pencher sur les services des médias sociaux et la façon de mieux protéger les enfants. Lors des consultations, on peut certainement se demander si la réponse appropriée est d'obliger certains services à adopter la vérification de l'âge. Encore une fois, il va y avoir un régulateur spécialisé possédant l'expertise nécessaire. De plus, des mécanismes sont prévus pour consulter la société civile et les experts afin de s'assurer que ces décisions sont bien réfléchies.
J'imagine que vous avez regardé un peu ce qui se fait dans les autres pays, notamment dans les pays mentionnés tout à l'heure, soit l'Allemagne, le Royaume‑Uni et la France.
Pour ce qui est de la vérification de l'âge, la sénatrice a proposé de faire affaire avec des tierces parties, et non directement avec les sites pornographiques. Avez-vous des inquiétudes à cet égard? Selon vous, s'agit-il d'une façon acceptable de procéder?
Nous suivons les développements à l'échelle internationale, tout à fait. Le gouvernement ne nie pas que ça bouge beaucoup dans ce domaine.
Encore une fois, notre interprétation de la question est que nous n'avons pas nécessairement atteint une maturité à l'échelle internationale, comme en Australie, par exemple. La France se penche toujours sur ces questions. Les Français sont en train de tester certaines solutions, mais ils n'ont pas encore terminé leurs travaux. Aux États‑Unis, comme vous l'avez d'ailleurs souligné, on constate qu'il faut mettre en place des infrastructures. En Louisiane, il se fait une vérification de l'identité et cette mesure a été intégrée pour bloquer l'accès aux mineurs. D'autres États américains ont proposé des lois, mais on voit que certains services ont retiré leur accès dans ces États, parce qu'il n'y a pas encore d'infrastructures en place.
De toute évidence, plusieurs solutions sont possibles. On peut penser notamment aux jetons de sécurité, pour lesquels la vérification de l'âge est faite par une tierce partie. Comme vous l'avez mentionné, on peut aussi penser à la vérification des appareils. Parmi les solutions, il y a aussi des dispositifs qui font le balayage facial pour essayer de déterminer l'âge de l'utilisateur. Il est important que ces solutions soient déployées dans un contexte où des mesures de protection sont en place pour assurer le respect du droit à la vie privée. Nous ne voulons pas créer un cadre qui met en place une obligation sans mesures de protection.
J'aimerais remercier les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Monsieur Dufresne, j'aimerais commencer par vous interroger. J'ai juste besoin de quelques éclaircissements. Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez recommandé que le Comité envisage « de limiter l’obligation de vérification de l’âge aux sites Web qui fournissent principalement du matériel sexuellement explicite à des fins commerciales ». Où au juste voudriez-vous que nous fassions cela?
Je sais que dans la section du projet de loi intitulée « Définitions », l'organisation est définie de la façon suivante: « S’entend au sens de l’article 2 du Code criminel. ». Est-ce que c'est là que vous aimeriez voir un peu plus de précisions, ou pouvez-vous nous dire où ces changements devraient être apportés?
Bien sûr. Ces changements pourraient être apportés dans la définition ou sous la rubrique « Infraction », en parlant de « mettre à la disposition », ou de mettre principalement à la disposition. Nous avons cité des mesures législatives internationales comparables provenant du Texas et de l'Utah, qui utilise des mots comme « substantiellement », ou parle parfois même d'« un tiers » du matériel.
Une simple exigence quantitative pourrait être un moyen de cibler les sites Web à caractère pornographique plus vastes.
Vous avez également eu un échange avec M. Caputo au sujet de l'article 11, pendant lequel je sais que vous avez recommandé certains critères supplémentaires. Ma question porte en fait sur le paragraphe 11(2), sur la formulation qui précède la liste. J'ai également interrogé la sénatrice à ce sujet.
Le paragraphe indique simplement ce qui suit: « Avant de prévoir un mécanisme de vérification de l’âge en vertu du paragraphe (1), le gouverneur en conseil examine si le mécanisme ». Le libellé, dans lequel on retrouve les mots « must consider » en anglais et « examine » en français, vous satisfait-il, ou préféreriez-vous une formulation qui oblige le gouverneur en conseil à suivre ces règles? Personnellement, quand je regarde cela, je pense que cela donne au gouvernement la petite échappatoire suivante: « Oh, nous avons utilisé trois des cinq critères. Nous avons donc tout pris en compte ».
Et si le gouverneur en conseil était contraint de vérifier que le mécanisme est fiable, qu'il respecte la vie privée et qu'il recueille et utilise des renseignements personnels uniquement à des fins de vérification de l'âge? Avez-vous une opinion à ce sujet?
Je pense que vous avez posé une bonne question, et j'estime que la sénatrice y a bien répondu, en précisant que cela figure dans le projet de loi et que l'on s'attend à ce que le gouverneur en conseil tienne compte de ces critères. Le message est explicite.
Est-ce que je préférerais un libellé plus ferme, selon laquelle le mécanisme « doit inclure » les éléments suivants? Je pense que cette formulation serait plus ferme, et je la soutiendrais, mais en ce qui concerne l'exigence liée aux mots « must consider » ou « examine », j'ai également tendance à présumer de la bonne foi du gouvernement quant au fait qu'il va élaborer la réglementation. C'est ce que dit la loi. Si cette notion était complètement absente, il est évident qu'il faudrait soulever la question. Comme je l'ai indiqué, je m'attendrais certainement à être consulté au sujet de l'élaboration d'une réglementation de cette nature, et je ferais des recommandations pour m'assurer que les mécanismes protègent la vie privée.
Merci. Je vous suis reconnaissant de vos réponses.
Monsieur Ripley, j'aimerais m'adresser à vous.
Je sais que vous avez hésité à vous prononcer sur les amendements que le Comité pourrait envisager d'apporter. Cela dit, nous, les membres du Comité, devons savoir comment nos amendements seront perçus par le gouvernement si nous en proposons.
Je sais que vous avez hésité à vous étendre un peu sur la définition du « matériel sexuellement explicite », mais je suppose que je veux savoir à quel point votre ministère est réceptif à l'interprétation.
Avez-vous besoin que nous, les membres du Comité, élaborions une formulation beaucoup plus précise? Nous voulons savoir ce que, selon vous, vous attendez de nous. Aidez-nous à vous aider.
Je répète qu'en ce qui concerne les amendements, je ne suis pas en mesure de prendre position au nom du gouvernement. Ce que je voudrais souligner, c'est que, là encore, les aspects problématiques de la définition du Code criminel se trouvent à l'alinéa 171.1(5)a), où la mise en garde liée aux mots « dans un but sexuel » ne figure pas, contrairement aux alinéas b) et c), par exemple.
Je précise de nouveau qu'à l'alinéa a), la formulation est suffisamment générale pour englober les scènes de sexe ou de nudité, qu'elles soient utilisées dans un but sexuel ou non, par exemple. Là encore, la définition engloberait les contenus de divertissement.
Mais, là encore, si nous avançons dans le projet de loi jusqu'au paragraphe 8(1), à la page 4, nous constatons qu'il traite de l'agent de l'autorité:
S’il a des motifs raisonnables de croire qu’une organisation a commis l’infraction prévue à l’article5 , l’agent de l’autorité peut lui donner un avis en vertu du présent article;
Comment interprétez-vous l'expression « motifs raisonnables »? Ne faisons-nous pas confiance au jugement des gens qui leur permet de faire la distinction entre un film sur Netflix et de la pornographie évidente?
Comme l'a dit M. Bittle, un film qui contient des scènes sexuelles très explicites n'est pas mis à la disposition du public uniquement dans un but sexuel; les scènes font partie d'une histoire, alors que nous savons tous que le matériel sexuellement explicite est la principale raison d'être de la pornographie.
Le problème, c'est que la définition sur laquelle repose le projet de loi, à savoir la définition du « matériel sexuellement explicite », ne se limite pas à la pornographie. L'infraction prévue à l'article 5 du projet de loi est la suivante:
Toute organisation qui rend accessible à un jeune du matériel sexuellement explicite sur Internet à des fins commerciales est coupable d’une infraction...
Les motifs raisonnables de croire reposent sur la question de savoir s'ils ont rendu accessible du matériel sexuellement explicite. Je le répète, rien dans la définition de « matériel sexuellement explicite » ne la limite à la pornographie.
Comme je l'ai mentionné, l'alinéa 171.1(5)a) de la définition du Code criminel indique ce qui suit:
a) toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée ou non par des moyens mécaniques ou électroniques:
(i) soit où figure une personne se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle explicite...
Il n'y a aucune restriction quant au caractère pornographique du matériel.
Ensuite, le sous-alinéa 171(5)(a)(ii) indique ce qui suit:
(ii) soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel...
C'est là que l'on voit le but sexuel.
Je mentionne encore une fois qu'à certains endroits l'on voit cette mise en garde, mais le premier alinéa que j'ai lu ne comporte pas cette restriction.
Je remercie également nos témoins de leur présence.
Nous connaissons évidemment la position du gouvernement libéral à l'égard du projet de loi. En ce qui concerne les hauts fonctionnaires, ils sont bien sûr en mesure d'appuyer cette position. Votre rôle en tant que fonctionnaire n'est pas de comparaître devant nous pour exprimer votre désaccord à l'égard de la politique du gouvernement, même si, en privé, vous pouvez être en désaccord avec cette politique.
Je dirai simplement qu'à mon avis, bon nombre des arguments que vous avez avancés ont déjà été clairement réfutés par la sénatrice. Je tiens également à dire que j'estime que le projet de loi C-63 est une véritable catastrophe. Il soulève de véritables problèmes de censure, et il ne mentionne rien à propos de la vérification de l'âge. Il est beaucoup plus vaste que le projet de loi S-210, à tous les égards. Il est mis en application par des organismes bureaucratiques aux pouvoirs imprécis, et il porte sur la liberté d'expression.
La plupart des Canadiens qui ont vu ce que le gouvernement a fait... Pour être juste envers vous, je précise que je comprends le rôle non partisan que vous jouez en tant que fonctionnaires, et le fait que vous êtes chargés de fournir des conseils sans crainte et d'assurer une mise en œuvre fidèle. Cependant, ce que le gouvernement libéral a proposé dans le projet de loi C-63 n'est pas bien reçu par l'ensemble de la population.
En ce qui concerne les questions relatives à l'article 171, j'examine le Code criminel et j'essaie de comprendre l'argument avancé.
Le Code criminel contient une seule définition du matériel sexuellement explicite. Cependant, on laisse entendre implicitement que plusieurs définitions différentes du matériel sexuellement explicite pourraient être utilisées en même temps. Toutefois, il semble éminemment logique d'avoir une seule définition qui s'appuie sur la jurisprudence actuelle.
Comme M. Bittle l'a laissé entendre, si cette définition vise la série télévisée Le Trône de fer, il y a déjà un problème parce qu'il y a déjà violation du Code criminel si, lors de la perpétration d'une autre infraction, vous montrez ce matériel à un enfant. Par conséquent, vous pourriez déjà enfreindre le Code criminel si vous lanciez la série Le Trône de fer chez vous pour votre enfant de 16 ans, ce qui n'est pas le cas. Personne ne se fait arrêter et ne va en prison parce qu'il laisse son enfant de 16 ans regarder Le Trône de fer. Si cela ne se produit pas déjà hors ligne, cela semble indiquer que cette réinterprétation complète de ce que la loi en vigueur indique déjà est peut-être un peu exagérée.
Dans ce contexte, nous savons également que Pornhub a été représenté par un lobbyiste libéral bien placé qui a rencontré des libéraux pendant la période qui a précédé le vote.
Je souhaite interroger le commissaire à la protection de la vie privée à propos de ce qu'il a dit au sujet des amendements qui pourraient être apportés.
Comment cela s'applique-t-il aux médias sociaux? Je vais simplement poser la question. J'ai de jeunes enfants, et il est évident que je ne veux pas qu'ils aient accès aux principaux sites pornographiques connus. Je ne veux pas non plus qu'ils voient du matériel pornographique sur n'importe quel autre site Web qu'ils pourraient consulter dans un but légitime. Par conséquent, si mes enfants utilisent des médias sociaux — ils ne le font pas — ou s'ils consultent un autre site Web et qu'ils regardent une vidéo YouTube sur ce site, quel qu'il soit, je voudrais m'assurer que les enfants de 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 ans n'ont pas accès à de la pornographie, quelle que soit la plateforme utilisée et quel que soit le pourcentage de matériel sexuellement explicite prévu par le modèle d'affaires global de cette entreprise.
D'un point de vue philosophique, je ne comprends pas vraiment pourquoi le fait de prévoir une exemption — pour les sites où ce matériel ne représente qu'une petite partie de leurs activités — serait logique ou protégerait la vie privée de qui que ce soit, parce que, si l'objectif est de protéger les enfants, il faut les protéger, peu importe où ils se trouvent.
Je serais curieux de connaître votre réponse à ce sujet.
Des discussions ont eu lieu à ce sujet. Si l'on considère le code britannique adapté à l'âge des enfants ou si l'on examine la conception générale des sites destinés aux enfants, on constate qu'il peut y avoir toute une série d'outils qui peuvent être utilisés. Il peut s'agir de l'approbation parentale, de l'éducation, etc.
L'approche fondée sur le risque constitue un élément important de la discussion. Plus le risque est élevé, plus l'outil utilisé sera supérieur. La vérification de l'âge est un outil de niveau supérieur, comparativement à l'approbation parentale, à l'éducation ou à la sensibilisation.
Tous ces éléments peuvent être pris en considération, mais si l'objectif est d'accéder à des sites Web pornographiques, je soulève la question de l'élément numérique. Alors...
Je vous redonnerai la parole dans un instant, mais je dirais simplement que l'objectif est d'empêcher mes enfants, et les enfants d'autres personnes, d'avoir accès à du matériel sexuellement explicite sur Internet. De même que nous ne laissons pas les enfants se procurer de l'alcool, s'ils le font dans un bar ou dans un hôtel qui a de nombreux autres secteurs d'activité, l'objectif est que les enfants ne puissent pas se procurer de l'alcool. Étant donné qu'il y a déjà des barrières liées à l'âge, par exemple, sur certains de ces sites...
La sénatrice a mentionné quelque chose à ce sujet. Ce n'est pas vraiment en vigueur, mais Twitter vous avertit déjà quand vous entrez dans une zone particulière. Il ne semble pas difficile d'appliquer ce principe de vérification de l'âge partout où ce type de matériel existe.
Certains des principes que nous faisons souvent valoir sont la nécessité, la proportionnalité et le fait de s'assurer qu'on utilise le moins de renseignements personnels possible pour atteindre ses objectifs, et c'est pourquoi je dis que le règlement doit tenir compte de la nécessité et de la proportionnalité. Les données ne doivent pas servir au suivi des activités des personnes, et, je le répète, les Canadiens doivent avoir à fournir le moins de renseignements personnels possible. Cela dit, la vérification de l'âge est appropriée dans certains contextes.
C'est un sujet extrêmement important. Je pense que nous visons tous le même résultat, c'est‑à‑dire protéger les enfants le plus possible.
Je reviens à M. Dufresne. J'essaie de trouver des renseignements sur le programme utilisé en Espagne, alors je me demande si vous avez le nom du programme utilisé pour la vérification de l'âge?
Elle est en train d'établir de l'information sur d'éventuels outils de tierces parties permettant de vérifier l'âge. L'objectif est de faire en sorte que, lorsque l'âge d'une personne est vérifié par cet outil et qu'elle va ensuite sur un site Web, son âge ne soit pas révélé à ce site Web. Il y a seulement le message « Mon âge a été vérifié ». Elle a publié un document intitulé le « Décalogue des principes ». Elle s'est demandé quels principes devraient être respectés. L'un d'entre eux est d'empêcher le suivi des activités des personnes. Il y a aussi l'atténuation du risque et l'utilisation de l'information à des fins appropriées. Elle se penche sur des outils potentiels, tout comme la France. De son côté, l'Australie mène un projet pilote pour mettre cela à l'essai. Il y a du travail en cours, et nous allons poursuivre ce travail avec nos collègues à l'échelle internationale pour élaborer des principes et ensuite travailler avec l'industrie.
Voyez-vous des effets de ces deux propositions que vous avez présentées à vos homologues en Espagne ou aux États-Unis? Est‑ce que ce sont des choses qui sont intégrées dans les technologies de vérification de l'âge qui pourraient être utilisées?
Nous travaillons en étroite collaboration avec eux, dans le but de publier un énoncé de principes commun précisant les principes que nous voulons voir respecter en ce qui concerne les outils de vérification de l'âge. Je vais mener des consultations plus tard au Canada pour faire connaître les principes que nous proposons et expliquer comment il est possible d'atteindre l'équilibre recherché. Il faut dire à l'industrie qu'elle doit utiliser ces outils pour déterminer l'âge dans le but de savoir si la personne est mineure ou majeure, qu'elle doit le faire de façon anonyme, qu'elle doit prévoir des freins et contrepoids et des mesures assurant la protection de cette information. Il ne faut pas qu'il y ait violation de la confidentialité de cette information et que cela donne lieu à des problèmes. Nous examinons toute une série de principes, ainsi que les répercussions des technologies.
Aujourd'hui, nous avons entendu parler un peu des mécanismes de reddition de comptes, de l'application de la loi — peut-être que nous ne sommes pas clairs à ce sujet — et de partenariats en matière de littératie numérique avec des entreprises de technologie. J'aimerais savoir si, disons, Pornhub fait appel à une entreprise de technologie et que cette entreprise de technologie commet une infraction, qui est responsable, même si — et c'est ce que je suppose — Pornhub reçoit seulement l'information disant: « Oui, cette personne a 18 ans » ou « Non, cette personne n'a pas 18 ans ». Est‑ce Pornhub, qui a embauché l'entreprise de technologie, ou bien est‑ce le gouvernement? Qui est responsable?
Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, dit que l'organisation — dans ce cas‑ci Pornhub — peut se défendre en disant qu'elle croyait que la personne était majeure d'après l'information obtenue par le biais du mécanisme de vérification de l'âge prescrit par la loi qu'elle a utilisé. S'il y a eu un manquement du côté du mécanisme, s'il y a des préoccupations concernant le mécanisme, je pense que cela soulèverait des questions au sujet de l'outil et du fournisseur.
Il faudrait le déterminer au cas par cas. Pornhub devrait prouver qu'elle a respecté son obligation, aux termes de la loi, à savoir vérifier l'âge au moyen du mécanisme prescrit.
Je sais que la sénatrice a mentionné — et je ne lui ai pas posé la question, bien sûr — la méthode de vérification doublement anonyme. Est‑ce que quelqu'un peut m'expliquer, ou nous expliquer, exactement de quoi il s'agit?
D'après ce que je comprends, il y a divers systèmes en place pour protéger les renseignements personnels d'une personne. Il peut s'agir d'un système basé sur un jeton permettant à l'entité de vérifier que la personne a 18 ans et d'un outil technologique lorsque vous voulez accéder à un site Web pornographique, ou quelque chose du genre. Le jeton ne contient aucune information permettant d'identifier la personne et des technologies comme le balayage facial sont utilisées dans un environnement où aucun renseignement personnel n'est conservé.
Encore une fois, l'objectif serait de veiller à ce que l'infrastructure soit en place, mais ce que nous constatons à l'échelle internationale, c'est que les États continuent de travailler là‑dessus. Cela fait des années qu'ils y travaillent, et il n'y a pas encore de consensus quant à l'exactitude et à la protection des renseignements personnels. Dans ce contexte, nous avons un échéancier de mise en œuvre d'un an durant lequel le ministre devrait choisir une entité, et cette entité devrait ensuite mener les consultations appropriées et mettre en place un cadre.
Autrement, chaque service qui contrevient au projet de loi est susceptible, en théorie, de commettre une infraction et, par conséquent, de faire l'objet d'un blocage de sites Web.
Monsieur Ripley, je veux revenir sur la définition du matériel sexuellement explicite. Mon collègue M. Genuis a soulevé un bon argument en disant que, si on a peur qu'une scène de nudité ou de relation sexuelle dans un film ou une série soit considérée comme du matériel sexuellement explicite si le projet de loi S‑210 entre en vigueur, on peut se questionner sur le matériel sexuellement explicite qui existe déjà, puisqu'il y a des scènes de film qui sont déjà considérées comme telles.
Je ne suis donc pas sûre de comprendre ce qui vous inquiète.
Si vous regardez le Code criminel, vous verrez qu'il comprend cette définition, mais qu'il fait aussi référence à d'autres types d'infractions. Le fait de montrer du matériel sexuellement explicite à un enfant pourrait tout à fait constituer une violation du Code criminel dans un contexte particulier, mais on mentionne aussi d'autres d'infractions au Code criminel. Voilà donc la réponse à votre question. Il ne s'agit pas seulement d'établir des limites. Ce n'est pas pareil.
Comme je l'ai mentionné au début, le gouvernement est aussi préoccupé par le fait qu'on mélange le droit pénal et le droit réglementaire. Si l'intention est de créer un cadre réglementaire, on devrait clarifier l'obligation positive de limiter l'accès à la pornographie pour les enfants, puis élaborer un cadre réglementaire et prévoir les sanctions appropriées. Cependant, selon la façon dont le projet de loi est rédigé présentement, il n'est pas clair si l'intention du Parlement est de créer une infraction criminelle ou d'articuler un cadre réglementaire.
Si l'intention du Parlement est de créer un cadre réglementaire, il devrait établir clairement une obligation positive, puis se servir des outils qu'on utilise habituellement dans un contexte réglementaire, comme les sanctions administratives pécuniaires.
Toutefois, le projet de loi crée une nouvelle infraction, pour laquelle certaines défenses sont prévues, mais il permet aussi à l'agence responsable d'appliquer la loi d'obtenir une ordonnance pour limiter l'accès à certains sites Web. On pourrait donc se retrouver dans une situation — le projet de loi le confirme — où on bloquerait certains sites Web qui fournissent plusieurs types de contenus, dont de la pornographie. On peut cependant se demander si le blocage des sites Web est une réponse appropriée et proportionnée qui respecte le droit des Canadiens d'accéder à l'information et au contenu. Or, en tout respect pour le Comité, le blocage des sites Web n'est pas selon le gouvernement une réponse proportionnelle au cadre proposé ici.
Les témoignages d'aujourd'hui sont intéressants. Je pense qu'ils ont amené le Comité à emprunter différentes voies dans le cadre de son étude du projet de loi S‑210.
Monsieur Ripley, nous avons beaucoup entendu parler des pièges potentiels de l'expression « matériel sexuellement explicite » utilisée dans le Code criminel et du fait qu'elle pourrait être trop large. Plus loin dans le projet de loi — toujours à la page 3, au paragraphe 6(2) proposé —, on peut lire:
Nulle organisation ne peut être déclarée coupable d'une infraction prévue à l'article 5 si les actes qui constitueraient l'infraction ont un but légitime lié à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts.
Cette expression « but légitime » ne servirait-elle pas, aux yeux du ministère, à sauver les entreprises de diffusion en continu comme Netflix, puisqu'elles feraient partie de la catégorie des arts? Comment interprétez-vous cette disposition?
Cela ajoute‑t‑il aux préoccupations que vous avez soulevées au sujet de la définition de matériel sexuellement explicite?
Je crois comprendre que ce type d'exception s'appuie sur le Code criminel. Dans certaines situations, on veut s'assurer qu'une personne ne fasse pas l'objet de poursuites criminelles pour s'être livrée à l'une de ces activités. Le gouvernement n'a pas précisé comment cette disposition serait nécessairement interprétée.
Dans un contexte où — encore une fois, d'après la lecture que fait le gouvernement du projet de loi — cela s'appliquerait à un très large éventail de services Internet, allant des moteurs de recherche aux fournisseurs de services Internet, en passant par les médias sociaux et les sites Web, on crée beaucoup d'incertitude chez les entreprises en disant que Netflix et Disney+ devront démontrer que ce sont les arts...
Le défi, à mon avis, serait en fait d'établir, par exemple, que le contenu de divertissement offert par ces services de diffusion en continu relève des arts. Ce serait à eux de le démontrer.
Je tiens également à souligner, compte tenu des échanges précédents, qu'une entreprise ne peut pas se défendre en faisant valoir qu'elle croyait que la personne ayant accédé au contenu avait 18 ans ou plus. Le projet de loi est conçu de manière à ériger en infraction le fait de rendre ce genre de contenu accessible. Une entreprise peut se défendre en faisant valoir qu'elle a mis en place l'une des technologies de vérification de l'âge prescrites dans le règlement.
Encore une fois, on met en place un cadre très binaire. L'entité qui sera chargée de l'administrer dispose de très peu de mécanismes d'application de la loi pour composer avec le genre de nuances que vous soulevez.