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La séance est ouverte. Bienvenue à la 72
e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Nous commencerons par reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Par conséquent, les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom. Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 25 novembre 2022, le Comité poursuit l'étude du projet de loi , Loi établissant la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
Avant de commencer, j'aimerais informer les membres du Comité que nous devons approuver un budget pour cette étude. Je pense que tout le monde a reçu un exemplaire du budget dans son courrier électronique hier. Pouvons-nous obtenir une motion pour approuver ce budget?
Des députés: D'accord.
Le président: D'accord. Je signale également aux membres du Comité qu'il s'agit aujourd'hui de notre dernière réunion avec témoins. Nous avions tenté d'organiser une réunion sur le budget des dépenses qui aurait eu lieu vendredi, mais le n'est pas libre. Je pense donc que nous allons annuler cette réunion et que nous pourrons prendre connaissance de tous les amendements à venir.
La décision revient au Comité. Sommes-nous tous d'accord pour annuler cette réunion?
Madame Dancho, vous avez la parole.
Cela dit, nous avons reçu plusieurs amendements. Nous devrions en recevoir la grande partie d'ici la fin de la journée aujourd'hui, selon moi, et ils pourront ensuite être regroupés. Nous ne pouvons pas encore l'affirmer avec certitude, mais nous devrions recevoir ce document jeudi ou vendredi.
Nous pourrions recevoir d'autres amendements au cours de cette période. S'ils sont peu nombreux et s'ils n'arrivent pas tous en même temps, nous pourrons probablement les intégrer facilement au document, mais bien entendu, nous pouvons tous proposer des amendements en séance au moment approprié.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je vous remercie. Aujourd'hui, nous avons…
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Nous ne siégerons pas vendredi.
D'accord. Nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui. Tout d'abord, nous accueillons, en personne, de Faces of Advocacy, Dr David Edward-Ooi Poon, fondateur, et John McCall, membre. Du Conseil national des musulmans canadiens, nous accueillons Fatema Abdalla, coordonnatrice des communications et Nadia Hasan, directrice des opérations. Enfin, avec vidéoconférence, nous accueillons Hilda Anderson-Pyrz, présidente du Cercle national des familles et des survivantes.
Bienvenue à tous. La parole est d'abord au Dr Poon. Il a cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
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Bonjour. Je m'appelle David Edward-Ooi Poon. Vous pouvez m'appeler David.
Je suis le fondateur de Faces of Advocacy, un mouvement de revendication populaire canadien qui est à l'origine des changements apportés à la politique fédérale en matière d'immigration pour réunir en toute sécurité les familles multinationales lors des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID‑19.
Je suis sincèrement reconnaissant envers les nombreux parlementaires — y compris un grand nombre qui sont ici aujourd'hui — qui ont contribué à réunir les familles canadiennes de manière responsable en écoutant personnellement un si grand nombre de personnes leur raconter les expériences pénibles qu'elles avaient vécues. J'espère que nous pourrons refaire la même chose aujourd'hui.
J'aimerais tout d'abord vous parler des raisons pour lesquelles j'ai fondé Faces of Advocacy.
Au début de la pandémie, le gouvernement a complètement mis de côté les familles canadiennes multinationales, c'est‑à‑dire les familles canadiennes qui avaient des partenaires, des enfants ou des parents de nationalités différentes. Les règles de l'époque étaient toutefois suffisamment vagues pour que l'on puisse les interpréter comme permettant aux membres de la famille internationale des citoyens canadiens d'entrer au Canada, et on a signalé à plusieurs reprises que des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou l'ASFC, avaient autorisé ces entrées.
Ma partenaire est de nationalité irlandaise. Elle avait communiqué avec l'Agence des services frontaliers du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l'ambassade, et elle avait même reçu une lettre du consulat en Europe qui confirmait notre relation de couple. On lui avait donc dit qu'elle pouvait venir au Canada. Pourtant, à l'atterrissage, à Toronto, l'agent de l'ASFC ne l'a pas autorisée à entrer au pays, et il lui a menti carrément en lui disant qu'il était impossible de parler à un superviseur, il lui a refusé de lui accorder le temps de lire des formulaires avant de la forcer à les signer et il l'a intimidée en la traitant de menteuse.
Ce même agent lui a avoué plus tard dans la journée qu'il savait qu'elle n'était pas une menteuse, mais il a tout de même eu recours à ces tactiques d'intimidation agressives, ainsi qu'à des mensonges purs et simples. Nous avons par la suite présenté une demande d'accès à l'information et protection des renseignements personnels au sujet de cette interaction, mais l'agent de l'ASFC n'avait pas consigné son comportement non professionnel et les renseignements erronés qu'il avait fournis à ma partenaire. Il n'a donc subi aucune conséquence.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je représente un organisme national qui regroupe plus de 10 000 personnes qui ont amené le gouvernement à modifier une politique fédérale. Chaque fois que je rentre au pays avec ma partenaire, je suis toujours inquiet. Imaginez que je sois une personne sans plateforme qui souhaite simplement être avec sa famille.
John McCall est l'une de ces personnes. Citoyen américain, il est tombé amoureux d'une Canadienne, Donna, et l'a épousée il y a 40 ans. Même si leurs enfants ont droit à la citoyenneté canadienne, ils étaient des Américains aux yeux de l'ASFC. Lorsque Donna est tombée malade au début de la pandémie, ses enfants ont demandé à l'ASFC une exemption pour raisons d'ordre humanitaire, afin de pouvoir être auprès de leur mère avant son décès. On leur a répondu par une lettre type dans laquelle on leur disait qu'ils avaient besoin d'un passeport canadien. Nous savons qu'à l'époque, différents agents de l'ASFC interprétaient les instructions frontalières liées à la pandémie comme autorisant le regroupement familial, mais comme les règles n'étaient pas claires et que les agents n'étaient pas disposés à aider les membres de la famille McCall à trouver une solution ou même à les orienter vers quelqu'un qui pourrait le faire, les membres de la famille McCall ont dû faire leurs adieux à leur mère par l'entremise de FaceTime.
John et moi sommes entrés en communication. Nous avons travaillé avec Faces of Advocacy. Nous avons réussi à faire modifier la politique fédérale avec l'aide de Sécurité publique, mais seulement bien après ces évènements. Malgré ces victoires apparentes, certaines personnes se sont vu refuser l'entrée au Canada et ont été traitées de menteuses, même si elles avaient fourni tous les documents exigés pour obtenir une exemption d'entrée, tout cela en raison des caprices de certains agents de l'ASFC ou tout simplement de leur refus de les écouter. Les immigrants ont rapidement appris qu'ils n'avaient aucun recours pour contester les décisions prises par les agents de l'ASFC en vertu de l'autorité ou des pouvoirs discrétionnaires qu'on leur avait conférés sans supervision.
C'est pour ces raisons que l'organisme Faces of Advocacy est heureux de soutenir le projet de loi , car il vise à rétablir l'équilibre des pouvoirs entre les plaignants et l'ASFC. Nous soutenons fermement la proposition d'habiliter la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public à imposer des mesures disciplinaires à l'ASFC et à obliger la Commission à produire un rapport annuel qui doit inclure des données désagrégées fondées sur la race.
Nous souhaitons que le Comité améliore trois aspects du projet de loi .
Le premier concerne la partie 1 et les normes de service concernant les délais établies conjointement entre la Commission et l'ASFC. La mise sur pied de la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public a été rendu nécessaire par l'incapacité de l'ASFC d'enquêter sur les plaintes déposées de bonne foi et, parfois, par l'obstruction pure et simple pratiquée par l'organisme pendant ces enquêtes. Notre organisme a entendu de nombreuses plaintes de la part d'immigrants au Canada à qui l'on avait dit qu'ils ne pouvaient pas parler à un superviseur d'un agent de l'ASFC et que la décision de l'agent était sans appel. Ces personnes ont essentiellement fait l'objet de menaces lorsqu'elles osaient remettre en question les affirmations de l'agent.
Nous craignons que l'exigence visant à « établir conjointement » des normes de service soit considérée par l'ASFC comme une occasion de retarder une enquête et, par conséquent, de retarder l'application de la justice. Nous demandons donc au Comité de remplacer les directives existantes et d'élaborer des normes de service raisonnables, en particulier dans les cas urgents.
Le deuxième se trouve à l'article 9 de la partie 1, qui vise l'éducation et l'information sur le mandat de la Commission. Il est vrai qu'il faut bien faire connaître l'existence de la Commission et sa raison d'être. Nous croyons cependant que le mandat et les processus de la Commission doivent faire l’objet d’une promotion précise et claire aux principaux points de contact avec l’ASFC, et qu’il incombe à l’ASFC de satisfaire à cette exigence de promotion.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous donner l’occasion de vous faire part de nos réflexions dans le cadre de l'étude du projet de loi .
Je m'appelle Nadia Hasan, je suis titulaire d'un doctorat et je suis la directrice des opérations du Conseil national des musulmans canadiens. Je suis accompagnée aujourd'hui de Fatema Abdalla, la coordonnatrice des communications du Conseil. Je partagerai mon temps de parole avec Mme Abdalla.
Je tiens également à souligner le travail de nos étudiantes d'été, Zena et Hasna, qui ont grandement contribué à la préparation des mémoires que nous vous présentons aujourd'hui.
D’entrée de jeu, je tiens à dire que le Conseil national des musulmans canadiens réclame depuis de nombreuses années des dispositions législatives concernant la surveillance de l'ASFC. Au cours des deux dernières décennies, le CNMC a entendu d'innombrables histoires sur les difficultés que les musulmans rencontrent à la frontière. C'est pourquoi, depuis une vingtaine d'années, l'une de nos principales batailles consiste à réclamer la surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Nous sommes favorables à l'adoption de ce projet de loi, mais nous souhaiterions trois amendements clés pour que ses effets ne se limitent pas, comme nous le redoutons sérieusement, à une première étape très limitée plutôt que de mener au type de réforme globale dont nous avons besoin aujourd'hui.
Premièrement, nous estimons que la sécurité nationale doit être définie plus clairement dans le projet de loi . Si le libellé actuel est maintenu, nous pensons que le paragraphe 31(2) pourrait avoir une conséquence imprévue. Dans son libellé actuel, ce paragraphe laisse entendre que toutes les questions de sécurité nationale devraient être soumises à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou OSSNR.
Je vais vous donner l'exemple d'un cas très médiatisé, celui du militant égyptien des droits de la personne, Abdelrahman Elmady, qu'un agent de l'ASFC a considéré comme une menace pour la sécurité à Vancouver. Il a été mis en détention à Vancouver et a été privé des soins médicaux dont il avait besoin. Par exemple, on lui a retiré ses appareils auditifs.
Si les dispositions législatives portant sur la surveillance de l'ASFC exigeaient toujours que M. Elmady s'adresse à l'OSSNR, nous savons qu'il faudrait des années pour qu'il obtienne un examen de la conduite reprochée. Mais surtout, le projet de loi n'aiderait en rien M. Elmady et d'autres musulmans injustement ciblés par des agents de l'ASFC pour de prétendues « raisons de sécurité nationale », pour ce qui est d'obtenir une surveillance appropriée, et il ne ferait qu'alourdir le fardeau administratif qui pèse actuellement sur l'OSSNR.
Nous sommes d'accord avec les autres témoins qui ont comparu devant vous pour dire que la Commission devrait avoir compétence pour examiner les activités liées à la sécurité nationale dans certains cas. Nous recommandons, entre autres solutions possibles, que l'article 31 soit amendé de sorte qu'il soit précisé que seules les plaintes qui exigent une cote de sécurité de niveau très secret ou une documentation complexe doivent être soumises à l'OSSNR. La Commission devrait traiter toutes les autres questions relatives aux plaintes en matière de sécurité nationale qui découlent d'allégations d'inconduite de la part de l'ASFC.
Deuxièmement, nous recommandons l'inclusion d'échéanciers précis dans la loi. Comme vous l'avez entendu de la part de plusieurs autres collègues, des délais stricts devraient être imposés pour les enquêtes sur les plaintes menées par l'ASFC et la Commission, ainsi que pour l'établissement de rapports sur ces plaintes. Dans le même ordre d'idées, sans un échéancier défini dans la loi, nous craignons que ce nouvel organe de contrôle prenne beaucoup de temps pour traiter et lancer les examens.
Nous recommandons que le paragraphe 8(1) soit amendé de manière à exiger que l'organe de surveillance traite la première étape du processus d'examen d'une plainte dans un délai de trois mois, plutôt que de laisser à la Commission et à la GRC le soin d'établir les délais.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Abdalla.
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Pour terminer, même si le projet de loi souligne la nécessité de protéger les personnes contre les fouilles et les saisies abusives, nous recommandons d'inclure une disposition prévoyant la tolérance zéro à l'égard de la discrimination raciale. De nombreux clients musulmans ont été victimes de comportements islamophobes ou racistes de la part de l'ASFC, dont les comportements répréhensibles n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle. Une étude menée récemment, en mars 2020, a révélé que plus de 75 % des agents de l'ASFC interrogés ont déclaré avoir été témoins du comportement discriminatoire d'un collègue envers des voyageurs en raison de leur origine nationale ou ethnique.
Très concrètement, nous savons que dans un cas, un agent de l'ASFC a fourni des motifs de décision qui s'appuyaient sur les propos d'islamophobes bien connus comme Daniel Pipes. Dans un autre cas, l'agent a cité une information liée à des accusations haineuses portées contre le CNMC et d'autres organisations musulmanes canadiennes de premier plan.
À notre connaissance, l'ASFC ne s'est jamais excusée publiquement de s'être appuyée sur de telles absurdités. Ainsi, compte tenu de l'historique de l'ASFC et de la présence manifeste de préjugés islamophobes dans sa culture organisationnelle, il convient d'instaurer une clause de tolérance zéro à l'égard de la haine.
Merci.
Je tiens à souligner, pour conclure, que nous allons considérablement étoffer les observations qui vous sont présentées aujourd'hui dans un mémoire qui vous sera soumis ultérieurement. Voilà qui conclut nos déclarations. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Bonjour à tous. Je m'appelle Hilda Anderson-Pyrz. Je suis la présidente du National Family and Survivors Circle, et je me trouve à Winnipeg, au Manitoba, sur le territoire du Traité n° 1, soit les terres traditionnelles des Anishinabe, des Ininew, des Anishininew, des Dene et des Dakota, et au cœur de la terre natale de la nation métisse.
Le National Family and Survivors Circle est composé de femmes autochtones et de personnes 2ELGBTQIA+ d'horizons divers, de partout au Canada, qui sont membres de familles directement touchées par la violence fondée sur le genre ou qui ont survécu à ce type de violence. Nous misons sur notre expérience, notre expertise et notre autodétermination, nous qui détenons des droits individuels, pour plaider en faveur de l’élimination de la violence fondée sur le sexe que subissent les femmes, les filles et les personnes bispirituelles et de diverses identités de genre autochtones, et pour la mise en œuvre des 231 appels à la justice.
Le projet de loi et toutes les lois fédérales subséquentes doivent être rédigés, étudiés, adoptés, mis en œuvre et contrôlés en fonction de leur contribution à la réalisation du « changement transformateur » que ce gouvernement a promis dans la « Voie fédérale concernant les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQIA+ autochtones disparues et assassinées ».
Nous savons que, conformément au paragraphe 4.2(1) de la Loi sur le ministère de la Justice, le a déposé, le 21 juin 2022, un énoncé concernant la Charte portant sur le projet de loi , afin de relever et d'examiner les dispositions législatives qui sont incompatibles avec la Charte des droits et libertés.
Aujourd'hui, je rappelle au Comité que les 231 appels à la justice sont des impératifs juridiques qui découlent des lois internationales et nationales sur les droits de la personne et les droits des Autochtones, y compris la Charte, la Constitution et l'honneur de la Couronne. À ce titre, le Canada a l'obligation légale de mettre entièrement en œuvre les appels à la justice contenus dans le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Avec le projet de loi , le gouvernement pourrait faire un pas en avant dans le respect de ses obligations légales en répondant à l'appel à la justice 5.7. Cet appel se lit comme suit:
Nous demandons aux gouvernements fédéral et provinciaux de mettre sur pied des organismes autochtones civils de surveillance de la police (ou de créer des divisions au sein d’organismes de surveillance civils établis et réputés relevant d’une administration gouvernementale existante). Ces organismes doivent être robustes, bien financés et présents au sein de toutes les provinces et de tous les territoires, et leurs représentants doivent inclure des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA de différentes origines culturelles autochtones, et avoir autorité pour :
i Observer et superviser les enquêtes relatives à la négligence ou l’inconduite de la police, y compris, sans s’y limiter, les viols et les autres types d’infractions sexuelles;
ii Observer et superviser les enquêtes relatives aux cas impliquant des Autochtones;
iii Produire des rapports publics au moins une fois l’an faisant état des progrès accomplis par la police pour donner suite aux conclusions et aux recommandations.
Bien que le projet de loi fasse de la commission « civile » une commission chargée de l'examen des plaintes du « public » et qu'il étende le champ d'action de la Commission à l'Agence des services frontaliers du Canada, l'esprit de l'appel à la justice 5.7 est le même: il reste axé sur l'impératif juridique d'établir un organisme de surveillance indépendant, solide et bien financé, qui est représentatif et inclusif, qui comporte des mécanismes de responsabilisation connexes et qui est transparent. Dans sa contribution au plan d'action national, le National Family and Survivors Circle a identifié l'appel à la justice 5.7 comme étant une mesure à mettre en œuvre immédiatement.
En raison du temps limité dont je dispose pour cette déclaration, je ne soulignerai que les préoccupations de haut niveau liées au projet de loi dans les domaines de la représentativité et de l'inclusion, des approches tenant compte des traumatismes et des mécanismes de responsabilisation.
En 2021, le a déclaré:
Nous sommes convaincus que cette Voie fédérale fournit les principes et les fondements nécessaires pour bâtir un système de justice plus juste, plus fort, plus inclusif et plus représentatif qui respecte les droits des peuples autochtones et protège les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones. [...] Nous nous engageons à mettre en œuvre de nouvelles mesures et politiques qui s'attaquent à ces inégalités...
C'est tiré du document « La voie fédérale concernant les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées ».
En ce qui concerne le projet de loi , il faut que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQIA+ autochtones soient représentées et incluses dans les processus de prise de décision et d'enquête. La perspective sexospécifique autochtone relève d'une compétence et d'une expertise spécialisées qui ne peuvent trouver leur origine que dans l'expérience acquise en naviguant et en affrontant quotidiennement les systèmes qui nous causent du tort depuis toujours. Nous possédons une vision critique des solutions pour assurer notre sécurité, notre protection et notre dignité, que personne qui ne vit pas notre situation ou nos circonstances ne peut connaître à fond et, par conséquent, aborder à fond.
Le paragraphe 33(3) proposé indique que la plainte contre la conduite d'un agent de la GRC ou d'un employé de l'ASFC doit être déposée « dans l’année suivant la date de survenance de la conduite reprochée ».
La Commission ou le commissaire, conformément au paragraphe 33(4) proposé, ou la Commission ou le président, conformément au paragraphe 33(5) proposé, peut prolonger le délai de dépôt d’une plainte si l’un ou l’autre « est d’avis que la prolongation est justifiée et ne va pas à l’encontre de l’intérêt public ».
Le projet de loi ne comporte pas de définition pour une prolongation qui serait « justifiée » et pour « intérêt public », et il incomberait aux personnes qui portent plainte, notamment, aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQIA+ autochtones, de démontrer que la « prolongation est justifiée ».
La raison pour laquelle je dis cela... Je ne le fais pas par désinvolture. Je le fais pour que personne ne pense que je me livre à une sorte d'attaque politique, parce que ce n'est pas nous qui vous avons invité à témoigner.
Monsieur, nous avons fait une petite recherche. Vous êtes impliqué dans ce dossier depuis assez longtemps, et je vous félicite de tout le travail que vous avez accompli dans le passé. En 2021, vous étiez tellement frustré par le système que vous avez décidé de vous présenter aux élections comme candidat indépendant contre le parce qu'il refusait de vous rencontrer depuis 18 mois au sujet des restrictions frontalières et de la surveillance de l'ASFC.
Voici exactement ce que vous avez déclaré au Toronto Star: « Si je dois mener toute une campagne juste pour pouvoir parler à Bill Blair en personne, cela montre à quel point le système est absurde. Une personne doit mener une campagne électorale fédérale juste pour parler à l'homme qui doit rendre des comptes pour ces actions. »
Je serais ravi de vous donner un peu de temps pour vous étendre sur ce sujet et me parler des frustrations que vous avez dû manifestement éprouver, car je sais à quel point il est difficile de se faire connaître et de se présenter. Nous vous écoutons, monsieur.
Si je peux consacrer un peu de mon temps... je suis très reconnaissant aux personnes qui nous ont aidés pour les exemptions. Il y a beaucoup de personnes dans cette salle qui nous ont aidés, mais il y en a beaucoup qui ne nous ont pas accordé le temps que j'estimais approprié compte tenu des circonstances.
La femme de M. McCall, infirmière au Canada, est morte en disant au revoir à ses enfants par FaceTime, à cause d'un système qui n'a rien fait d'autre que leur envoyer une lettre type. À l'époque, le était le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. J'ai mené cette campagne en lui demandant de simplement appeler John. C'était en 2021. Nous lui avons demandé cela en 2020. Nous sommes maintenant en 2023.
Oui, il était absurde que je doive me présenter comme candidat indépendant — non partisan —, uniquement pour attirer son attention et susciter cette discussion, et je vous présente une fois de plus John McCall, qui a fait tout le chemin depuis son magnifique lieu de retraite à Madoc, pour obtenir un peu de temps de parole et le minimum de respect qu'un homme mérite après avoir tant souffert. C'est grâce à ce qu'ils ont vécu, Donna et lui, qu'une famille a pu être réunie au Canada alors qu'une sœur était mourante.
Oui, j'accomplis de grandes choses, mais c'est en l'honneur de Donna et pour défendre cette cause. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
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En fait, en plus des familles dont vous parlez, beaucoup d'autres personnes ont vécu cette expérience. Malheureusement, le passage des frontières pour un musulman est une expérience que beaucoup de gens de la communauté connaissent trop bien.
Il est regrettable qu'à l'échelle mondiale comme au Canada, ce phénomène soit désormais courant, et que les gens puissent être considérés d'une certaine manière. Les personnes peuvent notamment ressentir un manque de dignité, de la peur et de l'anxiété en arrivant dans un pays comme le Canada, qui est censé avoir une société multiculturelle, accueillante et défenderesse des droits de la personne dans le monde entier.
Vous avez tout à fait raison de dire que c'est un problème. La situation est très répandue, et il s'agit d'une expérience courante pour la communauté musulmane et d'autres milieux. Voilà qui révèle vraiment l'existence de problèmes systémiques qu'il faut aborder. Il faut les régler convenablement, ce qui nécessite des investissements suffisants de ressources mettant l'accent sur la culture organisationnelle. Comme l'a mentionné ma collègue, Mme Abdalla, nous constatons des problèmes ayant trait aux types de renvois et à la politique des citations dans les décisions prises par les agents des services frontaliers.
Ils ont beaucoup trop de pouvoir, et très peu d'intégrité à l'égard des connaissances employées avant de faire des affirmations semblables au sujet de ces familles. Je pense qu'une solution systémique s'impose.
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Penchons-nous un peu sur cette question.
Avec un nom comme le mien, je peux vous assurer avoir vécu précisément ce dont vous parlez. Il y a des moments où nous nous demandons: « Pourquoi devrait‑il en être autrement, avec un tel nom et une telle confession? »
Je pense que nous avons un rôle très important à jouer — j'ai déjà posé la question par le passé, mais je vais vous le demander. Il faut nous assurer que les personnes de première ligne, surtout à l'ASFC, adhèrent à cette expérience et à toute la question de la surveillance. Je tiens vraiment à tout faire pour que les gens souscrivent à cette mesure lorsqu'elle sera en vigueur, plutôt que d'y être contraints. Je trouve très important que les gens sentent qu'ils font partie de la solution.
Je voudrais savoir quelles solutions systématiques doivent être apportées pour que les personnes de première ligne à l'ASFC... Je tiens à préciser qu'il ne s'agit vraiment pas de tout le monde. Le problème n'est pas généralisé. Il s'agit de problèmes au sein du système que nous devons régler.
Comment s'assurer que ces personnes ont la formation, le soutien et les connaissances nécessaires pour ne pas tomber dans ce piège, volontairement ou non, et traiter différemment les musulmans ou d'autres communautés racisées?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence, aujourd'hui.
Docteur Poon, c'est avec plaisir que je vous revois. Nous nous sommes rencontrés quelques fois de façon virtuelle pendant la pandémie. Je vous remercie du travail que vous avez fait pour tous vos membres.
Monsieur McCall, je vous offre mes plus sincères condoléances pour ce que vous avez traversé.
J'aimerais que vous me donniez des exemples concrets de ce qui se serait produit s'il y avait eu, au moment où la pandémie est survenue, une instance ou une commission de traitement des plaintes du public au sujet de l'Agence des services frontaliers.
Croyez-vous que certaines personnes l'auraient utilisée ou qu'elles auraient déposé une plainte parce qu'elles auraient été insatisfaites de leur traitement par un agent des services frontaliers?
Pourriez-vous nous parler de cas précis ou de situations qui vous ont été relatées par certains de vos membres?
Pourriez-vous également nous parler de l'utilité de mettre en place ce type d'instance indépendante?
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Je vous remercie beaucoup.
Je suis désolé de ne pas parler français.
[Traduction]
À ce moment, Faces of Advocacy agissait à titre d'intermédiaire lorsque des plaintes étaient déposées. Lorsque nous avons obtenu nos exemptions, c'était sans équivoque et public. Les exemptions pour les membres de la famille élargie et pour motifs humanitaires ont été inscrites sur le site Web, juste à côté du décret. Le jour même, j'ai envoyé une lettre à chacun de nos membres pour leur dire d'apporter la missive avec eux puisque nous doutions que l'ASFC allait les croire. En effet, les agents ne les ont pas crus. Ils pouvaient vérifier qui j'étais ainsi que nos exemptions, mais nos membres se sont fait dire ce jour‑là qu'il n'existait pas d'exemption semblable et qu'ils ne pouvaient pas faire venir leur famille. Ils se faisaient traiter de menteurs.
S'il y avait une affiche en anglais et en français s'adressant à ceux qui sont traités injustement par l'ASFC, les victimes pourraient dire: « Très bien, mon cher, donnez-moi votre numéro d'insigne. Je vais m'adresser à ce bureau des plaintes. Ils ont un délai de deux semaines, et c'est ce que nous allons faire. »
Nous étions un groupe d'inconnus qui écoutions ces plaintes et faisions de notre mieux. Dieu merci, un certain nombre d'agents lisaient les règles. Cependant, pour ceux qui ne l'ont pas fait et qui ont outrepassé le champ d'application de leur profession, ces gestes ont vraiment porté atteinte à un certain nombre de personnes.
Ajoutez à cela le fait qu'un agent de l'ASFC peut arbitrairement refuser qu'une personne ne franchisse la frontière à l'avenir. À quel point avions-nous peur? Étions-nous terrifiés à l'idée de devoir entrer au pays et risquer de ne plus jamais revoir nos proches?
Le projet de loi doit être efficace.
Je vous remercie de votre attention.
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J'aimerais remercier publiquement Sean Dillon, mon directeur des opérations, qui a parcouru cette grosse pile de documents pour s'assurer que nous comprenions bien le projet de loi.
Dans la partie I, il est question de mettre en commun les délais de la commission, l'ASFC et la GRC. Le problème ici, c'est que si l'ASFC et la GRC fixent le délai, elles pourraient retarder le processus et remettre les choses à plus tard, puisqu'elles ont toujours agi ainsi.
Avons-nous peur? Certainement, mais nous sommes reconnaissants et espérons que la troisième fois sera la bonne pour ce projet de loi. Nous sommes ravis que les choses bougent et que tout soit clairement indiqué pour que les gens ordinaires connaissent leurs droits et sachent ce qu'ils peuvent faire. Il est à espérer que cette mise en lumière empêchera aux agents de travailler dans l'ombre et de poser des gestes inappropriés — ou pire, de carrément véhiculer des mensonges et des faussetés.
C'est notre crainte, et je crois qu'aujourd'hui, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale peut contribuer à nous donner espoir.
Le Comité a reçu plusieurs mémoires d'organisations qui nous ont donné des recommandations sur des petits changements à faire ici et là dans le projet de loi.
Par exemple, on nous a parlé du fait que la personne qui préside la Commission ne peut pas décider d'entreprendre l'examen d'une plainte elle-même, il faut que ce soit le ministre qui le lui demande ou que le demandeur décide de poursuivre sa plainte une fois qu'il est passé par la commission de la GRC.
Proposez-vous d'autres changements de ce genre? Nous sommes un peu pressés par le temps. Nous commencerons l'étude article par article du projet de loi la semaine prochaine. Alors, nous en sommes à la préparation des amendements. Si des changements vous apparaissent nécessaires et si vous souhaitez en proposer, je vous laisse la parole.
En somme, je demanderais aux législateurs ici présents de réfléchir à la question suivante: si, par malheur, la famille de M. McCall se retrouvait dans la même situation aujourd'hui, est‑ce que le système protégerait Donna McCall? Si la réponse est « non », le projet de loi n'est pas assez robuste.
Plus précisément, il faudrait de toute urgence pouvoir faire appel à un supérieur ou à une personne qui peut prendre la décision et procéder immédiatement à un redressement en cas d'écart entre les propos d'un agent de l'ASFC et le décret. Si de telles mesures sont en place pour renforcer les droits des citoyens, elles éviteront des histoires comme celle de la famille McCall.
M. McCall a fait des sacrifices pour que nous puissions nous améliorer. Je suis ravi que vous preniez le temps de l'écouter.
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Je vous remercie, et je suis sincèrement attristé de la perte tragique de votre soeur.
Monsieur McCall, je vous offre mes plus sincères condoléances pour la perte de votre conjointe.
Ces tragédies montrent à quel point il est important d'enfin régler la question et de faire les choses correctement.
Nous avons déjà entendu des témoignages, monsieur McCall, et j'aimerais vous interroger, le Dr Poon et vous, sur le fait que la direction ne prend pas les bonnes décisions. Je pense que vos deux situations révèlent une mauvaise gestion, une mauvaise intégration de directives qui devraient être claires, de même qu'un problème de ressources.
Trouvez-vous préoccupant que le projet de loi ne permette pas encore de s'attaquer comme il se doit à ces problèmes systémiques qu'il est si important de résoudre?
Je voudrais m'adresser à Mme Hasan et Mme Abdalla.
Vous avez soulevé un certain nombre de points importants, l'un étant d'assurer que la sécurité nationale ne serve pas de justification simplement pour ne pas traiter un cas, pour ne pas entendre la plainte.
J'ai deux questions. Estimez-vous que la Commission d'examen et de traitement des plaintes devrait avoir la même latitude pour s'attaquer aux renseignements protégés que celle du Comité parlementaire sur la sécurité nationale et le renseignement afin de réellement accomplir son travail? Et deuxièmement, vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de la lutte contre le racisme systémique, de la tolérance zéro envers le racisme et la discrimination. Pouvez-vous nous donner quelques pistes, quelques textes législatifs qui ont réussi à atteindre cet objectif, dans d'autres pays peut-être?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Comme d'autres l'ont fait, j'offre mes condoléances à tous les témoins présents au Comité pour la perte qu'il ont subie.
Et tout particulièrement à vous, monsieur McCall, nous avons vu tant de familles séparées inutilement, surtout pendant la pandémie. Cela atteste des conséquences qui en découlent dans des cas comme le vôtre.
Pour plus de précisions, si le projet de loi avait été adopté et que ce mécanisme de plainte avait été mis en place, cela aurait‑il changé votre situation, selon vous? Si la politique des congés de compassion n'avait pas existé pour commencer, vous auriez pu vous plaindre, mais cela aurait‑il changé le cours des choses?
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Encore une fois, je remercie Sean, mon directeur des opérations pour tout cela. L'article 9 de la Partie 1 parle d'éducation et d'information à propos de la commission. Que je sache, elle comprend déjà un article visant à diffuser l'information.
Vous demandez comment atteindre les groupes défavorisés. Je le dis très clairement, chez Best Buy s'ils vous font payer dix dollars de trop, ils ont un autocollant qui dit, la loi nous oblige à vous rembourser dix dollars ou l'article est gratuit. Nous n'avons pas ce genre de choses pour le processus de plainte, aux frontières, là où la vie des gens est en train de changer.
Dans cet article, en autant de langues que possible, de toutes les façons possibles, nous pouvons faire en sorte que cet autocollant soit opérationnel, c'est déjà un gros morceau.
La deuxième chose, c'est que des groupes de défense comme le nôtre veilleront à ce que ces réfugiés, ces récents immigrants, ces familles séparées l'entendent. Si le gouvernement l'annonce clairement dans un site Web, nous diffuserons cette information, mais il faut qu'elle soit claire et que les agents des services frontaliers ne puissent pas dire: « Non, ce droit n'existe pas. Vous êtes interdit de séjour pendant dix ans ». C'est ce qui nous fait peur.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Je vais exprimer le même sentiment, monsieur McCall, à propos de votre famille. Toutes mes condoléances à votre famille. J'espère que nous pourrons améliorer le système afin que personne n'ait à traverser ce que vous avez traversé dans votre vie.
Ma question s'adresse à Mme Hasan.
Je voulais juste reprendre la question de M. Lloyd à propos de l'éducation du public, si vous voulez bien en dire davantage.
Comment l'envisageriez-vous pour différents groupes ethniques, des personnes de couleurs ou des femmes? Comment envisageriez-vous l'éducation du public? Comment pourrions-nous l'améliorer? Que pourrions-nous mieux faire, selon vous?
Comme vous le savez, je pense, il est vraiment essentiel d'avoir une représentation, quelqu'un qui comprenne les effets des systèmes qui nous ont heurtés en tant que peuple autochtone. Pensez aux pensionnats autochtones, à la rafle des années 1960, au système d'aide à l'enfance ou aux FFADA2S+. Nous avons été percutés par tant de systèmes. Nous devons nous assurer de prendre une approche culturellement appropriée et qui tienne compte des traumatismes.
Elle doit être également enracinée dans la façon autochtone de connaître, d'être et de faire. Quand je dis cela, je veux dire que nous devons veiller à ce que les espaces soient sûrs pour nous en tant que peuples autochtones et que les services fournis soient aussi culturellement appropriés.
Il est possible que nous fassions une cérémonie pour la personne qui formule la plainte, pour que nous puissions prendre correctement soin de son bien-être, émotionnel et spirituel, et créer aussi la possibilité d'une guérison. C'est très traumatisant, quand vous croyez chercher un soutien et des ressources sûrs pour vous et de vivre une expérience négative. Vous savez, cela bouscule vraiment votre vie, ainsi que la confiance que vous avez dans les systèmes. Nous devons nous pencher sur la façon de les construire. Ils doivent être indépendants de toute structure politique et gouvernementale, et dirigés par des Autochtones.
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Merci, monsieur le président.
Madame Anderson‑Pyrz, vous représentez notamment des femmes de diverses communautés autochtones qui ont survécu à la violence fondée sur le sexe et sur la race. On peut comprendre que, vu leurs expériences, certaines personnes hésitent à porter plainte. Dans certains cas, elles ont peur que leurs plaintes ne soient pas acheminées ou qu'elles ne donnent pas de résultat. Elles ne veulent pas revivre une expérience traumatisante qui les replonge dans des souvenirs qu'elles n'ont pas envie de revivre.
Que pensez-vous de l'idée de permettre à des tierces parties, notamment à des organisations comme la vôtre, de déposer des plaintes au nom de certaines personnes? Cela pourrait même être simplement le fait de déposer une plainte concernant un problème de nature systémique dont des femmes auraient pu vous parler, par exemple le comportement des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ou de la Gendarmerie royale du Canada.
Êtes-vous d'accord sur cette proposition, qui a été faite à quelques reprises par certaines organisations? Nous essayons de voir de quelle façon nous pourrions l'inclure dans le projet de loi. D'après ce que j'ai entendu, les commentaires à cet égard sont assez positifs.
Que pensez-vous de cette proposition?
Je suis désolée d'avoir omis, avant, de répondre à cette dernière question.
L'idée de la tolérance zéro est assez simple. L'agent des services frontaliers qui enfreint la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour discrimination pour des motifs illicites, au mépris des droits protégés par notre Constitution, ne mérite pas de détenir le pouvoir qu'on lui a conféré. Nous recommandons des mesures disciplinaires proportionnées à la gravité de l'infraction.
Ensuite, une crainte exprimée pour les ressources de la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public est que, pour être efficace, elle a besoin d'être opérationnelle et bien pourvue en ressources, non seulement pour respecter les échéanciers, mais, également, pour la gamme entière de ses compétences, nous l'espérons, y compris les dossiers de sécurité nationale, auxquels j'ai fait allusion, il y a peu.
La question des ressources est absolument capitale. Leur insuffisance lui fera souffrir des mêmes problèmes que ceux d'autres organismes de surveillance, dont le travail a très rapidement pris du retard. C'est simplement injuste d'obliger des personnes déjà vulnérables et en situation précaire à souffrir plus longtemps, à cause de notre imprévoyance d'un immense problème au Canada.
Nous sommes de retour à la réunion no 72, sur le projet de loi .
Nous accueillons, à titre personnel, le professeur Christian Leuprecht, du Collège militaire royal du Canada. Nous accueillons en visio les représentants de l'Unité d'enquête indépendante du Manitoba: le directeur civil Zane Tessler et la directrice civile à venir Roxanne Gagné. Enfin, en visio également, nous accueillons le directeur exécutif Greg Gudelot, du Saskatchewan Serious Incident Response Team.
Soyez tous les bienvenus.
Entendons d'abord la déclaration de M. Leuprecht.
Vous disposez de cinq minutes. Veuillez commencer.
:
Je vous remercie de votre invitation.
Je vais faire mes remarques initiales en anglais, mais c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans les deux langues officielles.
[Traduction]
J'ai écrit en long et en large, et bon nombre d'entre vous le savent, relativement à l'Agence des services frontaliers du Canada et à la GRC, sur la reddition de comptes et la gouvernance dans les services du renseignement. Je siège à des commissions de services de police et je donne des conférences sur la gouvernance de la police. C'est dire que le sujet est cher à mon cœur.
Je crois qu'on en est à une troisième tentative d'adoption de ce projet de loi. Il est important de l'adopter, non seulement pour la reddition de comptes, mais, également, en raison d'une sensibilisation croissante au parti pris des institutions et de l'importance de se doter d'organismes indépendants d'examen et de procédures transparentes de suivi. Le projet de loi offre également l'occasion de corriger des défauts connus de conception de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
La Commission d'examen et de traitement des plaintes du public reflète des modifications comparables dans certaines provinces. En Ontario, le rapport du juge Tulloch sur l'examen indépendant de la police était le premier de ce genre au Canada à porter sur le système de surveillance de la police et à aborder les modalités de traitement des plaintes et des mesures de discipline visant des agents de police. Son rapport est assorti de 129 recommandations visant à améliorer la confiance du public dans le système. De plus, le juge Murray Sinclair déposait un rapport exhaustif sur la police de Thunder Bay. Je recommande la lecture de ces deux rapports à votre comité, puisqu'ils concernent directement son travail sur ce projet de loi. Le juge Tulloch et le sénateur Sinclair ont dévoilé et exposé le parti pris inhérent des systèmes et des organisations.
Récemment, l'Ontario créait un inspectorat général de la police ainsi que l'Agence des plaintes contre les forces de l'ordre. Cette agence visait à atténuer le parti pris et, ce faisant, à augmenter la confiance du public dans les enquêtes.
La démocratie repose sur la primauté du droit. En accord avec la croissance et l'évolution des attentes et de l'examen de l'application de la loi par le public, la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public deviendra un mécanisme important de soutien de la légitimité publique en assurant le respect de la loi et le bon comportement des deux corps de police les plus importants du Canada, qui regroupent ensemble 26 000 membres en uniforme chargés d'enquêter sur beaucoup de menaces les plus importantes contre la sécurité publique et la sécurité nationale du Canada. Le respect de la loi et une bonne conduite sont des conditions sine qua non, mais un examen indépendant devrait également porter sur la proportionnalité, la nécessité, le caractère raisonnable et l'efficacité.
Plus précisément, je recommande ce qui suit en ce qui concerne le paragraphe 28(8):
D'abord, que le projet de loi fixe à six mois le délai accordé à la GRC ou à l'Agence des services frontaliers du Canada pour communiquer des observations écrites sur les conclusions d'une enquête ayant porté sur une plainte ou une question d'intérêt public, sauf si on risque ainsi de faire échouer un procès réel ou d'autres actions en justice. Passé ce délai, la Commission devrait avoir le pouvoir explicite, de par la loi, de publier ses conclusions. Il s'agit d'éviter qu'un organisme ne reporte sans nécessité cette publication, comme la GRC en a actuellement l'habitude. Des rapports publics ont en effet révélé que la publication de certains rapports de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC avait traîné en longueur pendant jusqu'à quatre ans.
Ensuite, comme je l'expliquais dans mon livre, les concepts qui guident l'examen doivent être explicités dans la loi, notamment, mais sans s'y limiter, le respect de la loi, la bonne conduite, la proportionnalité, la nécessité, le caractère raisonnable et l'efficacité. L'objet de l'examen indépendant ne se limite pas à assurer le respect de la loi. Considérons‑le plutôt comme un examen par les pairs dont la finalité est d'améliorer les façons de faire de l'organisme plutôt que de se réduire à un pur instrument de discipline. Les plaintes et l'examen visent ainsi à devenir un processus d'amélioration continue et de transparence de ces efforts comme élément fondamental de la démocratie.
Ensuite encore, le public doit être convaincu que les conclusions et les recommandations trouvent vraiment une application ou sont mises en œuvre. Les organismes devraient donc être tenus de faire rapport chaque année sur les plans et l'avancement de la mise en œuvre des conclusions et recommandations de la Commission.
De plus, le projet de loi ne prévoit aucune mesure explicite pour neutraliser le risque de conflit entre le mandat de cette commission et ceux du Comité externe d'examen de la GRC, de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Pour les enquêtes d'intérêt public seulement, la Commission devrait être tenue au même exercice de neutralisation par rapport à ces autres mécanismes. Les examens sont chronophages et consument beaucoup de ressources des organismes. En conséquence, la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada ne devraient pas engager de ressources pour répondre aux mêmes demandes formulées par différents organismes.
Enfin, la GRC et l'Agence devraient être indemnisées pour les ressources qu'elles doivent consacrer aux examens et à la résolution des plaintes adressées à la Commission. Sinon, l'examen impose une charge supplémentaire qui représente pour elles un coût net de fonctionnement.
[Français]
Je vous remercie.
J'aurais d'autres propositions à faire, mais je ne disposais que de cinq minutes.
Je suis le directeur civil de l'Unité d'enquête indépendante du Manitoba. J'ai été le premier à occuper ce poste, ayant été nommé en 2013.
Dans quelques semaines, je compléterai mon deuxième mandat ou ma 10e année dans ce poste. Le mandat de l'organisme est de faire enquête et de participer à une surveillance et à un examen indépendants de tous les incidents graves impliquant la police, dans la province, y compris ceux qui causent la mort, des blessures graves ou des infractions aux codes, y compris au Code criminel.
Après huit ans, depuis que je suis opérationnel, en juin 2015, l'Unité a maintenant reçu plus de 500 avis de demande d'enquêter sur des incidents graves.
Avec un peu de chance, mon expérience pourra aider à mieux comprendre le projet de loi et à élaborer des propositions sous son régime.
Je remercie le Comité de son invitation.
Je me nomme Greg Gudelot. Je comparais en ma qualité de directeur civil de la Commission des plaintes du public de la Saskatchewan et de l'Équipe d'intervention de la Saskatchewan en cas d'incident grave. En ma qualité de chef d'un organisme provincial, mon rôle n'est pas de préconiser des modifications particulières à une loi fédérale, mais de communiquer des renseignements qui, je l'espère, répondront utilement aux questions du Comité sur le régime de surveillance de la police, en Saskatchewan, compte tenu du temps que j'ai consacré au système judiciaire et de mon expérience acquise dans des postes supérieurs de deux organismes de surveillance de la police de deux provinces.
Le programme de surveillance de la police de la Saskatchewan s'ordonne autour de la Commission des plaintes du public. Cette commission a été créée à la faveur de modifications à la Saskatchewan Police Act, en 2005, pour succéder au bureau de l'enquêteur sur les plaintes relatives à la police.
Cette commission, de cinq personnes, n'appartenant pas à des corps policiers et nommées sous le régime de la Police Act, est chargée de veiller à ce que toutes les parties — le public et la police — bénéficient d'une enquête complète et équitable sur les actions d'agents de police. La loi énonce un certain nombre d'exigences pour la composition de la Commission. Un membre, au moins, doit être avocat; un autre, d'ascendance autochtone; et un autre, d'ascendance métisse.
Outre ces exigences, un certain nombre de consultations sont obligatoires avant la nomination à la Commission. Ces consultations mobilisent des représentants de services de police et de leurs membres ainsi que d'organisations autochtones.
La Commission se charge de recevoir, de contrôler et d'examiner les plaintes contre les polices municipales de la Saskatchewan. Elle peut diriger une plainte reçue vers le service de police qui en est à l'origine, un service externe de police ou sa propre unité d'enquête, la Direction des plaintes du public.
Fait important, la Saskatchewan ne privilégie pas seulement la réception ou l'examen indépendants des plaintes, mais, également, l'enquête indépendante sur ces plaintes. Elle s'assure d'enquêter elle-même sur la majorité des plaintes et, de manière indépendante, par la direction en question. Outre les plaintes relatives à la police, son mandat s'est récemment élargi à l'application de la loi par des corps non policiers, surtout constitués d'agents spéciaux nommés par la province.
En 2021, la législature de la Saskatchewan a adopté une série de modifications de la Police Act, ce qui lui a permis de créer l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave de la Saskatchewan, laquelle est chargée d'enquêter sur les incidents ayant causé la mort ou des blessures graves du fait d'actions ou d'omissions de la police ou sous la garde de la police ou qui ont donné lieu à des allégations d'agression sexuelle ou de violence interpersonnelle impliquant la police.
Comme le mandat de la Commission, celui de l'Équipe englobe non seulement les corps policiers, mais, également, certains autres corps non policiers chargés de faire appliquer la loi et dont les membres sont nommés en qualité d'agents spéciaux. Contrairement à la Commission, le mandat de l'Équipe englobe non seulement les polices municipales, mais, également, les détachements de la GRC en Saskatchewan. La création de l'Équipe s'est distinguée par le fait que c'était la première fois, au Canada, qu'un organe d'enquête sur des incidents graves était créé puis placé sous l'égide de l'organisme provincial d'enquête sur les plaintes relatives à la police.
Bien que la Direction précitée et l'Équipe fassent partie de la Commission, elles maintiennent une séparation entre leurs équipes d'enquête et elles relèvent, sous le régime de la loi, de décideurs différents, la présidence de la Commission étant chargée de déterminer le résultat des affaires ayant donné lieu à des plaintes, tandis que le directeur civil est chargé d'enquêter sur les incidents graves. Cette division des tâches a permis d'assurer la séparation exigée par les différentes normes de preuves employées par chaque entité, tout en réalisant des gains d'efficacité grâce à la mise en commun de ressources administratives ou de ressources de gestion.
La distinction entre les deux unités d'enquête est importante, puisqu'elle se fonde sur la nature des enquêtes que chacune mène. La Direction peut faire des enquêtes sous le régime du Code criminel, après réception d'une plainte, mais elle privilégie les enquêtes disciplinaires sous le régime des règlements de la Saskatchewan applicables aux polices municipales. D'autre part, l'Équipe mène, exclusivement sous le régime du Code criminel, des enquêtes sur des incidents graves, par suite d'avis au lieu de plaintes.
Cette distinction faite, j'interromps le fil pour faire observer que le projet d'article 14.3 du projet de loi semble dire que l'Agence des services frontaliers du Canada serait elle-même chargée de faire enquête sur des incidents graves. Si l'intention est de confier ces enquêtes à un organisme que je décrirai principalement comme de surveillance des frontières, plutôt qu'à un corps de police ayant toutes les attributions d'un organe d'enquête indépendante, cette façon de faire s'écarte de la norme, vu qu'on s'attend à ce que la qualité de ces enquêtes satisfasse aux exigences du Code criminel.
Dans l'ensemble, la loi habilitante de l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave vise à nous aider à nous acquitter de notre mandat, qui est de préserver la confiance du public à l'égard des services de police, grâce à des mesures conçues pour garantir à la fois l'inclusivité et la transparence. La loi exige la nomination d'un agent de liaison communautaire lorsqu'une enquête sur un incident grave concerne une personne d'ascendance autochtone ou métisse, et la publication d'un rapport public sur l'enquête dans les 90 jours suivant la fin de l'enquête.
Je vous remercie. Ce sont là mes commentaires. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du Comité.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence et de nous faire profiter de leur expertise. Pour commencer, j'ai quelques questions pour les représentants des deux unités d'enquête de la Saskatchewan et du Manitoba.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi , un thème récurrent a été soulevé dans les questions au sujet des avantages et inconvénients du modèle actuel de la GRC, avec la commission des plaintes, et de modèles plus indépendants qu'on voit à l'échelon provincial, comme le vôtre, par exemple. Nous cherchons à déterminer si l'approche du projet de loi C‑20 est la bonne, et ces discussions sont appelées à se poursuivre à mesure que nous progresserons.
Je vais d'abord donner la parole à M. Tessler, puis M. Gudelot pourra aussi commenter.
En bref, pouvez-vous nous donner un aperçu des avantages et inconvénients de la structure de votre organisme? Quels sont les avantages d'un modèle plus indépendant?
Vous pouvez continuer et conclure. M. Gudelot aura encore quelques minutes pour commenter.
Encore une fois, je sais que c'est quelque chose qu'on a vu lors de la tuerie en Nouvelle-Écosse, il y a quelques années. L'équipe d'intervention en cas d'incident grave de la province a été dépêchée sur les lieux, évidemment, pour examiner la situation là‑bas.
Lors de son témoignage au Comité, le représentant syndical de la GRC a indiqué qu'il était problématique que la GRC enquête sur ses propres membres pour des plaintes non liées à des infractions au Code criminel et des plaintes dont vous seriez saisis. Le fait que des agents enquêtent sur leurs collègues ne favorise pas nécessairement la confiance du public. En outre, dans un petit service de police, ce n'est pas très bon pour le moral lorsque des agents doivent enquêter sur des plaintes visant des collègues.
Dans ce contexte, je vous invite à faire un dernier commentaire. Ensuite, nous donnerons à M. Gudelot l'occasion de présenter ses observations.
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Merci, monsieur Tessler.
Concernant les avantages et inconvénients, ou les enquêtes sur des policiers menées par des policiers, je suppose qu'il sera toujours difficile de faire accepter de telles enquêtes, peu importe comment elles seront menées. Ces enquêtes ainsi que la création d'une unité de surveillance indépendante visent à renforcer la confiance du public à l'égard des services de police et à donner au public l'assurance que tout policier disculpé à la suite d'un incident l'a été au terme d'une enquête approfondie, ou que toute accusation subséquente, le cas échéant, peut mener à des poursuites et, là encore, à une enquête appropriée.
Cela n'est possible que lorsque le public a pleine confiance dans le processus d'enquête. Une des difficultés liées à la participation directe de policiers dans ce processus est que le public est moins susceptible d'en accepter les résultats.
L'autre problème que vous avez évoqué — le moral — est aussi bien réel, à mon avis. Les policiers ne sont pas tous prêts à enquêter sur leurs collègues. Je pense que cela nuit au moral ou que c'est à tout le moins représentatif de la volonté de participer à ce type d'enquête.
L'avantage des organismes d'enquête indépendants, même lorsqu'ils ont recours à des ressources policières détachées, comme cela se fait dans certaines régions du pays, c'est que chaque membre du personnel, chaque enquêteur, a délibérément choisi de faire partie d'une équipe d'enquête principalement chargée d'enquêter sur des incidents impliquant la police.
Quant à votre autre question sur les avantages et inconvénients de la loi ou de la composition de mon équipe, je pense que les avantages de notre loi... Je parle en particulier de la loi habilitante de l'équipe d'intervention en cas d'incident grave. Il y a une distinction entre nos deux composantes respectivement chargées d'enquêter sur les plaintes et sur les incidents graves. Au sujet de la loi qui régit notre équipe, je dirais que le principal avantage, qui fait partie intégrante de la loi, est la souplesse en matière d'enquête. En effet, nous disposons de diverses options quant aux méthodes d'enquête sur un incident grave. Ainsi, lorsqu'il est déterminé qu'un incident relève du mandat ou de l'autorité de l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave, diverses méthodes d'enquête s'offrent à nous.
La première est, évidemment, d'enquêter nous-mêmes, donc d'avoir le rôle d'enquêteur principal dans cette affaire. Nous pouvons aussi examiner ces questions, superviser ou observer une enquête menée par une tierce partie, mener une enquête en collaboration ou y participer, ou simplement exercer une surveillance au cas où une autre intervention serait nécessaire. Nous pouvons ainsi moduler l'utilisation des ressources de l'équipe en fonction des besoins d'un dossier précis et des mesures à prendre pour obtenir la confiance du public dans ce cas précis.
:
J'ai l'impression que la répartition des tâches entre le CPSNR et l'OSSNR a pour effet que l'OSSNR s'occupe des aspects opérationnels et le CPSNR, des aspects stratégiques généraux.
Je pense que la CETPP représente une occasion de nous concentrer davantage sur les aspects tactiques. À mon avis, le CPSNR, avec 16 ministères et organismes, plus le ministère de la Défense nationale, a déjà amplement de travail.
Nous voulons aussi nous assurer qu'on ne tente pas de faire double ou triple emploi du système. Nous voulons des orientations claires sur la répartition des divers types de plaintes ainsi qu'un mécanisme ou des orientations permettant à l'OSSNR de déterminer qu'un dossier dont il a été saisi doit être envoyé à la CETPP, par exemple, aux fins d'enquête.
L'OSSNR dispose probablement d'un ensemble de compétences plus vaste et beaucoup plus diversifié que la CETPP, mais je crois que la CETPP pourra obtenir les ensembles de compétences requis par contrat, soit en coordination avec d'autres organismes, soit directement. Je ne suis pas certain que l'OSSNR serait nécessairement mieux placé pour faire le travail qu'on prévoit confier à la CETPP, mais en fin de compte, c'est au Comité de trancher.
Comme vous l'avez constaté, j'ai soulevé d'autres questions d'harmonisation. Je pense qu'il s'agit simplement de fournir des orientations claires, puisque cela exige beaucoup de ressources.
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De manière générale, les organismes provinciaux ont un mécanisme précisant quelles enquêtes relèvent soit des services policiers municipaux, soit du corps de police provincial. Je pense qu'il est possible, dans ce cas‑ci, de préciser que les enquêtes sur des questions de conduite de moindre gravité seront menées au sein de l'Agence. Elles pourraient être plus efficaces et efficientes si elles restaient au sein de l'Agence.
En même temps, comme vous le savez sûrement, l'ASFC se prépare à l'arrivée de la CETPP depuis un certain temps, non seulement sur le plan des processus, mais aussi de la culture institutionnelle. Je pense qu'il n'y aura pas beaucoup d'opposition aux décisions que vous prendrez, mais qu'il s'agit d'une occasion de fournir et d'obtenir des conseils.
Je pense que cela souligne — comme la question de Mme Dancho — l'importance de la transparence dans le cas d'enquêtes internes au sein d'un organisme. En général, ces enquêtes sont très bien menées, à mon avis, mais il y a un manque de transparence quant aux résultats de ces enquêtes, même pour les plaignants. Le résultat des enquêtes internes doit être rendu public afin de légitimer le processus.
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La clé, comme M. Tessler l'a mentionné plus tôt, c'est d'avoir un mandat bien défini: mort, blessures graves — notre réglementation énumère une série de blessures précises ou d'éléments précis englobés dans la définition de « blessure grave » —, agressions sexuelles, violence interpersonnelle... À cela s'ajoute une catégorie d'éléments divers rarement utilisée pour les questions d'intérêt public importantes.
Cela décrit clairement ce qui relève de l'équipe d'intervention en cas d'incident grave. Il y aura un chevauchement entre les deux volets.
La difficulté, pour un organisme qui examine à la fois les plaintes et les incidents graves, c'est d'établir la séparation appropriée et de définir les étapes des enquêtes sur ces incidents. Pour une affaire qui pouvant mener à la fois à une plainte et à des mesures disciplinaires contre un membre, nous pouvons soit reporter l'examen de la plainte, soit reporter l'enquête disciplinaire jusqu'à la conclusion de l'enquête sur l'incident grave.
Au terme de notre enquête sur un incident grave, notre loi m'autorise à en saisir la Commission des plaintes du public aux fins d'un complément d'enquête, si nécessaire, ou au chef d'un service de police pour qu'il impose des mesures disciplinaires majeures ou mineures, au besoin.
Cette approche nous permet de définir adéquatement les étapes de l'enquête de manière appropriée, puis de conclure d'abord l'enquête sur l'incident grave, qui est l'enquête criminelle, avant de passer à l'examen des mesures disciplinaires. Il existe aussi des protections complémentaires pour les membres en vertu desquelles les policiers concernés peuvent décider de participer à l'une des enquêtes sans nécessairement être tenus de fournir une déclaration dans le cadre de l'autre enquête, étant donné les différentes exigences en matière de déclaration obligatoire ou volontaire dans ces deux types d'enquêtes.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Leuprecht, vous avez malheureusement manqué de temps lors de votre allocution préliminaire. Vous aviez des propositions à faire à propos de l'étude du projet de loi . Je crois comprendre que vous le voyez d'un bon œil.
Vous avez beaucoup parlé de responsabilisation et de reddition de comptes, ainsi que de l'importance que l'instance qui serait créée soit indépendante afin qu'elle puisse faire le travail qu'on lui demande.
J'aimerais que vous nous parliez davantage des propositions que vous avez pour nous. Comme je le disais tout à l'heure à un autre témoin, nous sommes un peu pressés par le temps; nous en sommes à la rédaction de nos amendements et nous allons entamer l'étude article par article dès la semaine prochaine.
Si vous avez des propositions à nous faire pour améliorer le plus possible ce projet de loi, nous sommes preneurs. Je vous laisse la parole.
:
Je vous remercie, madame, de m'offrir cette occasion.
Le projet de loi contient des mesures disciplinaires visant les membres de l'ASFC et de la GRC. Il me semble que les mesures disciplinaires prévues contre les membres de la GRC, même les plus sévères, demeurent trop clémentes. Vous risquez de créer de la frustration dans le grand public. Il y aura de très bonnes enquêtes, mais le public sera frustré des faibles conséquences disciplinaires imposées à certains membres. On sait qu'il y a des enquêtes de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC et que certains membres font l'objet d'enquêtes à plusieurs reprises. Il faudrait peut-être revoir cela.
Un autre problème tient au fait que les membres du personnel visés continuent de recevoir leur salaire pendant les enquêtes. L'Ontario et d'autres administrations ont maintenant mis en place certaines mesures en vertu desquelles un membre ne touchera pas son salaire pendant une enquête. En effet, il n'est pas très disciplinaire qu'un membre visé par des mesures sévères, lors d'une enquête criminelle, continue de recevoir son salaire pendant des années. Je proposerais donc une mesure selon laquelle, si un membre du personnel est jugé coupable, les contribuables pourront récupérer le salaire qui lui a été versé, souvent pendant des années. De plus, ces membres du personnel touchent souvent des indemnités de retraite. Il y a donc des mesures à prendre.
[Traduction]
C'est la question des gendarmes spéciaux. Il y a actuellement un débat en Ontario sur la question de savoir si les gendarmes spéciaux sont visés par le régime et, le cas échéant, quelles mesures s'appliquent à eux. Je pense qu'il s'agit d'un point qu'il convient de clarifier, peut-être, soit dans la loi, soit dans la réglementation.
Ce que vous avez dit est un commentaire que nous avons déjà entendu, notamment de la part d'un représentant d'une communauté autochtone qui disait que, dans sa communauté, il n'y avait à peu près que des réservistes. S'il ne peut pas y avoir de reddition de compte, le public perd un peu confiance envers le système alors que les personnes ne peuvent pas déposer de plainte contre les réservistes en poste. Nous comprenons donc toute la nécessité d'agir à ce sujet.
Tout à l'heure, vous parliez de sécurité nationale avec Mme Damoff. Dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien, ou l'ABC, j'ai lu que, dans certains articles, on mentionne des activités qui sont « liées » à la sécurité nationale et, qu'ailleurs, on évoque les activités « étroitement liées » à la sécurité nationale. Parfois, il s'agit de spécificités de la langue française. En français, il peut s'agir de deux choses sensiblement différentes. Je demanderai certainement aux analystes et aux greffiers législatifs ce qu'ils en pensent.
On a entendu de certains groupes qu'il faudrait peut-être définir ce qu'est la sécurité nationale et ce que cela pourrait inclure dans le cadre de ce projet de loi.
Avez-vous une opinion à ce sujet? La teneur du projet de loi est assez technique. Or, en matière de sécurité nationale, il faut être certain de bien en comprendre les tenants et les aboutissants.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Monsieur Leuprecht, j'aimerais revenir sur les commentaires que vous venez de faire en réponse aux questions de Mme Michaud.
Vous avez dit — c'est important — que le public pourrait se sentir frustré par l'issue d'une plainte justifiée si les conséquences découlant de cette plainte sont minimes. Vous avez évoqué la possibilité que, si un agent touche son salaire pendant une enquête pour non-respect du public, ce salaire puisse lui être repris par la suite.
Avez-vous des exemples d'autres pays où des commissions d'examen et de traitement des plaintes font ce genre de choses, c'est-à-dire imposer des pénalités financières en reprenant le salaire d'un agent de sécurité publique qui ne respecte pas les normes et les valeurs de ce poste?
:
La seule distinction que je ferais, c'est qu'il ne faut pas mettre sur un même pied d'égalité les enquêtes sur les plaintes et les enquêtes sur les incidents graves. Les enquêtes sur les incidents graves sont menées pour les cas ayant entraîné la mort. Autrement dit, ce sont les enquêtes sur les homicides. Ces enquêtes sont menées selon les principes de la gestion des cas graves par des enquêteurs des crimes majeurs, ou encore par des enquêteurs indépendants qui possèdent à peu près les mêmes compétences que les enquêteurs des crimes majeurs.
Je ne veux pas diminuer l'importance des enquêtes sur les plaintes, mais je souligne tout de même que celles‑ci sont menées et financées différemment. Comparer 10 000 enquêtes sur les plaintes et 10 000 enquêtes sur les incidents graves, c'est comparer des pommes et des oranges.
En principe, pour être efficace, le système de surveillance civile doit être doté des ressources appropriées. Quel que soit le nombre de dossiers et quelles que soient les exigences associées à chacun de ces 10 000 ou 50 dossiers, il faut répondre aux attentes du public, et ce, même si la loi confère une certaine souplesse quant à la manière de mener les enquêtes sur les incidents graves ou à la surveillance exercée par M. Tessler sur son programme de l'Unité des enquêtes indépendantes.
Même si la loi prévoit une certaine souplesse, les attentes se retrouveront progressivement au sommet de la liste des engagements au fur et à mesure de la mise en œuvre du programme de surveillance civile. Même si un groupe a la capacité de surveiller ou d'examiner les enquêtes menées par un service de police donné, dès qu'une unité de surveillance civile est mise en place, le public s'attendra rapidement à ce qu'une enquête indépendante soit menée par cette unité. Il ne se contentera pas d'une enquête surveillée ou examinée.
La mise en place d'une liste d'engagements comme celle‑là pourrait contribuer à atténuer certaines des préoccupations liées aux ressources. En fin de compte, les attentes du public et le besoin de développer et de bâtir la confiance du public vous pousseront toujours à amener la surveillance civile au sommet de la liste.
Pourra‑t‑on dire un jour qu'il y a assez de ressources? Il n'y a jamais assez de ressources. Il y a toujours moyen d'en faire plus. Vous pouvez prendre davantage de dossiers et les amener plus haut dans la liste des engagements, mais c'est un jeu à somme nulle. Les dossiers sont tous dans le même panier. Vous jonglez avec des ressources limitées et les attentes élevées du public.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus comparaître aujourd'hui.
M. Julian a posé une bonne partie des questions que je voulais poser. C'était un excellent témoignage. Je l'ai trouvé très intéressant.
En somme, ce serait faire preuve de naïveté de croire que la CETPP va mener des enquêtes sur chaque plainte qu'elle recevra au sujet de l'ASFC ou de la GRC. Nous le savons. Ce serait sage également de penser à établir un seuil en deçà duquel les plaintes seraient considérées comme mineures et au‑delà duquel les plaintes donneraient lieu à une enquête menée par l'Agence.
Ce qui me préoccupe, comme cela a été mentionné — j'ai posé la question à plusieurs groupes de témoins —, c'est le financement. Ce n'est pas suffisant. La CETPP a été mise sur pied pour traiter les plaintes liées à la GRC. C'est une version modifiée du mécanisme déjà en place à la GRC, mais qui engloberait désormais l'ASFC.
Monsieur Leuprecht, pensez-vous que nous allons être en mesure de faire fonctionner les choses conformément à la loi avec l'ASFC en plus? Vous dites que des changements organisationnels sont déjà en train de se produire. Est‑ce suffisant compte tenu des attentes du public et du juste équilibre à atteindre?
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C'est une excellente question qui pourrait probablement être résolue par la voie réglementaire ou par des politiques davantage que par la voie législative.
Toutefois, ce qui est problématique pour le public, c'est qu'il ne connaît pas les différents organismes. Les membres du public ne savent pas s'ils peuvent déposer une plainte au service de police local. Il y a en plus les organismes provinciaux et la CETPP.
Il faut se doter d'un mécanisme approprié pour que chaque fois que le public se présente... Ce n'est pas comme dans le système de santé où une quinzaine de médecins peuvent se pencher sur le cas d'un patient. Si vous vous pointez à votre service de police local pour déposer une plainte, vous allez obtenir la même réponse que si vous vous présentez à un organisme provincial ou à la CETPP. L'organisme local ne vous dira pas qu'il n'est pas responsable et ne vous demandera pas d'aller voir les gens à Ottawa et ainsi de suite. Ce serait une de mes préoccupations.
L'autre chose qui me préoccupe, c'est la nécessité de se doter d'un régime uniforme pour les membres assermentés de la GRC et pour quiconque y est détaché lorsque des cas sont transférés par la CETPP à d'autres entités. La dernière chose que nous voulons, c'est un mécanisme de traitement des plaintes qui varie d'une province à l'autre selon différentes normes et ainsi de suite.
Il faut trouver comment régler les asymétries dans un pays qui compte huit services de police à contrat, plusieurs services de police territoriaux et services de police autochtones, de même qu'une police fédérale et nationale. Il faudra régler le tout au quart de tour pour que les choses soient faites de façon systématique.
Je suis certain que l'association de la GRC sera ravie de contribuer à ce que ses membres soient traités équitablement.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Leuprecht, je repense à ce que nous ont dit certains témoins. Souvent, des associations d'avocats, qui représentent des migrants et des réfugiés, ont trouvé assez étrange qu'un agent des services frontaliers ait beaucoup de pouvoirs.
Un policier ou un agent de la GRC, par exemple, a en effet certains pouvoirs, et probablement la formation qui les accompagne. C'est peut-être moins le cas des agents des services frontaliers; or, dans certains cas, on a constaté de l'abus de pouvoir.
Le jour où une commission sera créée pour recevoir les plaintes au sujet de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, pensez-vous qu'il y aura une explosion de plaintes de la part de gens qui auraient subi des injustices? Comment voyez-vous cela, particulièrement en ce qui a trait au pouvoir ou la perception du pouvoir qu'ont certains agents des services frontaliers?
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À mon avis, il devrait y avoir essentiellement deux types de plaintes: celles qui sont liées aux détentions de l'ASFC et celles qui sont liées à la frontière terrestre.
À la frontière maritime, il y a très peu d'interactions. Lorsqu'on arrive au pays par avion et qu'on n'est ni Canadien ni Américain, on doit remplir l'autorisation de voyage électronique. Il y a donc moins de risques que des abus de pouvoir aient lieu.
Il est vrai que les pouvoirs des agents de l'ASFC sont extraordinaires, mais ce sont des pouvoirs comparables à ceux accordés à la plupart de nos partenaires pour la démocratie.
En effet, entrer dans un pays est un privilège. Selon moi, lorsque des gens doivent interagir avec la police à l'intérieur du pays, le type d'interaction est différent, car ils ont déjà obtenu le droit d'être au pays. Cela pourrait expliquer certaines des plaintes présentées contre l'ASFC qui ont été évoquées par les témoins précédents.
Des plaignants ont subi des conséquences personnelles très graves, telles que se voir refuser l'entrée au pays. Une personne qui se fait confisquer son téléphone, par exemple, et qui trouve cela injustifiable, à la limite, doit attendre que l'ASFC le lui rende, et tant pis si cela prend des mois.