:
Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Bienvenue à la 100e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(3) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 6 décembre 2023, le Comité entreprend aujourd'hui son étude de l'utilisation par le gouvernement fédéral d'outils technologiques permettant d'extraire des données sur les appareils mobiles et les ordinateurs.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement de la Chambre. Les députés participent en personne dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aimerais rappeler à tous les députés de ne pas mettre les oreillettes près des microphones, car cela provoque un effet Larsen qui risque de causer des blessures à nos interprètes.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons des représentants des Commissariats à l'information et à la protection de la vie privée au Canada: le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. Philippe Dufresne; et la directrice exécutive, Direction des politiques, de la recherche et des affaires parlementaires, Mme Lara Ives. Nous vous souhaitons la bienvenue.
Avant de donner la parole à M. Dufresne, je tenais à vous aviser qu'il m'a demandé s'il pouvait disposer de 10 minutes pour sa déclaration préliminaire. J'ai accepté sa demande.
J'aimerais également vous dire que puisque nous n'accueillons que ces deux témoins pour les deux prochaines heures, nous remettrons le chronomètre à zéro à la fin de cette heure‑ci et donnerons plus de temps à M. Villemure et M. Green, s'ils en ont besoin.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue, monsieur Dufresne. Comme toujours, nous sommes heureux de vous accueillir au Comité.
Vous pouvez commencer votre déclaration liminaire.
:
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à contribuer à votre étude sur l'utilisation par le gouvernement fédéral d'outils technologiques permettant d'extraire des données sur des appareils mobiles et ordinateurs.
L'automne dernier, Radio-Canada/CBC a rapporté que 13 institutions fédérales avaient fait l'acquisition de tels outils. Les reportages dans les médias ont soulevé des questions sur les motifs de leur utilisation et sur la mesure dans laquelle les organisations concernées respectaient leurs obligations en matière de protection de la vie privée lorsqu'elles en faisaient usage.
Dans les premiers reportages, ces outils étaient qualifiés d'outils de surveillance secrète ou de « logiciels espions ». Depuis, il a été précisé qu'il ne s'agit pas de logiciels espions, mais plutôt d'outils d'investigation informatique. Les outils d'investigation informatique servent à extraire et à examiner un grand nombre de fichiers stockés sur des ordinateurs portables, des disques durs ou des appareils mobiles. On les utilise généralement dans le cadre d'enquêtes ou d'analyses techniques, et le propriétaire de l'appareil en est souvent informé.
[Français]
On peut les utiliser pour analyser les métadonnées d'un fichier ou pour créer une chronologie des événements, par exemple pour établir le moment où un compte a été utilisé, des sites Web ont été consultés ou un système d'exploitation a été modifié. On peut aussi les utiliser pour récupérer des données supprimées, pour s'assurer que les données ont été correctement effacées d'un appareil avant qu'il ne soit jeté ou utilisé à d'autres fins. Ils constituent donc des outils d'enquête utiles qui peuvent contribuer à préserver l'intégrité d'une chaîne de preuves.
Les outils d'investigation informatique se distinguent des logiciels espions par le fait que ces derniers sont généralement installés à distance sur l'appareil d'une personne à l'insu de celle-ci. Les logiciels espions peuvent ensuite recueillir secrètement les renseignements personnels, comme les touches utilisées sur le clavier d'ordinateur et l'historique de navigation sur le Web. On peut citer, à titre d'exemple, les outils d'enquête sur appareil qui sont utilisés par les organismes d'application de la loi pour obtenir des données secrètement et à distance à partir d'appareils ciblés. Il est important de noter que, dans le contexte de l'application de la loi, une autorisation judiciaire est requise avant de pouvoir utiliser ces outils.
[Traduction]
En août 2022, j'ai comparu devant le présent Comité dans le cadre de son étude au sujet de l'utilisation des outils d'enquête sur appareil par la Gendarmerie royale du Canada, la GRC. Vous vous souviendrez que dans cette affaire, la GRC avait informé la Chambre qu'elle utilisait ce type d'outils depuis quelques années pour obtenir des données secrètement et à distance à partir d'appareils ciblés, mais qu'elle n'avait pas réalisé d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, ou EFVP, et qu'elle n'avait pas informé le Commissariat.
Pendant ma comparution à cette occasion, j'ai fait remarquer que les EFVP étaient obligatoires selon les politiques du Conseil du Trésor, mais qu'elles n'étaient pas une obligation prévue par les lois sur la protection des renseignements personnels. J'ai alors recommandé que la réalisation de telles évaluations devienne une obligation juridique contraignante pour le gouvernement au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[Français]
Dans son rapport de novembre 2022, le Comité a souscrit à cette recommandation et a également demandé que le préambule de la Loi sur la protection des renseignements personnels soit modifié afin de préciser que le droit à la vie privée est un droit fondamental et que la Loi soit modifiée pour inclure le concept de protection de la vie privée dès la conception et des obligations de transparence explicite pour les institutions gouvernementales. J'ai accueilli favorablement ces recommandations et je les ai soutenues. Le Comité souhaitera peut-être les réitérer, car elles demeurent en suspens et sont toujours pertinentes.
[Traduction]
Comme la technologie change de plus en plus la manière dont les renseignements personnels sont recueillis, utilisés et communiqués, il demeure important que les institutions gouvernementales portent une attention particulière aux répercussions de leurs activités sur la vie privée et les évaluent soigneusement afin d'établir si une EFVP est nécessaire et à quel moment elle doit être réalisée.
Ma vision de la protection de la vie privée en est une où le droit à la vie privée est considéré comme un droit fondamental, où la protection de la vie privée est un moyen de favoriser l'intérêt public et d'appuyer l'innovation, et où les Canadiennes et les Canadiens ont confiance dans le fait que leurs institutions protègent leurs renseignements personnels. Réaliser une EFVP et consulter le Commissariat avant d'utiliser une nouvelle technologie ayant une incidence sur la vie privée permettraient de renforcer la protection de la vie privée, de soutenir l'intérêt public et de susciter la confiance. C'est pourquoi les institutions gouvernementales devraient être tenues par la loi de procéder ainsi; il devrait s'agir d'une obligation au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[Français]
À l'heure actuelle, conformément à la Directive sur l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée du Secrétariat du Conseil du Trésor, les institutions doivent effectuer de telles évaluations lorsque les renseignements personnels peuvent être utilisés dans le cadre d'un processus décisionnel touchant directement un individu; lorsque des modifications importantes sont apportées à des programmes ou à des activités déjà en place dans lesquels des renseignements personnels peuvent être utilisés à des fins administratives; lorsque la sous-traitance ou le transfert d'un programme ou d'une activité à un autre ordre du gouvernement ou au secteur privé constitue une modification importante à ce programme ou à cette activité; ou lorsque des activités ou des programmes nouveaux ou ayant subi des modifications importantes auront une incidence sur la vie privée en général, même si aucune décision n'est prise concernant les individus.
[Traduction]
Lors de nos entretiens avec les institutions fédérales dans le cadre de consultations, nous présentons les EFVP en tant que processus efficace de gestion des risques. Ces évaluations permettent de cerner et d'atténuer les risques qui pèsent sur la vie privée, idéalement dès le départ, dans l'ensemble des programmes et des services à l'intérieur desquels des renseignements personnels sont recueillis et utilisés. Cela dit, l'utilisation d'un nouvel outil n'entraîne pas toujours le besoin de réaliser une EFVP. Tout dépendra de la manière dont l'outil sera utilisé et de l'usage qui sera fait des renseignements qu'il permettra de recueillir.
Le Commissariat a utilisé des outils d'investigation informatique, par exemple, dans le cadre d'enquêtes sur certaines allégations d'atteinte à la vie privée afin d'établir la nature, l'envergure et la portée d'un incident, y compris ce qui a mené à l'atteinte et quels types de renseignements personnels ont été compromis, s'il y a lieu.
[Français]
Les outils d'investigation informatique peuvent cependant être utilisés d'une manière qui soulève des risques importants sur le plan de la vie privée et qui mériteraient la tenue d'une évaluation complète des facteurs relatifs à la vie privée.
Par exemple, on peut les utiliser lors d'une enquête interne sur la conduite d'un employé au terme de laquelle une décision qui aura une influence directe sur cette personne sera prise, ou s'en servir dans le cadre d'une enquête sur des allégations d'activités criminelles ou illégales.
Dans ces types d'utilisation, il faudrait mener une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Celle-ci porterait non seulement sur l'outil précis utilisé pour recueillir les renseignements personnels, mais également sur le programme général dans le cadre duquel on a recours à l'outil.
[Traduction]
Toutes les institutions fédérales sont tenues d'examiner leurs programmes et leurs activités en conséquence. Lorsque des outils d'investigation informatique sont utilisés dans le contexte de la surveillance des employés, les institutions doivent prendre des mesures pour garantir le respect du droit fondamental à la vie privée et pour favoriser la transparence et la confiance en milieu de travail. Il devrait y avoir des règles claires qui régissent quand et comment les technologies de surveillance devraient être utilisées. Le Commissariat a mis à jour son document d'orientation sur la protection des renseignements personnels au travail en mai 2023, et mes collègues provinciaux et territoriaux et moi-même avons publié une résolution conjointe sur la protection de la vie privée des employés sur les lieux de travail en octobre 2023.
Dans le cas présent, à la suite des reportages de CBC/Radio-Canada concernant l'utilisation des outils d'investigation informatique au gouvernement fédéral, le Commissariat a effectué un suivi auprès des institutions qui y étaient mentionnées et de celles figurant dans la motion déposée par ce comité afin de procéder à la présente étude.
[Français]
Pour résumer ce que nous avons appris, trois organismes ont indiqué avoir réalisé et présenté une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, ou EFVP, sur le programme pertinent; un organisme a indiqué qu'il avait acheté l'outil, mais qu'il ne l'avait jamais utilisé; un organisme a indiqué qu'une EFVP n'était pas requise; et les huit autres organismes ont indiqué qu'ils avaient commencé à réaliser une nouvelle EFVP ou qu'ils étudieraient la possibilité de le faire ou de mettre à jour une EFVP existante à la lumière de leur utilisation des outils.
[Traduction]
Nous continuerons de faire un suivi auprès des institutions afin d'insister sur la nécessité de réaliser des EFVP dans les cas où elles sont requises selon les politiques du Conseil du Trésor. Mais sans une obligation au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il y a des limites à ce que nous pouvons faire pour assurer la conformité. Les EFVP, dans les cas appropriés, sont avantageuses pour la vie privée, avantageuses pour l'intérêt public et elles suscitent la confiance. Dans un monde de plus en plus axé sur le numérique, elles devraient être obligatoires au titre de la loi en matière de protection des renseignements personnels.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Je n'ai pas tous les détails à ce sujet. Vous pourriez leur poser ces questions.
En général, il s'agit des outils que l'employeur fournit à l'employé, comme le courriel, l'ordinateur portable, etc. Cela dit, il existe certaines attentes en matière de protection de la vie privée en ce qui concerne l'utilisation de ces outils, mais tout dépend du contexte. Les employeurs ont des raisons légitimes d'obtenir certains renseignements. Nous en parlons dans notre document d'orientation et nous sommes clairs à ce sujet. Les ministères doivent évaluer l'outil et évaluer les principes de nécessité et de proportionnalité liés à son utilisation. Ils doivent être transparents à ce sujet pour que les gens soient au fait de ce qui se passe.
Dans notre rapport annuel de l'année dernière, nous avons parlé d'une enquête que nous avons réalisée dans le secteur privé sur une entreprise de camionnage qui surveillait les camionneurs à l'aide d'un dispositif de surveillance. Même lorsque les camionneurs n'étaient pas en service, ils étaient filmés et enregistrés 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous avons estimé que cette pratique était exagérée. Il était légitime d'exercer cette surveillance lorsque les camionneurs conduisaient, pour des raisons de sécurité, mais nous avons déterminé qu'il fallait s'en tenir à ce contexte. Des changements ont été apportés.
C'est le genre de questions que nous posons lors d'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Lorsque l'on consulte le Commissariat, surtout en amont, nous avons la chance de poser ce genre de questions. Nous devons prévenir de telles situations, et veiller à ce que les Canadiens ne soient pas inquiets. Ils doivent savoir quel outil est utilisé et à quelle fin, en plus de savoir que le Commissariat à la protection de la vie privée a été consulté et a donné son avis.
Je voudrais que cette façon de faire soit plus répandue, car il arrive souvent que nous apprenions après coup qu'un outil a été utilisé.
:
Je pense qu'il y a toutes sortes de défis, que ce soit sur le plan des ressources ou à l'égard de la pression qui s'exerce sur les ministères. Ils sont mieux placés que moi pour en parler.
La difficulté est liée au fait que les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée sont obligatoires aux termes de la Directive du Conseil du Trésor, mais ne le sont pas aux termes de la Loi. La Directive établit des distinctions, par exemple entre un nouveau programme et la mise à jour d'un programme, ou entre l'évaluation d'un programme et l'évaluation de l'outil lui-même.
Étant donné ces distinctions, le ministère peut dire de bonne foi qu'il est d'avis qu'une évaluation n'est pas requise, car la Directive ne l'exige pas. Pourtant, peut-être que cela devrait être requis. Avec la technologie qui devient de plus en plus puissante, il pourrait devenir encore plus important de rassurer les Canadiennes et les Canadiens en leur disant qu'on fait tout cela d'une façon encore plus proactive. Il serait donc préférable que ce soit une obligation juridique.
D'ailleurs, ce n'est pas une question qui concerne seulement le Canada, évidemment. Mes collègues internationaux, à la conférence de l'Assemblée mondiale pour la protection de la vie privée, ont adopté une résolution sur l'intelligence artificielle dans le domaine de l'emploi. Elle appelle les gouvernements et les parlementaires à prendre conscience de la nécessité de baliser cela. Si on utilise les technologies de l'intelligence artificielle pour recruter des travailleurs et évaluer leur performance, cela peut avoir une incidence sur la vie privée. Alors, il faut être transparent et tenir compte des notions de nécessité et de proportionnalité. Ce sont des questions fondamentales.
:
Pour ce qui est du secteur public, je dois dire, là encore, que cette notion de proportionnalité n'est pas incluse dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous avons recommandé, et ce comité l'a fait également, que la question de la nécessité et de la proportionnalité y soit incluse. À ce stade, cela relève plutôt d'une directive du Conseil du Trésor voulant que cette utilisation soit nécessaire pour atteindre l'objectif visé.
En ce moment, la Loi exige que l'utilisation soit liée à un mandat de l'organisme. De notre côté, au Commissariat, nous allons mettre en œuvre cette nécessité et cette proportionnalité en soulevant des questions à ce propos dans le cadre de nos enquêtes. Nous en parlons maintenant, tout comme nous en avons parlé lors des enquêtes portant sur les mesures prises durant la pandémie, notamment. Quand nous abordons ce sujet, cependant, nous devons reconnaître d'entrée de jeu qu'il ne s'agit pas d'une obligation juridique et que, si cette notion n'était pas respectée dans une situation donnée, cela ne constituerait pas une violation de la loi.
On parle ici d'une recommandation très importante. L'approche ressemble beaucoup à la façon dont on procède dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libertés pour déterminer s'il y a de la discrimination ou une atteinte aux droits fondamentaux. On vérifie si l'objectif visé est important, si la mesure proposée permet d'atteindre l'objectif, si la méthode employée pour y parvenir est la moins intrusive et, enfin, si cette méthode est proportionnelle.
Vous avez tout à fait raison: on peut être tenté d'utiliser un outil parce qu'on le trouve vraiment très performant et rapide. On peut penser ici à l'intelligence artificielle. Oui, c'est efficace, mais on parle ici d'un droit fondamental.
Cela dit, il n'est pas question de choisir entre l'un ou l'autre. Pour ma part, je suis favorable à la technologie. Au bureau, nous en avons fait une de nos trois priorités stratégiques récemment. Nous voulons utiliser la technologie, mais d'une façon qui protège la vie privée. En ce sens, les outils d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée sont essentiels. Il faut non seulement que ces évaluations soient faites, mais également qu'on voie qu'elles le sont.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le commissaire, d'être là. Je vous remercie ainsi que votre équipe de votre travail.
Je voudrais simplement souligner quelque chose pour ceux qui nous écoutent et nous regardent. Treize institutions gouvernementales ont été mises en cause dans l'article mentionné. Il s'agit de Pêches et Océans Canada, Environnement et Changement climatique Canada, le CRTC, l'ARC, Services partagés Canada, le Bureau de la concurrence, Affaires mondiales, le Bureau de la sécurité des transports Canada, Ressources naturelles Canada, Services correctionnels Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, la Défense nationale et la GRC.
Certains de ces noms ne me surprennent pas, comme je crois que beaucoup de Canadiens n'en seraient pas surpris. La question de la confiance est certainement mise en évidence ici.
Monsieur le commissaire, pensez-vous que nous aurions su tout cela sans ce signalement médiatique? Existe‑t‑il un mécanisme de signalement au sein du gouvernement qui aurait permis de dire si ces outils étaient utilisés et combien de fois ils l'ont été? Sans cet article qui y fait référence, ces informations seraient-elles apparues autrement?
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Il s'agit d'une question très importante et très sérieuse non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour la fonction publique. J'aimerais commencer par examiner certains principes juridiques.
Chaque Canadien, y compris les fonctionnaires, a le droit absolu, conformément à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Même si vous avez déclaré qu'une autorisation légale a été obtenue dans certains cas, monsieur, vous ne pouvez pas affirmer avec certitude que c'était ainsi dans tous les cas. Cela soulève des questions relatives à la Charte. La violation d'un droit prévu à l'article 8 est une infraction grave qui, si je me réfère à mes années en tant que procureur de la Couronne, n'est pas toujours couronnée de succès. Il y a des conséquences strictes pour les droits à la vie privée des Canadiens, comme l'ont confirmé les tribunaux de tout le pays.
Cette toile de fond était importante pour moi afin de formuler cette question. Lorsque je regarde les 13 institutions qui ont été identifiées, rien ne garantit qu'elles étaient les seules à avoir utilisé cette technologie. Est‑ce juste, monsieur?
:
Oui... Ce sont les institutions qui ont été identifiées par la journaliste de la CBC, n'est‑ce pas?
M. Philippe Dufresne: C'est vrai.
M. Larry Brock: Lorsque j'examine cette liste, je pourrais m'attarder à Pêches et Océans Canada, et peut-être au Bureau de la concurrence. Mais lorsque je vois l'Agence du revenu du Canada, les Affaires mondiales, les Services correctionnels, l'Agence des services frontaliers du Canada, la Défense nationale et, surtout, la GRC, je constate que ces agences ont toutes d'excellentes équipes juridiques qui travaillent en coulisse — c'est bien souvent le ministère de la Justice. Ils donneraient certainement des instructions non seulement à la direction de ces ministères, mais aussi à leurs employés, au sujet de la protection des droits à la vie privée. Apprendre que, dans de nombreux cas, l'autorisation judiciaire n'a pas été accordée, qu'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée n'a pas été soumise à votre examen et que des données ont été collectées, soulève de sérieuses inquiétudes en matière de protection de la vie privée.
Monsieur, vous avez mentionné une chose tout à l'heure dans votre déclaration liminaire, je crois. Bien souvent, lorsque ce dispositif a été utilisé sur des employés du secteur public, c'était avec le consentement du propriétaire du dispositif. Or, vous ne pouvez pas dire que tous les cas d'extraction de données avec ce logiciel avaient déjà le consentement du détenteur du dispositif. Est‑ce que c'est juste, monsieur?
:
Nous en parlons dans notre document intitulé
La protection des renseignements personnels au travail que nous avons révisé en mai 2023. Il y est question de surveillance et de transparence. Pour répondre à votre question, si vous, à titre d'employée, avez été informée de ce que l'employeur peut et ne peut pas faire et de ce que les outils de l'employeur peuvent faire si vous les utilisez, vous êtes donc au courant à titre d'utilisatrice. Vous avez accès à cette transparence.
Dans certaines circonstances, il peut être justifié que l'employeur ait accès à certaines choses. Toutefois, même si ces autres renseignements se trouvent sur le téléphone, pourquoi l'employeur aurait‑il besoin d'accéder à vos renseignements en matière de santé? Vous les avez entrés dans ce téléphone, peut-être à juste titre, peut-être à tort, mais l'employeur a‑t‑il besoin d'y avoir accès?
Comment peut‑on trouver un équilibre entre les limites liées à l'utilisation et à la collecte de renseignements et la transparence? Nous devons moderniser ces règlements et les appliquer à une technologie en constante évolution. C'était beaucoup plus facile avant, car comme vous l'avez dit, ces appareils brouillent la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Nous avons parlé du fait que la GRC avait utilisé des outils d'enquête sur appareil parce que les dispositifs d'écoute électronique ne fonctionnaient plus. En effet, les gens n'utilisent plus les lignes téléphoniques terrestres. Toutefois, les lignes terrestres fournissaient considérablement moins de renseignements que les téléphones intelligents. C'est un exemple d'un outil différent, mais qui a une plus grande portée.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le Comité a recommandé à de nombreuses reprises une révision de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le Conseil du Trésor a annoncé en 2021 une révision de la Loi. Dans le cadre de cette révision, je crois qu'on est en train de consulter chaque Canadien un par un, ce qui peut prendre du temps. Le Comité a déjà recommandé des choses. Ce matin, nous avons avec nous M. Dufresne qui, je crois, nous a dit un million de fois que cela doit être fait. En conséquence, nous devons insister sur le besoin de ramener le sujet à l'ordre du jour, parce que la recommandation ne semble pas porter ou être prise au sérieux.
C'est comme n'importe quelle autre chose: éventuellement, l'accumulation devient intenable. On a eu les outils intégrés. Il y a eu d'autres études sur la vie privée. Chaque fois, la recommandation de réviser la Loi est revenue. Éventuellement, la somme de tout cela va mener à quelque chose.
Au Comité, je crois que nous sommes d'accord, puisque nous avons entendu les mêmes témoignages. Le commissaire ici présent et son prédécesseur nous ont dit la même chose: il y a péril en la demeure. L'intelligence artificielle va venir changer la donne complètement. Même si l'outil change et que la Loi de 1983 demeure, il reste que le monde a changé.
Après en avoir fait la recommandation no 1dans deux rapports, nous devons appuyer une telle motion dans l'intérêt public. J'insiste une fois de plus.
:
Je vous remercie, monsieur Erskine-Smith.
Si la motion est adoptée, elle pourra être inscrite dans le procès-verbal du Comité et, bien entendu, lorsque nous travaillerons à l'ébauche du rapport une fois que nous aurons entendu tous les témoins, elle pourra être mise en évidence dans le rapport. En attendant, c'est ce que M. Villemure a proposé et ce dont nous discutons pour l'instant.
Je vous remercie de vos observations à ce sujet, monsieur Erskine-Smith.
[Français]
Sur la motion proposée par M. Villemure et modifiée, y a-t-il consensus?
Des voix: D'accord.
(La motion modifiée est adoptée.)
[Traduction]
Le président: Monsieur Dufresne, madame Ives, merci encore de votre patience.
Monsieur Villemure, vous avez la parole pour six minutes.
Allezloiy, s'il vous plaît.
:
L'intelligence artificielle est un élément fondamental qui touche la vie privée des Canadiennes et des Canadiens, ainsi que des citoyens partout dans le monde. Cet été, mes homologues du G7 et moi avons émis une résolution lors de notre réunion annuelle, dans laquelle nous rappelons l'importance de protéger la vie privée. Nous avons rappelé l'application des lois existantes, ainsi que la nécessité de les moderniser et de considérer les effets de l'intelligence artificielle, et ce, dès leur conception.
Au mois d'octobre, mes homologues provinciaux et territoriaux et moi avons aussi émis une déclaration. Le 7 décembre, nous avons organisé un symposium, ici, à Ottawa, avec nos homologues étrangers, et nous avons émis une déclaration sur l'intelligence artificielle à la lumière des principes canadiens concernant la vie privée. Nous avons aussi fait part de nos attentes, notamment pour ce qui est des notions d'autorité juridique, d'objectifs appropriés, de nécessité, de proportionnalité, de reddition de comptes et de limites sur l'utilisation. Nous avons appliqué cette lentille à l'intelligence artificielle.
Dans le contexte des outils dont il est question aujourd'hui, je n'ai pas eu d'information disant qu'il est question d'intelligence artificielle, mais c'est une possibilité qu'il faut toujours garder à l'esprit. Dans le contexte de l'emploi, la résolution que l'Assemblée mondiale pour la protection de la vie privée a émise l'automne dernier parlait précisément de l'utilisation de l'intelligence artificielle en matière d'emploi, notamment pour gérer le rendement du personnel et pour recruter des gens.
Je ne peux pas en parler en détail, mais, en ce moment, nous étudions une plainte contre OpenAI pour déterminer si la compagnie se conforme ou non à la Loi pour ce qui est de ChatGPT, et sur les recommandations à faire si ce n'est pas le cas.
Il y a aussi toutes les questions entourant les données qui sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle. Quelles sont les protections et les limites? L'Organisation de coopération et de développement économiques a mené une étude sur l'intelligence artificielle avec des ministres du G7, et les trois risques les plus importants qui ont été déterminés étaient la désinformation ou la mésinformation, les effets sur les droits d'auteur et les effets sur la vie privée. C'est donc un sujet extrêmement important.
La semaine dernière, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a annoncé ses trois priorités stratégiques. La première est d'optimiser et de moderniser les structures du Commissariat pour que nous ayons le plus grand impact possible. La deuxième est de s'assurer que la technologie respecte la vie privée et qu'on peut en bénéficier tout en la balisant. La troisième est la protection de la vie privée des enfants, un autre élément extrêmement important. D'ailleurs, cette semaine, les dirigeants des médias sociaux se sont présentés devant le Congrès américain pour parler de leur impact sur les enfants. Ces priorités sont au cœur de ce que nous faisons.
Je suis content de pouvoir revenir sur la dimension humaine de la surveillance. Nous nous sommes certainement penchés sur la question lorsque nous avons parlé de l'IA et de son utilisation pour la surveillance sur des appareils dans le cadre de la réponse à l'audit. Nous avons couvert — de façon convaincante, je pense — la manière dont la partialité est ancrée.
Ce qui me frappe dans ce contexte, c'est la surveillance qui s'apparente davantage aux systèmes de télévision en circuit fermé. Vous savez que dans des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis, où l'utilisation de tels systèmes de vidéosurveillance est très répandue, on a constaté qu'ils étaient très susceptibles d'être utilisés à mauvais escient, simplement en raison de la nature humaine. L'Union américaine pour les libertés civiles a signalé quatre façons dont ces systèmes sont susceptibles de donner lieu à des abus. Ainsi, aux fins de ce tour, je veux que vous teniez simplement compte de ce contexte.
Premièrement, on parle d'abus de nature criminelle. Dans des cas comme celui‑ci, évidemment, s'il s'agit du gouvernement fédéral, l'aspect légal pourrait indiquer qu'il s'agit d'un acte criminel si c'est fait sans mandat et en dehors du cadre du travail. Deuxièmement, il y a l'utilisation de façon clandestine, si nous parlons de la GRC, de la défense nationale ou peut-être plus spécifiquement de nos services de sécurité nationale et de la manière dont ils effectuent la surveillance en ligne. Je ne dis pas qu'ils le font, mais c'est une possibilité. Troisièmement, il y a les abus commis par des institutions, les excès, l'approche descendante, et la manière dont le gouvernement instaure la surveillance du public constitue un risque important. On a constaté que le recours à des systèmes de télévision en circuit fermé était non seulement inefficace, mais aussi, selon certains, excessif.
Je pense que ce qui me préoccupe le plus, compte tenu de la nature sensible des renseignements, c'est l'utilisation abusive à des fins personnelles et c'est pourquoi j'ai essayé de savoir de qui l'on parle exactement. Je pense que, pour tous ceux qui ne connaissent pas les technologies de l'information, nous avons une idée de qui se trouve du côté des TI.
Seriez-vous d'accord pour dire que les intentions ou les possibilités, les susceptibilités, lorsqu'on parle d'abus relativement aux systèmes de télévision en circuit fermé ou au monde analogique devraient également être prises en compte dans le monde numérique, en particulier en ce qui concerne l'IA et les technologies et l'accès complet aux données et aux renseignements personnels des gens? Peut‑on le supposer?
Je pense que plus la technologie est puissante, plus sa portée est large, plus il faut être prudent et prendre des mesures de protection de la vie privée et plus il y a de considérations liées à la protection de la vie privée dont il faut tenir compte. C'est ce qu'on appelle la proportionnalité. Étant donné que l'on dispose d'un outil plus intrusif, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de protection plus rigoureux.
Je suis d'accord avec vous. L'aspect humain est important. Nous parlons de la protection de la vie privée en tant que principe. C'est un droit fondamental, sans contredit, mais cela signifie que, sur le plan humain, nous sommes tous moins libres si nous perdons notre vie privée, si nous vivons en ayant l'impression d'être constamment scrutés à la loupe et que les gens peuvent voir ce que nous faisons, à quel endroit nous le faisons, ce que nous achetons...
Je pense à l'un des premiers articles portant sur la protection de la vie privée qui s'intitule Right to Privacy. On donnait l'exemple, dans les années 1800, d'une personne qui collectionnait des pierres et on disait que la vie privée signifiait qu'on avait le droit de le faire sans que tous les gens du village ne puissent savoir quelles pierres on achète. C'est une information qui vous appartient.
Évidemment, de nos jours, nous constatons que ce principe a encore plus de poids. Cela fait partie de notre liberté et de notre individualité et nous devons donc veiller à ce que... Il ne s'agit pas de dire qu'on ne peut pas utiliser la technologie — on le peut —, mais il faut le faire en tenant compte de la question de la vie privée.
:
Merci, monsieur le président.
Je pense que l'adoption de cette motion met en évidence une préoccupation à propos des inconnues. Lorsque j'ai vu qu'Environnement et Changement climatique...
Je représente une région qui compte beaucoup d'agriculteurs. Des agriculteurs qui reçoivent du courrier de différents ordres de gouvernement m'ont fait part de leurs inquiétudes. Ils ne savent pas ce que sont certaines exigences, ce qu'elles signifient ou ce qu'elles comprennent. On leur demande d'accepter des choses sans qu'ils connaissent nécessairement tous les détails.
Le fait qu'il y ait des questions sans réponse montre à quel point il est important d'aller au fond des choses. Si cela a une incidence sur le droit à la vie privée des Canadiens, nous devons certainement être très clairs à ce sujet.
Il y a aussi le fait qu'Environnement et Changement climatique Canada a récemment publié une offre d'emploi dans laquelle il recherchait des agents de l'autorité. En quoi cela consiste‑t‑il? Les agriculteurs de ma circonscription se le demandent. Je ne manquerais pas de poser ces questions.
Monsieur le commissaire, vous avez décrit certaines des préoccupations. Si possible, j'aimerais vous demander de fournir quelques exemples de ce qui doit être changé pour que vous puissiez non seulement disposer des outils qu'il faut, mais aussi garantir que le cadre législatif est en place de sorte que nous puissions obtenir des réponses aux questions que nous avons posées — et tous les partis l'ont fait. Pour le moment, il n'est pas possible de les obtenir en raison de lacunes ou parce que les cadres réglementaires ne vont pas assez loin au Canada.
Pourriez-vous nous donner un aperçu de ces éléments?
Je recommanderais qu'il soit obligatoire de procéder à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée lorsque de nouveaux outils puissants peuvent avoir une incidence sur la vie privée des Canadiens. Si l'on s'éloigne de la notion même de programme, si un nouvel outil modifie le contexte, il faut envisager une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.
Je recommanderais de préciser que le Commissariat doit être consulté et informé avant que de nouvelles technologies ne soient déployées et que des modifications ne soient apportées à de nouveaux programmes — et non pas après coup. En fait, ce ne serait pas seulement le jour même, mais suffisamment à l'avance pour que nous puissions contribuer de façon utile.
Je recommanderais que l'on modernise la Loi sur la protection des renseignements personnels pour y inclure les notions de nécessité et de proportionnalité. Il s'agit de se demander si, bien que le but puisse être important, on se limite au minimum lorsqu'il s'agit des renseignements recueillis.
Il s'agit là de points essentiels.
Je reprends la recommandation du Comité concernant la protection de la vie privée dès la conception. Par ailleurs, il va de soi que le pouvoir de rendre des ordonnances pour le Commissariat est un élément important qui devrait également être inclus dans la nouvelle loi.
:
Merci, monsieur Brassard.
Merci, madame Savoie. Merci, monsieur Thibodeau.
Monsieur le commissaire, mon collègue, Matthew Green, a fait un parallèle avec les systèmes de télévision en circuit fermé. Il n'y a donc aucun doute quant à des cas avérés d'abus dans l'utilisation de ces systèmes. Il s'agit bien sûr d'une technologie différente, et des technologies différentes posent des défis différents.
Il me semble que dans ce cas particulier, avec cette technologie particulière, vous devez tenir compte de deux aspects qui peuvent poser problème. Il s'agit tout d'abord de savoir si la fouille d'un appareil est justifiée — c'est le premier élément — et ensuite de savoir si les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité sont respectés lorsqu'il s'agit de la portée de la fouille de l'appareil.
Cela vous semble‑t‑il exact?
:
D'accord, et il me semble que, dans le cadre de votre enquête et des questions que vous poseriez dans ce contexte, vous devriez entrer en contact... Je vois bien où M. Green veut en venir avec sa motion, mais il serait préférable, car vous êtes en fait mieux placé pour le faire, que ce soit vous qui communiquiez avec ces autres organisations pour leur poser exactement les mêmes questions et nous faire rapport par la suite. Nous pourrions chapeauter votre travail parce que nous avons des pouvoirs dont vous ne disposez pas. Vous avez toutefois le temps et la volonté de vous acquitter minutieusement d'une telle tâche en posant toutes les questions nécessaires.
Dans le cadre de cette démarche, il serait notamment bon de demander combien de fois on a eu recours à cet outil en l'absence d'une autorisation judiciaire ou d'une autre autorisation découlant des pouvoirs d'enquête existants — ce qui nous ramène à ma question précédente — et s'il y a eu des cas où on a perquisitionné des appareils gouvernementaux dans le contexte d'une enquête interne portant par exemple sur le harcèlement. C'est une autre catégorie de cas pour laquelle il me semble tout à fait logique que cette technologie soit employée.
Par ailleurs, il y a aussi lieu de s'interroger sur la portée de la perquisition, et il faudrait que vous posiez des questions à ce sujet. S'il y a des inquiétudes à cet égard, je vous prierais de bien vouloir nous en faire part. Il serait bon de savoir si cette technologie est utilisée dans d'autres cas pouvant être préoccupants, qui ne font pas l'objet d'une enquête et qui, à première vue, semblent le justifier.
Vous allez donc nous répondre ultérieurement quant au nombre d'utilisations, mais j'aurais une dernière question dans l'immédiat. En ce qui concerne la portée de la perquisition électronique, il serait bon, dans le cadre de vos évaluations des facteurs relatifs à la vie privée effectuées en collaboration avec ces organismes... M. Barrett a souligné à juste titre la distinction à faire entre le nuage et un appareil appartenant au gouvernement. Vous répondez comme il se doit que chacun a des attentes raisonnables quant à la protection de sa vie privée, et que ces attentes peuvent varier en fonction des équipements utilisés. On s'assure de répondre à ces attentes raisonnables en appliquant des critères de nécessité et de proportionnalité.
J'aimerais beaucoup savoir si des ministères, dans le cadre de leurs enquêtes, ont dépassé les limites de la nécessité et de la proportionnalité. Fouillent-ils inutilement dans le nuage aux fins des enquêtes sur le harcèlement? Font-ils des recherches dans l'information sur la santé? C'est là une préoccupation fondamentale pour notre comité. De telles choses se sont-elles vraiment produites?
Si votre enquête vous permet de mettre au jour de réelles préoccupations à ce sujet, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir en informer le Comité.
:
La semaine dernière, quand nous avons publié notre plan stratégique, que je transmettrai au Comité, nous avons parlé de trois priorités.
La première est de moderniser le commissariat et de maximiser son impact avec une nouvelle loi. À tout le moins, s'il n'y a pas de nouvelle loi, il faudra se demander comment protéger le plus possible la vie privée.
La deuxième est la technologie. Il faut dépasser la technologie ou, au moins, avancer à la même vitesse qu'elle. C'est un gros défi, parce que nous voyons que la technologie est de plus en plus adoptée. Les gens aiment la technologie, l'utilisent et en voient les bénéfices. Il faut donc s'assurer que leur vie privée est prise en compte et protégée.
La troisième est la vie privée des enfants. Cette question présente beaucoup de défis. Il y a les répercussions sur leur santé mentale, sur leur réputation et sur leurs données. Il y a donc du travail à faire là-dessus et nous mettrons l'accent sur ces éléments.
Sur le plan international, il y a encore la question de la protection des données dans le contexte des flux de données transfrontaliers.
En bref, en mettant l'accent sur la technologie et en essayant d'anticiper ses tendances et ses utilisations, ainsi qu'en se concentrant sur les enfants et leur vie privée, on mettra l'accent sur l'avenir. C'est pour cela que, de notre côté, nous allons mettre l'accent sur ces éléments. Cependant, nous sommes également ouverts aux recommandations que le Comité pourrait nous faire sur d'autres questions.
Pour ma part, je m'attarde à une grande thématique: on veut bénéficier de l'innovation et de la technologie, parce que cela amène beaucoup d'avantages dans de nombreux domaines. M. Green a parlé de l'utilisation de la technologie dans le domaine de la santé, et il y a aussi les sports et la musique. De bonnes choses viennent de cela et il ne faut pas tout refuser. Toutefois, je ne veux pas que les Canadiennes et les Canadiens aient à choisir entre profiter de la technologie et conserver leur vie privée. Il faut éviter d'avoir à choisir et éviter que le fardeau repose complètement sur les épaules des individus. Je veux que ces derniers sentent et sachent que les institutions sont là pour les protéger et pour les conseiller.
:
Merci, monsieur Villemure et monsieur Dufresne.
Ceci met fin à notre séance aujourd'hui.
Monsieur Dufresne, au nom du Comité, des Canadiennes et des Canadiens, je vous remercie de votre témoignage d'aujourd'hui sur cette question très importante.
Je remercie également Mme Ives.
[Traduction]
Nous avons quelques questions à régler.
Je vais d'abord donner la parole à M. Barrett.
Monsieur Barrett, vous avez une motion que vous aimeriez présenter de vive voix au Comité. Je crois comprendre que vous avez parlé aux membres du Comité et qu'ils sont tous d'accord. Si vous présentez la motion, nous pourrons en discuter si cela est nécessaire.
À vous la parole, monsieur Barrett.
:
Mary Dawson est décédée le 24 décembre 2023. J'aimerais vous faire part de quelques faits marquants à son sujet pour mettre en lumière l'importance de cette motion. Je suis reconnaissant à mes collègues d'avoir accepté que le Comité en soit saisi et qu'elle fasse l'objet d'un rapport à la Chambre.
Elle n'a pas été seulement commissaire à l'éthique. Elle a eu un parcours tout à fait remarquable. Des pans très importants de notre histoire sont marqués de son empreinte. C'est notamment elle qui a rédigé la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi canadienne sur la santé, la Loi sur les langues officielles, la Loi sur la concurrence, la Loi sur les douanes et la Loi sur les jeunes contrevenants.
Elle a été nommée membre du Conseil de la Reine en 1978 et est devenue première conseillère législative adjointe au début des années 1980, en plus d'avoir été sous-ministre déléguée de la Justice pendant près de deux décennies. Elle était particulièrement fière de son travail constitutionnel, notamment en tant que rédactrice de la version officielle des documents pour le rapatriement de la Constitution en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982 et pour la Charte des droits et libertés.
Il s'agit là d'un résumé succinct, incomplet et non exhaustif des services exceptionnels qu'elle a rendus à notre pays à titre de fonctionnaire et de commissaire chargée de trancher en faisant la part des choses. J'estime qu'un bon commissaire à l'éthique parvient à garder sur le qui-vive les députés de tous les partis, et c'est exactement ce que Mme Dawson arrivait à faire.
Le Canada a été bien servi par ses contributions, et je remercie mes collègues d'avoir bien voulu prendre cette motion en considération.
Elle figure certes au rang des véritables légendes.
Est‑ce que quelqu'un d'autre voudrait intervenir? Je présume avoir votre consentement au sujet de cette motion...
M. Matthew Green: Non seulement y a‑t‑il consentement, mais il est unanime.
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci d'avoir présenté cette motion, monsieur Barrett.
[Français]
Nous devons adopter une dernière motion. C'est au sujet du budget de l'étude sur laquelle nous travaillons en ce moment, soit l'utilisation par le gouvernement fédéral d'outils technologiques permettant d'extraire des données sur des appareils mobiles et des ordinateurs.
Monsieur Villemure, si le Comité veut adopter le budget de l'étude, le montant s'élève à 16 500 $. Cela inclut les dépenses des témoins, les vidéoconférences, le rapport de travail et les autres dépenses.
Plaît-il au Comité d'adopter cette motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée).