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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 avril 2023

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bonjour, tout le monde.
    Je vous souhaite la bienvenue à la soixante-sixième réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Ce soir, le Comité se réunit pour poursuivre son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.
    La greffière et moi-même tiendrons une liste consolidée des orateurs souhaitant prendre la parole.

[Traduction]

     Pour rappel, jeudi, nous commencerons à 10 heures par la réunion du comité directeur, suivie de l'intervention du ministre Mendicino sur l'ingérence étrangère dans les élections. Puis, pendant la troisième heure pour certains d'entre nous et la deuxième pour d'autres, nous accueillerons le premier groupe de nos collègues pour parler du rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour l'Ontario.
     Le jeudi 27 avril, le mardi 2 mai et le jeudi 4 mai, nous nous réunirons dans la salle 225 de l'édifice de l'Ouest, juste à l'étage, afin de permettre à nos collègues d'un autre comité d'utiliser cette salle.
     Ce soir, nous accueillons Jean-Nicolas Bordeleau, doctorant et chercheur; Steve Waterhouse, capitaine à la retraite, ancien officier de sécurité des systèmes d'information, ministère de la Défense nationale, et spécialiste en cybersécurité; et Laurence Grondin-Robillard, doctorante, Groupe de recherche sur l'information et la surveillance au quotidien.
     Vous disposez maintenant d'au plus quatre minutes chacun pour une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux observations.

[Français]

    Monsieur Bordeleau, je vous souhaite la bienvenue.
    Vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier d'emblée les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner. J'espère pouvoir vous être utile et apporter des réponses pertinentes à vos questions.
    Comme on l'a dit, je m'appelle Jean-Nicolas Bordeleau. Je suis doctorant à la Chaire de recherche Konrad-Adenauer en études empiriques de la démocratie à l'Université d'Ottawa. J'ai obtenu une maîtrise en science politique à l'Université de Montréal et un baccalauréat en science politique et en psychologie au Collège militaire royal du Canada.
    J'ai mené des recherches avec le Centre for International and Defence Policy de l'Université Queen's, le projet sur l'intégrité électorale du Collège militaire royal du Canada, la chaire de recherche du Canada en démocratie électorale de l'Université de Montréal et, plus récemment, le Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique de l'université McGill.
    Je tiens à souligner que je suis un politologue qui étudie le comportement humain. Mon expertise est centrée sur le comportement et les attitudes des citoyens face aux menaces qui pèsent sur la démocratie et ses institutions. Plus précisément, mes recherches portent sur l'effet de l'information, qu'il s'agisse de mésinformation, de désinformation ou d'information factuelle, sur les perceptions qu'ont les citoyens de l'intégrité électorale, sur leur attitude à l'égard de la démocratie ainsi que sur la probabilité qu'ils participent au processus démocratique.
    Dans le cadre de mes recherches au Centre for International and Defence Policy à l'Université Queen's, j'ai eu l'occasion de mener des recherches approfondies sur la réponse du Canada à l'ingérence étrangère, surtout en ce qui concerne les élections fédérales. Mes recherches ont comporté une évaluation comparative des politiques de sécurité électorale des pays membres du Groupe des cinq, dont le Canada. Par conséquent, je peux affirmer en toute confiance que je possède une compréhension approfondie des politiques et des efforts qui existent déjà pour atténuer l'ingérence, comme la Loi sur la modernisation des élections, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections ainsi que le Protocole public en cas d'incident électoral majeur.
    Compte tenu de l'étendue de mon expertise, je peux répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à propos de l'effet sur les Canadiens de renseignements et de politiques portant explicitement sur la sécurité des élections. Je suis en mesure de discuter des effets sur les électeurs de l'ingérence étrangère dans les élections ainsi que du rôle de la mésinformation concernant l'ingérence dans les élections sur la confiance des Canadiens dans les institutions et les élections démocratiques.
    Plus précisément, je suis en mesure de participer à des discussions importantes sur une série de sujets, notamment les effets potentiels de l'ingérence dans les élections sur le comportement des électeurs, le seuil à partir duquel l'information relative aux efforts d'ingérence étrangère doit être rendue publique et les leçons que nous pouvons tirer des politiques en matière de sécurité électorale de nos partenaires du Groupe des cinq.
    Cela dit, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la nature des incidents d'ingérence étrangère qui ont été récemment rapportés dans les médias. Je peux cependant tirer des conclusions de recherches plus générales sur l'ingérence étrangère dans les élections et appliquer au contexte canadien les constatations qui en découlent.
(1835)

[Français]

    Je tiens aussi à mentionner que je vais répondre aux questions des membres du Comité en français ou en anglais, selon la langue dans laquelle elles auront été posées. De plus, j'ai fourni une copie de mon allocution d'ouverture à la greffière.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Bordeleau.
    Madame Grondin‑Robillard, vous avez maintenant la parole.
    Merci, madame la présidente, de me recevoir au nom du Groupe de recherche sur l'information et la surveillance au quotidien, ou GRISQ, de l'Université du Québec à Montréal.
    Je suis chargée de cours en médias numériques et doctorante en communication de l'UQAM. Ma recherche doctorale est axée sur la circulation de l'information via TikTok. Mon mémoire de maîtrise, quant à lui, portait sur Instagram et l'ingérence russe dans le cadre des élections présidentielles américaines de 2016.
    Mon intervention ici se concentre sur les processus d'ingérence étrangère au moyen des médias socionumériques...
    Un instant, s'il vous plaît.
    M. Calkins, vous avez la parole.

[Traduction]

    Les interprètes nous informent qu'ils ne sont pas en mesure de suivre le rythme. Pour ceux d'entre nous qui ne parlent pas français, nous avons besoin de cette interprétation.

[Français]

    Nous allons recommencer. Si vous avez besoin d'un peu plus de temps, je vous en donnerai. Vous devez parler plus lentement, car c'est transmis dans les deux langues officielles.
    J'ai cette mauvaise habitude, désolée.
    Nous recommençons avec vous, madame Grondin‑Robillard.
    Je vous remercie, madame la présidente, de me recevoir au nom du Groupe de recherche sur l'information et la surveillance au quotidien. ou GRISQ, de l'Université du Québec à Montréal.
    Je suis chargée de cours en médias numériques et doctorante en communication de l'UQAM. Ma recherche doctorale est axée sur la circulation de l'information via TikTok. Mon mémoire de maîtrise, quant à lui, portait sur Instagram et sur l'ingérence russe dans le cadre des élections présidentielles américaines de 2016.
    Mon intervention, aujourd'hui, se concentre sur les processus d'ingérence étrangère via les médias socionumériques auprès des Canadiennes et des Canadiens, ce qui nuie à la prise de décision éclairée au cœur du devoir citoyen en contexte électoral. Les résultantes d'une telle opération, par ces médias, peuvent être difficilement circonscrits, car plusieurs acteurs en sont responsables.
    Trois éléments sont à considérer.
    Le premier est le fonctionnement même des médias socionumériques et leur modèle économique, qui permettent les libres production, diffusion et circulation de contenus et d'information. L'important, pour les médias socionumériques, n'est pas que le contenu soit véridique, c'est qu'il circule le plus possible. Ce fonctionnement s'intègre dans un circuit marchand de mégadonnées, où l'utilisateur, le sujet, laisse une trace, comme un avis « j'aime », un commentaire ou un clic, qui est collectée et traitée. Cela permet le profilage de l'utilisateur. On peut ensuite lui envoyer une offre personnalisée de contenu qui, elle-même, produira une nouvelle trace, et ainsi de suite. Cela entraîne un dispositif de surveillance exploité, entre autres, à des fins commerciales, tel que le ciblage publicitaire en ligne.
    À cela s'ajoute notre deuxième élément à prendre en compte, soit la recommandation algorithmique de contenu personnalisé. Les algorithmes de recommandation constituent un piège selon la littérature scientifique. Ils forment et dictent désormais entièrement les interfaces de nos médias socionumériques. Les utilisateurs se retrouvent avec une offre personnalisée de contenu captant leur attention. Ainsi, par le calcul algorithmique, s'il a été déterminé que vous alliez aimer un certain type de contenu, vous allez y être exposé, quelle qu'en soit la qualité ou la véracité.
    Notre troisième et dernier élément à prendre en considération est l'utilisateur lui-même. Non seulement est-il confronté à une véritable surabondance d'information, certains parlent d'« infodémie », mais, tous les contenus étant égaux, il devient difficile pour lui de distinguer le vrai du faux. Cette difficulté est actuellement exacerbée par des personnalités qui ont une voix et une tribune, qui remettent en question certains piliers institutionnels de la démocratie tels que le journalisme. De plus, les utilisateurs peuvent aimer la consommation de contenu qui confirme leur opinion, quitte à être pris dans ce que l'on nomme une chambre d'écho. D'ailleurs, sans avoir l'intention de porter préjudice et de relayer de la désinformation, ils peuvent repartager de fausses nouvelles par mégarde ou méconnaissance. C'est ce qu'on appelle de la mésinformation. Ils se trouvent ainsi, malgré eux, à participer à de l'ingérence.
    En conclusion, il ne fait aucun doute,selon le GRISQ, que l'intégrité du processus électoral a été et sera encore menacée par les dispositifs actuels des médias socionumériques. Toutefois, il est essentiel de souligner qu'il n'y a pas que les entités individuelles ou étatiques qui en sont responsables. Il s'agit d'une vaste mise en rapport entre ces acteurs et des éléments sociotechniques qui créent un obstacle au devoir citoyen d'être bien informé. En ce sens, il est impératif d'examiner la situation sur les plans global, social et communicationnel.
    Il est nécessaire que les élus, actuels et futurs, continuent d'accroître leurs connaissances des médias socionumériques pour mieux les encadrer et légiférer sur ces questions afin qu'ils ne produisent pas de la désinformation minant la confiance envers nos institutions politiques et médiatiques.
    Finalement, cette discussion pourrait et devrait ouvrir la voie à l'amélioration de la compréhension du public quant aux troubles de l'information. C'est encore plus criant lorsque le dirigeant de Twitter modifie le processus de circulation de l'information au détriment de la qualité et de la crédibilité des utilisateurs et du contenu qu'ils produisent.
    Merci, madame la présidente.
(1840)
    Merci, madame Grondin-Robillard. Je vous ai donné les secondes que M. Bordeleau n'a pas utilisées.
    Monsieur Waterhouse, bienvenue. Vous avez la parole.
    Je suis Steve Waterhouse, chargé de cours au microprogramme de maîtrise à l'Université de Sherbrooke en sécurité de l'information, volet prévention. Je suis un ancien officier de sécurité informatique au ministère de la Défense nationale. Je suis aussi un ancien sous-ministre adjoint à la sécurité de l'information gouvernementale et à la cybersécurité du ministère de la Cybersécurité et du Numérique du Québec, et un témoin expert en cybersécurité.

[Traduction]

    Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mon point de vue sur certains problèmes perçus et anticipés par mes concitoyens concernant l'ingérence non désirée d'acteurs étrangers dans notre processus démocratique.

[Français]

    Le Comité a eu l'occasion d'entendre divers intervenants ces dernières semaines pour vous expliquer pourquoi l'objet de cette étude est important relativement à l'évolution de notre société.
    Vous aurez compris qu'en ces temps modernes, l'usage d'outils et de moyens informatiques est incontournable, voire indispensable pour mener ces opérations d'influence.
    Au XXe siècle, la radio, les journaux, la télévision, le cinéma, et même les autorités religieuses, qui étaient très présentes dans nos sociétés, permettaient une forme de validation du message avant sa diffusion, ce qui faisait en sorte d'exercer un contrôle.
    Grâce à l'évolution des technologies et des moyens de communication, comme jamais auparavant dans l'histoire, nous avons des moyens de nous rendre partout sur la planète en quelques millisecondes sans filtre et sans contrôle.
    Nous sommes aussi devant des changements fondamentaux et contre-intuitifs, à savoir que notre société peut se faire influencer au moyen de méthodes, de stratégies peu classiques et subtiles, comme les concepts suivants: la guerre juridique, la guerre des médias et de l'opinion publique, la guerre psychologique et la guerre cognitive. Cette dernière se reflète...
    Monsieur Waterhouse, je veux juste prendre quelques secondes pour vous demander de parler un peu plus lentement.
    D'accord.
    Est-ce que je dois recommencer?
    Non, pas cette fois-ci.
    Vous pouvez continuer.
    Merci.
    D'accord.
    J'en étais donc à définir ce qu'est la guerre cognitive. C'est la manière d'utiliser la connaissance à des fins conflictuelles. Dans son sens le plus large, la guerre cognitive ne se limite pas au monde militaire ou au monde institutionnel. Dans ce dernier type de tactique de guerre, les divers acteurs de menaces dans le cyberespace ont beaucoup évolué depuis la mise en service d'applications d'influence de masse de toutes sortes, dont Facebook, TikTok, WeChat et bien d'autres.
    Comme l'a déclaré, en novembre 2021, une spécialiste au sein de Recherche et développement pour la défense Canada, ou RDDC, au bureau du sous-ministre adjoint de la Défense nationale: « La technologie et la profusion de données, mises ensemble, font en sorte que le comportement humain est la principale vulnérabilité. Dans sa forme extrême, la guerre cognitive peut exacerber les divisions internes et rendre une société vulnérable à la friction, à la polarisation et à la radicalisation. »

[Traduction]

    Qu'est‑ce que tout cela signifie?
    Au cours des 20 dernières années, une évolution technologique s'est progressivement répandue dans notre société, avec la promesse de nous faciliter la vie grâce à l'automatisation à l'aide d'appareils intelligents. L'idée d'avoir une forme de connectivité dans tous les objets de notre vie, comme les cafetières, les appareils ménagers, la télévision, etc. semble très pratique et commode. À défaut d'intégrer une solide cybersécurité dans la conception de ces appareils, ceux‑ci risquent de devenir des vecteurs d'influence en exerçant une forme de contrôle, comme des fonctions logicielles activées ou désactivées à volonté, complétées par des applications sur les téléphones intelligents qui communiquent avec le reste du monde.
    Comme l'a déclaré un autre expert de la guerre cognitive, François du Cluzel:
Tout utilisateur des technologies modernes de l'information est une cible potentielle. C'est l'ensemble du capital humain d'une nation qui est visé.
... Ce champ de bataille est mondial grâce à Internet. Sans début ni fin, cette conquête ne connaît pas de répit, rythmée par les notifications de nos téléphones intelligents, partout, en tout temps.
(1845)

[Français]

    Qu'est-ce qui peut être fait?
    Un leadership fort est requis pour aborder ces problèmes. L'éducation et la sensibilisation en ce qui a trait aux nouvelles façons de faire subtiles des agents externes sont essentielles pour prévenir l'érosion de notre démocratie. Les gouvernements, à tous les niveaux, doivent en prendre conscience afin de renforcer leur gouvernance et être en position de rassurer les concitoyens. L'application d'une meilleure cyberhygiène à l'égard des moyens technologiques doit être accentuée à tous les niveaux de notre société pour que cela devienne une seconde nature afin que l'on puisse profiter de ces technologies.

[Traduction]

    Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions dans les deux langues officielles. Je vous remercie de votre attention.

[Français]

    Merci, monsieur Waterhouse.
    Nous commençons maintenant avec les tours de questions de six minutes.
    Nous allons commencer par M. Cooper, qui sera suivi de Mme Sahota, de Mme Normandin et de Mme Blaney.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions à M. Bordeleau.
     Dans un article de juillet 2021 que vous avez écrit pour le Centre for International and Defence Policy, intitulé « Securing Elections: A Comparative Assessment of Canada's Response to Foreign Interference », vous soulignez à juste titre que le gouvernement canadien a toute latitude pour décider de divulguer ou non une ingérence.
     C'est précisément ce que nos autres alliés ont fait, y compris, comme vous le soulignez, avec le registre public du programme de transparence en matière d'influence étrangère, établi par l'Australie, sur lequel je vous interrogerai sous peu. Nous l'avons également constaté avec le Royaume-Uni. Par exemple, l'été dernier, ayant appris qu'une agente de Pékin travaillait au sein du Parlement britannique, le gouvernement britannique et le MI5 ont écrit une lettre au Président de la Chambre des communes. L'agente en question, Christine Lee, a été identifiée nommément, ainsi que les membres du Parlement qui ont subi son influence.
    Le SCRS a conseillé au gouvernement d'ancrer sa politique en réponse à l'ingérence étrangère dans la lumière et la transparence et pourtant, nous n'avons vu ni lumière ni transparence. En effet, toutes les révélations troublantes concernant une vaste campagne d'ingérence de la part de Pékin dans les élections de 2019 et 2021 n'ont été mises au jour que par des lanceurs d'alerte et des journalistes réputés.
     Trouvez-vous troublant que le gouvernement ait tenu les Canadiens dans l'ignorance de ce qui était manifestement des enjeux très préoccupants liés à l'ingérence de Pékin? Comparez cela à la manière dont certains de nos alliés ont traité la même situation.
    Je vous remercie pour cette question.
     Je dirais que cela révèle une faiblesse dans les politiques actuelles concernant le Protocole public en cas d'incident électoral majeur. Elles doivent peut-être renforcer et préciser le seuil à partir duquel les renseignements concernant les tentatives d'ingérence étrangère dans les élections canadiennes doivent être rendus publics.
     Je pense qu'il est important de souligner que nos partenaires du Groupe des cinq, notamment l'Australie, pratiquent ce que l'on appelle une transparence contrôlée, c'est‑à‑dire une transparence par rapport à l'information qui n'est pas ambiguë, qui est vérifiable et qui a été vérifiée par des agences de renseignement, et dans le cas de l'Australie, par le groupe de travail sur l'assurance de l'intégrité électorale.
     L'information rendue publique dans ces pays ne concerne pas des enquêtes actives ou des menaces pour les élections. Elle concerne des menaces actives qui ont été vérifiées et qui sont rendues publiques parce qu'elles sont sans équivoque.
    Je pense qu'il faudrait peut-être intégrer cette façon de faire dans la politique canadienne en matière de sécurité des élections et dans ce seuil d'information qui est actuellement plutôt inconnu et sur lequel quelques personnes triées sur le volet doivent se prononcer. Je pense qu'il y a certainement du travail à faire dans ce domaine.
(1850)
    Dans le cas de l'Australie, cette information est rendue publique par l'entremise du registre public du programme de transparence en matière d'influence étrangère. Est‑ce exact?
    Oui, c'est un site Web que vous pouvez consulter directement. Même en tant que Canadien, vous pouvez aller sur le site Web et voir les événements d'ingérence étrangère qui y sont répertoriés.
    Dans le prolongement de ce que vous avez dit au sujet du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, dans le même article de juillet 2021 que j'ai cité, vous avez dit que le gouvernement jouit tout simplement d'une trop grande latitude lorsqu'il s'agit de déclarer les cas d'ingérence.
     Lorsque moi-même et d'autres députés avons posé des questions aux membres du groupe de travail sur les élections à savoir où le seuil se situe, ils ont eu beaucoup de mal à l'expliquer.
     Pensez-vous que le seuil est trop vague? Est‑il trop élevé? Comment pourrait‑il être corrigé?
    Je pense qu'il faut certainement préciser le seuil et le rendre un peu plus rigoureux, à mon avis. Il doit être clair qu'une fois que l'information comporte certains éléments, dont nous pouvons certainement discuter... Je pense que l'ambiguïté est certainement un facteur important à prendre en compte dans ce seuil. Il faut que l'ingérence étrangère soit avérée.
     Une fois ce seuil atteint, je pense que toute information devrait automatiquement être mise à disposition dans une sorte de registre comme celui de l'Australie, un site Web ou au moyen d'un quelconque communiqué de presse.
    Conformément à la directive du Cabinet, le seuil décrit est l'existence d'incidents, ou d'un incident, qui menacent la capacité du Canada à tenir des élections libres et équitables. Ce seuil semble très élevé.
     Pensez-vous qu'il serait pertinent, par exemple, que le public soit informé de l'existence d'ingérences dans une circonscription? Cela ne menace peut-être pas la capacité du Canada à tenir des élections libres et équitables, mais c'est sans doute une préoccupation majeure, surtout s'il se trouve que vous vivez dans cette circonscription.
    Bien sûr, mais je pense qu'il faut aussi des paramètres. Le mandat vague a ses inconvénients. Si l'information est communiquée, des contrôles sont nécessaires et cela doit se faire dans la transparence. Je pense que c'est important.
     Des renseignements non vérifiés entre les mains du grand public peuvent être extrêmement préjudiciables. Je pense que c'est la raison pour laquelle l'Australie a adopté un modèle bien structuré en disant que l'information doit être vérifiée par une série d'agences, et une fois que tout le monde a donné son approbation et que l'information a atteint le seuil requis, elle peut être publiée en ligne.
    Je vous remercie.
    Madame Sahota.
    Merci, madame la présidente.
     Par votre entremise, je remercie les témoins. Je pense que l'échange que nous venons d'avoir est très utile. Nous essayons vraiment de déterminer où se situent les lacunes et comment nous pouvons les combler au moyen de dispositions législatives. C'est ce que nous avons entendu lors de plusieurs réunions.
    Cependant, une certaine confusion règne à propos de la façon de déterminer correctement s'il s'agit d'un acteur étatique étranger ou de mésinformation ou désinformation provenant d'une source inconnue. Ce point a aussi été soulevé plus tôt aujourd'hui.
     Nous avons eu des exemples, disons lors des dernières élections, d'information communiquée sur WeChat. Pour tenter d'inciter les électeurs canadiens d'origine chinoise à ne pas voter pour un gouvernement libéral, on y affirmait que le gouvernement Trudeau légaliserait toutes les drogues dures et d'autres choses du genre.
     Il y a un échange de toute cette information en période électorale, d'information qui ne provient pas de sources journalistiques vérifiables, mais qui est communiquée. Nous ne savons pas d'où provient cette information, et l'environnement devient de plus en plus dangereux parce que nous ne disposons pas d'un écosystème médiatique solide. De nombreux médias ferment leurs portes dans ce pays.
     Il y a aussi ce que vous avez mentionné, madame Robillard, à propos de Twitter. Les utilisateurs ne sont plus en mesure de déterminer s'ils consultent une source fiable ou s'il s'agit de robots et d'autres acteurs peut-être étatiques qui tentent d'influer sur nos élections ou sur le raisonnement des Canadiens en général.
     Que devrions-nous faire pour améliorer notre écosystème médiatique afin d'assurer la fiabilité de l'information? Vous venez d'effleurer le sujet, monsieur Bordeleau.
     Comment pouvons-nous améliorer notre système de réception de l'information?
     Allez‑y, madame Robillard.
(1855)

[Français]

    S'il y a une chose qui a été prouvée au cours des dernières semaines, je pense ici au nouveau propriétaire de Twitter, c'est que c'est facile d'apposer des étiquettes à des formes de contenu ou à des comptes.
    On pourrait légiférer ou imposer certaines règles en ce qui a trait à du contenu en ligne. Par exemple, au sujet du partage d'un article sur Facebook, il serait possible d'indiquer que cela provient d'une source vérifiée ou approuvée. L'intelligence artificielle est capable de faire des catégories de contenus. Il y a quelque chose à développer de ce côté-là avec les propriétaires de médias socionumériques. Cela ferait partie des solutions.
    Je vais céder la parole à mes collègues pour qu'ils puissent faire d'autres suggestions.

[Traduction]

    En ce qui concerne la gestion de l'information communiquée au public, il est vrai qu'il est très difficile de déterminer l'origine des sources, car les manoeuvres de brouillage sont omniprésentes, quelle que soit l'information produite, où que ce soit dans le monde. L'information pourrait provenir du Canada ou d'autres pays de la planète.
     Je ne peux pas être d'accord avec Mme Grondin‑Robillard sur la possibilité de marquer les données en fonction de la source d'information, car, je le répète, de faux renseignements peuvent être présentés comme étant aussi valables que des renseignements vrais. L'essentiel reste donc l'éducation et la sensibilisation du public par différents moyens, exactement comme le Centre canadien pour la cybersécurité a mis en œuvre différents programmes pour éduquer les gens, mais cela doit être fait à un niveau accessible à tous. Il ne peut s'agir d'une thèse de cinq pages en petits caractères qui informe les gens de la nature de la menace, des mesures à prendre et de la façon de vivre avec elle.
    Par ailleurs, ce n'est pas forcément en période électorale que l'information doit être filtrée, car avant un processus électoral, les gens sont influencés par toutes sortes de discussions et de sujets. Puis, quand vient la période électorale, ils sont déjà préprogrammés, si vous me passez l'expression, pour voter en fonction de l'influence qu'ils ont subie tout au long des deux, trois ou quatre années précédant l'élection.
    Je tiens à souligner le point de vue de M. Waterhouse en disant que l'éducation est un facteur clé ici. Il sera extrêmement difficile d'attaquer les attaquants en ce sens. Même si nous élaborons une politique, nous adoptons de nouveaux projets de loi ou nous modernisons la Loi sur les élections de manière à empêcher des attaquants de se livrer à de l'ingérence étrangère, je pense qu'ils trouveront d'autres moyens de le faire. La meilleure option pour contrer l'ingérence étrangère est de préparer les citoyens, de les éduquer et de leur montrer comment bien consommer l'information.
     Comme on l'a dit, je ne pense pas que l'on puisse y parvenir avec des rapports de 21 pages du SCRS que seule une poignée de citoyens canadiens ont le temps ou le désir de lire. Je pense qu'il faut ramener les choses à un niveau qui intéressera les citoyens canadiens et sur lequel ils auront envie de s'informer.
     J'aimerais aussi mentionner que nous parlons beaucoup de mésinformation, mais je pense que l'ingérence peut également découler d'une information factuelle. Il est assez facile de déformer les faits et de présenter des renseignements, même réels, de manière à miner la confiance dans le processus démocratique canadien.
     Une étude que j'ai menée récemment utilise les mêmes catégories d'information, qui sont essentiellement des reportages factuels de médias d'information et des rapports du SCRS qui ont été publiés, mais en les présentant de manière légèrement différente, dans un cas sur un ton plus positif du genre « nous luttons contre l'ingérence étrangère », et l'autre sur un ton plus négatif du genre « des activités d'ingérence étrangère sont en cours ». Nous observons que le niveau de confiance des citoyens est radicalement différent dans les deux cas.
(1900)
    J'aimerais disposer de plus de temps. Il y aurait tellement de questions complémentaires à poser.
    Nous aimerions toujours disposer de plus de temps.
    Madame Normandin, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Les propos des témoins sont fascinants.
    Madame Grondin‑Robillard, pour faire écho à ce que M. Waterhouse a mentionné, peut-on être un acteur étatique étranger et créer de toutes pièces de l'interférence et de l'ingérence, ou faut-il vraiment que les gens aient été un peu plus vulnérables en raison de chambres d'écho?
    Est-ce possible de monter une opération sans que la population soit déjà réceptive?
    J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
    Il s'agit vraiment d'une mise en rapport. Il peut y avoir une opération d'ingérence qui mise sur la création de contenu de toutes pièces, mais, si le contenu ne circule pas, il n'y aura pas d'effet. Il faut vraiment rejoindre des gens, des citoyens, soit par du contenu polarisant, ou, au contraire, par du contenu qui va confirmer leur opinion et les inciter à partager ce contenu.
    Il peut aussi s'agir de contenu trompeur, que ce soit avec des pièges à clics ou avec une décontextualisation de la situation qui ne correspond pas à la publication en tant que telle.
    Il y a donc plusieurs stratégies pour faire circuler du contenu. Encore faut-il que ceux qui se livrent à de l'ingérence étrangère comprennent mieux que nous le fonctionnement des médias socionumériques qu'ils vont utiliser et les codes de ces médias.
     Monsieur Waterhouse, vous avez parlé de l'hygiène informatique et du fait que l'humain est, d'une certaine façon, le maillon faible de la cybersécurité. Est-il possible de catégoriser les gens par groupes d'âge ou niveaux de scolarité en ce qui concerne leur vulnérabilité, ou est-ce relativement homogène? S'il est possible de catégoriser les gens, un acteur étranger pourrait-il exploiter cette faille en visant un segment de la population en particulier?
    En général dans la population, je dirais que les gens utilisent la technologie plutôt de façon intuitive. Il n'y a pas d'enseignement formel sur le fonctionnement du nouveau modèle d'iPad ou de téléphone Android, par exemple. Les gens apprennent à s'en servir de façon intuitive, si ce n'est pas par osmose avec des contacts.
    On pourrait penser que les nouveaux jeunes électeurs sont plus sujets à la désinformation parce qu'ils sont peut-être plus exposés et consomment l'information dans les médias sociaux au lieu des médias traditionnels, qu'ils consultent très rarement. Par ailleurs, si on considère le segment plus âgé de la population, nos aînés, ceux-ci vont plutôt consulter les médias traditionnels. Dans le cas des groupes d'âge intermédiaire, c'est moins tranché. Certains, selon leurs convictions personnelles, vont choisir un type de média plutôt qu'un autre. Par conséquent, je considère qu'ils sont tous aussi vulnérables.
    Il faut pratiquer la cyberhygiène, c'est-à-dire garder ses appareils à jour et protéger l'accès à ses médias sociaux. Sinon, si des acteurs menaçants, de l'intérieur ou de l'extérieur du pays, réussissent à capter la liste de contacts de médias sociaux d'une personne qui en a beaucoup et à prendre le contrôle de son compte, ils peuvent alors avoir une influence sur son entourage parce que l'information semblera plus crédible puisqu'elle proviendra d'une personne connue, c'est-à-dire un membre de la famille, un ami, ou autre. C'est pour cela que je dis qu'il faut que tout le monde, sans exception, revoie ses pratiques sécuritaires et les applique assidûment pour s'en sortir.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bordeleau, nous avons abordé la question du seuil au-delà duquel l'information sur les tentatives ingérences doit être rendue publique. Ce que nous en entendons nous donne l'impression que c'est quelque chose de binaire: soit ce seuil est franchi, soit il ne l'est pas.
    Est-ce qu'il ne pourrait pas plutôt y avoir une espèce de gradation, ou différents paliers? Par exemple, pour une attaque ou une ingérence plus limitée, nous fournirions une information un peu plus générique à la population. Par contre, s'il survient quelque chose de très concret et qui comporte un risque très élevé, nous donnerions à la population une information beaucoup plus précise sur le type d'ingérence en cause. Devrait-il y avoir différents paliers à ce seuil?
    C'est certainement une idée. Je crois qu'il y a certaines restrictions qui viennent avec un processus de gradation. Selon l'étude que j'ai mentionnée précédemment, si nous donnons de l'information qui n'est pas vérifiable ou claire, il est facile d'en fausser un peu l'esprit, de l'utiliser négativement et de s'en servir comme une arme contre les citoyens et pour miner leur confiance dans le système démocratique. Il faut donc faire attention à l'utilisation d'un système de gradation. L'utilisation d'un système binaire comporte certainement ses désavantages, en ce sens qu'il devient difficile de fixer un seuil qui est très clair et précis. Je crois par contre qu'une gradation est réalisable, et que c'est une direction qui devrait être envisagée.
(1905)
    Merci, monsieur Bordeleau. Je n'ai pas beaucoup de temps. Si je peux continuer cette discussion à la prochaine ronde, rappelez-vous cette question.
    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins. Si nous atteignons ce seuil, quel est le risque que la population se braque si on lui dit qu'elle est en train de se faire avoir? Cela pourrait-il accentuer la polarisation? Que peut-on faire pour atténuer ce risque?
    Comme je l'ai mentionné, la meilleure manière d'éliminer ce risque est de fournir de l'information claire. Il est toujours préférable que l'information sur l'ingérence étrangère soit transmise aux citoyens par les autorités responsables de la sécurité, plutôt que par l'intermédiaire de TikTok ou par M. Musk, sur Twitter. Lorsqu'il y a de l'information vérifiable et exploitable et que ce sont les autorités responsables de la sécurité qui la contrôlent et la communiquent, je crois qu'on diminue les risques.
    Merci.

[Traduction]

    C'est maintenant le tour de Mme Blaney.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins qui sont venus nous pour parler de cet enjeu, qui représente un défi incroyable. Nous avons entendu à maintes reprises dans les témoignages la rapidité avec laquelle les choses changent. C'est comme si on essayait de trouver des moyens de bloquer la mésinformation, d'empêcher toute ingérence, alors que la cible ne cesse de bouger.
    J'ai pensé poser une question à chacun d'entre vous.
     Je commencerai par vous, madame Grondin‑Robillard, et nous verrons pour le reste.
    Vous avez tous parlé, d'une manière ou d'une autre, d'éducation et de la façon d'informer et de tenir les Canadiens au courant de la situation. Nous savons que c'est un défi, car les gens n'assimilent pas tous l'information de la même manière. Je représente une circonscription plus rurale et éloignée, et il y a donc des parties de ma circonscription sans accès à Internet. Il y a aussi des parties de ma circonscription sans médias locaux qui peuvent vous informer et qui sont une source fiable. C'est une dynamique intéressante.
     Lorsque nous examinons la façon d'éduquer les Canadiens, quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner en ce qui concerne cette menace en constante évolution dans un pays immense où nous avons différentes manières de communiquer les uns avec les autres et avec les Canadiens?
     C'est une question toute simple.

[Français]

     Merci de cette très belle question.
    Là où mon opinion diffère de celle de mes collègues ici présents ce soir, c'est que je ne crois pas que la responsabilité d'être mieux éduqué revienne seulement au citoyen. C'est important, mais je pense que tout le monde doit mettre la main à la pâte.
    Depuis l'ingérence dans les élections présidentielles américaines de 2016, Facebook a mis en place une bibliothèque publicitaire, pour qu'on puisse consulter les archives, surtout quand il est question de dossiers politiques. Par exemple, on peut aller voir les publicités de partis politiques qui circulent présentement, ainsi que des pages d'élus sur Facebook et Instagram, deux réseaux qui appartiennent à la société Meta. C'est donc la bibliothèque de Meta.
    Quand on va voir les publicités, on se rend compte qu'il y a des élus ou des partis qui vont utiliser des codes qui peuvent ressembler à de la désinformation et à de la mésinformation. Ils vont mettre du contenu payant en ligne qui va circuler et qui va confirmer les opinions des citoyens ou les polariser davantage. Il y a donc du ménage et de l'éducation à faire, mais aussi du côté du gouvernement. C'est de là que devrait partir la stratégie, pour se rendre jusqu'aux citoyens, qui comprendraient mieux ainsi comment les médias sociaux fonctionnent en général et comment peuvent circuler la désinformation et la mésinformation.

[Traduction]

    La députée pose une excellente question.
    Je dois ajouter, comme Mme Grondin‑Robillard l'a dit, que oui, c'est un travail d'équipe. Le message doit être formulé au sommet, puis transmis au moyen du système d'éducation. L'éducation est une responsabilité provinciale, et nous le savons tous, mais je suis de ceux qui croient fermement en un programme qui sera ensuite préparé à l'échelle fédérale pour la citoyenneté de tous. Il pourrait alors être instauré dans toutes ces provinces à un coût d'intégration très faible et inséré dans les systèmes scolaires.
     Vous l'avez bien dit: dans les zones rurales, et je viens de l'une d'entre elles, la préoccupation n'est pas de passer 24 heures sur 24 et sept jours sur sept devant un téléviseur ou un autre appareil technologique. Parfois, dans les régions très isolées du pays, il faut compter plusieurs minutes, et je dis bien « minutes », pour que le consommateur obtienne l'information au moyen d'une liaison satellitaire descendante. J'en suis conscient. Par ailleurs, si l'information est intégrée dans les collectivités, peut-être pas par l'entremise des chefs religieux, mais en passant par les écoles, le système d'éducation, ce sera beaucoup plus utile pour la diffuser et la faire connaître à tout le monde. De la même manière que l'économie est enseignée, il faut aussi enseigner le système politique à tout le monde.
(1910)
    Je pense que c'est une excellente question. Je conviens avec les autres témoins qu'il ne s'agit pas seulement d'un effort de la part des citoyens, mais aussi d'un effort des gouvernements. L'un des moyens d'y parvenir est de renforcer la coopération entre les agences de sécurité, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, les partis politiques et les députés, ainsi que de comprendre le paysage des menaces et la manière dont l'information que vous consommez et que vous communiquez sera utilisée et consommée par les citoyens. Je pense qu'il est certainement possible d'organiser des séances d'information et de créer du matériel pédagogique afin de munir les partis politiques, les campagnes politiques et les députés de meilleurs outils et d'une meilleure trousse d'outils en général pour comprendre l'effet de l'information qu'ils communiqueront aux habitants de leurs circonscriptions.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à notre deuxième série de questions.

[Français]

Monsieur Berthold, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Waterhouse, mes questions s'adressent principalement à vous, mais si quelqu'un d'autre souhaite intervenir, qu'il me fasse signe.
    Vous avez témoigné devant le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine en 2021, où vous avez parlé de la menace du régime de Pékin. Pouvez-vous confirmer que la menace actuelle est complètement différente de celle qui planait sur nous il y a huit ou douze ans?
    Je vous remercie de la question et je vous dirais que la menace s'est amplifiée.
     Je fais référence aux stratégies tirées d'un livre publié en Chine en 1999 et dont le titre français est La Guerre hors limites. Ce livre mettait l'accent sur la façon dont la Chine devait se positionner, étant donné qu'elle était moins outillée sur les plans technologique et militaire que les Américains ou les pays occidentaux ayant de l'influence. On y suggérait aussi d'y aller tous azimuts, sans tenir compte de quelque réglementation qui soit, pour aller chercher l'information et établir des jalons partout dans le monde.
    De 1999 à aujourd'hui, on peut voir l'influence que la nation chinoise a eue en Afrique et en Amérique du Sud. Nécessairement, on en voit les ramifications, ici, au Canada.
    Diriez-vous que l'intelligence artificielle augmente de façon exponentielle la menace que des pays interviennent dans nos élections?
    L'utilisation de l'intelligence artificielle va certainement avoir un effet multiplicateur, mais, à ce stade-ci, cette technologie est au stade embryonnaire. L'utilisation de cette technologie va soulever le danger d'une génération de messages faux, mais qui auront une telle authenticité verbale et visuelle qu'il sera très difficile de distinguer le vrai du faux.
     Il y aurait peut-être lieu de considérer une manière d'authentifier la source du message pour confirmer sa provenance officielle. Le gouvernement du Canada le fait déjà avec l'utilisation d'une infrastructure à clé publique, dans laquelle le tampon d'un certificat électronique prouve l'authenticité du message. Il y a donc des moyens techniques qui pourraient aider.
(1915)
    Vous avez bien répondu à ma question.
    J'ai l'air un peu rude et je m'en excuse, mais j'ai beaucoup de questions à vous poser.
    Nous parlons beaucoup de l'influence étrangère. Nous présumons qu'elle est exercée à partir d'autres pays, mais nous constatons que de nombreux diplomates d'un certain régime communiste sont en poste au Canada. Si les agents étrangers agissent à partir du Canada et de leurs systèmes informatiques, est-il possible de les identifier comme des agents étrangers?
    Aucunement, parce que ce peut aussi être un agent qui opère à partir de son pays natal, mais qui fait semblant d'être présent en sol canadien ou américain. Ainsi, il pourrait être très difficile d'effectuer un géoblocage de la source de l'information si elle est dans un pays allié, mais que le message est faux. L'informatique complique donc la gestion de la source du message.
    Dans ses plans ministériels, Élections Canada annonce que l'organisme va de plus en plus recourir à l'infonuagique, notamment pour les listes d'électeurs et les bureaux de vote. Croyez-vous que le Canada est prêt? Est-ce une menace supplémentaire à l'étanchéité et à la protection de notre système démocratique?
    Pour valider le fait que l'utilisation de l'infonuagique respecte les normes du gouvernement du Canada, et ce, peu importe la compagnie retenue, Élections Canada a dû procéder à l'évaluation des menaces et des risques, avec l'assistance du Centre de la sécurité des télécommunications, qui est l'autorité technique au pays en matière de sécurité de l'information. Ayant été témoin des mesures de sécurité retenues dans chaque cas, je peux dire qu'on respecte le niveau de sécurité nécessaire, surtout pour ce qui est de la gestion des listes électorales.
    Une fois que l'information se retrouve dans le nuage, je considère qu'elle est sécuritaire. Par contre, la façon dont travaillent celles et ceux qui doivent la manipuler, çà, c'est une autre question.
    Supposons que 200 bureaux de vote vont avoir accès à ce nuage: le risque survient une fois que l'information sort du nuage et qu'elle est transmise à tous ces gens, n'est-ce pas?
    Le risque est plus élevé, oui. Souvenons-nous des bonnes années où les citoyens recevaient les listes électorales dans leurs boîtes à lettres. On ne pouvait pas faire grand-chose pour contrôler ce qu'ils faisaient de cette information, à l'époque. Aujourd'hui, bien des crimes, voire des fraudes, peuvent être commis grâce à ces informations, auxquelles on a accès plus facilement.
     Pourquoi doit-on se méfier davantage des applications qui sont détenues par des régimes hostiles?
    Les États-nations étrangers d'où proviennent certaines applications et qui en sont propriétaires peuvent s'en servir à plusieurs égards comme vecteur d'influence, notamment en utilisant des messages à leur avantage qu'ils dirigent vers toutes sortes de gens, allant jusqu'à cibler des diasporas très spécifiques. Par exemple, TikTok et Douyin en Chine génèrent de l'information éducative destinée à l'Amérique du Nord et à l'Occident en général, ainsi qu'au reste du monde.
    TikTok est utilisé à des fins de divertissement, ce qui fait que les gens ont cette information grâce au vecteur utilisé, soit des messages de 15 à 30 secondes. Les gens vont rester accrochés à ce média et rester éternellement avec l'application. Peu importe ce qui leur est servi, les gens vont consommer l'information, ce qui fait qu'ils n'évoluent pas. Un psychologue pourrait peut-être attester le point que je soulève. Il existe donc un danger qu'un message puisse servir à influencer négativement une personne.
    Merci monsieur Waterhouse.
    Monsieur Fergus, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Leurs témoignages étaient fascinants et je trouve qu'ils nous ont fourni beaucoup d'informations précieuses.
    Madame Grondin-Robillard et monsieur Bordeleau, c'est surtout à vous que je m'adresse, mais ne vous gênez pas pour mettre votre grain de sel, monsieur Waterhouse.
    Dans le cadre de vos études sur l'influence de la Russie dans les élections américaines de 2016, quelles leçons devrions-nous tirer de cette ingérence de l'époque dans les médias sociaux?
    Merci de la question.
    Selon moi, il y a beaucoup de leçons à en tirer en général. Dans le cadre de mon mémoire de maîtrise, j'ai surtout constaté à quel point le ménage n'avait pas été fait. Énormément de publications de l'Internet Research Agency, de la Russie, circulaient encore. Il restait donc encore des traces de cette ingérence, et du contenu visuel de ces publications était encore repris sur Instagram. Malgré le fait que les élections étaient terminées, c'était resté dans le discours. C'est encore le cas aujourd'hui, puisqu'on peut retrouver de ces arguments ou discussions quand on parle de politique américaine ou de dossiers.
(1920)
    Cette information a-t-elle toujours une influence sur les élections subséquentes?
    Elle influence la politique américaine, en général, puisqu'elle contient de la désinformation et de la mésinformation qui touchent directement notre façon de percevoir, entre autres, Trump, l'armée américaine ou certains droits comme l'avortement. Le ménage n'a donc pas été fait. Il aurait dû être fait par la société Meta, mais cela n'a pas été le cas.
    Monsieur Bordeleau, pouvez-vous donner brièvement votre point de vue là-dessus?
    Selon moi, il s'agit d'une leçon sur le contrôle et la politisation de l'information en lien avec l'ingérence étrangère.
    C'était la première fois que de l'information sur de l'ingérence étrangère dans le processus électoral américain était vraiment mise en évidence dans la sphère publique. Cependant, cette information a été utilisée à des fins politiques à l'intérieur même du pays. Le dommage a donc été double, une première fois à cause de l'ingérence de la Russie et la seconde à cause des acteurs politiques américains eux-mêmes, qui ont utilisé cette information sur l'ingérence étrangère comme une arme politique, en s'attaquant à la confiance des citoyens dans le processus démocratique.
    Ce que vous dites est très intéressant. Est-ce que cela se passe actuellement au Canada?
    Depuis novembre, je dirais que c'est le cas.
    Madame Grondin-Robillard, quelle est votre opinion à ce sujet?
    Je vais me ranger du côté de mon collègue. Je n'ai pas de réponse exacte à vous donner à ce sujet.
    Monsieur Waterhouse, vous avez beaucoup d'expérience de l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Quels sont vos commentaires sur les constatations de vos collègues qui témoignent au Comité?
     Les agences qui gèrent la gestion des élections demeurent indépendantes. Elles ont accès à beaucoup d'information, qu'elles peuvent obtenir auprès de l'autorité technique en place, voire des agences de renseignement. Toutefois, elles diffusent très peu d'information, dans l'ensemble. Il est donc très difficile de contre-valider l'information et de juger si elle est véridique ou pas, ou encore de déterminer s'il y a eu amélioration ou non.
    Par contre, selon ce que nous pouvons constater chez nos alliés dans le monde et en ce qui concerne toutes les élections que nous pouvons voir sur la planète, il y a cette omniprésence d'une influence indue provenant d'acteurs à l'interne. Ces derniers ne se gêneront pas pour continuer de faire ce qu'ils font pour favoriser leurs intérêts.
    Il me reste seulement 40 secondes. Je vous demanderais donc de répondre brièvement à ma prochaine question.
    Les institutions que le Canada a créées et les outils dont le pays dispose sont-ils adéquats? Sinon, de quelles autres armes devrions-nous nous munir ?
    Pour l'instant, je dirais que les outils ne sont pas adéquats. Nous avons toutefois fait un pas dans la bonne direction, surtout grâce à la Loi sur la modernisation des élections.
    Cependant, comme je le dis souvent, il y a des lacunes en ce qui concerne la coopération entre les agences. Présentement, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections réunit quatre organisations travaillant en partenariat. Son équivalent en Australie réunit plus de dix ministères et organisations gouvernementales. Au Canada, présentement, il n'y a aucun expert financier dans le groupe de travail ou dans le cercle de coopération en matière d'intégrité électorale, ce qui est certainement une faiblesse.
    Madame la présidente, je veux juste noter que M. Waterhouse a hoché la tête. Il n'a pas eu la chance de répondre, mais je pense qu'il est d'accord avec ce que M. Bordeleau a dit.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Madame Normandin, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Messieurs, j'aimerais avoir vos commentaires sur le risque de voir la population se braquer si une alerte à propos d'une activité d'ingérence est lancée publiquement par une source qui n'est pas nécessairement considérée comme crédible, par exemple un organisme partisan. Pouvez-vous nous parler de ce danger?
    J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez de l'idée que M. Michel Juneau‑Katsuya a apportée au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, soit de créer un genre de bureau d'enquête indépendant permanent sur l'ingérence étrangère qui, un peu comme le Bureau du vérificateur général, devrait faire rapport à la Chambre et qui serait non partisan.
    Éventuellement, cet organe pourrait-il être celui qui serve à alerter la population lorsqu'il y a de l'ingérence, afin de donner une impression de neutralité et d'absence de partisanerie? Cela pourrait-il faire en sorte de renforcer la confiance dans cet outil?
(1925)
    La suggestion d'avoir un gage de transparence et d'indépendance en créant un tel organisme est bonne. Il faudra vérifier si ce dernier doit être complètement indépendant et distinct d'Élections Canada.
    Il ne faut pas multiplier le nombre de voix qui donnent une réponse à la population qui s'inquiète. En revanche, avoir un gage qui soit parallèle et complètement indépendant de quelque influence que ce soit du processus judiciaire, pour prouver qu'il y a eu quelque ingérence que ce soit, serait certainement le bienvenu.
    Cependant, il faut garder en tête la question suivante: qui va être mandaté pour accomplir ce genre de travail? Évidemment, il va falloir que la personne soit absolument apolitique quant à tout cela.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Je dirais que dans un monde idéal, ce serait une sorte de vérificateur général ou vérificatrice générale qui travaillerait avec des analystes de différentes organisations fédérales, notamment le Service canadien du renseignement de sécurité, le Centre de la sécurité des télécommunications et Élections Canada. Avec l'aide d'analystes de ces différentes organisations, la personne serait capable de juger de manière plus adéquate, selon moi, quelle information doit être divulguée et comment elle doit l'être.
    Serait-ce alors une bonne idée que cette entité fasse rapport à la Chambre des communes plutôt qu'au gouvernement?
    Ce serait tout à fait une bonne idée, comme c'est le cas pour le directeur général des élections du Canada, qui fait rapport à la Chambre des communes. Ce serait dans le même style.
    Excellent, merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Blaney, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je m'adresse d'abord à vous, monsieur Bordeleau. Je pense que l'un des défis est le suivant: comment informer les Canadiens? Comment faire en sorte que l'information soit claire? Comment ne pas perturber la sécurité nationale afin que nous puissions toujours obtenir l'information dont nous avons légitimement besoin?
     J'entends bien ce que vous dites, à savoir que cela doit se faire en toute indépendance. Vous avez mentionné dans votre déclaration que nous avons besoin d'une réponse législative à cet égard. Je ne m'attends pas à ce que vous rédigiez le projet de loi sur‑le‑champ devant nous, même si cela serait très utile, mais quels éléments clés devons-nous inclure dans ce projet de loi? Je sais que d'autres pays font ce travail.
     Quels éléments clés aideront les Canadiens à avoir confiance dans le système tout en protégeant notre capacité à collecter de l'information afin de protéger la dignité de notre démocratie?
    C'est une excellente question.
     Différentes techniques sont disponibles. L'ingérence étrangère provient d'une vaste gamme de domaines différents. Elle vient de la finance, de l'information, dont nous avons déjà parlé, et de plein d'autres techniques potentielles. C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit de savoir quelle information doit être mise à la disposition du public, je ne pense pas pouvoir vider la question. Je pense que seuls les experts des techniques et des domaines concernés seraient en mesure de le faire.
     En ce qui concerne l'information, dont je peux parler, je dirai ceci et je l'ai déjà dit: il faut que ce soit clair. Dans le cas de l'Australie, par exemple, lorsqu'elle rend publique de l'information concernant l'ingérence étrangère dans les élections, on parle très précisément des enquêtes qui ont été menées à terme et non de celles qui sont en cours. Dans le cas présent, nous disons que cela ne va pas compromettre la sécurité nationale parce qu'il s'agit d'enquêtes qui ont été menées à terme.
    L'information est aussi très claire et montre que X a fait Y dans le but de réaliser Z. L'information et les objectifs de l'agent sont décrits très clairement. C'est la meilleure façon d'aborder le sujet.
    Il me reste peu de temps.
    Vous avez parlé de la possibilité que, sur ce site, plusieurs personnes approuvent l'information. Nous venons aussi de parler d'une section indépendante qui pourrait communiquer l'information.
    Je ne sais pas très bien quelle option serait la plus judicieuse.
    Il s'agit d'un groupe de travail indépendant, mais ses membres proviennent d'une grande variété de champs de compétence et de ministères, comme le ministère des Finances en Australie, le Conseil du Trésor et les services de sécurité. Il s'agit d'une vaste brochette de personnes qui possèdent une vaste gamme de compétences.
(1930)
    Je vous remercie.
    Étant donné que vous possédez une telle mine d'information, je vais suggérer que vous pourriez faire parvenir une réponse détaillée à la greffière que nous pourrions faire circuler. Nous aurons ainsi tous les détails. Merci beaucoup.
    C'est maintenant le tour de M. Nater pour deux minutes, suivi de Mme Sahota, avant que nous levions la séance.
    Merci, madame la présidente.
    Par votre entremise, je remercie nos témoins de s'être joints à nous.
    La conversation a été fructueuse. Honnêtement, j'aurais aimé passer un peu plus de temps avec ces témoins, mais c'est toujours le défi de ce genre de réunions.
    J'aimerais commencer par M. Bordeleau et revenir sur ses connaissances afin de comparer les pays du Groupe des cinq. L'idée d'un registre de l'influence étrangère a été évoquée. Ici, au Canada, des consultations sont en cours. Plus tôt dans la journée, un sénateur nommé par les libéraux a envoyé une lettre ouverte contenant des observations très intéressantes, honnêtement, pour s'opposer à un tel registre. De toute évidence, il a été suggéré qu'un tel registre devrait exister au Canada. L'un de nos anciens collègues est allé jusqu'à déposer un projet de loi à ce sujet.
    D'après votre expérience auprès de nos collègues du Groupe des cinq, quelle est l'importance d'un tel registre? Pourquoi certains de nos homologues étrangers se sont-ils engagés dans cette voie? Quels sont les avantages pour le Canada tandis que nous amorçons ces consultations?
    C'est une excellente question.
    Pour ne pas perdre de temps, je serai très bref en disant que je ne suis pas un expert des registres d'agents étrangers. J'ai fait un peu de recherches sur le sujet, mais je pense que les rapports qui découleront de ces consultations, auxquelles je participe, expliqueront beaucoup mieux ce qui devrait et ne devrait pas être fait en la matière.
    Cependant, je pense qu'il est judicieux que nous envisagions cette option, si je puis me permettre.
    Je comprends et je suis impatient de prendre connaissance de toute l'information qui en découlera.
    En réponse à l'une de nos questions, vous avez évoqué l'idée d'une « transparence contrôlée ». Quelles sont les garanties que vous souhaiteriez voir mises en place pour préserver une partie de cette transparence contrôlée?
    Pourriez-vous clarifier la question?
    Vous avez expliqué que chez certains de nos homologues internationaux, l'information est divulguée avec une transparence contrôlée. Certains contrôles sont exercés sur ce qui est divulgué et sur le mode de divulgation. Vous avez dit qu'il s'agissait d'information qui n'était pas tout à fait vérifiable.
    J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de précisions sur les garanties qui devraient être mises en place lorsque cette information est divulguée.
    Tout d'abord, l'information doit être claire, bien sûr. Elle ne doit pas porter atteinte à la sécurité nationale, comme on l'a dit. Je pense qu'elle doit aussi provenir d'une source solide, fiable et indépendante qui n'est pas affiliée et qui ne relèverait pas éventuellement de la Chambre des communes. Ce serait une situation idéale, sans aucun doute.
     Il serait bénéfique que cette organisation ou ce groupe indépendant ait un seuil clair sur ce qui est rendu public à la Chambre des communes.
    Je vous remercie.
    Madame Sahota, vous disposez de deux minutes et 45 secondes.
    Je vous remercie.
     Dans le même ordre d'idées, vous et d'autres témoins qui ont comparu devant nous recommandez fortement le modèle australien, mais les réactions que nous avons lues dans certains articles ne sont pas toutes positives. Nous voulons nous assurer de tirer aussi des leçons de l'expérience australienne.
     Dans un article sur le registre des agents étrangers de l'Australie publié le mois dernier, on souligne que l'Institut Confucius présent dans 13 collèges n'a pas été inclus dans le registre, alors que le Régime de pensions du Canada y figure. On peut lire dans l'article que l'avocat Daniel Ward, qui était conseiller principal auprès de deux anciens premiers ministres australiens dans le cadre de l'initiative, est d'avis qu'une loi « agnostique » qui s'applique tout autant à des démocraties comme le Canada qu'à des autocraties comme la Russie, sans compter son application laxiste, a rendu le système essentiellement inefficace.
     Avez-vous des commentaires sur le registre australien? Quelles leçons pouvons-nous en tirer?
     J'aurai une question complémentaire à poser.
    Je veux être clair. Il y a une différence entre le régime de transparence de l'Australie et son registre des agents étrangers. Je veux simplement le préciser, parce que j'ai parlé des deux. Je tiens à m'assurer que vous parlez bien du registre.
     Je pense qu'il y a certainement eu des échecs et des faiblesses dans le registre australien, comme vous l'avez dit, ainsi que pour ce qui est d'empêcher les organisations internationales de travailler en Australie en raison de leurs activités dans d'autres pays comme la Chine.
     Je pense qu'il faut prendre en compte ces points négatifs lorsqu'on envisage de créer un registre au Canada, c'est certain. Il n'y a pas que du positif.
(1935)
    J'ai une autre question brève. Dans le prolongement d'une question que j'ai posée à propos de notre écosystème médiatique, le gouvernement a pris des mesures, comme la loi sur les nouvelles en ligne, entre autres, pour essayer de faire en sorte que les Canadiens ont accès à des radiodiffuseurs publics ainsi qu'à d'autres organes de presse.
     Pensez-vous que les fermetures auxquelles nous assistons à l'échelle mondiale contribuent à l'augmentation de la désinformation et de la mésinformation? Le gouvernement devrait‑il en faire plus pour protéger nos sources médiatiques?

[Français]

    Est-ce que vous pouvez clarifier la question?

[Traduction]

    Le gouvernement devrait‑il s'en mêler — tout comme vous dites que le gouvernement devrait avoir un site Web, pour clarifier — ou devrait‑il s'agir d'une agence indépendante?
    Nous avons créé de telles entités, mais on leur reproche souvent d'être des sources d'information financées par le gouvernement ou d'être soutenues par l'État. L'indépendance de l'organe de presse est alors automatiquement remise en question.
     De même, on remet aussi en question la nomination de M. David Johnston, dont la probité est irréprochable, en tant que rapporteur spécial chargé de cette nouvelle tâche.
    Comment le gouvernement peut‑il mettre en place ces solutions? Il est évident que le gouvernement paierait ces organes pour qu'ils gèrent un tel système. Comment pouvons-nous le faire tout en préservant l'intégrité et l'indépendance de ces personnes, de ces systèmes et de ces journalistes?

[Français]

    Je pense que l'important, c'est de rester transparent. Aussi, quand il y a des reproches ou des critiques, comme cela a été le cas dernièrement au sujet de la CBC, il serait peut-être bon de rappeler aux gens les autres fonds qui existent et les façons dont on finance les autres chaînes au pays. Il pourrait être utile de rappeler le rôle que joue le CRTC dans la distribution des fonds. Cela pourrait rappeler à certaines entités comment fonctionne le financement de certaines chaînes.
    Finalement, être plus transparent et donner plus d'information sur le processus serait un bon départ.
    Je vous remercie tous beaucoup de vos commentaires.
    Si vous avez d'autres choses à...

[Traduction]

    M. Bordeleau voulait intervenir, mais puisque le temps est écoulé, comme vous me l'avez signalé, pourrait‑il répondre à cette question par écrit?
    C'est ce que j'allais dire, madame la présidente.
    Fait intéressant, c'est ce que j'allais dire, mais qui suis‑je?
     Je fais la même chose à la fin de la discussion avec chaque groupe de témoins. Je suis consciente que c'est notre première réunion sur l'ingérence étrangère dans les élections, donc les gens ne le savent peut-être pas. Si vous avez quelque chose à ajouter à vos observations ou si d'autres points vous viennent à l'esprit au cours de la soirée, veuillez les faire parvenir à la greffière qui veillera à les distribuer à tous les membres.
     Sur ce, la conversation a été très instructive. Nous vous sommes vraiment reconnaissants du travail que vous faites et du temps que vous nous avez consacré. Cela compte vraiment beaucoup pour notre comité. Au nom de tous les membres du comité de la procédure, je vous remercie et vous souhaite une bonne soirée.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes. Nous devons faire une vérification du son pour l'un de nos témoins qui sera en ligne, et nous avons un témoin en personne. Nous suspendons la séance pendant deux minutes, puis nous poursuivrons.
    Je vous remercie.
(1935)

(1940)
     Bonsoir à tous. Nous allons poursuivre la discussion avec notre prochain groupe de témoins.
    Nous accueillons Mme Sophie Marineau, doctorante en relations internationales, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons aussi Mme Lori Turnbull, professeure agrégée et directrice de l'école d'administration publique à l'Université Dalhousie.
     Je voudrais vous remercier toutes les deux d'être présentes ce soir.
     Vous disposerez chacune de quatre minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.

[Français]

     Nous allons commencer par vous, madame Marineau. Soyez la bienvenue.
    Je m'appelle Sophie Marineau, je suis doctorante en histoire des relations internationales à l'Université catholique de Louvain, en Belgique, et je me spécialise dans la politique étrangère russe. Dans les dernières années, mes travaux ont principalement porté sur l'utilisation de la désinformation comme outil de politique étrangère, plus particulièrement à l'occasion des élections américaines de 2016 et de 2020. J'ai aussi beaucoup travaillé sur la guerre en Ukraine et sur l'efficacité des sanctions occidentales.
    L'étude de l'ingérence russe dans les élections américaines est particulièrement pertinente, dans la mesure où il ne faut pas voir l'ingérence au Canada comme un phénomène isolé, mais bien dans une perspective plus globale. L'ingérence russe dans les dernières élections américaines a été d'une telle importance, notamment par l'entremise des réseaux sociaux, que les plateformes comme Google, Facebook, Twitter et Reddit ont dû rendre des comptes et expliquer comment les Russes s'étaient infiltrés dans leurs plateformes pour y mener des campagnes de désinformation massives et miner la confiance des Américains envers leur système électoral et leurs institutions gouvernementales. Dans les rapports produits par Twitter et Facebook, notamment, les méthodes employées et leurs résultats sont suffisamment détaillés pour devenir une méthode ou une marche à suivre pour d'autres acteurs, potentiellement la Chine, qui pourraient s'en servir envers le Canada.
    Aux États‑Unis, les enquêtes ont révélé que les campagnes de désinformation et les attaques ne s'étaient pas limitées aux médias sociaux et qu'elles avaient également entraîné de la violence dans la vie réelle. Le FBI a été en mesure de démontrer qu'il y avait eu ingérence dans l'organisation du rallye de Charlottesville, en 2017, où s'étaient opposés des partisans de la droite alternative et du mouvement Black Lives Matter, ce qui s'était soldé par trois morts et près d'une cinquantaine de blessés.
    Parallèlement, des Russes ont aussi été reliés à l'organisation d'un rassemblement à Houston, au Texas, où se sont retrouvés au même endroit et au même moment des adeptes du mouvement nationaliste Heart of Texas et des adeptes du mouvement United Muslims of America. Encore une fois, cela a mené à des incidents violents.
     Selon l'approche actuelle de la Russie, la désinformation et l'ingérence poursuivent plusieurs objectifs en parallèle, notamment semer le chaos, miner la confiance des Américains en leur système électoral et en leurs institutions et, finalement, essayer d'influencer l'élection afin que le parti au pouvoir soit plus sympathique à la Russie.
    L'ingérence étrangère sous toutes ses formes a souvent pour effet de brouiller les lignes traditionnelles d'un conflit ou d'une attaque par un autre pays, ce qui rend la lutte contre le phénomène de l'ingérence d'autant plus compliquée.
    Comme nous avons pu le constater aux États‑Unis, le travail du gouvernement, à lui seul, n'est pas suffisant pour enrayer le phénomène. Le gouvernement ne peut être le seul rempart nous protégeant contre ces attaques tous azimuts. L'ingérence doit être exposée. Les plateformes médiatiques, les réseaux sociaux, les institutions, les partis politiques et le grand public doivent être sensibilisés à ces phénomènes, et c'est par un effort collectif que le Canada sera le plus apte à se protéger de l'ingérence étrangère.
    Merci.
(1945)
    Merci à vous.
    C'est maintenant à vous, madame Turnbull. Soyez la bienvenue.

[Traduction]

     Merci beaucoup de m'avoir invitée. Je vais me contenter de faire quelques observations préliminaires.
     La question de l'ingérence étrangère dans les élections a pris de l'importance dans la politique canadienne ces derniers temps, surtout à cause des préoccupations concernant la possibilité d'une telle ingérence dans certaines circonscriptions lors des élections de 2019 et 2021. De plus, les fuites récentes de renseignements classifiés dénonçant l'inaction face à la menace d'ingérence étrangère ont contribué à créer un sentiment d'urgence sur cette question.
     Nous savons tous que l'ingérence étrangère dans les élections n'est pas un phénomène nouveau. Cela dit, elle prend de nouvelles formes, car les acteurs étrangers ont une capacité d'ingérence accrue, surtout en raison de l'utilisation des technologies numériques et des médias sociaux.
     Selon une publication du gouvernement du Canada intitulée « Menaces d'ingérence étrangère visant les processus démocratiques du Canada », l'ingérence étrangère « comprend les tentatives de secrètement influencer, intimider, manipuler, interférer, corrompre et discréditer des personnes, des organismes ou des gouvernements pour favoriser les intérêts d’un État étranger ». Autrement dit, l'ingérence étrangère se résume à des tentatives d'influer clandestinement sur des décisions et des résultats politiques.
    D'autres témoins beaucoup plus qualifiés vous ont parlé de la nature et des caractéristiques propres aux menaces étrangères. Je suis politologue et j'étudie les parlements, les élections, les attitudes et les comportements politiques, ainsi que les institutions publiques et politiques en général. Mes commentaires porteront donc sur la santé de la démocratie au Canada et sur notre capacité, ou notre manque de capacité, à repousser les menaces, qu'elles soient intérieures ou étrangères.
     Je commencerai par un point évident, dont je n'ai pas besoin de vous convaincre: les élections sont importantes, vraiment importantes. Ce sont les principaux mécanismes par lesquels, en tant que pays souverain, nous décidons pour nous-mêmes. La légitimité des gouvernements et de leurs décisions repose sur l'équité, réelle et perçue, des processus électoraux. En tant que députés élus, vous n'avez pas besoin que je vous l'explique, mais je soulève ce point parce que nous devons garder à l'esprit que toute menace à la perception ou à la réalité de la saine administration des élections, que cette menace provienne d'une source étrangère ou intérieure, mine notre capacité à décider pour nous-mêmes. Nous ne pouvons pas prendre cette question à la légère.
     Le rapport que j'ai cité qualifie nos institutions démocratiques et notre système électoral de « solides ». Malheureusement, je pense qu'il faut nuancer cette affirmation. Je ne veux pas exagérer les problèmes. Nous avons de quoi être fiers, notamment d'une longue tradition d'élections libres et équitables gérées par des bureaux électoraux indépendants au Canada, dans les provinces et territoires. Nous pouvons citer de nombreux exemples de la manière dont les gouvernements sont tenus de rendre des comptes de manière concrète et sont soumis à des règlements et à des processus politiques basés sur la transparence, y compris la récente enquête sur le recours à la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement fédéral. À cette occasion, le premier ministre du Canada et les personnes les plus puissantes qui l'entourent ont dû rendre des comptes et répondre à des questions en public, un exercice impossible en l'absence de valeurs et d'institutions démocratiques.
     Cela dit, notre démocratie a besoin d'une bouffée d'oxygène. Nous devons examiner attentivement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le taux de participation aux élections est un indicateur frappant de la faiblesse de notre démocratie électorale. Seuls 43,5 % des électeurs ont participé aux dernières élections provinciales en Ontario. Avec un taux de participation aussi faible, la menace relative d'une ingérence étrangère est plus grande. Notre démocratie perd de plus en plus le centre de gravité qui ne vient qu'avec une participation et un engagement généralisés. Sans ce facteur stabilisateur, nous sommes moins à même de repousser les menaces et les tentatives de tromperie et d'intimidation.
    Il est choquant de constater combien de Canadiens se sentent politiquement orphelins. Dans une démocratie qui fonctionne, cela ne devrait pas arriver. Les démocraties sont censées fonctionner comme des marchés. Les politiciens et les partis ont une motivation à donner aux gens ce qu'ils veulent. Lorsque la plupart des gens se désintéressent et ne s'engagent pas, ceux qui vendent des produits politiques ont une motivation à jouer sur les marges et à courtiser des opinions qui ne survivraient pas dans un marché politique robuste, mais qui sont fermement défendues par un petit nombre de personnes motivées. C'est une démocratie mal en point.
     Nous avons besoin d'un processus efficace de filtrage des idées. Cela ne peut se faire qu'avec la participation d'une forte majorité de personnes. Ne vous méprenez pas. Je ne prône pas la tyrannie de la majorité qui peut avoir et qui a eu des résultats désastreux. Toutefois, les démocraties ne peuvent supporter qu'un certain degré d'apathie avant de cesser de fonctionner, et je pense que nous en sommes là.
     Je vous remercie.
    Merci.
     Nous allons commencer notre premier tour de six minutes en cédant la parole à M. Cooper, suivi de M. Turnbull.
(1950)

[Français]

    Ce sera ensuite au tour de Mme Normandin, qui sera suivie par Mme Blaney.

[Traduction]

     Je demande à tous les intervenants de se rappeler que nous avons deux langues officielles. Si nous pouvions tous faire attention à la vitesse à laquelle nous nous exprimons, ce serait excellent.
     Allez‑y, monsieur Cooper.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Merci aux témoins.
     Je vais adresser mes questions à Mme Turnbull.
     Bien que l'ingérence de Pékin dans les élections de 2019 et de 2021 ait beaucoup retenu l'attention dernièrement, lors des élections de 2015, il y a également eu de l'ingérence étrangère et des fonds de l'étranger qui ont été versés à des organisations tierces qui étaient inscrites.
    Par exemple, en 2017, j'ai écrit au commissaire d'Élections Canada pour lui soumettre une plainte dans laquelle j'avais signalé qu'un total de 693 023,50 $ avait été transféré de la Tides Foundation, basée en Californie, à huit groupes tiers différents: le Conseil des Canadiens, la Dogwood Initiative, Écologie Ottawa, Équiterre, Greenpeace Canada, Toronto350, la West Coast Environmental Law Association et la West Coast Environmental Law Research Foundation. Aucun de ces huit groupes tiers n'a déclaré ces entrées de fonds. Ils ont pourtant dépensé en tout 317 426,80 $ lors des élections de 2015.
    En bref, dans sa réponse, Élections Canada a déclaré ne pouvoir rien faire en raison de certaines échappatoires qui existaient dans le cadre législatif à l'époque. Le gouvernement a pris l'initiative de modifier la Loi électorale du Canada en proposant des modifications vraiment importantes dans le projet de loi C‑76. Je sais que vous avez comparu, ici même je pense, pour discuter du projet de loi C‑76.
     Dans une section de son rapport sur les 43e et 44e élections, le directeur général des élections traite de certains problèmes liés aux tierces parties, et il souligne que certaines échappatoires demeurent, dont au moins deux.
     L'une d'elles tient à la fusion. C'était un enjeu lorsque j'ai déposé ma plainte en 2017, du fait que les fonds donnés à un tiers, même s'ils proviennent d'une source étrangère, peuvent être traités comme étant fondus et faisant partie des recettes générales du tiers. Une deuxième échappatoire tient au fait qu'un tiers peut accepter des contributions d'une autre entité et déclarer avoir reçu ces fonds de cette entité, même s'ils peuvent provenir d'une autre source.
     C'est un long préambule, mais je pense qu'il est important de situer un peu le contexte en ce qui concerne les échappatoires ou les lacunes qui existent dans la Loi électorale du Canada.
     Je sais que vous avez étudié la Loi et que vous avez comparu comme témoin. Avez-vous des recommandations sur la façon dont nous pouvons renforcer la Loi électorale du Canada afin de juguler le flux de fonds de l'étranger?
    Merci pour cette question.
    Je crois que la question des tiers est particulièrement complexe dans la mesure où ces organismes ont en règle générale plusieurs objectifs. Cela leur permet d'obtenir du financement de particuliers et d'organismes de différents horizons, dépendant de leur objectif principal.
    Quand il y a un changement durant une campagne électorale et qu'ils s'associent au processus électoral, je crois que le problème de fusion auquel vous avez fait allusion est le plus important. S'ils ont une source de revenu général et qu'il y a un transfert aux dépenses électorales, comment peut‑on se concentrer sur les activités d'un tiers, les fonds et le type de fonds affectés aux activités électorales, et qui, ce faisant, ne sont pas affectés à l'objectif principal de l'organisme? C'est quelque chose de très courant. En même temps, je ne crois pas que vous tenez à une vérification trop pointilleuse, qui empêcherait les organismes de mener leurs activités et les découragerait de continuer.
    À mon avis, c'est important de faire de la sensibilisation. Il faut parler de conformité avec les organismes tiers. Il faut s'assurer qu'ils connaissent les règles et les exigences qui en découlent. Au‑delà de cela, comme je l'ai dit, c'est difficile, si on regarde certains organismes tiers qui ne sont pas du tout… Des organismes tiers sont avant tout des entités politiques, et n'ont pas vraiment d'autre objectif.
    J'ai l'impression parfois qu'on s'intéresse peu aux activités de ces organismes, et cela m'inquiète. À certains endroits, dont l'Ontario, des causes portées devant les tribunaux peuvent mener à l'abolition des règles concernant les tiers ou à des règles du jeu inéquitables. Les conséquences pourraient être très graves et je pense que les règles actuelles doivent rester en place.
    Nous sommes en perpétuel rattrapage, comme je l'ai mentionné. Il y a toujours du mouvement, et les lois et les règlements sont toujours un peu décalés pour ce qui concerne la conformité. Les contributions en nature posent un autre défi parce qu'elles sont beaucoup plus difficiles à retracer que les contributions en argent.
(1955)
    Je déduis de votre réponse que vous n'avez pas de modification législative à nous suggérer concernant le problème de fusion. Est‑ce que je me trompe? Avez-vous quelque chose à proposer?
    On parle de dépenses de 317 000 $, et de près de 700 000 $ versés à huit groupes seulement… Il y avait d'autres groupes, mais ces huit groupes ont reçu de l'argent directement de la fondation Tides. Les versements ont tous été faits en 2015, dans les mois qui ont précédé les élections de 2015. Chacun de ces organismes a eu, à des degrés divers, un rôle assez actif et des prises de position durant la campagne de 2015.
    Cela se passait en 2015. Les règles ont changé depuis.
    Oui, mais le problème était quand même… L'échappatoire liée au problème de fusion existe toujours.
    À part l'obligation de transparence, je ne vois pas ce qui pourrait être fait. On pourrait dissuader les tiers de participer au débat politique en multipliant les obstacles, mais je ne crois pas que ce serait préférable.
    Merci.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Turnbull, madame Marineau, merci d'être ici aujourd'hui. Vos témoignages sont très intéressants.
    Madame Turnbull, je crois que je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit en introduction, mais j'ai été un peu surpris par votre dernière déclaration et votre remarque sur l'apathie qui semble régner actuellement. Vous ne semblez pas très enthousiaste sur l'état des choses.
    Le Comité a fait beaucoup de travail dans ce dossier, et c'est évident que notre gouvernement a fait beaucoup de progrès dans la lutte contre les menaces changeantes. On peut toujours en faire davantage, et je crois pouvoir dire que tous les membres de ce comité ont la volonté légitime et sincère de prendre très au sérieux toutes les menaces à la démocratie. C'est aussi ce qui ressort de votre déclaration liminaire, je crois, et c'est un sentiment que je partage.
    Le ton des délibérations du Comité et du débat général sur ce sujet en général a été parfois très passionné, et je sais que vous avez émis des commentaires concernant certains propos du chef de l'opposition. Je crois que vous avez parlé de rhétorique survoltée et d'allégations infondées.
    Puis‑je vous demander de nous en dire un peu plus à ce sujet? Je crois vraiment que le temps est venu de revenir à un ton plus posé et de recentrer le débat sur les mesures à prendre pour améliorer notre démocratie. Êtes-vous d'accord?
    Je suis d'accord. C'est très important.
    Un processus est en cours et nous attendons les recommandations de M. Johnston sur les manières d'aborder la situation, qui pourraient comprendre une enquête publique. Je serais très déçue s'il ne recommande pas la tenue d'une vaste enquête publique, qui ira au‑delà de l'ingérence étrangère. À mon avis, les problèmes d'ingérence étrangère ne devraient pas être abordés dans le cadre d'une mission d'enquête parce que certaines choses ne peuvent pas être dites en public. Actuellement, ce dont nous avons besoin, c'est d'un débat beaucoup plus large qui viserait à évaluer l'état de santé de la démocratie à partir de divers indicateurs.
    Pour répondre rapidement à votre question, je pense que nous pourrions avoir une réflexion sur la pertinence de rétablir les subventions en fonction des votes pour assurer un financement stable aux partis politiques d'année en année. Est‑ce que cela leur assurerait une réelle stabilité? Est‑ce que la rhétorique survoltée est le résultat de la trop forte dépendance des partis aux dons de particuliers? Cet exercice permettrait peut-être de calmer le débat, comme vous l'avez suggéré.
    Est‑ce que ce serait une bonne idée d'abaisser l'âge de voter et de reconnaître qu'une personne de 16 ans est tout à fait en mesure de prendre ce genre de décision et de participer au débat sur des thèmes qui nous touchent tous? Sommes-nous prêts à admettre que l'inclusion dans le débat et l'instauration d'un programme solide d'éducation civique à l'échelle du pays pourraient contribuer à un changement de ton? Ce que je peux dire, c'est que nous nous sentons plus responsables quand nous échangeons avec des adolescents et des jeunes. Nous sommes moins méchants, du moins je l'espère, et ce peut être très positif.
    Je crois qu'il faut débattre de thèmes comme les moyens de recruter et de retenir des titulaires de charge publique, et faire en sorte de rendre l'expérience beaucoup moins éprouvante pour bien des gens. Nous devons parler des réflexes d'autodéfense en matière civique, de la nécessité d'apprendre à faire la différence entre la vérité et le mensonge, peu importe qui prend la parole.
    Quand ces compétences sont favorisées, il n'est plus nécessaire de dire que les discours polarisants seront interdits. Ce n'est pas ce qu'il faut faire. Il faut faire des changements ailleurs pour que ce genre de discours soit moins payant et donc beaucoup moins courant.
(2000)
    Ce sont des idées très intéressantes. Merci de nous avoir fait part de vos sentiments et de vos points de vue.
    Après avoir entendu les témoins du groupe précédent, qui étaient tous très intéressants — je sais que vous étiez présente dans la salle et que vous les avez entendus également —, je suis frappé de constater à quel point les outils que nous utilisons pour consommer de l'information ont profondément changé notre démocratie. Nous ne consommons pas l'information au compte-gouttes. Nous sommes littéralement submergés, de façon continue, et c'est intéressant de voir comment ce flux incessant a changé le discours.
    C'est troublant de penser, et beaucoup de témoins nous l'ont rappelé, que nous sommes incapables de départager le vrai du faux dans le contenu publié en ligne. La manière dont nous consommons cette information…
    Avez-vous des suggestions sur ce qui pourrait être fait pour changer cela? J'ai l'impression que c'est un aspect clé d'une menace contre laquelle nous cherchons toujours des solutions et dont nous avons entendu parler en lien avec la Loi sur le SCRS.
    Avez-vous des idées à partager avec nous à ce sujet?
    Essayer d'établir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas… On pourrait penser que c'est facile. On pourrait penser que nous serions tous d'accord sur la différence entre la vérité et le mensonge, mais ce n'est plus le cas. Pour ma part, j'accorde beaucoup de valeur à l'éducation, mais il n'y a pas de solution facile. C'est quelque chose qui prendra du temps à corriger.
    C'est très important à mon avis de trouver des moyens d'augmenter le taux de participation aux élections et de renforcer l'engagement politique en général. Quand si peu de gens s'engagent… Beaucoup trop de gens se considèrent comme des orphelins politiques. Ils veulent aller voter. Ils veulent s'engager. Ils ont beau chercher, personne ne semble combler leurs attentes. C'est un problème. C'est une défaillance du système qui n'a pas sa raison d'être. Nous ne devrions pas avoir des partis qui ne comprennent pas pourquoi il faut faire appel à ce sens du consensus, parce qu'il n'y a plus de consensus.
    Mes réponses s'inscrivent dans le long terme. Par exemple, je pense qu'il faut que les enfants, dès un très jeune âge et à mesure qu'ils grandissent, soient sensibilisés à nos valeurs démocratiques. C'est essentiel pour les préparer à ce genre de choses et à y faire face.
    Merci.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aurai des questions pour les deux témoins, mais je vais commencer par vous, madame Turnbull.
    Vous avez déjà répondu à certaines questions...
    Avez-vous accès à l'interprétation? J'aimerais m'en assurer avant de continuer.

[Traduction]

    Avez-vous choisi le bon canal?
    Vérifiez que la mention anglais s'affiche quand vous choisissez ce canal.
    Oui, c'est bon.
    Excellent.

[Français]

    Vous pouvez recommencer, madame Normandin.
    Comme toujours, je prends en considération le temps nécessaire à l'interprétation. Ce temps sera ajouté au temps de parole, alors tout le monde peut parler lentement et on aura quand même le temps de poser toutes les questions voulues.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je disais que j'allais poser des questions aux deux témoins tour à tour, en commençant par vous, madame Turnbull.
    Vous avez déjà répondu à certaines de mes questions, notamment au sujet du financement public des partis. J'aimerais vous entendre nous en parler un peu plus. Je comprends que ce serait une façon de rendre les partis plus indépendants du financement privé, et donc de l'ingérence étrangère, possiblement.
    Devrait-on aussi envisager de revoir à la baisse le montant maximal des contributions? Cela fait-il partie de la réflexion?

[Traduction]

    C'est un sujet que je trouve fascinant.
    Je vais répondre à la dernière partie de votre question en premier. Je ne pense pas qu'il faut abaisser le montant maximal des contributions. Il est déjà assez bas. Je ne vois pas l'intérêt d'une nouvelle baisse. Il est autour de 1 650 ou de 1 700 $, et une baisse ne donnerait pas grand-chose. Je ne pense vraiment pas qu'un plafond de 1 700 $ a plus d'effets négatifs qu'un plafond de 1 400 $, disons. La grande majorité des contributions à un parti politique sont beaucoup moins importantes. Selon les dernières statistiques que j'ai vues, elles étaient inférieures à 200 $. Je ne vois vraiment pas à quoi cette baisse servirait.
    À mon avis, même si cela peut paraître abstrait, il faut trouver le meilleur équilibre possible entre le niveau de financement que les partis politiques reçoivent de sources privées et celui qu'ils reçoivent de sources publiques. Les partis politiques doivent rivaliser entre eux pour obtenir des contributions. C'est une manière de savoir s'ils sont en phase avec le public. C'est une manière pour les partis politiques de rendre des comptes. La collecte de fonds devrait correspondre à la capacité d'un parti d'être à l'écoute de la population. Cela dit, ce n'est pas toujours le cas.
    D'un autre côté, le financement public n'est pas… À mes yeux, ce n'est pas un investissement dans un parti politique. C'est un investissement dans un système multipartite. C'est un investissement dans une course. En ce sens, nous devons nous assurer que même si nous ne voulons pas que les partis soient entièrement tributaires de ce financement — il n'est pas question que les contribuables ou le Trésor public financent entièrement les contributions et la course entre les partis politiques —, l'investissement dans la démocratie est important pour assurer la pérennité des partis en leur garantissant un certain niveau de financement durable. Autrement, le résultat aux dernières élections pèse trop lourd sur les décisions du parti par la suite. Il devient centré sur l'autoréalisation, et ce n'est pas souhaitable.
(2005)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je me tourne maintenant vers vous, madame Marineau.
    Vous avez parlé du fait que différentes plateformes, comme Google, avaient dû rendre des comptes sur la façon dont elles avaient été infiltrées. Leurs rapports sont devenus une espèce de marche à suivre pour des acteurs étatiques qui voudraient faire de l'ingérence. Je voudrais vous entendre nous en parler un peu plus.
    Malgré tout, il faut peut-être trouver l'équilibre entre les avantages et les inconvénients. D'un côté, en rendant cette information publique, on avise la population de la façon dont l'ingérence fonctionne, ce qui lui permet d'être mieux préparée pour la contrer. D'un autre côté, cependant, si on en parle trop sur la place publique, il y a un risque que ce soit utilisé à de mauvaises fins.
    J'aimerais vous entendre nous parler de cela de façon générale.
    Depuis 2016, beaucoup de rapports ont été publiés et cela a eu pour effet d'améliorer les méthodes employées. Auparavant, on créait beaucoup de robots informatiques. Des armées de robots logiciels partageaient massivement la même information. Or, ces robots ont été rapidement désactivés par des plateformes comme Facebook et Twitter.
    On a alors créé des méthodes plus sophistiquées afin de rendre les robots logiciels moins facilement détectables. Par exemple, auparavant, les robots informatiques qui n'affichaient aucune photo ni information de profil étaient plus faciles à détecter. Maintenant, on va créer des comptes sur Twitter, LinkedIn, Facebook et Instagram et les relier entre eux afin de donner l'impression qu'il s'agit bel et bien d'une personne.
    C'est certain qu'on peut bannir beaucoup de ces robots logiciels. Par contre, plus on exposera les méthodes, plus elles deviendront sophistiquées.
    Il reste que les gens sont de plus en plus sensibilisés au phénomène. Par exemple, quand on remarque que des gens sur Instagram ou des commentaires sur Facebook répètent souvent les mêmes choses, on devient un peu plus critique.
    Bien sûr, cela prend du temps. Nous nous habituons et nous apprenons, et il en va de même pour les plateformes.
    Vous avez aussi mentionné que le travail du gouvernement, à lui seul, n'était pas suffisant pour contrer l'ingérence et qu'il devait y avoir d'autres acteurs.
    Vous m'avez peut-être entendue parler, un peu plus tôt, de l'idée de créer une entité indépendante et permanente pour contrer l'ingérence étrangère. Cette entité ressemblerait un peu au Bureau du vérificateur général et se rapporterait à la Chambre.
     À votre avis, est-ce que cela pourrait être un outil intéressant pour lutter contre l'ingérence?
    Cela pourrait être un outil intéressant.
    Si les gens perdent confiance en leur système électoral et en leurs institutions, la meilleure manière de remédier à la situation, dans un monde idéal évidemment, ce serait que tout le monde partage la même information. En principe, plus l'information provient de sources différentes, aussi bien des partis que d'une organisation non partisane et du gouvernement, plus la crédibilité des organisations va augmenter et plus les gens vont faire confiance à cette information. À l'inverse, plus les gens perdent confiance dans le système, plus il sera difficile d'aller à leur rencontre et de leur transmettre de l'information par l'entremise des plateformes, des médias ou d'autres moyens de communication.
(2010)
    Merci.
    Madame Blaney, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins d'être ici et de participer à notre étude. Merci pour vos témoignages fort intéressants.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Marineau.
    Une des difficultés que nous rencontrons dans notre étude sur l'ingérence étrangère dans les élections est le changement constant. C'est difficile de trouver la meilleure solution quand chaque solution envisagée exige de prendre des mesures pour atténuer les défis associés.
    Vous nous avez parlé de la nécessité d'un effort collectif pour régler le problème de l'ingérence étrangère. Vous avez expliqué que le gouvernement ne peut pas régler le problème à lui seul, qu'il a besoin de l'aide de tous ceux qui sont touchés. Ma question sera en deux volets.
    Premièrement, beaucoup de gens nous disent qu'il faut privilégier la législation. Selon vous, pour ce qui concerne l'ingérence étrangère et la désinformation, quelles sont les lacunes à corriger dans notre législation?
    Deuxièmement, j'ai entendu une idée que je trouve intéressante comme quoi nous mettons trop l'accent sur les élections plutôt que sur l'ensemble du processus, soit les élections et ce qui se passe entretemps. Nous traitons l'information sans nous intéresser à la désinformation et tout à coup, juste avant et pendant les élections, c'est la panique et nous n'avons pas vraiment de solution.
    Pouvez-vous répondre à cette question très simple?

[Français]

     Merci de la question.
    D'abord, j'aimerais quand même préciser que je ne suis pas une experte de la législation canadienne. C'est certain que l'apport du gouvernement au pouvoir peut se faire par des mesures législatives. Quand je parle d'un effort collectif, c'est que le gouvernement n'est pas le seul rempart. Les attaques et la désinformation ont lieu tous les jours, de façon constante.
    Au sujet de la Russie, le groupe de chercheurs de la RAND Corporation a comparé la technique de désinformation russe à un tuyau d'incendie qui arroserait les gens de propagande. C'est constant, et cette désinformation se répand beaucoup plus rapidement que toute mesure que pourraient prendre les institutions ou les organisations qui tentent de se protéger contre cette information. Cela se fait rapidement à l'aide de robots. Une technique qui est souvent employée, c'est qu'on envoie énormément d'information, on regarde ce qui va accrocher les internautes, on élimine l'information qui rejoint le moins de gens et on va réorienter la manière de transmettre l'information. On s'adapte extrêmement rapidement.
    Quand je parle d'un effort collectif, c'est que tout le monde doit être sensibilisé au phénomène. Les gens doivent s'informer et se demander, chaque fois qu'ils lisent une information, si elle est vraie ou non. Les gens doivent se demander s'ils possèdent les bons outils pour valider ou vérifier l'information.
    Là où le gouvernement peut être un rempart, c'est sur le plan des mesures législatives. Quant aux institutions et aux plateformes médiatiques, elles doivent vérifier l'information qui est diffusée. Enfin, les membres du public doivent se protéger contre la désinformation.
    Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Elle portait sur les mesures à prendre pour régler certains de ces problèmes entre les périodes électorales. À l'heure actuelle, toute l'attention est mise sur les élections, mais des témoins, et même des représentants de partis nous ont dit que s'il y avait plus de contrôles durant les élections…
    Je pense aussi qu'il faut éduquer la population. Le public doit avoir l'impression qu'on parle toujours de désinformation, mais c'est plus intense durant les élections. Comment faire pour renforcer cette capacité entre les périodes électorales? C'est ce que j'aimerais savoir.

[Français]

    De manière générale, selon des études, la Russie cherchait souvent à envenimer des débats qui étaient déjà dans l'actualité. Elle cherchait à polariser des débats sur la religion, notamment aux États‑Unis, sur les ethnies et sur le gouvernement. Elle essayait donc de semer la division.
    Je crois qu'il faut réfléchir aux endroits où peut se glisser de la désinformation. Ce serait une manière de la repérer pour pouvoir lutter contre cela par la suite. Il faut se demander quels débats peuvent envenimer une situation et diviser les gens et dans quel type de débat les puissances étrangères peuvent s'ingérer.

[Traduction]

    Merci.
    Je me tourne vers vous, madame Turnbull. J'ai été très intéressée de vous entendre parler de la santé de la démocratie. La dernière fois que je suis allée dans ma circonscription, j'ai passé un peu plus d'une heure avec un groupe d'adolescents de 15 à 17 ans. Ils m'ont posé des questions très sérieuses. J'ai été très impressionnée par leur engagement. Je suis très favorable à tout ce qui peut favoriser la participation des jeunes dans le système parce qu'il a été amplement établi que plus ils s'engagent à un jeune âge, plus ils seront susceptibles de continuer à aller voter. S'ils ne s'engagent pas rapidement, ils ne participeront pas au processus.
    Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, pourquoi c'est une bonne idée et de quelle manière l'engagement des jeunes peut faire augmenter les taux de participation aux élections?
    Je m'arrête ici.
(2015)
    La participation aux élections peut être améliorée par toutes sortes de moyens, et s'assurer que le débat est plus inclusif en fait certainement partie. Il y a 20 ans, des chercheurs ont voulu comprendre pourquoi la participation avait diminué au début des années 2000 et plusieurs de ces facteurs ont été mis en évidence. Les personnes qui votent dès qu'elles atteignent l'âge requis sont plus susceptibles de voter pendant toute leur vie. Si les électeurs n'ont pas l'impression que c'est joué d'avance, qu'il y a une véritable course, ils sont plus susceptibles de voter. Plus les électeurs sont informés, plus ils sont susceptibles de voter, et ainsi de suite.
    Tout semble indiquer que si on permettait aux jeunes de voter à 16 ans, et que si on leur offrait un programme d'éducation civique… La présidente me fait signe d'arrêter, mais vous savez où je veux en venir. Il faut leur donner à la fois la possibilité d'être mieux informés et de participer au processus.
    Merci.
    J'essayais de vous le faire comprendre sans parler, mais vous l'avez dit à tout le monde. Nos centaines de milliers de téléspectateurs vous ont entendue…
    Quoi qu'il en soit, merci.
    La prochaine période de cinq minutes sera réservée à M. Nater.

[Français]

    Ensuite, M. Fergus aura cinq minutes aussi.

[Traduction]

    Monsieur Nater, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente. Je remercie les centaines de milliers de téléspectateurs qui nous regardent à 20 h 16 un mardi soir.
    Je vais poser des questions aux témoins par votre entremise, madame la présidente. Je vais commencer avec Mme Turnbull, qui est présente dans la salle.
    Vous avez vraiment un parcours exceptionnel puisque vous avez une expérience de plusieurs années dans l'enseignement, à laquelle s'ajoute votre expérience dans la fonction publique, et plus particulièrement au Bureau du Conseil privé, le BCP, où vous avez occupé des fonctions non partisanes. Vous avez déclaré publiquement, et vous l'avez répété ce soir, qu'une enquête publique vous apparaît nécessaire. Je pense vous avoir entendu dire que vous seriez déçue si David Johnston ne fait pas cette recommandation à l'issue de son examen.
    Si je puis me le permettre, je vous demanderais de vous remettre un instant dans la position d'une employée du BCP.
    Dans une de ses réponses, Mme Telford nous a dit qu'il serait difficile de définir le mandat d'une telle enquête. Si vous étiez au BCP maintenant, quelle serait votre recommandation au gouvernement concernant le mandat d'enquête?
    Je vais être très claire. Je ne travaille pas au BCP et je ne vais pas faire comme si j'y étais encore. Cela dit, je peux vous dire, en restant dans mon rôle actuel, qu'il est difficile de déterminer quels devraient être les paramètres exacts d'un pareil exercice.
    De façon générale, vous avez deux possibilités. La première consiste à aller dans le détail, à mener une enquête qui répondra à des questions très précises. Cette méthode laisse peu de latitude, mais elle donnera des résultats clairs. Ce serait peut-être plus simple, d'autant plus que les délais sont assez serrés, de vous concentrer sur les questions auxquelles vous cherchez des réponses, et donc sur un objectif clair.
    L'autre possibilité est d'élargir le processus. Dans ce cas, les paramètres viseront à mesurer l'état de la démocratie, à déterminer les facteurs à évaluer et les moyens à prendre pour améliorer les choses. Ce qui donne de la valeur à ce type d'enquête, ce sont les recommandations. Les gens iront directement à la fin du rapport pour voir les mesures que vous recommanderez de prendre.
    Pour revenir à votre question, je pense que vous devriez vous centrer sur les solutions à cause des délais serrés. Par exemple, quelles seront vos recommandations pour améliorer la situation? Sur quelles recherches et quelles données probantes seront-elles fondées?
    Je vous remercie.
    J'aimerais continuer brièvement sur la question des délais, qui seront probablement serrés, et sur celle de savoir si l'enquête devrait être vaste ou limitée. L'avantage, si nous recommandons une enquête plus vaste, ne serait‑il pas que nous pourrions présenter des rapports provisoires avec les recommandations tant attendues sur l'aspect plus pointu, mais non moins important, de l'ingérence étrangère? Ce pourrait être la première partie d'une enquête plus vaste, et nous pourrions présenter plus rapidement un rapport et des recommandations provisoires. Il ne faut pas oublier que nous avons un Parlement minoritaire qui achève sa deuxième année, et que des élections pourraient être déclenchées à tout moment, du moins en théorie.
(2020)
    Ce serait en effet intéressant si, pour une raison quelconque, les choses se précipitent et que des élections sont déclenchées avant que ce travail soit terminé.
    La présentation de rapports provisoires est une idée pleine de bon sens, surtout si le public est consulté. C'est important, particulièrement si l'objectif est d'élargir le débat sur la démocratie, sur ce qui ne fonctionne pas et sur ce qui pourrait être fait. Ce serait beaucoup moins utile si le public n'y participe pas. La présentation de rapports provisoires donne l'occasion d'aller à la rencontre de la population, mais je ne crois pas que des recommandations provisoires sont nécessaires. Le mieux serait de présenter les recommandations à la fin du processus, après avoir discuté avec les gens.
    Un rapport provisoire donne l'occasion de prendre le pouls de la population. Vous devez consulter le public, lui donner la possibilité de participer à l'exercice et d'être informé. Cela dit, ce ne sera pas facile étant donné que cela se déroulera l'été.
    Je vous remercie.
    Dans la minute qui me reste, je vais me concentrer sur les questions de gouvernance et sur ce que des témoins nous ont dit à ce sujet, particulièrement dans les dernières réunions.
    Un des problèmes liés au Protocole public en cas d'incident électoral majeur, selon les témoignages reçus, concerne les seuils requis pour faire une annonce publique. Des témoins nous ont affirmé que dans bien des cas, il n'y aurait pas d'annonce parce que le seuil est trop élevé. Nous savons qu'il est administré par un groupe de cinq hauts fonctionnaires.
    J'ai 30 petites secondes, et j'aimerais vous demander si cette structure est la bonne ou si nous devrions envisager de la remplacer. Quand et comment le public devrait‑il être informé de ce genre de problème?
    C'est difficile parce que, dès qu'on annonce publiquement qu'il y a un problème, il y aura des questions sur la validité des résultats des élections. Est‑ce qu'il faut les accepter même si un problème a été signalé? Que faire alors?
    Peu importe qui… En fait, ce n'est pas tout à fait vrai puisque dès qu'il y a une annonce, les résultats des élections sont automatiquement remis en question.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Fergus, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les deux témoins.
    Ma question s'adresse à Mme Marineau.
    Vous avez parlé de la Russie. Les témoins que nous avons reçus juste avant vous nous ont aussi parlé de la Russie et des effets...
    Attendez un instant. On me dit qu'il n'y a pas d'interprétation.
    Cela fonctionne, maintenant.
    Vous pouvez recommencer, monsieur Fergus.
    Vous êtes très gentille, madame la présidente. Cela me donne la chance aussi de démarrer mon chronomètre.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Mes questions s'adresseront à Mme Marineau.
    Les témoins du groupe précédent ont soulevé la question de la Russie et parlé des conséquences toujours existantes de ses activités d'ingérence visant à brouiller les cartes dans les démocraties, notamment aux États‑Unis en 2016, ou encore au Royaume‑Uni et, faut-il le répéter, au Canada.
    Vous avez étudié la question de l'ingérence ou de l'influence de la Russie. Pouvez-vous parler un peu de ce que vous considérez comme son modus operandi pour s'ingérer dans les élections dans le monde occidental?
    Merci beaucoup de la question.
    La méthode employée par la Russie en 2016 et en 2020 était de diffuser des informations de façon constante, massive et rapide, beaucoup plus rapide que ce dont serait capable un humain ou une plateforme médiatique. Comme je l'ai mentionné antérieurement, la méthode consiste à envoyer énormément d'informations, dont certaines vont être contradictoires, et la vérité est peu importante. L'information qu'on va conserver et diffuser, c'est celle qui va accrocher les gens. On va donc observer quelles informations seront retransmises le plus rapidement sur Twitter ou Facebook. Si on voit qu'une tendance se dessine ou qu'une information colle bien, on va continuer de la diffuser. S'il y a une information à laquelle les gens n'adhèrent pas, on va l'écarter ou la modifier. On s'adapte énormément. La méthode de la Russie repose donc sur la vitesse et la quantité.
    Effectivement, on voit encore les effets de ces activités, parce qu'une fois que la division est créée et que le doute est semé, c'est difficile de reconstruire la confiance. Aux États‑Unis, une frange importante de la population n'a plus confiance en ses institutions. Tant la Russie que des partis politiques ont répété que l'élection avait été volée et que son résultat n'était pas valide. Une fois qu'une frange importante de la population perd complètement confiance en ses institutions, il est très difficile de regagner sa confiance et de recréer une unité.
    C'est certain qu'on voit encore des divisions. Bien sûr, la situation peut être différente au Canada, mais dès qu'un parti politique saisit l'information, la politise et l'associe à sa ligne directrice, comme on l'a vu aux États‑Unis, cela crée des divisions et il est extrêmement difficile, par la suite, de réconcilier ces informations.
(2025)
    Y a-t-il un parallèle à faire entre cette situation et celle au Canada?
    Je ne crois pas être outillée pour répondre à cette question. J'ai travaillé principalement sur le cas américain et sur la Russie.
    Y a-t-il d'autres acteurs étatiques qui ont joué un rôle semblable à celui de la Russie, aux États‑Unis? Est-ce que la Chine et l'Iran ont également joué un rôle? D'autres témoins que nous avons entendus ont mentionné que ces trois pays étaient comme la troïka de l'ingérence politique.
    Effectivement, dans mes recherches, la Chine et l'Iran revenaient souvent.
    Par contre, la Chine et la Russie ne diffusaient pas nécessairement les mêmes informations et n'avaient pas nécessairement les mêmes objectifs. Pour ce qui est de la Russie, on voyait une tendance à favoriser le Parti républicain, alors que la Chine tendait à favoriser un peu plus le Parti démocrate. Chacun de ces pays favorisait le parti le plus susceptible d'être sympathique à son gouvernement et de créer des partenariats ou signer des ententes avec lui. La Russie estimait que l'establishment démocrate était très antirusse, alors que la Chine estimait qu'il était un peu plus sympathique à sa cause que le Parti républicain.
    La Russie, la Chine et l'Iran font effectivement de la désinformation d'État. Ces pays comptent donc des organisations qui sont financées et commanditées par l'État. Il s'agit d'organisations permanentes dont le principal objectif est de propager de la désinformation. Elles y travaillent à temps plein, tout en poursuivant plusieurs autres objectifs, évidemment.
    Merci beaucoup, madame Marineau.
    Merci beaucoup.
    Madame Normandin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais me tourner de nouveau vers vous, professeure Turnbull.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez mentionné que la question de l'ingérence n'était pas nouvelle, mais qu'elle avait pris de nouvelles formes au fil du temps. On peut imaginer qu'entre deux élections, alors qu'un mandat est normalement de quatre ans, il est fort probable que cela évolue beaucoup.
    J'aimerais entendre votre avis sur l'importance d'avoir un organe qui s'assurerait de combattre l'ingérence en dehors des périodes électorales.
    Par ailleurs, un autre témoin nous a recommandé la mise sur pied d'un bureau d'enquête indépendant, distinct du SCRS et de la GRC, qui serait impartial et ferait rapport directement à la Chambre, un peu comme le Bureau du vérificateur général.
    Que pensez-vous de ce genre d'outil?

[Traduction]

    Merci de poser cette question.
    Je comprends la logique derrière cette proposition puisque pour les élus comme vous, c'est une situation qui n'est pas facile à dénouer sans l'aide d'un organe indépendant. Comme vous faites partie prenante du processus électoral qu'on vous demande d'examiner, on peut avoir l'impression que…
    Le public s'attend à un exercice totalement exempt de partisanerie. On peut certainement penser que des experts dans les domaines de la sécurité, de la cybersécurité, de la santé démocratique et tout ce genre de choses pourraient bâtir ensemble un organisme interdisciplinaire qui serait chargé de trouver des solutions à ce genre de problèmes. Par souci d'ouverture et de transparence, il serait important que cet organisme fasse rapport au Parlement.
    Cela dit, je suis toujours un peu hésitante quand il est question d'éloigner le processus décisionnel du Parlement. Non pas que des décisions seraient prises à l'extérieur du Parlement, mais la multiplication des intervenants peut donner l'impression au public que tout ce qu'on fait, c'est de nommer des personnes qui n'ont pas de pouvoir décisionnel, qui discutent des problèmes, donnent des avis et produisent des rapports.
    Pour être honnête, je pense que le temps presse. Je ne serais pas tout à fait satisfaite par cette solution, mais je peux comprendre son intérêt.
(2030)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Blaney, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Turnbull, j'aimerais poursuivre la discussion sur l'abaissement de l'âge minimal pour voter à 16 ans. Je me souviens d'une fois où un adolescent de 17 ans m'a ouvert la porte et a littéralement forcé sa mère à venir me parler. Elle était complètement fermée. C'est lui qui me posait des questions, et elle se contentait d'écouter. Je suis convaincue que les jeunes peuvent être très engagés, et j'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Par ailleurs, et corrigez-moi si je fais erreur, mais vous nous recommandez de mener une enquête sur la démocratie qui ne porterait pas uniquement sur l'ingérence étrangère, mais sur l'état de la démocratie en général. Selon vous, sur quoi devrait porter une étude ou une enquête publique?
    Concernant votre premier point, je crois en effet que si on abaisse l'âge de voter et que, parallèlement, on met en place un solide programme d'éducation civique, il y a de fortes chances d'intéresser les jeunes qui sont encore aux études et en plein processus d'apprentissage. Ma fille a neuf ans et elle m'a dit qu'elle aimerait avoir davantage d'éducation civique à l'école. Je ne vous cacherai pas que j'ai été ravie!
    C'est une perspective qui offre beaucoup d'avantages et de possibilités. Je sais que l'éducation est de compétence provinciale et que les enjeux seraient nombreux, mais je crois vraiment que c'est faisable.
    L'autre chose, c'est que les adolescents ont une vision différente, tournée vers l'avenir. Ils voient les choses différemment pour ce qui est du long terme et de la nécessité de prendre des décisions qui contribueront à garder notre planète en bon état. Les jeunes pensent à long terme. De plusieurs façons, ils ont une approche très différente par rapport aux questions que nous nous posons.
    Pour autant, les priorités des jeunes ne sont pas différentes des nôtres. Lorsqu'il est question de changements climatiques et de coût de la vie, les points de vue ne sont pas très différents d'une génération à l'autre. Tout dépend de la personne à qui on s'adresse. En revanche, je crois que la perspective des jeunes peut être différente du fait qu'ils ont une longue vie devant eux. C'est une perspective qu'il vaut la peine de découvrir et qu'il est important de prendre en compte.
    Il ne me reste plus assez de temps pour votre réponse sur l'enquête publique et la démocratie mais, si vous voulez nous la transmettre par écrit, je suis certaine que la présidente vous expliquera comment faire.
    Merci.
    Encore une fois, nous avons eu droit à des témoignages très éclairants.
    Comme j'aime à le rappeler à tous nos témoins, si vous souhaitez nous donner de plus amples explications, des compléments d'information ou toute autre chose que vous pensez utile, transmettez-les par écrit à la greffière. Elle s'assurera de nous distribuer vos documents dans les deux langues officielles.
    Mesdames Marineau et Turnbull, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé et de vos lumières. C'est vraiment précieux à nos yeux, autant pour notre étude actuelle que pour la suite des choses. Au nom des membres du comité de la procédure, je vous remercie toutes les deux pour votre temps, votre attention, votre participation à nos travaux et le travail important que vous faites.
    Portez-vous bien et soyez prudentes. Passez une bonne soirée.
    La séance est levée.
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