INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 24 avril 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Je tiens à reconnaître officiellement que nous nous trouvons sur le territoire algonquin non cédé, un fait important que nous essayons de garder en mémoire et auquel nous réfléchissons chaque jour, maintenant que nous avons amorcé un processus de reconnaissance de la réalité de notre passé colonialiste — l'apartheid, ici même au Canada — et que nous tentons de remédier aux erreurs de l'histoire par la réconciliation.
Nous avons un ordre du jour bien chargé, et nous recevrons deux groupes de témoins. Il sera question de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et, bien entendu, des dispositions qu'elle renferme. Il est temps de faire des changements au Canada, et je pense que nous sommes tous privilégiés de contribuer à ces changements positifs.
Nous nous réunissons aujourd'hui conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 7 février 2018, afin d'examiner le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
À titre de présentateurs, vous disposez de 10 minutes, et après tous les exposés, nous entendrons les questions des députés.
Il semble que mes collègues de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs sont les premiers à comparaître.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé.
Bonjour, madame la présidente et chers membres du Comité.
Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire de la nation algonquine.
Je m'appelle Michael Fox. Je suis originaire du territoire Mushkegowuk, d'une communauté appelée Première Nation Weenusk, sur les rives de la baie d'Hudson. Je suis également membre élu du conseil d'administration de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, ou ACPE.
Je suis accompagné de ma collègue, Lesley Williams, directrice, Politique et programmes de l'ACPE.
L'ACPE est le porte-parole national de l'industrie de l'exploration minière et de la mise en valeur des minéraux, et elle représente plus de 7 500 membres. Nous nous sommes donné la mission de promouvoir une industrie dynamique et responsable et de veiller à ce que le Canada soit une destination de premier plan pour les investissements dans les minéraux afin de pouvoir continuer à faire de nouvelles découvertes appelées à devenir les mines de demain et à créer d'importants débouchés économiques pour les Canadiens.
Je vous remercie de me fournir l'occasion de vous faire part des commentaires de l'industrie des minéraux concernant certains aspects du projet de loi C-262. Nos commentaires porteront principalement sur l'évolution des partenariats entre l'industrie des minéraux et les peuples autochtones au Canada. Je tiens particulièrement à vous décrire comment les activités réalisées sur le terrain par notre secteur traduisent notre leadership en matière d'engagement auprès des Autochtones ce qui, à notre avis, cadre avec l'esprit et les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
L'industrie des minéraux appuie vigoureusement l'engagement pris par le gouvernement de forger une relation renouvelée avec les peuples autochtones. Toutefois, la discussion entourant le processus d'harmonisation des lois fédérales avec la Déclaration proposé par le projet de loi C-262 ne peut avoir lieu sans aborder également des questions plus larges, comme celles des mécanismes qui seraient utilisés pour effectuer la mise en oeuvre de la Déclaration au Canada, et la forme qu'ils prendraient concrètement. Nous n'avons pas de modifications à proposer au projet de loi, mais nous espérons qu'en partageant l'histoire de notre industrie nous vous fournirons un exemple concret de partenariats avec les communautés autochtones qui existent en pratique et en parallèle avec des cadres de travail comme celui de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
On ne soulignera jamais assez la valeur de l'industrie des minéraux du Canada. En effet, l'exploration minière et l'industrie des minéraux apportent de vastes contributions à notre pays depuis les collectivités autochtones éloignées jusque dans les régions rurales et les grandes villes. Elles génèrent d'importants avantages sur le plan économique et social pour les Canadiens.
La relation entre les communautés autochtones et les entreprises du secteur des minéraux au Canada est une histoire de réussite partagée dont il y a lieu d'être fiers. Notre industrie est à l'origine de nombreux progrès dans tous les domaines, santé et sécurité, environnement et participation communautaire, mais nous sommes particulièrement fiers de notre leadership en ce qui a trait à la collaboration avec nos partenaires autochtones en matière d'engagement et de participation. Pour toutes les parties en cause, le parcours ne fut pas nécessairement facile. Et il demeure en constante évolution.
Depuis quelques décennies, la relation a subi une importante transformation, particulièrement parce que le paysage a évolué. Certains pourraient faire valoir que le cadre juridique au Canada a été le seul élément déclencheur pour créer un environnement propice à ce que les entreprises s'engagent auprès des communautés autochtones. Cependant, les réglementations ne créent pas de relations. Je vais le répéter. Les réglementations ne créent pas de relations.
Bien entendu, les entreprises sont responsables de respecter les exigences imposées par la loi, mais de plus en plus l'industrie comprend et accepte que les exigences réglementaires ne sont que les normes minimales de fonctionnement. Même si elles sont nécessaires, elles ne mènent pas exactement à la création de partenariats significatifs. Les dirigeants de l'industrie des minéraux réalisent que l'établissement de partenariats avec les communautés est essentiel à la réussite de leurs projets, non seulement parce que c'est la bonne chose à faire ou parce que la loi l'exige, mais parce que de bons partenaires sont la clé de la réussite de projets qui profitent à tout le monde.
L'évolution que nous avons constatée dans l'industrie des minéraux est sans précédent. Plus que tout autre secteur industriel canadien, le secteur des minéraux a prouvé qu'il avait travaillé efficacement en vue d'entretenir une relation positive et respectueuse avec les communautés autochtones. Et fait encore plus important, il en est résulté des avantages mutuels positifs.
Proportionnellement, l'industrie des minéraux est le plus gros employeur de personnes autochtones au Canada. Depuis quelques décennies, nous avons constaté une augmentation marquée de la participation des communautés à divers niveaux, qu'il s'agisse de la conception de projet, de l'évaluation environnementale, de l'emploi, et ainsi de suite. Nous avons été témoins d'une sensibilisation accrue de l'industrie aux peuples autochtones du Canada, et plus particulièrement à l'histoire et aux cultures uniques de collectivités locales.
Les sociétés d'exploration minière et les compagnies minières épousent le savoir ancestral autochtone et l'intègrent au moment où elles cherchent à obtenir les commentaires sur leurs projets. En plus des avantages découlant de la participation directe des Autochtones à l'exploration et aux activités des compagnies minières, on a aussi constaté une prolifération d'entreprises autochtones qui fournissent un éventail croissant de services au secteur, comme le forage, le matériel lourd, le ravitaillement des camps, pour n'en nommer que quelques-uns. Les débouchés économiques créés par la mise en valeur des minéraux ont contribué à l'amélioration des conditions socioéconomiques d'un certain nombre de communautés, y compris des investissements dans des initiatives de formation et dans le développement communautaire.
Les accords collectivités-entreprises comptent parmi les mécanismes clés au moyen desquels les relations et les débouchés économiques ont été officialisés au Canada. Ces accords volontaires sont de plus en plus reconnus mondialement comme des pratiques exemplaires. Un nombre important de ces accords sont intervenus entre des entreprises et des collectivités autochtones, soit plus de 500 accords depuis 1974, dont la majorité ont été signés au cours de la dernière décennie.
Ces accords comprennent divers engagements, notamment au chapitre de la formation et du développement des compétences, des cibles d'emploi, de la passation de marchés, des dispositions en matière de coentreprise, du développement et des investissements communautaires, de la surveillance environnementale et des considérations financières. Ils témoignent de la solidité de l'engagement de l'industrie dans l'établissement de partenariats mutuellement bénéfiques et des intérêts de nombreuses collectivités autochtones ainsi que des possibilités de développement économique créées par le secteur des minéraux.
Dans l'ensemble, des partenariats de longue durée fondés sur la confiance ont été créés entre l'industrie des minéraux et les collectivités autochtones des quatre coins du Canada, de l'exploration préliminaire jusqu'à la mise en valeur et à la fermeture. Ce sont des relations positives, mutuellement bénéfiques. Il suffit de penser au projet Éléonore, au Québec, Ekati, dans les Territoires du Nord-Ouest ou New Afton, en Colombie-Britannique.
En dépit des retombées positives importantes des partenariats entre entreprises et collectivités, le discours qui est malheureusement le plus répandu est celui de la discorde généralisée qui crée la perception que la nature des interactions entre entreprises et collectivités est marquée par la confrontation. Comme je viens de le dire, ce n'est habituellement pas le cas.
Les relations sont complexes, globales et en constante évolution. Naturellement, des difficultés se présentent, mais elles ne sont pas insurmontables. Ceci dit, des enjeux plus vastes liés à la politique publique influent sur les relations entre l'industrie et les collectivités.
De nombreuses questions liées à la compétence et aux revendications territoriales demeurent non résolues un peu partout au Canada. Si les questions de compétence sont strictement négociées entre l'État et les peuples autochtones, il reste que ces difficultés peuvent entraîner un sentiment d'incertitude. Il arrive fréquemment que l'industrie se retrouve au centre d'enjeux en matière de compétence qui sont indépendants de leur volonté.
Les conditions socioéconomiques actuelles dans de nombreuses collectivités autochtones continuent d'être désastreuses, et nous sommes tous d'accord pour dire qu'elles nécessitent la prise de mesures immédiates. Des investissements essentiels qui contribuent à améliorer la qualité de vie des collectivités sont nécessaires. Des difficultés en lien avec la santé, l'éducation, le logement, etc. peuvent nuire à la capacité des peuples autochtones de participer aux projets miniers et de réaliser pleinement les occasions offertes par l'industrie. En outre, l'ambiguïté et la complexité liées aux processus découlant de l'obligation de consulter du gouvernement ont entraîné des retards dans les projets, une augmentation des coûts, de l'incertitude chez les investisseurs, et des répercussions négatives sur les relations entre les entreprises et les collectivités.
Des travaux de recherche menés par l'ACPE aux quatre coins du pays ont permis de déterminer quelques défis clés très importants en regard de la manière dont les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont mis en oeuvre l'obligation de consulter. Parmi ces défis, notons l'élément déclencheur de l'obligation de consulter dans sa portée; le processus pour déterminer les collectivités touchées; les rôles et les responsabilités, y compris la délégation à des acteurs industriels; le rôle du gouvernement en regard des coûts de la consultation; le calendrier du processus et la définition de l'accommodement.
Le gouvernement s'est engagé dans une relation renouvelée avec les peuples autochtones. Cela comprend notamment l'engagement de mettre en oeuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, l'examen des lois et des politiques, et la création d'un cadre de reconnaissance et de mise en oeuvre des droits. Ces actions constituent un pas dans la bonne direction pour ce qui est de s'attaquer à certaines des difficultés liées aux politiques que j'ai soulevées.
Ce ne sera pas une mince tâche. Il y a beaucoup de travail à accomplir. Nous applaudissons les efforts entrepris par le gouvernement en prenant à coeur la manière dont les relations entre l'État et les peuples autochtones évolueront. En attendant, l'industrie des minéraux continuera de jouer le rôle de chef de file. Elle mettra en pratique les principes de l'engagement, et témoignera de son respect pour les droits des peuples autochtones, l'établissement de relations et le développement de partenariats sur le terrain, dans les sites d'exploration minière de partout au Canada.
Un secteur canadien de l'exploration minière vigoureux, mondial et concurrentiel sera bien positionné pour accorder des avantages à l'échelle locale, régionale et nationale. Comme je viens de le mentionner, il s'agit de la pierre d'assise de cette relation solide et fondée sur la confiance entre les entreprises et les collectivités autochtones, une relation qui entraîne des avantages mutuels.
Merci. Meegwetch.
Je vous remercie.
Nous allons céder la parole à l'Association des femmes autochtones du Canada.
Francyne et Veronica, je vous souhaite la bienvenue. Francyne, vous disposez de 10 minutes.
Weyt-k, bonjour, madame la présidente et membres du Comité.
Je tiens d'abord à reconnaître les peuples Algonquin et Anishinaabeg et à les remercier de nous accueillir sur leur territoire ancestral non cédé, et j'aimerais saluer tout particulièrement les femmes autochtones et leurs familles qui sont la raison d'être de l'AFAC.
Je vous remercie de l'invitation à venir nous faire part des points de vue de l'Association des femmes autochtones du Canada sur le projet de loi C-262, qui propose une loi visant à assurer l'harmonie des lois du Canada avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. L'AFAC appuie pleinement ce projet de loi, et toutes les répercussions qu'il entraînera.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne crée pas de nouvelles lois, ni de nouveaux droits. Elle vise à améliorer les droits existants des peuples autochtones et à tenir le gouvernement du Canada responsable de veiller au respect des collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Elle insiste aussi sur le fait que les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. Ce projet de loi vise à mettre en oeuvre les droits inhérents des peuples autochtones et à les inclure dans le système juridique canadien. Les peuples autochtones ne devraient pas être des consultants du gouvernement, mais plutôt des membres à part entière du processus décisionnel. Il ne s'agit pas de dire oui ou non, il s'agit de mettre en place un processus de négociation inclusif et sur un pied d'égalité.
À la fin de mes remarques, je formulerai des recommandations liées plus particulièrement aux besoins et aux difficultés des femmes autochtones, mais dans l'ensemble, le projet de loi C-262 représente un pas dans la bonne direction pour ce qui est d'établir un partenariat plus solide et plus dynamique entre le gouvernement fédéral et les dirigeants autochtones.
Les femmes autochtones se situent à l'intersection de nombreuses formes de discrimination fondées sur le genre, la race et le colonialisme. De ce fait, elles font face à de nombreux obstacles pour avoir accès à leurs droits de la personne fondamentaux. L'un de ces droits de la personne fondamentaux est le droit à l'éducation. Nous constatons que les femmes et les filles autochtones affichent des niveaux d'instruction inférieurs à ceux du reste de la population canadienne, et aussi qu'elles ont moins facilement accès à l'éducation. On attribue souvent cette situation à la pauvreté et à la discrimination fondée sur la situation géographique.
Un nombre croissant de membres de la population autochtone déclarent avoir un handicap ou une limitation fonctionnelle, plus particulièrement les femmes des Premières Nations vivant dans les réserves. À titre de membres d'un groupe triplement marginalisé, les femmes autochtones handicapées font face à des obstacles systémiques et structurels auxquels les Canadiens non autochtones et non handicapés ne sont pas exposés.
On constate l'absence de services culturellement adaptés pour les femmes autochtones, qu'il s'agisse de services de santé ou de services sociaux. Les soins de santé sont un droit de la personne, et pour dispenser ces services sans risque d'entraîner d'autres traumatismes ou de causer d'autres dommages dans nos communautés, il est essentiel d'être sensibilisés sur le plan culturel et informés des traumatismes déjà vécus.
La marginalisation des femmes autochtones sur le plan social, politique et économique limite l'accès aux services et aux mesures de soutien nécessaires et adaptés qui réduisent l'incidence de la pauvreté. Le logement est une nécessité, et les femmes autochtones sont davantage susceptibles de connaître l'itinérance, la pauvreté et la violence. La méthode la plus efficace pour lutter contre la pauvreté consiste à aider les femmes à se prendre en charge en améliorant les possibilités d'emploi, l'accès à l'éducation, aux soins de santé, et à la protection des pratiques culturelles ainsi qu'en favorisant l'autonomie socioéconomique.
Comme les activistes et les militantes l'ont montré depuis des décennies, les femmes et les filles autochtones et les personnes de diverses identités de genre continuent de connaître de la discrimination fondée sur de nombreuses raisons et prenant diverses formes. Pour ce qui est de la violence, les femmes et les filles autochtones de 15 ans et plus sont de trois à cinq fois plus à risque de vivre de la violence. Depuis quelques décennies, un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes autochtones que de femmes non autochtones ont déclaré craindre pour leur vie, et elles sont aussi beaucoup plus susceptibles d'être assassinées par des étrangers que les femmes non autochtones.
L'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées menée actuellement au Canada fait entendre des récits directs relatés par les familles et les proches de nos soeurs disparues et assassinées et qui constituent un fondement déchirant à ces statistiques. Je le mentionne pour souligner qu'en vertu de la Charte des droits et libertés, au Canada, chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Aussi, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela devienne une réalité dans la vie des femmes autochtones plutôt qu'un simple paragraphe dans un document du gouvernement.
Au Canada, les peuples autochtones continuent d'être surreprésentés dans le système correctionnel. En effet, selon Service correctionnel Canada, les femmes autochtones qui ne représentent que 4 % de la population féminine au pays, comptent pour 41 % de la population carcérale. Voici un lien clair avec la discrimination fondée sur les préjugés raciaux, culturels et coloniaux qui doivent être reconnus et éliminés de notre système juridique et judiciaire. Chacun a droit à un procès impartial et à un traitement égal en vertu de la loi.
Le système correctionnel n'est pas le seul où l'on constate des pourcentages extraordinairement plus élevés de personnes autochtones. Les services d'aide à l'enfance et à la famille en sont un autre. Plus de 50 % des enfants pris en charge par le système d'aide à l'enfance sont des Autochtones. À l'heure actuelle, il y a davantage d'enfants confiés aux services sociaux qu'il n'y en avait au plus fort de l'époque des pensionnats.
Conformément à l'article 2 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les femmes autochtones sont égales à tous les autres, hommes et femmes. L'article 22 s'en inspire, et cimente l'obligation du gouvernement de veiller à ce que toutes les femmes et les filles autochtones aient accès à leurs droits et à leurs libertés fondamentales dans les contextes politique, social, économique et culturel.
L'article 18 veille à ce que les femmes autochtones aient le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits. Comme vous pouvez l'imaginer, il s'agit d'un article particulièrement important pour l'AFAC parce qu'il correspond à ce pour quoi nous luttons depuis notre création en 1974.
Les articles 6 et 9 font référence au droit à une nationalité et au droit d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. Comme d'innombrables études l'ont montré, et comme les peuples autochtones n'ont cessé de le répéter depuis que le colonialisme existe, l'autodétermination constitue un élément clé pour donner plus d'autonomie aux communautés autochtones.
En terminant, pour que le projet de loi C-262 mène à l'harmonisation totale et efficace des lois canadiennes avec la Déclaration, nous recommandons ce qui suit: un, l'élaboration d'un mécanisme qui assurera la reddition de comptes et la cohérence; deux, un engagement qui veille à ce que le libellé soit inclusif et qu'il reflète les droits, le respect et la coopération des femmes autochtones et des LGBTQ2S; trois, la reconnaissance de l'intersection de nombreuses formes de discrimination liées au genre, à la race et au colonialisme; quatre, d'aller au-delà de la Déclaration des Nations unies en incluant les besoins et les enjeux particuliers des communautés autochtones diversifiées du Canada — cela comprend notamment l'adoption d'une approche fondée sur les distinctions particulières au Canada qui reconnaît la diversité au sein des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et entre ces dernières.
Merci de m'avoir accordé votre temps. Kukwstsétsemc. Meegwetch.
Madame la présidente, je vais m'exprimer en français, si vous souhaitez mettre des écouteurs.
[Français]
Mesdames et messieurs les parlementaires, je suis accompagné de Me Francis Walsh, membre de notre Comité sur le droit en regard des peuples autochtones, ainsi que de Me Julien Pelletier-David, notre conseiller spécial pour l'accès à la justice.
Nous tenons à vous remercier vivement de cette invitation à vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-262.
Le Barreau du Québec appuie ce projet de loi important qui vise à harmoniser les lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 13 septembre 2007, et elle a été signée par le Canada le 12 novembre 2010.
Ce document international est le fruit d'un long processus qui a débuté dans les années 1970. Il fournit des lignes directrices aux États, aux Nations unies et à d'autres organisations internationales sur l'entretien de relations harmonieuses fondées sur les principes de l'égalité, du partenariat, de la bonne foi et du respect mutuel.
Cependant, il ne représente qu'un engagement politique pour les États qui ont voté en sa faveur.
Puisque la Déclaration, à elle seule, n'est pas contraignante du point de vue juridique, les dispositions qui ne relèvent pas du droit international coutumier doivent être incorporées au droit interne pour avoir un plein effet. Cela requiert donc des mesures législatives. De plus, puisqu'il y a deux ordres de gouvernement, chaque ordre doit la mettre en oeuvre selon ses compétences en vertu de la Constitution. La collaboration est donc essentielle à la réussite de sa mise en oeuvre. Enfin, il ne faut pas oublier que sa mise en oeuvre complète requiert non seulement de la volonté et des mesures législatives, mais aussi et surtout du financement.
Le Barreau du Québec a signifié son appui à l'adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à plusieurs reprises, et nous sommes ici pour le réitérer. En ce sens, le projet de loi C-262 revêt une grande importance pour l'avancement des droits des peuples autochtones du Canada, et il devrait constituer le cadre normatif quant aux orientations que devra rapidement adopter le gouvernement canadien en vue de la réconciliation.
Pour le Barreau du Québec, le respect des droits fondamentaux des Autochtones constitue une priorité. Les taux de criminalité, de victimisation et d'incarcération chez les Autochtones et, pour le Québec, particulièrement des communautés du Nunavik, sont aberrants. Quand le nombre de casiers judiciaires dans une communauté frôle ou dépasse celui de citoyens, la question à se poser ne devrait pas être celle de savoir combien de ressources il faudrait ajouter au système de justice pour tous les traiter, mais plutôt de savoir où et en quoi ce dernier échoue à les diminuer.
Le Barreau du Québec estime que la situation actuelle du système de justice pour les Autochtones est intenable. En 2013, le Barreau dénonçait déjà le manque criant de ressources dans le cadre de ses missions dans le Nord-du-Québec. Ces missions ont démontré hors de tout doute l'écart qui ne cesse de se creuser entre l'institution judiciaire et les communautés autochtones qu'elle est censée servir. Nous savons très bien que la situation ne concerne pas uniquement le Québec puisque l'ensemble des provinces sont confrontées aux mêmes problèmes. À ce jour, trop peu de choses ont changé.
Actuellement, le système de justice est souvent utilisé comme un système de première ligne. Le manque important de ressources sociales, médicales et préventives entraîne un vide à combler par le système judiciaire. Le tribunal pallie souvent les manquements en matière socioéconomique. Qui plus est, il faut que tous ces services rattrapent des décennies de traumatismes vécus.
Le Barreau du Québec a récemment témoigné devant la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, à Val-d'Or, et il a fait part de 36 recommandations visant à améliorer la situation. Parmi ces recommandations, soulignons l'adoption par le Québec de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce que le Canada est aussi en voie de faire. Nous avons également proposé des pistes de solution pour faire en sorte que le système de justice réponde aux besoins des Autochtones.
Malgré le grand défi qui nous attend, il nous semble néanmoins très clair que toutes les mesures doivent être prises pour assurer aux communautés autochtones du Canada la plus grande autonomie possible quant à leur système de justice. Cela passe notamment par la création d'instituts de droit autochtones, comme le préconisait d'ailleurs le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, il y a plus de 20 ans.
À notre avis, la réflexion va bien au-delà de l'ordre des modifications superficielles. Une réforme en profondeur est nécessaire, et nous sommes bien conscients que cette dernière aura besoin d'une volonté politique forte de la part de tous les acteurs concernés ainsi que des ressources financières et humaines nécessaires.
Le gouvernement canadien a signé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et s'est engagé à lui donner pleine portée en droit canadien. Dans cette perspective, il est nécessaire de s'intéresser de façon urgente aux changements auxquels les Autochtones du pays ont droit. La Déclaration prévoit l'obligation pour les États de reconnaître le droit des communautés autochtones de maintenir leurs traditions et leurs coutumes juridiques et, là où ils existent, leurs systèmes de justice. Il faut donc que tous les ordres de gouvernement agissent selon la compétence que leur confère la Constitution.
Éventuellement, la mise en place de systèmes juridiques véritablement adaptés devra être menée avec ouverture, vision, créativité et humanisme.
L'adoption du projet de loi C-262 n'est pas en soi une réponse complète puisque la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones nécessite une révision en profondeur de la législation canadienne et la mise en oeuvre de modifications en conséquence. En ce sens, le Barreau du Québec salue la création du Groupe de travail de ministres chargé d'examiner les lois et les politiques liées aux Autochtones et espère que ces travaux tant attendus seront porteurs de changements. Cela dit, l'adoption de ce projet de loi représente sans aucun doute un geste hautement symbolique et significatif quant à l'engagement de mettre en oeuvre la Déclaration. C'est la première étape de la mise en oeuvre de la Déclaration et un pas dans la bonne direction pour la réconciliation.
En somme, nous recommandons au gouvernement de mettre en place les mesures nécessaires afin d'assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Finalement, cela pourra se traduire par un système de justice plus efficace et plus égalitaire qui répond aux besoins de tous les citoyens. Le projet de loi C-262 n'est que la pierre d'assise de tout le travail qui demeure à faire.
Pour terminer, je souligne que le Barreau du Québec est conscient de l'ampleur du travail à accomplir et offre toute sa collaboration dans ce processus essentiel à la réconciliation.
Cela me fait plaisir de céder maintenant la parole à Me Walsh.
Me Francis Walsh (membre, Comité sur le droit en regard des peuples autochtones, Barreau du Québec):
Puisque l'adoption du projet de loi C-262 n'est que la première étape législative pour la mise en oeuvre de la Déclaration, nous ne commenterons pas chacun des articles de la Déclaration. Nous nous permettons cependant de vous faire quelques recommandations pratiques sur l'administration de la future loi. Ainsi, le Barreau du Québec rejoint un peu une des recommandations faites par l'Association des femmes autochtones du Canada, ou AFAC, et suggère que le rapport annuel prévu à l'article 6 du projet de loi soit rendu public pour qu'il puisse être consulté par tous. Ce rapport constitue un outil de reddition de comptes qui permettra d'informer les élus de la compatibilité des initiatives dans le domaine du droit autochtone avec l'objectif du projet de loi.
De plus, le Barreau du Québec rappelle que le succès de la mise en oeuvre effective des mesures prévues dans ce projet de loi repose sur la coopération avec les peuples autochtones. En ce sens, le travail doit aller au-delà de la publication de rapports périodiques pour qu'il y ait une collaboration réelle et efficace.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Maintenant, nous allons passer à la période des questions.
Pour commencer, je cède la parole au député Amos.
[Français]
Merci, madame la présidente. J'aimerais céder deux ou trois minutes de mon temps de parole à mon collègue M. Tootoo. S'il vous plaît, veuillez me faire signe quand il me restera trois minutes.
Merci à nos témoins.
Mes questions s'adressent aux représentants du Barreau.
J'aimerais beaucoup connaître votre point de vue. Vous avez soulevé des enjeux très importants, en particulier la nécessité et l'intérêt que nous avons tous d'investir dans les communautés autochtones pour respecter les principes énoncés dans la Déclaration.
Parlons maintenant de l'éléphant qui est dans la pièce quand on discute du rôle de la Couronne. Quels seront l'attitude et l'engagement des provinces? J'aimerais que vos commentaires soient directs et honnêtes. Au Québec, comment voyez-vous cet enjeu de la Déclaration non seulement sur le plan politique, tous partis confondus, mais aussi en ce qui concerne le système législatif et juridique? Comment voyez-vous cela?
Comme nous l'avons dit dans notre allocution, le travail qui reste à faire est immense.
Le Barreau du Québec a demandé aux provinces d'adopter la Déclaration. C'est un premier pas. Je pense qu'on est au tout début de l'éveil à ce sujet. Le Barreau du Québec veut faire partie de la solution. Dans nos comités, nous sommes encore à nous demander ce que cela veut dire concrètement en matière d'argent et de temps.
Je sais que ce n'est pas la réponse complète que vous recherchiez, mais nous en sommes à un stade où il faut nous occuper de la Déclaration et remplir nos obligations. Ensuite, il faudra continuer à en parler beaucoup. C'est la réponse que je peux vous donner pour le moment.
Vos collègues ont-ils d'autres remarques à faire?
Nous sommes sur le territoire traditionnel de la nation algonquine et je représente un bon nombre des membres de cette nation. Ils me disent être heureux que je puisse les aider. Il y a de gros enjeux pour le gouvernement fédéral. Alors, nous y travaillons.
Toutefois, en ce qui concerne la province de Québec, il reste une longue route à parcourir. Parfois, il me semble qu'il n'y a pas de dialogue. En fait, il y a des questions auxquelles il faudrait répondre en ce qui touche les fonds nécessaires, les conséquences, et ainsi de suite.
Croyez-vous que ce soient les bonnes questions? La vraie question ne serait-elle pas de se demander quelle serait la façon d'entamer de vrais dialogues, qui soient constructifs, tant à l'échelle fédérale que provinciale?
Je pense que ces questions se posent. Il faudra voir concrètement ce que cela donne. Je crois que ce serait nécessaire. Cependant, à mon avis, nous sommes au début de cet éveil. Pour l'instant, il y a donc encore beaucoup de travail qui se fait au sein de nos comités.
Les questions que vous avez posées sont certainement les bonnes. Au Barreau du Québec, nous nous soucions de l'aspect plus juridique — sur le plan technique — de la question. Par ailleurs, en ce qui a trait aux relations gouvernementales, nous pouvons toujours espérer qu'elles soient meilleures, bien sûr. Notre expertise, c'est vraiment le côté juridique de la question et la Déclaration des Nations unies. C'est sur ce terrain plus précis que nous travaillons.
Merci de vos réponses.
J'ai été membre pendant une décennie du Barreau que vous représentez et, à ce titre, je reconnais l'importance de vos comités et l'influence politique et juridique que vous exercez. J'ose espérer que vous allez continuer de travailler à ce dossier.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue M. Tootoo.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur Amos.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. Ma question s'adresse à Mme Joe et à M. Grondin.
Francyne, vous avez parlé de l'autodétermination, de membres participants, de surreprésentation et de tous les maux sociaux. Je pense, monsieur Grondin que vous les avez abordés, vous aussi. Ce n'est un secret pour personne que dans ma circonscription du Nunavut, et, sans aucun doute, dans toute autre communauté autochtone ailleurs au pays... Pour ma part, je considère une bonne partie de ces problèmes comme des effets. Pour s'attaquer à la cause, j'ai toujours dit que nous devions veiller à ce que les besoins essentiels des gens soient satisfaits. Cela fait maintenant 150 ans que nous attendons, et pourtant ce n'est pas encore arrivé. Nous avons en quelque sorte été paralysés par le manque de moyens financiers. Vous avez parlé de la possibilité de s'attaquer à quelques-unes de ces questions, comme obtenir l'autodétermination et voir à ce que le Canada harmonise ses lois avec les droits des peuples autochtones. Je pense aussi, monsieur Grondin, que vous avez mentionné qu'il ne fallait pas s'en tenir à des changements cosmétiques, mais entreprendre plutôt des changements en profondeur et des changements d'ordre financier.
Pensez-vous que le Canada devra consentir à faire des investissements importants dans toutes les communautés autochtones pour que ces changements voient le jour? Nous entendons sans arrêt que nous n'en avons pas les moyens, quant à moi, je pense plutôt que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas le faire. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Merci.
Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que nos peuples ont été négligés. On a respecté nos opinions, mais celles-ci n'ont pas été mises en oeuvre. Il est très important pour nos communautés, et surtout pour les femmes autochtones, de participer aux conversations lorsque des décisions qui touchent notre existence et nos familles sont prises. Mais leurs points de vue ne sont ni respectés, ni intégrés dans les politiques qui les concernent.
Je pense qu'il est très important, comme nous venons de le dire, de travailler ensemble pour que ce projet de loi fasse en sorte que le Canada et les politiques qui touchent notre vie au quotidien s'améliorent. Il est à espérer que cela réduise l'écart socioéconomique qui touche les peuples autochtones, et surtout les femmes et les enfants.
J'espère que cela répond à votre question.
Merci. Votre temps est écoulé.
C'est maintenant le tour du député Kevin Waugh de poser des questions.
Je vais poursuivre dans la même veine. D'après vous, est-ce que la Déclaration offre suffisamment de protection aux femmes autochtones contre la violence et la discrimination? Peut-être pourriez-vous exposer plus en détail votre point de vue.
J'aime la simplicité de votre question. C'est tellement plus facile de répondre.
C'est un début. Grâce à ce projet de loi, nous allons commencer à entendre les voix et les sujets d'inquiétude des femmes autochtones et des LGBTQ2S, nos propres préoccupations au sujet des politiques et des lois qui touchent notre logement, notre santé et nos compétences professionnelles.
Tous les jours, que ce soit par nos pairs ou par le gouvernement fédéral, il y a toujours quelqu'un pour nous dire ce que nous pouvons faire, et ne pas faire. Nous avons un droit inhérent qui n'a jamais été éliminé, et qui devrait reconnaître que nous avons un rôle à jouer dans notre avenir. Nous voulons faire partie de ceux qui prennent les commandes, que ce soit à l'échelon de la communauté, local, provincial ou national. Nous pourrions alors contribuer à améliorer les choses, et faire en sorte de ne plus nous inquiéter de la violence envers nos soeurs, nos enfants et nos propres communautés.
Je pense que c'est important. C'est en accordant plus d'autonomie à nos communautés, à nos femmes et à nos enfants que nous allons les protéger. Nous pouvons le faire nous-mêmes, nous avons seulement besoin de ressources, et que l'on reconnaisse et honore nos droits inhérents.
Je vous remercie.
Très bien, merci.
Monsieur Fox, vous avez parlé de relations, de partenaires et de partenariats. Nous avons vu que cela existe depuis des décennies dans l'industrie des minéraux et de l'exploitation minière, et certainement dans le Nord aujourd'hui. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que ce projet de loi pourrait contribuer à accomplir.
D'un bout à l'autre du pays, nous avons entendu des représentants de l'industrie exprimer certaines réserves quant à l'adoption de ce projet de loi. Mais est-ce que ces inquiétudes sont justifiées? Qu'en pensez-vous?
Je pense que les façons de faire de nos membres — la majorité de nos membres — cadrent avec l'esprit et l'intention de ce projet de loi. Le site Web de Ressources naturelles Canada permet de repérer tous les différents accords conclus partout au Canada, et il y en a plus de 500 à ce jour.
La seule difficulté que j'entrevois dans le futur ne concerne pas particulièrement le présent projet de loi, mais plutôt la clarté entourant sa mise en oeuvre, et cela vaut pour tous les projets législatifs que le gouvernement fédéral met en place. La Loi sur l'évaluation d'impact proposée en est un bon exemple. Il s'agit d'un nouveau projet de loi. Maintenant, comment sera-t-il mis en oeuvre, voilà la question que tout le monde se pose. En tant que spécialistes de la question, je pense...
Tous les projets sont différents. Il faut que ce soit en fonction d'un projet donné, d'une communauté donnée, d'un site particulier. Il faut ménager un équilibre entre les intérêts de chacun en regard de ces projets et de ces accords. La façon d'y arriver, c'est en ouvrant le dialogue, en créant des relations, tout autant qu'en procédant à la mise en oeuvre.
La vie ne s'arrête pas après que tout le monde a signé l'entente. La mise en oeuvre est un processus fondé lui aussi sur le dialogue continu, et je pense qu'il en ira de même dans ce cas-ci. Si cette loi est mise en oeuvre — le moment où elle sera mise en oeuvre — alors, nos membres reconnaîtront les droits des peuples autochtones, et ils fourniront leur assistance de toutes les manières en fonction des conditions socioéconomiques dans lesquelles vivent les communautés lorsqu'ils les rencontrent pour la première fois. Ils se renseigneront sur les moyens de contribuer à améliorer la qualité de vie générale, selon le cadre de travail dans lequel ils évoluent.
Très bien.
Si vous le voulez bien, nous allons maintenant passer la parole au représentant du Barreau du Québec.
Je vous remercie de votre exposé. Vous avez dit que le projet de loi C-262 ne règle pas tous les problèmes, et qu'il revêt une importance essentiellement symbolique. Nous avons toujours soutenu que le ministère de la Justice devrait être représenté lors de nos délibérations sur le texte de ce projet. Vous l'avez dit vous-même.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard? Vous êtes une seule province parmi 10 provinces et trois territoires. D'après vous, quel serait, dans tout cela, le rôle du ministère de la Justice?
[Français]
Il est très clair pour nous que le système de justice, surtout dans le Nord-du-Québec, est en train de faillir à la tâche. Je vais vous donner un exemple bien précis, qui concerne les populations inuites du Nord-du-Québec. En raison des distances couvertes, des gens qui devraient comparaître devant la cour finissent souvent par ne pas le faire dans les délais prescrits en raison du manque de ressources liées au transport. Ces personnes sont alors maintenues en détention.
À notre avis, la question du financement ne devrait pas être sous-jacente à celle des droits. Nous croyons que les droits sont bafoués, dans le Nord, parce qu'on choisit de ne pas financer le système de justice. De plus, plutôt que de mettre en place les ressources socioéconomiques nécessaires, on utilise le système de justice comme un service de première ligne. C'est là que le premier contact se fait avec le gouvernement. Ce n'est pas de cette façon que les choses devraient se passer.
C'est pourquoi nous pensons que l'angle de la justice est très important, surtout dans le Nord-du-Québec. Cela est très clair. Dans cette partie du pays, des droits fondamentaux sont bafoués en raison d'un manque de ressources. On ne devrait jamais avoir à choisir entre les droits et le financement, surtout quand il est question d'un peuple en particulier.
[Traduction]
Est-ce surtout une question de financement? Quelles sont, à cet égard, les améliorations que l'on peut espérer du projet de loi?
[Français]
C'est en bonne partie une question de financement. Au Québec, dans notre système de justice, c'est très clair. Toutefois, le projet de loi à l'étude change clairement la perspective, la façon de considérer le droit. Il est important de parler de financement, mais dans notre cas, cette occasion nous permet de parler du Québec et, bien sûr, de la Déclaration et de ses répercussions juridiques. Quand nous considérons chacune de nos lois, le droit autochtone, cela nous semble un changement de paradigme très important. Soyons clairs là-dessus.
[Traduction]
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie également tous les témoins qui sont présents cet après-midi.
Je vais d'abord m'adresser aux gens du Barreau du Québec, et je vais le faire en français. Quand je parle d'abord en français lorsque je me lève le matin, j'ai tendance à continuer à m'exprimer dans cette langue durant toute la journée. C'est un phénomène cognitif.
Vous avez dit que le statut d'une déclaration internationale était différent de celui d'une convention ou d'un traité international, ce qui est tout à fait juste. Cela dit, j'aimerais savoir ceci: à votre avis, les déclarations internationales sur les droits de la personne ont-elles des effets juridiques?
Le Barreau estime que la Déclaration, et les déclarations en général, ont des effets juridiques et qu'ils ont une valeur interprétative. Nous sommes au courant de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker c. Canada. On y mentionne que les déclarations ont une valeur interprétative dans le cadre du droit canadien. Cela a une certaine importance. Le Barreau n'a pas fait une analyse complète de la Déclaration, mais il souligne qu'on pourrait considérer que certaines dispositions de la Déclaration reflètent le droit international coutumier. Dans ce contexte, le Barreau estime que ces dispositions ont déjà une valeur juridique applicable au Canada. C'est la position du Barreau sur cette question.
J'apprécie beaucoup votre réponse et je partage votre avis sur cette question.
L'ancien juge en chef Dickson disait dans l'un de ses jugements — c'était en 1989, je crois —, que les déclarations étaient une source pertinente et persuasive qui permettaient d'interpréter le droit d'un pays.
Maître Grondin, vous avez parlé des coûts relatifs à la mise en oeuvre de la Déclaration. J'ai tenté de trouver des études qui auraient été faites à l'époque où l'on considérait l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés et son insertion dans la Constitution. Je n'en ai trouvé aucune faisant état des coûts liés à la mise en oeuvre, au Canada, de la Charte canadienne des droits et libertés.
Savez-vous si des études traitent de cette question?
Selon moi, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument de défense des droits de la personne.
Devons-nous rattacher des coûts au respect de ces droits?
Non. Soyons très clairs, monsieur Saganash: ce que le Barreau du Québec dit, c'est qu'il ne faut pas que la question du financement soit sous-jacente à celle de l'adoption de la Déclaration. Je comprends parfaitement la suggestion qui découle de votre question. Ma réponse à votre question, c'est non. Nous ne sommes pas au courant de telles études. Peut-être qu'elles existent, mais à notre connaissance, il n'y en a pas.
[Traduction]
Monsieur Fox, vous avez évoqué l'idée de partenariats, et du besoin de clarté au plan de la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. Cela me paraît en effet important.
Prenons la situation dans le Nord québécois. Depuis 1975, époque à laquelle nous avons signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois, les Cris ont signé, avec votre industrie et plusieurs autres secteurs d'activité, plus de 80 accords. Comment expliquer cela? D'après moi, c'est parce que la Convention de la Baie James et du Nord québécois a posé des règles claires, auxquelles sont tenus tous ceux qui souhaitent lancer des projets dans le Nord du Québec.
Pensez-vous que le projet de loi C-262 pourrait avoir un effet analogue?
On peut effectivement se poser la question. Nous vivons sous un régime de répartition des pouvoirs constitutionnels, et je pense que tout cela est l'aboutissement d'un solide effort de collaboration entre votre province, le gouvernement fédéral et votre peuple. On voudrait voir cette solide collaboration, cette rencontre des volontés et cette large entente se réaliser dans toutes les régions du Canada. Mais, encore une fois, cette convention a son origine dans un projet bien précis, en l'occurrence le développement de la baie James. On peut penser que si le projet de loi aboutissait au même résultat que la Convention de la Baie James, avec la transparence qui a marqué la réalisation des projets de développement, j'y serais entièrement favorable. Il faudrait pour cela que l'ensemble des parties parviennent à un plein accord sur le plan stratégique. Je ne pense pas pouvoir m'exprimer autrement que cela.
Vous avez évoqué un des projets lancés dans le Nord du Québec. Je veux parler de la mine Éléonore, qui se trouve dans ma circonscription. Il ne faut en effet pas oublier que lorsque cette entreprise minière est arrivée dans le Nord québécois, elle disposait de ce document constitutionnel de 500 pages, la Convention de la Baie James et du Nord québécois. L'entreprise savait donc à quoi s'en tenir. Comme la Déclaration des Nations unies, la Convention de la Baie James et du Nord québécois est un accord de partenariat qui permet, justement, de forger les alliances dont vous parliez tout à l'heure.
Je vous remercie de l'exposé que vous nous avez présenté, et du soutien que vous apportez à ce projet de loi. Comme vous, le Barreau du Québec a manifesté son soutien au projet de loi que j'ai proposé lors de la dernière législature.
Francyne, dans votre exposé, vous avez abordé la question de la sécurité des membres les plus vulnérables de notre société: les jeunes, les aînés et, bien sûr, les femmes. On dit de la Déclaration des Nations unies qu'elle établit les normes minimales en matière de dignité, de bien-être et de survie des peuples autochtones. D'après vous, devrait-on ajouter à ces trois principes le mot « sécurité »?
Avant que vous n'entamiez votre réponse, je voudrais rappeler aux députés qu'il leur faut tenir compte du temps.
Monsieur le député, vous êtes conscient d'avoir dépassé le temps qui vous était imparti, mais, étant donné que je souhaiterais moi-même entendre la réponse à la question que vous avez posée, j'espère que le Comité se montrera indulgent.
Madame, vous avez la parole.
Ma réponse tient en un mot: oui. Après l'exposé, nous vous présenterons sur ce point des renseignements complémentaires.
Je vous remercie. Nous avons convenu d'une certaine répartition du temps de parole et je ne veux léser personne en empiétant sur le temps qui leur est imparti.
La parole passe maintenant au député T.J. Harvey.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence ici. Au cours de cette étude, nous avons pu recueillir un large éventail de points de vue.
Mes questions s'adressent à M. Fox et à Mme Williams.
Dans ce dossier, l'ACPE fait, en tant qu'organisation, depuis longtemps figure de chef de file. Au sein du secteur canadien des ressources naturelles, elle s'est acquis, par son action, une remarquable réputation. Pourriez-vous nous en dire un peu plus quant aux avantages que la mise en oeuvre du projet de loi C-262 offrirait à d'autres industries, notamment à celles du secteur des ressources naturelles. Je m'intéresse particulièrement aux effets bénéfiques que cela pourrait avoir sur leurs activités dans les années à venir, autrement dit, aux avantages stratégiques que cela pourrait leur procurer.
Je peux simplement dire que si nous avons acquis une telle réputation au plan de la participation communautaire et des négociations, c'est en raison des relations que nous avons réussi à établir. Le succès d'un projet repose en effet essentiellement sur les liens que l'on parvient à créer, sur le degré de participation que l'on réussit à encourager. Notre association, ainsi que plusieurs autres associations sectorielles, font profiter leurs adhérents des enseignements qu'elles ont tirés et des pratiques exemplaires qu'elles ont pu dégager. Ces diverses associations font essentiellement le même travail auprès de leurs adhérents, qu'ils appartiennent au secteur forestier, aux mines ou au secteur des pipelines. Tous ces acteurs travaillent sur des types de projets très précis, dont chacun a des empreintes et des incidences particulières sur l'environnement. Quels que soient les projets qu'ils proposent, tous ces intervenants font de leur mieux pour mettre en oeuvre des pratiques exemplaires.
Comme d'autres associations sectorielles, nous faisons cela depuis un certain temps déjà. Je rappelle la spécificité de chaque secteur ainsi que les particularités propres des divers projets. En matière de participation communautaire et de dialogue avec les communautés autochtones, nous ne pouvons que partager avec nos adhérents les conseils qui nous paraissent utiles.
Pensez-vous, en tant que représentant de l'ACPE, que le consentement préalable — donné librement et en connaissance de cause — permettra aux organisations de profiter de certaines occasions, au lieu que de s'exposer à certaines des critiques dont elles ont pu faire l'objet dans le passé? Plutôt que d'y voir une difficulté de plus, ne pourrions-nous pas considérer que cela présente l'occasion, justement, de collaborer et de forger des partenariats?
L'action passée des membres de l'ACPE démontre en effet qu'auprès des communautés un de nos principaux atouts se situe au niveau du consentement préalable et de la recherche du consensus. Tout cela, encore une fois, repose sur les liens que l'on parvient à tisser avec les communautés, en cherchant à comprendre leurs intérêts, leurs besoins et leurs ambitions. Il s'agit de comprendre comment tel ou tel projet peut contribuer à tout cela. Tout projet comporte en effet des éléments susceptibles de renforcer les capacités d'une communauté, que ce soit en matière de formation, d'éducation, de santé et de sécurité, de participation à l'évaluation environnementale ou aux travaux préalables, aux opérations ou aux activités des entreprises qui fournissent au projet les soutiens indispensables.
Tout cela suppose de gros efforts de la part de nos membres. Chaque partenariat doit être adapté à un contexte qui lui est particulier. Parfois, la communauté en cause est répartie sur plusieurs sites et les décisions à prendre peuvent devoir être avalisées par les membres vivant hors réserve. Il y a diverses manières de parvenir à un consensus.
Il ne s'agit d'ailleurs pas de quelque chose d'étranger aux communautés autochtones. C'est en effet un exercice auquel, aux termes mêmes de la Loi sur les Indiens, elles doivent se livrer pour la désignation des terres. Lorsqu'il s'agit de faire quelque chose au sein d'une réserve, les dirigeants doivent, en matière de désignation des terres, s'assurer de la participation de la communauté tout entière. Il faut en effet obtenir le consentement de la population lorsqu'on envisage de faire quelque chose qui concerne les terres de réserve.
Même les dispositifs modernes, tels que les fiducies de revenu, doivent être soumis aux membres de la communauté afin de dégager un consensus. Il n'y a en cela rien de nouveau. C'est, en effet, une pratique à laquelle tous les secteurs d'activité ont participé sous une forme ou sous une autre.
Je voudrais, monsieur Grondin, revenir avant tout à ma question de tout à l'heure. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais j'ai eu l'impression que vous souhaitiez y répondre. Je voudrais vous en offrir l'occasion. Vous souvenez-vous de ma question?
[Français]
Je vais y répondre en français.
Au Québec, la question est celle de la justice dans le Nord. nous avons beaucoup de difficulté en matière de justice dans cette région. Les intervenants travaillent très fort, mais il y a un manque important sur le plan des ressources, qu'il s'agisse des ressources destinées à la traduction ou aux aides judiciaires, afin d'offrir un système de justice de qualité dans le Nord.
Nous voulons en parler le plus souvent possible et le plus ouvertement possible. Les Autochtones ont droit à un système de justice qui fonctionne. Pour l'instant, le système de justice est un système de première ligne, et cela ne devrait pas être le cas. Il est donc temps d'en parler davantage.
[Traduction]
Cela ne s'applique pas uniquement aux services de grande qualité, mais il s'agit aussi des services de base.
Je vais manquer de temps, M. Fox, mais je sais qu'au Nunavut nous avons, dans le cadre de l'accord sur les revendications territoriales, mis en place un très bon régime réglementaire, au sein duquel collaborent le gouvernement fédéral, le gouvernement territorial et les organisations inuites. Avez-vous envisagé d'instaurer quelque chose d'analogue...
Je vous remercie.
Je voudrais consacrer à M. Fox les brèves minutes qui me sont accordées. Je vous remercie de ce que vous avez dit au sujet de la mine de New Afton, car les parties sont, en l'occurrence, parvenues à un accord satisfaisant sur le partage des redevances, sur les avantages qui doivent découler de la mine et sur la question des emplois. En fait, je trouve particulièrement fascinantes les mesures de protection visant l'habitat des chauves-souris et le partenariat qu'ils ont pu mettre sur pied.
On sait que les projets miniers tels que Prosperity et Ajax, n'ont pas obtenu l'aval des communautés autochtones, et qu'on a dû y renoncer. J'estime qu'à cet égard une jurisprudence assez claire se dégage actuellement. Je reviens toujours à la même question, mais j'estime ne pas avoir encore reçu de réponse satisfaisante.
Alors que nous passons de la jurisprudence actuelle au concept nouveau de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, je voudrais citer à nouveau l'exemple de Kinder Morgan que j'ai actuellement à l'esprit. Selon certains représentants du NPD, la mise en oeuvre de ce projet exigera le consentement de toutes les communautés touchées par le projet de pipeline.
Selon votre interprétation de ce texte, si l'on adopte un nouveau cadre législatif qui n'impose pas la consultation et les mesures d'adaptation, ce qui, s'agissant d'un projet minier, veut essentiellement dire le consentement, il se peut que dans le cas d'un projet transfrontalier, à un moment donné quelqu'un ait à trancher. Ne craint-on pas alors de voir se multiplier les litiges et les complications? Qu'en pensez-vous?
Les efforts en vue d'obtenir la participation de la communauté et la création de partenariats sont au coeur de notre métier, mais la décision finale appartient en définitive à la Couronne. Notre rôle consiste à favoriser la mise en oeuvre, mais une fois que nous avons remis le descriptif d'un projet, accompagné le processus d'évaluation environnementale, dressé les tableaux des mesures d'atténuation, et présenté les accords auxquels on est parvenu sur les incidences du projet, celui-ci va néanmoins devoir recevoir l'aval de la Couronne.
À supposer que la Couronne donne son feu vert, et souvent cette autorisation sera accompagnée de conditions qui vont grossir les coûts du projet, ou exiger du promoteur un effort supplémentaire, la décision d'aller de l'avant n'appartient pas au promoteur. L'avenir du projet dépend en effet en grande partie de la Couronne, et le promoteur va devoir se plier aux règles du ressort dans lequel il opère, en l'occurrence la Colombie-Britannique.
Je peux dire que l'adoption de ce texte va conférer à la Couronne de nouvelles responsabilités découlant tant de la jurisprudence que de l'engagement que le gouvernement a pris en matière de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, même dans le cas d'un projet transfrontalier.
J'imagine que vous ne pouvez pas nous dire comment la Couronne et les avocats...
Je peux dire cependant que, selon la tendance, les diverses communautés, la province, ainsi sans doute que les territoires — en ce qui concerne les territoires, je connais mal la situation — auront voix au chapitre en matière de planification et de gestion, et sans doute aussi au niveau de la prise de décisions.
La jurisprudence actuelle permet la mise en place d'un régime efficace, et nos pratiques sont en constante amélioration.
Voilà qui met fin au bloc de temps prévu pour l'audition de ce groupe de témoins.
Nous allons faire une rapide pause avant d'accueillir le prochain groupe.
Madame la présidente, nous allons accueillir un nouveau groupe de témoins, mais étant donné que nous devrons aller voter à 17 h 45, et que la sonnerie va retentir à 17 h 15, je me demande si nous ne devrions pas nous entendre pour limiter les exposés à 10 minutes chacun, après quoi il y aurait une série de questions de sept minutes chacune. Il suffirait alors de rajouter six minutes à la séance.
Cela nous mène à 17 heures, et puis, selon vous, il y aurait ensuite trois séries de questions de sept minutes chacune?
Merci beaucoup. Meegwetch. Je vous remercie de votre présence.
Nous allons observer les mêmes règles que tout à l'heure. Vous aurez chacun 10 minutes pour présenter un exposé, après quoi nous passerons aux questions des députés.
Selon la séquence prévue à l'ordre du jour, nous allons d'abord passer la parole à Jennifer Preston de Secours Quaker canadien.
Bonjour. Je suis la fille de Sarah Jane et de Richard Preston, et mère de Sarah Jane Howe. Je suis née dans le territoire des Leni Lenape, et j'ai passé une bonne partie de mon enfance dans le territoire des Cris. J'habite maintenant le territoire traditionnel des Anishinabek et des Haudenosaunee.
Secours Quaker canadien est un organisme voué à la justice et à la paix, créé dans le cadre de la Société religieuse des Amis, les Quakers. En tant qu'organisme confessionnel, les Quakers oeuvrent depuis des siècles pour la paix et la justice. Après la Deuxième Guerre mondiale, les organismes de services communautaires relevant des Quakers se sont vu décerner le prix Nobel de la paix au titre de leur engagement en faveur de la justice et de la paix. Les Quakers sont ce qu'on appelle une église historiquement pacifiste. Notre témoignage en faveur de la paix se situe au coeur même de notre foi. La paix et la justice sont indissociables et il ne saurait y avoir de paix là où règne l'injustice.
Je ne suis pas d'origine autochtone et je ne représente aucunement une collectivité autochtone, mais toute violation des droits de la personne doit nous interpeller. Nous avons tous intérêt à voir affirmer et promouvoir les droits des peuples autochtones. Selon nous, la Déclaration des Nations unies est un pas en avant. Le projet de loi C-262 revêt en même temps une importance essentielle pour les peuples non autochtones du Canada.
Depuis deux décennies, je consacre essentiellement mes travaux à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, d'abord au sein des instances internationales qui l'ont vu naître et adopter, puis ces 10 dernières années, au niveau de sa mise en oeuvre. Je suis depuis longtemps spécialiste de cette déclaration, sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit, notamment en tant que coéditrice d'un livre intitulé The UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples: Triumph, Hope, and Action. Il est fréquent que l'on m'invite à prendre la parole devant divers publics et à présenter un exposé sur la Déclaration. C'est avec grand plaisir que je comparais devant votre comité.
Secours Quaker canadien est entièrement favorable au projet de loi C-262 et nous appelons les députés à l'adopter dans un esprit non-partisan. J'ai longuement réfléchi aux propos que j'entendais développer devant vous cet après-midi. Vous avez déjà recueilli de nombreux témoignages sur la question, et je ne voudrais pas faire double emploi avec ce que d'autres vous ont déjà dit. Il y a cependant, au sujet du projet de loi C-262, un certain nombre de choses sur lesquelles il convient d'insister. Les peuples autochtones se sont rendus aux Nations unies pour négocier cette déclaration, car, chez eux, ils n'obtenaient pas justice. Ce texte sur les droits de la personne humaine a fait date dans l'histoire des Nations unies, et le Canada a contribué sensiblement à son adoption. Si les peuples autochtones ont consenti de tels efforts, c'était pour faire évoluer les situations.
On constate, ça et là, 10 ans après l'adoption de ce texte par l'Assemblée générale des Nations unies, d'intéressants travaux sur la mise en oeuvre du texte, travaux dus essentiellement d'ailleurs aux efforts des peuples autochtones, mais ceux d'entre nous qui consacrent leur activité professionnelle à cette déclaration sont intimement persuadés de la nécessité d'un cadre législatif national tel que prévu dans le projet de loi C-262.
Aux yeux de nombreux organismes confessionnels, y compris les Quakers, le travail effectué par la Commission de vérité et réconciliation revêt une importance critique. C'est un moment décisif de notre histoire nationale. Vous n'ignorez pas que le régime des pensionnats indiens forme tout un pan des forces destructrices de la colonisation au Canada. Les travaux exemplaires de la Commission de vérité et réconciliation nous permettent de mieux comprendre non seulement la démarche colonisatrice, mais les séquelles de la colonisation.
Qu'avons-nous appris? La vérité. Nous avons pris connaissance d'une maltraitance sexuelle, physique et spirituelle. Nous avons pris connaissance de la dépossession généralisée des terres autochtones. Nous avons pris connaissance des tentatives de destruction des structures de gouvernance et des cadres juridiques traditionnels, des efforts de conversion religieuse, des tentatives d'assimilation forcée, y compris l'interdiction de parler sa langue, de suivre sa culture et de se livrer à ses pratiques spirituelles traditionnelles. Nous avons pris connaissance du caractère raciste et sexiste de la Loi sur les Indiens, dont bon nombre des dispositions demeurent actuellement en vigueur. Nous avons pris conscience des conséquences secondaires qu'entraîne la perte de la culture, de la langue et de l'identité, au niveau notamment du traumatisme intergénérationnel. La Commission de vérité et réconciliation, et Beverley McLachlin, ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada, ont toutes les deux conclu que cela a constitué un véritable génocide culturel.
Que propose la Commission de vérité et réconciliation? Que doit-on entendre par réconciliation? Permettez-moi de vous citer un rapport de la Commission intitulé « Ce que nous avons retenu: Les principes de la vérité et de la réconciliation »:
[...] la réconciliation consiste à établir et à maintenir une relation mutuellement respectueuse entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada. Pour que cela se concrétise, il faut connaître le passé, reconnaître les dommages qui ont été infligés, se repentir des causes et poser des gestes pour changer les comportements.
Je suis entièrement d'accord avec l'appel à l'action 43, selon lequel la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones constitue le cadre même de la réconciliation, son esquisse. Selon M. Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies, la Déclaration est la « feuille de route » de la réconciliation. La Commission de vérité et réconciliation a très adroitement intégré à ses travaux les principes contenus dans la Déclaration de l'ONU. Seize de ses appels à l'action se réfèrent à la Déclaration. Tout ce qui tend à restreindre la portée de la Déclaration des Nations unies compromet la réconciliation.
Je voudrais maintenant me pencher sur le projet de loi C-262. Ce texte instaure un cadre législatif qui va permettre d'assurer que nous ne faisons pas que discuter de la Déclaration des Nations unies, mais que nous allons effectivement la mettre en oeuvre.
La Commission de vérité et réconciliation a conclu que le refus « de respecter les droits et les recours énoncés dans la Déclaration viendra aggraver encore davantage les séquelles laissées par les pensionnats et sera un obstacle aux progrès vers la réconciliation ».
Le projet de loi C-262 est pour le Canada une occasion unique de renoncer à un cadre colonial qui a opéré la dépossession des peuples autochtones, et d'accéder au statut d'État-nation qui reconnaît les torts qu'il a commis, et qui est décidé à se racheter et à faire évoluer la situation.
Le cadre législatif qu'instaure le projet de loi C-262 donne au gouvernement fédéral les moyens d'opérer le changement fondamental qui seul nous permettra de sortir de l'ère coloniale.
Cette semaine, et peut-être même un peu plus tard dans la journée, les responsables nationaux de nombreuses églises, y compris celles qui administraient les pensionnats, vont écrire aux dirigeants des divers partis politiques pour les inviter à soutenir l'adoption du projet de loi C-262 hors de tout esprit partisan. De nombreux organismes confessionnels ont manifesté activement leur soutien à la Déclaration des Nations unies et au projet de loi C-262. Quelle en est la raison? Nous nous sommes, en tant que personnes animées d'une foi, engagées en faveur de la paix et de la justice. Nous sommes conscients d'une injustice dont nous ne saurions nous décharger et nous nous sommes engagés à faire évoluer la situation. Nous sommes décidés à oeuvrer pour la déconstruction des structures de pouvoir qui continuent à opprimer les peuples autochtones.
Le changement peut être difficile à opérer, et parfois il effraie. Je n'ignore naturellement pas les craintes qu'ont suscitées à la fois la Déclaration et le projet de loi. Selon mon analyse de la situation, cette crainte provient en fait d'un désir profond de maintenir les structures de pouvoir coloniales et de perpétuer l'exploitation et la domination.
Au printemps dernier, alors que j'effectuais dans le nord de la Colombie-Britannique une tournée de conférences sur la Déclaration ainsi que sur la notion de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, j'ai accordé une entrevue à Radio-Canada Nord. On m'a notamment interrogé au sujet de la peur et j'ai fini par dire que, contrairement aux prévisions des alarmistes, le ciel n'allait pas s'effondrer. Ma réponse avait quelque chose de désinvolte, mais j'entendais par cela qu'il ne fallait pas se laisser aller à des craintes non fondées. Il nous faut, au contraire, accueillir sans réserve la mise en oeuvre de la Déclaration dans le cadre du projet de loi C-262, et y voir un sujet de fierté qui va nous faire accéder à un nouvel état de choses désormais fondé non pas sur le colonialisme, mais sur le cadre contemporain que constituent les droits de la personne.
Les membres du Comité ont eu l'occasion d'interroger d'autres témoins au sujet de ce principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, et je ne vais donc pas revenir sur la question. Je sais que Paul Joffe entend aborder le sujet un peu plus tard cet après-midi. Je souhaite préciser, cependant, que le principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause n'est pas né de la Déclaration. En effet, il s'agit d'un principe solidement ancré dans le droit international, et le Canada est déjà juridiquement tenu à son respect.
Cela dit, je souhaiterais, afin de faire encore mieux ressortir l'importance que revêt la réconciliation, faire un léger ajout au préambule du texte du projet de loi. Je propose quelque chose comme ceci:
Considérant que, ainsi que l'a souligné la Commission de vérité et réconciliation, la Déclaration contient les principes, les normes et les standards nécessaires pour faire rayonner la réconciliation dans le Canada du XXIe siècle.
Le sénateur Murray Sinclair ne nous a pas caché que la vérité n'est pas facile à accepter, et que la réconciliation est encore plus difficile. À l'issue des travaux de la Commission, il s'est exprimé en ces termes: « Nous vous avons décrit une montagne. Nous vous avons montré la voie à suivre pour en atteindre le sommet. C'est maintenant à vous de la gravir. »
Au cours des 20 dernières années, il est arrivé qu'on me demande pourquoi les Quakers se sont engagés à fond dans cette action. La réponse est toute simple. Sans justice, il n'y a pas de paix.
Une conclusion éloquente.
Notre deuxième exposé va nous être présenté par Pat Van Horne, qui intervient au nom du Syndicat des Métallos.
Je vous cède la parole pour 10 minutes. Je vous remercie.
Je tiens à vous remercier d'avoir invité le Syndicat des Métallos à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Pat Van Horne, et je suis la représentante législative du Syndicat des Métallos. Je suis en poste ici à Ottawa. Je suis accompagnée d'un certain nombre de nos adhérents qui se trouvent à Ottawa cette semaine pour s'entretenir avec des députés au sujet d'un autre dossier important, la sécurité des retraites. Mais c'est un sujet que je n'aborderai pas aujourd'hui. J'interviens au nom de notre directeur national, M. Ken Neumann, qui n'a pas pu se joindre à nous.
Le Syndicat des Métallos représente plus de 180 000 femmes et hommes oeuvrant dans tous les secteurs de l'économie canadienne d'un bout à l'autre du pays, dont des milliers de membres d'ascendance autochtone faisant partie des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Ces derniers travaillent, entre autres, dans des mines d'uranium de la Cameco, en Saskatchewan, dans les mines de nickel de Vale à Voisey's Bay, au Labrador, dans la mine Raglan de Glencore dans le Nord du Québec, dans les sociétés forestières et les scieries du Nord de l'Ontario et de l'Ouest du Canada, ainsi que pour la Frontier School Division dans le Nord du Manitoba et dans d'autres endroits encore.
Le Syndicat des Métallos lutte depuis longtemps pour la justice sociale et les droits de la personne des travailleuses et travailleurs, de leurs familles et de leurs collectivités. Aujourd'hui, comme de nombreuses organisations et institutions canadiennes, dont les syndicats, nous nous engageons en faveur de la réconciliation et d'une pleine reconnaissance des droits des peuples autochtones.
Le soutien du Syndicat des Métallos pour le projet de loi C-262 se fonde sur cette position de principe officiellement adoptée en 2016, et il traduit la vive préoccupation qu'inspire aux Métallos, en tant que citoyennes, citoyens et membres de collectivités de tous les horizons et de tous les coins du pays, le traitement injuste et raciste que le Canada a infligé aux peuples autochtones dans le passé.
Notre syndicat comprend un comité des peuples autochtones qui se réunit régulièrement et qui porte à l'attention du syndicat dans son ensemble les questions qui méritent d'être soulevées.
L'adoption du projet de loi C-262 témoignerait très fortement du désir collectif qu'ont les Canadiens de mieux faire, et d'opérer une authentique réconciliation avec les Premières Nations du Canada. Le projet de loi C-262 trace d'une manière tout à fait pratique et conforme aux droits fondamentaux des intéressés, la voie que doit suivre le Canada s'il entend parvenir à une réconciliation complète et profonde. Il s'agit, en effet, de déceler et de racheter les séquelles de la colonisation rivées dans nos systèmes juridiques, économiques, politiques et autres, séquelles qui marquent encore, je dois dire, les relations économiques avec les employeurs.
Le fait d'aborder le projet de loi C-262 dans l'optique des droits à garantir fait partie intégrante des efforts engagés pour faire face aux crises qui sévissent dans de nombreuses communautés autochtones et qui frappent de nombreux Autochtones habitant en ville. Comme beaucoup l'ont rappelé, il faut en l'occurrence entendre par crise l'insuffisance en matière d'instruction, de santé, de bien-être des enfants et de logement. Et puis il y a aussi la violence sexuelle, la pauvreté, ainsi que la perte de la langue d'origine et de l'identité culturelle. Il y a fort à faire, mais je pense que les Canadiens sont disposés à consentir les efforts nécessaires, et, d'après moi, ce projet de loi sera utile en cela.
Correctement mis en oeuvre, le projet de loi C-262 contribuera à la mise en place d'un cadre juridique global et conforme au droit international. Cela aidera les communautés autochtones à oeuvrer de concert avec des acteurs du secteur privé pour parvenir à des accords équitables en vue du développement aussi bien des communautés que des ressources. C'est d'ailleurs un aspect de la question que le représentant de l'ACPE a évoqué dans son exposé.
Le Syndicat des Métallos n'acceptera jamais plus l'ouverture d'une mine conçue d'une manière qui n'assure pas la sécurité. Les Métallos n'accepteront jamais une exploitation minière qui repose sur le harcèlement ou l'exploitation des travailleurs et de leurs familles, ou une mine dont la conception n'englobe pas les mesures de protection de l'environnement qui évitent aux communautés environnantes le risque d'être empoissonnées. Tout au long de notre histoire, la santé et la sécurité a été un des principaux axes de notre action, cela étant particulièrement vrai depuis 25 ans, c'est-à-dire depuis l'explosion de la mine Westray. Ainsi, les Métallos ne consentiront plus à une mine qui serait construite sans la consultation préalable des peuples autochtones intéressés, et sans que ceux-ci, contrairement à ce que prévoit la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, aient participé aux décisions. Cela entend notamment le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, des peuples autochtones concernés.
Les Métallos ne craignent pas que l'adoption du projet de loi C-262 paralyse en quoi que ce soit le développement des ressources au Canada. Au contraire, la mise en oeuvre du projet de loi C-262 contribuera à assurer que le système juridique du Canada favorise un meilleur équilibre des droits, et indique de manière plus précise quels doivent être les fondements des décisions en matière de développement des ressources. Nous avons pu constater que les communautés autochtones dont les droits sont correctement assurés sont parfaitement disposées à étudier les propositions qui leur sont faites pour ce qui est notamment des partenariats en matière de développement des ressources, des négociations collectives et diverses autres questions.
Mon dernier commentaire sera tout simplement que des modalités comme celles du projet de loi C-262, destiné à faire reconnaître réellement les droits de la personne dans une relation viciée par le racisme et l’exploitation, dans un cadre colonial, aideront des organismes comme les Métallurgistes unis d’Amérique à devenir des vecteurs de réconciliation, lorsque le principe directeur de leur action sera la solidarité.
Je vous remercie de l’attention que vous m’avez accordée et je me ferais maintenant un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Je vous remercie.
Nous en venons maintenant à notre dernier témoin. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous. Vous disposez d’un maximum de 10 minutes. Nous vous écoutons.
Merci beaucoup.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis ravi de me trouver sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin et d’avoir ainsi l’occasion de comparaître devant vous.
Je félicite les membres de votre comité d’étudier le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Une fois adopté, un projet de loi énergique contribuera de façon importante à la réconciliation nationale et aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Je tiens tout particulièrement à saluer la détermination du député Romeo Saganash à porter le projet de loi C-262 jusqu’à ce point critique. Qu’il soit parvenu jusque-là est de la plus haute importance puisqu’il est le seul député autochtone à être un survivant des pensionnats indiens.
Permettez-moi de commencer par la doctrine de l’arbre. Les droits des peuples autochtones, affirmés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, sont conformes à la doctrine de l’arbre qui s’applique à la Loi constitutionnelle du Canada. Comme le plus haut tribunal du pays en a décidé en 1984 dans Hunter c. Southam:
Une fois adoptées, les dispositions [de la Constitution] ne peuvent pas être facilement abrogées ou modifiées. Elles doivent par conséquent être susceptibles d’évoluer avec le temps de manière à répondre à de nouvelles réalités sociales, politiques et historiques que souvent ses auteurs n’ont pas envisagées.
La Déclaration des Nations unies constitue une de ces nouvelles réalités sociales, politiques et historiques, un instrument consensuel en matière des droits de la personne qui élabore les droits des peuples autochtones à l’échelle mondiale. Comme l’a indiqué la Cour suprême dans le Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe: « Une interprétation large et libérale, ou progressiste, garantit la pertinence et, en fait, la légitimité perpétuelles du document constitutif du Canada. »
Au point suivant, j’insiste sur le fait que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. M. Saganash a répété à l’envi devant le Parlement et devant ce comité que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. Cette reconnaissance essentielle ne fait aucun doute. Les gouvernements fédéraux qui se sont succédé, tant conservateurs que libéraux, ont confirmé aux Nations unies que les droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones du Canada sont des droits de la personne dans le système juridique national de notre pays. Le système des droits de l’homme des Nations unies tient compte des droits des peuples autochtones depuis plus de 35 ans. Tous les gouvernements, tous les organismes d’affaires, universitaires et autres du Canada devraient donc convenir que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne.
Dans la décision Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique de 2014, la Cour suprême du Canada précise que « La Charte constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, et la protection des droits ancestraux constitue la partie II. » La Cour poursuit en ajoutant « Les parties I et II sont apparentées et limitent toutes deux l’exercice des pouvoirs gouvernementaux, qu’ils soient fédéraux ou provinciaux. »
En 1987, dans le renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act de l’Alberta, le juge en chef Brian Dickson insiste sur le fait que les déclarations et les autres sources du droit international des droits de la personne « doivent… être considérées comme des sources pertinentes et persuasives quand il s’agit d’interpréter les dispositions de la Charte. » En d’autres termes, si les déclarations internationales sont utilisées pour interpréter les droits de la personne énoncés à la partie I de la Loi constitutionnelle, il doit en être de même en ce qui concerne les droits de la personne des peuples autochtones figurant à la partie II de cette loi.
Il est donc essentiel que le paragraphe 2(2) du projet de loi C-262 affirme que:
La présente loi n’a pas pour effet de retarder l’application en droit canadien de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Comme les législations canadiennes et internationales le confirment, les droits internationaux de la personne autochtone sont inhérents ou préexistants. En l’absence de ce paragraphe 2(2), certains pourraient prétendre que les droits inscrits dans la Déclaration des Nations unies ne s’appliquent pas tant que le processus de collaboration prévu aux articles 4 et 5 du projet de loi n’a pas fixé la nature et la portée de tels droits.
Venons-en maintenant à la question importante du consentement en regard du droit de veto. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’est pas mis en place par la Déclaration des Nations unies. La déclaration affirme que les droits actuels s’appliquent et donne des détails sur ceux-ci; elle ne crée aucun nouveau droit. Le terme « veto » ne figure pas dans celle-ci. Un droit de veto est en quelque sorte un droit absolu, comme de ne pas prendre en compte les faits et la loi dans chaque cas. Il ne laisse pas place à l’équilibre des droits. On ne peut donc ni prêter des intentions à la Déclaration des Nations unies, ni l’interpréter, celle-ci contenant certaines des dispositions les plus complètes sur la recherche d’équilibre parmi les instruments garantissant les droits de la personne. On pense ici en particulier à l’article 46(3) négocié avec le Canada par les représentants autochtones.
Le consentement est un élément essentiel du droit de tous les peuples à l’autodétermination. Ce droit est reproduit à l’identique dans les articles 1 de deux documents sur les obligations internationales relatives aux droits de l’homme que le Canada a ratifiés en mai 1976. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et le droit international ont la même signification que le consentement dans le droit canadien. Dans les deux cas, s’il y a contrainte, il n’y a pas de consentement valide. Il en va de même si on tente d’obtenir le consentement uniquement après le lancement d’un projet ou si l’information fournie sur celui-ci est inadaptée ou erronée.
Au niveau international, l’application du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause aux peuples autochtones reçoit l’appui de l’Assemblée générale, du secrétaire général, du Haut Commissariat aux droits de l’homme, des organismes responsables des traités, des agences spécialisées, des rapporteurs spéciaux, de l’Instance permanente sur les questions autochtones et du Mécanisme d’expert sur les droits des peuples autochtones des Nations unies. Aucune de ces entités, de ces organismes ou de ces mécanismes ne décrit le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause comme un droit de veto.
Il en va de même pour la Cour interaméricaine des droits de l’homme et pour la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Ce consentement doit comporter la possibilité de refuser le consentement. Cette conclusion est tout à fait logique. Il serait absurde de conclure que les peuples autochtones ont le droit de dire « oui », mais pas celui de dire « non », même dans les circonstances les plus dommageables.
Dans le but d’assurer des relations de coopération et harmonieuses, je soumets respectueusement à votre étude trois amendements au projet de loi C-262.
Le titre actuel du projet de loi C-262 ne traduit pas l’ensemble des questions qui y sont abordées. C’est la raison pour laquelle mon premier amendement propose comme titre « Loi de mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de promotion de la conciliation. »
Mes deux amendements suivants s’intégreraient bien au tout début du préambule.
Le paragraphe suivant, nouveau, tient compte de la formulation du Mécanisme d’Expert sur les droits des peuples autochtones et de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones et se lirait comme suit: « que la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones constitue un cadre de principe pour assurer la justice, la réconciliation, la guérison et la paix. »
Enfin, mon troisième amendement tient simplement compte du 18e paragraphe du préambule de la Déclaration des Nations unies et se lirait comme suit: « que l’affirmation des droits des peuples autochtones dans cette Déclaration favorisera des relations harmonieuses et de coopération entre le Canada et les peuples autochtones. »
Je vous remercie.
Je remercie chaleureusement tous les témoins de leur présence parmi nous.
Maître Joffe, votre nom a été évoqué à plusieurs occasions au sujet de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous sommes très honorés que vous soyez tous venus nous faire part de vos connaissances et nous communiquer votre sagesse.
Je vais partager le temps dont je dispose avec mon collègue, M. Vandal, mais je tiens à vous entretenir d’un aspect de votre exposé. Il s’agit de savoir si nous avons besoin du projet de loi C-262 pour que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones s’applique en droit canadien. Vous nous avez laissé entendre que les conventions et les déclarations internationales font, pour l’essentiel, partie de notre droit national. J’aimerais toutefois que vous nous disiez, dans ce cas précis, si vous estimez que nous avons quand même besoin de ce projet de loi.
La seconde partie de ma question vise à savoir ce que vous pensez du cadre des droits présenté par notre gouvernement il y a quelques semaines.
Je dispose donc d’un peu de temps pour vous répondre.
Oui, c’est exact. La Cour suprême, comme je l’ai rappelé, a déclaré en 1987 et réaffirmé depuis cette époque que les déclarations internationales doivent être considérées comme des sources pertinentes et persuasives quand il s’agit d’interpréter les droits de la personne au Canada. Il n’y a donc là aucun doute. Mais cela va plus loin que cela.
Tout d’abord, les gouvernements autochtones, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et toutes les commissions des droits de la personne du Canada, membres de l’Association canadienne des commissions et conseil des droits de la personne, ou ACCCDP, leur groupe de coordination, appuient la Déclaration des Nations unies. Les gens sont libres d’y recourir.
L’intérêt qu’il y a à disposer de cette législation est, avant tout, qu’elle instaure un processus de collaboration. Cela a toujours été un problème. Lorsqu’il n’y a pas de collaboration et que les législateurs décident seuls, l’histoire canadienne nous a malheureusement montré que l’on fait face au colonialisme, que les gens ne se sont pas compris, que les problèmes ont été enchâssés dans la législation, et que nous ne sommes allés nulle part.
En ce qui concerne la reconnaissance et le cadre des droits, je vous dirai très rapidement qu’il faudra voir ce que cela englobe, mais cela s’intègre bien sûr au projet de loi de M. Saganash. Il s’agit là d’une autre étape.
Pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies au Canada, il ne suffit pas d’adopter le projet de loi C-262. Il faut intégrer le contenu de cette déclaration aux divers éléments de notre législation. Ainsi, personne ne pourra dire que le doute continu à planer. Imaginons que vous ayez à traiter des langues autochtones. Si, par exemple, vous intégrez la déclaration dans le préambule, si vous procédez par renvoi ou de quelque autre façon et montrez comment cette déclaration sera utilisée et comment elle va renforcer les objectifs de tous les législateurs, cela aiderait beaucoup. Il faudrait procéder avec le projet de loi C-69, Loi sur l’évaluation d’impact, et avec le projet de loi C-57. De cette façon, vous assurerez la cohérence tout en évitant l’incertitude et en répondant aux exigences des législateurs, quelles qu’elles soient.
Je ne veux pas empiéter sur le temps de parole de vos collègues.
Je vous remercie.
Ma question porte sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Elle s’adresse à Mme Van Horne.
Comment évaluez-vous le consentement dans le cas, par exemple, d’un projet minier?
C’est une question que je vous inviterai à poser à Me Joffe, mais la réponse se trouve certainement en partie dans ce que vous a expliqué cet après-midi l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, l’ACPE, et dans le fait que l’obtention du consentement est un mécanisme qui ne fonctionne pas à sens unique, mais bien dans les deux sens, et si c’est ce que cette législation vise à atteindre, je pense alors que ce qui la rend nécessaire…
Comme le temps m’est compté, permettez-moi de poser ma question à Me Joffe.
Comment mesurez-vous le consentement?
La nature du consentement variera selon le processus dont il est question.
S’il s’agit d’une convention ou d’un instrument international, comme ce fut le cas avec les changements climatiques lorsque le Canada a invité les peuples autochtones à participer au débat, il n'y avait d’autres choix que de s’adapter aux processus en cours. Par contre, s’il s’agit d’un changement constitutionnel, comme ce fut le cas à l’époque de l’accord de Charlottetown, ce sont tous les leaders politiques qui étaient parvenus à un consensus…
S’agit-il d’un droit autochtone collectif ou d’un droit individuel?
Prenons l’exemple du projet Kinder Morgan. Faisons l’hypothèse que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones était déjà approuvée. Nombre de Premières Nations sont opposées à ce projet, mais plus de 40 d’entre elles ont signé des ententes sur les retombées. On peut imaginer qu’elles sont en faveur de ce projet. Y a-t-il là ou non consentement?
Dans chaque cas, vous devez tenir compte des faits et de la législation.
Imaginons que 15 Premières Nations soient concernées par un projet. La moitié d’entre elles est favorable à ce projet et l’autre moitié s’y oppose, sans oublier qu’il peut y avoir toute une diversité d’opinions. Il faudra tenir compte des faits et de la législation. Que se passe-t-il si certaines Premières Nations devaient être pénalisées gravement et subir des effets à long terme? Je crois qu’un tribunal accorderait plus d’importance à ces Premières Nations qu’à celles qui diraient « Eh bien, ce projet ne va pas beaucoup nous toucher, mais nous allons profiter de ses répercussions et de l’accord sur les retombées » ou d’autres choses de ce genre.
En d’autres termes, vous devrez dans chaque cas tenir compte des faits et de la législation. On ne peut pas se contenter de demander comment les choses vont se dérouler parce que les faits vécus par tout un chacun et la législation sont intégrés à ce processus.
C’est compliqué.
Est-ce que cela vous inspire des réflexions, madame Preston? Il ne nous reste que 50 secondes à consacrer à ce sujet.
Pour poursuivre dans le même sens, lorsque vous examinez une situation comme celle de Kinder Morgan, qui a tant fait les manchettes, et toutes les questions que cela a impliquées, la signature d’un accord sur les répercussions ne signifie pas nécessairement que vous êtes un partisan du projet. Vous pouvez fort bien avoir eu le sentiment que c’était là le seul choix qui s’offrait à vous. Il me semble important qu’on s’en souvienne.
J’aimerais également dire que le processus qui a mené à l’approbation du projet Kinder Morgan par l’Office national de l’énergie ne me semble pas avoir été exemplaire. Il est à la base du problème auquel nous sommes maintenant confrontés. Disposer d’un processus plus performant, avant de parvenir à cette étape, ce qui est au fond la raison d’être du projet de loi C-262 nous aurait permis d’éviter ces conflits.
Pourquoi faisons-nous face maintenant à un mur? C’est parce que le processus utilisé n’a pas permis de répondre aux exigences de la Première Nation Tsleil-Waututh. Avec l’accumulation des conflits, nous nous sommes retrouvés dans un cul-de-sac. Si nous avions disposé d’un processus plus performant ne conduisant pas à ces conflits insolubles, la situation serait beaucoup moins tendue.
Je vous remercie, madame la présidente.
Merci aux témoins.
Je tiens à rappeler dès le début que tous les partis sont en faveur de la Déclaration des Nations unies. Nous parlons ici du projet de loi C-262 et pas nécessairement d’obtenir l’appui de tous les partis.
Lorsqu’on affirme que toute objection à celui-ci est imputable à la peur et prend racine dans une forme de colonialisme, je tiens à me démarquer. Il me paraît important pour les législateurs que nous sommes de bien comprendre les répercussions de tout texte législatif qui nous est soumis. Je tenais à le rappeler.
Nous avons entendu Me Joffe, dont la réputation n’est plus à faire en la matière, et un certain nombre d’avocats qui ont des points de vue très différents sur les répercussions que le projet de loi C-262 pourrait avoir au Canada. Je trouve que c’est là un débat légitime et important que nous aurions tort de clore hâtivement.
J’ai une question à vous poser. Nous pouvons entendre quantité d’avocats spéculer sur les répercussions de ce projet de loi au Canada, mais la question est-elle suffisamment importante pour qu’elle fasse l’objet d’un renvoi à la Cour suprême afin de bien saisir toutes ses dimensions et d’apporter des modifications à notre législation pour la rendre conforme à la Déclaration?
C’est une idée que je lance. Aurions-nous intérêt à le faire?
J’ai eu le privilège d’être impliqué dans le renvoi sur la sécession du Québec, et je comprends bien qu’il y a des situations dans lesquelles il y a intérêt à demander à la Cour de répondre à certaines questions. Je ne crois pas que ce soit le cas ici parce que ce sujet concerne tout simplement un trop grand nombre de situations. Comment la Cour pourrait-elle juger? En règle générale, elle demande une analyse du contexte et il faut lui présenter un certain nombre d’ensembles de faits. Une simple réponse, dans un sens ou dans l’autre, ne résoudrait rien.
J’ai eu l’occasion de travailler avec des coalitions importantes, non seulement au Canada, mais aussi à l’étranger, comme en Amérique latine, et nous nous sommes toujours efforcés de parvenir à un consensus et de chercher des possibilités de coopération. Comment pouvons-nous travailler avec les États?
Nous voyons là une occasion formidable de coopérer réellement. Quand on se penche sur le fonctionnement du colonialisme, il reposait essentiellement sur des relations unilatérales. Quelqu’un savait mieux que les autres comment les choses devraient se passer et en décidait, mais cela n’a pas fonctionné. Le projet de loi présenté par M. Saganash comporte au moins deux séries de modalités pour permettre la coopération.
C’est là la réponse brève que je peux vous donner.
Je conviens bien volontiers que les résultats que nous avons obtenus en matière de consultations axées sur la collaboration, et lorsque nous avons voulu inscrire les ententes déjà conclues dans la législation canadienne, ont été décevants. Cela fait 150 ans que nous n’avons obtenu que de piètres résultats et nous ne pouvons l’ignorer après notre étude des revendications territoriales.
Vous nous avez parlé de consentement et cela m’amène à revenir à ce que nous a dit Pam Palmater, que j’ai déjà mentionné auparavant. Nous attendons toujours que les dirigeants du ministère de la Justice nous parlent du consentement. Quelqu’un nous a dit que cette notion pourrait avoir trois définitions. Me Palmater s’est demandé dans quel univers parallèle le sens de consentement pourrait différer dans ce projet de loi de celui qu’on lui donne dans la vie courante. À mes yeux, c’est là une remarque tout à fait pertinente.
Le NPD est tout à fait d’avis que le sens à donner à ce terme n’a rien à voir avec le contexte, que cela signifie que chacune des Premières Nations touchées d’une façon ou d’une autre doit donner son consentement. Lorsqu’il a décrit la mise en oeuvre du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, l’un des collègues de M. Saganash a rappelé que chacune des Premières Nations touchées ou concernées doit donner son consentement. Je ne veux pas utiliser le terme de « veto », mais si vous dites « oui » ou « non », alors il me semble que… Pour l’essentiel, si vous demandez le consentement de chacune des Premières Nations, ce que le NPD a interprété comme voulant dire… Nous avons les commentaires de Me Palmater alors que nous ne parvenons pas à obtenir une définition de cette notion par les avocats du ministère de la Justice.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Je peux aborder ce sujet du point de vue de la négociation collective. C’est ainsi qu’il y a un élément de contexte que nous négocions dans les communautés nordiques, le temps accordé aux Autochtones de ces communautés pour participer à des activités traditionnelles. Des congés sont prévus pour participer à différentes activités sur les terres. C’est quelque chose de différent d’une Entente sur les répercussions et les avantages. Du simple fait de leur adhésion au syndicat, ils bénéficient de ces dispositions. La négociation collective avec les employeurs se déroule dans un contexte que je connais bien. C’est une approche en douceur par comparaison à l’examen par l’ensemble du gouvernement de chaque texte de loi, de tout ce que nous faisons, et de son appréciation à l’aune de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce n’est pas, à mon avis, un mauvais modèle.
Les répercussions de la décision Daniels sont un autre point intéressant qui a été porté à notre attention lors de notre dernière séance de travail.
Maître Joffe, comment réagissez-vous à ce point particulier dans le cadre d’un processus complet d’obtention du consentement?
Sachez pour commencer que j’ai lu un peu sur la thèse de MM. Isaac et Hoekstra concernant la décision Daniels.
Les instruments internationaux ne peuvent aborder en détail chaque situation possible. Ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il y a 193 pays et il est impossible de connaître la situation au sein de chacun d’eux. Même si nous la connaissions, elle pourrait changer du jour au lendemain. Ce n’est pas l’objectif des instruments internationaux. Ceux-ci sont destinés à consolider les législations nationales, la canadienne dans notre cas, et à fournir les moyens de l’interpréter. C’est ainsi que les choses fonctionnent.
Nous envisageons d’appliquer un instrument international sur la législation canadienne. C’est pourquoi il devient très important de comprendre les implications d’éléments comme la décision Daniels sur l’obtention du consentement et de savoir qui doit être consulté dans le cas de lois d’application générale comme il est prévu par l’article 19 du projet de loi.
Tout d’abord, si vous avez l’intention de donner votre consentement, il faut que vous analysiez chacune des situations. Disons que vous obtenez des résultats différents d’une Première Nation à une autre. Le tout fait partie de l’amalgame. On ne saurait dire quels types de résultats on obtiendra sans rechercher l’équilibre entre les faits ayant des répercussions juridiques dans chaque cas. Cela ne signifie pas qu’on peut retirer le droit d’une Première Nation à dire « non ». Si l’une d’entre elles estime qu’elle va réellement être pénalisée, elle doit pouvoir dire « oui » ou « non ». Ce que j’ai dit au début est qu’il n’y a pas de règle absolue. Il n’y a pas de droit de veto. Dans mon esprit, un droit de veto a un caractère absolu; vous n’êtes pas tenus de prendre en compte des faits pertinents en droit.
Je m’en tiens là parce que nous manquons de temps.
Je vous remercie, madame la présidente.
Merci à nos témoins.
Madame Van Horne, je vous saurais gré de transmettre mes salutations à M. Neumann et de lui dire combien j’ai vraiment apprécié l’appui de votre syndicat au projet de loi C-262
Je tiens également à remercier Mme Preston et Me Joffe de leur présence parmi nous. C’est important pour moi étant donné que, à vous deux, vous cumulez une centaine d’années d’expérience sur la Déclaration.
Maître Joffe, vous nous avez indiqué dans vos commentaires que le consentement découlant du droit international de la personne est le même que celui dont il est question dans la Loi constitutionnelle du Canada. Pouvez-vous faire état de décisions de la Cour suprême dans lesquelles la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause a été abordée?
Je n’ai pas connaissance de cas qui soient allés jusqu’à la Cour suprême. C’est simplement que quelqu’un doit d’abord décider si ces droits sont relatifs. Les droits de la personne sont relatifs. Ils ne peuvent pas être absolus. Si tout le monde avait des droits absolus, comment feriez-vous pour trancher n’importe quel cas? Tout un chacun pourrait rendre la décision finale simplement en se prononçant. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la vraie vie. En droit international et national, les droits de la personne sont relatifs. Cette règle est bien présente dans les deux cas. C’est pourquoi nous aboutissons à des conclusions très modérées et coopératives.
Je dois féliciter le syndicat des Métallos. J’ai lu leur mémoire qui décrit précisément comment les choses fonctionnent. Ils y affirment clairement qu’ils appuient ce concept parce qu’il est relatif. Il doit être relatif. On entend ici par « relatif » qui englobe tout le monde. La notion « d’absolu » est impossible. Nous ne pouvons pas tous être des décideurs dans l’absolu.
Vous avez également évoqué la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones. J’ai lu les deux déclarations et l’américaine comporte des dispositions plus énergiques que celle de la Déclaration des Nations unies. Pouvez-vous expliquer aux membres du Comité comment celle-ci fonctionne? Certaines de ses dispositions sont moins exigeantes.
Tout d’abord, il faut savoir que les dispositions sur le consentement qui figurent dans la Déclaration des Nations unies ont maintenant été approuvées, pratiquement mot pour mot, dans la Déclaration américaine. Comment faites-vous pour décider alors qu’à la fois la Déclaration américaine, qui a une dimension régionale puisqu’elle s’applique à la Caraïbe et à l’ensemble des Amériques…?
Je me suis livré à une étude détaillée, que je me ferais un plaisir de remettre à ce comité. Celle-ci porte à la fois sur la Déclaration américaine et sur la Déclaration des Nations unies. J’en ai déduit que la norme minimale qui s’appliquera sera la plus élevée des deux normes minimales si les deux déclarations traitent du même point. Si ce n’est pas le cas, vous utilisez alors celle qui traite du sujet qui vous intéresse. Si les deux le font, la nouvelle norme minimale est alors la plus élevée des deux.
Je suis ravi que M. Saganash ait soulevé ce point, car cela vous permet de constater que les choses continuent à évoluer. Le droit international intègre la totalité de la Déclaration des Nations unies au moyen du système des Nations unies, et nous avons maintenant la Déclaration américaine. Ce concept n’est pas laissé pour compte et il s’avère rentable de tenter de parvenir à une compréhension commune.
Madame Preston, je sais que vous avez participé à ce processus pendant tout le temps qu’il a pris aux Nations unies. Vous étiez probablement présentes à New York lors du vote final du 13 septembre 2007, alors que 144 États se sont prononcés en faveur de la Déclaration, que 46 s’y sont opposés et que 11 se sont abstenus. C’est ce que nous a raconté hier Thomas Isaac. Il a parlé des efforts faits pour minimiser l’importance du vote consensuel intervenu en septembre 2007.
Il affirme dans un de ses livres que, « sur les 88 États ayant des peuples autochtones, 42 (moins de la moitié) ont voté en faveur de la Déclaration, ou se sont abstenus, et 16 étaient absents lors du vote. De plus, nombre des États s’étant prononcés en faveur de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ont accompagné leur vote de conditions ou de mises en garde... ».
Cela vous inspire-t-il des commentaires?
Je crois que nous faisons face ici à une mauvaise compréhension du fonctionnement de l’Assemblée générale des Nations unies. Lorsqu’une résolution est soumise à cette assemblée, les États peuvent voter pour ou contre, ou encore s’abstenir. Si vous n’êtes pas présents dans la pièce, vous ne faites pas partie des votants et n’êtes donc pas compté, et ce dans aucune catégorie. Dans ce cas-ci, quatre États ont voté contre cette résolution, tous ont par la suite changé de position. Le Canada a changé la sienne en 2010. Lorsque ces quatre États sont revenus sur leur position, la Déclaration des Nations unies est devenue un instrument international par consensus. Une fois encore, les abstentions ne sont prises en compte d’aucune façon et n’ont donc aucune valeur légale dans le cadre de ce vote. La Déclaration est donc devenue un instrument par consensus, ce qui veut dire qu’aucun État dans le monde ne s’y est opposé officiellement.
Dans le cas de cette déclaration, cela fait maintenant presque huit ans qu’elle a été adoptée. Elle a également été confirmée au moins huit fois par l’Assemblée générale et par le Canada. À l'échelle internationale, les membres de cette assemblée ont donc réaffirmé clairement leur appui par consensus à la Déclaration des Nations unies.
J’ai déjà eu l’occasion de lire ce que M. Isaac a écrit sur ce sujet. Je suis d’avis qu’il y a une erreur dans ses calculs. Si vous calculez le nombre d'États membres des Nations unies, vous allez constater qu’il y a une erreur quelque part. Je ne vais pas m’y attarder pour l’instant, mais je dirais que c’est une interprétation vraiment très bizarre des règles régissant les votes aux Nations unies.
Je voulais simplement vous rappeler que je vous ai remis un commentaire sur le travail de MM. Isaac et Hoekstra. J’y aborde cette question. Vous y constaterez tout d’abord que ce travail comporte des erreurs de calcul et que, même si vous décidez de vous y fier, il faudrait examiner comment les États ayant des peuples autochtones ont voté. Leur nombre a été en vérité de 57, et non pas de 42, sur 88, et c’est là une autre erreur.
Comme l'a dit Jennifer, si le monde a maintenant adopté huit fois par consensus la Déclaration des Nations unies en Assemblée générale, quelle différence y a-t-il entre ces adoptions et ce qui s’est produit lorsque quatre États sont revenus sur leur position par la suite? Ce n’est pas logique. En vérité, les huit adoptions par consensus de cette déclaration signifient que si le monde entier peut l’adopter, on doit y trouver quelque chose d'utile.
Je vous remercie.
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