INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 29 septembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. L'heure officielle du début de la réunion est 8 heures.
J'aime être à l'heure, parce que c'est important que tout le monde puisse utiliser le temps qui leur est imparti, que nous soyons équitables, que tout le monde ait l'occasion d'être entendu et que les députés soient en mesure de poser des questions pour veiller à ce que notre rapport soit exhaustif. Ce sera le fondement de ce que nous remettrons au gouvernement du Canada.
Premièrement, j'aimerais souligner que nous nous trouvons sur des terres ancestrales mohawks.
Il s'agit de notre quatrième rencontre; nous avons débuté à Vancouver, puis nous sommes allés à Winnipeg et nous étions à Québec hier. Nous sommes aujourd'hui à Belleville. Dans trois semaines, nous irons à Yellowknife. Nous étudions les revendications territoriales particulières et globales.
Il est important de réfléchir à la situation à ce moment-ci; comme le premier ministre l'a indiqué, la relation entre le Canada et ses Premières Nations, ses premiers habitants et ses peuples autochtones, est l'aspect le plus important. Il s'agit d'un processus de vérité et, enfin, de réconciliation.
Voici ce qui arrivera. Même si nous ne pouvons pas vous faire un chèque, nous pouvons formuler des recommandations au gouvernement.
Des voix: Ah, ah!
La présidente: Certaines autres délégations ont peut-être fait une telle recommandation.
Nous pouvons fournir un nouveau portrait de la situation et de la réalité actuelle. Je sais que vous avez probablement déjà participé à des comités ou à des examens similaires; ce qui rend cela différent, c'est que nous avons un gouvernement et un premier ministre qui veulent sincèrement faire bouger les choses.
Nous rédigerons un rapport, et vous pouvez nous faire parvenir de l'information sous la forme de mémoires jusqu'au 20 octobre pour que ce soit inclus dans le rapport. Ces documents s'ajouteront évidemment aux vastes ressources documentaires de la Bibliothèque. Le rapport inclura des recommandations formulées par les membres du Comité, et nous le présenterons au gouvernement du Canada qui répondra ensuite officiellement à nos recommandations. Cela s'inscrit dans le processus de vérité et de réconciliation et le renforcement de notre relation avec les Premières Nations.
Nous sommes ravis d'être ici à Belleville pour vous entendre. J'espère que vous avez fait bon voyage et que tout s'est bien déroulé. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous.
Conformément au paragraphe 108(2), nous étudions les revendications particulières et les ententes sur les revendications territoriales globales. Je vous souhaite la bienvenue.
Pour ce qui est du processus, vous aurez 10 minutes pour faire votre exposé. Nous en aurons deux. Donc, après les exposés de nos deux témoins, nous passerons aux séries de questions. Nous aurons tout d'abord des séries de questions de sept minutes, puis nous aurons des séries de questions de cinq minutes. J'invite les députés à indiquer le témoin auquel ils posent leurs questions.
Bonjour. L'un ou l'autre peut ouvrir le bal. Vous pouvez décider entre vous qui fera son exposé en premier.
Allez-y.
Boozhoo, wachiyeh, sekoh, shekoli et bonjour.
Premièrement, j'aimerais souligner que nous sommes sur les terres ancestrales du territoire mohawk de Tyendinaga.
Je témoigne aujourd'hui au Comité à titre de chef régional de l'Ontario. J'aimerais souligner la présence ici aujourd'hui avec nous de dirigeants, du comité permanent et des divers partis qui le composent.
Mon exposé d'aujourd'hui devant le comité parlementaire permanent arrive à un moment crucial dans notre relation avec la Couronne sur les scènes fédérale et provinciale. À certains égards, il a fallu 167 ans pour en arriver au travail que nous faisons actuellement avec l'Ontario et le Canada. Les terres et les eaux de ce que nous appelons maintenant l'Ontario regroupent des territoires visés par des traités qui ont été signés avant et après la Confédération. Ces territoires ont fourni des ressources aux colons européens pour cultiver la terre, pêcher, exploiter des mines et faire du commerce avec notre peuple.
Nos terres riches en ressources ont permis la croissance économique future de ce qui allait devenir plus tard l'Ontario et le Canada. Cependant, nous n'avons jamais profité de cette richesse. Un trop grand nombre de nos générations ont vécu dans la pauvreté et le désespoir. Aujourd'hui, ce désespoir et ce dysfonctionnement, qui découlent de lois du Parlement unilatérales, comme la Loi sur les Indiens, et de politiques fédérales unilatérales, continuent de miner notre assise territoriale relativement à nos droits issus de traités, à nos droits inhérents et à nos droits ancestraux.
En 1973, la politique fédérale a scindé les revendications territoriales juridiques des Autochtones en deux grandes catégories: les revendications globales, soit les traités modernes, et les revendications particulières, soit les revendications qui se fondent sur des ententes ou des traités déjà existants. Les revendications globales portent sur les droits ancestraux. Elles portent sur l'utilisation et l'occupation traditionnelles des terres par les Premières Nations, les Métis et les Inuits qui n'ont pas signé de traités. Dans le passé, la Couronne du dominion, qui est maintenant connue sous le nom de l’État-nation du Canada, a conclu des traités avec les peuples autochtones. Ces traités historiques couvrent une grande partie du territoire ontarien.
Le Canada interprète mal les traités signés avant et après la Confédération en les considérant comme une forme de consentement à l'égard des terres des Premières Nations. La Commission royale sur les peuples autochtones affirme que le Canada ne devrait en aucun temps s'appuyer sur une quelconque « cession » des territoires autochtones si rien ne permet de croire que les peuples autochtones y ont consenti. Ces traités ont été conclus dans un contexte qui est maintenant considéré comme une relation fiduciaire entre le Canada et les Premières Nations. Dans le cas de titres ancestraux qui ont été cédés, la Couronne doit tenir compte de tout avantage injuste ou incorrect découlant de l'appropriation des titres ancestraux sans avoir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières Nations et sans veiller à ce que les nations visées par le traité soient pleinement informées.
Des preuves montrant clairement une cession en connaissance de cause devraient devenir le principe juridique et politique à l'avenir. C'est un exercice collaboratif d'établissement des faits. Dans le même ordre d'idées, des preuves montrant clairement un consentement devraient être le principe à l'avenir en ce qui concerne l'aliénation des peuples autochtones de leurs terres et de leurs territoires. En fait, nous pourrions faire valoir que ce principe a peut-être déjà été établi dans la primauté du droit au Canada, si l'article 35 se veut véritablement un ensemble complet d'éléments qui incluent les engagements pris dans le Traité de Niagara de 1764.
Si un régime a des conséquences sur les titres ancestraux, les parties doivent y consentir. La mise en oeuvre de l'article 35 par les tribunaux et le Canada n'a pas tenu compte des principes importants de la Couronne et des Premières Nations que sont l'équité et l'égalité dans la relation. Les Premières Nations ont rejeté le critère de justification, étant donné que cela nie encore plus le principe selon lequel nos droits méritent d'être dûment protégés et respectés dans le droit canadien. Le Canada doit rejeter le critère de justification et soumettre notre relation à des normes plus exigeantes.
L'article 38 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoit que les États-nations « prennent [...] les mesures appropriées, y compris législatives, pour atteindre les buts de la présente Déclaration. » Il y a diverses manières dont les Premières Nations seraient prêtes à accepter une nouvelle relation avec le Canada en vue de collaborer à créer la voie à suivre en vue d'un avenir reposant sur l'autodétermination. La Confédération politique de l'Ontario a soumis un mémoire au groupe de travail du Cabinet fédéral qui examine les lois et les politiques qui touchent les Premières Nations. Ce document, intitulé Observing and Implementing the Sacred Obligations, rappelle que la relation découlant des traités entre le Canada et les Premières Nations renforce nos droits inhérents à titre de premiers habitants de ces terres.
La recette pour bâtir une nouvelle relation avec le Canada inclut l'importance que des cérémonies confirment les relations de souveraineté; une assise territoriale considérable et des ressources pour assurer notre prospérité; des lois autochtones pour réglementer les territoires, les ressources et les relations; la révision du fédéralisme canadien et des discussions constitutionnelles; la reconnaissance et l'application des traités, ainsi que des modifications législatives et politiques conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, y compris tous les éléments déjà mentionnés.
Vous avez beau rédiger des lettres de mandat, faire de beaux discours au sujet de la réconciliation et prononcer des paroles rassurantes à l'ONU, mais rien de tout cela ne changera la relation actuelle. La prochaine étape en vue d'une véritable réconciliation est la restructuration des politiques fédérales unilatérales et le renouvellement de la relation de nation à nation entre la Couronne et les Premières Nations en tenant compte des nouvelles réalités des objectifs ayant trait au statut de nation de nos Premières Nations membres et de leur territoire respectif et de leur appartenance à un groupe visé par un traité.
Après la Proclamation royale de 1763, il était important de tenir un rassemblement de plus de 120 tribus visées par des traités dans les environs des Grands Lacs dans ce qui était alors considéré comme le territoire britannique par les Européens à l'époque. Le Traité de Niagara de 1764 se voulait un important regroupement historique visant à respecter les protocoles de paix et d'amitié préétablis avec les peuples autochtones.
Les termes de la Proclamation royale qui nous ont été présentés étaient plus généreux que l'interprétation que les tribunaux font depuis 150 ans de nos droits en vertu de la common law. Vos avocats du ministère de la Justice nous poussent à douter que la réconciliation soit un véritable objectif du gouvernement en raison de la manière dont ils interprètent, observent et négocient actuellement les droits issus de traités au Canada. Par exemple, le principe du wampum à deux rangées nous explique l'interprétation originale de « nation à nation ». La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation de mettre en oeuvre cette déclaration nous ramènent à une époque où le Traité de Niagara garantissait de meilleures relations.
Par exemple, l'article 26 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones garantit notre droit d'utiliser nos territoires ancestraux pour bâtir notre économie. L'article 37 se veut une promesse que nos droits issus de traités seront respectés. Nous avons évidemment un droit très important à l'égard de notre assise territoriale à usage exclusif que nous appelons maintenant des réserves autochtones.
Depuis l'adoption il y a maintenant 140 ans de la Loi sur les Indiens, nous avons été traités comme des pupilles de l'État. Nous sommes des Premières Nations. Nous sommes très loin dans vos pensées lorsque vous établissez les politiques et les priorités du gouvernement, et nous sommes traités comme des citoyens de troisième classe, dont certains vivent dans des conditions dignes du quart-monde.
Voici l'état de la relation de nation à nation en 2017. Nous avons des enfants qui se suicident en raison de la pauvreté, du désespoir, du dysfonctionnement et des abus. Nous avons un système axé sur l'État providence qui rend un trop grand nombre de nos communautés dépendantes d'un financement inadéquat qui n'arrive jamais à temps. Le Tribunal des revendications particulières comporte plusieurs lacunes en ce qui concerne le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour la reconnaissance des droits et l'harmonisation mutuelle de vos lois, de vos droits et de vos titres avec nos lois, nos droits et nos titres.
Le maintien d'un plafond pour l'indemnité accordée dans le cadre du processus de règlement des revendications particulières est contraire à l'esprit de la réconciliation. Le retour de nos terres est notre but ultime, et le processus de règlement des revendications particulières devrait pouvoir restituer ces terres aux communautés des Premières Nations; c'est une priorité. Pour ce qui est du système en soi, le financement pour la recherche sur les revendications est seulement une fraction de ce qui aurait dû être mis à la disposition des Premières Nations. Dans l'ensemble, le système encadrant le processus de règlement des revendications particulières ne nous donne pas droit à des réparations adéquates lorsque nos terres nous ont été arrachées illégalement, comme le prévoit l'article 28 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le Canada doit instaurer un climat propice aux changements très bientôt; autrement, le gouvernement ne répondra pas aux attentes des Premières Nations, compte tenu des belles paroles et des engagements du gouvernement Trudeau.
Comment remettre sur pied la relation? Des solutions sont offertes. Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 est toujours la référence et présente toutes les solutions; cela se résume à l'autonomie gouvernementale et à une assise territoriale suffisante pour assurer notre indépendance économique.
Le rapport de 2007 de la Commission d'enquête sur Ipperwash en Ontario répète pratiquement bon nombre des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones concernant le règlement des revendications territoriales. Si vous me le permettez, j'aimerais citer un extrait du rapport final:
[...] la plus grande source de frustration, de méfiance et de ressentiment chez les Autochtones de l'Ontario réside dans le fait que nous ne parvenons pas à régler, de façon juste et avec célérité, les manquements aux obligations issues des traités et aux autres obligations juridiques envers les Premières Nations. Si les gouvernements de l'Ontario et du Canada veulent éviter de futures confrontations semblables à celles d'Ipperwash ou de Caledonia, ils devront régler les revendications relatives aux terres et aux traités de manière juste et efficace.
Malheureusement, les processus d'examen des revendications relatives aux terres et aux traités que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont élaborés et appliqués depuis le milieu des années 1970 se sont révélés, dans l'ensemble, inefficaces, désespérément lents et inéquitables.
D’un côté, le Canada affirme avoir réalisé des progrès quant au règlement des revendications particulières; de l'autre, des mesures soutenues viennent miner la capacité de recherche des Premières Nations. À une certaine époque, dans les années 1980 et 1990, les organisations provinciales et territoriales des Premières Nations administraient les fonds destinés à la recherche pour renforcer la capacité des communautés de mener des recherches en vue de résoudre leurs revendications particulières.
Des gouvernements successifs ont considérablement réduit le financement mis à la disposition des organisations provinciales et territoriales, en commençant par le processus d'examen des programmes dans les années 1990. Selon des estimations, le financement disponible actuellement serait jusqu'à 75 % moins élevé que durant les années 1990. Pour obtenir justice dans le cas d'anciens griefs, il est essentiel de rétablir le financement qu'administrent les organisations provinciales et territoriales pour les communautés en vue d'aider ces communautés qui n'ont pas la capacité de s'administrer elles-mêmes.
Le renouvellement de la relation financière permettra aussi aux peuples autochtones d'avoir un accès équitable et continu aux terres, aux territoires et aux ressources pour appuyer leur économie traditionnelle et partager la richesse tirée de ces terres et de ces ressources dans le cadre de l'économie canadienne dans son ensemble.
Une relation financière équitable avec les peuples autochtones est possible par divers mécanismes, comme de nouvelles mesures fiscales, de nouvelles méthodes de calcul des transferts fiscaux et la négociation d'accords de partage des revenus des ressources.
Lorsque nous aurons une assiette territoriale suffisante et que nous aurons repris le contrôle de nos communautés grâce à l'autonomie gouvernementale et à des économies autonomes, nous deviendrons enfin des égaux. Ce n'est qu'alors que nous prendrons la place qui nous revient au sein du Canada.
Je suis prêt à répondre aux questions. Merci.
Bonjour. J'aimerais souligner que nous nous trouvons sur le territoire de Tyendinaga et prendre le temps de saluer les Premières Nations voisines.
Je m'appelle Luke Hunter. Je suis directeur de la recherche de l'équipe de la recherche sur les droits territoriaux et les traités de la nation nishnawbe-aski. Je vais surtout parler des revendications particulières et du processus.
La nation nishnawbe-aski représente 49 Premières Nations signataires du Traité no 9 et du Traité no 5 dans le Nord de l'Ontario. L'ensemble du territoire visé par les traités couvre les deux tiers de l'Ontario et s'étend sur plus de 700 000 kilomètres carrés. C'est l'un des plus grands territoires visés par un traité en Ontario.
L'équipe de recherche sur les revendications territoriales collabore depuis plus de 30 ans avec les Premières Nations signataires de traités et participe très activement à la recherche et à la présentation de revendications particulières, y compris plusieurs importants règlements de revendications relatives aux droits fonciers issus de traités. Aucune de ces revendications ne s'est rendue devant le Tribunal des revendications particulières, mais les tribunaux ont été saisis de certaines questions. Le travail de l'équipe des revendications a permis de préciser l'histoire établie de nos territoires visés par des traités, à savoir les Premières Nations visées par le Traité no 9 et le Traité no 5 en Ontario, d'enrichir nos communautés et de leur donner le contrôle des ressources.
Votre étude de la politique et des lois sur les revendications particulières est un signe très positif. La nation nishnawbe-aski est ravie d'avoir l'occasion de vous faire part de ses commentaires initiaux et de certains points à considérer.
À titre d'information, il y a actuellement des pourparlers aux échelons supérieurs concernant la politique sur les revendications particulières entre le gouvernement fédéral et l'Assemblée des Premières Nations. Le rapport à venir du comité permanent a contribué à orienter considérablement ce processus. Nous osons espérer que les discussions bilatérales permettront de trouver des solutions aux nombreux problèmes importants ayant trait à la politique sur les revendications particulières, surtout les problèmes qui se sont aggravés au cours des dernières années.
À l'opposé de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, l'élaboration de la politique sur les revendications particulières doit se faire en collaboration et découler de pourparlers entre les Premières Nations et le Canada. C'est la seule façon d'y arriver.
Nous devons comprendre que la politique sur les revendications particulières doit s'appuyer sur des principes et des valeurs communes. Je souligne notamment que l'article 27 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoit entre autres que les États comme le Canada mettront en place, en concertation avec les peuples autochtones, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, leurs territoires et leurs ressources.
L'article 28 prévoit que les peuples autochtones ont droit à réparation, notamment une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres et les ressources qui ont été confisquées ou dégradées.
Nous pouvons également nous appuyer sur les principes régissant les relations du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones qu'a récemment publiés le ministère de la Justice. Le troisième principe affirme que l'honneur de la Couronne oriente le comportement de la Couronne dans tous ses rapports avec les peuples autochtones.
De nombreuses études ont été réalisées au cours des décennies au sujet des politiques sur les revendications particulières. Dans l'ensemble, nous approuvons les conclusions des deux plus récents examens. Il y a le rapport du groupe d'experts de l'Assemblée des Premières Nations qui a été réalisé en 2015 et le Rapport 6 du vérificateur général publié l'année dernière. Nous avons confiance que le Comité s'appuiera sur les études déjà réalisées pour formuler ses conclusions et adopter rapidement son rapport final.
Sans répéter le contenu des examens approfondis déjà réalisés, nous aimerions profiter de l'occasion pour souligner certaines préoccupations et des enjeux qui intéressent particulièrement la nation nishnawbe-aski, sans trop entrer dans les détails, compte tenu du temps que nous avons aujourd'hui.
Le premier enjeu est le financement. Même si l'initiative « La justice, enfin », soit le plan d'action concernant les revendications particulières du précédent gouvernement, était censée s'attaquer au retard dans le traitement des revendications, le gouvernement a considérablement réduit le financement pour les équipes de recherche sur les revendications des Premières Nations.
Le financement pour l'équipe de la nation nishnawbe-aski a été réduit sans avertissement de pas moins de 60 %. Absolument rien ne justifiait une telle attaque sauvage contre le processus de règlement. Cette situation a inévitablement entraîné des retards supplémentaires dans la préparation et la présentation des revendications, au grand détriment des Premières Nations.
Nous recommandons que le financement soit au moins rétabli à ce qu'il était précédemment. Nous recommandons également qu'à l'avenir le financement soit garanti et tienne compte de divers éléments, comme le nombre possible de revendications recensées ainsi que l'inflation. Nous recommandons le paiement des frais que doivent assumer les Premières Nations en ce qui concerne les procédures juridiques, y compris toutes les demandes de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Le financement devrait également tenir compte du coût de la vie plus élevé dans le Grand Nord et dans notre région. Une grande partie de notre travail se fait auprès de nos communautés éloignées.
Le financement pourrait passer par le Tribunal des revendications particulières en vue d'éliminer l'apparence de conflit d'intérêts du gouvernement fédéral. Il y a également la question du plafond arbitraire du financement des négociations sous forme de prêts lorsqu'une revendication est approuvée. Les niveaux de financement sont insuffisants et ne permettent pas aux communautés d'exercer une diligence raisonnable en ce qui a trait aux avis juridiques, aux experts et aux assemblées communautaires. Le financement des négociations devrait se fonder sur les coûts réels, et le gouvernement fédéral et les Premières Nations visées devraient déterminer ensemble le montant. Par ailleurs, une partie du financement devrait au moins être sous forme de subventions pour éviter que les règlements définitifs soient minés par le processus relatif à la dette.
L'un des problèmes de longue date avec la politique et les lois sur les revendications particulières est la portée relativement limitée des revendications admissibles. Par exemple, même si la politique est censée traiter des infractions et des violations des traités, le processus exclut tout problème relatif à des programmes, comme l'éducation. C'est absurde, étant donné que le Traité no 5 et le Traité no 9 prévoient des dispositions solides et précises en matière d'éducation. Nous avons aussi l'exemple de la portée limitée de l'exclusion des revendications qui se fondent sur des droits conférés par traité relativement à des activités susceptibles d'être exercées de façon continue et variable, notamment des droits de récolte. Cela se trouve à la page 5 de la Politique sur les revendications particulières et du Guide sur le processus de règlement. Cette exclusion est arbitraire et injuste. Les dispositions sur les droits de récolte dans les deux traités de la nation nishnawbe-aski sont essentielles et importantes.
Les droits de récolte ont souvent été durement touchés par la mise en valeur des ressources et le développement autorisés par le gouvernement fédéral par le passé. Par ailleurs, la politique fédérale ne traite pas adéquatement — ou pas du tout — de la nouvelle doctrine et de l'honneur de la Couronne. Comme je l'ai déjà mentionné, le ministère de la Justice a publié les 10 principes régissant les relations, y compris la reconnaissance primordiale de l'honneur de la Couronne.
De manière générale, en ce qui concerne les revendications particulières, nous comprenons le processus concernant les obligations légales et les violations à cet égard. Cependant, nous devrions élargir la portée pour inclure les enjeux ayant trait aux relations et à l'équité, même lorsqu'il n'y a aucune violation technique précise du point de vue du droit. Voilà ce que j'entends par aller plus loin que l'obligation légale.
L'approche fondée sur l'égalité concorde avec l'honneur de la Couronne et l'objectif primordial d'en arriver à la réconciliation. La nation nishnawbe-aski met également l'accent sur le caractère irrévocable du règlement des revendications pour le gouvernement fédéral. Il ne fait aucun doute qu'il peut être approprié de décharger entièrement et définitivement le gouvernement de toute responsabilité dans certaines situations; cependant, la politique devrait laisser une certaine marge de manoeuvre. Par exemple, nous sommes convaincus du caractère totalement irrévocable du règlement dans certains cas, comme les revendications relatives aux droits fonciers issus de traités, mais nous croyons que la formule dans le traité devrait être non dirigée.
L'autre élément dont j'aimerais parler au sujet de la politique actuelle est que le Canada a tendance à utiliser des moyens de défense fondés sur des points de droit, même s'il n'est pas censé le faire. Selon la politique, le gouvernement est censé éviter de faire valoir les délais de prescription. Cependant, lorsque le gouvernement accepte de négocier une revendication, la lettre précisera que le gouvernement fait valoir les modifications à la Loi sur les Indiens de 1951 pour réduire sa responsabilité.
Malheureusement, je crois que c'est tout ce que j'aurai le temps de dire. J'ai d'autres points à souligner, mais je vous remettrai un résumé de mes notes.
Merci.
Merci.
Les questions que vous poseront les députés nous donneront l'occasion d'approfondir les points que vous avez soulevés.
Le député Will Amos a la parole.
Merci à tous les deux de vos excellents exposés très détaillés. Personnellement, je vous remercie vraiment de votre passion et des connaissances dont vous nous faites part. Certains parmi nous ne sont pas aussi bien renseignés que vous au sujet du processus des revendications particulières, mais nous le devenons rapidement.
J'aimerais tout d'abord poser une question à M. Hunter concernant votre commentaire au sujet du document de 2015 de l'Assemblée des Premières Nations sur le processus des revendications particulières. J'ai également trouvé cela éclairant.
Pour nous assurer d'avoir le plus de données probantes possible au Comité, y a-t-il des différences entre ce que vous dites maintenant et ce qui a précédemment été formulé dans le rapport de l'Assemblée des Premières Nations? Ce document nous serait-il utile dans nos délibérations?
Auriez-vous l'obligeance d'envoyer le lien au greffier? Selon la procédure, je crois que cela doit provenir de votre côté, mais de tels renseignements supplémentaires ne peuvent que nous être utiles.
J'aimerais ensuite parler d'un commentaire que j'ai trouvé vraiment frappant, et j'aimerais vous inviter à approfondir ce thème. Dans ce document de 2015, vous parlez de tactiques procédurales de la terre brûlée. Vous avez abordé ce sujet il y a quelques instants. Vous avez mentionné qu'à votre avis le gouvernement fédéral avait eu recours par le passé à des moyens de défense fondés sur des points de droit et à des tactiques dilatoires à l'égard des revendications particulières et que le gouvernement fédéral avait souvent tout simplement évité d'en saisir un tribunal et s'était plutôt adressé à la cour.
Pouvez-vous nous expliquer en détail les pratiques juridiques radicales dont vous avez été témoin et nous dresser un portrait de la situation?
De manière générale, lorsqu'une nation entame des procédures judiciaires, la partie défenderesse aura normalement recours à tous les moyens de défense possible. Par exemple, les déclarations sous serment s'attaqueront avec acharnement à la preuve. C'est évidemment le droit de la partie défenderesse. De plus, dans certains cas, la Couronne interjettera appel des décisions, même s'il est évident que la cour a reconnu que la demande était justifiée en fait et en droit. L'exemple parfait est les poursuites portant sur la rafle des années 1960 qui ont duré de 8 à 10 ans. Le gouvernement fédéral a interjeté appel des décisions cinq ou huit fois. Au bout du compte, la décision a été prise de ne plus livrer bataille, et les parties espèrent maintenant en arriver à un règlement. Bref, c'est monnaie courante.
Les Premières Nations n'ont pas les moyens financiers de s'opposer au gouvernement fédéral. Nous n'avons pas de ressources illimitées pour continuer de saisir les tribunaux de la question, compte tenu des tactiques à la disposition de la partie défenderesse. Nous voulons évidemment un processus négocié et nous voulons que ce soit juste et équitable.
J'aimerais poser ma prochaine question au chef Day; cela concerne en particulier le montant qui peut être accordé dans le cadre du processus de règlement des revendications particulières. Vous avez dit que l'imposition d'un plafond était contraire à l'esprit de la réconciliation. Si nous cherchons des solutions au problème — et cela ne se veut aucunement une critique à l'endroit de votre point —, qu'est-ce qui serait une approche appropriée relativement au montant? Je souligne également que vous avez aussi mentionné que ce n'était pas seulement une question d'argent. Cela vise une relation plus vaste et l'utilisation de processus pour améliorer les relations.
En ce qui concerne l'argent, que pourrions-nous faire précisément pour améliorer la situation?
Je vais me servir de notre situation au début des années 2000 pour vous répondre. Durant environ 90 ans, notre communauté, la nation de Serpent River, dont j'ai été chef 10 ans, a dû composer avec l'empiètement découlant du développement. Premièrement, il y a eu l'industrie forestière, puis une usine de production d'acide sulfurique a été construite sur un terrain de 99 acres. C'était un emplacement très stratégique près d'un port dans la baie Aird où des navires venaient chercher du bois au début des années 1900. Dans les années 1940, pour rendre la vie plus facile à l'industrie minière d'uranium, une usine de production d'acide sulfurique a été construite.
Notre problème, c'était la perte de valeur des terres. Nous l'avons incluse dans le processus de règlement des revendications. Peu de temps après avoir présenté notre revendication, le gouvernement fédéral a dit que notre revendication était de moins de 3 millions de dollars et qu'il y a des limites quant à ce qu'il sera en mesure de faire avec notre revendication. À nos yeux, compte tenu de la perte d'utilisation, des conséquences sur l'environnement et des effets sur notre santé émotive découlant de l'acide sulfurique, nous jugions que l'indemnité accordée devrait être beaucoup plus élevée. Notre communauté est encore en train d'essayer d'arriver à un règlement. C'est évidemment une situation injuste, mais nous voyons le territoire comme un endroit où nous coexistons, vivons, chassons et pêchons. Or, il ne reste maintenant rien d'autre qu'un espace dégarni.
À nos yeux, je crois qu'il est important de vous faire comprendre que, pour les habitants, il faut accorder une plus grande importance à la véritable valeur du territoire au lieu de seulement tenir compte du montant que peut accorder le processus de règlement des revendications particulières en matière d'indemnités. Il faut faire preuve de beaucoup plus d'équité au moment d'évaluer la valeur de la revendication.
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins de leur présence devant le Comité.
Je dois brièvement revenir sur un commentaire de M. Amos, même si j'ai d'autres questions. Il a parlé des batailles juridiques qui surviennent souvent et de ce que la Couronne fait. Cela nous rappelle évidemment que ce matin nous avons entendu que le gouvernement a dépensé 110 000 $ pour assurer sa défense devant les tribunaux concernant le remboursement d'un traitement orthodontique de 6 000 $ pour une adolescente, parce qu'il ne voulait pas assumer ses soins dentaires. Au cours plus ou moins de la dernière année, avez-vous constaté des changements en ce qui a trait à l'approche juridique par rapport à ce qui se passe au Tribunal des revendications particulières, parce que nous continuons certainement de voir le gouvernement adopter une approche axée sur la confrontation dans d'autres domaines?
Chef Day, aimeriez-vous faire un commentaire?
Je crois que nous voyons beaucoup d'engagements de la part du gouvernement fédéral. Je trouve utile la publication des 10 principes qui orienteront les fonctionnaires et les autres ministères et organismes quant à la manière de traiter de nos enjeux, mais nous verrons bien. Il est encore tôt dans le processus, et nous encourageons le gouvernement fédéral à rendre plus transparent le processus.
En revanche, ce n'est pas vraiment de bon augure pour le gouvernement fédéral que la décision du Tribunal canadien des droits de la personne en ce qui concerne les services d'aide sociale à l'enfance soit représentative des actions actuelles du gouvernement fédéral. Je crois que c'est une preuve flagrante qui laisse entendre que le gouvernement fédéral a encore beaucoup de chemin à faire.
Merci.
Le prochain sujet concerne, comme tout le monde en est au courant, la division prévue du ministère des Affaires autochtones en deux; selon moi, ce projet offrira peut-être certaines possibilités, mais nous risquons aussi de nous enliser dans la bureaucratie.
J'ai trois questions. Premièrement, avez-vous été consulté avant que cette décision soit prise? Deuxièmement, participez-vous actuellement aux discussions pour déterminer la forme que cela devrait prendre? Troisièmement, avez-vous prévu conseiller la ministre Bennett, notamment parce que ce sera très important pour aller de l'avant en ce qui concerne les revendications particulières et globales?
Que conseilleriez-vous à la ministre quant à la forme que devrait prendre ce ministère pour être efficace et éviter de tout simplement nous enliser dans une bureaucratie plus lourde?
Je vais vous répondre rapidement, puis je vais laisser le reste du temps à mon ami et collègue à côté de moi. Nous avons justement rencontré la ministre Bennett à Ottawa au cours des derniers jours et nous avons abordé la question.
Il est très important de comprendre que les années de colonialisme et d'oppression institutionnelle découlant de la Loi sur les Indiens ont mis en place un empire bureaucratique qui a plus ou moins pris le dessus sur les peuples autochtones. À l'avenir, dans la relation de nation à nation, le gouvernement actuel devra impérativement comprendre qu'il ne pourra pas tout faire rapidement et qu'il y a des processus que nous devons respecter.
Nous recommandons fortement l'adoption d'une loi habilitante pour avoir la certitude législative que ce changement aura lieu et que tous les gouvernements qui suivront devront respecter une loi visant le démantèlement de la Loi sur les Indiens en ce qui concerne la division du ministère actuel: d'un côté, les enjeux politiques; de l'autre, l'administration.
Non, on ne nous a pas consultés. Il est frustrant d'entendre la ministre dire, avec un petit sourire discret, que lors de notre réunion antérieure, nous n'en avions pas été informés. Elle ne nous a pas dit si elle était au courant ou non. C'est vraiment une approche obscure dans le cas de certains de ces changements fondamentaux. Le gouvernement fédéral doit redoubler d'efforts pour collaborer avec nous de manière transparente, dans le cadre d'une relation de nation à nation.
S'il y a consultation, je serai d'accord avec le chef régional. Nous n'avons jamais été consultés. Pour ce qui est de la division, il y a deux façons de voir les choses. D'une part, oui, une telle démarche serait utile pour traiter les griefs. Quand on divise les programmes, cela pourrait donner une certaine marge de manoeuvre sur le plan de la perception. J'ai parlé de conflit d'intérêts. On ne peut pas demander à la Couronne de trancher les griefs. Je crois que c'est l'élément essentiel du processus de règlement des revendications. En agissant comme juge et jury, le processus prédétermine la consultation et la responsabilité. Je crois que, de ce point de vue, c'est probablement une bonne chose.
D'autre part, quand on examine les partenariats liés aux traités, d'aucuns diront qu'il n'y a pas lieu de diviser certaines relations. Par exemple, la santé et l'éducation sont des droits issus de traités. S'il y a deux ministères et que vous voulez déterminer les relations visées par les traités dans les domaines de la santé et de l'éducation, vous ne pouvez pas prendre des démarches auprès de deux ministres. Il en va de même pour les dirigeants: si vous allez régler une question liée aux traités, vous allez devoir travailler avec deux ministres, et je pense que c'est là que vous aurez un conflit.
[Le député s'exprime en cri.]
Merci, à vous trois, d'être des nôtres. J'aimerais commencer par poser une question générale parce que nous menons une étude sur la politique des revendications globales et particulières au Canada.
Une des choses qui m'a toujours intrigué du point de vue juridique et constitutionnel, c'est le fait qu'au Canada, la primauté du droit, l'honneur de la Couronne, l'article 35, qui se veut, comme vous le dites, un ensemble complet d'éléments — et je suis d'accord là-dessus —, le fédéralisme canadien... Dans l'affaire relative à la sécession du Québec, la Cour suprême qualifie les peuples autochtones du pays d'acteurs politiques et elle les place sur le même pied d'égalité que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Je suis également d'accord sur ce point.
Vous avez tous deux parlé de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de la nécessité d'appliquer ces normes minimales à nos relations au Canada; pourtant, nous entendons parler de toutes ces difficultés à mettre en oeuvre nos traités. D'après vous, qu'est-ce qui semble poser problème ici?
De façon générale, à mon sens, pour que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit efficace, elle doit avoir du mordant en étant soit inscrite dans une mesure législative, soit reconnue dans la Constitution. C'est la seule façon d'en assurer l'efficacité absolue. On ne peut pas se contenter d'adopter une simple politique pour mettre en oeuvre une déclaration de ce genre, un droit international ou une convention puisqu'une telle politique ne fonctionnera pas. Voilà un point crucial dans le contexte des griefs historiques.
Je sais que cette question a été soulevée au sein de certaines communautés des Premières Nations et lors d'une récente réunion de l'Assemblée des Premières Nations. Les Premières Nations du Canada n'ont pas fait partie du processus global d'édification de la nation canadienne; donc, quand on examine les lacunes, force est de constater que le Canada et les Premières Nations doivent être des partenaires à part entière dans la Confédération. Certains disent que cela ne s'est pas produit. De toute évidence, l'annonce des 10 principes est une tentative en ce sens, mais c'est loin des attentes des Premières Nations.
Le problème, c'est qu'il semble y avoir un manque de confiance — je suppose de la part du grand public — à l'égard de la capacité des Premières Nations de gérer leurs propres ressources naturelles. Pourquoi les Premières Nations ne peuvent-elles pas gérer leurs territoires visés par les traités? Voilà la question fondamentale.
Je vais résumer le tout en paraphrasant la question. Si nous avons tous ces instruments de reconnaissance et tous ces principes pour mettre en oeuvre des traités, alors pourquoi ne sont-ils pas appliqués? Quel est le problème? Qu'est-ce qui cloche?
Il y a un certain nombre de contradictions et d'incohérences dans les propos et les gestes du gouvernement. À l'heure actuelle, nous participons à un examen des lois et des politiques concernant quatre mesures législatives. À l'Assemblée des Premières Nations, c'est moi qui m'occupe de ces dossiers. Hier, nous avons signifié au gouvernement fédéral que nous devons suspendre le processus parce que ses paroles ne correspondent pas à ses agissements. Il n'y a pas d'élaboration conjointe, même s'il prétend le contraire. Le gouvernement évoque un esprit d'ouverture et d'engagement, mais il n'en est rien. Le gouvernement fédéral doit commencer à joindre le geste à la parole.
Par ailleurs, les systèmes qui sont actuellement en place — par exemple, le Conseil de la fédération et le processus de réunion des premiers ministres — nous font intervenir, mais notre participation est limitée. C'est comme si on nous disait: « Venez à la table, mais sachez que vous ne faites pas partie de la famille fédérale. Alors, vous allons vous servir un bon repas, nous allons faire de beaux discours, nous allons vous écouter, mais il faut ensuite que vous partiez. Vous n'aurez même pas droit à la séance de photo avec la famille fédérale. » Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond: cette relation est fondée sur de belles paroles, sans qu'aucune mesure concrète ne soit prise. Voilà le problème.
Mardi prochain, vous allez rencontrer les premiers ministres et, là encore, nous travaillerons selon les mêmes paramètres; on nous invite à titre de personnes qui ne font même pas partie du processus officiel. On nous laisse parler un peu, mais nous ne prenons part à aucune prise de décision importante. La répartition des pouvoirs est encore bien vivante dans ce genre de processus, et on ne nous donne certainement pas l'occasion de dire: « Voici les effets sur notre traité. Voici ce que devrait signifier le partage des recettes de l'exploitation des ressources, selon une approche totalement commune. »
C'est ce qui pose problème. Il y a beaucoup d'incohérences dans bon nombre des systèmes établis.
Un des sujets qui est revenu sans cesse tout au long de ces audiences — et nous avons commencé il y a quelques jours, à Vancouver —, c'est la nature du processus. Bien des gens ont fait valoir que le processus n'est pas assez indépendant et qu'il est trop accusatoire. Toutefois, nous avons beau améliorer les politiques dont nous sommes saisis, elles demeureront des politiques, d'où l'importance d'avoir un cadre législatif, comme vous l'avez mentionné.
Je suis heureux de vous informer que le projet de loi C-262, qui fera l'objet d'un débat au mois de septembre prochain, prévoira justement un tel cadre juridique, fondé sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et cela orientera tout ce que nous ferons à partir de maintenant. Qu'il s'agisse d'une politique, d'une loi ou peu importe, ces mesures seront les normes minimales pour notre pays. J'aimerais donc que vous nous fassiez part de vos observations à ce sujet parce que...
Puis-je finir d'exprimer ma pensée?
La politique restera en vigueur tant que nous serons occupés à étudier la nature constitutionnelle de nos relations.
Merci.
D'accord, merci.
C'est une question très importante parce que les gouvernements coloniaux ont la capacité d'établir des lois, puis de les mettre en application au moyen de politiques. Ces politiques sont vraiment à la merci du gouvernement au pouvoir. Nous ratons tellement d'occasions parce que les gouvernements contournent, déforment et modifient les règles, si bien qu'ils affaiblissent clairement les politiques précédentes.
À cet égard, je dirais qu'il est essentiel de donner force de loi aux normes minimales prévues dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est ainsi que vous créerez une plateforme neutre et juste pour les relations de nation à nation. À défaut de quoi, rien ne sera fait. Manifestement, c'est ce qui s'impose. Nous avons besoin d'une certitude législative pour nous assurer que les règles du jeu sont les mêmes.
Merci.
Merci à vous deux. Je suis content de vous revoir.
Monsieur Hunter, j'ai une question très précise à poser. Vous avez dit qu'aucune des revendications particulières ne s'est rendue devant le tribunal. Quelle en est la raison? Est-ce un problème d'ordre structurel? Est-ce une question de nature financière? Est-ce parce que les revendications ont été réglées en dehors du processus officiel?
Je suppose que, lorsque la déclaration a été établie en 2008, c'était encore monnaie courante. Or, le tribunal n'a toujours pas peaufiné ses règles et pratiques. N'oublions pas non plus ce qui s'est passé depuis, malgré quelques jugements favorables. Il y a eu des abus et, selon moi, l'incertitude fait que les Premières Nations ne sont pas à l'aise de s'adresser aux tribunaux.
En Colombie-Britannique, dans le dernier cas en matière de concurrence, le gouvernement du Canada avait initialement déposé une demande de révision sur la question, mais il l'a retirée le mois dernier, ce qui est une bonne nouvelle. Bien entendu, le tribunal a tranché la plupart des questions liées à la responsabilité, mais on commence à peine à régler la question de l'indemnisation; je suppose que c'est plutôt une approche attentiste. De plus, lorsque vous déposez un dossier auprès du tribunal, il y a des coûts à assumer. Même si la direction générale des revendications est prête à financer votre dossier, elle ne rembourse pas tous les coûts; donc, la Première Nation devra quand même en financer une partie.
Dans le cas de la nation nishnawbe-aski, combien de revendications particulières reste-t-il à régler en Ontario?
Concernant le Traité no 9...? Je dirais, grosso modo, entre 70 et 100. Il reste donc beaucoup de chemin à faire.
Chef, vous avez dit tout à l'heure que le financement lié à ces revendications ne correspond pas au montant, c'est-à-dire au résultat. Pouvez-vous nous donner un exemple de situation où un tel problème s'est manifesté? Quelles solutions nous proposez-vous pour régler cette question à l'avenir? Certains ont exprimé des doutes quant à l'indépendance du processus — et je pense que M. Saganash en a déjà parlé. Le financement semble être un facteur qui entraîne indirectement des résultats parfois différents de l'objectif initial.
En ma qualité de chef régional, je ne suis pas un expert en matière de revendications particulières. Toutefois, j'en sais assez pour avoir entendu les assertions politiques présentées dans nos assemblées, ainsi que les arguments invoqués par ma propre Première Nation. Je me contenterai de vous parler de ma communauté, et nous vous ferons parvenir des renseignements supplémentaires pour répondre à votre question parce que c'est un point très important.
En ce qui concerne la valeur véritable, c'est-à-dire le montant de la valeur depuis l'infraction de la revendication, je peux seulement dire que, dans la Première Nation de Serpent River, nous avons perdu probablement environ 80 années d'utilisation de ces terres. Rappelez-vous qu'il s'agit souvent d'emplacements privilégiés, caractérisés par des ressources forestières, des mines ou un accès à l'eau — des endroits stratégiques, pour tout dire. La valeur de cette perte doit être établie en fonction d'un examen indépendant. Si le processus actuel ne permet pas un tel examen indépendant, nous devons changer la donne pour garantir une évaluation juste et objective de la valeur et de la perte totale qui devrait être indemnisée dans le cadre de ces revendications. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, et il faut prévoir quelque chose à cet égard dans le régime actuel.
Une des choses que nous avons entendues à plusieurs reprises, c'est que durant le temps qu'il faut pour régler une revendication, on procède souvent à l'extraction des ressources.
Avez-vous des suggestions quant aux mesures à prendre pour geler, à défaut d'un meilleur mot, de telles activités dans la zone contestée? Un des problèmes, c'est que vous pouvez obtenir gain de cause dans le cadre de la revendication, mais finir quand même par perdre à long terme parce que les ressources seront épuisées.
Je sais qu'une des exigences qui ont été retirées du processus, c'est, sauf erreur, l'imposition de moratoires sur les territoires. À une certaine époque, on imposait un moratoire aux promoteurs. Il y avait une notification officielle des terres contestées. Je crois que ces mesures doivent être rétablies dans le processus. J'irais même jusqu'à dire qu'il faut un moratoire complet sur toute mise en valeur ou utilisation des ressources, dès qu'une revendication est établie.
Merci.
Merci.
Il vous reste environ six secondes. On aurait plutôt besoin de six heures.
Nous entamons maintenant la série d'interventions de cinq minutes, et c'est Kevin Waugh qui aura le mot de la fin. À vrai dire, il ne nous reste qu'environ trois minutes.
C'est à vous.
Allons-y.
Vous avez signé, il y a deux ans, une entente provinciale sur la collaboration en matière de ressources naturelles. Où en sont les choses à cet égard?
Nous avons signé un accord politique avec le gouvernement de l'Ontario. C'est de cela que vous parlez, si je comprends bien.
Je peux vous dire que cet accord a donné des résultats positifs, et je dois en attribuer le mérite à l'actuel gouvernement Wynne. Certaines portes sont maintenant ouvertes. Par exemple, la première revendication relative aux droits fonciers issus d’un traité a été accordée par le gouvernement de l'Ontario, et cela en dit long sur les relations politiques.
À mon avis, il faudra maintenant reconnaître que nous ne céderons pas à l'asservissement politique que prévoient ce genre de traités, et je pense que le gouvernement Wynne se dirige vers des accords bilatéraux plus innovateurs. D'ailleurs, il y a quelques jours à peine, l'Association des Iroquois et des Indiens alliés a conclu une entente avec le gouvernement de l'Ontario.
Je tiens toutefois à faire remarquer que si l'on persiste à ne pas reconnaître notre place dans le fédéralisme canadien et, en un sens, à nous asservir, il est évident que nous n'appuierons plus ce processus. Quand le gouvernement ontarien va négocier des accords d'achat d'énergie dans d'autres administrations et que cela nuit à la valeur de nos terres visées par les traités en Ontario, nous avons là un problème.
L'ALENA est un autre... Écoutez, les provinces et les territoires sont des sous-États à l'échelle internationale, ce qui est révélateur. Nous devons être reconnus comme nations. Pour reprendre les propos de notre ami et collègue, Romeo Saganash, dont les efforts ne passent pas inaperçus, nous devons rehausser les normes minimales prévues dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en leur donnant force de loi, même à l'échelle provinciale.
Meegwetch.
Monsieur Hunter, vous avez soulevé un point valable. Vous représentez les deux tiers de la province. Le coût de la vie dans le Nord est beaucoup plus élevé — nous le savons —, pourtant le financement ne correspond pas à la réalité.
Vous avez fait valoir un bon argument au sujet du financement. Nous entendons ce message depuis lundi, dès notre réunion à Vancouver, mais vous avez présenté des points de vue différents. Il suffit de voir la région que vous représentez, dans le Nord, où il faut probablement deux fois plus d'argent pour résoudre les problèmes auxquels vous vous heurtez.
Voulez-vous dire un mot à ce sujet?
Oui. Vous avez raison.
Chose certaine, les coûts pour faire des affaires dans le Nord sont astronomiques, et je ne parle pas seulement des activités du gouvernement, mais aussi de la capacité des habitants de nourrir leur famille et de se loger. En tout cas, nous ne sommes pas en proie à la crise. Je suppose qu'il suffit de voir les manchettes tous les jours. Selon moi, le financement est un élément crucial dans tout ce que nous faisons au sein de nos communautés et sur nos territoires.
Voilà donc le gros problème pour nous: le financement, ainsi que la recherche et les négociations. C'est également un facteur essentiel dans la conclusion d'un accord pour le règlement de griefs historiques.
Merci. C'était là toute une question en guise de conclusion.
Des voix:Ah, ah!
La présidente: Ces députés commencent à nous jouer des tours, n'est-ce pas?
Je vous remercie sincèrement d'être venus témoigner à une heure aussi matinale. Il s'agit d'un sujet technique, mais cette discussion est importante dans notre démarche vers la réconciliation.
Merci de votre participation. Meegwetch.
Nous allons faire une courte pause et revenir à 9 h 15.
Reprenons officiellement la séance avec ce groupe de témoins. Étant donné que nous allons entendre trois exposés, nous tâcherons d'être aussi efficaces que possible. Je vous rappelle de regarder vers moi, car je fais des signes de la main pour indiquer quand il faut conclure. Je vous indiquerai combien de minutes il vous reste pour votre exposé afin de vous donner une idée du temps dont vous disposez avant que j'aie à intervenir. Nous passerons ensuite à une période de questions et réponses.
Bienvenue à tous. Nous étudions aujourd'hui les revendications territoriales globales et particulières. Chaque témoin disposera de 10 minutes. J'invite les délégations à décider qui prendra la parole en premier. Nous vous écoutons.
[Le témoin s'exprime en mohawk.]
Je m'appelle Donald Maracle. Je suis le chef élu des Mohawks de la baie de Quinte, et ce, depuis 24 ans.
Les Mohawks de la baie de Quinte font partie de la nation mohawk au sein de la Confédération des Six-Nations. Nous sommes une des communautés des Six-Nations associées politiquement au caucus iroquois et une Première Nation membre de l'Association des Iroquois et des Indiens unis.
Le territoire mohawk de Tyendinaga est situé le long des rives de la magnifique baie de Quinte, à environ 20 kilomètres à l'est d'ici. En date du 31 août, nous comptions 9 775 membres, dont 2 175 personnes vivant dans la réserve. Ce chiffre ne tient pas compte du nombre de personnes non inscrites vivant au sein de notre communauté et faisant partie de la famille de nos membres.
Au chapitre du nombre de membres, nous sommes la troisième communauté autochtone en importance en Ontario et la 10e au Canada. Nous sommes actuellement en négociation avec le gouvernement du Canada au sujet de la revendication visant le secteur Culbertson, une parcelle de 923,4 acres. Cette revendication a fait l'objet de négociations dans le passé. Nous avons poursuivi en justice le Canada en vue d'une révision judiciaire au motif qu'il n'avait pas négocié de bonne foi et qu'il n'était pas ouvert à une négociation conforme à toutes les exigences de la politique sur le règlement des revendications particulières.
Nous avons récemment repris les négociations, dans l'espoir de régler une partie de cette revendication, soit une parcelle de 300 acres. Nous constatons aujourd'hui une approche plus créative dans le cadre des négociations, mais des contraintes persistent.
Dans le passé, nous avons dû demander une révision judiciaire afin d'amener le Canada à non seulement négocier de bonne foi, mais aussi à respecter toutes les exigences de sa politique. Sa position consiste à verser des indemnités de nature pécuniaire seulement, et non pas sous forme de terres. Il s'agit d'une atteinte à nos droits protégés par l'acte de Simcoe, du Traité no 3½, qui se lit comme suit:
Dans l’éventualité où une ou plusieurs Personnes autres que lesdits Chefs, Guerriers, Femmes et Gens du peuple desdites Six Nations sont, conformément au titre susmentionné, réputés posséder ou occuper ledit district ou territoire ou l’une quelconque de ses parties ou parcelles, il sera et peut être légal pour Nous, nos Héritiers et Ayants droit d’entrer sur les terres occupées et détenues par une autre Personne ou des Personnes qui ne sont pas les Chefs, les Guerriers, les Femmes et les Gens du peuple desdites Six Nations, les intrus sur ces terres seront dépossédés et évincés aux fins de la reprise de possession desdites terres par Nous-mêmes, nos Héritiers et Ayants droit.
Cela signifie que la Couronne ou ses héritiers ont l’obligation fiduciaire de reprendre les terres des intrus qui y sont installés. Ces dispositions du traité reflètent la relation spéciale qui unissait les Mohawks à la Couronne britannique en tant qu’alliés militaires et qui ne peut être annulée par des politiques ou des textes législatifs subséquents. J'ai d'ailleurs apporté aujourd'hui les images de deux de ces alliés historiques: le capitaine militaire mohawk, Joseph Brant, et le capitaine mohawk, Deseronto.
Selon l’expérience des Mohawks de la baie de Quinte, les négociateurs du Canada appliquent la politique sur les revendications particulières sans tenir compte de la possibilité de restituer des terres, comme le prévoit la politique. Ils mettent plutôt en oeuvre une politique non écrite qui se limite au versement d’une indemnité pécuniaire, puis ils avisent les Premières Nations qu’elles peuvent se servir de l’argent pour acquérir des terres au gré du vendeur et de l’acheteur. Au lieu de reconnaître le rôle fiduciaire qui lui a été confié en vue de protéger les terres, la Couronne a décidé de suivre une démarche qui entraîne l’extinction du titre ancestral. La constitution d’un tribunal qui n’accordera que des indemnités pécuniaires fait donc fi, encore une fois, de la relation conventionnelle qui existe entre notre communauté et le Canada. Le seul mandat que nous avons reçu de nos membres pour la négociation des revendications territoriales consiste à obtenir la restitution des terres au profit de notre communauté en croissance et à demander un dédommagement pour la perte de l’usage des terres en question.
En ce qui concerne l'indemnité pécuniaire, soit la limite de 150 millions de dollars, si les négociations échouent, nous nous retrouverons devant les tribunaux. Nous n'aurions alors d'autre choix que d'accepter l'indemnité pécuniaire. L'indemnité pécuniaire est plafonnée à 150 millions de dollars au niveau des tribunaux. Il s'agit d'un montant qui conjugue la compensation au titre de la valeur marchande actuelle et le dédommagement versé pour la perte de l'usage des terres. Aucune somme ne peut nous inciter à céder nos terres. L’argent ne règle pas la question des responsabilités imposées à la Couronne par notre traité et ne répond pas au besoin croissant de restitution de nos terres pour les générations à venir.
Étant donné que notre communauté possède moins de 20 % des terres qui lui avaient été accordées par voie de traité, et qu’il y a environ 75 000 acres pouvant faire l’objet d’une revendication, il est douteux que nos demandes puissent être régies par ce processus, surtout lorsqu’on tient compte de la mise en valeur effectuée par des tierces parties dans les régions visées par les revendications.
L'exigence selon laquelle les Premières Nations doivent céder tous les droits et intérêts à l'égard des terres et des ressources, une fois leurs revendications réglées, est complètement absurde. Cette disposition porte aussi atteinte à nos droits issus de traités en vertu de l’acte de Simcoe, du Traité no 3½, qui décrit comment la cession des terres doit s’effectuer. Voici un extrait:
Sous réserve néanmoins et à perpétuité que, en tout temps, si lesdits Chefs, Guerriers, Femmes et Gens du peuple desdites Six Nations souhaitent aliéner et céder leur usage et leur droit à l’égard dudit district ou territoire, ce district ou territoire sera acheté seulement pour Nous en notre nom dans le cadre d’une Réunion publique ou Assemblée publique des Chefs, des Guerriers et des Gens du peuple desdites Six Nations qui sera convoquée à cette fin par le Gouverneur, le Lieutenant-gouverneur ou la Personne qui dirige Notre Gouvernement dans la province du Haut-Canada.
Cette disposition est très semblable à la Proclamation royale de 1763, qui établit les bases servant à reconnaître et à respecter les titres ancestraux à l’égard des terres. Cela fait partie de la Constitution du Canada.
Pourquoi notre peuple devrait-il éteindre ses droits fonciers pour permettre à des tierces parties de rester sur ses terres? D'ailleurs, nous n'y avons même pas renoncé. Peut-être que le Canada estime qu’il est plus facile de déposséder notre peuple que des tiers qui ont reçu un titre illégal sur les terres que nous a accordées la Couronne. Une injustice ne peut être corrigée par une autre. Pourquoi le Canada ne reconnaît-il pas les droits des Premières Nations à l’égard des terres?
Au moyen d’une propagande alimentée par le gouvernement, les médias présentent souvent les revendications des Premières Nations comme étant des demandes non fondées au lieu de griefs légaux légitimes et en souffrance qui découlent des manquements de la Couronne envers les Autochtones et les traités. Des progrès importants pourraient être accomplis si le Canada déclarait qu’il négocie parce qu’une Première Nation possède un droit non respecté qui ne peut plus être ignoré.
Au nom de la réconciliation, la Couronne doit admettre les erreurs de ses prédécesseurs et en assumer la responsabilité. L’extinction des droits ancestraux et issus de traités grâce à des politiques fédérales ne donne pas le ton approprié si l’on recherche la réconciliation.
Le Canada a affirmé qu’il ne possède aucune terre à offrir pour le règlement des revendications. Il jouit de pouvoirs d’expropriation et de la capacité d’acquérir des terres; cependant, par le truchement de son ministère des Affaires autochtones et du Nord, il choisit de ne pas utiliser ces pouvoirs et cette capacité pour régler les revendications des Premières Nations.
D’après le Canada, les Premières Nations peuvent se servir de l’argent reçu en guise d’indemnité pour acquérir des terres au gré du vendeur et de l’acheteur. Les terres ainsi acquises peuvent ensuite servir d’ajouts aux réserves. Il est déraisonnable de s’attendre à ce que notre communauté rachète ses propres terres alors que le traité souligne qu’il incombe à la Couronne de corriger le manquement en évinçant les tierces parties.
Selon la Politique sur les ajouts aux réserves, ce sont les fonctionnaires du ministère des Affaires autochtones et du Nord qui décident si des terres acquises par une Première Nation peuvent être ajoutées à une réserve ou non. Cette politique traite les terres indiennes comme s’il s’agissait d’un simple enjeu stratégique au lieu de reconnaître les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones protégés par la Constitution.
Notre communauté possède bien des revendications qui seront présentées au gouvernement fédéral pour règlement dans un avenir rapproché; toutefois, nous ne pouvons pas soumettre nos revendications à un processus qui continue de brimer nos droits ancestraux et issus de traités ou qui nécessite l’extinction de nos droits.
Je dois répéter que notre mandat consiste à négocier la restitution du contrôle de nos terres et à discuter la compensation au titre de la perte de l’usage de ces terres pour la période pendant laquelle nous n’avons pu ni les utiliser ni en profiter. Nous n’avons pas le mandat de discuter de l’extinction de nos droits à l’égard de terres dont nous avons besoin dès maintenant et pour les générations à venir.
Je vous remercie.
Merci. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage.
Nous allons maintenant entendre notre prochain témoin. Il s'agit de Ryan Lake, de la Première Nation crie de Missanabie.
Ryan, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.
Je suppose que je devrais commencer par vous fournir quelques renseignements généraux. Évidemment, le chef Gauthier vous prie d'excuser son absence. En tant que dirigeant d'un gouvernement d'une Première Nation, il doit répondre aux nombreuses exigences qui lui sont imposées au quotidien, comme c'est votre cas, j'en suis sûr, mesdames et messieurs les députés.
La Première Nation crie de Missanabie est partie au Traité no 9, mais elle n'a jamais reçu de terres de réserve, malgré des demandes répétées après la visite de la Commission d'étude des traités dans la région connue aujourd'hui comme la station Missanabie, un peu dans le fin fond du nord de l'Ontario, au nord de Wawa. Il s'agit d'une bande sans terre, mais le Canada a admis, dans un litige devant la Cour suprême, qu'il a l'obligation d'honorer la promesse sacro-sainte prévue dans le Traité no 9, soit celle d'accorder une réserve à la Première Nation crie de Missanabie, obligation qui n'a d'ailleurs pas été remplie. Le Canada n'a pas respecté ses obligations constitutionnelles et issues de traités de façon raisonnable et en temps opportun, et c'est là un manquement au devoir fiduciaire et à l'honneur de la Couronne, ce qui est toujours en jeu lorsqu'elle transige avec les Premières Nations.
En plus de son droit à des terres de réserve, les Cris de Missanabie cherchent également à obtenir une indemnisation équitable pour les dommages importants et le préjudice irréparable causés par le déplacement massif des Cris de Missanabie, qui ont été arrachés de leur territoire traditionnel, sans oublier les innombrables répercussions sociales dont souffrent des générations de Cris de Missanabie depuis plus de 110 ans. Bien entendu, sachant que le Canada reconnaît cette obligation légale, bien des gens se demandent probablement pourquoi cette revendication n'a toujours pas été réglée, mais j'y reviendrai dans un instant. Je vais simplement poursuivre en résumant un autre aspect du Traité no 9 dans le contexte de Missanabie.
Avant le Traité no 9, les traités étaient négociés et conclus uniquement entre le gouvernement fédéral et les Indiens. Toutefois, en 1894, l'Ontario et le Canada ont signé un accord officiel, ratifié par une loi impériale, qui prévoyait ceci:
À l'avenir, aucun traité avec les Indiens concernant le territoire d'Ontario n'aura lieu sans le concours du gouvernement de cette province.
En effet, lorsque les commissaires travaillaient à l'élaboration du Traité no 9, l'Ontario était partie à ce traité et, en vertu des dispositions du traité, la province a exercé un important pouvoir de veto sur l'attribution des terres de réserve aux Premières Nations. C'est, bien sûr, un facteur considérable qui entre en ligne de compte dans la revendication des Cris de Missanabie; pour autant que nous le sachions, si cette Première Nation n'a jamais reçu de réserve, c'est, en grande partie, parce que la province de l'Ontario a fait valoir ses intérêts économiques pour son seul avantage et au détriment des Cris de Missanabie.
Un dernier point: le Traité no 9 était radicalement différent, en ce sens qu'il avait été rédigé par les avocats du gouvernement du Canada et de la province de l'Ontario sans la participation, la contribution ni le consentement des bandes indiennes dont les titres ancestraux seraient abolis par ses modalités. Le traité était grossoyé sur du papier-parchemin par la Couronne — un peu l'équivalent des nombreux contrats de téléphone cellulaire que vous et moi concluons régulièrement —, puis en 1905 et en 1906, le commissaire chargé du traité a obtenu l'adhésion de quelques-unes, et non pas de la totalité, des bandes indiennes occupant le vaste territoire visé par le Traité no 9, une région de 90 000 milles carrés de terres riches en ressources naturelles, notamment en or, en minerai et en bois d'oeuvre.
On dit souvent que, dès la première signature apposée sur ce papier-parchemin, les Premières Nations ont respecté leur part de l'obligation prévue dans le traité, à savoir la cession des titres ancestraux sur toutes ces terres. Bien entendu, en contrepartie, il y a les promesses solennelles et sacrées qui sont enchâssées dans le Traité no 9, mais la plupart, voire la totalité, d'entre elles n'ont guère été remplies.
Entrons maintenant dans le vif du sujet. J'aimerais présenter au Comité quelques brèves observations sur le processus de règlement des revendications particulières. Mes commentaires et recommandations pourraient influer grandement le règlement de la revendication relative aux droits fonciers issus de traités des Cris de Missanabie. Cela dit, je dois préciser que, comme cette revendication, pour laquelle j'agis comme conseiller juridique, en est à une étape avancée d'un règlement négocié, je m'abstiendrai d'en parler directement. Je voudrais également prendre quelques instants pour distribuer au Comité deux documents, que j'ai déjà remis à mon ami d'en face, et qui reprennent une bonne partie de ce dont je vais discuter brièvement dans mon exposé. On m'a aussi demandé de vous remettre mes notes d'allocution. Elles sont quelque peu utiles, et j'espère avoir l'occasion de les mettre au propre avant de vous les envoyer.
Le premier document a été préparé par Ron Maurice. Intitulé [Traduction] Derniers développements en matière de droit pour une indemnisation équitable, le document décrit la récente décision du Tribunal des revendications particulières au sujet de 13 revendications particulières de Premières Nations portant sur le fait que la Couronne n’ait pas honoré le paiement des annuités prévues par les traités au lendemain de la rébellion de Riel.
Pour la Couronne, cette décision a une grande incidence sur l’évaluation du risque ainsi que sur la valeur globale des revendications particulières qui ont fait leur chemin en empruntant le processus idoine.
En gros, le document fait le résumé de ce dossier très important. Il explique ce que le tribunal a trouvé en matière d’indemnisation équitable et ce que cela signifie. En fin de compte, le tribunal spécialisé reconnaît que les principes de base d’une indemnisation équitable s’appliquant dans le contexte du bref du droit commun en marge du processus des revendications particulières s’appliquent bel et bien aux Premières Nations, et que cela a une grande incidence sur la valeur totale de ces pertes historiques si l’on tient compte des intérêts composés accumulés avec le temps.
C’est moi qui ai préparé le deuxième document, [Traduction] Sonder l’accès à la Justice par l’intermédiaire du processus de revendications particulières du Canada. On y examine les caractéristiques du processus des revendications particulières qui a pris forme au cours des 40 dernières années; les caractéristiques du règlement des différends utilisé pour tempérer les relations entre les Premières Nations et le Canada portant sur des revendications particulières datant de plusieurs siècles; une analyse et des commentaires détaillés au sujet du processus de règlement des différends actuel; enfin, une réflexion sur la capacité qu’a le processus actuel de concrétiser les résultats escomptés.
Ensuite, il y a une analyse des objectifs du processus et des statistiques afférentes. Cette analyse s’appuie en majeure partie sur les audits réalisés par votre gouvernement au cours de la dernière année ainsi que sur les dossiers présentés dans le cadre de l’examen quinquennal de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, examen qu’a dirigé le président de ce tribunal, le juge Slade.
Je vais commencer par les résultats souhaités. Un élément central du règlement des revendications particulières est la promotion de la réconciliation entre les Premières Nations, la Couronne et les populations non autochtones du Canada. Le juge en chef Dickson a fait remarquer que la relation qui existe entre la Couronne et les Premières Nations en est une de confiance plutôt que d’antagonisme. Les défis associés au processus de revendications particulières et la nature distincte de ce processus sont tributaires de cette relation unique en son genre.
La première observation élémentaire que je ferai — elle est très simple et j’en ai d’ailleurs entendu parler ce matin, au déjeuner — porte sur la valeur plafond qui a été fixée pour les revendications particulières et, de façon plus générale, sur l’accès à la justice dans le contexte de la politique et du tribunal proprement dit.
Il ne me reste que deux minutes, alors je vais presser le pas.
Je vais me contenter de lire ce passage d’un trait. Je vais vous demander d’être indulgents et de me laisser aller jusqu’au bout, ce qui devrait prendre à peu près cinq minutes. Je peux voir qu’on me refuse cette indulgence.
Vous pourriez aussi vous soumettre aux conditions. Allez-y. Je vais me montrer généreuse, dans une certaine mesure.
Dans ce cas, je vais me contenter de dire qu'à la lumière des derniers développements en matière de jurisprudence, le plafond de 150 millions de dollars est trop bas. Cela signifie qu'une bonne partie des revendications simples comme celles qui touchent les superficies crédibles, les cessions et les droits fonciers issus de traités tombent désormais en dehors des attributions de ce tribunal, et que 150 millions de dollars ne suffisent pas. En limitant les demandeurs à ce montant aux termes de la politique et devant le tribunal, vous bloquez l'accès à la justice à d'innombrables Premières Nations, puisqu'elles seront désormais forcées de soumettre leurs revendications au processus judiciaire, un processus où les problèmes abondent.
Ce qui m'amène à mon deuxième point: les défenses techniques. Jusqu'en 1951, les Premières Nations n'avaient pas le droit de retenir les services d'un avocat. De nombreuses autres restrictions leur ont été imposées pour plomber leur capacité d'obtenir justice pour des revendications particulières ancestrales. Aujourd'hui, dans chaque cas de dispute porté devant des cours supérieures, la Couronne cherchera à défendre ses intérêts sur la base de délais de prescription, par exemple, délais qui, bien entendu, permettent d'éteindre les droits ancestraux et issus de traités en raison de l'effet qu'ils ont sur les revendications assujetties à une prescription.
Pour remédier à cela, je recommande tout simplement de modifier la loi. Il s'agirait de reconnaître — comme vous l'avez fait pour le processus du tribunal — que ces défenses fondées sur la prescription n'ont pas d'effet ou, peut-être, d'instaurer une période de pardon prenant effet à la date d'entrée en vigueur de la loi et allouant de 10 à 15 ans pour inscrire toutes les revendications particulières ancestrales restantes au processus, ce qui les préserverait des défenses de ce type. Si vous ne faites pas cela, nous allons nous retrouver avec des disputes qui vont s'étendre sur des décennies avec une alternance sans fin de mises en suspens et de négociations, de requêtes interlocutoires et de requêtes de disposition, ce qui finira par coûter très cher.
Comme dernière observation, j'aimerais dire que, de notre point de vue, le tribunal fonctionne. Nous croyons qu'il atteint les objectifs qu'il s'était fixés. Je vais dire un mot sur le cas de la Première Nation de Beardy's et Okemasis. C'est le cas dont on s'est servi pour tester les revendications concernant les annuités découlant des traités. Le cas a été soumis au ministère en 2001 et il a été rejeté en 2008. Normalement, le seul recours aurait été les cours, ces instances semées d'obstacles techniques que président des juges eurocentriques.
Le tribunal a commencé à siéger en 2011, et le cas de la Première Nation de Beardy's et Okemasis était la deuxième revendication à lui être soumise. Une décision relativement aux dommages-intérêts a été prononcée en 2016. Depuis, nous avons constaté la présence d'une sorte de force centrifuge. Au fur et à mesure que l'évaluation du risque gagne en réalisme au ministère de la Justice, un nombre grandissant de revendications sont acceptées aux fins de négociation. Nous sommes d'avis que la présence d'une tierce partie neutre et indépendante apte à recevoir et à régler ces revendications y est pour quelque chose.
Ma dernière observation concerne les outils dont dispose la procédure du tribunal relativement au mode alternatif de règlement des conflits. Le gouvernement du Canada refuse systématiquement de participer à des processus de résolution par voie de médiation en alléguant qu'il ne s'y prêtera qu'à ses propres conditions et non dans le cadre d'un processus assujetti à un arbitre neutre.
Je vous remercie de votre temps.
Bien entendu, 15 minutes, cela n'est pas très long, mais j'espère que c'était assez long pour faire passer le message.
Chef Ava Hill, je suis heureuse de vous voir en personne. Nous nous sommes parlé au téléphone, mais je n'avais jamais eu la chance de vous rencontrer en personne.
C'est maintenant à vous de faire un exposé.
Je vais commencer sur-le-champ. Le 15 décembre 2015, le premier ministre Justin Trudeau déclarait ceci:
Le moment est venu d’un changement réel et positif. Nous savons que ce qu’il faut, c’est une transformation totale des relations entre le Canada et les peuples autochtones. Nous avons un plan pour que notre relation de nation à nation repose sur la reconnaissance, les droits, le respect, la coopération et le partenariat...
Nous allons, en partenariat avec les communautés autochtones, les provinces, les territoires et d’autres partenaires essentiels, mettre intégralement en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, en commençant par donner suite à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les Six Nations de la rivière Grand étaient on ne peut plus d'accord.
[La témoin s'exprime en mohawk.]
Je suis la chef élue des Six Nations. Je m'appelle Ava Hill. Je suis une Mohawk du territoire des Six Nations de la rivière Grand et je suis ici aujourd'hui pour représenter la Première Nation la plus populeuse du Canada, elle qui est aux prises avec certains des plus importants problèmes de droits fonciers confirmés et non résolus au Canada.
Je suis accompagnée de Philip Monture, qui est notre spécialiste du droit foncier. M. Monture travaille sur ces questions depuis les 40 dernières années, si ce n'est pas davantage.
Nous avons aussi apporté une pochette d'information qui contient notre exposé et un certain nombre de pièces jointes auxquelles je ferai référence. Nous l'avons remise au greffier.
Je tiens d'entrée de jeu à souligner que nous sommes sur le territoire ancestral de nos frères et soeurs mohawks des Mohawks de la baie de Quinte.
Le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation tel qu'évoqué par le premier ministre fixe les principes qui doivent présider à la réconciliation. Le premier de ces principes est que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones doit servir de cadre pour la réconciliation à tous les échelons et dans tous les secteurs de la société canadienne.
Le Canada a adopté officiellement cette déclaration le 10 mai 2016, à l'ONU, précisant qu'il en appuyait sans réserve le contenu. Le Canada a également déclaré qu'en adoptant et en mettant en oeuvre la déclaration, il donnait vie à l’article 35, qu'il reconnaît comme étant un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones du pays.
Je siégeais à l'Instance permanente des Nations unies lorsque la ministre Carolyn Bennett a fait cette très importante déclaration devant l'assemblée, et j'ai vu des groupes autochtones du monde entier ovationner le Canada — une ovation et des mots d'approbation tels que la ministre a été obligée de revenir pour terminer sa présentation.
Il aura fallu beaucoup de temps au Canada avant de s'engager dans cette voie, mais c'était la chose qu'il devait faire.
Certains aspects des politiques du Canada en matière de revendications territoriales sont problématiques. Votre comité a reçu le mandat d'étudier les tenants et aboutissants des problèmes persistants relatifs aux territoires autochtones et d'examiner les politiques fédérales concernant les revendications globales et les revendications particulières. Vous avez entendu de nombreuses Premières Nations de partout au Canada vous décrire ce qui ne va pas avec ce système. Nous n'allons pas revenir là-dessus, mais nous sommes d'avis que la plupart des défauts et des lacunes de ce système sont décrits dans le rapport présenté le 9 mars 2015 par les Directeurs nationaux de la recherche sur les revendications, De mauvaise foi : La justice, enfin et l'incapacité du Canada à résoudre les revendications particulières ainsi que dans le rapport 6 des rapports d'automne 2016 du Bureau du vérificateur général du Canada, Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada.
Une relation de nation à nation fondée sur les droits autochtones, le respect, la coopération et les partenariats ne saurait en aucun cas se faire ou prétendre se faire par l'extinction des droits des peuples autochtones en matière de territoires et de ressources. Les revendications globales et les revendications particulières qui s'appliquent au Canada vont à l'encontre de ce principe et elles doivent être remplacées, point à la ligne. Toute mesure moindre place le Canada en contradiction avec les relations de nation à nation que le premier ministre a promises aux peuples autochtones du Canada et aux Canadiens en général. Ces deux politiques en matière de revendications minent le soutien inconditionnel que le Canada a promis au monde entier à l'égard de la Déclaration des Nations unies.
De plus, le plafond de 150 millions de dollars fixé pour le règlement des revendications rend le processus tout à fait inutile pour la grande revendication des Six Nations. Étant donné les nombreux défauts des politiques du Canada sur les revendications, les Six Nations de la rivière Grand ont compris qu'elles n'allaient pas obtenir justice en se servant d'elles pour réparer les torts causés par la mauvaise gestion de la Couronne à l'égard de nos terres, de nos ressources et de notre argent. En lieu et place, nous avons décidé, en 1995, de contester les politiques boiteuses du Canada en matière de revendications territoriales.
Nous voulons affirmer notre relation de nation à nation et parvenir à un règlement concernant les responsabilités du Canada. Nous entendons y arriver par l'intermédiaire d'une discussion de bonne foi et d'ententes sur le partage des ressources. En nous basant sur les principes de la Déclaration des Nations unies, nous pouvons rétablir la relation et permettre à la Couronne de s'acquitter correctement de son obligation légale de consulter et d'accommoder les Six nations. Entretemps, les Six Nations continueront de partager avec leurs voisins, les municipalités, l'Ontario, le Canada et le secteur des entreprises les terres qui leur appartiennent en vertu du Traité Haldimand.
Ce que les Six Nations vont présenter aujourd'hui n'est pas nouveau. Nous avons été cohérents avec ce que les Six Nations de la rivière Grand ont présenté, le 29 juin 1983, au Groupe de travail parlementaire sur l’autonomie gouvernementale indienne, exposé dans lequel nous expliquions comment l'autonomie politique des Six nations pouvait être financée grâce au règlement des différends non résolus avec la Couronne en matière de droits fonciers. Nous avons aussi été cohérents avec les nombreux exposés que nous avons faits devant l'Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones ainsi que devant un grand nombre de parlementaires depuis mai 2011.
Les terres appartenant aux Six Nations en vertu du Traité Haldimand ont une superficie de 950 000 acres. De ces 950 000 acres, 275 000 sont assujettis au respect du traité, 402 000 sont assujettis à des paiements sur 999 ans destinés à financer le bien-être des peuples des Six Nations et leur gouvernement, et 19 000 ont été approuvés aux fins de location à court terme pour alimenter les revenus des Six Nations.
Ces trois exemples suffiraient amplement à combler les besoins criants des peuples des Six Nations, sauf que, le 3 mars 1821, les acteurs gouvernementaux de l'époque ont mis un interdit sur nos arrangements de location. Ce n'est là qu'un petit échantillon des milliers de questions territoriales et financières irrésolues qui opposent nos nations. Pour en savoir plus sur les questions territoriales et la mauvaise gestion que la Couronne a faite des ressources financières et naturelles des Six Nations, lisez notre document [Traduction] Droits fonciers, une solution globale pour les Six Nations de la rivière Grand River.
Le 30 mai 2016, Kathleen Wynne, la première ministre de l'Ontario, a confirmé que l'Ontario s'engageait à mettre en oeuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Voici ce qu'elle a dit: « [...] j’espère démontrer l’engagement de notre gouvernement à influer sur l’avenir en établissant des relations fondées sur la confiance, le respect et le droit inhérent des peuples autochtones à s’autogouverner. » Elle a promis de travailler avec des partenaires autochtones afin de trouver des moyens d'améliorer la participation des Autochtones dans le secteur des ressources, notamment en améliorant la façon de partager les revenus tirés de ces ressources et en travaillant avec le gouvernement fédéral pour donner suite à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Récemment, l'Ontario a intégré le « supplément autochtone » à son Programme de tarifs de rachat garantis d’énergie renouvelable — tout cela découle de la Loi de 2009 sur l'énergie verte et l'économie verte de l’Ontario — afin de permettre aux Premières Nations de participer. Les initiatives élaborées sur les terres des Six Nations visées par un traité et selon les principes de la Déclaration des Nations Unies et de l'obligation légale de consulter et d'accommoder ont grandement incité les Six Nations à s'associer à ces développements et à y investir. Aujourd'hui, nous avons amassé plus de 1,4 million de dollars en contributions postsecondaires pour combler nos lacunes en matière d'éducation. Nous allons générer plus de 100 millions de dollars au cours des 20 prochaines années pour les besoins de nos communautés. À ce jour, nous avons contribué à la production de 892 mégawatts d'énergie verte — ce qui s'inscrit dans notre lutte aux changements climatiques — et nous avons créé d'innombrables emplois pour nos gens et ceux des alentours.
Je salue les initiatives de l'Ontario en matière d'énergie verte et le fait que la province ait sollicité la participation des gouvernements autochtones à ces développements. L'Ontario a prouvé qu'on ne devrait pas avoir peur du partage des revenus, et que c'est en fait un principe qui devrait être encouragé. Les questions foncières irrésolues avec le Canada n'ont pas plongé les Six Nations de la rivière Grand dans une léthargie, bien au contraire. Depuis plus de 40 ans, nous travaillons à la mise au point d'ententes en matière de consultation et d'accommodement avec nos voisins et le milieu des affaires, ententes qui nous permettront de renforcer notre nation et de protéger nos droits sur toutes les terres qui nous appartiennent en vertu de traités. Cela concerne entre autres les ponts qui enjambent la rivière Grand, les digues érigées pour contrôler les inondations et protéger la population en général, ainsi que maints projets d'infrastructures requis par les municipalités voisines.
Nous avons besoin d'améliorations sur le plan environnemental et de mesures pour atténuer les effets du développement. Nous avons fourni des occasions d'apprentissage à nos étudiants de tout âge et nous nous sommes constitué des sources de revenus à long terme pour appuyer ces occasions d'apprentissage unique en leur genre. Nous avons créé des partenariats avec des promoteurs étrangers pour diversifier notre économie et pour soutenir l'édification des infrastructures des Six Nations. Cela nous a aussi permis d'acquérir des propriétés et d'étendre la superficie de nos terres — ce dont nous avons grandement besoin —, mais ces efforts ont été plombés par les ajouts que le Canada a faits à sa politique sur les réserves.
Les Six Nations de la rivière Grand River considèrent qu'elles vivent dans des agglomérations acceptables situées sur les terres qu'elles possèdent en vertu de traités et qui sont assujetties à leur propre politique en matière de consultation et d'accommodement. Nous produisons des revenus et d'autres accommodements créatifs pour répondre aux besoins de nos gens. Ce sont des besoins dont la Couronne du chef du Canada ne se soucie à peu près pas. Entretemps, les Six Nations n'ont pas à renoncer à quoi que ce soit. Toutefois, nous continuons à soutenir ces ententes, notamment pour ne pas porter préjudice aux droits issus de traités et aux droits autochtones des Six Nations et pour ne pas porter préjudice aux contentieux qui opposent les Six Nations au Canada et à l'Ontario. Et pourtant, le soleil continue de briller, l'herbe continue de pousser et les rivières continuent de suivre leur cours.
À votre intention, j’ai décrit comment les Six Nations de la rivière Grand créent des partenariats avec les communautés autochtones, les provinces, les territoires et d’autres intervenants essentiels, et comment elles entendent concrétiser l'ensemble des appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, en commençant par la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies. Voilà où doivent commencer les relations de nation à nation avec les peuples autochtones.
Notre autonomie gouvernementale est liée au territoire. Dans le mémoire que nous avons présenté en juin 1983 au Groupe de travail parlementaire sur l’autonomie gouvernementale indienne, nous expliquions que l’enracinement de notre droit à l’autonomie signifiait aussi que nous allions devoir asseoir notre relation de gouvernement à gouvernement par des mesures bien précises. Désormais, cette relation sera entre les Six Nations et la Couronne, comme cela a déjà été le cas. L’autodétermination, les gouvernements autochtones et les relations spéciales sont des mots vides de sens s’il n’y a pas de ressources pour les concrétiser.
Les Six Nations ont des démêlés en cour avec le Canada et l’Ontario depuis 1995. Nous cherchons à faire respecter nos droits fonciers et à contrer la mauvaise gestion de nos ressources. Nous préfèrerions que ces choses soient discutées à une table de négociations plutôt que dans une salle d’audience. Les gouvernements actuels du Canada et de l’Ontario ont indiqué qu’ils souhaitaient négocier, mais pour cela, il leur faudra l’un et l’autre de nouveaux mandats.
Enfin, les Six Nations demandent au Canada et à la province de revenir à la table de négociations avec un mandat approprié, soit celui de restaurer les relations de nation à nation. Le gouvernement des Six Nations doit disposer de sources de revenus pérennes, viables et gérables pour contrebalancer les responsabilités actuelles du Canada en la matière et combler les lacunes avec lesquelles notre communauté doit composer jour après jour en matière d’éducation et sur le plan social. Cela demandera du temps, et nous sommes disposés à y mettre le temps qu’il faudra et à faire les choses correctement pour l’avenir des peuples des Six Nations et pour l’avenir de nos voisins.
Étant donné que les Six Nations ont consenti à partager leurs terres, nous nous attendons au minimum à ce que le Canada et l’Ontario acceptent de s’associer à nous et de partager les revenus générés par l’utilisation sous toutes ses formes des terres et des ressources visées par le Traité Haldimand. Les Six Nations veulent discuter du partage des ressources de l’exploitation de toutes les ressources naturelles qui se trouvent sur les terres que le Traité Haldimand nous attribue, dont l’extraction de l’agrégat et du gypse et l’utilisation de l’eau. Nous voulons parler de l’obtention d’un pourcentage de tous les droits sur les transferts de terrains, de toutes les taxes et de tous les droits d’aménagement.
Nous avons toujours joué un rôle clé pour la protection de notre mère la Terre et nous voulons poursuivre dans cette voie. Cela fait partie de notre lutte contre les changements climatiques.
Les Six Nations ont fait la preuve que ce processus fonctionne. Selon nous, c’est un processus que le premier ministre du Canada et la première ministre de l’Ontario doivent mettre en oeuvre pour corriger les erreurs passées sans priver nos enfants des droits issus des traités. Le Canada et l’Ontario peuvent mettre ce processus en oeuvre pour respecter de façon honorable leurs engagements politiques à l’égard des peuples autochtones du Canada et de tous les Canadiens.
Merci. Nous nous faisons une joie à l’idée de ce nouveau départ.
Je tiens à mon tour à reconnaître le fait que nous sommes sur des terres ancestrales des Mohawks de Tyendinaga. Merci beaucoup, chef, de nous permettre d'utiliser ces terres pendant les présentes audiences.
J'aimerais aussi signaler à tous qu'aujourd'hui, c'est la Journée du chandail orange, qui a comme objectif d'honorer les survivants des pensionnats. Un établissement local de Belleville, le Collège loyaliste, a organisé une activité officielle pour souligner cette journée. Je vois une personne dans l'auditoire qui porte un chandail orange et je l'en félicite.
Je veux aussi exprimer la profonde gratitude que j'ai envers le chef Maracle qui, tout au long de nos 20 ans d'amitié, a su me guider et m'éduquer pour m'aider à mieux comprendre les injustices qui ont été commises à l'endroit des peuples autochtones. Depuis que je siège au Comité, le chef Maracle m'a aidé à façonner mes opinions sur une foule de sujets, et je l'en remercie sincèrement.
Étant donné que notre temps est limité, je vais essayer de résumer une partie des problèmes irrésolus qui nous ont été signalés aujourd'hui et depuis le début de notre étude concernant les revendications territoriales. J'aimerais d'abord en faire l'énumération, puis voir s'il y en a d'autres que vous voudriez commenter et ajouter à la liste.
Premièrement, il y a la question des titres fonciers et de la détermination à vouloir les éteindre. Les témoins ont très clairement expliqué que cette dernière possibilité était tout à fait hors de question et que les peuples autochtones ne renonceront jamais à leurs terres.
Deuxièmement, il y a la question du financement et le fait que ce financement doit intervenir dès le début du processus: il faut des fonds pour la recherche, des fonds pour les négociations et des fonds pour les règlements. Comme vous l'avez dit, le plafond de 150 millions de dollars est beaucoup trop bas. Le chef Maracle a en outre souligné que ce n'était pas juste une question d'indemnisation, et qu'il s'agissait aussi du territoire et de la restitution du territoire. Nous devons trouver des règlements en vertu desquels le gouvernement s'engagerait à acheter des terres, et nous tenir loin de la formule où le gouvernement se contenterait de donner de l'argent aux communautés autochtones pour qu'elles achètent lesdites terres pour elles-mêmes et les « ramènent » dans les réserves.
Il y a aussi la question des négociations, des délais et du manque d'efficacité. Lorsqu'il faut négocier de 15 à 30 ans pour arriver à un règlement, c'est toute une génération ratée en matière de développement, une génération de possibilités économiques ratées. C'est une génération perdue pour le rétablissement du lien entre les peuples autochtones et le territoire, condition essentielle de leur plénitude.
Un autre problème, c'est la nécessité pour les parties gouvernementales de négocier en fonction de mandats clairs et de veiller à ce que leurs négociateurs aient l'autorité nécessaire pour négocier. Il ne faut pas que ces personnes soient à la table seulement pour prendre des notes et faire rapport des négociations à leurs supérieurs d'AANC ou d'Ottawa. Les mandataires doivent avoir l'autorité voulue pour s'assurer que les personnes qui sont à la table sont les bonnes personnes et pas seulement des représentants d'AANC. Des représentants de tous les ministères concernés — Justice, Ressources naturelles, Pêches et Océans — et de toutes les entités concernées doivent être présents à la table des négociations, et ils doivent avoir l'autorité nécessaire pour négocier.
En ce qui concerne l'indépendance des tribunaux, une constatation s'impose: nous avons des tribunaux pour les revendications particulières, mais pas pour les revendications globales. Lorsque les négociations arrivent dans une impasse et que chacun se retire de la table, il n'y a aucun recours pour faire avancer les choses. La détermination de la légitimité d'une revendication ne relève pas d'un organe indépendant. L'indépendance est également absente de la collaboration en ce qui concerne l'élaboration des politiques ou, a fortiori, de l'élaboration d'un cadre législatif susceptible de renforcer la bonne marche des processus, tant pour le moment présent que pour les gouvernements futurs, l'objectif étant que nous observions le mandat d'être juste et équitable dans l'instauration d'une relation de confiance qui saura concrétiser les règlements convenus.
La liste comprend aussi l'indépendance, non seulement pour ce qui est de décider ce qui est juste, mais aussi en ce qui a trait à l'attribution d'une indemnisation ou de terres dans le cadre d'un règlement. Il s'agit en cela d'éviter que la question soit renvoyée au gouvernement ou portée en appel, ce qui forcerait, encore une fois, la reprise à zéro du processus.
Enfin, il y a la question de la sensibilisation. Il faut sensibiliser le public à l'importance de trouver des solutions, à l'ampleur des injustices qui ont été commises au départ et à l'importance de travailler en collaboration en ce qui concerne la mise en oeuvre des règlements. Il faut en effet veiller à ce que toutes les parties concernées profitent des résultats définitifs des négociations.
Êtes-vous tous d'accord pour dire que ces questions sont au centre du sujet dont nous sommes saisis?
Enfin, nous avons entendu haut et fort que la loi devrait se fonder sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et qu'elle devrait se servir de cette déclaration comme norme minimale.
Suis-je parvenu à résumer le cadre général qu'ont tenté de nous présenter une foule de communautés autochtones en ce qui concerne les questions de revendications territoriales en général? Chef Maracle, qu'en pensez-vous?
En ce qui concerne la question des indemnisations équitables, le Canada applique la division 80-20. Il déduit 80 % du financement pour perte d'usage accordé aux termes du règlement. Nous ne recevons que 20 % de ce qui est convenu dans le règlement.
Le Tribunal des revendications particulières s'est prononcé dans le dossier des Premières Nations Huu-Ay-Aht et a rejeté la division 80-20. Nous croyons comprendre que le Canada n'a pas l'intention d'interjeter appel de cette décision du Tribunal des revendications particulières, mais la cour a été saisie d'un autre dossier — le dossier du lac Seul —, et nous estimons que le Canada doit énoncer sans tarder sa politique sur cette question de division 80-20 afin que nous sachions à quoi nous en tenir quant à nos relations avec le gouvernement fédéral.
Oui. Je crois que vous avez touché à la plupart des problèmes, mais je crois qu'un autre aspect important est celui des accommodements dans nos communautés. Vous avez parlé de tout cela, du fait que nous voulons ravoir nos terres, mais il ne faut pas oublier que nous voulons aussi des ressources financières. Nous voulons des compensations pour les terres que nous avons perdues, parce que nous sommes la plus importante communauté au pays et que nous devons continuer à fournir des services... Il y a encore beaucoup de gens qui viennent cogner à notre porte pour se procurer nos services. Même si le gouvernement fédéral a la responsabilité fiduciaire de fournir du financement pour ces services, ce n'est jamais assez, et le gouvernement continue de faire des compressions.
C'est pour cette raison que, dans ma présentation... Je pense que vous savez que nous avons commencé à générer nos propres revenus. Toutefois, nous voulons aussi conclure des ententes pour le partage des revenus découlant de l'exploitation des ressources, parce que nous devons continuer à fournir des services à nos gens. J'estime que les accommodements sont un élément très important de toute cette dynamique.
Merci.
Je vais demander aux députés de veiller à ce que les témoins aient le temps de répondre à leurs questions, sinon nous allons empiéter sur le temps qu'il restera pour les autres.
Par acquit de conscience, je voulais simplement m'assurer que tout cela soit consigné dans le compte rendu.
Eh bien, nous sommes ici pour vous écouter, si vous n'avez pas d'objection à ce que je vous dise cela.
Chef Maracle, vous avez fait une déclaration au sujet de l'expulsion des tierces parties. Je n'en ai pas entendu parler cette semaine. C'est une déclaration surprenante que vous avez faite là. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet. Nous n'avons rien entendu de pareil depuis que nous avons commencé notre tournée, lundi, à Vancouver. Nous avons parlé des partenariats, mais votre déclaration d'aujourd'hui est plutôt musclée.
Ce n'est pas seulement une déclaration, c'est une disposition de traité. Je recommande fortement au Comité d'organiser une présentation afin de mieux s'informer des termes utilisés dans les traités. Cela permettrait à la Couronne de mieux comprendre ses obligations.
Le traité a été rédigé quelque temps après la Révolution américaine, lorsque le capitaine Joseph Brant — dont le portrait est ici dans cette pièce — a scellé notre loyauté à la Couronne. Nous avons perdu notre terre natale.
En guise de compensation, on nous a donné l'acte Haldimand, ce traité-là, et l'acte Simcoe, le Traité no 3½, qui plaçait 97 000 acres de nos terres sous la protection de la Couronne. Dans cette relation, l'une des choses que la Couronne avait accepté de faire, c'était de protéger la terre des passages non autorisés. Au lieu de cela, tout ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a accommodé des aliénations illégales grâce aux actes en fief qu'elle a accordés à des tierces parties, et ce, sans la renonciation à la terre requise par le traité et par la Proclamation royale.
Dans ses tractations, le Canada n'a pas suivi ses propres lois et il n'a pas honoré les obligations qui lui incombaient aux termes des traités. Voilà pourquoi nous nous retrouvons avec ces questions non résolues.
Des tierces parties exploitent des carrières sur des terres qui n'ont jamais été cédées par la Couronne. Des non-Indiens ont fait des centaines de milliers de dollars en anéantissant nos droits miniers, lesquels n'ont jamais été cédés à la Couronne. La Couronne est au courant de cela. Nous nous y sommes opposés, et la Couronne a laissé les choses aller. Il y a aussi beaucoup de propriétés résidentielles. La Loi sur les Indiens actuelle contient de nombreux mécanismes qui permettent aux non-Indiens d'utiliser des terres indiennes. Il s'agit de baux, de baux de villégiature et de permis. La loi actuelle regorge de mécanismes pour accommoder les tierces parties, mais elles préfèrent utiliser les terres sans rien payer pendant que nous attendons que justice nous soit rendue.
Nous avons toujours très bien travaillé avec les municipalités voisines. Comme le disait la chef Hill, il est très important pour les Premières Nations d'avoir des sources de revenus pour répondre aux besoins de leurs populations grandissantes. Le Canada continue d'adopter des lois pour corriger les injustices à l'endroit des femmes autochtones en ajoutant des membres à notre base, mais sans les ressources financières additionnelles nécessaires pour accommoder leurs besoins ou sans assise territoriale adéquate.
Il y a des résidences et des entreprises. Dans le secteur Culbertson, la moitié de la ville de Deseronto est sur ces terres. S'ils veulent utiliser nos terres, ils peuvent conclure une entente de location. La Couronne est responsable de ce qui s'est produit, en 1837, lorsque nos chefs se sont opposés à cela et que les avocats nommés par le gouvernement lui-même ont dit: « Ce que vous faites est illégal ». La Couronne a choisi de commettre des actes illégaux. À cause de cela, nos gens ont subi des torts et des préjudices, et c'est une situation qu'il faut corriger. L'extinction du droit que nous avons sur ce territoire est inacceptable. Il existe peut-être un autre mécanisme qui pourrait être utilisé, mais le Canada dit: « Nous ne louerons pas de terres pour régler des revendications. » Je présume qu'il préfère s'en servir sans payer quoi que ce soit.
Les groupes que nous avons entendus d'un océan à l'autre nous ont dit à quel point il est important que le Canada ait une meilleure compréhension de ce qui se passe. Qu'en pensez-vous?
Chef Hill, je vous écoute.
C'est effectivement très important. En notre qualité de chef, je crois que l'on nous invite souvent à prononcer des allocutions. Ce qui me ramène à la question de la sensibilisation. Le Canada — et pas seulement le gouvernement fédéral — a besoin de mieux comprendre de quoi il retourne. Nous, les Six Nations, nous nous sommes efforcés d'informer le plus grand nombre de députés possible et nous allons poursuivre notre travail en ce sens. Nous avons passé un certain temps sur la Colline du Parlement afin de faire valoir nos intérêts, et lorsque nous sommes revenus, nous avons invité chacun d'entre vous à prendre le temps d'avoir une conversation individuelle avec l'un des nôtres. Quoi qu'il en soit, mon collègue et moi sommes souvent invités à prononcer des allocutions. C'est un peu comme un spectacle de promotion. Nous présentons notre solution globale. Nous expliquons nos droits fonciers et nous décrivons les injustices que notre peuple a subies, parce que nous tenons à ce que les gens comprennent notre histoire et notre culture. Trop souvent...
D’accord, nous vous écoutons. Vous faites votre travail de sensibilisation, mais que fait le Canada pour éduquer ses citoyens?
Eh bien, le Canada prend un certain nombre d’engagements. Par conséquent, nous ferons pression sur lui pour nous assurer qu’il honore ces engagements. Je crois qu’il s’est présenté et qu’il a déclaré qu’il…
Mais, n’est-ce pas ce qui importe le plus? Le Canada éduque-t-il lui-même sa population? J’observe une incohérence dans le cas présent. Vous accomplissez votre travail de sensibilisation, mais je ne suis pas certain que le Canada fasse sa part pour faire progresser les choses. En convenez-vous?
Eh bien, je crois qu’il pourrait en faire davantage. Il se peut qu’il n’apporte pas sa pleine contribution. Comme le chef de la région l’a déclaré, nous entendons une foule de belles paroles, mais il est probable qu’il pourrait faire davantage. Je pense que le problème est lié en partie à la bureaucratie qui existe dans ces ministères fédéraux depuis 10 ans. Je crois que le nouveau gouvernement a du mal à obtenir que les bureaucrates changent leur façon de penser et leur attitude. Par conséquent, il doit peut-être commencer à éduquer ses propres bureaucrates.
Qu’en est-il du changement apporté? Nous avons deux ministres maintenant. Avez-vous été consulté au préalable?
Non, je n’ai pas été consultée relativement à la question de savoir si un changement devait être apporté à la répartition des tâches, mais je sais que c’était l’une des recommandations formulées il y a 20 ans par la Commission royale sur les peuples autochtones. J’ignore la raison pour laquelle elle n’a pas été mise en œuvre au cours des 10 dernières années. Votre gouvernement était pourtant aux commandes. Je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas mis en oeuvre. Toutefois, nous parlons de rapports entre deux nations. Pourquoi devrais-je indiquer à une autre nation comment elle devrait structurer son gouvernement? Je ne voudrais pas qu’une autre nation m’explique la façon dont je devrais structurer mon gouvernement.
Monsieur Lake, pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur la situation? Vous n’avez jamais reçu de terres en vertu des traités. Votre situation est la seule en son genre dont nous avons entendu parler cette semaine.
Je crois qu’elle est unique, du moins dans le contexte du Traité no 9. Toutefois, je pense que lorsque nous examinons les choses de plus près et que nous en apprenons davantage sur les traités qui ont été conclus dans l’ensemble des Prairies après l’entrée en vigueur de l’Acte des terres fédérales, nous trouvons toutes sortes de cas où des bandes d’Indiens — dont la définition très vague compte un concept abstrait 9 fois sur 10 — ont été forcées de s’amalgamer. Des cas de perte d’identité et de perte d’autonomie gouvernementale sont survenus partout. Par conséquent, notre cas n’est potentiellement pas si unique en son genre.
Meegwetch.
[Le député s’exprime en cri.]
Il s’agissait de paroles de remerciement adressées à vous trois.
Je pense qu’au paragraphe 74 de l’ordonnance exécutoire du Tribunal des droits de la personne, le tribunal indique que le ministre ou plutôt les ministres de la Santé et des Affaires autochtones, dans le cas présent, disent une chose et que les ministères continuent de faire exactement le contraire. Nous continuons de vivre sous ce régime, et cette question a été soulevée par les chefs Day et Hill. Cette situation se poursuit au moment où nous nous parlons.
Chef Hill, vous avez dit quelque chose qui m’a frappé et qui m’a rappelé les paroles que le sénateur Sinclair a prononcées il y a quelques mois de cela. Il a déclaré que nous avions passé 150 ans à créer ces dégâts et que leur réparation exigerait 150 ans de plus. Le gouvernement actuel en a profité pour dire que le sénateur avait raison de penser que cela exigerait pas mal de temps. C’est peut-être la raison pour laquelle les parlementaires parlent beaucoup plus qu’ils n’agissent à cet égard. Vous avez également indiqué que cela prendra du temps.
Nous sommes tous conscients que cela exigera du temps, mais cela nous empêche-t-il de prendre les premières mesures fondamentales qui nous engageront dans cette voie de la réconciliation et des rapports de nation à nation? À titre d’exemple, je propose que nous utilisions au Canada la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre législatif.
Cela pourrait-il être le premier pas fondamental de notre pays dans la bonne direction? Cette question est également destinée au chef Maracle.
Je pense qu’il peut l’être. Je suis au courant des efforts que vous avez déployés personnellement dans le cadre de votre projet de loi d’initiative parlementaire portant sur la déclaration, et je vous en suis reconnaissante. Je crois que les Six Nations ont déjà déclaré qu’elles vous appuyaient lorsque vous avez amorcé ce processus. Votre initiative peut donc être un pas dans la bonne direction. Sur cette voie de la réconciliation — et je mentionne le fait que c’est la Journée du chandail orange aujourd’hui et que, demain, nous aurons notre propre séance de port du chandail orange, à laquelle participeront nos survivants des pensionnats indiens —, je dois remercier ces survivants d’avoir eu le courage de prendre la parole et de dire la vérité aux commissaires. Maintenant que c’est fait, nous sommes sur la voie de la réconciliation. Il appartient à chacun de nous, à chacun de vous, les députés, et à chaque personne de se demander ce que la réconciliation signifie pour elle et ce qu’elle va faire pour garantir que les gens se réconcilient.
C’est grâce aux survivants des pensionnats indiens que nos enjeux figurent maintenant au premier plan du programme politique de notre pays. Chaque matin, j’écoute l’émission Your Morning sur la chaîne de nouvelles du réseau CTV. Les animateurs y parlent de l’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées et de la mauvaise qualité de l’eau au Nouveau-Brunswick. Nos problèmes sont maintenant à l’avant-plan, et nous devons remercier ces survivants d’avoir permis que cela se produise. Comme je l’ai déclaré au cours de mon exposé, nous devons également établir un partenariat et travailler ensemble afin que la réconciliation progresse. Nous devons cesser de nous montrer du doigt en nous reprochant l’un à l’autre de ne pas avoir fait ceci ou cela. Le temps est maintenant venu d’aller de l’avant. Nous ne pouvons pas décevoir les survivants des pensionnats indiens, et nous devons aller de l’avant au nom des générations futures qui s’attendent à ce que nous le fassions.
Phil et moi travaillons à ce dossier depuis longtemps, et nous sommes prêts à passer à d'autres choses. Nous devons inspirer nos jeunes et leur donner de l’espoir, et nous devons le faire en étant des adultes, des parlementaires et des dirigeants responsables. Nous devons faire ce qui est juste et le faire pour nos peuples. Pendant de très nombreuses années, voire des centaines d'années, nous avons été victimes d’injustices au Canada et, maintenant, nous sommes sur la voie requise. Nous devrions appuyer toute mesure qui nous mènera à la voie de la réconciliation, y compris la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Vous avez mentionné l’adoption d’une mesure législative précise. Je pense que cela ne fera que retarder la justice. Je crois qu’il faut simplement que le Cabinet donne à la ministre des Affaires autochtones la directive de clarifier cette politique. Je parle de la Politique sur les revendications particulières, et je crois qu’en 1992, il y avait un document intitulé « Dossier en souffrance », une politique des revendications particulières. C’était il y a 25 ans de cela, et le document a été repris en 2007. Nous ne devrions pas passer les 25 prochaines années à attendre des clarifications ou des instructions portant sur la signification de cette politique.
Lorsque je lis le document, je ne vois nulle part...:
Lorsqu’une bande requérante peut prouver que certaines de ses terres… n’ont jamais été cédées légalement, ou autrement prises par autorisation légale… cette bande est indemnisée par la restitution des terres en question ou… le paiement de leur valeur au moment du règlement, sans égard aux améliorations qui ont pu y être apportées entre-temps.
Le document n’indique pas que le Canada n'est pas en mesure d'acheter des terres. Par conséquent, tout ce que le Cabinet doit dire, c’est qu’un mécanisme de règlement existe pour que le Canada puisse acheter des terres et communiquer ces instructions à votre négociateur. Ce qui se produit, c’est que le négociateur s’embourbe dans l’interprétation de politiques séculaires et qu’aucun cadre supérieur du gouvernement ne fournit d’orientation générale. Nous tournons donc en rond. Il faut qu’un leadership existe et que le Cabinet donne des instructions à la ministre afin qu’elle informe son personnel que le Canada est autorisé à acheter des terres. Si les directives proviennent du Cabinet, je suis certain que les autres organismes gouvernementaux centraux seront en mesure de déterminer ce qu’ils doivent faire. Toutefois, il faut qu’une orientation centrale claire soit donnée quant à la façon dont ce processus sera administré et, en ce moment, cette orientation n’existe pas. J’estime qu’il suffit de fournir des éclaircissements sur les politiques et quelques instructions, afin que votre négociateur, qui traite avec moi, sache qu’il a l’autorisation d'aller de l'avant.
En outre, le ministère bénéficie habituellement d’un pouvoir délégué pour exercer ses activités. Vous devez donc donner pleins pouvoirs à la ministre des Affaires autochtones. Si le gouvernement s’attend à ce que la ministre rende compte du règlement des revendications, il faut qu’il lui accorde le pouvoir de faire son travail et le budget nécessaire pour le faire.
Monsieur Lake, je m’adresse à vous très rapidement. Vous avez mentionné que le plafond de 150 millions de dollars était trop bas et qu’il allait à l’encontre de la jurisprudence. Pouvez-vous indiquer au Comité les affaires auxquelles vous faites allusion?
Bien sûr. En fait, mes conclusions sont grandement liées à ce que le chef Maracle a observé lors des audiences du Tribunal des revendications particulières. Maintenant que la méthode 80-20 — que le Canada utilisait pour justifier ses coûts de règlement à l’interne — a été discréditée et que des principes d’indemnisation équitables — qui s’appliquent en général à toutes les autres facettes du droit — seront utilisés dans le domaine des revendications particulières, bon nombre des revendications, estimées auparavant à 100 millions de dollars, vaudront 200 millions de dollars, alors que les revendications de 150 millions de dollars vaudront 250 millions de dollars. J’estime que c’est une bonne justification, même en se fondant uniquement sur cette abstraction.
C’était une intervention très concise. C’est bien. Merci.
Nous allons maintenant passer au député Amos.
Meegwetch, chef Maracle, de nous avoir reçu, vous et vos peuples mohawks de Tyendinaga. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je tiens simplement à mentionner, pour le compte rendu, que je trouve malhonnête de parler beaucoup sans jamais agir. Cela ne favorise pas la réconciliation. J’ai entendu un grand nombre d’observations très critiques, mais tout de même constructives et excellentes. L’idée selon laquelle le présent gouvernement ne prend aucune mesure ne tient pas la route, et je ne crois pas que de telles assertions soient utiles. Je tenais donc à le mentionner pour le compte rendu. Ces assertions sont trop partisanes.
Pour en revenir à la cause évoquée par le chef Maracle, je tiens à mentionner la décision rendue par le juge Rennie. Grâce à mon collègue, M. Bossio, j’ai eu l’occasion hier de lire cette décision et de constater qu’elle était édifiante. Elle va vraiment au coeur de ce sur quoi notre discussion relative aux revendications particulières devrait porter. Le processus convient-il? Mènera-t-il à la réconciliation?
Nous sommes dans une situation différente de celle qui existait en 2007. Nous avons entendu des arguments intéressants à propos de la règle 80-20 — que le gouvernement examine en ce moment — et d’une ouverture d'esprit à l’égard d’une indemnisation et d’une méthode de règlement plus équitables. Nous avons entendu très clairement l’idée présentée par la chef Hill selon laquelle vous souhaitez que l'on vous accommode et que cet accommodement aille plus loin que le seul versement d’un montant forfaitaire. Vous avez également fait valoir que ce n’était pas une question d’argent, mais plutôt une question de terres.
Si la règle 80-20 ne convient pas, qu’est-ce qui conviendrait? À quoi ressemblerait une indemnisation équitable? Comment devrait-elle être encadrée? Après avoir pris encore plus de recul, pensez-vous qu’une approche fondée sur le Tribunal des revendications particulières, qui est accompagnée de négociations, mais aussi d’un certain degré de conflit, est appropriée pour progresser vers la réconciliation?
Comme je l’ai indiqué à propos de l’extinction du titre foncier, la Couronne manque à ses obligations en vertu du Traité no 3 ½ si elle croit que la seule manière de résoudre le problème est l’extinction des droits de propriété liés au titre. La Couronne est toujours assujettie à son obligation de respecter le traité en tant que titre foncier, et c’est ce qu’elle cherche à éviter — la reconnaissance de la signification du traité.
Si vous demandez à leur négociateur ou à n’importe quelle personne assise à la table fédérale comment le Canada interprète ses obligations en vertu du traité, cette personne évite de répondre à la question. Nous disons aujourd’hui à la Couronne qu’elle a toujours l’obligation légale de respecter les droits relatifs aux titres accordés en vertu du traité. Ces droits ne peuvent pas être supplantés par des politiques ou d’autres mesures législatives. Le traité est censé être une loi supérieure du pays qui vise à faire respecter les droits qu’elle confère. Le gouvernement a déclaré, pour des raisons politiques, qu’il allait respecter ces droits. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones indique que le gouvernement devrait les respecter. Alors, pourquoi sommes-nous aux prises avec des politiques qui contreviennent entièrement à ces obligations?
Nous sommes des gens raisonnables. Nous permettrons aux non-Autochtones de demeurer sur nos terres en vertu d’autres dispositions que l’extinction de nos titres ou de nos droits. Nous avons l’occasion d’examiner d’autres modèles, mais le Canada n’est pas assez ouvert d’esprit pour envisager de nouveaux modèles. Il ne songe qu’à nous faire céder nos terres, et cela doit s’arrêter.
Je ne dirai rien de plus. Je vais simplement me contenter d’inviter les deux autres témoins à intervenir à ce sujet.
Je vais parler pendant une minute.
Au cours de mon exposé, j’ai mentionné que les Six Nations étaient intervenues à plusieurs reprises devant l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones. Au cours de l’une de ces interventions, nous sommes arrivés à une solution que nous proposons maintenant. Nous avons déjà déclaré que nous n’approuvions pas le processus des revendications particulières. Il est essentiellement inutile à nos yeux. En revanche, nous recommandons ce qui suit — je vais simplement lire un extrait du rapport :
Il faut qu’il soit possible d’avoir recours à des tribunaux neutres de règlement des différends… Le tribunal neutre aura le pouvoir de rendre des décisions exécutoires quant à la validité des différends, aux critères d’indemnisation et à des façons novatrices de résoudre les problèmes. Nous demandons à l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones d’établir un tribunal international qui supervisera la résolution de ces problèmes.
Les progrès réalisés dans le cadre de ces négociations doivent être rapportés directement à l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones et au Parlement du Canada par l’intermédiaire d’un comité spécial mixte coprésidé par les Six Nations et le Parlement du Canada.
C’est ainsi que nous envisageons le processus.
En ce qui a trait aussi à l’accommodement, vous constaterez dans notre solution globale que nous n’envisageons aucune sorte de… Notre solution globale consiste à établir un processus unique avec les Six Nations, étant donné que nos revendications sont gigantesques. Lorsque vous lirez le livret, vous constaterez qu’elles totalisent plusieurs billions de dollars. Si nous réclamions tout cet argent, nous acculerions le pays à la faillite. Nous cherchons plutôt à mettre en oeuvre une solution globale qui permettrait aux Six Nations et au gouvernement du Canada de négocier chaque année une relation fiscale comportant des clauses annuelles d’indexation, de sorte que nous puissions prendre soin de nos peuples. Nous pourrions nous occuper de leur santé, de leur éducation, de leur logement, etc.
D’autres options existent, et celle-ci en fait partie. Il y en a d’autres, et nous sommes disposés à nous asseoir… C’est la raison pour laquelle nous avons affirmé vouloir vous rencontrer à la table des négociations, plutôt que devant les tribunaux, pour discuter de ces options.
Je vais ajouter mon grain de sel.
Je pense que la négociation est effectivement une meilleure option en ce sens qu'elle favorise une collaboration d'égal à égal avec la collectivité plutôt que des relations d'affrontement.
Cela dit, nous avons vu que dans un processus de négociation, lorsque c'est contrôlé par une seule partie qui est le défendeur et le juge, les résultats sont faussés, à savoir que la vaste majorité des revendications ne se règlent pas. Je crois donc qu'il est important qu'il y ait un tribunal auquel nous pouvons avoir recours et qui fait en sorte que nous ne sommes pas enlisés dans des moyens de défense fondés sur des points de droit, par exemple. Une étape d'arbitrage peut être intégrée; il s'agirait d'une personne qui comprend les problèmes des Premières Nations, les questions constitutionnelles, les questions importantes.
Pour ce qui est de la méthode 80-20 et le processus de règlement de ces revendications, du point de vue du montant, d'un point de vue financier, dans le mémorandum que je vous ai fourni qui porte sur la décision prise dans le cas de la Première Nation de Beardy, on explique la façon dont le tribunal perçoit les demandes d'indemnisation juste. Dans ce cas, c'était selon un intérêt composé de 100 %; on a utilisé le taux d'intérêt de la fiducie de la bande. Cela fonctionne.
Eh bien, c'est en fait un intérêt composé de 100 %, et du taux des fonds en fidéicommis de la bande.
Je déteste vous interrompre pendant qu'il est question d'intérêts composés, mais je dois le faire.
Un autre groupe de témoins doit comparaître, et nous ne reporterons pas cela à plus tard. Nous n'avons pas le temps; nous commencerons dans une minute.
Je vous remercie tous sincèrement de nous avoir permis d'utiliser votre territoire.
Oui, monsieur?
J'ai une chose très importante à souligner et j'aimerais que les membres du Comité entendent ce point.
Oui, tous les membres. J'aimerais seulement qu'ils écoutent le point que je veux soulever.
Lorsque les entreprises de services collectifs s'adressaient aux Affaires autochtones et leur demandaient la permission d'installer les services dans la région visée par notre revendication ou dans la réserve, souvent, Affaires autochtones leur en donnait la permission pour 1 $ ou 10 $, par exemple, à perpétuité. Cela empêche notre communauté d'obtenir une indemnisation juste pour l'utilisation de ses terres traditionnelles qui feront maintenant l'objet de revendications. Le Canada devra se rattraper, parce que cela a été fait sans que notre chef et notre conseil soient consultés.
Examinez tous ces textes et voyez à quel point ces entreprises ont été autorisées à utiliser nos terres pour peu d'argent et à faire des millions de dollars alors que notre peuple n'a même pas reçu un cent.
Merci
S'il vous plaît, n'oubliez pas de fournir d'autres documents d'ici le 20 octobre.
Nous allons suspendre la séance quelques minutes.
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Je crois comprendre qu'une des personnes qui devait participer avait un autre engagement. Le temps presse; nous devons faire avancer les choses. J'ose espérer que nous pouvons reprendre et que les membres reviendront très rapidement.
Je vous souhaite la bienvenue sur le territoire traditionnel du peuple mohawk.
Nous en sommes à notre quatrième arrêt de notre tournée au Canada. Nous entendrons des gens de Yellowknife après. Nous n'avons pas pu trouver d'hôtel à Yellowknife, car nous sommes dans la période de l'année où il y a le plus d'aurores boréales.
J'ai été assez indulgente quant à la façon dont vous voulez procéder pour votre exposé. J'ignore si vous avez déterminé qui commencera, mais vous disposez de 10 minutes chacun pour faire votre exposé. Je crois comprendre que nous avons deux groupes.
Bonjour. Je m'appelle Abram Benedict, et je suis le grand chef du Conseil des Mohawks d'Akwesasne.
Je veux souligner notre présence sur ce territoire traditionnel, un territoire sur lequel les Algonquins et les Iroquois se sont rencontrés.
Le territoire d'Akwesasne, d'où je viens, est un endroit unique sur le plan géographique et il est situé à environ trois heures à l'est d'ici. Le territoire chevauche la frontière internationale entre les États-Unis, le Nord de l'État de New York, et le Canada tout en chevauchant la frontière provinciale entre l'Ontario et le Québec, les frontières politiques qui ont été établies bien après l'occupation de la communauté. De plus, les frontières ont été tracées sans le consentement de la communauté ou sans qu'elle soit consultée.
Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne est reconnu dans la partie canadienne d'Akwesasne comme le gouvernement élu du territoire, et il compte 12 chefs de district et un grand chef, qui est le poste que j'occupe présentement.
La communauté mohawk d'Akwesasne compte plus de 20 000 membres dont les ancêtres ont habité dans la vallée du Saint-Laurent pendant des siècles. Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne compte actuellement 12 500 membres inscrits. La communauté habite sur un territoire comprenant 3 200 hectares de terres et 60 kilomètres de cours d'eau — il y a bon nombre d'affluents de ce qu'on appelle le fleuve Saint-Laurent.
Quelques revendications sont en cours pour Akwesasne, dont l'une se classe, jusqu'à ce jour, au second rang au Canada pour ce qui est du montant de réclamation offert, et il s'agit de la revendication territoriale de Tsikaristisere-Dundee. À l'heure actuelle, le gouvernement du Canada a offert 239 millions de dollars pour la violation d'obligations fiduciaires concernant l'utilisation abusive de 18 200 acres de terres dans la partie d'Akwesasne correspondant à Dundee, au Québec.
Il y a la revendication territoriale sur la Voie maritime, qui découle de la construction d'un barrage hydroélectrique dans la voie navigable internationale connue comme étant le canal de navigation de la Voie maritime, qui a été construit dans les années 1950. À l'époque, lorsque les gouvernements canadien et américain considéraient ce projet comme un grand succès et un moteur économique reliant deux pays, en réalité, dans notre communauté, des centaines de tonnes métriques de notre territoire nous étaient retirées, les terres ont été expropriées et de petits montants d'indemnisation ont été offerts à chaque membre de la communauté. Nous avons fait une revendication territoriale contre le Canada à cet égard.
La revendication sur la rive nord, une autre revendication à laquelle nous continuons de travailler, a été soumise récemment, mais malheureusement, elle a été rejetée dans le cadre des politiques actuelles. La revendication sur les îles Baxter et Barnhart est vraiment unique parce qu'elle concerne une île qui faisait partie de notre territoire traditionnel, mais qui, plus tard, a fait l'objet d'échanges avec les États-Unis. Le gouvernement canadien soutient maintenant que cela ne relève pas de lui. Par ailleurs, il y a la revendication sur l'État de New York; nous sommes des partenaires et des demandeurs, avec la tribu mohawk de Saint-Régis et le Conseil des chefs de la nation mohawk. Notre communauté a de nombreuses autres revendications qui en sont encore à l'étape de recherche.
Pour appuyer le travail du Conseil des Mohawks, nous avons créé un bureau des droits ancestraux et de recherche. Le personnel du bureau a fait des recherches sur les revendications territoriales au cours des années 1980 avec d'autres organismes et il a été établi de façon plus officielle comme un bureau consacré à la recherche en 1989. Notre communauté l'a financé, tout comme l'a fait en partie le gouvernement, en fonction des documents et de l'approbation des ressources, mais pour l'essentiel, nous l'avons financé nous-mêmes. Le personnel actuel inclut un gestionnaire, quatre chercheurs et un administrateur de documents.
Avec le soutien et le dévouement du bureau des droits ancestraux et de recherche, le Conseil des Mohawks et la communauté d'Akwesasne ont réglé une revendication sur la Ontario Power Generation en 2008. De plus, nous avons réglé la revendication d'Easterbrook en 2012.
Notre approche consiste à négocier de nation à nation, c'est-à-dire que les règles du jeu doivent être les mêmes pour les communautés des Premières Nations et le gouvernement du Canada pour ce qui est de la résolution de revendications territoriales en suspens. Il faudrait que les ressources financières soient augmentées pour créer un processus conjoint de mise en oeuvre des politiques et qu'il y ait des services indépendants et un accès équitable aux services de résolution. Cela existait auparavant; il était possible de faire appel à un conseiller externe au cours des discussions. Cela a été repris et c'est un autre organisme qui est responsable du mécanisme de règlement des différends.
Au sujet de la redéfinition de l'approche à l'égard de la restitution des terres, je sais qu'un certain nombre d'entre vous ont fait remarquer que dans le cadre de vos déplacements cette semaine, d'autres communautés ont dit que ce n'est pas toujours une question d'argent, mais du retour des terres.
Je suis accompagné de M. Phillipp White-Cree, qui vous fournira plus de renseignements sur les aspects uniques d'Akwesasne, de même que sur les problèmes liés à nos revendications territoriales. Il est gestionnaire par intérim de notre Bureau des droits ancestraux et de recherche.
[Le témoin s'exprime en mohawk.]
Je vous salue et vous souhaite la paix.
Je m'appelle Phillipp White-Cree. Au cours des dernières semaines, je suis devenu le gestionnaire par intérim du Bureau des droits ancestraux et de recherche. C'est un travail que je ne prends pas à la légère parce que l'équivalent de trois générations a déjà travaillé à notre bureau, et je fais maintenant partie de la quatrième génération. J'ai pris l'engagement de collaborer avec les aînés et les mentors de notre passé et je continuerai de faire avancer les choses.
En définitive, l'objectif de notre bureau a toujours été de réaffirmer que les terres ont été soustraites injustement et unilatéralement de la compétence d'Akwesasne, et l'objectif ultime des membres de la communauté, c'est que la partie de ses territoires qu'il lui manque lui soit restituée entièrement. L'argent est bénéfique pour nous, mais l'objectif premier a toujours concerné les terres. Cet objectif se rattache aux aspects historiques d'Akwesasne, c'est-à-dire que nous avions de grandes quantités de terres que nous pouvions louer, mais en raison d'une mauvaise gestion des baux... le gouvernement et aussi les colons les ont pris et ont dit que nous n'aurions plus compétence sur ces terres.
Comme l'a dit Abram, nous souhaitions vraiment voir une augmentation des ressources financières avant la diminution constante de ces ressources en 2009. C'est un problème persistant auquel est confronté mon bureau. Nous avons des contraintes d'espace et de matériel. Notre salle d'archives doit être déplacée en raison de la façon dont les choses doivent évoluer quant à nos revendications. Or, les ressources financières ne nous permettent pas d'exercer une diligence raisonnable dans nos recherches.
Nous demandons à ce que les processus conjoints soient établis et à ce que les politiques soient mises en oeuvre. Le processus de règlement des revendications territoriales, quelle que soit l'étape — la présentation, l'évaluation, la négociation, voire le règlement —, doit être réévalué de façon conjointe par le Canada et les Premières Nations, car il y a des questions, des exigences minimales, des critères de jugement, que nous ne comprenons pas, et nous nous sentons frustrés lorsqu'on nous dit simplement « nous n'acceptons que telle chose; voici le montant et c'est à prendre ou à laisser ». Ces processus et ces mandats sont exaspérants pour les membres de notre communauté lorsque nous leur expliquons que ce sont les règles du Canada et qu'on ne les modifiera pas. C'est précisément à cet égard que nous voudrions souligner qu'en tant que membres de Premières Nations, nous aimerions beaucoup discuter des processus liés aux exigences minimales.
Concernant les services indépendants et l'accès équitable aux services de résolution des conflits, le tribunal est vu comme un organisme judiciaire indépendant, mais pour bon nombre de gens, il est considéré comme une mesure de dernier recours en raison du plafond de financement. Il n'y a pas de remise en état. Il n'y a pas d'options pour ces recours. Les décisions du tribunal font l'objet d'un examen judiciaire. Encore une fois, le Canada essaie de nous dire qu'il n'a pas dit son dernier mot, même si on a toujours dit aux Premières Nations que c'est le tribunal qui aurait le dernier mot dans certaines revendications.
Ce que nous demandons, c'est que d'autres approches soient adoptées. Il s'agit par exemple de comprendre les dommages causés à la culture, la perte de ressources, la perte du lien qu'avait la communauté avec ces terres. Les terres n'ont pas bougé; c'est seulement qu'un autre groupe affirme avoir compétence exclusive. Pour les membres de notre communauté, il s'agit d'une lutte continuelle à laquelle ont été liées des affaires judiciaires, dont celles sur nos droits de pêche, parce qu'on nous dit que nous n'avons pas compétence sur les terres. Nous avons prouvé devant la Cour suprême que tant que nous continuons de les exercer, nos droits de pêche existent.
Il s'agit vraiment de redéfinir l'approche à l'égard du règlement des revendications territoriales, de voir la restitution des terres comme l'objectif ultime et de collaborer avec nos voisins et occupants actuels de ces terres et de ces voies navigables.
Le processus d'ajout aux réserves est toujours lourd. Il y a des tierces parties, des processus qui sont dans une impasse et des retards dans l'ensemble du processus.
Les dommages à la culture devraient être pris en compte.
De notre point de vue, le Canada craint d'être tenu responsable et refuse de reconnaître ses erreurs. On dirait presque qu'il veut éliminer ou perturber le processus de règlement des revendications territoriales en limitant les ressources offertes aux Premières Nations; en évitant de faire avancer les dossiers dans l'espoir que les Premières Nations finissent par en avoir assez et attendent que le prochain gouvernement prenne la relève; en évitant de payer les dommages-intérêts étant donné que les négociations finales se terminent par « c'est à prendre ou à laisser »; et en ne laissant pas d'autres choix aux Premières Nations que de discuter de bonne foi.
Donc, en fait, nous demandons l'adoption et la mise en oeuvre de ces mandats conjoints, et nous recherchons une solution humaine aux inégalités créées par l'humain en ce qui concerne le processus de règlement des revendications territoriales.
[Le témoin s'exprime en mohawk.]
[Le témoin s'exprime en ojibwé.]
Je suis ravi d'être ici. Je vous remercie de l'invitation. Vous verrez que j'égarerai mes lunettes à quelques reprises. Vous seriez gentils de me dire où elles se trouvent lorsque cela se produira.
Je vais être aussi bref que possible et tenter de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. Ce sont tous de bons points, mais il n'est pas nécessaire que je vous les répète.
La bande des Mississaugas de Credit compte environ 2 600 membres. Nos terres cédées en vertu d'un traité s'étendent essentiellement de près de la Rouge, près de London, passé Guelph et jusqu'à Niagara Falls. D'ailleurs, la seule allégation de revendication d'un titre que peut faire le Canada est par l'entremise d'un traité avec les Mississaugas sur nos territoires de traité. Nous nous sommes récemment joints à d'autres communautés de Mississaugas. Nous sommes maintenant six et comptons environ 10 000 membres. Historiquement, il y avait plusieurs milliers de Mississaugas de plus.
Je dois admettre que ce processus m'a permis d'apprendre beaucoup de choses. Au début du processus, je me suis dit que pour parler de revendications particulières et négocier, nous devons cesser de nous comporter comme des adversaires et nous concentrer davantage sur la réconciliation.
L'une des choses dont j'aimerais parler concerne le financement des revendications. Il doit y avoir une meilleure façon de procéder que de simplement imposer un plafond pour certains processus dans lesquels nous devons nous engager. J'ai appris que d'autres gouvernements accordent des subventions. Il s'agit peut-être d'un modèle à suivre.
Évidemment, l'exclusion des communautés autochtones du processus d'évaluation des revendications signifie qu'il n'y a pas de partenariat. Il n'y a essentiellement aucun dialogue dans le cadre de l'étape d'évaluation du gouvernement. Je sais que d'autres en ont déjà parlé, mais, pendant les deux ou cinq ans ou peu importe le délai — je sais que pour le moment, celui-ci est fixé à trois ans — il n'y a aucun dialogue jusqu'à ce que l'on nous informe qu'une décision a été prise. C'est un problème. Cette façon de procéder crée une relation conflictuelle plutôt qu'une relation de collaboration.
Je dois souligner le point suivant. Les Mississaugas ont réussi à signer trois ententes sur des revendications territoriales, quoique, à mon avis, dans le cas du Traité de l'achat de Toronto, on ne peut pas parler de réussite. Nous avons de nombreuses autres revendications à l'étude. Nous avons présenté une revendication territoriale pour les régions de la Rouge et une autre pour tous les cours d'eau situés sur nos terres traditionnelles cédées en vertu d'un traité. Soit dit en passant, ce document en vaut la lecture. Si vous en avez l'occasion, je vous recommande de le lire. Il est très intéressant. Il s'agit d'une bonne façon de passer la soirée.
Les négociations entourant nos revendications relatives aux cours d'eau allaient bon train; nous collaborions avec un promoteur de projets qui souhaitait installer des lignes électriques sous le lit du lac, un territoire que nous revendiquons et qui, selon nous, nous appartient. Tout allait bien jusqu'à ce que RNCan prenne une décision sans nous consulter ou discuter avec nous de l'impact sur nos allégations concernant notre droit issu de traités — en fait, pas nos allégations concernant notre droit issu de traités, mais plutôt nos allégations concernant notre titre. Nous n'avions aucun autre choix que de demander un contrôle judiciaire. C'est là où nous en sommes avec le gouvernement fédéral.
Si je ne m'abuse, c'est l'une des questions qui ont déjà été soulevées. Je sais que le gouvernement compte sur de nombreux intervenants, mais il semble que certains ne savent pas ce que font les autres. Parfois, des décisions sont rendues à un certain niveau alors que les travaux ne sont pas encore terminés.
Nous participons à une table ronde — appelons-la ainsi — avec le gouvernement afin de trouver des façons d'éviter que cette situation ne se reproduise, notamment, et pour déterminer ce que le gouvernement fédéral peut faire pour protéger nos allégations relatives à nos revendications territoriales — et peut-être même nos revendications en vertu d'un traité —, comme mettre en place des processus. J'espère que, si ce projet est une réussite, d'autres Premières Nations s'en inspireront.
Dans le cadre de cette table ronde, il est également question de gouvernance et de la possibilité de ne plus être assujetti à la Loi sur les Indiens, notamment. Nous avons des discussions très intéressantes. Nous espérons que celles-ci aboutiront à des résultats intéressants.
J'ai parlé plus tôt du contrôle judiciaire. Nous avons communiqué avec les représentants du gouvernement de l'Ontario, car l'Ontario devra définir une servitude, et leur avons signalé que, puisqu'un contrôle judiciaire est en cours, nous nous attendons à ce que la définition de la servitude soit reportée.
Nous avons fait des pieds et des mains pour nous assurer que nos représentants sur le terrain communiquent avec les leurs pour leur dire d'arrêter et leur expliquer où nous en étions. Nous voulions simplement nous assurer qu'aucune mesure ne serait prise sans que tous les intervenants soient au courant de la situation.
Concernant l'abolition des droits, je ne m'étendrai pas trop sur le sujet, car il en a été abondamment question. Nous ne pouvons pas procéder ainsi dans ce genre de processus.
Concernant le lit des lacs, le Canada exigera l'abolition de notre titre pour conclure une entente. Il s'agit du même genre de réflexion qu'il y a 200 ans à l'époque où mon peuple disait: « C'est une question de partage, d'utilisation et de protection des terres », alors que votre peuple disait: « Non, c'est une question de propriété, de ce qui nous appartient et de l'acquisition de terres. » À mon avis, ce genre de philosophie doit changer.
Je ne parlerai pas de tous les points que j'ai notés ici, mais je vous parlerai brièvement de certains processus.
Le processus de revendications particulières est si contradictoire qu'il est impossible de trouver une entente sur les revendications. J'ai participé à des discussions où les gens éprouvaient une affection sincère les uns pour les autres, mais le processus demeure contradictoire. Les réunions ont lieu dans les villes, rarement dans les communautés. Il y a des règles strictes à respecter: nous ne pouvons pas informer nos membres et les tenir au courant. Cela nuit vraiment au développement de relations internes et externes.
L'une des choses que le gouvernement devrait faire, c'est de s'assurer que tous ceux qui participent au processus de négociations comprennent le point de vue autochtone et notre vision du monde. Je crois que ceux qui participent à ce genre de processus devraient suivre une formation obligatoire.
À mon avis, nous devrions également faire une place à la cérémonie. J'aimerais beaucoup que certains processus soient accompagnés d'une cérémonie de purification. Vous ne procédez peut-être pas à ce genre de cérémonies, mais vous seriez surpris de voir l'impact qu'elles ont sur les participants lorsqu'il existe des relations de confrontation. Elles permettent de vraiment calmer les tensions.
Nous avons également parlé de dialogue ouvert, de ce qui est à l'étude, de la mesure dans laquelle nous nous exprimons et de quand les questions seront abordées. Je crois que c'est davantage pour mon côté de la table. Si, dans le cadre de négociations, il survient dès le début un différend entre les parties, le sujet du différend est mis de côté, nous abordons tous les éléments qui l'entourent et revenons au sujet plus tard dans la journée, 10 ans plus tard... Ce qui s'est produit dans le cadre de notre revendication, c'est que les îles de Toronto ont été mises sur la table. Dès le début, nous avons pris position selon laquelle les îles de Toronto ne feraient jamais partie de cette revendication. Au bout du compte, puisque la question n'a pas été abordée immédiatement, le gouvernement nous a dit que c'était à prendre ou à laisser ou que nous pouvions attendre encore 10 ans ou contester devant les tribunaux. Nous n'avions aucun choix. Il est donc important de préciser ce qui se trouve sur la table.
Je vais maintenant vous faire une demande qui pourrait vous paraître un peu étrange, mais c'est le dernier point que j'aimerais soulever. Faut-il toujours qu'il y ait un avocat dans la salle? Ne vous méprenez pas, je crois qu'ils sont essentiels au processus, mais n'importe lequel d'entre nous peut dire « sous toutes réserves ». À un certain moment, il faudra parler de réconciliation, et pour parler de réconciliation...
Il n'est pas nécessaire d'avoir des avocats sur place pour protéger vos droits si vous avez une discussion ouverte et fluide. Ils peuvent intervenir plus tard.
Merci beaucoup.
Nous allons amorcer notre première série de questions au cours de laquelle tous les intervenants de chacun des partis disposeront de sept minutes chacun.
Monsieur Anandasangaree, vous avez la parole.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci pour ces paroles pleines de sagesse. Je suis d'accord avec vous: il n'est pas nécessaire de toujours avoir des avocats dans la pièce. Je tiens à préciser que je suis ici en tant que parlementaire et non en tant qu'avocat.
Chef Laforme, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez accompli — je sais que vous en avez parlé —, notamment concernant l'unification des six communautés de Mississaugas. Vous avez organisé une cérémonie plus tôt cette année qui nous a permis d'être témoins d'un moment historique où tous les membres de ces communautés se sont réunis en tant que nation.
J'aimerais savoir où en est le processus et quelles sont les prochaines étapes? Je sais que vous ne pouvez pas parler pour les autres, mais j'aimerais avoir votre point de vue sur la formation de cette nation et le soutien offert par le gouvernement fédéral dans le cadre de ce processus. Brièvement, s'il vous plaît.
Évidemment, les nations Mississaugas ont signé un accord. Vous y étiez. Notre drapeau a été levé dans les communautés. Nos chefs et le gouvernement interagissent. Nous espérons être en mesure d'organiser des activités communautaires afin de nous réunir de nouveau.
La raison pour laquelle nous créons la nation Mississaugas, c'est que, si le processus est un succès — et il le sera —, d'autres nations, comme les Chippewas, Odawas, Ojibwas et Potawatomis, pourront former une nation en tant que peuple Anishinabe, ce qu'ils sont tous. Actuellement, ils forment des nations distinctes du peuple Anishinabe. Tant que nous nous considérerons comme étant distincts et divisés entre le Nord et le Sud, entre OPT, nous ne pourrons jamais nous aider les uns les autres. Nous ne pouvons pas aider nos adversaires, car nous luttons tous pour la même chose. Donc, la meilleure option pour nous, c'est de former une seule nation.
Je ne veux pas exclure mes frères et soeurs autochtones qui en sont à cette étape, mais c'est à eux de définir leur rôle. Je ne peux parler que de Anishinabe, ce que nous sommes.
Le gouvernement du Canada a offert du financement et souhaite discuter de gouvernance avec la Première Nation de Mississaugas de New Credit, de ce que tout cela signifie, de la façon de propager l'idéologie de la nation et de la possibilité de ne plus être assujetti à la Loi sur les Indiens. Un engagement financier a été fait à la table à cet égard.
Chef Benedict, vous avez parlé de plusieurs revendications toujours en cours. J'ai l'impression que ces questions... Vous dites que d'autres recherches sont en cours relativement à de nouvelles revendications.
Avez-vous étudié la possibilité de présenter une revendication globale? Si oui, quelles sont les raisons pour lesquelles vous n'avez pas emprunté cette voie et pour lesquelles vous maintenez le cap des réclamations particulières?
Évidemment, dans le cadre de nos recherches, nous avons examiné diverses options afin de trouver la meilleure orientation possible. Je crois que lorsque le gouvernement aura élaborer sa politique et pris position, à savoir s'il serait préférable de présenter une revendication globale ou particulière, nous aurons peut-être une meilleure idée de la meilleure option qui s'offre à nous.
Au cours des huit ou neuf dernières années, nous avons négocié la revendication territoriale Dundee et la revendication territoriale Tsikaristisere. Des négociations sont en cours et nous avons remarqué un changement dans l'orientation des revendications. Je crois que si la tendance se maintient, les discussions seront beaucoup plus amicales et il sera plus facile de s'entendre.
Au bout du compte, nous cherchons une résolution, car cela fait également partie de la réconciliation. Il y a beaucoup d'angoisse au sein de nos communautés — et je crois pouvoir parler au nom des autres témoins — en ce qui a trait aux revendications qui ne sont jamais résolues. Il sera impossible pour nous de tourner la page tant que le gouvernement du Canada et nos communautés n'auront pas trouvé un terrain d'entente.
Chef Laforme, votre territoire couvre une grande partie de la région de Toronto, le 416 et une grande partie du 905. D'un point de vue strictement financier, il s'agit probablement de la région ayant le plus de valeurs au pays, sinon dans le monde.
Quel genre de soutien et d'engagement obtenez-vous des divers ordres de gouvernement à la table pour vous assurer que les quelque 7 millions de personnes qui vivent sur ce territoire reconnaissent que ce territoire vous appartient?
J'aimerais dire d'abord qu'à mon avis, dans le cadre de traités, les deux parties à la table se partagent des responsabilités. Si les gens ignorent ce dont il est question dans ces traités, personne ne pourra remplir son rôle.
Je crois que de notre côté de la table, nous avons une responsabilité envers la terre et les eaux, mais aussi envers tous ceux qui habitent sur notre territoire cédé en vertu d'un traité. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour éduquer et sensibiliser les gens et pour bâtir des relations avec tous les ordres de gouvernement et toutes les nations qui vivent sur nos terres cédées en vertu d'un traité. Nous avons également signé plusieurs protocoles d'entente avec les syndicats et les universités, car je crois que nous avons l'occasion de collaborer afin de façonner l'avenir qui se dresse devant nous.
La question n'est pas seulement de savoir ce que nous pouvons faire pour la Première Nation des Mississaugas de New Credit. Nous devons aussi trouver des façons d'aider les gens à apprécier à leur juste valeur la ville de Toronto et les autres villes et à les chérir et de faire participer les peuples autochtones à ces processus, en raison des relations que nous entretenons avec la ville et le secteur riverain, notamment. Ce n'est pas uniquement de nous dont il est question; il est question également d'assumer nos responsabilités définies en vertu de la relation du traité.
Merci à tous les témoins d'avoir accepté notre invitation. Puisque nous faisons des confessions au sujet de nos carrières, peut-être faudrait-il qu'il y ait davantage d'infirmières autour de la table.
Quelques points ont attiré mon attention et peut-être que mes hypothèses n'étaient pas tout à fait justes. Ma première hypothèse était que les négociateurs devaient certainement avoir une certaine orientation et reçu une certaine formation et que des cérémonies avaient lieu dans le cadre du processus. J'aimerais vous entendre à ce sujet. J'ai de la difficulté à croire qu'un négociateur pourrait avoir ces discussions très importantes sans avoir une connaissance de base de la situation.
Ai-je eu tort de formuler cette hypothèse?
Au cours des 10 années que j'ai passées à la table de négociations, cela ne s'est jamais produit. Il n'y a eu aucune cérémonie, aucun processus. Les parties s'assoient chacune de leur côté de la table. On se fâche, on se lève et on quitte la salle et on se réunit en caucus. C'est vraiment la relation qui existe. Aucune cérémonie n'est ajoutée.
À votre connaissance, les négociateurs avaient-ils l'occasion de se familiariser davantage avec votre culture? Avaient-ils accès à de la formation?
Honnêtement, je n'ai senti aucun intérêt en ce sens. En réalité, les négociations avec nous se résument facilement en quelques questions: les allégations sont-elles fondées, quels sont les risques pour la Couronne, quels seront les coûts si nous perdons et combien avons-nous les moyens de payer. C'est le genre de mentalité avec laquelle nous devions composer à la table.
Je ne crois pas qu'on ait enseigné la négociation. Un grand nombre de ces revendications sont en cours depuis très longtemps. Dans notre collectivité, peu importe l'attitude des personnes qui sont de l'autre côté de la table, nous prenons l'initiative de faire connaître nos coutumes et nos traditions à chacune d'entre elles, ainsi que nos cérémonies.
Ce qui est très particulier à propos de notre communauté, c'est que nos membres sont répartis dans deux pays, deux provinces et un État américain. Il faut s'assurer d'abord que les gens ont un passeport pour se rendre là où vivent probalement les deux tiers de nos membres. Il faut comprendre pourquoi nos membres vivent là et quelles en sont les répercussions et comprendre les gens qui sont de l'autre côté de la table.
Nous avons remarqué que, lorsqu'on négocie des revendications ou qu'on ratifie des ententes, tout le monde arrive à la table très confiant de gagner. Je crois que tout est dans l'approche. Nous avons assez bien réussi, mais il ne faut pas s'attendre à ce que les personnes nous comprennent véritablement. Le gouvernement ne comprend pas encore réellement. Je crois que la Commission de vérité et réconciliation permettra aux fonctionnaires de mieux nous comprendre, mais il faudra du temps encore.
Il est certain que les défis auxquels vous êtes confrontés sont assez particuliers, comme vous l'avez mentionné en ce qui concerne la frontière... Personne ne nous a parlé précisément des enjeux concernant l'eau. Pouvez-vous en parler un peu? Nous avons entendu dire que le processus est uniforme à l'échelle du pays et que parfois, il ne tient pas compte des circonstances propres à chaque cas.
Je ne crois pas que les politiques visent à inclure le gouvernement américain dans les négociations des revendications. Malheureusement, nous ne sommes pas rendus là en tant que pays. Je pense que vous connaissez très bien l'attitude de nos voisins du Sud, nos partenaires. Elle n'est pas très bonne.
Notre communauté collabore avec la tribu Mohawk de Saint Regis et le Conseil des chefs de la nation Mohawk pour veiller à ce que les droits que nous avons en ce qui concerne nos terres, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, soient protégés. En outre, s'il y a des revendications, nous nous réunissons, comme l'a expliqué la chef lorsqu'elle a parlé de certaines des autres communautés, pour déterminer qu'elle est la meilleure solution.
En ce qui concerne la compétence des provinces... Toutes nos revendications sont négociées en ce moment avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'informer les provinces où des revendications sont en cours de négociation, mais notre communauté s'occupe également de les informer. Au bout du compte, nous croyons que les provinces doivent appuyer, dans une certaine mesure, l'orientation que nous voulons prendre durant les négociations, mais elles peuvent aussi ralentir le processus. Nous l'avons constaté à d'autres occasions au pays.
Un autre élément est que les relations avec chaque province et territoire varient. Par exemple, en ce qui concerne l'extraction minière en Colombie-Britannique, les communautés bénéficient d'ententes de partage des redevances. Je crois qu'il s'agit de 37 % des redevances.
Est-ce que de telles ententes existent en Ontario pour ce qui est des ressources forestières ou minières? Est-ce que ces revenus précis qu'obtient la province sont visés par des ententes que vous auriez négociées avec les entreprises?
En ce qui concerne précisément notre communauté, je peux dire qu'il n'y a pas de discussion en cours relativement aux ressources forestières et minières. Puisque je participe à une partie du travail qui s'effectue à l'échelle régionale, je sais que ce genre de discussion a lieu. La rivière est la principale ressource dont nous disposons dans notre communauté, et elle relève en majeure partie de la compétence du gouvernement fédéral.
L'autre commentaire qu'on a fait et sur lequel j'aimerais revenir, c'est que ces questions sombrent dans l'oubli pendant quelques années, alors il n'y a plus de dialogue. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long? Est-ce exact? Est-ce qu'on ne procède pas à la mise à l'essai des hypothèses?
Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais dans notre cas, nous faisons une proposition puis nous attendons et nous attendons; nous envoyons une lettre pour faire un suivi, puis on nous répond qu'on a reçu notre lettre, et ensuite, nous attendons encore. C'est le processus.
[Le député s'exprime en langue crie.]
Madame la présidente, je veux profiter de l'occasion pour répondre aux accusations qui proviennent d'en face puisque je n'ai pas eu l'occasion d'y répondre. Je prends la réconciliation très au sérieux. Cela fait 35 ans que je fournis un effort honnête en faveur d'une réconciliation, alors je suis offusqué par les accusations de partisanerie formulées par le député de Pontiac.
J'ai écouté nos témoins ce matin, et l'un d'entre eux a dit que, même si les engagements qui ont été pris sont très satisfaisants, ils ne sont pas respectés sur le terrain. Un autre témoin était d'accord. J'ai cité le Tribunal canadien des droits de la personne. Je ne crois pas qu'on puisse affirmer que le Tribunal canadien des droits de la personne est un organisme partisan. Madame la présidente, j'essaie de faire ce qui est juste pour notre pays. C'est ce que je m'efforce de faire depuis 35 ans. Il est injuste que le député de Pontiac m'accuse de partisanerie. Il n'est peut-être pas d'accord avec moi, et cela ne me dérange pas, mais je n'accepterai aucune forme de paternalisme de la part de quiconque. Nous en avons assez subi pendant 150 ans. Nous ne méritons plus cela.
Je vous remercie, madame la présidente. Pardonnez-moi, mais je devais répondre. Je crois que j'avais le droit de répondre.
Ce qu'on nous a répété notamment depuis que nous avons commencé nos audiences à Vancouver lundi, c'est que le processus n'a pas répondu aux attentes d'un grand nombre des Premières Nations qui avaient des revendications particulières ou globales. La politique a besoin d'être modifiée en profondeur, et même l'approche en ce qui concerne les revendications particulières et globales.
Vous en avez parlé. Ce qu'il faut principalement, ce sont des règles de jeu équitables et un accès équitable à la résolution. Nous l'avons entendu constamment. Il est injuste qu'on envisage une compensation monétaire pour les revendications particulières uniquement, et non pas pour les revendications territoriales. Cela semble être votre but ultime. Je crois que bien des groupes au pays sont d'accord.
On a aussi mentionné les blessures culturelles, et d'autres veulent également se pencher là-dessus. Nous sommes ici pour proposer de nouvelles politiques ou peut-être un changement majeur à un processus qui doit être équitable et transparent, car cela pourrait s'avérer nécessaire dans l'avenir pour traiter ces revendications difficiles.
J'aimerais en entendre davantage sur ce que vous recommandez au Comité afin que nous puissions faire notre travail et faire des propositions au gouvernement actuel. C'est une question très générale qui s'adresse à vous trois.
L'une des choses que nous avons envisagées, étant donné surtout notre situation géographique particulière au pays, en ce qui concerne les revendications territoriales, c'est la création d'une troisième catégorie de revendications, en plus de celles qui existent actuellement, ce qui permettrait de tenir compte des situations géographiques particulières.
En ce qui concerne les autres points que vous avez soulevés, je peux vous dire que nous avons actuellement une offre de règlement, et nous appuyons toutes les autres positions des membres. La suppression des droits fera partie du libellé de l'accord. Nous allons entamer le processus qui exige de consulter les membres aux fins de la ratification. Comme nous sommes la deuxième plus importante communauté au Canada, après celle de la chef Hill, nous avons beaucoup de membres. Lorsque le gouvernement canadien nous dit que la ratification doit se faire conformément aux critères du référendum, cela signifie que nous devons obtenir une double majorité puisqu'il est question d'une renonciation. À Akwesasne, 8 000 personnes de 18 ans et plus sont inscrites, ce qui signifie qu'une double majorité correspond à 4 000 personnes.
Premièrement, il est pratiquement impossible pour nous d'atteindre un tel chiffre. Nous travaillons à trouver une solution, car nous devons contourner ce problème. Par ailleurs, quand il est question de récupérer des terres et d'être indemnisés, je peux vous dire que, lorsque vient le temps de dire à la communauté que nous ne récupérons aucune terre et que nous obtenons telle somme à titre de compensation, nous devons livrer une dure bataille.
Si nous envisageons de modifier certaines des catégories actuelles ou d'en créer une nouvelle, il faut prendre tout cela en considération. Dans une communauté de 1 000 personnes, il est facile d'atteindre 200 personnes, ce n'est pas un problème. Je peux vous dire par contre que je ne sais pas où nous allons trouver ces 4 000 Mohawks. Je connais bien des gens — je vis au sein d'une grande communauté — mais il y en a partout au Canada. Il faut réellement tenir compte de cette situation.
Je sais que je m'éloigne un peu du sujet, mais j'estime que dans l'avenir nous devrons prendre ces éléments en considération.
Je tiens à faire des observations à ce sujet, si vous permettez.
Ma nation revendique un droit d'accès à l'eau. Nous sommes cependant l'une des rares Premières Nations totalement enclavées, sans accès à l'eau, et notre peuple veut désespérément retourner sur l'eau, pour des besoins cérémoniels et d'autres activités.
De plus — et je pense que ç'a déjà été dit — les revendications particulières strictement limitées à des questions d'argent ne donnent rien. Sincèrement — et j'espère qu'aucun des membres de mon peuple ne nous écoute actuellement — je ne m'intéresse plus seulement à l'argent. Ce n'est pas la voie de notre avenir à nous. Je souhaite plutôt, par la négociation, trouver des façons de gagner ma vie par ma terre dans le monde moderne. Je ne chasse plus. Je ne peux pas le faire à Toronto ou à Guelph. Je dois donc trouver d'autres moyens. Les traités visent à ce que nous vivions de la terre, et nous devons adapter cet objectif à la réalité d'aujourd'hui.
En fait, je cède la première partie du temps qui m'est accordé à Will Amos, en me réservant la deuxième.
Je serai très bref.
Je tiens à féliciter le grand chef Abram Benedict et sa communauté pour la création du premier système juridique entièrement autochtone, entièrement à l'extérieur de la sphère fédérale et de celle des provinces. C'est, d'après moi, la preuve d'un esprit d'initiative très intéressant qui rejaillit en bien sur l'ensemble du pays, mais aussi, particulièrement, sur votre nation. Donc meegwetch à Joyce King. Prière de communiquer le message.
Je sais que, en Ontario, au Québec et du côté fédéral, on cherche un cadre pour arriver à comprendre comment y réagir, mais je pense que ça place votre communauté dans une position intéressante par rapport à ce que nous devrions faire du processus des revendications particulières. Vous possédez tout à fait la compétence d'élaborer vous-mêmes vos propres régimes juridiques. Merci donc d'avoir exprimé ces points de vue.
C'était ma seule observation.
Ce qui m'amène à m'adresser à Phillipp White-Cree sur la question de la recherche, pas seulement sur le cadre juridique que vous avez réussi à élaborer. Je suppose que, en partie, c'est le résultat de la recherche que vous avez pu réaliser collectivement. Dans mes déplacements dans tout le pays, je n'ai jamais vu d'autres réserves qui possédaient leur propre équipe de recherche à plein temps affectée sans relâche à cette question et peut-être à d'autres. Ai-je raison?
Il n'y en a pas beaucoup. Elles sont très petites. Nous nous rencontrons assidûment chaque année.
Malheureusement, ça s'explique beaucoup par le financement. Comme je l'ai dit, mon bureau, il y a environ trois générations avant moi, se l'était donné pour objectif, mais ce n'est pas avant 1989 que le conseil des Mohawks d'Akwesasne a pu nous fournir en permanence un bureau. Depuis, nous étendons continuellement nos mécanismes de recherche.
Notre proximité d'Ottawa est vraiment utile, mais, encore une fois, chez les autres Premières Nations, l'occasion ne s'est pas nécessairement présentée.
Il vous est probablement venu des idées sur les changements que devrait subir ce mécanisme de financement.
Oui. Le financement a ses secrets. Parfois, les fonds demandés ne sont pas débloqués avant le troisième ou quatrième trimestre. Entre-temps, la nation doit supporter le poids de ces dépenses, puis elle ne reçoit pas le plein montant demandé. Nous sommes toujours dans une sorte de déficit.
C'est un aspect de la capacité de se financer. C'est quand, avec d'autres Premières Nations, il serait avantageux de pouvoir tout de suite agir avec les finances et les ressources permettant de s'offrir un service de recherche.
Dans le financement des projets de recherche prévus dans le cadre actuel, est-ce seulement pour la recherche initiale sur la revendication elle-même ou est-ce que la recherche se poursuit pendant tout le processus jusqu'à la résolution de la demande?
Fragmentaire. Donc, chaque fois que vous franchissez une étape différente de la négociation, vous entreprenez la recherche initiale pour lancer la revendication, puis vous passez au financement de la recherche pour la négociation, le financement de la recherche après le règlement, etc.
Et votre recherche, sert-elle seulement à Akwesasne ou est-elle destinée à toutes les communautés mohawks?
Avant tout, nos efforts privilégient Akwesasne, mais nous avons des discussions avec les communautés voisines et nous mettons des ressources en commun pour les intérêts communs.
Dans le cadre de cette recherche, cherchez-vous dans vos interactions avec les communautés voisines des éléments pédagogiques pour essayer de les sensibiliser au processus, à son importance, à l'injustice historique, etc.?
Oui. On trouve dans l'administration mohawk une agente de liaison avec le gouvernement, dont l'un des rôles est les communications avec le Québec, précisément. Le gouvernement mohawk maintient ce poste non financé par nécessité.
Nous avons entendu à maintes occasions que la politique ne va pas assez loin — le grand chef Benedict pourra vouloir intervenir — et que nous devons mettre en place des moyens législatifs pour assurer la bonne foi des négociations ou mieux se préparer aux modalités de fonctionnement des tribunaux. Avez-vous pu réaliser beaucoup de recherches sur cet aspect?
Entre vous, Phillipp et le grand chef, y a-t-il des modifications législatives ou des orientations qui, d'après vous, pourraient être acheminées au gouvernement? À quoi ressemblent-elles? Ou, peut-être, pourriez-vous les présenter dans un mémoire distinct?
Ce serait relativement aux recommandations. Un secteur qui formule beaucoup de recommandations est celui des directeurs de la recherche sur les revendications nationales. Ils ont beaucoup d'idées pour un processus commun de mise en oeuvre de politiques qui orienteraient cette relation.
D'accord.
Monsieur le chef Laforme, peut-être pourriez-vous formuler des observations sur leurs réalisations. Qu'en est-il sur ce plan, dans votre communauté?
Je ne peux pas me lancer dans mon baratin habituel sur le sujet, parce que je me ferais encore interrompre.
Pour commencer, notre service de consultation a été mis sur pied il y a trois ans et il était constitué d'une seule personne. Il compte maintenant 9 personnes dans le bureau et 40 sur le terrain. Il se finance lui-même et rapporte davantage. Nous cherchons à former des partenariats avec d'autres villes et des particuliers pour faire une partie du travail nécessaire. Nous élaborons nos propres règlements et normes en matière d'environnement. Nous avons entrepris ce travail il y a à peu près un an. Nous avons créé notre comité de l'eau. Il cherche à se doter d'outils d'évaluation de son cru pour les eaux et les systèmes de surveillance, qui nous rendront autonomes sur ce plan. Nous emploierons nos propres systèmes pour déterminer les impacts et ce genre de conséquences.
C'est ce que nous avons fait, mais ce n'est peut-être pas à la même échelle que la leur. Nous avons aussi entrepris un programme d'ambassades, par lequel un membre ou un ami sera notre ambassadeur dans une ville ou dans différentes parties de nos terres pour y jouer un rôle de promotion et de sensibilisation.
Pendant la revendication territoriale de Dundee, peut-être 150 000 $ par année, environ. Ça s'ajoute à ce qui était déjà prévu.
Je ne peux pas me rappeler le montant comme ça, à l'improviste, mais c'est énorme. Nous sommes toujours endettés parce que nous utilisons toujours nos propres ressources. Nous lions ensemble ce montant et ce que nous recevons du Canada, et nous utilisons notre propre argent. Ça forme donc un tout enchevêtré. C'est exorbitant seulement pour faire ce dont nous avons parlé relativement à l'intendance environnementale, au programme d'ambassades. Nous faisons appel maintenant au gouvernement, mais aucun fonds n'est venu cette année pour quoi que ce soit.
Vous avez dit que vous ne vous intéressiez pas à l'argent, mais n'est-ce pas qu'il s'agit d'argent? Vous venez de parler de votre dette. Je sais que vous parlez de terres et d'eau, mais c'est aussi de l'argent.
Monsieur Benedict, vous avez dit ne pas être intéressé par l'argent, mais vous en avez besoin. Vous venez de parler de votre situation financière.
Eh bien, qui ici n'a pas besoin d'argent? Ça nous place dans une situation difficile, parce que, quand nous nous présentons devant la communauté, elle veut agrandir le territoire sur lequel nous vivons. Elle sait que, traditionnellement, nous avons habité la région de Dundee, puis que, à un certain moment, le gouvernement du Canada a mal agi envers nous et a cédé le territoire à des tiers. Vous le savez. Alors que nos communautés continuent de croître, nous cherchons des occasions économiques. Quoi de plus sensé que de le faire à partir de la base territoriale nécessaire?
En fin de compte, seul le gouvernement est en posture d'offrir de l'argent pour ce qui se passe. Sur le terrain, quand je me présente à ma communauté, elle me dit que ce qui compte, ce n'est pas combien le gouvernement offre, c'est le territoire qu'elle tient à ravoir. Les dirigeants sont placés entre le marteau et l'enclume.
Y a-t-il un aspect pécuniaire? Absolument. Mais, ce serait plus facile si les aspects pécuniaires et territoriaux pouvaient coïncider.
Bien sûr que c'est une question d'argent. L'un des problèmes que j'ai dû résoudre dans le règlement de la dernière revendication territoriale était que, selon les exigences de l'époque, quand on la mettait aux voix, il fallait aussi le faire pour l'acceptation du processus de négociation. De plus, il y a la fiducie et les modalités de sa création. Dans la fiducie, c'est expliqué si un paiement ira aux membres. Alors, il s'agit de savoir si on votera pour le règlement de la revendication ou seulement pour obtenir l'argent. C'est terrible que de faire participer la communauté de cette manière. Il doit y avoir une manière de cloisonner le processus.
L'aspect pécuniaire est à mon avis important, mais également importants sont nos liens jadis établis avec la terre et l'eau, qui doivent continuer à jouer un rôle sur notre compréhension de la situation.
Vous avez tous les deux parlé de vos membres, et je pense que c'est important. En fait, monsieur le chef Laforme, vous avez dit que vous ne pouviez pas les informer. C'est terrible à dire. N'ont-ils pas besoin de comprendre ce qui se passe? Si vous ne pouvez pas les informer, comment ferons-nous pour obtenir...? Vous savez ce que je veux dire?
Absolument. Il faut dire au gouvernement, s'il se présente sur place et communique avec la communauté ou peu importe comment, qu'il faut une méthode pour mobiliser les membres dans le processus. Par le passé, nous avons toujours pensé qu'il fallait taire certaines choses, qu'il fallait être discrets, ne pas faire le point, ne pas parler de chiffres, d'éventualités, de l'inclusion ou pas des îles de Toronto. Nous avons pensé que nous ne pouvions parler d'aucun de ces sujets avant d'avoir atteint un certain point. C'est ainsi que je comprenais le processus de négociation, quand nous l'avons suivi. Ça ne fonctionne tout simplement pas, et je n'y participerai plus, peu importe le résultat éventuel.
En manière de clin d'oeil à certains avocats ici présents, c'est une sorte de privilège du secret professionnel de l'avocat. Nous représentons 12 000 mandants. Il n'y a donc pas de secrets d'État entre nous. Nous avons été en mesure de faire comprendre un peu le problème. Encore une fois, autour de la table, on construit des liens, on en éprouve la solidité.
Visiblement, il y a sans doute des parties prenantes et des intéressés aux territoires revendiqués qui ne sont pas autochtones. Nous les avons parfois vus, à leur insu, inventer des histoires qui, parfois, se terminent sur une note négative. En cela, il y a un juste milieu, et c'est la démarche que nous avons toujours suivie.
Quant à la paperasse, il y a de l'information confidentielle. Je n'y vois pas un obstacle, mais, encore une fois, c'est les négociateurs. Pour beaucoup de ces dossiers, tous nos vis-à-vis du gouvernement sont différents.
Je pense que c'est terminé.
Je tiens à vous remercier d'être venus, de nous avoir présenté des exposés, d'avoir été patients et de nous avoir beaucoup informés. La passion que vous éprouvez pour les vôtres est évidente. Nous mettrons vos propos dans notre coeur, nous les transcrirons sur le papier, et nos analystes prépareront un rapport destiné à tout le Canada.
Monsieur le chef Laforme.
Une seule remarque, très courte.
Comme vous pouvez le voir, des mouvements de masse ont commencé dans les Premières Nations, partout dans le pays, pour améliorer leur mode de vie et leurs façons de faire. La nôtre accélère le rythme et en fait beaucoup dans les territoires et les terres qui lui ont été cédés par traité, et vous devez arriver à suivre. Sinon, nous allons nous retrouver dans des situations sans issue et nous aurons des conflits. Il importe beaucoup que le gouvernement et les processus de règlement des revendications territoriales arrivent à suivre cette initiative.
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