INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 23 septembre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue, tout le monde.
Avant de commencer officiellement la réunion, j'inviterais Hunter Tootoo, député local, à vous souhaiter la bienvenue.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à vous tous.
Je tiens à souhaiter une bienvenue toute spéciale à mes collègues du Comité permanent à Iqaluit. Nous sommes ici pour discuter de cet enjeu crucial pour le Nunavut et tout le Nord. Cet enjeu, qu'on a qualifié de crise, ici, au Nunavut, est en effet très important. J'espère que vous aurez des discussions productives et des exposés éclairants aujourd'hui, et j'ai hâte de consulter le rapport qui en découlera. J'ai bon espoir qu'il en ressortira des recommandations judicieuses pour guider la ministre dans l'établissement de programmes et l'octroi de fonds qui permettront d'améliorer la situation du Nunavut.
Je suis impatient de pouvoir m'adresser à vous lors d'une séance à Ottawa.
Bienvenue au Nunavut. J'aurais aimé que la température soit un peu plus clémente, mais notre accueil est toujours chaleureux. J'espère que vous aurez un agréable séjour. Merci beaucoup de votre présence.
Je vous remercie beaucoup pour cet accueil, Hunter. Nous allons maintenant commencer la réunion.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin. Je souhaite la bienvenue à nos témoins, que je vais présenter dans un instant. Je souhaite également la bienvenue aux personnes du public, à celles qui se trouvent dans la tribune ainsi qu'aux représentants des médias.
En ce qui concerne les médias, vous pouvez voir qu'on est en train de sortir la caméra de la salle. Après le coup de maillet, la diffusion cessera, pour des raisons de protection de la vie privée. Lorsque nous ferons une pause ou après les délibérations, la diffusion pourra reprendre, mais sachez seulement qu'il n'y a pas d'enregistrement pendant la séance, mis à part la transcription qui est faite derrière moi.
Nous avons des interprètes pour le français et l'anglais. Nous avons également un interprète pour l'inuktitut. Vous avez des oreillettes à votre disposition. N'hésitez pas à choisir le canal qui correspond à la langue que vous préférez.
Je tiens à vous dire qu'une spécialiste en santé mentale se trouve dans la salle. L'infirmière Mary Griffiths est ici et elle sera disponible toute la journée si quelqu'un souhaite discuter avec elle.
Je vais vous mettre en contexte. Nous sommes le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Nous sommes ici, car nous menons la première étude que nous effectuons en tant que comité au cours de la présente législature. Il s'agit d'une étude sur le suicide au sein des peuples autochtones. Parmi les nombreux sujets qui nous ont été proposés, celui-ci est celui qui s'est imposé comme étant le sujet le plus urgent à aborder. Cela démontre à quel point chaque membre du Comité est profondément préoccupé par cette épidémie tragique qui touche un si grand nombre de communautés au Canada.
Même si les membres du Comité représentent trois des principaux partis, il s'agit véritablement d'un comité non partisan. Les comités ne font pas partie du gouvernement. Ils le conseillent. Ils sont indépendants du gouvernement.
Je tiens à souligner que les membres du Comité représentent les régions de l'Est, du Centre, de l'Ouest et du Nord du Canada. La population canadienne est donc très bien représentée. Les paroles, les histoires et les suggestions que nous entendrons durant les audiences nous aideront à produire un rapport qui sera publié au début de la nouvelle année, probablement en février ou en mars.
Il sera présenté au gouvernement du Canada et il servira à orienter les décisions de politique et les décisions budgétaires, alors il aura une véritable incidence. Ce que nous dirons et nous apprendrons les témoins d'aujourd'hui, et ceux des autres communautés que nous visiterons dans le cadre de notre étude, aura de réelles répercussions. Nous nous réjouissons à l'idée de participer au changement. Les membres du Comité pourront observer les changements qui seront mis en oeuvre et ils en suivront l'évolution.
Au cours de la journée, nous accueillerons quatre groupes de témoins. Nous avons ici le premier groupe. Nos invités, que je vais présenter dans un instant, disposeront de 10 minutes pour présenter un exposé. Nous passerons ensuite aux questions des membres du Comité.
Durant les exposés et pendant la période des questions, nous surveillerons le temps de près afin de nous assurer de pouvoir entendre tous les témoins durant la journée. Lorsqu'il restera une minute, je vais montrer une carte jaune, alors je demanderais aux membres et aux témoins de porter attention. Lorsque le temps sera écoulé, je vais montrer une carte rouge. Lorsque vous verrez cette carte, veuillez terminer le plus rapidement possible.
Je vous mentionne également que, lorsque nous aurons entendu tous les témoins, à la fin de la journée, nous allons tenir une tribune libre pour entendre d'autres membres de la communauté et du public. Malheureusement, d'après les règles de procédure du Comité, le public ne peut pas intervenir durant les témoignages, alors c'est pourquoi nous avons prévu une tribune libre à la fin de la journée. Elle devrait avoir lieu entre 16 heures et 17 heures.
Tout cela étant dit, nous allons maintenant passer à notre premier groupe de témoins. J'ai le très grand honneur de souhaiter la bienvenue à l'honorable George Hickes, ministre de la Santé et ministre responsable de la Prévention du suicide. Vous disposez de 10 minutes.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les membres du Comité.
Avant de commencer, j'aimerais souligner la présence du ministre Johnny Mike, le ministre des Services à la famille du Nunavut.
J'aimerais vous remercier encore, monsieur le président, de l'invitation à venir témoigner dans le cadre de l'important travail du Comité, et vous remercier de vous déplacer dans les régions inuites. J'aimerais aussi remercier ceux qui ont déjà pris la parole devant le Comité: Natan Obed, président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, et Jack Hicks. Natan, Jack ainsi que bon nombre des autres personnes qui s'exprimeront aujourd'hui ont passé des années à construire les fondations de notre travail en prévention du suicide. J'appuie entièrement leurs revendications d'équité sociale et d'interventions fondées sur le savoir.
J'aimerais également remercier le gouvernement fédéral pour ses récents investissements. Le Fonds d'investissement-santé pour les territoires, qui en est à sa troisième année d'existence, a permis d'investir au cours de cette période plus de 7 millions de dollars pour favoriser la santé mentale chez les jeunes, ajouter des services de counselling en santé mentale et assurer la formation des employés actuels et futurs. Avec l'aide du Canada, nous prévoyons rouvrir le Centre Mamisarvik d'Ottawa, le seul établissement résidentiel de traitement de la toxicomanie avec une dimension culturelle pour les Nunavummiuts. Dans un avenir plus rapproché, nous prévoyons que l'annonce de juin sur le financement supplémentaire pour la prévention du suicide dans les communautés autochtones nous permettra de mettre sur pied un programme de traitement de la toxicomanie sur le territoire et contribuera à la création d'un groupe pour hommes.
C'est parce que nous sommes dotés d'une stratégie de prévention du suicide pour le territoire que le Nunavut est en mesure de mettre en place ces initiatives. Les partenaires de cette stratégie, Nunavut Tunnagavik Incorporé, la Gendarmerie royale du Canada, le gouvernement du Nunavut et le Conseil Saisis la vie, ont réalisé des consultations publiques en 2009, puis ont publié la stratégie en 2010 et un plan d'action en 2011. Il est possible d'obtenir des exemplaires de ces documents.
La route était semée d'embûches. Au départ, le modèle de partenariat était faible, et le premier plan d'action n'avait pas d'assises solides. Mais dernièrement, nous avons revu notre approche. Le premier ministre Peter Taptuna a déclaré que le territoire faisait face à une crise de suicide. Nous avons donc créé un comité des ministres sur la qualité de vie, nommé un ministre responsable de la prévention du suicide et mis en place un secrétariat pour améliorer la collaboration. En mars, de concert avec nos partenaires, nous avons lancé Résilience intérieure, un plan d'action intérimaire d'un an, qui nous a permis de commencer à mettre en oeuvre les recommandations du coroner à la suite de son enquête sur le suicide et de mobiliser la population pour l'élaboration d'un plan d'action à long terme.
Retenez de tout ceci que nous n'essayons pas de réinventer la roue. Nous ne cherchons pas de solutions magiques. Nous nous affairons à répondre aux priorités et aux besoins des personnes et des organisations de nos communautés. Nous tirons profit du savoir et de l'engagement qui sont au coeur de nos partenariats. Il y a beaucoup à faire, mais nous savons ce dont nous avons besoin et nous travaillons ensemble pour l'obtenir.
Cette année, en mai, nous avons fait appel à des intervenants pour élaborer le plan d'action à long terme. Les priorités établies durant le Sommet des intervenants pour la prévention du suicide, « Unis pour la vie », s'apparentent à celles de 2009, et comprennent la mise en place de mesures et la prise de décisions guidées par la population; la transmission de la langue et de la culture inuites; l'éducation de la petite enfance et le soutien des enfants et des jeunes ancrés dans la culture inuite; le rassemblement pour la guérison et les groupes de soutien dans chaque communauté; et l'augmentation des services en santé mentale pour toutes les tranches d'âge, axés sur l'implication des communautés et des praticiens inuits.
Je vous ferai parvenir le rapport du sommet une fois que les intervenants auront terminé de l'examiner. Les rouages de chaque priorité s'articulent autour des infrastructures locales, de la disponibilité et de la prévisibilité des programmes de financement, du développement de la capacité, de la recherche et des emplois dans les domaines de la santé et du bien-être.
Vous êtes ici afin de mieux comprendre comment le Canada peut faire partie de la solution, comme le président l'a dit.
Premièrement, le Nunavut et les Inuits doivent être partenaires égaux et à part entière avec le Canada. Nous devons participer à l'élaboration et à la réalisation des recherches, des programmes et des services afin qu'ils répondent à nos besoins et que nous ayons suffisamment de temps pour nous préparer à les offrir. Voici un exemple: le Programme de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones ne finance pas nos deux centres résidentiels de traitement pour Inuits au pays et ne reconnaît pas non plus d'installations au Nunavut. Nous devons donc continuer d'effectuer des déplacements coûteux pour des raisons médicales et de nous tourner vers les installations de langue anglaise du sud.
Notre contexte linguistique unique et l’immensité de notre territoire impliquent la prestation de services dans 25 centres de santé et dans quatre langues officielles. Nous devons nous asseoir à la même table pour travailler ensemble à la création de programmes et de services répondant à nos besoins particuliers.
Les peuples autochtones ont révélé au grand jour et consigné de nombreux traumatismes et ont travaillé à rétablir le bien-être dans nos communautés et dans le pays en général. La Commission de vérité et réconciliation et la Commission de vérité Qikiqtani sanctionnent l’arrestation des personnes accusées d’agression sexuelle sur des enfants. La liste est longue, et s’y ajoutera bientôt l’enquête sur la disparition et le meurtre de femmes autochtones. Je somme le Canada de reconnaître ces torts historiques et de mettre en oeuvre les recommandations en considérant le Nunavut et les Inuits comme des partenaires égaux et à part entière.
Deuxièmement, les initiatives de prévention du suicide chez les Autochtones doivent compter sur du financement soutenu, prévisible et à long terme. Au vu des besoins, il nous faut plus, et non moins, de services en santé mentale que la province canadienne moyenne. Nous avons besoin d’un assortiment de services s’appuyant sur les méthodes de traitement occidentales et inuites, et respectant et reflétant notre langue et notre culture.
Nos besoins appellent davantage de centres d’éducation des jeunes et de la petite enfance que la province canadienne moyenne. Des programmes et des investissements en capitaux sont donc nécessaires. Nous devons nous pencher sur les risques immédiats par l’intervention et le traitement des besoins sous-jacents, tels que les logements abordables, l’éducation de la petite enfance et la sécurité alimentaire, de sorte que les enfants qui naissent aujourd’hui grandissent dans une société plus saine.
Il ne s’agit pas d’une faiblesse inuite. Notre population doit composer avec un changement social et culturel rapide. Au cours de son histoire, la société inuite a vécu d’énormes injustices, toutes bien documentées, qui ont créé des conditions propices aux facteurs de risque du suicide. Chez certaines personnes, ces traumatismes ont compromis leur capacité de résilience et de guérison; elles ont ensuite à leur tour transmis ces traumatismes aux générations suivantes.
La situation que nous vivons aujourd’hui est le résultat de décennies d’injustice sociale. Le gouvernement du Nunavut n’a pas les ressources adéquates pour financer lui-même les solutions.
Je veux réitérer l’importance de privilégier des approches axées sur les Inuits et menées par des Inuits. Le temps où nous n’avions pas d’autres options est révolu. Aujourd’hui, grâce aux efforts de la société Ilisaqsivik de Clyde River, nous possédons un programme de formation certifié pour les conseillères et les conseillers intitulé Our Life’s Journey. Ces conseillères et conseillers sont essentiels au bien-être de nos communautés, pourtant les programmes fédéraux ne les reconnaissent pas équitablement, ni par leur salaire ni par leur poste. Nous avons maintenant des ressources tangibles et accessibles sur le bien-être, telles que des programmes préscolaires en langue inuite, des livres de chansons en inuinnaqtun et des recherches d’universitaires inuits. Pour faire progresser ces programmes, ces approches et ces interventions, notre territoire doit pouvoir compter sur du financement soutenu, prévisible et à long terme.
J’aimerais répondre à votre demande en ce qui a trait aux indicateurs du classement du Nunavut du Kids Rights Index et à la nécessité d’obtenir plus de données. Bon nombre de ces indicateurs ne sont pas pertinents ici, comme l’eau courante, le réseau d’égout et l’accès à l’éducation pour les deux sexes. Les résultats attendus devraient orienter les indicateurs surveillés, et non l’inverse. De concert avec les partenaires de la Stratégie de prévention du suicide du Nunavut, nous planifions actuellement la collecte et l’analyse de données plus probantes et en lien avec la Stratégie. Ce projet pourrait être réalisé dans le cadre du Plan de surveillance générale du Nunavut de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut si des ressources supplémentaires étaient mises à notre disposition.
Finalement, nous devons entamer un dialogue national sur l’histoire récente de notre pays, la protection de la culture et les occasions de mettre fin aux idées fausses populaires. Le suicide n’est pas une réalité inuite. Être autochtone n’est pas un facteur de risque. Nous sommes ici pour une raison, et je cite Natan Obed lors de sa présentation au Comité:
L’inégalité sociale est la racine du problème. Nous pouvons discuter du problème de long en large, mais si nous ne garantissons pas l’accès à des services de santé, au logement et à l’éducation ainsi qu’une sécurité de base à tous les Canadiens et à tous les Canadiens autochtones, nous n’abordons pas le problème du bon angle.
Les problèmes avec lesquels nous sommes aux prises sont certes relativement nouveaux, pourtant notre peuple est très fort et a longtemps évolué dans un environnement que d’autres considèrent comme hostile. Les actions en matière de santé publique devraient tirer parti de cette force parmi tant d’autres.
Pour conclure, merci d’entreprendre cet important travail. Ma liste de priorités est courte: un partenariat égalitaire et complet entre le Nunavut et le Canada, l’obtention d’un financement soutenu et à long terme et l’instauration immédiate d’un dialogue national sur la protection de la culture. C’est un contrat de taille, mais nous sommes optimistes. Je vous laisserai sur quelques exemples inspirants.
Le comité de bien-être d’Arviat a mis sur pied Young Hunters, un programme parascolaire qui a contribué à accroître l’assiduité scolaire, la sécurité alimentaire, le bien-être mental, la transmission du savoir traditionnel et les liens intergénérationnels.
À Hall Beach, un groupe d’aide pour les hommes passant trop de nuits en prison a été mis sur pied en septembre dernier. Ces hommes, leurs relations mutuelles et celles avec leur épouse et leur famille sont en voie de rétablissement. On observe parallèlement une diminution de l’occupation des cellules de prison.
Ces exemples témoignent de la force des initiatives individuelles et communautaires fondamentales pour le bien-être mental, la résilience et la prévention du suicide dans nos communautés. Ils nous rappellent aussi que les initiatives et les programmes locaux, adaptés à la culture et fondés sur les valeurs sociétales et les traditions inuites sont les plus efficaces.
Je vous remercie, monsieur le président. En terminant, j'aimerais souligner la présence de ma sous-ministre déléguée, Karen Kabloona. Comme je l'ai mentionné, le Nunavut a créé une division de la prévention du suicide, et ma sous-ministre déléguée dirige cette division. Je vous remercie.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Hickes.
Je souhaite la bienvenue à Mme Kabloona. Nous sommes ravis que vous soyez ici. Vous pourrez tous les deux répondre aux questions, selon les questions qui seront posées. Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité. Le premier tour sera de sept minutes, ce qui signifie que chaque membre disposera de sept minutes pour poser des questions et y obtenir les réponses. Je rappelle aux membres d'essayer, comme toujours, d'aller droit au but dans la mesure du possible pour que nous ayons davantage de temps pour entendre les témoins.
La parole est d'abord à Gary Anandasangaree.
Je vous remercie, monsieur le ministre et madame la sous-ministre déléguée, pour votre présence. Nous sommes ravis d'être ici au Nunavut.
J'étais en train de parcourir votre rapport intitulé Resiliency Within, et j'ai remarqué que le gouvernement fédéral ne fait pas partie des partenaires. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement fédéral de devenir un partenaire? Je pense qu'il est important que le gouvernement fédéral soit un partenaire à cet égard. C'est une grande responsabilité. Quelles ont été les principales difficultés, et que doit faire le gouvernement pour devenir un partenaire?
Comme je l'ai mentionné à quelques reprises durant mon exposé, nous souhaitons que le gouvernement fédéral soit un partenaire égal avec le Nunavut. Dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide, je pense qu'il sera tout à fait possible de créer davantage de partenariats. L'Agence de la santé publique du Canada nous a aidés à certains égards, notamment pour la création de deux postes. C'est essentiellement ce que nous demandons. Vous êtes ici, et j'espère que vous recommanderez dans votre rapport que le gouvernement fédéral s'assoie à la table avec nous. Merci.
En ce qui concerne l'injustice sociale, on a souvent répété ces derniers jours que le logement est l'une des principales sources de cette injustice. Quels sont les besoins en logement de la population du Nunavut et quels types de solutions peuvent être mis en place pour atténuer cette injustice sociale?
C'est une excellente question, et je vous remercie de la poser. L'ensemble du territoire a évidemment grandement besoin de logements en raison du manque d'infrastructures et des investissements sporadiques. Nous faisons de notre mieux avec les fonds dont nous disposons pour augmenter le nombre de logements, favoriser l'accès à la propriété et construire des logements sociaux. Outre les investissements sporadiques, les frais d'exploitation et d'entretien constituent l'un des véritables problèmes. Les coûts d'exploitation d'un logement dans le territoire avoisinent les 25 000 $ par année à cause des coûts très élevés de l'électricité et des systèmes d'aqueduc et d'égout. C'est un problème constant, et vous allez probablement vous lasser de m'entendre dire qu'il nous faut du financement soutenu, prévisible et à long terme.
L'autre principal problème est l'éducation et l'atteinte de taux de réussite qui permettront aux jeunes de poursuivre leurs études. Je crois que c'est un cycle et qu'il est important que des gens de la communauté aillent faire leurs études au sein d'un autre système d'éducation et qu'ils reviennent ensuite travailler dans leur communauté. Quels sont les obstacles, et comment les éliminer? Je sais que c'est une grande question, mais j'aimerais obtenir votre point de vue.
Il faudrait pratiquement une autre séance pour répondre à cette question, mais brièvement, je peux dire que l'uniformité de l'éducation à l'échelle du territoire est très importante. Il faut commencer au stade de la petite enfance. Lorsque nos enfants bénéficient d'un programme d'éducation préscolaire, leur taux de réussite de la maternelle à la fin du secondaire augmente considérablement. En ce qui concerne le financement de nos écoles — et nous avons pris des mesures dans le cadre de notre loi sur l'éducation pour faire en sorte qu'elles soient équivalentes à la moyenne canadienne ou meilleures —, nous nous fondons seulement sur les statistiques. Je crois que nous devons considérer davantage les besoins. Nous devons prendre en considération la clientèle de certaines de nos écoles et les ressources dont elles disposent, non seulement pour l'entretien, mais aussi pour l'amélioration de l'éducation grâce aux laboratoires de sciences, aux gymnases et au matériel pour les cours d'arts. Nous avons le Nunavut Arctic College, qui offre un certain nombre d'excellents programmes. Dans certains cas, ils sont offerts en partenariat avec des universités de l'extérieur, et ils mènent à l'obtention d'un diplôme. Nous devons accroître ces partenariats. Nous devons encourager nos jeunes à effectuer des études postsecondaires et — c'est également notre objectif — veiller à ce qu'ils soient motivés à revenir pour qu'il n'y ait pas d'exode des cerveaux.
Encore une fois au sujet de l'éducation, on a souligné hier soir, lors d'une rencontre avec un petit groupe de personnes, l'absence de programmes d'études postsecondaires au Nunavut. Ceux qui souhaitent faire des études postsecondaires, doivent se rendre dans le Sud. Souvent, les gens qui quittent la communauté ont de sérieux obstacles à surmonter. Ils sont coupés de leur vie quotidienne ainsi que des nombreux soutiens qu'ils avaient.
Quelle est la position générale de votre gouvernement en ce qui concerne la création d'un établissement postsecondaire au Nunavut, et que vous faudrait-il pour que cela devienne une réalité?
On vient tout juste de réaliser une étude à ce sujet: créer une université de l'Arctique ou une université du Nord. Toutefois, l'un des principaux défis serait d'obtenir l'accréditation. On doit respecter plusieurs protocoles ou lignes directrices pour être reconnu comme une université. Par exemple, le faible nombre d'inscriptions pourrait nous empêcher de concrétiser le projet.
Nous avons envisagé sérieusement d'établir des partenariats. Nous avons un programme de soins infirmiers. Nous avons un programme d'enseignement. Nous sommes en train de renouveler notre programme de droit. De plus, le Collège de l'Arctique du Nunavut offre plusieurs autres possibilités de formation, et nous avons des campus satellites dans toutes nos communautés. Par conséquent, il est possible d'accéder à l'éducation postsecondaire au niveau local. Si l'on prend les différents programmes d'études que nous pouvons offrir, sachez que nous entretenons des relations avec différentes associations inuites situées au sud afin d'obtenir du soutien. Il y a différentes organisations au Manitoba, et une à Montréal, si je ne me trompe pas, puis une autre en Ontario. Ces groupes peuvent aider nos étudiants.
Vous êtes venus jusqu'à Iqaluit et, comme je l'ai mentionné à quelques reprises, Iqaluit n'est pas représentative du Nunavut. Imaginez le choc culturel d'un enfant issu d'une communauté de 350 habitants qui arrive à l'Université Laval.
Merci, monsieur le ministre, et merci Gary pour vos questions.
Je cède maintenant la parole à David Yurdiga.
Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue au sein du Comité.
Évidemment, nous avons une passion en commun, soit celle de changer les choses dans le Nord et au sein de nos populations autochtones. On observe une augmentation considérable du nombre de suicides, et cela nous préoccupe tous énormément.
Je crois savoir que vous avez élaboré un plan d'action sur la prévention du suicide. Quelles sont les mesures à court et à long terme qui sont envisagées dans le cadre de ces stratégies?
Il y en a plusieurs. Pour répondre brièvement à votre question, l'un des éléments clés de notre stratégie consiste à travailler avec la communauté, et nous en avons parlé un peu plus tôt. C'est notamment là-dessus que nous devons axer nos efforts. Nous savons ce dont nous avons besoin pour aller de l'avant. Nous avons besoin d'aide pour obtenir les ressources nécessaires et être en mesure de travailler avec nos communautés. Certaines d'entre elles sont très dynamiques, comme je l'ai dit tout à l'heure — il y a notamment le comité de bien-être d’Arviat, qui vise à éloigner les hommes du système judiciaire.
La participation de nos groupes de jeunes est essentielle. Je suis heureux que vous ayez pu rencontrer hier soir quelques-uns de nos jeunes leaders. Diverses stratégies ont été définies, par exemple, la surveillance et le financement des programmes. Nous avons besoin d'aide pour mettre en place cette capacité afin de pouvoir analyser les données nous permettant de progresser, de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et d'apporter des améliorations en conséquence.
Lors de nos discussions des derniers jours, beaucoup de gens se sont dits préoccupés par la viabilité du financement. Les programmes se succèdent, et les gens aimeraient que leur financement soit garanti plus longtemps. Souvent, ils viennent de prendre part à un programme qu'il change déjà, et ils doivent recommencer tout le processus, présenter une demande et faire face à tous les obstacles qui se dressent lorsqu'on doit entrer dans une quelconque catégorie.
Étant donné toutes ces stratégies de prévention du suicide, est-il difficile de devoir composer avec un financement qui change constamment? Envisage-t-on de mettre en place un processus à plus long terme où, par exemple, on pourrait élaborer un programme et le maintenir sur une période de 10 ans?
Absolument. L'un de nos principaux objectifs consiste à renforcer la croyance selon laquelle un financement stable assortit d'une certaine souplesse... Encore une fois, à mesure que nous nous adaptons, nous avons besoin d'une certaine fluidité à l'intérieur des paramètres des programmes pour pouvoir reconnaître ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et apporter les changements qui s'imposent.
Comme je l'ai indiqué précédemment, il y a le financement du Programme de surveillance générale du Nunavut, qui pourrait servir à financer bon nombre de ces programmes. N'empêche qu'un financement stable à long terme demeure l'élément clé.
Vous avez dit que les programmes devraient avoir une certaine souplesse. Toutes les communautés sont différentes. Même lorsqu'on compare deux communautés voisines, on constate des similitudes, mais aussi beaucoup de différences. Dans quelle mesure ces programmes sont-ils souples? Peut-on les adapter aux besoins particuliers d'une communauté? Est-ce que cela s'inscrit dans le cadre d'une de vos stratégies?
C'est l'une des difficultés que présente le financement dont nous disposons et que nous sommes en mesure de fournir aux communautés. Ce sont davantage les initiatives communautaires qui mettent sur pied les programmes. Nous n'essayons pas de tout contrôler. Nous voulons que les communautés élaborent leurs propres programmes, dans la mesure du possible. Nous avons besoin du financement et des ressources nécessaires pour être en mesure de tirer profit des pratiques exemplaires. Nous souhaitons pouvoir prendre un programme qui s'est avéré efficace dans une communauté et le modifier pour qu'il soit adapté à une autre communauté, de sorte que les effets positifs se fassent sentir à l'échelle du territoire.
Si cela ne vous dérange pas, monsieur le président, je vais demander à Karen de répondre à cette question.
On est justement en train d'établir le Secrétariat de la qualité de vie, dont l'objectif principal est de collaborer avec le gouvernement du Nunavut en vue d'en faire un partenaire du Comité de mise en oeuvre de la Stratégie de prévention du suicide du Nunavut. Ce comité est également formé de la Nunavut Tunngavik Inc., de la GRC et du Embrace Life Council. Avant qu'on forme ce comité, les autres partenaires collaboraient régulièrement ensemble, mais ils devaient mobiliser les autres ministères un à la fois. Cela a donc facilité la collaboration avec le gouvernement du Nunavut.
Nous sommes également en mesure d'accélérer la mise en oeuvre, parce que quelqu'un est responsable; ce n'est pas un dossier qui traîne sur le coin d'un bureau.
Quel rôle le Secrétariat de la qualité de vie assume-t-il exactement? De qui relève-t-il? J'aimerais que vous m'expliquiez les rouages. Je comprends qu'on a créé la fonction, mais quelle est sa place dans l'ensemble de la région? Comment cela fonctionne-t-il?
C'est l'une des choses que nous avons accomplies en tant qu'administration, et il s'agit d'un tout nouveau concept au pays. Je suis le ministre responsable de la prévention du suicide. Karen relève directement de moi, par conséquent, les directives et les responsabilités sont établies au niveau du Cabinet. Je considère que c'est un élément essentiel pour éviter que les ministères travaillent en parallèle et se renvoient la balle. La balle s'arrête ici. Il n'y a donc aucun chevauchement.
Je vais laisser Karen vous en dire davantage au sujet de son fonctionnement. Merci.
Comme vous l'a dit le ministre, nous avons un nouveau comité du Cabinet. On trouve également un nouveau comité au sein du ministère, le Comité Inuusiq, qui signifie « vie », auquel prennent part tous les ministères. Le Secrétariat de la qualité de vie organise les réunions, puis diffuse et recueille l'information. Nous sommes chargés de surveiller la mise en oeuvre du plan d'action que vous avez ici, de tendre la main aux communautés et de les mobiliser, elles et d'autres partenaires. Nous venons tout juste d'entreprendre des recherches se rapportant à la stratégie; nous sommes donc résolus à respecter les engagements pris en vertu de la stratégie initiale.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins pour leur contribution aux travaux du Comité.
J'ai quelques questions, mais tout d'abord, j'aimerais revenir sur la question du logement, parce qu'il s'agit d'un élément crucial de ce débat sur la récente vague de suicides. Comme vous l'avez dit, en réponse à la question de Gary, il y a un besoin criant dans le territoire. Si j'ai bien compris, c'est le cas de toutes les régions du Nord. Pourriez-vous nous donner le nombre précis de logements qui seraient nécessaires dans les territoires, disons demain matin?
Nous ne serions pas en mesure de construire le nombre de logements nécessaires à court terme, mais encore une fois, c'est une question de stabilisation du financement. Selon les derniers chiffres que j'ai vus, on a actuellement un manque à gagner de plus de 3 000 logements dans l'ensemble du territoire. Ce chiffre peut paraître peu élevé pour ceux qui vivent dans des provinces plus grandes, mais c'est énorme ici et la situation empire d'année en année. Il y a un manque à gagner de 85 à 100 logements qui s'ajoute chaque année attribuable à la croissance de la population. Nous ne sommes même pas en mesure de suivre le rythme de la croissance, alors oublions l'arriéré.
C'est comparable. Ma circonscription est composée de 25 communautés autochtones: 14 inuites, 9 cries et 2 algonquines, et le chiffre est sensiblement le même. Si on voulait combler tous les besoins, il faudrait construire 3 000 logements demain matin.
Dans cette même veine, un des témoins que nous avons entendus à Kuujjuaq hier nous a dit que si on s'attaquait au problème du logement dans les communautés, on réglerait 50 % des problèmes. Êtes-vous d'accord?
C'est un très long débat. Chose certaine, l'absence d'accès à un logement adéquat a des impacts sur la santé, l'éducation et la santé mentale. Les chances d'être exposé à de la violence conjugale dans un logement surpeuplé sont d'au moins 50 %. Par conséquent, en remédiant au problème du logement, on réduirait une grande part de nos problèmes sociaux.
Le logement compte pour beaucoup dans la qualité de vie d'une personne. Je vis dans une maison avec ma femme et mes deux enfants. J'ai déjà vu 18 personnes cohabiter dans ce même espace. Dans ces conditions, je ne peux même pas imaginer comment on peut arriver à trouver un coin tranquille pour faire ses devoirs ou pour avoir une bonne nuit de sommeil.
J'aimerais revenir au comité du Cabinet sur la qualité de vie. Je considère que c'est une initiative importante pour votre gouvernement. Je me demandais si vous vous penchiez également sur la question du coût de la vie dans le Nord. Il y a quelques années, lors de votre législature précédente, je me souviens d'avoir écrit au vérificateur général pour lui demander d'examiner le programme Nutrition Nord, entre autres. Il avait accepté de le faire, puis au terme de son examen, il avait conclu qu'il n'était pas du tout efficace. Il est même allé jusqu'à dire que le ministère responsable du programme n'avait pas les mécanismes en place pour vérifier où allaient les fonds et qui en bénéficiait réellement. Cela fait-il partie du travail qui sera confié au comité du Cabinet?
Je vais laisser Karen poursuivre, mais juste avant, je dirais que oui, dans une certaine mesure. Nous nous penchons sur les inégalités sociales dont M. Obeb a parlé lors de sa comparution, et je le répète encore. Lorsqu'on parle de gens qui vivent au seuil ou même sous le seuil de la pauvreté, la sécurité alimentaire est évidemment un élément important dont il faut tenir compte. Cependant, le fait que nos populations n'ont pas accès à la même qualité de vie ni aux mêmes possibilités auxquelles tous les Canadiens ont droit est une grande injustice sociale.
Le Canada vient constamment en aide à d'autres pays en leur versant du financement, alors qu'ici même au pays, des gens vivent entassés dans des logements surpeuplés où il n'y a pas de sécurité alimentaire ni de perspectives d'avenir. C'est un élément très important.
Je vais maintenant laisser Karen vous donner plus de détails. Ai-je tout dit? Merci.
J'ai une question d'ordre général. Compte tenu de tous les plans et de toutes les stratégies qui sont proposés par un grand nombre d'organisations et d'ordres de gouvernement différents, y a-t-il une organisation ou un gouvernement qui peut jouer un rôle de premier plan dans la coordination de toutes ces mesures préventives?
C'est notre bureau. À l'heure actuelle, nous nous concentrons sur notre plan d'action. Il y a différents indicateurs sur lesquels nous voulons avoir une incidence, mais nous avons besoin d'aide. Nous devons établir des partenariats.
Le gouvernement fédéral est l'un de ces partenaires. La GRC est une précieuse ressource, tout comme la Nunavut Tunngavik Inc. et d'autres intervenants. Nous voulons également participer à la stratégie nationale sur le suicide à mesure qu'elle sera mise en oeuvre. La stratégie de l'ITK, annoncée il y a quelques mois, est un pas dans la bonne direction. Je me trouvais également à Kuujjuaq lors de cette annonce.
Le gouvernement du Nunavut est un gouvernement représentatif, mais 85 % de notre population est inuite, et nous voulons nous assurer de travailler de concert avec notre population pour surmonter rapidement les difficultés que nous impose la société.
C'est terminé, Romeo. Merci.
C'est plutôt inquiétant. Ce n'est pas la fin, mais Michael McLeod va prendre le relais.
Merci, George et Karen, d'être ici aujourd'hui.
Je viens des Territoires du Nord-Ouest, comme vous le savez, et le taux élevé de suicide chez les peuples autochtones est une préoccupation que nous partageons tous dans le Nord. Le Comité recueille des témoignages et discute de cet enjeu depuis plusieurs mois déjà. Cette situation de crise sévit depuis longtemps. Il est important que nous mettions les choses en perspective, car je pense qu'au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavik, au Yukon et au Labrador, au cours des 15 dernières années, il y a probablement eu plus de 1 000 personnes qui se sont suicidées, mais la nation ne l'a pas reconnu pendant très longtemps. Je considère que nous avons maintenant l'attention de tout le pays.
Nous avons eu des voix puissantes parmi les jeunes et les leaders partout dans le Nord, et cet enjeu commence à recevoir l'attention politique qu'il mérite. Je crois que personne ne sera surpris d'apprendre que l'un des facteurs à l'origine de cet état de désespoir profond est le fait que les gens croient qu'il n'y a pas d'issue. Nous sommes confrontés à des situations difficiles. Le coût élevé de la vie y est pour beaucoup, de même que le logement inadéquat et les disparités socioéconomiques. Les jeunes se sentent déconnectés de leur culture, ce qui entraîne beaucoup de confusion au sein des communautés.
Je pense que nous sommes tous conscients qu'il n'y a pas de solution miracle. C'est ce que nous avons entendu dans les communautés que nous avons visitées. Nous étions à Kuujjuaq et au Nunavut hier, et je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire dans ce contexte au chapitre de la prévention, mais il faudra investir suffisamment dans le Nord, comme vous l'avez mentionné. Nous devons nous attaquer au problème du logement. Nous devons accroître le nombre de logements au sein de nos communautés. Il faut offrir de meilleures possibilités d'éducation. L'économie doit être plus performante. Nous avons besoin de plus d'emplois et de plus de travailleurs.
Nous devons nous occuper du problème des traumatismes et des abus physiques et sexuels dans nos communautés. Cette situation peut découler de plusieurs facteurs, mais une chose est sûre, on a évoqué les pensionnats indiens lors de nos visites. Nous devons absolument trouver le moyen de régler les problèmes de toxicomanie qui existent dans chacune de nos communautés, y compris la mienne. Pour la plupart, nous ne disposons pas des ressources ni des installations pour y faire face.
Nous avons entendu beaucoup de choses au cours de notre visite. On nous a parlé de la nécessité de créer des centres d'aide, des centres culturels et des centres familiaux au sein des communautés. J'aimerais également parler du programme des centres d'amitié que l'on trouve dans les communautés au sud et qui semble bien fonctionner, ainsi que les programmes d'enseignement destinés à la petite enfance. Dans le cadre de nos visites, les gens nous ont dit qu'ils souhaitaient voir des solutions communautaires élaborées par les communautés et les gens d'ici.
Par conséquent, d'après votre expérience, et je sais que vous êtes ici depuis longtemps, quelles sont les approches qui sont efficaces au sein de nos communautés? Quelles mesures envisagez-vous pour remédier aux problèmes auxquels elles sont confrontées?
Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, Michael. De plus, je crois qu'il serait très difficile de trouver quelqu'un au Nunavut, aux T.N.-O., au Labrador ou au Nunavik qui n'a pas été touché par la question du suicide.
En ce qui concerne les choses qui ont fonctionné et celles qui doivent être améliorées, vous avez parlé d'une rupture culturelle. En effet, un grand nombre de nos jeunes ne savent pas où est leur place en ce moment. Vivent-ils dans une société occidentale? Vivent-ils dans une société de culture inuite avec les valeurs associées à cette culture? Nous avons un pied dans chaque société et nous devons jeter des ponts entre les deux et célébrer les liens culturels que nous entretenons entre nous et avec la terre.
Chaque jour, nous perdons une partie des valeurs transmises par nos aînés. J'interviens manifestement dans le dossier des aînés, et ces derniers ont tellement de connaissances à offrir et ils souhaitent ardemment aider nos jeunes à s'adapter à la société d'aujourd'hui. Nous devons nous efforcer de fournir à nos jeunes les outils nécessaires pour relever les défis auxquels ils font face. Nous devons leur fournir l'occasion de vivre et d'apprendre et de savoir que le suicide n'est pas une solution. Vous avez dit plus tôt que lorsque nos enfants se retrouvent dans une situation où ils jugent qu'ils n'ont pas d'autre choix, c'est justement le moment de leur offrir de nouveaux choix, afin que le suicide ne soit plus une option.
J'ai plusieurs questions, mais étant donné que mon temps est limité... On a mentionné à de nombreuses reprises que la langue était une partie importante de l'expérience de grandir dans ces collectivités. Pourriez-vous nous parler des plans du Nunavut pour continuer d'appuyer l'enseignement des langues dans les écoles et ailleurs?
Je suis probablement la pire personne pour répondre à cette question, Michael. J'ai perdu ma langue maternelle lorsque j'étais enfant, mais je crois aussi que cela me rend plus conscient de l'importance de ce dossier. La langue inuite contient plusieurs mots qui ne peuvent pas être traduits en anglais. En collaboration avec le ministère de l'Éducation et la section des langues officielles, nous simplifions une grande partie des processus à l'aide de recommandations. Nous travaillons avec NTI et avec nos organismes inuits régionaux pour accélérer l'offre d'occasions de formation langagière non seulement pour nos jeunes, mais également pour les gens comme moi qui ont perdu leur langue maternelle, mais qui souhaitent être capables de fonctionner à un certain niveau dans cette langue.
Merci, monsieur le ministre.
Nous entamons maintenant la série de questions de cinq minutes. La parole est à Arnold Viersen.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
Ces derniers jours, nous avons été littéralement submergés par ce sujet, et dans une certaine mesure, les questions ne font que s'accumuler. Vous êtes le ministre de la Santé, et l'une des choses qui viennent à l'esprit, c'est le tabagisme, car notre nation s'est attaquée à ce problème il y a plus de 30 ans. Nous avons observé une baisse spectaculaire en ce qui concerne l'utilisation des cigarettes, etc. On a utilisé une approche à plusieurs volets dans ce dossier. Par exemple, on a adopté une approche fondée sur les taxes et une autre fondée sur l'éducation. C'est l'un des éléments que j'examine dans ce contexte.
Avez-vous adopté une approche fondée sur l'éducation comme l'a fait Santé Canada dans le cas du tabagisme? On pense que l'éducation, c'est toujours l'éducation, mais je parle d'une initiative de Santé Canada qui a utilisé la publicité et d'autres moyens de communication pour raconter une histoire inspirante et pour transmettre un message positif. Ces sujets sont souvent abordés de façon sombre et déprimante. On nous a même dit que le fait d'avoir ces discussions pouvait provoquer des tentatives de suicide. C'est la question qu'il faut se poser. Que faites-vous pour élaborer une approche plus positive?
J'aime vraiment le rapport de l'ITK et les discussions sur l'ensemble des facteurs atténuants. Vous pouvez lire cette liste; je crois qu'elle contient cinq éléments. Avons-nous une famille qui peut servir d'exemple pour illustrer de bons liens intergénérationnels et une unité familiale cohésive qui fonctionne bien, afin de projeter une image positive qui viserait à dissuader les gens de poser ce geste et à les convaincre que la situation peut s'améliorer? Avez-vous mis sur pied un programme d'éducation ou un programme de publicité ou quelque chose de ce genre?
Le ministère de la Santé offre plusieurs programmes et un programme de lutte contre le tabagisme. Nous avons mené plusieurs campagnes sur la cessation du tabagisme dans lesquelles nous avons utilisé des affiches qui présentent des résidants connus dans la population.
Oui. Je ne parle pas spécifiquement du tabagisme, mais déployons-nous ce type d'efforts pour prévenir le suicide?
Nous avons lancé une campagne de promotion de la vie. Une grande partie de cette initiative est toujours en développement. En ce qui concerne la prévention du suicide, plusieurs initiatives sont en cours à l'extérieur de mon bureau, par exemple celle sur la prévention des blessures et sur l'importance de ne pas se blesser soi-même, ainsi que celle sur la promotion d'une bonne qualité de vie à l'échelle des territoires. Nous envisageons de lancer plusieurs campagnes, et nous avons besoin d'aide pour être en mesure de concentrer nos énergies sur des éléments précis.
Y a-t-il un leader inuit qui pourrait servir de modèle de rôle? Je crois que l'Internet nous pousse à nous enfermer dans nos silos. Où sont les personnes que nous devons suivre? Pour moi, ce sont les motoneigistes qui conduisent leur motoneige dans l'Extrême-Arctique, etc. Je trouve cela génial. Je ne le ferai probablement jamais, mais j'aimerais cela.
Existe-t-il un éventail de modèles de rôle inuits? Je présume que je recherche quelque chose d'inspirant.
Absolument. Vous avez visé juste. Nous devons célébrer. Il y a des gens dans notre société, et le premier qui vient à l'esprit... nous voulons nous concentrer sur les gens ordinaires, mais nous avons des leaders.
Il y a, par exemple, Jordin Tootoo. Il a mené plusieurs initiatives sur la prévention du suicide à l'échelle internationale. Il a réellement réussi à attirer l'attention sur les Inuits. Il a perdu son frère — mon cousin —, lorsque ce dernier s'est suicidé il y a quelques années. Plutôt que de se concentrer le côté négatif de cette situation, il a assumé un rôle de leadership.
Plusieurs personnes vivent dans les territoires, et nous avons tous été touchés par le suicide d'une façon ou d'une autre. Nous voulons continuer de travailler avec de nombreuses personnes à l'échelle communautaire. Ce sont des gens ordinaires qu'on peut voir tous les jours, et nous célébrons leur vie tout en faisant la promotion de leur mode de vie sain.
Arnold se discipline lui-même. Merci!
Michael McLeod posera la dernière question à ce groupe de témoins. Il a cinq minutes.
Je vais tenter de limiter mon préambule cette fois-ci.
Nous avons parlé de financement. Votre gouvernement a prévu de nouvelles ressources. Je crois qu'il a prévu 4,5 millions de dollars pour le Secrétariat de la qualité de vie. Le gouvernement du Canada a récemment annoncé 9 millions de dollars en financement. D'autres ressources sont disponibles.
Ces derniers temps, des personnes nous ont parlé des difficultés liées à l'accès au financement. Les exigences relatives aux propositions sont assez difficiles à maîtriser — par exemple, dans le cas de la rédaction. Le financement offert est inadéquat. Il semble que dans le cas de nombreux organismes et groupes qui souhaitent utiliser cet argent, les critères ne correspondent pas aux besoins.
Pourriez-vous nous en parler? On nous a également précisé qu'il faut attendre 32 semaines avant de recevoir l'argent, et qu'il faut ensuite se hâter de le dépenser. Le financement semble poser de nombreux problèmes. Avez-vous vécu certains de ces problèmes?
Oui, dans une certaine mesure. Je ne savais pas qu'il y avait une période d'attente. J'espère que ce n'est pas le cas.
Je me trouvais avec la ministre Philpott lorsque l'annonce concernant les 9 millions de dollars a été faite à Kuujjuaq. Nous travaillons à la rédaction de propositions. Je sais qu'il y a eu quelques défis et que les exigences liées aux propositions ne sont pas très claires.
Cela dit, nous devons plutôt envisager d'adopter une approche fondée sur les besoins, c'est-à-dire que s'il existe des programmes qui peuvent être améliorés, cela devrait simplifier le processus de proposition.
Parmi les nombreuses recommandations que — j'en suis sûr — vous présenterez, j'espère qu'il y en aura une sur la façon de simplifier le processus de financement, afin que nous puissions utiliser les fonds offerts. De plus, Santé Canada versera des fonds supplémentaires pour le financement de base au cours des prochaines années.
J'espère qu'il existe une façon de simplifier le processus de financement ciblé fondé sur une proposition, afin que nous puissions adopter une approche axée sur les besoins.
Ma prochaine question concerne le facteur de la confiance, car il semble que les jeunes, mais encore plus les aînés et la population adulte, sont très préoccupés lorsqu'ils doivent interagir avec la police, les travailleurs sociaux, les infirmiers et infirmières dans les centres de santé et les intervenants dans les écoles. On nous a dit que des gens ne voulaient pas entrer dans une école ou assister à une cérémonie de remise des diplômes, car ils avaient vécu des expériences scolaires très négatives dans le programme des pensionnats. Souvent, les gens qui occupent ces postes ne peuvent pas parler la langue inuite, et cela crée certainement un obstacle, et ils n'ont pas reçu de formation de sensibilisation à la culture. Ils ne connaissent pas l'histoire des Inuits, ils ne savent pas ce qu'il faut savoir sur la vie dans une petite ville ou dans une région isolée.
Votre gouvernement offre-t-il des programmes qui visent à améliorer cette situation et à relever ce défi?
Sans entrer dans les détails, il s'agit d'une approche très diversifiée. Tout d'abord, il faut qu'un plus grand nombre de nos résidents deviennent enseignants, intervenants en matière de santé mentale et psychologues, afin que nos gens à risque puissent consulter des personnes qu'ils connaissent ou qui sont au moins originaires d'un contexte similaire et qui parlent leur langue. Entre-temps, nous devons compter sur une expertise de l'extérieur et faire venir des professionnels du sud du pays.
Mais pour revenir aux compétences culturelles et à l'importance de connaître les gens, les professionnels qui sont envoyés ici doivent savoir à quoi s'attendre, et il faut enseigner cela dans les écoles et les universités. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a plusieurs défis à relever, car aujourd'hui, nos résidents tentent de surmonter les traumatismes qu'ils ont vécus. Nous avons besoin d'outils pour les aider, afin qu'ils ne s'enfoncent pas davantage dans ces traumatismes et entretiennent le cycle des répétitions. Nous devons élaborer des programmes qui aideront les gens à guérir, afin qu'ils puissent entrer dans une école et se sentir à l'aise, car ils auront surmonté leur traumatisme.
L'embauche de professionnels locaux doit devenir un élément clé de notre stratégie.
Merci beaucoup. Votre temps est écoulé, Michael. Merci.
C'est ce qui termine la partie de la réunion consacrée à ce groupe de témoins. Au nom des membres du Comité, j'aimerais remercier M. Hickes et la sous-ministre déléguée, Karen Kabloona, d'avoir comparu aujourd'hui, d'avoir livré un témoignage et de nous avoir donné des réponses réfléchies. Comme je l'ai dit au début, tout ce que vous avez dit aura un effet direct sur notre rapport final et, au bout du compte, sur les politiques et sur les budgets. Nous vous sommes donc très reconnaissants de votre témoignage.
La séance est suspendue pendant 20 minutes.
Nous reprenons la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes et notre étude sur le suicide au sein des peuples et des communautés autochtones.
J'aimerais remercier les membres de l'assistance qui se joignent à nous, et j'aimerais remercier spécialement nos témoins.
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants des trois organismes qui représentent Nunavut Tunngavik Inc. Nous accueillons James T. Arreak, directeur général, Jeannie Arreak-Kullualik, directrice du Département social et culturel, et Johannes Lampe, président du Gouvernement du Nunatsiavut. Enfin, nous entendrons Shuvinai Mike, directrice de l'Inuit Qaujimajatuqangit, gouvernement du Nunavut.
Je crois que nous entendrons d'abord M. Arreak.
Merci.
Qujannamiik. Ullukut, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Bonjour. Je m'appelle James Arreak. Je suis le directeur général de Nunavut Tunngavik, l'organisme de revendications territoriales responsable d'assurer le respect des droits des Inuits du Nunavut énoncés dans l'Accord du Nunavut, la Loi constitutionnelle de 1982, et ailleurs.
Au nom de la présidente, du vice-président et des membres du conseil d'administration de NTI, j'aimerais remercier les membres de votre Comité d'être venus au Nunavut.
Aujourd'hui, je me joins à vous pour discuter d'un enjeu très délicat et très important qui touche tous les Nunavummiut.
Au cours des dernières décennies, des traumatismes historiques et des problèmes sociaux aux niveaux communautaire et individuel ont contribué à la hausse marquée et regrettable du taux de suicide au Nunavut. Pour vous donner une idée, en 2009, le taux de suicide était de 83,9 par 100 000 habitants chez les Inuits du Nunavut, alors qu'il était de 11,7 par 100 000 habitants ailleurs au Canada. D'autres données indiquent qu'il y a eu 259 décès attribuables au suicide au Nunavut de 1999 à 2011.
En 2015, la conclusion de l'enquête du coroner sur les taux élevés de suicide au Nunavut a poussé le gouvernement du Nunavut à déclarer l'état de crise dans le domaine de la santé publique au Nunavut. Les partenaires de la Stratégie de prévention du suicide du Nunavut — la SPSN —, notamment NTI, le GN, la GRC et le conseil Choisir la vie, ont depuis publié un plan d'action d'un an ayant pour objectif la prévention du suicide, et nous travaillons à l'élaboration d'un plan de prévention du suicide qui sera mis en oeuvre de 2017 à 2020.
Les recommandations du coroner ont indiqué, de façon directe et indirecte, des causes systémiques de la crise liée au suicide. Parmi ces dernières, on retrouve notamment un traumatisme intergénérationnel attribuable aux pensionnats et à d'autres expériences coloniales, des logements inadéquats, le manque d'éducation à la petite enfance et le fait que le système d'éducation actuel du Nunavut ne respecte pas le droit des Inuits et de leurs enfants d'être éduqués dans leur langue et selon les principes de la culture inuite. Plus que jamais, les partenaires de la SPSN collaborent étroitement, afin de veiller à ce que ces recommandations soient mises en oeuvre. Il faut investir dans tous ces secteurs, afin d'améliorer la qualité de vie en général.
Ces dernières années, nous avons déployé de grands efforts pour comprendre ce problème afin de le régler dans nos collectivités. Nous avons participé à la création de nombreuses ressources et nous en avons élaboré d'autres, notamment un rapport de consultation communautaire, la Stratégie de prévention du suicide du Nunavut, le plan d'action de la SPSN, l'évaluation de la SPSN, des documents de recherche sur l'abus sexuel des enfants, sur la toxicomanie et sur l'éducation à la petite enfance, une analyse de l'environnement du centre jeunesse du Nunavut et un examen de l'historique des décès attribuables au suicide au Nunavut de 1920 à 2014.
Il a été parfois extrêmement difficile d'obtenir la participation des collectivités, car c'est un enjeu extrêmement difficile et pénible. Certains aînés ont laissé entendre qu'aborder la question du suicide de façon trop informelle représente un comportement irresponsable et que cela entraîne davantage de suicides dans nos vies, alors que d'autres reconnaissent que nous devons en parler afin de régler le problème et freiner sa progression. Par exemple, un mot en langue inuktitute utilisé pour décrire le suicide est une source de préoccupation, car imminiiriq signifie « faire par soi-même », et le mot utilisé pour la prévention du suicide, imminiiqtailimaniq, signifie « empêcher une personne de faire quelque chose par elle-même ».
Les Inuits du Nunavut ont également recommandé de ne pas faire preuve de sensationnalisme lorsqu'on parle du suicide, car un très grand nombre de personnes sont profondément touchées par cet enjeu, que ce soit directement, par l'entremise de leurs relations familiales ou par d'autres liens dans la collectivité, au travail ou au sein des systèmes de soutien.
À la page 7 de la SPSN, on décrit les effets des changements sociétaux rapides et des traumatismes historiques et intergénérationnels de la façon suivante:
Le traumatisme vécu directement par les Inuits pendant la période de transition coloniale a eu un immense impact sur toutes les générations... Ce traumatisme non résolu a compromis leur capacité d'exercer une saine gestion du stress.
En tant que représentant de près de 30 000 Inuits au Nunavut, NTI sait que le suicide peut être évité et que nous devons faire tout en notre pouvoir pour réduire les taux de suicide et préconiser des programmes et des services. C'est pourquoi NTI continue d'investir dans ce dossier et d'en faire une priorité.
En mai dernier se tenait, à Iqaluit, le Sommet des intervenants pour la prévention du suicide, intitulé « Atausiuqatigiingniq Inuusirmi — Unis pour la vie ». Cet événement couronné de succès a été organisé par les partenaires afin de mieux comprendre les ressources, les programmes et les initiatives au sein de notre communauté, ainsi que les défis auxquels font face les diverses communautés et leurs points de vue sur le problème du suicide.
Voici quelques-uns des thèmes abordés: le besoin de guérison au niveau communautaire, la nécessité de traiter le traumatisme intergénérationnel et de renforcer la confiance envers l'identité inuite, le besoin d'une éducation adaptée à la culture et à la langue inuites, la nécessité d'offrir des services de traitement de la toxicomanie dans tout le Nunavut et l'utilité des programmes de soutien pour les parents. Au nombre des autres politiques gouvernementales ayant marqué les Inuits, mentionnons celle en vertu de laquelle il incombe à la Couronne de collaborer avec les organisations inuites afin d'aider les Inuits à se réapproprier leur identité, leur langue et leurs coutumes. Vous, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, avez pour responsabilité fiduciaire d'assurer un financement pluriannuel continu et d'aider les organisations inuites à financer les services de prévention du suicide et de traitement de la toxicomanie. Je souligne que les Inuits doivent guérir du traumatisme intergénérationnel qui hante leur famille, leurs communautés et leur société.
L'identité revêt une importance cruciale pour nous. Aujourd'hui, nos jeunes vivent à cheval entre deux mondes: ils se font dire, d'une part, que, pour être des Inuits et pour avoir confiance en soi, ils doivent faire telle ou telle chose et, d'autre part, que leur langue et leur culture ont peu d'importance et moins de valeur que celles de la société occidentale canadienne. Ces croyances sont renforcées par le système d'éducation, les médias, la culture populaire et tout le reste.
En juin dernier, le premier ministre Trudeau a déclaré que le rétablissement des langues autochtones est un facteur clé pour prévenir les suicides des jeunes. La perte de la langue est, de nos jours, l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur le peuple inuit. Le facteur le plus important qui agit sur l'érosion de la langue et de la culture des Inuits est le système scolaire à prédominance non inuite. Au Nunavut, parmi les 9 247 élèves inscrits, 300 ne sont pas des Inuits; pourtant, on compte 453 enseignants non inuits par rapport à seulement 126 enseignants inuits. Il y a donc plus d'enseignants non inuits que d'élèves non inuits. En effet, 95 % des élèves du Nunavut sont des Inuits alors que 80 % des enseignants sont des non-Inuits.
Ces chiffres montrent qu'on perpétue, encore aujourd'hui, l'assimilation culturelle imposée aux Inuits à l'époque des pensionnats indiens. Les Inuits du Nunavut et leurs enfants ont le droit inhérent d'être instruits dans leur langue et dans leur culture. Or, ce droit n'est pas respecté aujourd'hui.
Il est intéressant de noter que l'investissement fédéral dans l'éducation et les services en langue inuite ne représente qu'une infime fraction du montant accordé à des services comparables offerts en français au Nunavut. NTI se réjouit certes de voir que le français est reconnu et appuyé, mais les dépenses consacrées à l'inuktitut devraient être proportionnelles à la population inuite. Afin d'en venir à bout des problèmes posés, entre autres, par le suicide et les faibles taux d'obtention de diplôme, les deux paliers de gouvernement doivent s'assurer de disposer de fonds suffisants pour faire respecter le droit des Inuits de recevoir une éducation dans leur langue.
Notre système d'éducation a besoin de vos investissements. NTI a d'ailleurs demandé que l'Inuit Qaujimajatuqangit, c'est-à-dire le savoir traditionnel des Inuits, devienne un programme commun ou une matière obligatoire.
Pourquoi faut-il huit ans pour faire approuver et mettre en oeuvre un programme d'études sur les revendications territoriales au Nunavut, axées sur les négociations antérieures, et sur les raisons qui ont motivé la création du territoire? On parle de huit ans.
En ce qui a trait aux services de santé mentale, nous avons besoin de toute urgence, au sein de nos communautés, des travailleurs en santé mentale qui parlent l'inuktitut et qui comprennent notre culture. Nous devons former des Inuits disposés à remplir ces rôles. Nous devons commencer à mobiliser des organismes comme Ilisaqsivik, à Clyde River. Nous savons que le gouvernement du Nunavut a pris des mesures ces dernières années afin d'accroître la capacité, mais nous avons besoin de beaucoup plus d'efforts dans ce domaine prioritaire. Il faut notamment mettre en place des mesures d'intervention appropriées. En collaboration avec les partenaires de la SPSN et du secteur de la santé, nous essayons de déterminer quelle forme prendront les groupes de guérison, d'accompagnement et de soutien en cas de deuil, en plus de mettre en oeuvre le plan d'action Résilience intérieure.
NTI continue de promouvoir l'accès à des services de santé mentale au Nunavut qui sont adaptés à la culture inuite. Cela signifie, entre autres, qu'on doit être capable de recevoir des soins en inuktitut.
Monsieur le président, le Rapport annuel sur l’état de la culture et de la société inuites a été déposé au Parlement. Le rapport, qui met l'accent sur la situation des enfants et des jeunes inuits au Nunavut, souligne l'importance et la nécessité d'un accès à des programmes de développement de la petite enfance dans sa langue ancestrale.
Par ailleurs, nous devons réorienter notre travail pour surveiller les programmes destinés aux hommes et le programme de soutien parental Inunnguiniq, qui renforcent directement les facteurs de protection dans la prévention du suicide. Je ne saurais trop insister sur la reconnaissance et la gratitude que nous éprouvons depuis longtemps pour cette initiative, ainsi que pour les travailleurs de première ligne qui continuent de diriger ces efforts et les dirigeants communautaires qui passent d'innombrables heures à travailler sur le terrain; nous les acceptons et nous les remercions.
Pour terminer, j'aimerais faire écho aux propos de nos aînés: oui, il y a de l'espoir et il y a de nombreuses façons de célébrer la vie. Bon nombre de nos aînés ont surmonté la misère et la famine, grâce à leur capacité éprouvée de survivre pendant des millénaires et d'aller de l'avant, sans jamais oublier de profiter de chaque jour qui passe.
Qujannamiik, monsieur le président. Merci.
[Le témoin s'exprime en inuktitut.]
Je sais très bien ce que c'est que de souffrir du suicide d'un être cher. J'ai perdu un frère, un neveu et un fils. Il y a beaucoup de douleur et de souffrance. Les répercussions sont d'une portée considérable. J'ai passé bien des nuits blanches, à tenter de comprendre pourquoi les gens choisissent de s'enlever la vie.
Le 9 août 2008 est une date qui restera gravée à jamais dans ma mémoire. C'est le jour où mon fils s'est enlevé la vie. Pendant longtemps, je me suis senti perdu, désespéré et dérouté. Mais j'ai fini par comprendre que je devais trouver la force de ramasser les morceaux de ma vie brisée, non seulement pour ma propre santé mentale et mon propre bien-être, mais aussi pour ceux des autres membres de ma famille qui comptaient sur mon soutien.
Mon histoire n'a rien d'unique. C'est un récit qu'on entend couramment dans tout le Nunatsiavut. Selon un article publié le 19 mai dernier dans l'American Journal of Public Health sur la mortalité par suicide à Terre-Neuve-et-Labrador, il existe d'importantes disparités en la matière entre les Autochtones et les non-Autochtones de la province.
Les résultats ont révélé que, sur une période de 17 ans, le taux de suicide à Terre-Neuve était de 8 décès par 100 000 années-personnes. Par contre, le taux de suicide normalisé selon l’âge au Nunatsiavut était de 165 décès par 100 000 années-personnes, ce qui est 20 fois plus élevé que le taux de Terre-Neuve. D'après l'étude, cette tendance s'observe dans tous les groupes d'âge. Toutefois, la plus grande disparité se manifeste chez les 10 à 19 ans. De plus, la majorité des décès étaient attribuables au suicide. Les taux de suicide étaient aussi plus élevés chez les femmes dans les communautés du Nunatsiavut.
Les recherches démontrent constamment des taux de suicide élevés auprès des populations nordiques et autochtones au Canada et ailleurs dans le monde circumpolaire. Cette étude souligne la nécessité de combler l'écart sur le plan des inégalités persistantes en matière de santé dans le nord du Canada. Menée en collaboration avec les gouvernements et les groupes autochtones au Labrador, l'étude repose sur diverses méthodes axées sur les communautés, notamment des consultations avec les aînés, les jeunes, les travailleurs en santé mentale, les intervenants communautaires, les cliniciens de soins primaires et les décideurs gouvernementaux.
Dans le cadre du lancement de la stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, le 27 juillet, le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a énuméré les facteurs suivants qui contribuent au taux élevé de suicide: le traumatisme attribuable à la réinstallation, le caractère inadéquat de l'éducation, la perte de notre autodétermination et notre incapacité de vivre la vie que nous menions avant d'être exposés à l'alcool, aux drogues ou à d'autres types de toxicomanie.
Je suis né en 1965, à Nutak. Quand j'avais neuf mois, ma famille et tous les membres de la communauté ont été forcés de déménager au Sud. Les habitants d'Hébron avaient connu le même sort en 1959. C'était des temps difficiles pour notre peuple, et une période triste de notre histoire. D'autant plus que de nombreux Inuits ne parlaient pas l'anglais.
Une fois réinstallés, nous n'avons pas eu le choix. Nous avons perdu nos territoires de chasse traditionnels. Il n'y avait pas de travail. Il n'existait aucun programme de soutien pour nous aider à nous adapter.
Nos vies étaient complètement chamboulées. Les réinstallations ont profondément marqué non seulement ceux qui ont été déplacés, mais aussi leur famille, et ces répercussions se feront sentir pendant encore des générations. Nous faisons toujours face à des taux de suicide élevés, surtout chez nos jeunes. Les taux de chômage dans nos communautés sont plusieurs fois plus élevés que la moyenne nationale. Nos taux d'alphabétisation, eux, sont beaucoup moins élevés.
Nous continuons d'être accablés par la douleur et la souffrance causées par l'alcoolisme et la toxicomanie. Une bonne partie de notre population continue de vivre sous le seuil de la pauvreté. Nous courons le risque de perdre notre langue et notre culture.
Voilà d'énormes défis que doit surmonter notre peuple, mais la difficulté est d'autant plus grande pour ceux qui ont été contraints de s'éloigner de leur foyer, ainsi que pour leurs enfants, leurs petits-enfants et bien des générations à venir.
Le gouvernement territorial du Nord a travaillé très fort, au fil des ans, pour sensibiliser la population aux problèmes de santé mentale et à la prévention du suicide. Nous continuons d'offrir de nombreux programmes de prévention, d'intervention et de postvention, et nous collaborons avec d'autres gouvernements, organisations et groupes afin de régler ces problèmes. À mesure que nous progressons, nous ne devons jamais oublier ce qui nous définit comme peuple. Soyons fiers de notre identité culturelle et efforçons-nous de trouver des moyens de revitaliser notre langue.
À mon avis, ce sont là des éléments essentiels à ne pas perdre de vue alors que nous empruntons le chemin de la guérison. Une stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits est, selon moi, un pas dans la bonne direction non seulement pour accroître la sensibilisation, mais aussi pour redonner espoir aux gens. J'ai bien hâte de voir cette stratégie à l'oeuvre pour le bien du Nunatsiavut et de l'Inuit Nunangat.
Nakurmiik.
Merci beaucoup, monsieur Lampe, d'avoir témoigné au nom du gouvernement du Nunatsiavut. Je vous en suis très reconnaissant.
Nous allons maintenant entendre une représentante du gouvernement du Nunavut.
Shuvinai Mike, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes. Merci.
C'est un honneur pour moi d'être ici.
Quand j'ai lu les exigences, je me suis dit que j'allais témoigner à titre personnel, mais je voulais aussi parler de certaines des initiatives menées au sein de notre ministère.
Tout d'abord, une enquête est en cours pour mieux comprendre comment aider ceux qui ont été touchés. J'en parle parce que...
[Le témoin s'exprime en inuktitut.]
Notre façon de comprendre ou d'interpréter les choses n'est pas pareille. Par exemple, à mes yeux, l'expression « survivant du suicide » peut vouloir dire que la personne a survécu à sa propre tentative de suicide.
Chez les Inuits, un des conseils que donnent les aînés, les parents et les proches à ceux d'entre nous qui ont perdu un être cher, c'est de ne pas sombrer dans le deuil. Il faut lâcher prise, nous dit-on, afin que l'esprit du défunt ne soit pas perdu.
Selon la tradition inuite, une des façons de composer avec la perte d'un être cher consiste à attribuer le nom du défunt à d'autres membres de la famille. Je dois vous avouer que ce n'est pas facile à faire sur le coup — du moins, en ce qui me concerne. J'ai dû écouter le conseil de mes aînés et j'ai fini par respecter nos coutumes et accepter la situation. Comme on dit, c’était plus facile à dire qu’à faire. Lorsque ma fille s'est suicidée, j'ai eu du mal à accepter que des nouveau-nés portent son nom, peu de temps après son décès, mais j'ai dû accepter et honorer cette tradition.
Je me suis débattue pour trouver du soutien auprès d'enseignants qui ont la formation nécessaire et qui comprennent quels types d'effets traumatisants le suicide peut avoir sur les élèves.
J'ai entendu un professionnel dire qu'il y a une différence entre la compassion et la discipline. Ces mots m'ont percé le coeur, parce qu'il y a une grande différence. Quand on a de la compassion, on peut alors gagner la confiance d'un élève qui a été touché. Si la discipline intervient avant même qu'on essaie de comprendre les émotions que l'enfant pourrait éprouver, ce n'est guère rassurant.
Nous avons besoin de services de soins de suivi. Nous pouvons certes compter sur le soutien de la famille et des amis. Il nous reste toutefois à comprendre et à connaître les raisons. Nous, les parents, avons tendance à protéger un enfant et à subvenir à ses besoins pour l'aider à surmonter une expérience traumatisante; nous essayons de déterminer comment l'enfant peut apprendre à vivre sans la présence de l'être aimé. Cela peut être difficile et épuisant sur le plan mental.
Le système scolaire a un rôle énorme à jouer, puisque les enfants passent plus de temps à l'école qu'avec leurs parents. C'est beaucoup demander, mais les enseignants sont les professionnels les plus importants.
J'essaie de m'impliquer, mais c'est surtout pour répondre aux attentes des autres. Je me rappelle avoir entendu certains dire: « Ressaisis-toi. L'enfant utilise cela comme excuse. » Volà des paroles qui sont, selon moi, très cruelles ou dénuées de compassion. Je leur demande sans cesse de se montrer compréhensifs envers un enfant qui a perdu un parent, de le traiter avec plus de compassion et de ne pas faire comme s'il s'en est sorti indemne.
Si je vous fais part de ces expériences vécues, c'est simplement parce qu'il n'y a pas de réponse à la question du suicide; il n'y a que des suppositions. Nous devons apprendre à gérer ces moments de colère. En tant que mère, quand vais-je cesser de pleurer et de me demander ce que j'aurais pu faire différemment? Pourquoi est-ce que j'éprouve tant de honte? Qu’est-ce que j’ai fait de mal, et pourquoi dois-je sans cesse rappeler aux autres de faire preuve de compassion, mais pas de pitié?
Je tenais à commencer mon exposé de cette façon parce que je veux raconter mon histoire, en tant que personne touchée qui doit maintenant s'occuper de ses deux petits-enfants, dont l'un n'a plus de parent. Je sais que le gouvernement et d'autres organismes ont les meilleures intentions du monde, notamment en créant des groupes ou même en organisant des marches.
Mais parfois les mots, surtout l'expression « prévention du suicide »... comme je l'ai dit dans la première partie, quand cette notion est transposée en inuktitut, cela veut dire que la personne essaie d'empêcher le suicide.
Du point de vue des Inuits, ces mots signifient, dans leur langue maternelle, qu'on empêche l'acte, comme si on était présent lors d'une tentative de suicide. Nous devons trouver des moyens de travailler avec les gens qui ont été touchés afin de trouver des ressources adéquates pour les services de suivi, et c'est justement ce qui fait défaut, d'après mon expérience à titre de directrice de l'Inuit Qaujimajatuqangit au sein du ministère de la Culture et du Patrimoine. Une grande partie du financement accordé par le ministère vise à aider les gens à préserver leurs pratiques et leurs façons de célébrer la vie. Ils n'aimeraient peut-être pas que l'objectif soit la prévention du suicide. Le but est d'amener les gens à réapprendre leurs modes de vie et leurs valeurs traditionnels dans leurs communautés, y compris dans nos communautés, parce que, comme James l'a dit, les jeunes vivent dans deux mondes.
Lorsque j'étais enseignante, j'avais l'habitude de dire que ce sont les aînés qui vivent dans deux mondes: la vie nomade et la vie moderne. Aujourd'hui, on dirait que, pour favoriser la construction identitaire et renforcer l'estime de soi, il faut offrir des ateliers sur la fabrication de parkas et d'autres objets similaires — des initiatives qui sont pertinentes pour les gens —, et ce sont là des façons de célébrer la vie. Dans le cadre de mon travail auprès des aînés, je m'occupe d'adapter la terminologie parce qu'ils ont du mal à comprendre une notion qui n'existe pas dans la tradition inuite.
C'est justement cet aspect, c'est-à-dire la perspective inuite, que je m'efforce de promouvoir au sein du gouvernement afin que les ministères cherchent au moins à comprendre les besoins des gens en tenant compte de leur point de vue, et non l'inverse.
Merci de votre attention.
Merci beaucoup.
Sans plus tarder, passons à la période des questions de sept minutes. Nous allons commencer par Michael McLeod.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Nous parlons de la question du suicide depuis maintenant plusieurs mois au sein de notre Comité. Nous avons entendu beaucoup de témoignages, dont certains brisent le coeur, comme c'est le cas aujourd'hui. Beaucoup de jeunes sont également venus témoigner devant nous. Ils traversent une période très difficile, et il n'existe pas de solution magique à ce problème. Toutefois, il y a de nombreux facteurs que nous pouvons signaler. Certains d'entre eux ont été mentionnés plus tôt aujourd'hui: logement, manque d'emplois, difficulté à recevoir une bonne éducation, sévices physiques et sexuels. Tous ces éléments entrent en ligne de compte.
Nous avons également entendu des jeunes nous parler de la perte de leur identité et de l'incapacité de se sentir fiers de leurs origines, ce qui est vraiment inquiétant. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, et on discute de cette question avec les peuples autochtones de la région. Les gens associent toujours la langue, la terre et la culture à leur identité. Pour beaucoup de jeunes, cela n'est plus possible parce qu'ils ne peuvent plus se rendre sur les terres ou parler la langue ou encore, parce qu'ils ne connaissent pas leur culture ou leur histoire.
Je pense qu'il y a beaucoup de choses que nous pouvons essayer de faire, beaucoup de recommandations que nous pouvons formuler, mais l'un des principaux objectifs est d'amener les gens, surtout les jeunes, à se sentir fiers de qui ils sont. Tout le monde devrait être fier, que l'on soit Inuit, Déné ou Métis.
Je suis très curieux de savoir ce que vous en pensez. Si vous deviez rédiger le rapport du Comité, quelles seraient vos recommandations et qu'auriez-vous à dire au sujet de la réappropriation de l'identité? Je sais que nous en avons parlé un peu, James, et je suis vraiment curieux d'entendre ce que vous auriez à nous dire pour nous aider à formuler nos recommandations.
Merci.
Merci de me poser la question, Michael. Je sais que le sort des jeunes est une grande préoccupation pour vous. Je crois qu'il en va de même pour nous, parce que la majorité des gens du Nunavut sont âgés de moins de 25 ans; cela nous préoccupe donc au plus haut point.
Nous déployons des efforts. Par exemple, à Clyde River, on a pris des mesures d'atténuation au sein de la communauté en prévision de problèmes de ce genre, dans le cas de jeunes vulnérables. On a mobilisé des aînés afin qu'ils aident les jeunes à se ressourcer grâce à un retour à la terre, le temps de sentir qu'on prend soin d'eux, de renouer avec des lieux communs et de se trouver dans un espace propice à l'introspection, un endroit où ils peuvent recevoir les soins dont ils ont besoin. La construction identitaire des jeunes est un grand sujet de préoccupation pour NTI.
Toutefois, parallèlement à cette initiative, le gouvernement procède à la fermeture de foyers de groupe pour jeunes à Iqaluit, qui sont pourtant si nécessaires. Selon moi, c'est tout à fait insensé. Il est néanmoins difficile d'essayer d'établir un certain équilibre dans les efforts visant à aider les jeunes à aller de l'avant. Ils ont besoin d'attention parce qu'ils font face à des problèmes avec lesquels je n'ai jamais eu à composer. À certains égards, j'ai connu mon lot de problèmes, mais le contexte actuel n'est pas le même. Quand j'étais jeune, c'était différent. J'avais des parents bienveillants qui me disciplinaient. Aujourd'hui, certains jeunes n'ont pas la chance d'avoir des parents attentionnés qui sont prêts à s'occuper d'eux.
C'est une question très difficile et très délicate, mais sachez qu'un de nos principaux objectifs est de rétablir la fierté chez nos jeunes et de leur apprendre qui ils sont.
La question des pensionnats indiens a été soulevée à maintes reprises dans nos discussions. Lors de son témoignage, le sénateur Sinclair nous a dit que depuis l'entrée en vigueur de la politique des pensionnats indiens, le gouvernement a porté un coup dur à notre culture et à notre identité pendant sept générations, et il nous faudra probablement le même nombre de générations avant de nous en remettre. Je crois honnêtement qu'il nous faudra beaucoup de temps. Voilà pourquoi nous devons commencer à reconquérir notre identité.
Vous avez mentionné dans votre exposé, James, qu'il faut se réapproprier son identité. Vous avez aussi dit qu'il s'agit d'une responsabilité fédérale. Je suppose que vous faisiez allusion aux investissements et aux ressources. Vous pourriez peut-être nous expliquer ce point ou nous en dire un peu plus.
Merci de la question.
NTI est disposé à collaborer avec le gouvernement fédéral pour élaborer un programme d'enseignement qui soit pertinent et adapté à la culture inuite. Par ailleurs, en ce qui concerne le financement, nous aurions intérêt à conclure des ententes de financement pluriannuelles au lieu de compter sur un financement à la pièce, parce qu'il est tout à fait urgent de relever ce défi dans l'immédiat.
J'espère que cela répond à votre question. Je crois que les autres témoins veulent ajouter des observations.
Merci, monsieur le président
La principale recommandation qui ressort de chaque réunion de comité, de chaque séance de consultation et de chaque groupe de travail, c'est que nous devons d'abord surmonter le traumatisme intergénérationnel et le deuil de la perte de nos êtres chers avant même de nous attaquer au...
Puisque 60 % de notre population est âgée de 25 ans et moins, nous devons également établir un équilibre entre ce qui est bon pour la vieille génération et ce qui l'est pour la jeune génération. C'est un équilibre très délicat, et je conviens que ce travail nécessitera des années. Par ailleurs, le message qui revient à chaque conférence et à chaque sommet, c'est qu'il ne s'agit pas d'une solution ponctuelle; il faudra des années, surtout lorsqu'une personne doit acquérir de la confiance pour pouvoir communiquer tous les torts et toutes les injustices ou tous les traumatismes qu'elle a subis. Bien souvent, nous sommes dans le déni et nous ne voulons pas admettre ce que nous avons vécu.
Merci.
Monsieur Lampe, nous avons largement dépassé le temps alloué à cette question. J'espère que vous trouverez un moyen d'y revenir dans vos prochaines interventions.
C'est maintenant au tour de David Yurdiga.
Je vous remercie, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue aux témoins ici présents.
Il s'agit d'une question très importante pour nous tous, d'un bout à l'autre du Canada. Un des thèmes récurrents que j'entends est, selon moi, la famille. Famille saine rime avec communauté saine.
Je crois qu'il faut retourner en arrière et créer un climat familial heureux, chose qui n'existe plus. Les jeunes sont des passionnés, et je suis vraiment impressionné de savoir qu'ils seront les dirigeants de demain. Ils veulent foncer dans la vie, mais très souvent, ils se heurtent à des limites, faute de ressources, ce qui représente un défi. À l'avenir, nous devons mettre à leur disposition les ressources nécessaires. C'est toujours une question de dynamiques locales. Bien souvent, il est très difficile d'obtenir des fonds dans le cadre de programmes parce qu'il y a trop d'obstacles.
Ce que je préconise, au bout du compte, c'est un financement direct destiné aux jeunes, parce qu'ils sont notre avenir. J'ai entendu un commentaire qui m’a profondément touché; c'était au sujet d'un cercle familial brisé, et c'est très souvent une conséquence des pensionnats indiens.
D'après vous, comment pouvons-nous combler ce vide? Comment faire pour guérir les familles? Les pensionnats ont détruit une bonne part du cercle familial, d'où la difficulté d'essayer d'en atténuer les effets; c'est là un défi de taille pour tout le monde. À votre avis, comment pouvons-nous refermer cette blessure? Comment aller de l'avant?
Je crois que nous devons retrouver la vérité, qui remonte au premier contact. Dès l'arrivée des premiers Européens, les peuples autochtones du Nouveau Monde ont subi des conséquences. Plus de 500 ans plus tard, ces répercussions se font toujours sentir. De toute évidence, les Européens cherchaient à enrichir leur royaume dans l'Ancien Monde, et il ne fait aucun doute que les Français et les Anglais se sont servi des peuples autochtones et ils les ont amenés à s'entretuer.
J'estime que la reconnaissance de ces faits par le Canada et les provinces aurait une certaine incidence. Compte tenu de la structure gouvernementale — que ce soit le gouvernement fédéral, provincial, territorial ou une administration locale —, nous travaillons dans un système triangulaire; en l'occurrence, il s'agit même d'un carré. Or, nous devons former un cercle. C'est ce qui permettra d'assurer une continuité et de fournir les outils dont on a besoin pour travailler ensemble. Voilà comment on peut envisager la réconciliation.
J'ai moi-même dû faire face à la vérité et accepter les épreuves que j'ai vécues. Enfant, je pensais que cela faisait partie de la vie normale, en raison du système scolaire durant mes années sur les bancs de l’école. De nos jours, l'intimidation dans les écoles a un impact très négatif sur les enfants, et ce n'est là qu'un exemple. Or, l'intimidation ne se produit pas uniquement à l'école; elle survient aussi à la maison. Lorsque les enfants grandissent, cela se transforme alors en violence latérale. La violence latérale peut survenir dans n'importe quel contexte, autour de n'importe quelle table au Canada, même ici.
C'est ce qui constitue la vérité pour moi. La réconciliation est d'une grande importance et, comme Shuvinai l'a dit, nous devons retourner aux enseignements, c'est-à-dire aux connaissances traditionnelles inuites, et reprendre l'habitude de transmettre la culture et la langue de génération en génération.
J'estime que le Comité franchit un pas dans la bonne direction, et je vous en suis reconnaissant.
J'aimerais donner à Shuvinai l'occasion d'intervenir.
Mme Arreak-Kullualik aimerait aussi prendre la parole.
Madame Mike, vouliez-vous intervenir, vous aussi?
D'accord, Jeannie, nous vous écoutons. Il vous reste environ une minute.
D'accord. Merci beaucoup.
Je voulais dire que nous avons eu l'honneur d'organiser, il y a quelques semaines, un sommet sur les questions socioculturelles inuites. Le premier jour était consacré à une séance de guérison et de compte rendu structuré, mettant en vedette la chronologie des changements et des transitions de la société inuite.
Cet exercice s'articulait autour de trois objectifs. Le premier portait sur la guérison, parce que beaucoup d'aînés et de survivants des pensionnats nous avaient dit n'avoir jamais eu l'occasion de ressentir le sentiment de perte ou de faire leur deuil. Le deuxième objectif était de comprendre notre passé d'autonomie, d'autodétermination et d'autoréglementation. Le troisième objectif était de fournir des renseignements sur l'histoire récente, c'est-à-dire expliquer pourquoi nous avons conclu l'accord sur les revendications territoriales, comment le gouvernement du Nunavut a vu le jour et pourquoi notre accord sur les revendications territoriales contient une disposition, l'article 23, sur l'emploi et la consultation des Inuits, de sorte que le gouvernement consulte les Inuits au moment de créer des programmes et des services par l'élaboration de politiques ou par voie législative.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins.
J'aimerais m'adresser d'abord à Shuvinai Mike. Elle voulait répondre à certaines des questions précédentes, alors je pourrais aussi bien commencer par elle.
J'ai écouté avec attention votre témoignage et votre récit, et cela m'a ému. Vous avez beaucoup parlé de culture, de langue et de votre expérience. Plusieurs d'entre vous ont dit que leurs jeunes vivent dans deux mondes. Pour ma part, je suis né et j'ai grandi dans les bois. J'ai donc connu trois mondes: les bois, où je suis né et où j'ai grandi; les pensionnats indiens, où j'ai été envoyé; et, enfin, l'université.
Ma première question s'adresse à vous tous. Je crois que c'est une question importante pour les jeunes, qui ont d'ailleurs été nombreux à venir nous parler ces deux derniers jours. Comment pouvons-nous parvenir à un juste équilibre? Comment nous y prendre? Vous avez parlé des programmes à Clyde River, mais comment faire pour trouver le juste milieu?
Nous avons appris que chez les Cris, à la baie James, dont je suis originaire, une des solutions consiste à fermer l'école pendant deux semaines au printemps, dès l'arrivée des oies. Le village entier est vide pendant deux semaines parce que les enfants et les jeunes s'en vont avec leurs parents. Ils passent 15 jours dans les bois, à attendre l'arrivée des oies. Ils ont ainsi l'occasion, pendant deux semaines, de redevenir tout simplement des Cris, en plein territoire cri, et de parler uniquement leur langue. Cela les aide, selon moi, et j'en ai été moi-même témoin.
J'aimerais d'abord entendre vos réflexions sur la façon d'atteindre un équilibre dans le Nord. J'aurai ensuite quelques autres questions à poser.
Je crois que cela rejoint un peu ce que j'ai écrit dans mon mémoire, plus précisément en ce qui concerne la décolonisation du système scolaire. Nous savons déjà que le programme Nunavut Sivuniksavut, en Ontario, est une réussite et un modèle à suivre. Alors, pourquoi les écoles secondaires n'offrent-elles pas le même genre de programme, surtout au Nunavut?
Si seulement j'avais plus de temps.
Dans le cadre de mes études de maîtrise, j'avais écrit un article sur les raisons pour lesquelles les élèves inuits éprouvent des difficultés en 10e année. Je ne parlerai ici que du niveau secondaire, parce que je me fie à mon expérience. Il faut que plus de gens comprennent cette réalité.
Je sais que la situation pourrait être différente aujourd'hui, mais il y avait à l'époque trois systèmes: le programme de cours théoriques, le programme à prédominance non inuite et le programme général. On n'offrait même pas de cours de physique. En sciences, il y avait quelques programmes d'ordre général. Les cours étaient différents de ceux du programme théorique. Dans le programme général, on pouvait obtenir un diplôme, mais ce n'était pas suffisant pour faire des études collégiales.
Si j'insiste là-dessus, c'est parce que mon objectif est de décoloniser le système. Il nous faut des écoles qui favorisent la vie saine et qui célèbrent les différentes cultures, au lieu de se contenter de promouvoir le dynamisme et la majorité, nous réduisant ainsi à une position minoritaire sur notre propre territoire. Par ailleurs, notre système scolaire n'est pas, en grande partie, adapté aux besoins de la majorité inuite. Cette situation existe encore aujourd'hui. Elle perdure depuis maintenant 40 ans. C'était il y a 20 ans, et j'ai été enseignante pendant 23 ans.
Nous avons besoin d'ateliers consultatifs. Nous devons enseigner l'histoire d'une manière qui interpelle les élèves. Il faut inculquer la fierté à nos jeunes, et cela ne comprend pas seulement les élèves qui sont doués ou qui sont plus privilégiés que d'autres. Beaucoup d'élèves sont laissés pour compte à cause de cela. Selon moi, la décolonisation du système actuel serait la bonne solution.
Je voulais simplement souligner que même si l'érosion de notre langue nous préoccupe beaucoup, nous avons des programmes qui fonctionnent. Nous avons, par exemple, une garderie en inuktitut à Iqaluit. Le fait de traiter les enfants avec respect et de leur prodiguer des soins dans leur langue les aide à gagner en confiance. Lorsqu'ils vont à la maternelle, ils sont totalement différents. Le programme a eu une influence positive; nous savons qu'il fonctionne. C'est quelque chose que je voulais faire remarquer au Comité.
[Le témoin parle en inuktituk.]
J'ai une question très brève. Nombre de ces points sont déjà prévus dans nos différents accords. À l'heure actuelle, avez-vous des problèmes de mise en oeuvre avec le gouvernement fédéral?
En règle générale, nous en avons, et ce, en raison du manque de politique de mise en oeuvre qui pousse les deux ordres de gouvernement à s'engager à mettre en oeuvre leurs obligations fédérales en matière de revendications territoriales de toutes sortes de façons.
James, j'aimerais vous demander de conclure ce point et peut-être de donner des détails sur ce que vous venez de commencer à dire.
Oui. En ce qui nous concerne, il y a eu très peu de mise en oeuvre. On déploie de véritables efforts, mais en réalité... Je pense que la coalition sur les revendications territoriales milite en faveur de nouvelles idées qu'elle propose au gouvernement fédéral pour qu'il se laisse guider par une politique qui l'aidera à axer ses ressources sur ses obligations. Je pense qu'il y a plus de 26 revendications territoriales au Canada, et les nôtres tombent sous le coup de l'article sur les traités modernes. Ces traités sont distincts, mais on nous donne la possibilité de cogérer les ressources. De plus, différents thèmes nous distinguent.
Cependant, essayer de travailler avec les deux ordres de gouvernement requiert des efforts quotidiens et il arrive qu'il soit pratiquement impossible de convaincre les gens de l'existence d'un problème systémique, d'une barrière pour les Inuits. Parfois, les questions que nous portons à votre attention nous donnent du fil à retorde. Nous vous savons gré de nous donner l'occasion de le faire, mais c'est réellement difficile pour nous à ce stade.
Merci.
J'aimerais explorer un peu plus la question de l'éducation. Je sais que vous aviez mentionné dans votre présentation le droit inhérent à l'éducation en langue et en culture inuites. Je sais que vous avez parlé plus tôt du besoin de décoloniser le système éducatif. Si on tient compte de tous ces éléments, quelles mesures doit-on prendre dans le cadre du système éducatif actuel pour rehausser le taux de réussite global et permettre aux jeunes de poursuivre leurs études au niveau postsecondaire?
Vous avez aussi mentionné le ratio 95 %:80 %, mais pour accroître les nombres au sein de la population, les gens devront avoir la formation nécessaire, alors c'est un peu comme un cycle infini que l'on doit briser.
James, je mentionnerais simplement que Jeannie a aussi levé la main, alors pourriez-vous partager avec elle les quatre minutes qui restent?
Je dirai simplement que pour nous, l'éducation est un outil qui nous permet de rester nous-mêmes et de nous améliorer. Nous voulons nous en servir, entre autres, pour garder notre langue et notre culture. C'est tout ce que je voulais ajouter. Je vais laisser à ma partenaire le soin d'apporter d'autres précisions.
Merci.
Une des choses que NTI a proposées au ministère de l'Éducation a été la création d'un volet linguistique. Nous avions trois volets — le volet Qulliq est surtout en inuktituk — ainsi que trois modèles différents. Nous proposons maintenant la création d'un volet immersion en inuktituk.
Nous offririons aux Inuits dont la langue maternelle n'est pas l'inuktituk un programme d'introduction et d'immersion. Nous mettrions aussi leurs parents en immersion et les encouragerions à parler davantage en inuktituk et à accroître leur vocabulaire. De plus, le programme aurait un élément culturel qui expliquerait pourquoi l'apprentissage est si important.
Lors de la tenue du sommet inuit, les anciens nous ont notamment dit que nos écoles avaient besoin d'administrateurs, de directeurs et d'enseignants sensibilisés aux traumatismes, ce qui éviterait d'envoyer ou de signaler un élève aux services à la famille pour le placer en foyer nourricier ou quelque chose du genre. Nous pourrions comprendre pourquoi ils ont des troubles de comportement, pourquoi ils sont émotifs et pourquoi certaines choses déclenchent leurs émotions — les traumatismes.
Je pense que nous avons déjà fait valoir nos arguments pour en expliquer l'importance, sauf qu'on nous dit en même temps que si aussi peu de gens finissent leurs études secondaires, c'est parce que leur langue maternelle est l'inuktituk. C'est le contraire de ce que nous essayons de faire. Des études ont démontré que si vous avez la base linguistique nécessaire, vous pouvez mieux réussir au plan académique.
Je vais m'arrêter ici. Merci.
Je vais commencer.
Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il serait utile que le gouvernement fédéral et NTI s'engagent à travailler ensemble à élaborer un programme scolaire qui nous permettrait de façonner le type de programme qui aiderait nos élèves non seulement à perfectionner leurs compétences au plan académique, mais aussi à comprendre, au moyen de la langue et de la culture, comment ils peuvent devenir des personnes accomplies et capables de contribuer à une société en santé.
Merci.
Nous allons maintenant passer à une série de questions de cinq minutes.
C'est Arnold Viersen qui posera la première.
Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
Ma question s'adresse aussi probablement à James. Elle porte précisément sur l'éducation, sujet dont nous discutons beaucoup ici.
Je suppose que je vais commencer par le choix et la concurrence dans le domaine de l'éducation. Étudie-t-on ces questions? Je sais que dans ma propre collectivité, il arrive souvent qu'on ait des idées divergentes lorsqu'il faut déterminer, entre autres, qui devrait gérer l'éducation et l'orientation qu'elle devrait prendre. En Alberta, au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons eu une très vaste gamme de programmes éducatifs: l'enseignement à domicile entièrement dispensé par les parents, les écoles indépendantes, les écoles à charte, les écoles publiques, les écoles publiques catholiques, les écoles publiques chrétiennes. Il y en avait pour tous les goûts. On s'inquiétait de transmettre des messages divergents, mais on a remarqué qu'à long terme, le niveau d'éducation a augmenté dans l'ensemble. Nous avions différents volets, mais ils semblaient rivaliser les uns avec les autres, et le niveau a augmenté partout.
Les opinions sur l'objectif de l'éducation et ces types de questions diffèrent-elles au Nunavut et même au sein des communautés inuites? Les parents ont-ils l'option de refuser que leurs enfants fréquentent une école en particulier ou de dire qu'ils préfèrent leur enseigner eux-mêmes à la maison, les envoyer dans une école rurale et éloignée, les placer au pensionnat quelque part au Royaume-Uni ou quelque chose du genre? Ces types de possibilités existent-ils?
Permettez-moi de répondre.
Quand vous êtes arrivés, vous avez probablement vu le manque évident d'infrastructure. Cela vous dit immédiatement quelque chose en ce qui concerne les choix. Y a-t-il des restaurants où aller? Vous pouvez probablement compter vos options sur les doigts d'une seule main.
Lorsqu'il est question d'éducation, nous n'avons qu'une seule option. À cet égard, j'aimerais faire valoir que le manque d'information que nous, les parents...
Pour en revenir à Clyde River, il y a là-bas une école culturelle qui fait des choses remarquables pour les jeunes hommes dans le besoin. Quand ils y arrivent, ils sont absolument brisés et ont besoin d'aide, et après deux ou trois ans là-bas, ils sont transformés. Ils se rendent compte qu'ils ont été condamnés pour ce qu'ils ont fait de mal, et je pense que cela les aide.
Pour ce qui est de savoir si les parents ont envie d'envisager d'autres options, je dirais que oui, il est clair qu'ils en ont envie. Les gens sont enthousiastes. Une des présentatrices a enseigné pendant longtemps; elle possède de vastes connaissances. J'en connais d'autres qui ont créé leur propre programme en classe pour lequel ils ont fait eux-mêmes la recherche avec les anciens locaux, dont certains sont maintenant décédés. Ils ont perfectionné une façon d'enseigner, par exemple, comment fabriquer un kayak traditionnel. Je pense que cela suggère qu'il y a de l'intérêt.
Si je ne m'abuse, une des questions à considérer est celle de la réalisation. C'était aussi une chose à laquelle nous devions travailler dans ma propre collectivité, l'idée que la réalisation ne signifiait pas entrer à l'université; la réalisation, c'est d'arriver à pourvoir aux besoins de sa famille et à la protéger.
Y a-t-il moyen que nous travaillions à changer cette perception de ce que cela signifie de se réaliser au plan éducatif? Y travaillez-vous le moindrement?
Je ne sais pas si les autres présentateurs ont quelque chose à dire à ce sujet, mais je pense que nous allons...
Revenons à la vue d'ensemble. Lorsque vous êtes un marteau, tout ressemble à un clou. Lorsque vous êtes enseignant, l'université est le but ultime, et il arrive que ce ne soit pas là qu'on ait besoin d'aller.
Mon analyse est-elle juste?
Tout dépend de votre niveau de compétences. Je crois qu'en tant que parent, vous avez déjà des choix lorsque votre enfant arrive vers la fin de ses études secondaires — quelles options l'intéressent, les exigences qu'il doit respecter pour obtenir son diplôme d'études secondaires.
Nous avions aussi envisagé de créer une école inuktitut où on parlerait inuktitut à 90 %. Au début, c'est ce pour quoi une des écoles primaires d'Iqaluit, l'école Joamie, a été fondée, mais en raison de toutes les autres exigences et du nombre d'élèves qui n'avaient pas de compétences en inuktitut ou qui étaient incapables de le parler, mais dont on s'attendait qu'ils choisissent le volet inuktitut, cela a vite changé.
Lorsque NTI a proposé d'envisager à nouveau de créer une école inuktitut, il s'est fait répondre qu'il faudrait que ce soit une école privée, ce qui n'avait aucun sens pour nous puisque 95% des élèves qui fréquentent l'école publique au Nunavut sont inuits et ont été inscrits au titre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
Merci, monsieur le président.
Je voulais parler un peu des jeunes, mais aussi des adultes dans cette situation. En général, nous nous sommes intéressés aux jeunes et à la question du suicide chez les jeunes. Nous avons entendu bien des témoignages concernant les jeunes.
Nous avons visité une communauté où, à un moment donné, 80 jeunes faisaient l'objet d'une surveillance parce qu'ils étaient à risque de se suicider. L'école nous l'a signalé. C'était choquant, mais à la même école, lorsqu'on a remis aux élèves un questionnaire dans lequel on leur demandait ce qu'ils aimeraient changer ou régler, la très grande majorité d'entre eux ont répondu qu'ils voulaient qu'on s'occupe de régler les problèmes de leurs parents, alors nous ne devons pas uniquement nous préoccuper des jeunes, mais aussi des adultes.
Nous avons parlé de nombreuses options d'investissements potentiels pour régler certaines de ces situations. Nous avons parlé de centres de crise familiale. Nous avons parlé de programmes éducatifs et de programmes de la petite enfance, mais nous n'avons pas beaucoup parlé des adultes. Je sais que dans quelques-uns de vos points de discussion, vous avez mentionné le besoin de guérison et le besoin d'investir pour aider les adultes à gérer leurs situations.
Nous avons bien des situations dans lesquelles les adultes — les parents — ne transmettent pas vraiment l'information, n'enseignent pas leur langue aux enfants, ne leur apprennent ni leur histoire, ni leur culture, ni leurs pratiques traditionnelles, alors comment nous y prendre?
Dans son rapport, Jack Hicks a étudié les différences entre les jeunes et les moins jeunes. Il a observé que les facteurs de risque n'étaient pas les mêmes.
Je voulais savoir si les présentateurs avaient des façons d'aider les adultes à gérer la situation et à devenir de meilleurs parents, et aussi de meilleurs exemples dans notre société.
C'est une des questions les plus importantes qui doivent être posées.
Il est clair que les questions relatives aux pensionnats ont eu des conséquences sur les Inuits du Labrador et les groupes autochtones partout au Canada. Les anciens pensionnaires n'ont pas acquis les compétences parentales nécessaires pour s'occuper de leurs enfants. Lorsqu'ils deviennent grands-parents, ils transmettent le problème à la génération suivante. Les parents et grands-parents que nous sommes n'avons pas les valeurs autochtones que nos ancêtres ont eu la possibilité de nous transmettre.
Lorsque nos enfants ont été retirés de leurs maisons partout au Canada, on nous a enlevé une bonne partie de nos traditions. Les parents d'aujourd'hui, même les grands-parents, souffrent de divers types de problèmes. Ils n'ont pas acquis les valeurs que les Inuits ont eu la chance de recevoir à la naissance.
Nous devons en revenir aux enseignements des anciens. Comme les ministères travaillent en vase clos, nous devons tenir compte de ces questions. AINC n'est pas le seul ministère qui soit responsable et il n'est pas le seul à avoir un dossier sur les questions relatives aux groupes autochtones au Canada. C'est seulement lorsque les divers ministères commenceront à collaborer qu'ils prendront conscience du fait que le problème est plus grand que ce que nous voyons. Il est plus grand que ce que les groupes autochtones savent déjà.
Qujannamiik.
Merci. Je vois qu'il y a plus à dire sur le sujet. Il reste suffisamment de temps pour que les membres posent trois questions de plus, alors peut-être qu'un des membres pourrait continuer dans cette veine.
La prochaine question revient à Arnold Viersen.
Je pense que Jeannie et James avaient aussi quelque chose à ajouter.
M. Arnold Viersen: D'accord, allez-y.
Il est clair que sur le plan de l'éducation, pour que nos enfants et nos petits-enfants jouissent d'une bonne santé mentale, ils ont besoin d'être bien traités à la maison. Ils ont besoin de manger et de pouvoir dormir la nuit pour bénéficier du repos et de l'énergie dont ils ont besoin pour aller à l'école. La plupart d'entre eux ne se rendent pas à l'école parce qu'ils ont faim ou n'ont pas suffisamment dormi.
Ils n'ont pas la possibilité de parler de ce qu'ils veulent devenir, de leurs rêves de peut-être devenir enseignant ou policier ou même quelqu'un qui sert de modèle — un mentor. Selon moi, la seule façon de faire avancer le dossier de l'éducation sera lorsque nous nous pencherons sur les modèles, c'est-à-dire les mères et les pères; ce sera seulement lorsque d'autres parents commenceront à le voir, ou lorsque les gouvernements provinciaux et territoriaux commenceront à reconnaître la contribution des parents qui donnent à leurs enfants les soins dont ils ont besoin. C'est difficile lorsque le financement versé à une mère ou à un père monoparental est insuffisant, et ce l'est aussi lorsque les grands-parents prennent la relève quand les parents sont incapables de s'occuper de la santé de leurs enfants et d'assumer la responsabilité de les envoyer à l'école.
Nous devons étudier nombre de questions différentes, et il est clair que nous devons examiner des questions qui se rapportent aux enfants et aux petits-enfants.
Merci. Je vais essayer de répondre rapidement.
Disons que nos gens ont un grand besoin de services de santé, et qu’il faut les aider à tenir bon et à se débarrasser de leurs problèmes. Nous avons une stratégie en santé mentale, mais il faudrait qu’elle intègre les équipes mobiles d’intervention en cas d’événement traumatisant. Nous avons aussi besoin de plus de spécialistes en santé mentale, et il faut continuer de financer et d’appuyer les réseaux de soutien pour les personnes en deuil.
J’aimerais vous citer un passage que je crois pertinent, et qui est tiré d’un document sur la stratégie de prévention des suicides au Nunavut produit en 2009. Voici:
Les aînés sont un élément très important du cycle. Ils ont un rôle à jouer dans l’éducation des jeunes. Ils doivent encadrer les étudiants pour leur faire comprendre d’où ils viennent. Certains enjeux ont besoin d’une attention sur une base quotidienne, comme l’éducation, la guérison, etc., mais les jeunes doivent aussi commencer à comprendre que leur vie repose sur des assises solides sur lesquelles ils peuvent compter. Pour certains jeunes — surtout les jeunes adultes —, et notamment pour ceux qui ont des problèmes de toxicomanie, le suicide s’immisce dans le paysage. Il est nécessaire de mieux éduquer ceux qui sont à risque afin de leur faire prendre conscience de leur identité et de leur faire comprendre qu’ils peuvent être fiers de leurs origines.
Je vais dire quelque chose qui ressemble peut-être un peu à une affirmation.
Surtout dans les Territoires, on dirait que la vie d'une personne inuite baigne dans la soupe à l'alphabet: ARK, NIT et ainsi de suite. Je n'ai aucune idée de ce que... Chaque fois que nous accueillons un témoin, on nous inonde d'acronymes et de mots comme « approbation », « programme », « proposition », « taux » et « services ». Il y a tous ces mots. Je me demande s'il serait possible de passer à un monde où tous ces termes ne feraient pas partie du vocabulaire courant dans nos territoires. Je présume qu'on pourrait appeler cela un souhait.
La suite de nos délibérations nous donnera peut-être la réponse.
Merci, et tout particulièrement pour avoir permis à notre conversation de se poursuivre.
J'ai une autre question de cinq minutes de la part de Gary Anandasangaree.
Merci, monsieur le président.
Au cours des deux derniers jours, nous avons entendu un certain nombre d'allusions à Clyde River. Je sais que M. Arreak en a parlé. En une ou deux minutes, vous serait-il possible de nous donner une idée générale de ce qui se passe là-bas et des raisons qui expliquent ce succès. Enfin, pouvez-vous aussi nous dire s'il s'agit de quelque chose qui pourrait être repris ailleurs?
Il y a deux choses qui se passent à Clyde River. Tout d'abord, il y a la Société Ilisaqsivik, qui est une initiative qui vise l'instauration d'un programme de mieux-être dans la communauté. Ils ont des conseillers — des aînés respectés — qui ont des talents reconnus pour l'aide aux personnes en deuil. Encore une fois, il s'agit de situations d'importance névralgique. Donc, il y a ce programme qui leur permet de venir en aide à la communauté.
Deuxièmement, il y a une école « culturelle » qui s'adresse spécifiquement aux Inuits, et ce sont eux qui sont plus ou moins à l'origine de cela. Je ne sais pas si cela a été organisé avec le Collège de l'Arctique ou avec le gouvernement du Nunavut, mais je sais qu'elle a le rôle bien défini d'éduquer les étudiants au sujet de notre culture. L'enseignement thématique est fondé sur le cycle d'une année civile. L'année prochaine, le thème sera le caribou, la peau. L'enseignement se poursuit selon le cycle des saisons. Nous avons entendu dire que cette façon de faire donne des résultats très intéressants. Selon moi, c'est un programme qui doit être porté à l'attention du Comité et que le Comité aurait intérêt à examiner de plus près.
Merci.
Revenons-en à l'éducation. Madame Mike, vous avez parlé de décolonisation. Comment allons-nous faire cela compte tenu du caractère très occidental du système d'éducation?
C'est là toute l'idée de la purification, et l'éducation est un bon exemple. Le programme dont parle James, c'est ce qu'il faut pour décoloniser les écoles pour faire en sorte que la culture inuite soit estimée et enracinée dans nos écoles conformément au cycle des saisons, et pour qu'elle soit reprise par les parents. Je dis cela parce qu'ici, l'école commence à 8 heures du matin. Je crois que l'on ne m'a jamais demandé si un élève ou une jeune personne est en mesure d'apprendre quoi que ce soit à cette heure-là. J'ai vu des études qui affirment que 8 heures du matin, pour un adolescent, c'est comme 5 heures du matin. Le fait d'adapter le système scolaire à cet environnement irait dans le sens de la décolonisation. Nous écouterions ce que les parents ont à dire sur ce que le système scolaire devrait être, selon eux.
Je veux dire un mot sur les écoles privées, les pensionnats, ou peu importe comment on les appelle. Il y en a de toutes sortes dans le sud du pays. Ce n'est pas si facile de faire cela pour nous qui sommes là-haut. Il faut du financement pour avoir des écoles privées et toutes ces choses dont on parle. L'utilisation d'un modèle d'école comme celle de Clyde River serait une façon de décoloniser.
De quelle aide les parents ont-ils besoin pour appuyer leurs enfants à l'école? Je sais que le manque de soutien est l'un des problèmes intergénérationnels. Comment pourrait-on améliorer le soutien?
Les parents et l'école doivent travailler ensemble. L'école — et pas seulement elle, mais le gouvernement dans son ensemble — doit comprendre ce qu'est la compétence culturelle et ce que sont les différences culturelles. Toutes ces notions sont très importantes pour être en mesure de discuter des façons dont nous pourrions travailler ensemble, des façons de communiquer avec les parents. Ils veulent que les parents participent et, oui, nous essayons de les amener à participer. Si l'école répond par l'intermédiaire d'un système automatisé et qu'elle est unilingue, on ne peut pas parler de communication. Il y a beaucoup de choses dont il faut discuter et pas assez de temps pour le faire.
Nous manquons de temps. Du reste, Jeannie a levé la main. Je m'excuse.
La dernière question sera pour Romeo Saganash. C'est une question de trois minutes.
Soit dit en passant, nous étions censés parler avec les gens du groupe Ilisaqsivik de Clyde River — l'autre James Arreak, je présume —, mais leur avion a été annulé. Nous avons néanmoins soumis un témoignage pour eux, et nous allons prévoir du temps pour les rencontrer et parler de tout cela avec eux. Alors, merci de l'avoir mentionné.
Romeo, nous t'écoutons.
Je suis prêt à laisser un peu de temps à Jeannie si elle veut répondre à la question précédente, et s'il reste encore du temps, j'ai une question très personnelle à poser à Shuvinai.
Merci beaucoup.
Dans les capitales de chaque province, il y a des annonces sur les babillards qui invitent les gens à apprendre l'anglais comme langue seconde et d'autres pour des cours du soir en français langue seconde. Ici, nous n'avons pas ce luxe. Nous aimerions offrir des cours d'Inuktitut comme langue seconde, mais nous n'avons pas les ressources nécessaires. Nous n'avons ni la capacité ni les infrastructures pour ce faire. Pour ces systèmes de soutien, il faut passer par les églises, par la religion.
Une autre chose que nous voulions mettre sur pied, c'était Piqqusilirivvik. Cela s'est amorcé par l'intermédiaire des organismes inuits, en partenariat avec le Collège arctique du Nunavut et le ministère de l'Éducation. On se sert du modèle des écoles folkloriques du Groenland, où l'on vous réapprend ce que vos parents ont oublié ou ce qu'ils n'ont pas eu le temps de vous montrer: comment chasser, comment dépouiller un animal, comment suivre les conditions de la glace et comment interpréter la météo.
J'ai écouté très attentivement votre témoignage et le récit de votre expérience personnelle avec le suicide. L'une des questions que vous vous êtes posées, c'est « qu'est-ce que j'ai fait de mal? » Lorsque vous dites cela, je me suis demandé quels types de services vous ont été offerts pour vous aider durant cette période éprouvante, ce moment difficile. En fait, avez-vous constaté qu'il y avait un manque de services à cet égard?
Je crois que nous nous posons ces questions-là. De loin en loin, il y avait différents services, mais il fallait être référé, ce que j'ai aussi mentionné lors de la dernière enquête. Il fallait appeler le bureau de la santé mentale, mais avec une référence et par l'intermédiaire du numéro sans frais fourni par le gouvernement du Nunavut. Par ailleurs, l'offre était limitée. Essentiellement, le soutien m'a été prodigué par des aînées et j'ai dû recourir à l'auto-assistance. Je me suis retrouvée dans cette situation, mais je suis convaincue que je n'étais pas toute seule à me sentir comme cela à ce moment-là. Ce matin, j'ai ressenti de l'anxiété. C'est pour cette raison que je parle constamment de la terminologie associée au suicide. Ce sont des notions très anxiogènes lorsque vous êtes passé par là.
Merci, monsieur le président.
C'est vraiment une question très importante. Après avoir perdu un frère, un neveu et un fils, j'ai dû apprendre à dire « je t'aime ». Aujourd'hui, je suis capable de dire cela à mes petits-enfants, à ma femme, à ma fille et à tous les autres que je soupçonne de vivre des moments difficiles.
Lorsque je vois quelqu'un qui est en difficulté, je lui dis « je me fais du souci pour toi, et si tu a besoin de parler à quelqu'un, je suis là ». Pour les parents et les grands-parents, la chose la plus importante est d'apprendre à dire « je t'aime ». Je crois que c'est ce que nos enfants et nos petits-enfants attendent d'eux, et les uns des autres. Je crois que c'est la chose la plus importante pour aider à prévenir le suicide.
Merci.
Il serait difficile d'imaginer un mot de la fin plus fort et plus approprié que celui-là. Merci, monsieur Lampe.
Merci à tous les membres du groupe d'experts pour vos témoignages, et merci de nous avoir fait part si ouvertement des expériences que vous avez vécues et des sentiments qui vous habitent. Votre contribution est d'une grande aide pour le Comité. Merci beaucoup.
Nous allons faire une pause d'une heure, et nous serons de retour à 12 h 30 pour notre troisième groupe d'experts de la journée.
Merci.
D'accord. Nous allons commencer la séance de cet après-midi.
Bienvenue à cette séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Il fait bon de revoir nos témoins. Nous avons aussi eu une bonne discussion, hier soir.
Pour ceux qui sont dans les tribunes, nous avons aussi la traduction simultanée en anglais, en français et en Inuktitut, alors ne vous gênez pas pour vous servir des casques d'écoute fournis à la porte si vous voulez profiter de ce service.
Nous avons aussi, dans la pièce, une infirmière de la santé publique — elle nous envoie la main; merci de nous envoyer la main —, au cas où quelqu'un voudrait échanger avec elle à un moment ou à un autre. Cela lui fera plaisir de parler avec vous.
Je vais faire un survol du processus que nous utilisons dans nos réunions afin que tout le monde sache de quoi il retourne. Le groupe d'experts que nous entendrons est composé de trois organismes. Quel que soit le nombre de représentants, chaque organisme dispose de 10 minutes en tout pour faire son exposé.
À la neuvième minute, je vais brandir un petit carton jaune. Cela signifie que vous devriez penser à votre conclusion. Le carton rouge signifie quant à lui que vous devez vraiment mettre fin à votre exposé.
Les mêmes cartes seront utilisées lorsque les membres du Comité poseront des questions. Je vais donner des précisions là-dessus lorsque le temps sera venu, c'est-à-dire lorsque nous arriverons à ce segment, plus tard en après-midi.
Sans plus tarder, je suis vraiment heureux de souhaiter la bienvenue à la présidente du National Inuit Youth Council, Mme Maatalii Okalik. Merci beaucoup de vous être jointe à nous. Comme vous êtes la seule représentante de votre organisme aujourd'hui, vous avez les 10 minutes à vous toute seule.
Vous avez la parole. Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, aînés et jeunes Inuits, membres de l’assistance, bonjour.
Je m’appelle Maatalii Okalik, et je témoigne aujourd’hui à titre de présidente du National Inuit Youth Council, qui fait partie de l’Inuit Tapiriit Kanatami et représente la jeunesse inuite dans l’ensemble du Canada.
Avant de commencer, je vous signale que j’ai déposé les documents suivants auxquels je ferai référence tout au long de mon témoignage pour les besoins du compte-rendu: la version de cette année de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits de l’Inuit Tapiriit Kanatami; le rapport définitif de la Commission de vérité et de réconciliation, publié en 2015; les 94 appels à l’action que la Commission de vérité et de réconciliation a publiés en 2015; le rapport définitif de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996; et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Comme vous le savez, il y a environ 60 000 Inuits canadiens qui contribuent énormément à ce pays et qui avaient une vie florissante bien avant la création du Canada. Les jeunes constituent la majorité de cette population et ils sont pour moi une source intarissable d’inspiration en raison de leur force, de leur résilience, de leur intérêt soutenu pour la préservation et la promotion de leur langue, de leur culture et de leurs pratiques, ainsi qu'en raison de leur détermination à éradiquer le suicide.
Dans nos 53 collectivités qui se dressent sur la moitié du territoire et du littoral canadiens, le suicide est une épidémie. Dans certaines régions, il est question de crise. Toutes nos régions réclament des mesures depuis des décennies afin de faire baisser les taux de suicide chez les Inuits. Le taux de suicide chez les Inuits des régions est de cinq à vingt-cinq fois plus élevé que dans l’ensemble du Canada ou qu’ailleurs dans le monde.
On reconnaît que le suicide peut être prévenu dans 100 % des cas potentiels. Il nous faut une discussion nationale et une réponse d’envergure nationale. Maintenant que nous en discutons dans une perspective nationale, les causes du suicide doivent être reconnues et comprises. Selon moi, il s’agit d’un dialogue qui n’a pas besoin d’efforts concertés où le gouvernement devra réunir les faits afin d’engager une discussion fondée sur des preuves dans le seul objectif d’obtenir une validation pour s’attaquer au problème. Tout cela a déjà été fait, tant par vous que par nous. Quand je dis « nous », je parle des peuples autochtones du Canada. Le « pourquoi » du suicide se trouve dans l’histoire du Canada, dans cette vérité que tous les Canadiens ne connaissent pas.
Je reconnais qu’il y a eu une histoire avant la création du Canada, une histoire durant laquelle les Inuits étaient l’incarnation de l’autodétermination, une époque où ils vivaient selon les us et coutumes qui sont au cour même de nos êtres. Le suicide renvoie à ce principe d’autodétermination. Comment? Il faudra un effort concerté de la part de tous les Canadiens: le gouvernement fédéral doit honorer ses obligations fiduciaires envers ses citoyens et voir à la mise en œuvre des ententes relatives aux traités — dont nous faisons tous partie —, et il doit modifier ses politiques et ses allocations budgétaires en fonction de nos besoins; la société canadienne en général doit reconnaître et respecter l’histoire de la colonisation et notre droit de vivre en tant que peuple sur notre terre natale à l’intérieur du Canada, et elle doit jouer un rôle actif dans la réconciliation; les Inuits doivent continuer de se faire les ardents défenseurs de leur langue, de leur culture et de leurs pratiques, comme des individus et des parents en pleine possession de leurs moyens, et ils doivent eux aussi jouer un rôle actif pour la réconciliation au sein de leurs communautés.
Le « pourquoi » est enchâssé dans les rapports définitifs de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Commission de vérité et de réconciliation. Il a été décrit par les témoins qui sont venus témoigner devant votre comité permanent. Il est dans le besoin même d’avoir des traités modernes, dans nos accords de revendications territoriales. Enfin, le « pourquoi » est dans la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits.
Il n’y a rien de nouveau dans tout cela. Les Inuits canadiens n’ont pas la même qualité de vie que la majorité de leurs concitoyens. Dans l’Inuit Nunangat, 39 % des gens vivent dans des maisons surpeuplées, contre 4 % des autres Canadiens; 29 % d’Inuits de l’Inuit Nunangat qui ont entre 25 et 64 ans ont un diplôme d’études secondaires, contre 85 % pour l’ensemble des Canadiens; 70 % des ménages du Nunavut ne mangent pas à leur faim, contre 8,3 % dans le reste du pays.
Au Nunavut, il y a 30 médecins par 100 000 habitants, alors qu’il y en a 119 dans les services de santé en milieu urbain de l’ensemble du Canada.
L'espérance de vie moyenne des Inuits est de 70,8 ans, alors qu'elle est de 80,6 ans pour tous les Canadiens. Nous mourons plus jeunes en raison des inégalités sociales que je viens de mentionner, mais la principale cause de mortalité dans les régions peut être attribuée au suicide.
La prévention du suicide vise à combler l'écart relativement aux inégalités sociales pour les Inuits canadiens et inclut également la création d'une continuité culturelle.
Je peux vous affirmer aujourd'hui que les jeunes Inuits sont en pleine crise identitaire. Ce serait de la musique aux oreilles des députés qui siégeaient autrefois à la Chambre des communes. Pourquoi? Les lois et les politiques du gouvernement en matière d'assimilation stratégique en vue de créer une relation de dépendance avec le gouvernement ont, à certains égards, atteint leurs objectifs sur toute la ligne, comme nos statistiques le démontrent aujourd'hui.
Toutefois, vos collègues et vous pouvez renverser la vapeur et prendre l'initiative de contribuer à l'élimination des inégalités sociales. La continuité culturelle inuite est l'un des éléments de la lourde tâche qui nous attend, vous et nous. L'utilisation des connaissances inuites pour renforcer la résilience et la prévention du suicide est l'un des facteurs qui réduisent le nombre de suicides. Nos langues et notre culture sont la clé.
C'est dans l'intérêt des jeunes Inuits, soit la majorité de notre population et le groupe qui connaît la croissance la plus rapide — nous avons de plus en plus de jeunes familles —, de briser les cycles négatifs de traumatismes intergénérationnels au moyen de politiques fédérales et d'élever des enfants inuits en santé. Le gouvernement a également la responsabilité de contribuer à l'épanouissement d'enfants inuits en santé. Il faut également prévenir les suicides. Une autre solution est de veiller à ce que les Inuits aient accès à un ensemble de services de mieux-être mental qui reflètent notre culture. Nous devons surmonter les traumatismes et le deuil non résolus.
Les jeunes Inuits doivent avoir un bon taux de réussite à l'école en ce qui concerne tant les méthodes d'apprentissage occidental que les nôtres. Pour ce faire, le gouvernement doit verser des fonds pour l'éducation des Inuits à l'intérieur et à l'extérieur des territoires visés par des traités modernes. Je tiens à rappeler que ces solutions ne sont pas nouvelles.
Comme il est question des jeunes Inuits, j'aimerais souligner en particulier l'appel à l'action no 66 de la Commission de vérité et réconciliation:
Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir un financement pluriannuel destiné aux organisations communautaires oeuvrant auprès des jeunes pour leur permettre d’offrir des programmes sur la réconciliation, et de mettre en place un réseau national de mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires.
C'est réalisable, et je considère que cette solution nécessite l'intervention du gouvernement fédéral et permet une approche globale collectivité par collectivité relativement à la prévention du suicide. C'est notre responsabilité à tous. Les collectivités savent ce dont elles ont besoin, mais elles ont besoin d'investissements adéquats pour y arriver. Du financement à court terme pour avoir des résultats à court terme ne doit plus être la norme. Faisons-le ensemble.
L'expression « renouvellement des relations » n'est pas non plus un nouveau concept. C'est la conclusion du rapport de la CRPA qui remonte au dernier siècle. C'est une expression qui continue d'être répétée par le gouvernement, et ce, jusqu'à aujourd'hui. Assurons-nous que des mesures seront prises à cet égard. Définissons vraiment les relations entre les Inuits et la Couronne et respectons-les.
Quand je pense au suicide, je reconnais que c'est complexe de déterminer le « pourquoi » et la façon de l'éliminer. Cela doit être une approche globale qui donne aux Inuits la capacité d'atteindre le degré d'autodétermination que nous recherchons au Canada, et nous devons convenir d'égal à égal avec le Canada de la manière de nous attaquer au suicide. Nos jeunes d'aujourd'hui et de demain en dépendent.
Je félicite le Comité permanent et ses membres d'avoir fait du suicide une priorité, comme nous l'avons également fait de notre côté. J'ai hâte de lire le rapport que vous déposerez l'année prochaine après avoir terminé vos audiences et vos recherches en même temps que le Canada accueille le monde dans le cadre des festivités entourant le 150e anniversaire du pays.
Le suicide doit être chose du passé. Les inégalités sociales avec lesquelles doivent vivre les Inuits, comparativement aux autres Canadiens, sont intolérables. Nous devons mettre fin à la pratique du poids, deux mesures.
Pour citer le très honorable premier ministre du Canada, nous sommes en 2016.
Qujannamiik. Nakurmiik. Thank you. Merci.
Merci beaucoup, Maatalii, de votre exposé; je vous remercie d'avoir pris la parole au nom de votre organisme.
Nous continuerons d'entendre ce que tous les autres témoins ont à dire avant de passer aux séries de questions. Je suis très heureux d'accueillir des représentantes du Qarjuit Youth Council: la présidente, Alicia Aragutak, et la vice-présidente, Louisa Yeates.
Vous avez 10 minutes que vous pouvez partager entre vous deux. Merci.
Merci beaucoup de votre invitation.
Nous ferons aujourd'hui notre exposé au nom des jeunes du Nunavik. Je partagerai mes 10 minutes avec ma collègue, à qui je laisse le soin de se présenter.
Qui sommes-nous? Le Qarjuit Youth Council est un organisme jeunesse régional qui défend les intérêts des jeunes du Nunavik, qui représentent plus de 65,9 % de la population de la région. Nous avons des partenariats avec d'autres organismes régionaux qui sont essentiels pour répondre aux besoins des jeunes.
Nous consultons notre population pour améliorer les situations actuelles, connaître les enjeux et proposer des solutions qui viennent directement des jeunes. Nous aimerions mentionner les récentes consultations que le Qarjuit Youth Council a tenues pour confirmer auprès de la population nos priorités pour l'année à venir: la santé mentale et la sensibilisation au suicide, qui va bien au-delà de la santé mentale. Cela inclut des discussions sur notre passé, notre présent et surtout notre avenir.
Actuellement, les jeunes ressentent les conséquences de la rapide modernisation qui s'est produite au cours des trois dernières générations. La majorité de la population convient que les jeunes vivent actuellement une crise relativement à leur identité culturelle. Nous avons fortement l'impression que les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas totalement compris leur véritable identité en tant qu'Inuits, et les gens de la région ont l'impression que cette situation influe grandement sur l'estime de soi et la confiance en soi de nos jeunes.
La perte de l'identité du moi signifie que les jeunes n'ont pas de bases solides sur lesquelles bâtir leur vie. Nous croyons que cet aspect a également des conséquences sur les tristes statistiques en matière de suicide dans notre région. Il y a évidemment d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte, comme le coût élevé de la vie, le manque de logements et la faible quantité de ressources régionales dans toutes les sphères.
Le Nunavik offre également des programmes et des initiatives pour s'occuper des jeunes. Il y a d'excellents programmes, comme le programme de retour à la terre, mais les programmes ne sont pas uniformes; nous devons composer avec de nombreuses contraintes budgétaires.
La stigmatisation est un sujet très important dans notre région, et nous commençons à en discuter au Nunavik. C'est un sujet difficile à aborder qui nécessite une attention immédiate et particulière. Grâce aux services et aux ressources disponibles dans les divers ordres de gouvernement, nous souhaitons prendre des mesures adéquates sur le plan culturel en vue de passer à l'étape suivante de nos discussions.
Lorsque nous discutons du suicide, nous ne pouvons pas seulement nous concentrer sur une situation. C'est un sujet global qui est intrinsèquement lié à d'autres aspects de notre collectivité.
Les personnes que nous sommes et la place que nous croyons avoir dans notre société jouent un grand rôle. Il est donc important pour nous de déstigmatiser ces sujets importants. Nous n'avons qu'à penser aux taux de suicide, aux grossesses chez les adolescentes, à l'orientation sexuelle, à la religion et à bon nombre d'autres sujets touchant l'éducation par rapport à la nature humaine.
Il y a également des facteurs qui découlent de notre passé. Nous pouvons tous convenir que notre réalité d'aujourd'hui ne se compare en rien à ce que nous savons de notre passé. Les Inuits sont forts et résilients. Ils ont survécu en Arctique dans des conditions hostiles et avaient leur propre façon de gouverner leurs collectivités mobiles. Ils avaient leur propre système d'éducation au sein de la collectivité pour prendre leur place dans la société: l'environnement. L'éducation était axée sur la culture et portait sur tous les aspects de la vie des Inuits: la médecine, la géographie, la spiritualité et bien d'autres éléments qui étaient pertinents à cette époque dans la région.
Nous avons utilisé notre propre système pour survivre durant des milliers d'années, et nous ne sommes même pas en mesure de dire aujourd'hui que nous avons notre propre système. Les Inuits sont en train de s'adapter à la société moderne, et nous devons définir ce que cela signifie vraiment. Nous essayons sans cesse d'être à jour quant aux modes de vie contemporains. Pour arriver à ce point, de nombreux événements dramatiques sont survenus et ont eu des effets sur notre peuple, notre langue et notre identité. Il faut évidemment tenir compte des conséquences importantes des tristes statistiques de notre région.
Je vais céder la parole à ma collègue, à qui je laisse le soin de se présenter.
Bonjour à nouveau. Je suis heureuse d'être ici. Je m'appelle Louisa Yeates, et je suis vice-présidente du Qarjuit Youth Council. Je vais poursuivre l'exposé. Merci.
En ce qui concerne les éléments régionaux, l'éducation au Nunavik commence par le développement de la petite enfance au sein du système de garderies. Nous enseignons aux enfants en bas âge dans leur langue maternelle. Ces enfants détiennent la clé de notre avenir, même s'ils n'en ont pas toujours conscience. Lorsqu'ils font le saut dans le système scolaire, l'enseignement se fait principalement en inuktitut pour les trois premières années.
L'éducation est essentielle pour tout le monde, mais nous semblons avoir de la difficulté à offrir aux enfants un enseignement adéquat pour développer et établir un avenir pour notre région. Nous disons souvent qu'il faut aller chercher l'appui des parents et des tuteurs, mais nous devons être réalistes. Nous vivons encore les effets de la décolonisation, et nous avons une génération qui a tellement été blessée par les pensionnats indiens que ces conséquences sont transmises sans le vouloir.
Notre taux d'abandon des études secondaires est de pratiquement 95 %. Nous devons redonner un second souffle à notre région, sensibiliser les gens et modifier leur perception de l'éducation. Les jeunes Inuits ont exprimé à quel point c'est important pour eux de rétablir des liens avec les générations passées et de réduire le fossé qui semble se creuser entre eux. Étant donné que les générations passées détiennent la clé de nos enseignements traditionnels et culturels que recherchent nos jeunes, il est clair que, si les jeunes veulent récupérer une certaine identité et confiance, ils doivent pouvoir apprendre d'où ils viennent et qui ils sont vraiment pour établir des bases solides sur lesquelles bâtir leur vie. Nous avons besoin d'aide additionnelle; il nous faut plus de locaux et d'endroits pour offrir de tels services.
Les logements inadéquats au Nunavik sont également un important facteur qui aggrave les problèmes de notre région relativement aux facteurs de risque et aux taux élevés de suicide. Si nous ajoutons à cela le coût élevé de la vie, ce n'est pas facile pour nos jeunes de n'avoir aucune option relativement à leurs conditions de vie. Ils doivent parfois vivre dans des logements surpeuplés et mal entretenus, et la situation devient intenable, parce que la pression ressentie pour seulement survivre est immense.
De plus, lorsqu'ils sont maltraités à la maison et qu'ils n'ont pas d'autres endroits où aller, les jeunes jettent souvent leur dévolu sur n'importe quoi pour les aider à tenir le coup, et ce sont souvent des échappatoires malsaines. Le Nunavik compte plus de 13 000 personnes, mais nous avons seulement 3 000 logements sociaux. Le coût élevé de la vie et la hausse annuelle de loyer de 8 % y rendent difficile et épuisante la survie, et c'est souvent difficile de voir au-delà de ces murs. Le Nunavik a besoin d'aide pour réduire le stress et les risques qu'entraîne le manque de logements pour notre population. Nous avons besoin d'aide additionnelle pour donner l'occasion à nos collectivités de ne pas se contenter du pire. Il faut investir davantage pour répondre aux besoins en matière de logement et pallier le coût élevé de la vie dans le Nord.
Depuis la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975, notre population a quadruplé. Les ressources dont nous avons besoin n'augmentent pas au même rythme que la population et le coût élevé de la vie. Dans bon nombre de chapitres de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ces questions ne correspondent pas à notre situation actuelle. Qu'il s'agisse d'emplois pour nourrir nos familles, de la gestion des terres pour créer des entreprises ou de l'amélioration de la qualité de l'éducation, de la santé et de tous les aspects du développement communautaire, nos régions ont besoin de ressources facilement accessibles.
En ce qui concerne les soins de santé, la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik a été en mesure de réaliser de grands progrès en vue de répondre aux besoins croissants de sa clientèle. Elle a cerné des facteurs qui contribuent aux risques de suicide, a élaboré des stratégies de mobilisation et a mis au point un plan d'intervention de lutte contre le suicide au Nunavik. Il reste des détails à régler, mais c'est un pas de géant en direction de notre objectif, même si cela nous semble encore être à des années-lumière.
Je vais laisser Alicia conclure l'exposé. Merci.
D'accord. Je vais passer à la conclusion.
Voici ce que nous aimerions proposer au Comité permanent. Nous aimerions établir des plans à long terme qui mettent l'accent sur les facteurs de risque de suicide: la guérison des traumatismes passés et l'adoption et la mise en oeuvre des 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons notamment mentionné l'appel à l'action no 66, tout comme l'a également fait Maatalii. Cet appel à l'action permettrait aux jeunes d'avoir un programme communautaire qui contribuerait grandement à rééduquer la population, à apprendre sur des événements historiques importants et à renforcer leur identité; des centres de guérison axés sur la culture et conçus précisément pour les jeunes; de meilleurs niveaux de vie; de meilleurs logements; etc.
Nous sommes un organisme chargé de l'élaboration de politiques, et nous aimerions vous demander d'intervenir, à titre d'organisme canadien influent, pour reconnaître que les jeunes d'aujourd'hui ont besoin de ressources pour trouver les racines de leur identité et nous aider à informer les décideurs sur les événements coloniaux, qui ont eu de graves répercussions sur les statistiques dans notre région.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup de votre exposé.
Passons maintenant à Nina Ford, qui représente la division jeunesse du gouvernement du Nunatsiavut.
Merci, Nina.
[ Le témoin s'exprime en inuktitut.]
Bonjour, je suis heureuse de vous revoir.
Je m'appelle Nina Ford. Je représente la jeunesse de Nunatsiavut, où tout le monde vous salue de la main et sait comment vous vous appelez.
Nunatsiavut comprend cinq communautés inuites, qui se situent toutes le long de la côte nord du Labrador. Du nord au sud, il y a Nain, Hopedale, Postville, Makkovik et Rigolet.
C'est aussi là que la première cause de décès est le suicide. Il est pour ainsi dire impossible de faire comprendre à des personnes non autochtones les effets dévastateurs du suicide dans nos communautés autochtones. Il est presque impossible d'exprimer cela par des mots.
Je sais que vous comprenez tous les statistiques, alors je vais vous en donner quelques-unes. En 1997, les résultats de l'enquête régionale indiquaient que 33 % des répondants de Nain avaient sérieusement songé à se suicider; cela représente un tiers de la population. À Hopedale, 25 % des répondants avaient pensé sérieusement à se suicider, soit un quart de la population.
De 1993 à 1998, entre un et cinq Inuits du Labrador se suicidaient chaque année; en 2001, ce chiffre est monté à neuf. En 2001 et en 2002, il y a eu un et deux suicides respectivement. Mais en 2003, nous avons eu une épidémie de suicides, 13, cette année-là. Nous avons eu cinq suicides en 2004, et sept en 2005. Au cours des 23 dernières années, plus de 100 Inuits se sont enlevé la vie, et cela ne s'arrête pas.
Le 9 septembre, j'ai donné une interview à l'émission de la CBC Labrador Morning. C'était il y a à peine deux semaines, et depuis nous avons eu deux autres suicides.
Les victimes du suicide, les personnes qui ont perdu un fils, une fille, une soeur, un oncle, un ami ou juste une connaissance, ressentent toutes la même douleur. Chaque perte laisse une même brûlure ou une même torpeur, une profonde douleur au fond du coeur. À la suite d'un suicide et en essayant d'aider des gens qui veulent se suicider, tout le monde se sent désarmé. On se sent impuissant. Quand vous perdez quelqu'un par le suicide, du fond de la douleur, vous pensez: « J'aurais dû m'en apercevoir », ou « J'aurais pu l'aider », ou « J'aurais dû lui dire ceci ou cela ». Nous nous blâmons spontanément. Ce n'est pas juste un sentiment, c'est un fardeau. C'est un fardeau écrasant que vous traînez avec vous pendant le reste de votre vie.
Makkovik a environ 370 résidents. La plus grande communauté de Nunatsiavut, Nain, compte environ 1 200 habitants. Chaque perte que subit une communauté inuite est ressentie dans toute la région; ce n'est pas comme de perdre quelqu'un en Ontario, où seuls les proches en sentent la douleur. Dans les petites communautés comme Makkovik, Nain ou Postville, la perte d'une personne touche tout le monde, et non uniquement la famille. Tout le monde en souffre.
Le suicide est une tragédie si fréquente que chaque fois que le téléphone sonne, votre coeur s'arrête. La perte n'est pas due au cancer ou à un accident en mer, soit à des causes qu'on ne peut contrôler. Dans le cas du suicide, vous avez le choix. Vous pouvez prendre les choses en main jusqu'à un certain point, et vous devez le faire, surtout dans le cas des personnes qui ont déjà fait une tentative de suicide ou qui y ont pensé. Alors que faire? Qu'est-ce que je peux faire?
Il semble bien que les progrès technologiques et les connaissances acquises à ce sujet ne suffisent pas. Notre counseling ne suffit pas. Nous n'avons pas réussi à leur apporter la paix ou à réduire leur souffrance. J'en arrive à la conclusion que nous faisons les choses d'une manière totalement incorrecte, et que si nous ne nous corrigeons pas à temps, les conséquences seront dévastatrices pour notre peuple.
Évidemment que nous pourrions construire d'autres centres de loisirs ou lancer d'autres programmes pour les jeunes de nos communautés. Vous pouvez construire les immeubles les plus chers dans vos communautés; personne ne niera que la vie moderne a ses avantages. Mais nous nous heurtons encore à la souffrance, peut-être même plus à l'heure actuelle qu'auparavant. Il est logique de chercher à établir un équilibre entre le développement matérialiste d'un côté et les valeurs spirituelles et culturelles de l'autre.
Pour apporter un changement efficace, nous devrions faire renaître et renforcer nos valeurs et notre culture inuites. Nous devrions aussi résoudre les grands problèmes sociaux comme le logement et les enfants pris en charge. Selon moi, toutes ces choses sont des mesures de prévention du suicide. Il faut que nous nous efforcions de ramener nos voix intérieures endommagées et rendues silencieuses par des générations de souffrance que nos ancêtres ont subie à cause des réinstallations, des pensionnats et d'autres traumatismes.
J'espère que vous partagez mon anxiété au sujet de la crise de suicide que nous traversons et que vous vous joindrez à moi pour demander à tous les humanitaires qui s'en inquiètent aussi de prendre des mesures pour nous assurer un meilleur avenir, parce que tous les humains méritent qu'on réponde à leurs besoins.
[Le témoin s'exprime en inuktitut.]
Merci, Nina.
Nous allons passer aux rondes de questions des membres du Comité.
La première nous vient de Gary Anandasangaree.
Une fois de plus, merci d'avoir présenté cette situation si clairement.
Vous avez mentionné plusieurs problèmes. Je voudrais revenir à ce que Nina a dit au sujet des enfants pris en charge. Nous n'avons pas beaucoup parlé de cette question. Je me demande si les représentants de chaque organisme pourraient nous expliquer brièvement les répercussions que ce problème a sur les communautés. Quels problèmes est-ce que cela cause? Dites-nous s'ils correspondent aux décisions de la Commission des droits de la personne sur les enfants autochtones pris en charge, et dites-nous quelles répercussions ils ont sur chaque jeune.
Bien sûr. Merci d'avoir posé cette question.
J'aurais besoin d'un peu de précision au sujet des enfants pris en charge. Parlez-vous des enfants qui ont été enlevés de leurs familles et placés dans le système?
J'ai peut-être mal compris quand vous avez parlé des enfants pris en charge. Je supposais que vous parliez des jeunes que la Société de l'aide à l'enfance ou que quelque autre organisme gouvernemental prend en charge. Il peut s'agir principalement de la Société de l'aide à l'enfance, ou de l'adoption, du placement en foyers d'accueil ou de toute autre forme de garde hors des familles des enfants.
Oui, c'est ce que je voulais dire. Quand on enlève les enfants d'un foyer où les parents se querellent, on les envoie parfois hors du Nunatsiavut, complètement en dehors de leur culture, ce qui complique beaucoup leur situation. Les parents se querellent encore plus parce qu'ils n'ont plus leurs enfants, ce qui cause des problèmes aux enfants que l'on a retirés de la famille. C'est ce que je voulais dire.
Merci d'avoir posé cette question et d'avoir donné ces précisions. Nous reconnaissons pleinement que la prise en charge des enfants crée d'énormes problèmes chez les Inuits du Canada. Certains affirment que la prise en charge est la nouvelle expérience de pensionnat à cause du grand nombre d'enfants qui la subissent, si l'on compare le pourcentage d'enfants inuits pris en charge au Canada. Je n'ai pas de chiffres exacts à ce propos, mais je suis sûre que vous comprenez la situation.
D'après ce que je comprends, il s'agit des politiques d'assimilation appliquées par le passé. Quand je parle du passé, cela remonte jusqu'au début du XXe siècle, à la génération de ma maman, la génération avant la nôtre. Les effets intergénérationnels de la réaction à ces politiques fédérales ainsi que celles d'autres intervenants qui ont participé à ces processus ont de très graves répercussions que nous devons corriger immédiatement.
Je n'en rejette pas l'entière responsabilité sur le gouvernement, nous en sommes nous aussi responsables. Pour y apporter une solution, je pense que, du côté du gouvernement — puisque nous sommes devant vous aujourd'hui —, il faudrait avant toute autre chose éliminer les inégalités sociales et économiques dans lesquelles nous vivons. Nos représentants de la jeunesse vous ont parlé des réalités régionales actuelles.
Une autre solution tellement simple que je ne devrais même pas être obligée de la mentionner est la mise en oeuvre des accords qui régissent notre vie quotidienne et donc qui contrôlent ce qui se passe dans les ménages de tout l'Inuit Nunangat. La relation entre les Inuits et la Couronne nécessite l'engagement de tout le Cabinet. C'est aussi un exemple de solution globale qui fait partie de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral.
Maatalii, Alicia et Louisa ont indiqué qu'elles voudraient ajouter quelques mots. Il nous reste à peu près deux minutes, alors si l'on pouvait...
Je vais conclure très brièvement.
Il faut décoloniser notre population en renforçant notre langue et notre culture et honorer nos moeurs afin d'inspirer une fierté qui résoudra la crise identitaire des parents pour qu'ils créent un milieu sain pour leurs enfants. Il faut aussi investir dans l'éducation préscolaire et scolaire, de la maternelle à la fin du secondaire ainsi qu'au postsecondaire.
Qujannamiik
Bon, je voulais juste expliquer une phrase que j'ai prononcée pendant mon allocution. Tout en nous modernisant, l'art du parentage inuit devrait demeurer naturel. Mais on dirait qu'il n'existe plus. Je ne sais pas si l'on vous a présenté la triste statistique selon laquelle dans notre région, sept enfants sur dix sont pris en charge maintenant. Vous imaginez donc le nombre d'enfants placés, et comme on ne trouve pas d'endroits où les placer ici, le gouvernement les emmène dans le Sud, dans un milieu qu'ils ne connaissent pas du tout. Certains affirment même que tout cela, notre incapacité de prendre soin de notre système à titre d'Inuits, vient du fait que par le passé, nous avons été écartés de nos rôles et de nos responsabilités.
Je voulais juste expliquer cette pensée. Maintenant je cède la parole à Louisa.
Je sais, je vais parler très brièvement. Je tiens à souligner que la Loi sur la protection de la jeunesse n'est pas du tout adaptée à notre culture.
Je parle d'expérience, parce que j'ai siégé au comité consultatif de la jeunesse. On y trouvait des normes pour les foyers d'accueil qui étaient absolument ridicules, elles n'avaient rien à voir avec notre réalité. Les chambres des foyers d'accueil acceptables devaient avoir des dimensions bien déterminées et contenir une commode placée à cinq pieds de la fenêtre.
Malheureusement, nous ne pouvons pas suivre ces normes. Nos logements sont déjà surpeuplés. Si nous avons un lit supplémentaire, un foyer sécuritaire, de la nourriture dans le réfrigérateur, ce devrait être acceptable. Selon nos normes culturelles, c'est acceptable, mais comme la Loi sur la protection de la jeunesse ne correspond pas à notre réalité, on place nos enfants hors de notre région.
Merci.
Merci.
Avant de passer à la prochaine question, je tiens à accueillir chaleureusement le groupe de jeunes qui vient de se joindre à nous. Merci beaucoup de nous consacrer de votre temps aujourd'hui.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous sommes heureux de vous voir.
La prochaine question nous viendra de David Yurdiga.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Vous défendez ces enjeux avec passion en consacrant votre vie entière à apporter du changement. Je vous en suis très reconnaissant, parce qu'il faut que nous fassions quelque chose. Il est grand temps d'agir.
Pendant l'une de nos séances plus tôt cette semaine, je me souviens d'un jeune homme qui nous a dit qu'il était prisonnier entre deux mondes: il ne pouvait pas retourner en arrière, mais il n'arrivait pas à faire un pas en avant. Que devrions-nous faire pour aller de l'avant?
Si tous les témoins pouvaient nous faire part de leur opinion de cette affirmation, j'en serais très reconnaissant.
Oui. Un jeune homme nous disait qu'il était pris entre deux mondes: il ne peut pas aller de l'avant, et il ne peut plus retourner en arrière. Je voudrais comprendre cette affirmation et ce qu'elle représente pour vous.
Tout d'abord, à la façon dont j'appréhende les choses, si je comprends bien mon rôle de présidente du Qarjuit Youth Council, est de dire que nous avons une idée de qui étaient nos ancêtres. Quand vous dites que nous ne pouvons pas retourner en arrière, non, nous ne pouvons vraiment pas retourner en arrière, parce que nous n'allons pas vivre comme des nomades, n'est-ce pas? En ce qui me concerne, je crois que la prochaine étape, ce que nous visons, est de redéfinir qui nous sommes maintenant, en établissant un équilibre entre deux mondes: un équilibre entre notre base inuite et la société moderne dans laquelle nous vivons.
Je crois que la première chose que nous devrions faire, c'est définir notre statut et renforcer l'état où nous nous trouvons réellement. Il faudra pour cela donner beaucoup d'éducation, beaucoup de ressources parentales et de formation et aussi beaucoup de consultation auprès des jeunes. De plus, la décolonisation est un aspect extrêmement important pour cela.
Je vais faire une brève observation à ce sujet.
En écoutant ce qu'il dit, j'ai l'impression qu'il se trouve à une phase où il a perdu son sens de l'identité. Cela n'arrive que trop souvent aux Autochtones. C'est incroyablement difficile pour nous, parce que nous ne recevons pas d'éducation sur notre peuple. J'ai dû apprendre qui sont les Autochtones d'une personne aux États-Unis. Je traversais une période très difficile, et quand ce jeune homme dit qu'il est pris entre deux mondes, cela touche une corde sensible au fond de moi. À cette époque, j'étais désespérée. C'est pourquoi je suis très émue, je comprends tout à fait ce qu'il ressent.
J'avais désespérément besoin d'aide. J'ai essayé le counseling, mais cela n'a pas vraiment résolu mon problème, pas du tout; un peu, mais ce n'était pas vraiment ce dont j'avais besoin, alors j'étais désespérée. J'ai tout essayé. Je viens d'une famille très unie. Vous remarquerez que les Autochtones sont très unis. Alors j'ai appelé la guérisseuse spirituelle et je lui ai dit que j'avais besoin d'aide, et elle m'a dit que les Autochtones sont très, très intuitifs. Ils ont des prémonitions et ils sentent les émotions des personnes qui sont à côté d'eux, et toutes sortes de choses comme cela. Alors quand vous vivez dans une communauté troublée et que vous êtes aussi intuitif que le sont les Autochtones, vous sentez leur douleur, et il y en a beaucoup. Je suis sûre que vous avez entendu cela très souvent. Cette douleur vient des pensionnats, des réinstallations et des choses comme cela.
On se sent pris entre deux mondes quand on a vécu dans une communauté, quand on y a été élevé et qu'on est à l'âge d'aller à l'université. C'est un autre monde. Vous n'avez pas vraiment envie d'y aller parce que c'est dur d'aller à cette université et d'adopter ce style de vie si différent de celui dans lequel vous avez été élevé, mais il faut y aller parce que vous devez faire des études pour améliorer la vie à la maison. Vous ne pouvez pas rester ici, parce que vous avez besoin d'une vie meilleure. C'est ainsi que nous nous sentons, pris entre deux mondes.
Qujannamiik Je vais répondre à toute vitesse.
Si vous ne pouvez plus retourner en arrière et que vous ne pouvez pas aller de l'avant, où donc allez-vous aller? C'est peut-être pour cela que tant de personnes se suicident, c'est parce qu'elles ne savent plus où aller.
Je peux vous affirmer avec confiance que les jeunes sont toujours plus fiers d'être Inuits. C'est gravé dans notre langue, dans notre culture et dans nos moeurs. Comme l'a dit Alicia, notre réalité a changé, et nous n'avons plus le niveau d'autodétermination dont nous jouissions avant le contact avec les Européens. Mais pour moi, la réconciliation a eu lieu avant que l'on impose les politiques d'assimilation dans tout l'Inuit Nunaat. Alors une des solutions serait de développer la capacité et la fierté de contrôler notre vie quotidienne et notre prise de décisions en tant qu'Inuits.
Je suis convaincue que nous retrouverons la force, la résilience et la beauté de notre culture telle qu'elle était avant l'assimilation, pour que les Inuits connaissent leur histoire, que les communautés connaissent leur histoire, que les Inuits aient accès à cette information sur notre langue, sur notre culture et sur nos moeurs en les apprenant chaque jour à l'école et à la maison. Et aussi pour que les Inuits étudient dans des écoles secondaires occidentales et qu'ils fassent des études postsecondaires afin de gouverner nos communautés comme il est logique pour nous d'être gouvernés.
Très bien.
Bon, nous avons bien dépassé le temps alloué à cette question. Continuons.
La prochaine question viendra de Romeo Saganash.
Merci, monsieur le président.
Vous avez encore beaucoup à nous dire sur cette question, je le sens, alors je vais poursuivre dans cette veine. Le thème sur lequel les aînés, les chefs et les jeunes discutent de façon égale est celui du besoin d'équilibrer les deux mondes. C'est exactement de cela que nous parlons.
J'ai dit plus tôt à un autre groupe de témoins que j'ai plus ou moins grandi dans trois mondes: d'abord dans la forêt, élevé dans la forêt, envoyé au pensionnat, puis je suis allé à l'université dans un milieu urbain. Je n'ai pas dit que je m'en vante. J'ai dit cela parce que j'ai peut-être l'air normal, mais je ne le suis pas, parce que de toutes ces choses, il y en a que je n'avais pas choisi.
Je voudrais que vous nous parliez un peu plus de votre expérience personnelle. Comment avez-vous établi un équilibre entre votre culture, votre identité et votre langue, et le monde moderne dans lequel nous vivons tous aujourd'hui? Comment avez-vous atteint cet équilibre? Vous a-t-il manqué quelque chose en affrontant ce défi? Ma question s'adresse à vous toutes. Est-ce que quelque chose vous a manqué dans tout cela, dans ce défi?
C'est très personnel, je vous le dis tout de suite. Je suis née en milieu urbain d'une mère qui avait été placée en pensionnat et qui n'a pas vu de Blancs avant l'âge de huit ans. Elle a amené ce passé en ville où elle se sentait étrangère et tout. Je vous dirai que quand je suis revenue dans ma communauté, j'ai eu de la peine à me réassimiler dans ma propre culture. C'était vraiment difficile. Je me suis révoltée. Je peux vous le dire tout à fait honnêtement maintenant. La personne que je suis aujourd'hui n'est pas du tout celle que j'étais à l'adolescence. Je ne savais pas m'adapter à la vie quotidienne. Je ne savais pas du tout comment faire. C'est ce que ressentent un grand nombre d'adolescents à l'heure actuelle. Ils essaient tout simplement de vivre, mais ils sentent que quelque chose leur manque, et ils ne savent pas quoi.
Comment m'en suis-je sortie? Je n'ai aucune idée. J'ai eu de la chance. Bien des ados n'ont pas le privilège de trouver la chance sur leur chemin.
Comme ce que je dis sera inscrit et rendu public et que j'ai derrière moi tout un groupe de jeunes, je vais vous dire tout de suite, ne vous découragez pas. J'ai vécu ce que vous traversez maintenant. Je me suis retrouvée au fond du trou. Je me suis fait renvoyer de l'école. J'étais enceinte, et j'ai réussi à me hisser là où je suis maintenant. Alors ne vous découragez jamais.
Merci.
Quand je cherchais à me définir comme jeune fille inuite moderne, j'ai observé que ma grand-maman, la maman de ma maman, ne s'est jamais établie dans la vie. Elle a suivi continuellement son troupeau. Elle ne s'est jamais établie nulle part. Puis on a envoyé ma mère étudier à Winnipeg. Quand elle est revenue, elle n'était plus la même femme que celle qui était partie. Ma grand-mère avait l'esprit très traditionnel, maman était au milieu, et moi, je faisais partie du monde moderne. J'ai eu beaucoup de chance d'avoir été entourée par ma famille, qui est très unie. Je suis très fière, et je parle couramment l'inuktitut. J'ai étudié la culture autant que j'ai pu. Quand je cherchais à me définir, j'ai dit que je voulais m'engager. J'ai participé aux élections, aux travaux de la municipalité, du gouvernement, du système d'éducation, j'ai participé à tout ce qui se passait. Pourquoi est-ce que je ne savais rien? Maman ne m'a pas appris qui nous sommes. Nous ne nous intéressions pas vraiment à la culture. Elle ne m'a pas amenée dans les terres. Je n'ai pas appris tout cela de manière naturelle.
J'étais sur le point de tout abandonner. Les Inuits ne veulent pas aller travailler jour après jour. Le système d'éducation ne fonctionne pas. On ne répond pas aux besoins fondamentaux des parents. Pourquoi sommes-nous dans une telle situation? Je ne veux pas retourner à la guérison. Nous ne pouvons pas retourner en arrière. N'ouvrons pas cette boîte de Pandore. Je veux simplement aller de l'avant. J'étais une fille têtue qui s'est exposée au monde de la politique, et je voulais aller de l'avant. Beaucoup de gens se sentent comme moi aujourd'hui.
Un jour, à la conférence Hona, tous les jeunes participaient à des ateliers et à des choses comme cela. Mary Joanne Kaukai était là, et je suis allée lui parler. Elle dirigeait des séances pour les jeunes sur la décolonisation. Je lui ai dit: « Mary Joanne, notre peuple ne veut pas aller travailler jour après jour. Nos parents ne nous éduquent pas. Ils ne nourrissent pas leurs enfants ». Alors elle m'a expliqué ce que je n'avais pas compris. Elle m'a dit: « C'est extraordinaire, tu parles encore ta langue. Ils ont essayé de te l'enlever. Regarde, tu portes des vêtements traditionnels maintenant, et ils ne voulaient pas que tu t'exposes ainsi ». Elle m'a montré le beau côté de la médaille en m'expliquant que je devrais garder ma fierté malgré les événements malheureux que notre peuple à vécus.
Je crois que c'est le message que je veux transmettre aux jeunes dont je défends la cause, mais c'est difficile à faire quand on manque de ressources.
Merci.
Il me faudra plusieurs minutes pour vous répondre, alors je vous demande l'autorisation de dépasser le temps alloué pour répondre à cette question.
Qujannamiik. Merci d'avoir accordé ma demande. Elle va vraiment profiter aux jeunes, aux personnes qui nous écoutent et à votre rapport.
Qujannamiik d'avoir posé cette question. À mon avis, il est très important que nous continuions à trouver des pratiques exemplaires et à honorer les personnes modèles comme celles qui sont assises à côté de moi et qui consacrent leur vie à servir les intérêts supérieurs des Inuits au Canada.
Mon cheminement personnel a consisté à observer le monde autour de moi, et dès mon plus jeune âge, j'ai eu le sentiment que les choses n'allaient pas comme elles le devraient. J'essayais de comprendre pourquoi des membres de ma famille s'étaient suicidés. Je voulais savoir pourquoi un nombre incroyable de membres de ma famille et de ma communauté et des communautés inuites étaient toxicomanes, pourquoi le gouvernement devait prendre les enfants en charge et pourquoi il y avait tant de gens sans-abri dans notre milieu et pourquoi les gens ne mangeaient pas à leur faim.
Je suis née au Nunavut, mais j'ai été élevée à Ottawa, et je ne voyais pas ce même genre de situation à Ottawa. J'ai toujours entendu dire que le Canada est très fier de son respect des droits de la personne sur la scène internationale, et je ne voyais pas cet esprit se manifester dans nos communautés.
J'ai commencé à poser des questions quand j'étais très jeune. [Le témoin s'exprime en inuktitut.] Pourquoi? Pourquoi la situation est-elle ainsi? C'est alors que j'ai commencé à apprendre l'histoire du Canada et ce qui est arrivé à mon peuple.
J'ai alors commencé à analyser de façon critique ce qui se passait autour de moi. J'ai commencé à décider de la manière dont moi, individuellement, à titre d'Inuite et de Canadienne, j'allais faire des choix sains pour mon avenir et sur mon engagement à l'avenir des Inuits.
Il nous manquait cet espace, cet espace dans lequel on peut mener un dialogue ouvert non seulement dans les foyers de tout le Nunavut, mais de tout le Canada. Il n'y avait pas de compréhension.
Nous subissons tous du racisme au Canada, mais aussi dans nos propres communautés. C'est l'un des effets de la colonisation.
Nous aurions eu besoin de l'investissement gouvernemental pour créer cet espace. Il fallait aussi que je comprenne ma résilience face au conflit. Cette résilience se trouve dans notre langue, dans notre culture et dans nos moeurs.
Quand je discute avec les jeunes, je les trouve terriblement anxieux. Ils sont sur le point de finir le secondaire et de commencer à travailler, et ils pensent que s'ils étudient bien à l'école, ils feront des études postsecondaires, puis ils trouveront un bon emploi et un bon conjoint avec qui ils élèveront une famille. Ce sont des attentes linéaires, mais ce n'est pas la réalité, surtout quand nous faisons face aux risques que nous avons décrits et que nous subissons des inégalités sur nos propres terres.
Nous sommes continuellement en état de crise. J'étais moi-même continuellement en état de crise à cause de ces réalités; en plus, nous étions obligés de nous concentrer sur ces crises au lieu de nous concentrer sur la voie à suivre. Si l'on n'enseigne pas aux enfants inuits à parler leur langue, à s'attacher à leur culture et à appliquer leurs moeurs, ils n'auront pas la résilience nécessaire pour traverser ces crises. Leur vie en sera gâchée, et les taux de suicide continueront à grimper.
L'autre raison pour laquelle je me trouve là où je suis aujourd'hui est le fait que je tiens à survivre et que j'aime vivre à la manière des Inuits. Vivons notre vie inuite, ici au Canada.
Qujannamiik.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous toutes de nous avoir fait ces présentations très approfondies. Nous avons beaucoup appris. Vous avez présenté tous les faits fondamentaux d'une façon très professionnelle. Je vous admire beaucoup. Merci aussi d'avoir discuté avec nous hier soir. Vous m'avez beaucoup impressionné. Ce matin quand je me suis réveillé, ce qu'a dit l'un de vos collègues me sonnait encore dans les oreilles: « Arrachez un pommier de la terre et transplantez-le. Entourez-le de quatre murs et arrosez-le chaque jour avec de l'alcool. C'est ce qui nous est arrivé, et nous ne survivrons pas. Nous allons nous dessécher et mourir ». Quelle description puissante! Je vais à coup sûr m'en approprier et l'utiliser autant que possible.
Ces derniers temps, nous avons entendu beaucoup de présentations dans différentes communautés. Ce matin, j'ai entendu un des organismes nous dire, dans son allocution, que les gens de culture inuite hésitent à parler des suicides, de décrire ce qu'ils ressentent à ce sujet. On garde le silence, et on a aussi honte de ces suicides. Cela réduit l'importance du problème.
Vous vous êtes toutes exprimées clairement à ce sujet, mais je suis sûre que vous l'avez vécu personnellement. Comment s'en remet-on? Avez-vous vécu cela? Pourriez-vous nous en parler un peu?
C'est un stigmate. Nous parlons de stigmate. Nous parlons d'un sentiment de culpabilité qui nous envahit. Nous sommes opprimés depuis des générations. Je peux vous donner l'exemple de la situation de mon grand-père. Il a survécu en utilisant des chiens de traîneau. C'était son gagne-pain. Il a enseigné cela à ses enfants. C'est ainsi qu'il se déplaçait d'un endroit à un autre. C'était sa fierté masculine. Qu'ont-ils fait? Ils les ont tous tués. Qu'est-il arrivé? Ils ont tué sa fierté masculine. C'est une forme d'oppression.
Je vais me concentrer sur les hommes, parce que d'après les statistiques, les hommes de 15 à 24 ans sont le plus à risque de se suicider. Nous essayons toujours de savoir pourquoi, pour quelles raisons. Elles sont en partie culturelles, mais c'est aussi parce qu'on a enlevé à ces hommes leur fierté masculine. Quand vous êtes sur les terres et que vous chassez, vous ne faites pas de bruit. Vous êtes très silencieux et vous attendez que les animaux arrivent. Ce sont deux facteurs culturels qui se transmettent de génération en génération. Nous en sommes à un point où il faut briser ce cycle chez les gars de notre âge. Nous essayons de leur donner une voix, nous essayons d'organiser des tribunes où ils peuvent s'exprimer.
Je vais respecter le temps alloué et céder la parole à quelqu'un d'autre. Merci.
Nakurmiik. J'en reviens à ce que j'ai dit dans mon allocution. Je suis très attachée à cette notion, parce que nous avons une aînée au conseil d'administration du Qarjuit Youth Council. Nous venons de tenir notre assemblée générale annuelle. Nous essayions de discuter de cette question aussi. Nous disions très clairement qu'il est très difficile de parler de ce sujet. J'essayais de demander à mon groupe des suggestions sur la façon de nous y prendre, d'aborder cette situation.
Nous nous demandions pourquoi il est si difficile de discuter de ce sujet et pourquoi ce n'est pas considéré comme étant normal, puisque ce sont des besoins humains fondamentaux. Notre aînée a levé la main et nous a donné une réponse puissante. Elle a dit: « Je suis désolée, mais dans notre culture, nous observons, et c'est ainsi que nous apprenons ». Nous respectons nos aînés, nous les écoutons et nous nous laissons diriger par eux, c'est notre réalité à l'heure actuelle. Elle a poursuivi en disant: « Je suis désolée que nous ne vous ayons pas enseigné à parler. Nous ne vous avons pas enseigné à vous exprimer et à décrire la situation, parce qu'on nous a dit de ne pas en parler ». Il y a longtemps que nous aurions dû le faire. À mon avis, nous les jeunes Inuits modernes devons trouver moyen de rétablir cet équilibre. Je m'efforce vraiment de réacquérir la capacité à exprimer les sentiments humains fondamentaux. Comment éliminer ce stigmate? En rétablissant l'équilibre.
Merci.
oeJ’ai entendu Mme Okalik parler des enfants pris en charge et soumettre que ce phénomène est l’équivalent moderne des pensionnats. On procède là à une comparaison. Le Service correctionnel nous a fait lui aussi des exposés où il était question de prisons qui débordent d’Autochtones et ce serait là la prochaine crise comparable au scandale des pensionnats. Nous savons également que nos installations et nos peuples sont aux prises avec le SAF, donc beaucoup d’enjeux se pointent à l’horizon.
Pensez-vous que les mesures que nous prenons pour aider à faire face au problème du suicide aideront également dans les autres secteurs qui nous intéressent?
Permettez-moi de vous interrompre pendant un instant. Je vois nos jeunes invités qui quittent la salle. Je ne sais pas si vous avez un horaire à respecter, mais j’aimerais que vous restiez plus longtemps car les membres de nos groupes spéciaux adoreraient vous parler, à moins que vous ne soyez pressés de partir. Je voulais vous faire cette offre. Nous aurons terminé dans environ 10 minutes.
Une voix: Nous devons partir. Désolé.
Le président: D’accord. Le tableau blanc situé tout juste de l’autre côté de la porte indique l’adresse du site Web où les gens peuvent écrire leurs commentaires sur le sujet dont on traite actuellement. Je vous encourage tous à le faire. Photographiez le tableau avec votre téléphone; vous aurez ainsi l’adresse du lien et nous aimerions beaucoup que vous nous écriviez. Je vous remercie.
Je m’excuse pour cette interruption. Je pense que quelqu’un allait prendre les 30 dernières secondes du temps alloué à M. McLeod pour répondre à sa question.
Madame Okalik, je vous écoute.
J’admets bien sûr que la prévention du suicide exige une approche interdisciplinaire et holistique. Je considère qu’une des forces, c’est la priorité accordée à cela et la lutte contre les inégalités sociales, afin que nos enfants soient élevés dans le bonheur et en santé et atteignent l’adolescence.
Vous parlez du système pénal. Je peux carrément affirmer qu’un grand nombre des gestes posés sont des cris de détresse, si on se base sur les risques que j’ai soulignés dans mon exposé. Ce sont là les conséquences de problèmes profonds, et ces causes premières sont engendrées par ces inégalités sociales et économiques dans l’ensemble du territoire traditionnellement habité par les Inuits du Canada. Ajoutés aux mesures proactives et aux facteurs atténuants, je mentionnerais la culture, la langue et les pratiques inuites comme autre facteur très important en jeu dans ces données statistiques.
Qujannamiik .
Je vous remercie.
Nous allons passer aux périodes de questions d’une durée de cinq minutes et nous avons seulement le temps d’en faire deux. La première période est attribuée à Arnold Viersen.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci d'être là.
Ma question s’adresse sans doute à Mme Yeates. Il y a un moment, vous avez parlé de virilité. Une des choses dont M. McLeod et moi-même discutons souvent, c’est la question des débouchés économiques. Les besoins matériels de base sont la nourriture, l’habillement et le logement. Ce sont là les choses importantes, et Thomas Gregor, un anthropologue, dit que la virilité est définie quasi uniquement, dans toutes les cultures, comme étant la capacité de protéger sa famille et de subvenir à ses besoins.
Dans le Nord, nous nous occupons généralement de la nourriture, des vêtements et du logement. On a enlevé ce rôle au père, à l’oncle ou au fils de la famille et on l’a confié plutôt au gouvernement en tant que responsable de ce genre de choses. Pouvez-vous confirmer ce fait? Comment redonner aux hommes cette capacité de subvenir aux besoins de leur famille pour l’essentiel, que ce soit par des méthodes traditionnelles ou même des méthodes modernes?
Nous continuons de parler de notre lutte pour reconquérir notre identité. Je peux parler au nom des Nunavummiut ou Nunavois, parce que nous avons un programme d’aide aux chasseurs qui est vraiment formidable. En fait, ça relève de la municipalité. Cette dernière offre des services et vend des produits — de santé, à rabais, pour les femmes — et autres choses du genre. Heureusement, nous avons ce genre de ressources.
Ensuite, il y a les hommes. Je parle des hommes qui ont notre âge et ils… Je vais parler un peu plus longuement — je m’excuse, mon esprit explose en ce moment — du fait que beaucoup d’entre eux sont en prison à l’heure actuelle. Ils sont absents de leurs communautés et, par ailleurs, les hommes présents n’ont pas nécessairement les moyens et les ressources nécessaires pour parcourir le territoire, aller à la chasse et faire des choses du genre afin de subvenir aux besoins de la famille. De plus, quand les municipalités assurent les services là où il n’y en a pas, il est encore plus difficile pour eux de s’identifier à ces activités de nouveau.
Nous parlons sans cesse de concilier le passé et le futur, mais, en fait, nous avons besoin de prendre possession du présent tout de suite. C’est là une chose sur laquelle je vais continuer d’insister. C’est un dur combat pour nous actuellement.
Je veux également dire à M. McLeod qu’on ne parle plus du syndrome d’alcoolisation foetale, mais qu’on utilise maintenant le terme de troubles causés par l’alcoolisation foetale. C’est différent. Voilà un autre enjeu important auquel nous faisons face. Les hommes n’ont pas le sentiment qu’ils ont un droit de regard sur la grossesse de leurs petites amies enceintes, mais, en fait, c’est une affaire de famille. Il faut arriver à encourager les jeunes familles. Il faut arriver à inculquer le savoir-faire parental de nouveau. Il faut leur redonner leur rôle premier.
Il n’y a aucune ressource disponible pour ça. Il n’y a même pas d’endroit où les mettre à leur disposition. Nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin d’une infrastructure. Je vais continuer d’insister là-dessus. Nous avons des besoins immenses.
Des voix: Oh, oh!
Mme Louisa Yeates: Je m’éparpille un peu, mais…
M. Arnold Viersen: Eh bien! toutes ces choses sont liées entre elles.
Mme Louisa Yeates: En effet.
Quand nous sommes allés à Kuujjuaq, nous avons parlé à une des filles là-bas. Elle nous a dit qu’il semble y avoir des incitatifs pervertis par rapport à certaines choses. Les gens qui ont une vie ordonnée n’obtiennent aucune aide. L’homme travaillant est obligé de vivre sous le même toit que sa mère jusqu’à l’âge de 30 ans, alors que celui qui a un enfant à l’âge de 17 ans obtient tout d’un coup une maison, en gros. Voilà un exemple d’incitatif perverti.
Êtes-vous en mesure de confirmer la chose, et est-ce quelque chose que nous devrions peut-être examiner?
Je suis pas mal certaine de savoir de qui vous parlez. C’est une bataille dans laquelle je suis engagée depuis longtemps avec elle.
Notre norme dans le domaine du logement social est minimale. Comparée à celles du Sud, elle est très différente. On doit être en mesure de réglementer le logement social en tenant compte de notre culture, de nos traditions et de nos standards. C’est ridicule, quand on y pense. Plus vous avez de problèmes sociaux, plus le système vous donne des points, ce qui a pour résultat que vous obtenez une maison plus rapidement.
Olivia et moi-même avons témoigné devant le comité permanent au sujet de l’étude sur le logement que vous avez réalisée. On continue de parler de nos besoins. Nous avons besoin d’un développement économique accru. Nous avons besoin de débouchés dans le Nord. Nous avons besoin de coopératives d’habitation. Nous avons besoin de standards différents. Nous devons relever nos standards.
Je m’éparpille, mais avant de terminer, j’aimerais vraiment vous dire que, pour être en mesure de s’attaquer à tous ces maux, il faut absolument revenir aux facteurs de risque de suicide. Il faut chercher des habitations. Il faut des écoles d’enseignement du savoir-faire parental. Il faut de l’enseignement. Nous ne réglerons pas le problème du suicide du jour au lendemain et il n’existe pas de solution magique, mais nous réduirons son occurrence plus rapidement si nous appliquons le filtre des facteurs de risque de suicide.
Je vous en remercie, madame Yeates.
Nous avons largement dépassé le temps prévu et M. Anandasangaree a droit à une question.
Monsieur Anandasangaree, je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais si vous voulez en entendre plus, Mme Okalik voulait ajouter quelque chose. C’est à vous de décider.
Je pourrais peut-être diviser ça en deux parties. Je vais intervenir rapidement et espérer une réponse brève, et ensuite je veux poser une question à deux volets à tous les membres du groupe.
Premièrement, quel est le dossier auquel on peut s’attaquer qui aurait une incidence significative sur les jeunes? Deuxièmement, quel est le programme que vous savez qu’il fonctionne bien sur le terrain et dont la portée pourrait être étendue?
Si vous pouvez donner une réponse brève, je vous en saurais gré. On pourra ensuite s’attaquer au problème soulevé dans la question précédente.
Qujannamiik, monsieur le député, pour cette question
Aucun enjeu ne peut être résolu isolément. J’ai dit je ne sais combien de fois que les inégalités sociales et économiques subies par les Inuits au Canada doivent être abolies; je m’appuie sur les données statistiques et sur les autres éléments que j’ai mentionnés dans mon exposé.
Néanmoins, il y a une chose qui, à mon avis, est extrêmement importante pour les Inuits du Canada aujourd’hui, et c’est la suivante: quand vous connaissez votre histoire et savez ce que voulait dire être un Inuit dans le passé, vous pouvez aller de l’avant et affronter l’avenir avec détermination. C’est conditionnel à l’abolition des inégalités sociales qui influent sur le quotidien et à la valorisation de notre langue, de notre culture et de notre identité. C’est à nous qu’incombe cette responsabilité, mais nous avons besoin de l’aide et de l’appui financier du gouvernement à cet égard.
En ce qui concerne un programme existant qui soit très efficace, si je me fie aux signes évoqués ici, il n’y en a pas pour le moment. Je pense à l’appel à l’action numéro 66 de la Commission de vérité et réconciliation, où cette dernière demande au gouvernement fédéral d’établir le financement d’initiatives menées par les communautés en vue d’une réconciliation — nous savons tous que la réconciliation présente de nombreux aspects — et de mettre en place un réseau national de partage de pratiques exemplaires.
Ça n’arrive pas tout seul. Je reconnais que la Fondation autochtone de guérison a eu un impact très positif en finançant des projets communautaires en lien avec les politiques d’assimilation du passé. L’appel à l’action numéro 66 de la Commission de vérité et réconciliation en est une réplique, mais vise plus particulièrement les jeunes. Cette démarche aura elle aussi un impact réel, positif et retentissant sur l’avenir.
Qujannamiik.
Nous pourrions consacrer le reste du temps qui vous est alloué à parler du premier volet de votre question. Vous devez formuler votre réponse par étapes, bien sûr.
D'accord.
Pour donner une réponse très courte à vos deux questions, je dirai que je suis d’accord avec l’argument de Mme Okalik. Si je devais isoler un élément — je ne vise aucune organisation —, je dirais que c’est l’éducation, formelle et informelle, et ce, sur tous les aspects de la mobilisation de base des communautés, des opérations communautaires fondamentales, du savoir-faire parental de base, et sur le mode de fonctionnement de ces organisations. C’est un enseignement intergénérationnel. Nous connaissons cela et nous vous connaissons bien en tant que comité permanent constitué pour cela également.
C’est bien dans tous les volets. On ne peut cibler uniquement le système d’éducation, parce que ça marche dans les deux sens. L’offre de projets communautaires fonctionne dans notre région. Je dois dire que personnellement, de tous les projets qui fonctionnent bien, celui de Mary Joanne Kaukai sur la décolonisation est celui qui me vient à l’esprit.
Elle est en demande, mais elle occupe un autre emploi, donc c’est plutôt un à côté pour elle et rien n’en assure la pérennité. C’est vraiment un apprentissage sur le tas et elle a tout son équipement. Les jeunes touchent vraiment à tout l’équipement et à la matière brute de qui nous sommes en tant qu’Inuits, et l’approche est très axée sur les jeunes. Elle rend cela amusant. On n’essaie pas de générer du racisme ou quoi que ce soit d’autre, on essaie simplement d’apprendre pourquoi nous sommes comme nous sommes aujourd’hui. Je financerais vraiment ce genre de programmes dans notre communauté.
Je vous remercie.
Nous n’avons plus de temps à notre disposition.
Je tiens à remercier chacune d’entre vous pour son témoignage, pour ce qu’il nous a inspiré et pour la qualité de sa livraison. Je me permets un commentaire: chez vous et chez les jeunes que nous avons rencontrés hier soir, il y a une grande lueur d’intelligence et vous faites preuve d’une sagesse qui est généralement le lot de personnes plus âgées que vous, laquelle semble vous avoir été impartie par ces épreuves de la vie.
Je veux poursuivre le travail merveilleux que vous accomplissez; c’est beau à voir. Je veux croire qu’à partir de maintenant, nous allons tous prendre part à ce travail, donc je vous remercie infiniment.
[Applaudissements]
Le président: Je me demandais si vous accepteriez de rester quelques instants, le temps de prendre une photo avec les membres du comité. Nous aimerions beaucoup cela.
Je vous remercie.
La séance est suspendue.
Nous voilà tous de retour, chers collègues. Merci d’être là.
Nous allons passer immédiatement au groupe de témoins.
Avant de commencer, je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins et les présenter au reste de l’assemblée.
Nous recevons d’abord Kimberly Masson, directrice exécutive, et David Lawson, président de l’organisme Saisis la vie. Nous recevons ensuite Sheila Levy, directrice exécutive de la Nunavut Kamatsiaqtut Help Line.
Dans votre cas, madame Levy, vous prenez la parole pour deux personnes. Vous nous avez demandé la permission de prolonger un peu la durée de votre exposé et je suis certain que les autres membres du comité et moi-même n’y voyons pas d’inconvénient.
Nous allons donc débuter. Je vous fais part des règles.
Chaque organisation a le droit de prendre la parole pendant 10 minutes. Madame Masson et monsieur Lawson, vous vous partagez ce temps. J’ai cru comprendre que c’était Mme Masson qui présentait l’exposé.
La même règle s’applique dans votre cas, madame Levy. Vous bénéficierez d’une certaine marge de manoeuvre, étant donné que votre texte est plus long.
Ceci étant dit, madame Masson, vous avez 10 minutes à votre disposition. On vous écoute.
Merci beaucoup pour l'invitation à comparaître ici comme témoin.
J'aimerais d'abord placer en contexte le Embrace Life Council. ELC est un organisme non gouvernemental créé en 2004 pour lutter contre le taux élevé de suicide dans les communautés du Nunavut et encourager les Nunavummiuts à embrasser la vie.
Le conseil compte des représentants de la Gendarmerie royale du Canada, de Nunavut Tunngavik Inc., des associations inuites régionales, du gouvernement du Nunavut, de la Kamatsiaqtut Help Line, de l'Association des municipalités du Nunavut, de la Nunavut Teachers' Association, des groupes confessionnels et d'un groupe consultatif axé sur les valeurs inuites traditionnelles, ainsi nous avons un aîné siégeant sur notre conseil. Soit dit en passant, Natan Obed, dont vous avez déjà entendu le témoignage, est un ancien président de notre conseil d'administration.
Selon le principe de base du Embrace Life Council, la prévention du suicide passe par la bonification holistique de la vie et dépasse la simple prévention de la mort. Le conseil n'offre pas de service, mais plutôt de la formation, des idées, des ressources, du soutien, de la promotion et de l'information aux communautés et aux groupes. Ensuite, les communautés offrent les services et programmes adaptés à leurs besoins précis.
Chaque jour sur la ligne de front, nous voyons les membres de notre communauté lutter contre les facteurs responsables des taux de suicide élevés au Nunavut: l'iniquité sociale, y compris l'insécurité alimentaire, la pénurie de logements, la pauvreté, le manque d'éducation; les traumatismes historiques et intergénérationnels; l'inaccessibilité à des services de santé mentale culturellement et linguistiquement appropriés; les traumatismes familiaux, y compris les abus, les dépendances, le stress aigu; et, pour beaucoup, un deuil prolongé. Pour plus de détails vous pouvez consulter le document récent publié par l'ITK intitulé « National Inuit Suicide Prevention Strategy », dans lequel cette lutte historique est documentée en détail.
Le travail de l'ELC est axé sur des facteurs de protection: création et promotion de ressources ancrées dans la langue et la culture inuite; formation de relations saines, de leaders chez les jeunes, prévention de la violence communautaire, aptitudes en adaptation, formation de gardien, y compris FATIS et « safe TALK »; prévention de l'exploitation sexuelle des enfants; et soutien à la guérison et au deuil.
Nous sommes aussi partenaires de la stratégie de prévention du suicide du Nunavut. En mars, Embrace Life et les partenaires NSPS, la NTI, la GRC et le GN ont publié « Resiliency Within », un plan d'action d'un an pour la prévention du suicide au Nunavut. « Cela permet au partenaire NSPS d'entreprendre d'importants travaux pour mettre en place — les recommandations contenues dans le verdict du coroner— , exploiter le succès du Plan d'action précédent et engager les intervenants dans un plan à long terme favorisant la résilience chez les Nunavummiuts et dans nos communautés. »
En mai 2016, nous avons accueilli le sommet du Nunavut sur la prévention du suicide, Unis pour la vie, à Iqaluit, afin d'amener les intervenants à développer un plan d'action à long terme. Actuellement, grâce à l'information recueillie lors de cet événement, nous pouvons préparer nos plans à long terme. Les intervenants au sommet ont exprimé plusieurs besoins importants. Avant tout, toute initiative de prévention du suicide, d'intervention avant ou après, ou les deux, doivent être propres aux Inuits et menées par la communauté. Les membres de la communauté demandent des programmes, des services et des ressources de guérison. Ils demandent des infrastructures — centres communautaires et de traitement de la toxicomanie, des refuges — ainsi qu'un financement de base ou pluriannuel pour ladite infrastructure. Ils veulent des ressources humaines et financières pour les programmes culturels, que ce soit pour les terres, la couture et les arts. Ils demandent des équipes d'intervention en cas de crise.
Nos intervenants ont besoin de formation de gardien propre à leur culture comme FATIS et « safe TALK ». Ils ont besoin de recherche dictée par les Inuits sur leurs enjeux pertinents et non ceux identifiés comme tels par des universitaires et des établissements extérieurs. Les conclusions de ces travaux doivent être communiquées à la communauté dans le but de créer une communauté plus saine. Ils ont besoin de programmes de parentage et de la petite enfance propre à leur culture.
Nos délégués ont recensé d'autres enjeux communautaires pour lesquels ils ont besoin d'aide: la faible fréquentation scolaire, la désensibilisation et la normalisation du suicide, la perte de la langue, le fossé entre les aînés et les jeunes, et les problèmes de déplacements en raison des coûts surtout. Nos délégués ont aussi identifié des forces communautaires incroyables que nous voyons quotidiennement dans notre travail: des leaders inuits forts, bien instruits et dévoués, et des champions communautaires; la résilience intergénérationnelle; des familles et des communautés stables et en santé; le son réconfortant du Qaujimajatuquangit inuit qui recouvre en douceur le Nunavut.
C'est un territoire fascinant plein de gens fascinants
Le Embrace Life Council est voué à la célébration et à la bonification de ces forces. Toutefois, nous avons nos propres défis.
Il y a la géographie, soit l'accès physique aux communautés. Nous avons un effectif de trois personnes et un financement limité. Je pense à notre coordinatrice de programme, Cécile Guérin, qui est partie, le lundi 5 septembre, donner six jours de formation combinée dans deux communautés: baie Resolute et Grise Fiord, et qui devait revenir le vendredi 16 septembre. Mais, en raison du climat, elle est rentrée chez elle hier, le 22 au lieu du 16. Le coût de son voyage va maintenant dépasser les 14 000 $, sans compter l'incidence sur sa jeune famille due à son retard et sur les autres communautés où elle devait donner sa formation.
Malheureusement, l'accès Internet est très limité dans les Territoires, c'est un défi car nous devons donner les programmes en personne. L'investissement dans l'amélioration du service à bande large au Nunavut aurait une incidence majeure. Ce n'est là qu'un défi parmi tant d'autres, mais nous devons continuer de foncer car ce travail est tellement essentiel.
En conclusion, je renvoie respectueusement le comité permanent à l'article 7,1 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones où il est déclaré que « Les Autochtones ont droit à la vie, à l'intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité de la personne. »
J'anticipe le travail significatif que nous allons accomplir ensemble afin de concrétiser ces droits au Nunavut et dans le reste du Canada autochtone.
[ Le témoin s'exprime en inuktitut. ]
Merci de votre invitation.
J'ai lu les divers témoignages des autres témoins ayant comparu devant vous cet été. Je vais tâcher de ne pas répéter leurs propos. Je vais réagir aux objectifs de l'étude en puisant dans mes propres travaux et expériences, dont beaucoup sont basiques.
Brièvement, je vais expliquer qui je suis, ce qui illustrera le but visé. Je suis retraitée, mais j'ai vécu au Nunavut pendant plus de 29 ans, de Pangnirtung à Gjoa Haven, puis Bay pour me retrouver à Iqaluit. J'ai pris une année pour terminer ma maîtrise en psychologie et counseling. Pendant mon séjour au Nunavut, j'ai travaillé en éducation et, en fin de carrière, comme orienteur à l'école secondaire Inuksuk. Je formais aussi les conseillers communautaires de l'école et, comme bénévole, j’étais souvent engagée dans la prévention du suicide au Nunavut et au national. Je suis une ancienne présidente de l'Association canadienne pour la prévention du suicide, membre fondatrice, formatrice, ancienne présidente et présentement vice-présidente du Embrace Life Council; membre fondatrice, formatrice, ancienne présidente et, présentement, directrice générale de la Nunavut Kamatsiaqtut Help Line. J'ai coopérer à de nombreux projets de recherche sur le suicide et publié des chapitres dans de livres et dans des journaux également.
Comme vous le savez, le suicide est multiforme et complexe. Trop souvent il se produit chez les populations autochtones, surtout ici au Nunavut. Mais dans les circonstances appropriées, on peut le prévenir en grande partie, c’est un enjeu de santé publique. Conséquemment, il faut privilégier plusieurs domaines: communautaire, familial et individuel. Il est essentiel de comprendre l'incidence du suicide sur de nombreuses personnes de la communauté et parfois même dans tout l'Arctique. Quiconque vit au Nunavut pendant un certain temps est potentiellement à risque. Personne n'a été épargné de l'incidence du suicide sous une forme ou l'autre. Beaucoup doivent composer avec continuellement, c'est soit un membre de la famille, un ami, un collègue, un membre de la communauté ou eux-mêmes, et j'en passe.
Selon la recherche, l'exposition au suicide est un important facteur de risque. Rien ne prouve qu’il soit héréditaire. Toutefois il est démontré, certainement ici au Nunavut, que ça devient un comportement appris, lorsqu'autant de gens autour de vous se donnent la mort ou tentent de le faire à divers moments de leur vie, d'autres copient souvent ces gestes.
Il y a des faits saillants à considérer. À savoir que les tentatives de suicide et les décès par suicides sont plus nombreux dans le nord que dans le sud canadien. En plus de cela, et c'est certainement lié, il y a beaucoup plus de cas de dépendance, de violence et d'abus sexuels, physiques et émotionnels, ce sur quoi Embrace Life Council essaie de travailler. Mais, il y a peu d'installations ou de ressources dans le nord pour traiter ces problèmes.
La colonisation, l'histoire et l'héritage des pensionnats ont affecté tous les aspects de la vie, y compris les aptitudes parentales et adaptatives. Compte tenu du traumatisme individuel et intergénérationnel, de l'iniquité sociale et du fait que beaucoup de communautés sont sans accès approprié aux soins santé mentale, il faut vraiment s'attaquer à ces facteurs importants et en assurer le continuum. Au Nunavut, les communautés isolées sont choses courantes, pas à Iqaluit — nous sommes hors norme — et les gens traités dans le sud reviennent dans leur communauté sans le soutien nécessaire disponible pour effectuer des changements, les maintenir et les appuyer.
Il faut aussi inculquer et maintenir des aptitudes adaptatives et résilientes. Il y a toujours des hauts et des bas dans la vie, des situations et des moments stressants. C'est essentiel de reconnaître ces facteurs importants et d'y faire face, ce qui ne se fait pas toujours de façon saine. Il ne faut toutefois pas oublier qu'autrefois les Inuits étaient résilients et beaucoup le sont encore aujourd'hui, mais par le passé ils devaient l'être pour survivre dans un environnement hostile. Des aînés m'ont raconté des histoires d'endurance incroyable. Nos jeunes doivent les apprendre afin de pouvoir les harnacher et s'adapter aux réalités de leur vie actuelle.
La Nunavut Kamatsiaqtut Help Line est un service offert par la communauté. De 1988 à 1999, il y eut de nombreux suicides dans la région de Baffin, dans ce qui était alors les Territoires du Nord-Ouest surtout chez les jeunes. Nous avons organisé une conférence avec les intervenants des communautés visées pour explorer les problèmes et les solutions possibles. Un membre de la communauté a eu l’idée de créer la première ligne d'urgence ou d’assistance du nord, tenue par des bénévoles entraînés. Plus jeune, j'avais travaillé au Centre de détresse d'Ottawa pendant mes études de premier cycle à l'Université Carleton et, comme je participais à la conférence, on a sollicité mon aide pour le projet.
Au printemps de 1989, un groupe d'employés de la CBC a organisé un « curlathon » afin de recueillir des fonds pour lancer la ligne d'assistance. Cet événement a amené un groupe de citoyens intéressés à se réunir et à créer le premier groupe de travail pour la création de cette ligne. Au cours de l'été, les formateurs ont consacré du temps à l'élaboration d'un programme de formation culturellement adapté pour les bénévoles. Grâce à l'aide généreuse de plusieurs organisations communautaires et divers particuliers, la ligne est devenue opérationnelle le 15 janvier 1990. Au cours de la première année, elle a reçu plus de 400 appels à Iqaluit, le seul endroit desservi.
En 27 ans, la ligne d'assistance Nunavut Kamatsiaqtut a fonctionné sans arrêt 365 jours par année comme organisme bénévole et elle a un numéro 1-800. « Kamatsiaqtut » signifie « personnes emphatiques », et le nom a été choisi par un de nos bénévoles Inuk qui est avec nous depuis 27 années au complet. À Iqaluit, nous avons un important effectif de bénévoles qualifiés à l'écoute tous les soirs sur la ligne locale et sur la ligne 1-800 permettant aux Kamavummiuts de rejoindre Kamatsiaqtut à partir des trois régions du Nunavut, de certaines parties du Québec arctique et du sud du Canada. Lors de ces appels, les gens expriment leurs idées suicidaires, leur traumatisme, leur colère, leur deuil et leur douleur dus à des problèmes non résolus et ils décrivent leur isolement, leur crainte, leurs frustrations, le manque de ressources et d'information qui sont un obstacle à la résolution réussie de leurs problèmes.
Récemment, Kamatsiaqtut a mis en place un service 24 sur 24, reconnu et souhaité par le gouvernement du Nunavut. Ce service élargi bénéficie de l'aide du Centre de détresse d'Ottawa où on prend les appels quand les bénévoles de Kamatsiaqtut ne sont pas disponibles.
Notre organisme bénévole, composé d'une grande diversité de Nunavummiut inuits et de non-Inuits conscients du taux de suicide plus élevé au Nunavut que dans toute autre juridiction canadienne, est hautement motivé à faire preuve de compassion et d'empathie, ce qui se traduit par des gestes concrets.
On reconnaît que la ligne d'assistance a sauvé des vies et eu une incidence importante et positive sur beaucoup d'autres. Nous sommes intervenus à de nombreuses reprises, parfois en envoyant de l'aide et la plupart du temps en amenant la personne à réaliser qu'elle restera en vie pendant les prochaines heures et qu'un bénévole l'aidera à planifier les 24 heures suivantes et à ce qu'elle peut faire si cette pulsion irrésistible se manifeste à nouveau.
Des appelants nous ont aussi parlé de l'incidence du service sur leurs vies et du fait que sans ce service ils ne seraient plus là. Notre maxime « Aider les autres à s'aider eux-mêmes » est pertinente. Même si nos bénévoles sont formés pour aider les personnes suicidaires, nous espérons que les gens téléphoneront avant d'en arriver là et obtiendront de l'aide quels que soient leurs problèmes.
La formation est bien reçue et elle est même obligatoire pour les étudiants en troisième année de science infirmière au Nunavut Arctic College dans le cadre de leur cours de counseling, et nous leur offrons gratuitement.
Nous avons toutefois de nombreux défis. Le montant minime de notre financement de base est un problème. Nous sommes membres du Canadian Distress Line Network et nous travaillons sur l'obtention d'une ligne d'assistance 1-800 pancanadienne. Nous sommes la seule organisation dont la DG n'est pas rémunérée, ni aucun personnel de bureau.
Compte tenu qu'au Nunavut il existe de nombreux besoins financiers en compétition avec les nôtres, nous avons aussi besoin de plus de financement de base pour de nombreux dossiers. Par exemple, les campagnes publicitaires. On n'a pas les fonds pour informer toutes les communautés de l'existence de la ligne et pour que les gens retiennent le numéro. On envoie des affiches et des disques compacts avec des messages radio, mais on ignore s'ils sont distribués, utilisés ou affichés dans la communauté. La ligne doit aussi pouvoir recueillir de meilleures données car on s'attend constamment que nous soyons une source pour ce genre d'information.
Nous aimerions pouvoir acheter un logiciel utilisé partout dans le monde pour les lignes d'assistance, le logiciel iCarol, mais il nous faudrait de l'argent et il faudrait aussi des fonds pour recevoir une formation pour ce système, de façon à pouvoir former nos volontaires.
En ce moment, nous ne pouvons pas offrir un service 24 heures sur 24, 7 jours par semaine du Nunavut. Peut-être dans l'avenir, avec les ressources suffisantes. Il est important, par contre, de conserver le bureau de services du Nunavut avec un Nunavummiuq qui prend les appels, au moins durant une partie des sept jours complets.
Pour certains appelants, et pour les Nunavummiut en général, il est important qu'un service vieux de 27 ans — lancé ici-même pour combler les désirs et les besoins de la communauté — soit géré depuis le Nunavut. Nous avons également besoin d'argent pour pouvoir continuer à vraiment travailler avec l'Ottawa Distress Centre en personne, afin de nous assurer qu'ils apprennent à connaître notre culture et deviennent plus compétents pour traiter avec nos appelants.
Comme c'est le cas pour de nombreuses lignes d'assistance dans le monde, et très certainement au Canada, les appels se sont faits moins nombreux, car les gens utilisent le clavardage ou les textos. Nous aimerions également pouvoir offrir cela dans un avenir rapproché, car je pense que cela attirerait les jeunes plus que le téléphone, mais encore faudrait-il avoir les ressources et la formation pour mettre cela en oeuvre de manière sécuritaire et efficace.
Un autre grand défi est d'avoir suffisamment de volontaires disponibles parlant l'inuktitut. Nous en avons quelques-uns, dont plusieurs nous sont fidèles depuis des années, certains depuis nos débuts il y a 27 ans, mais il nous en faudrait plus.
Quant aux meilleures pratiques, aux solutions possibles et aux recommandations générales, j'aimerais parler de quelques idées simples et bien de chez nous — et de quelques autres.
Si on perçoit la prévention du suicide et l'intervention comme étant l'affaire du gouvernement et des organisations, je crains que les communautés et les individus ne se responsabilisent pas eux-mêmes. Cela envoie le message que le gouvernement ou différentes organisations sont responsables, pas moi ou pas nous.
Je suis intimement convaincu que tous les Nunavummiut peuvent faire une différence. Ils peuvent se rendre responsables de connaître les signes et les symptômes. Ils peuvent soutenir un individu en situation de risque. Ils peuvent organiser un cercle de soutien, pour ne pas être seuls et pour offrir un soutien continu.
Par conséquent, le gouvernement a un rôle à jouer, et c'est un rôle important. Il lui incombe de s'assurer que les individus, les membres des familles et des groupes aient les ressources nécessaires pour bien connaître les signes et les symptômes de détresse et avec les méthodes d'intervention. De cette façon, le gouvernement permettrait à la communauté de se prendre en main. Les communautés doivent également être consultées sur ce qu'elles veulent ou sur ce dont elles ont besoin pour réduire leur taux de suicide. Cela suppose des rencontres communautaires pour réfléchir et lancer des idées. Il faut comprendre que chaque communauté est différente et que les besoins peuvent varier d'une communauté à l'autre. Dans les communautés, il manque également de groupes d'aide aux parents, pour l'éducation, le soutien et la discussion, car il faut apprendre à reconnaître les symptômes et les risques suicidaires et connaître les techniques d'intervention. Et puis, dans les communautés, il faut des lieux de rencontre, pour les séances informelles de counselling de soutien, de même que pour les activités culturelles appropriées. Les jeunes, tout particulièrement, ont besoin d'un espace positif où se réunir, s'amuser et recevoir du soutien.
Il est possible, je crois, de changer la situation quant au suicide dans les communautés inuits. Il existe des solutions à court terme, comme l'apport d'une aide appropriée en santé mentale, le soutien familial et le soutien de la communauté en cas de besoin. Ce n'est pas aussi simple, cependant, que d'envoyer un escadron de travailleurs dans chaque communauté. Il faut que les communautés reçoivent le soutien dont elles ont besoin, celui qui fera une différence pour leurs citoyens. Chaque personne est unique et a des besoins uniques pour être en santé.
Il faut que je me dépêche. Est-ce que le temps est écoulé?
D'accord, je vais aller vite, juste pour m'assurer d'avoir le temps de tout dire.
Il faut faire de la formation en thérapie interculturelle pour chacun des conseillers qui n'est pas du Nunavut. Des programmes et des services adaptés à notre culture sont essentiels si nous voulons faire une différence. Lorsque nous refusons de voir les effets potentiels des différences culturelles, nous exportons parfois des théories, des pratiques et des programmes de formation dans des cultures qui sont différentes de celles dans lesquelles ces théories et techniques ont été conçues. Je ne dis pas que nous n'utilisons pas le matériel des conseillers non-inuits. Mais nous voulons être certains que tous agissent d'une façon culturellement pertinente.
La recherche est vraiment importante. L'évaluation des programmes et des techniques d'intervention est importante dans le but d'assurer un impact positif.
Le soutien joue vraiment un grand rôle. Vous pouvez lire tout le reste là-dessus dans ce que je vous ai remis. Il faut offrir du soutien aux survivants, tant à ceux qui ont perdu quelqu'un qu'à ceux qui ont fait une tentative et qui ont survécu. Il faut également fournir du soutien à ceux qui vivent avec le suicide de façon régulière: les conseillers, ceux qui travaillent pour le bien-être de la communauté, les volontaires de l'église, les anciens qui interviennent et les personnes qui ont suivi un cours comme la FATIS, la formation appliquée en techniques d'intervention face au suicide et qui ont utilisé leurs connaissances pour intervenir. Les volontaire de la ligne d'assistance peuvent échanger entre eux, mais les autres conseillers dans tout le Nunavut ont besoin du même type de soutien.
Nous pouvons enseigner aux gens des compétences en prévention et en intervention, mais pour éviter qu'ils ne s'épuisent, nous devons nous assurer que tous soient bien soutenus et qu'ils aient la possibilité de parler de leurs expériences.
Si vous laissez vos notes, elles pourront être lues dans leur intégralité pour le procès-verbal. Vous voulez peut-être conclure.
Oui, je vais conclure, c'est bien.
En guise de conclusion, je vais parler brièvement d'un projet qui m'occupe actuellement. Le Kamatsiaqtut tiendra la conférence nationale de l'Association canadienne pour la prévention du suicide en 2016 avec des groupes comme le Embrace Life Council, et le thème est espoir, santé et guérison. Elle sera ouverte à tous les Canadiens. Il y aura même des Maoris de la Nouvelle-Zélande qui viendront faire une présentation, alors ce sera une conférence incroyable.
Nous avons des objectifs spécifiques. Les séances ont été sollicitées et choisies sur la base de l'espoir, de la santé et de la guérison.
Natan Obed, Maatalii Okalik et le sénateur Murray Sinclair seront les conférenciers d'honneur de cette conférence
Je vais terminer mon exposé en disant que nous avons tous un rôle à jouer dans la réduction du nombre de suicides et la promotion de la vie. Bien que l'on attribue parfois les gestes constructifs et les approches adéquates au fait qu'elles étaient nécessaires pour un individu ou un groupe, aucun groupe ou individu ne peut s'attaquer à la réduction du suicide en restant seul. Il s'agit d'un effort collectif.
Merci beaucoup Sheila. C'est réussi pour la rapidité.
Romeo, si vous voulez laisser vos questions en sortant, nous vous mettrons en haut de la liste. Vous ne serez pas là pour entendre les réponses, mais les analystes y seront.
Premièrement, merci à tous nos témoins ici présents. La plupart d'entre vous avez confirmé en grande partie ce que nous avions entendu, du moins en ce qui me concerne, au cours des deux derniers jours. J'ai noté les choses que vous avez confirmées du dernier témoignage que nous avons entendu.
Il y a quelque chose que je voudrais savoir, et dont on a entendu parler à Kuujjuaq et également depuis que nous sommes arrivés ici. Le besoin semble se faire sentir pour différents types d'infrastructures dans beaucoup de communautés. Certaines de ces installations existent, mais une dans chaque endroit. Par exemple, il y a un centre de traitement régional à Kuujjuaq, bien que le besoin se fasse sentir dans 13 autres communautés inuits au Nunavik.
Quels autres types de services ou quels autres types d'infrastructures verriez-vous dans ces différentes communautés? Certains ont parlé de centres familiaux pour réunir et guérir les familles en leur coeur. Certains ont parlé de centres pour les jeunes dispersés dans les communautés, des centres de guérison axés sur la terre et ainsi de suite. Quels autres types d'infrastructures importantes cette initiative requiert-elle dans toutes les communautés?
Je pense que Sheila et Kimberly voudraient toutes les deux répondre, mais Sheila en premier et Kimberly ensuite.
Je dirai seulement qu'un centre de traitement des toxicomanies pour les Nunavummiut est très important. Je sais que nous ne pouvons avoir un tel centre dans chacune des communautés. Les centres pour les jeunes sont absolument nécessaires. Avoir un centre où les gens peuvent se rendre pour obtenir du soutien ou de l'aide, et peut-être avoir du plaisir en plus, est vraiment important. On pourrait en mettre dans toutes les petites communautés. Je le pense vraiment. Il faut simplement avoir le soutien pour les faire construire et les faire diriger par quelqu'un.
Je suis d'accord avec Sheila, et j'ajouterais des centres culturels. Je pense qu'à la réunion au sommet, nous avons entendu à maintes reprises parler de langue et de culture, de langue et de culture, et nous savons à quel point c'est important. Parfois, lorsque nous mettons des étiquettes comme maladie mentale ou que nous parlons de centre de guérison ou de bien-être, nous utilisons une terminologie stigmatisante, malheureusement. Mais je pense qu'un centre culturel est dé-stigmatisant et ce serait un vrai rêve de voir un endroit où les gens pourraient simplement se réunir et profiter des fruits de la terre, participer à des activités culturelles comme la couture ou la préparation pour la chasse.
Merci pour tout cela. Je serai bref car je dois quitter pour un appel-conférence.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai insisté sur les problèmes de mise en oeuvre auprès de nos témoins est que la plupart des leaders du Nord sont des leaders de jeunes, qui sont au courant de la nécessité de mettre en oeuvre des ententes ou des traités que nous avons déjà avec la plupart des groupes du Nord, du nord du Québec en tout cas, avec les Inuits et les Cris. Bon nombre des infrastructures, services et programmes dont nous avons parlé aujourd'hui sont déjà des promesses, des engagements ou des obligations en vertu de traités ou d'ententes. En ce sens, je crois qu'il ne faut pas réinventer la roue. Je crois que ce n'est qu'une question de bonne foi et de bonne volonté que de mettre en oeuvre les promesses et et engagements qui ont déjà été faits.
Merci, Romeo. Je crois que tu dois partir pour un appel-conférence.
Il reste deux minutes sur la question si quelqu'un aimerait ajouter quoi que ce soit, ou nous pouvons passer aux autres questions.
David.
J'ajouterais quelques points.
J'étais dans l'Ouest récemment, comme je l'ai mentionné la semaine dernière, et dans une communauté, les enfants n'avaient nulle part où aller, pas un seul endroit. Il n'y avait pas de centre pour les jeunes, pas de centre culturel, pas de centre de santé. Ils ont désespérément besoin d'aide. Ils la réclament à grands cris. Ce ne sont que des endroits ordinaires où aller pour les jeunes, des endroits sécuritaires. S'ils n'ont pas un ami ou un parent digne de confiance, ils n'ont nulle part où aller dans ces communautés. Il s'agit d'un besoin impératif.
Je trouve intéressant que plusieurs témoins aient souligné le besoin d'infrastructures, de programmes et d'investissements. Mais je me demande si des demandes sont faites en vertu des programmes existants. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, et ce qui est disponible là-bas est peut-être différent de ce qui l'est ici. Je vois dans les Territoires du Nord-Ouest bon nombre de programmes tels que le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, qui jouit d'une bonne popularité, toutes les communautés le réclament. Il y a des programmes axés sur les effets de l'alcoolisme foetal et il y a des programmes de soutien aux jeunes enfants et aux mères, pour leur montrer comment s'occuper des enfants. Ils fonctionnent assez bien. Ils visent les gens qui vivent une situation difficile et qui ont besoin d'un coup de pouce.
Nous avons également des centres d'amitié qui font beaucoup de choses. Ils gèrent une panoplie de programmes pour le sport, la période des devoirs, les ressources communautaires, l'intervention en moments de crise et bien d'autres choses. Ils luttent pour leurs ressources eux aussi, mais ils ont un vaste mandat et ils ne relèvent d'aucun programme politique. Ils sont indépendants, ce qui fait qu'ils ne rendent des comptes à aucune organisation communautaire relevant de la politique.
Est-ce que quoi que ce soit est disponible. Je sais qu'il y a un centre d'amitié à Rankin Inlet, alors je me demande, est-ce que c'est parce qu'on n'est pas capable d'attirer l'argent?
Hier, il y a eu de bonnes présentations, incluant celle de David. Nous avons eu de bonnes discussions. L'une des choses que l'on a reconnues est que bien des fonds ont été annoncés, même des fonds du gouvernement du Nunavut. Les montants disponibles pour le Nunavut sont relativement peu élevés, pour ne pas dire insignifiants. Êtes-vous en mesure d'obtenir plus d'argent? Pouvez-vous vous prévaloir d'autres programmes existants?
Je dis cela parce qu'il y a une étude ou une méta-analyse sur la stratégie autochtone. Je me demande si cela se rend jusqu'au Nunavut, ou si c'est seulement dans le Sud du Canada et dans les Territoires du Nord-Ouest.
J'aurais quelques réponses. Je suis sûre que Kim et David ont d'autres idées.
Avec tout programme de ce genre dans une petite communauté, il faut souvent un individu consciencieux ou un groupe de personnes dévouées pour faire avancer les choses. On n'offre pas une tonne d'argent aux petites communautés en leur disant: « Ah, mettez un centre d'amitié par ici, faites ceci, faites cela. » Cela prend généralement des gens qui disent: « D'accord, c'est un besoin, et nous voulons que tel projet se fasse. » Puis, ils vont chercher l'aide d'autres gens ou forment un groupe dans le but de trouver l'argent et réaliser le projet, mais il faut des individus ou des groupes dévoués pour cela.
C'est ce qui est arrivé à Rankin Inlet avec le centre d'amitié, ce qui est fantastique. Les gens le voulaient et ils ont trouvé l'argent pour le réaliser. Dans les petites communautés, c'est parfois difficile. Même ici à Iqaluit, ce sont les mêmes personnes qui proposent toutes les idées, qui font le travail et qui réalisent le tout. Parfois, ils commencent sans argent, puis ils trouvent des façons d'en obtenir. C'est parfois difficile.
Il doit y avoir une façon de faire savoir aux communautés que l'argent est disponible s'ils veulent réaliser des projets et de leur dire comment procéder.
Est-ce que je peux vous demander, s'il y avait un nouveau programme pour des centres culturels et qu'il fallait que vous fassiez une demande d'aide, auriez-vous le même problème?
Je crois que, si les communautés étaient informées de l'existence de ces programmes et qu'elles recevaient de l'aide pour en faire la demande, mais aussi pour faire en sorte que le programme fonctionne pour leur communauté, alors je crois que oui. Nous serions soutenus. Je crois qu'il y aurait des gens dans les communautés pour le faire. Lorsque le Centre d'amitié a vu le jour, ce n'est pas arrivé parce que quelqu'un a dit: « Tenez, voici de l'argent pour un Centre d'amitié ». Ce sont les gens qui ont dit « Super, ça serait formidable. Cela pourrait nous être utile » et ils ont fait une demande. Ils ont trouvé le moyen d'obtenir de l'argent afin de lancer les choses. C'était différent.
Ce que vous dites, c'est que si vous deviez proposer à toutes les communautés: « Voici une somme d'argent, vous pouvez l'utiliser pour monter un centre culturel », alors je crois que les gens seraient capables de se réunir et de faire en sorte que cela arrive. Certaines communautés sont petites et il leur faudrait sans doute beaucoup d'aide pour écrire les demandes et pour mettre en oeuvre toutes les infrastructures. Je pense que les gens pourraient faire cela, effectivement.
Merci Sheila.
Je voudrais ajouter quelque chose.
Je sais que Ilisaqsivik n'est pas ici pour parler, mais c'est un formidable exemple de la véritable résilience, de l'ingéniosité et de la créativité du Qaujimajatuqangit Inuit. Ils ont ouvert un hôtel afin de se financer. Le centre de mieux-être Ilisaqsivik de Clyde River est géré par un directeur exécutif et je crois qu'il y a plus de 50 employés désormais. Ils gèrent tous ces programmes formidables. C'est incroyable. Il y a tout, cela va des programmes pour les jeunes à la formation de conseillers dans les territoires.
Nous avons un important groupe de conseillers parlant l'Inuktitut dans diverses communautés du territoire. Il y a un groupe de gestion de crise, au moins dans la région de Baffin. Parfois ils vont aussi dans l'Ouest. En tout cas, pour pouvoir le faire, ils ont dû ouvrir un hôtel pour avoir des ressources financières, car les financements ne sont pas forcément garantis chaque année et ils voulaient maintenir leurs programmes. Ils sont très créatifs et leur directeur exécutif est excellent. Ils ont accompli des choses formidables.
La partie difficile de tout cela, cependant, c'est que nous aurions tous des choses à apprendre de Jakob Gearheard et de son équipe, qui sont expérimentés en la matière, mais nous fonctionnons de façon isolée. C'est en partie à cause de l'éloignement, que vous connaissez bien. C'est dans ce cas que nous voulons profiter de l'expertise de quelqu'un comme Jakob et de son équipe et la partager avec d'autres communautés qui voudraient peut-être faire la même chose mais qui ne savent pas comment cela a été fait, quelles étapes ont été franchies et ce qu'il serait possible de faire pour simplifier le processus.
Il y a beaucoup de programmes qui sont développés en ce moment. Il y a des possibilités.
Une dernière chose: parfois c'est la manière dont nous devons faire la demande de financement qui représente la principale difficulté. Ce n'est pas forcément que le financement n'est pas disponible, mais peut-être que vous devez être inscrit sur les registres officiels du Nunavut pour faire la demande de financement et que vous ne le saviez pas. Parfois ce sont simplement les obstacles liés à la paperasserie et à la bureaucratie qui restreignent véritablement les désirs d'une communauté, ou peut-être que le financement est si précisément défini que bien que ce que demande les gens correspond aux besoins de la communauté, ils ne peuvent pas y accéder
Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les témoins pour nous faire part de leur expérience avec nous aujourd'hui. Ce sont des informations précieuses que nous rapporterons à nos collègues. Je voudrais également remercier David pour son témoignage d'hier soir, du point de vue de l'application des lois. Cela donne une perspective différente à ces questions. Nous ne percevons pas toujours l'autre côté des choses et ce témoignage nous a été très utile.
Ces derniers jours, j'ai beaucoup entendu le terme « décolonisation ». Je sais ce qu'il veut dire, mais pas vraiment, donc qu'est-ce cela implique lorsque quelqu'un doit être décolonisé? Qu'est-ce que cela signifie véritablement et quel en est le processus?
Je vais vous répondre uniquement parce que je vient de terminer ma maîtrise en études autochtones et je me sens formée pour cela.
Je vois la décolonisation comme une façon de changer d'optique sur ma manière de voir le monde, ce qui est difficile. Bien entendu cela fait partie de ce que je suis et je ne suis pas aussi décolonisée que je le voudrais. Il s'agit vraiment de voir les choses sous un autre angle afin de les voir avec le regard de quelqu'un d'autre.
Chacun aura un regard différent là-dessus, mais à mon avis vous avez le système de pensionnats, vous avez la génération de mes grands-parents avec la question de l'abattage des chiens et vous avez des gens colonisés et forcés à partir dans des peuplements, donc lorsque vous parlez de décolonisation, vous avez toute une génération qui est plus ou moins perdue entre deux cultures.
Je l'ai vécu. J'ai d'abord grandi avec mes grands-parents qui étaient très portés sur la culture et la tradition, à Pang, mon père, lui, était de Halifax. J'ai vécu des deux côtés du grand fleuve.
Être décolonisé c'est en quelque sorte revitaliser la culture, je crois. Toutefois, beaucoup de gens sont perdus entre les deux actuellement et c'est l'un des gros problèmes que nous avons.
Je voudrais ajouter quelque chose.
Quand je pense à la décolonisation, je pense à des enjeux tels que le pouvoir et le contrôle. Lorsque les gens sont partis dans les peuplements, ils n'avaient pas beaucoup de pouvoir et de contrôle de leurs propres vies, le système des pensionnats en est aussi une illustration. La décolonisation permet, espérons-le, aux gens de sentir que non seulement ils ont le pouvoir et le contrôle mais que c'est respecté et que tout le monde est à égalité, qu'un groupe ne dicte pas à l'autre la manière dont il doit vivre, penser, ce qu'il doit faire, quelle langue il doit parler. C'est reprendre ce qui a été perdu, mais d'une manière qui fonctionne avec les réalités d'aujourd'hui.
Merci.
Je vais juste lancer le sujet. Est-ce pratiqué dans les écoles? Y a-t-il des ateliers? Comment est-ce mis en place? Je crois que cela serait une bonne manière de présenter les choses.
Il n'y a pas de plan fixe à ma connaissance. Il est beaucoup question de formation sur les compétences culturelles et cela se développe énormément. En fait Saisis la vie envisage de s'engager dans un programme, parce que cela fait vraiment partie de la guérison et de la prise en compte des traumatismes, de la compréhension de ce que c'est de venir d'un lieu et d'un temps différent et d'avoir vécu ce qu'était l'impact de la colonisation, mais je ne vois rien venir.
Je voudrais ajouter quelque chose. Je parle de ma génération et des gens avec lesquels j'ai grandi.
Actuellement il y a le programme axé sur la terre et les programmes de fabrication kamik pour la fabrication de bottes en peau de phoque, les gens de ma génération apprennent cela parce ces savoirs ont été perdus quand nous étions jeunes. Même quand nous avons organisé le sommet au mois de mai, beaucoup de gens disaient qu'il nous fallait davantage de programmes axés sur la terre — cela a été répété maintes et maintes fois — pas seulement pour revitaliser notre culture et nos traditions, mais comme instrument de guérison. Être sur le terrain est en gros la meilleure façon de guérir. Cela a été beaucoup répété — la nécessité de programmes de terrain et de...
Corrigez-moi si je me trompe, parce que je suis sortie du système scolaire il y a déjà longtemps, mais il existait un programme, ou au moins une formation concernant les séquelles du système des pensionnats. Est-ce toujours le cas?
Ah très bien. Oui, ça continue. Cela n'avait pas commencé lorsque j'y étais, ça a commencé un an après en fait et c'était un début. J'aimerais voir ce genre de formation dispensée dans tout le Canada, afin que tout le monde comprenne et se rende compte. C'est un autre pan de la décolonisation je pense.
Pour ajouter à ce qu'a dit Sheila, il y a une unité en 10e année d'études sociales. Ce sont toutes les deux des formations de 10e année d'études sociales — l'unité sur les pensionnats et une unité qui s'appelle « déposer une revendication ». Les Territoires du Nord-Ouest l'ont également mis en place dans leur système. Il s'agit de revendications territoriales et de leur mise en place.
Il y a aussi Nunavut Sivuniksavut, un établissement incroyable basé à Ottawa qui prend environ 30 étudiants Inuit tous les ans. C'est un programme de formation intensive. Ils peuvent choisir un programme d'un an ou de deux ans et cela fait partie de la décolonisation et s'ajoute aux programmes de terrain et aux programmes traditionnels. Cela donne tellement d'autonomie à ces jeunes gens de véritablement apprendre leur histoire en profondeur, ils en sortent avec une incroyable... Maatalii en est un parfait exemple. C'est tellement stimulant d'apprendre qui vous êtes lorsque vous êtes perdus entre les deux cultures.
Merci, monsieur le président.
Cela fait très longtemps que j'ai affaire à la décolonisation. Le colonialisme a touché de nombreuses personnes dans le monde, de diverses manières. C'est un processus bien plus profond que de simplement proposer une formation ou des programmes ici et là. Je crois que cela nous a conduit a prendre à bras le corps les difficultés et à modifier la structure du pouvoir, du développement et de l'éducation qui a conduit à un conflit intergénérationnel, mais les effets de la colonisation sont presque les mêmes à bien des égards dans le monde entier. Je voulais le dire.
Dans le contexte inuit, je crois que bien des difficultés dont nous avons entendu parler lors des deux jours et demi qui viennent de s'écouler et qui ont été assez remarquables, relèvent au fond de l'éducation. C'est une manière de déconstruire bien des problèmes qui sont apparus au cours des deux derniers siècles et de rebâtir la confiance, l'expérience culturelle, le lien culturel, le lien à la terre et toutes ces choses-là.
Je voudrais demander à David — car je trouve que vous avez fait une déclaration très juste hier lorsque vous avez parlé de suicide — que faut-il à votre avis pour que cela arrive dans cette communauté. Je ne parle pas seulement d'Iqaluit, mais des différents territoires Inuit.
Deuxièmement, je veux vous interroger sur le fait d'être un agent de police. D'après votre expérience du système de justice pénale, avez-vous le sentiment que les membres de la communauté qui sont inculpés sont traités différemment du reste de la population?
Je crois qu'il faut que nous ayons un engagement fort du gouvernement fédéral pour nous soutenir. Lorsque je m'intéressais au plan d'action Resiliency Within, l'an dernier, je n'ai perçu aucun soutien en dehors du Nunavut. J'ai senti que nous étions seuls.
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des fonds, mais encore une fois, comme je l'ai dit hier soir, cela n'a pas donné grand chose. Je ne sais pas comment cela a été réparti. Je suppose que c'était par personne, alors avec notre faible population cela ne représentait pas grand-chose.
Il nous faut un engagement fort du gouvernement pour faire baisser nos chiffres. C'est un territoire tellement immense, tellement étalé et tout est si cher. Lorsque nous avons réuni ces 100 personnes en mai dernier, environ 40 % d'entre-elles venaient d'Iqualuit ou du Sud. Cela a coûté 250 000 $ rien que pour faire venir 60 personnes en ville pour ce sommet de cinq jours. Tout est si cher que c'est difficile pour nous de le faire seuls, donc il nous faut davantage de soutien de la part du gouvernement fédéral pour tout ce dont vous avez entendu parler aujourd'hui dans les différents groupes, pour que ces choses puissent se réaliser.
Lorsqu'on regarde le système de justice pénale, je ne suis pas sûr que...
Je ne veux pas vous mettre sur la sellette. Je comprends votre rôle en tant que membre de la GRC. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais je crois que si vous avez des suggestions sur la façon dont le système judiciaire pourrait être plus réactif et mieux refléter les besoins de la communauté, quelles seraient ces suggestions?
En ce qui concerne le maintien de l'ordre, je crois — d'après mon expérience en tout cas — que nous avons fait du bon travail vu nos capacités limitées. Nous sommes sans doute une des forces de police les plus surmenées du pays, avec un des pires taux de crimes violents que j'ai pu voir. Peu d'agents de police restent ici plus de trois ans. Avec une capacité supérieure, nous pourrions faire beaucoup plus.
Je suis le coordonnateur de la police communautaire pour le territoire, je suis le seul. La moitié de mon travail consiste à traiter avec les médias, j'y passe environ 60 % de mon temps. En tant qu'unique coordonnateur de l'ensemble des programmes au niveau de la GRC, du point de vue du maintien de l'ordre je suis strictement réactif à l'heure actuelle, tout simplement parce que je n'ai ni la capacité ni le temps de faire quoi que ce soit de proactif. Il y a beaucoup de choses que je voudrais faire, mais je ne peux pas et je passe une bonne partie de mon temps à travailler à la prévention des suicides, avec Saisis la vie et nos partenaires du comité de mise en oeuvre.
J'ai une question pour Sheila. Je sais que certaines parties du territoire disposent du service de téléphonie mobile et que d'autres n'ont que le téléphone terrestre. Dans un monde qui change de plus en plus, quel effet cela a-t-il sur votre travail? Êtes-vous disponible sur Twitter, sur Facebook et sur d'autres médias pour faire évoluer les lignes d'aide?
L'une de nos difficultés réside dans tous les changements dans la façon dont nous communiquons. Pour le moment, nous pouvons seulement passer des appels téléphoniques, par téléphone mobile ou fixe. Il y a tellement de gens, surtout de jeunes qui aiment communiquer au moyen du clavardage ou des courriels ou autre. Ma fille ne communique avec moi que par message texte et elle vit de l'autre côté de la ville. Je reçois de nombreux messages chaque jour.
Les choses ont changé. Dans tout le Canada cela a changé le nombre d'appels que les gens reçoivent. De nombreux centres parviennent à évoluer et à ajouter les messages texte et d'autres services à leur offre, mais nous n'avons pas assez d'argent pour payer un directeur exécutif ou du personnel de bureau ni quoi que ce soit. Je veux dire, nous ne recevons même pas assez d'argent pour payer nos lignes téléphoniques et notre loyer et nous collectons des fonds pour tout le reste.
Encore une fois c'est un élément supplémentaire de soutien dont nous avons besoin. Nous aimerions vraiment augmenter nos services et il y a beaucoup de jeunes gens qui connaissent très bien ces différentes formes de communication et qui sont prêts à nous aider à mettre cela en place. Je suis un dinosaure, donc je m'en remettrais à eux.
Il est très important que nous proposions des services — et je l'ai déjà dit — que les gens veulent et dont ils ont besoin et nous avons besoin de ressources pour être en mesure de le faire. Nous sommes prêts et nous attendons de le faire, mais ce qui est vital, c'est l'obtention de ressources .
D'accord, merci.
Nous allons maintenant passer aux séries de questions de cinq minutes. Nous aurons le temps d'en faire deux. La première sera posée par Arnold Viersen, je vous en prie.
Merci monsieur le président.
Merci à tous d'être ici aujourd'hui.
Nous retenons vraiment de nos déplacements ici au Nunavik et au Nunavut qu'il y a déjà beaucoup de gens qui travaillent sur cette question. Il est intéressant de voir où il pourrait y avoir de la coordination et ce genre de choses. Nous pouvons clairement apporter notre soutien lorsque c'est nécessaire.
Natan Obed est venu témoigner devant nous. Il nous a remis un rapport très récent et très nouveau. On peut voir à la page 12 de ce rapport le côté sombre et le côté lumineux — les facteurs de protection ou de risque, ce genre de choses. Je crois que nous savons pourquoi cela a lieu; c'est juste qu'il nous faut maintenant y apporter une réponse.
Voulez-vous dire quelque chose à propos de l'ITK concernant le rapport? Quelle serait la chose la plus importante si vous deviez hiérarchiser, est-il passé à côté de quelque chose? Quelle est la première priorité, et l'ITK a-t-il raté quelque chose? À chaque fois que des groupes de témoins viennent, je garde cette page devant moi et m'en inspire pour poser mes questions.
Pour moi, la force que procure la famille est la chose principale. Je crois que si nous pouvons régler cela, si nous pouvons renouveler la force de la famille communautaire, beaucoup d'autres choses seront résolues parce que la continuité culturelle naît dans cette force . L'équité sociale naît de la force de la famille, ainsi que le développement sanitaire.
Je voudrais entendre vos commentaires sur le rapport de l'ITK, peut-être la hiérarchie de ce que vous avez identifié et si quelque chose a été oublié, qu'est-ce que cela serait?
Ce n'est pas une question facile. Je crois que je ne vais parler que de la force de la famille et de la force culturelle. Là encore, c'est issu de mon expérience.
Je crois que ce sont les attaches traditionnelles qui me liaient à mes grands-parents qui m'ont sauvé lorsque j'étais enfant. Toute ma famille a grandi avec l'aide sociale, mais les liens familiaux — je suis d'accord avec vous — sont ce qui peut nous sauver et améliorer notre qualité de vie ici.
Quand je songe à nos foyers et à beaucoup de membres de ma famille à la maison, je vois qu'ils touchent tous l'aide sociale. Beaucoup de systèmes travaillent contre eux. Prenez le système de l'aide sociale et de ce qui arrive à chaque fois que quelqu'un trouve un travail. Si vous trouvez un travail et que vous gagnez 1 000 $ par mois, 40 % de cette somme — votre loyer augmente. Tout va contre vous en quelque sorte.
C'est l'une des chose que je voulais mentionner, pour améliorer la qualité de vie. Vous voulez encourager tout le monde à avoir une éducation et un travail, mais une fois qu'ils trouvent un travail à mi-temps et gagnent un peu d'argent, leur loyer augmente.
Je suis d'accord avec vous, cela dépend comment on fait les choses, mais il faut que j'y réfléchisse davantage.
Les fonctions protectrices de la famille sont très importantes. Même au sein de familles dont certains pourraient penser qu'elles fonctionnent mal ou sont dysfonctionnelles, il existe malgré tout des liens forts et c'est pour cela que nous devons travailler sur les problèmes familiaux et les forces familiales.
Dans mes interventions auprès des jeunes, je puise dans mon amour familial, car l'amour est toujours présent. Je l'utilise comme partie intégrante de mon intervention parce que je sais qu'au sein des familles, bien que les jeunes puissent être en colère contre leurs parents ou contre ce qui se passe dans leur famille, il y a de l'amour. On peut les amener à la conclusion qu'ils ne veulent vraiment pas faire de mal à ces personnes qu'ils aiment — c'est souvent un grand-parent, ou une très jeune soeur ou autre — et on peut leur dire à quel point leur mort les bouleverserait durant toute leur vie. Je peux vous dire que cela a fait que beaucoup de mes interventions ont été efficaces.
Je crois que travailler à rendre les familles et les communautés plus fortes, en meilleure santé et plus solides sur le plan économique serait certainement très utile.
C'est le cas. Votre téléphone devrait sonner d'un instant à l'autre.
La dernière question de cinq minutes sera posée par Gary, je vous en prie.
Nous parlions hier de financement. Vous avez parlé de la participation du gouvernement fédéral et je veux entrer dans les détails. Qu'est-ce qui permettra au gouvernement fédéral d'être un partenaire valable dans une stratégie générale de prévention des suicides Inuit? Quels seraient les éléments? Quelle est l'approche requise? Quels montants seraient nécessaires pour que le gouvernement fédéral soit un partenaire à part entière de cette stratégie?
Je crois que nous avons simplement besoin que le gouvernement fédéral nous écoute un peu plus. Je sais que le gouvernement a envoyé quelqu'un pour le sommet, mais à part ça, son implication pourrait certainement être plus grande.
Disons que vous donniez 1 million de dollars au comité de mise en oeuvre. Vous avez annoncé 1 million de dollars la semaine dernière pour les quatre régions inuites, mais lorsque vous dites que nous avons jusqu'au 31 mars pour les dépenser — et auparavant nous devons faire toutes les propositions et obtenir les approbations — cela fait qu'il est vraiment très difficile pour nous de simplement fonctionner selon les règles et les critères du gouvernement.
Je suis parfaitement consciente qu'il y a des besoins comptables, mais je crois que ce que nos communautés ont dit est tout à fait clair: ce sont elles qui ont toutes les réponses. Elles savent ce dont elles ont besoin.
Si le financement pouvait être plus largement réparti... Nous devons augmenter son accessibilité et rendre son attribution plus souple, parce les besoins et les solutions efficaces diffèrent nettement d'une communauté à l'autre.
La comptabilité peut être assez stricte. Je comprends la manière dont cela peut être créée, mais quand une communauté veut un centre culturel et une autre veut un programme de thérapie axé sur la terre, ils doivent pouvoir avoir accès à cette somme d'argent d'une manière très simple — s'il vous plaît.
Pour vos deux organisations, quel est le budget total? Quel serait selon-vous le budget idéal pour maximiser le rôle de votre organisation dans une stratégie d'ensemble?
Nous avons actuellement trois employés, tous basés à Iqaluit. L'idéal serait d'avoir bureaux et personnel dans chaque région. Le coût varierait en fonction du nombre de déplacements et de contacts qu'ils pourraient avoir avec les petites communautés qu'ils soutiennent.
Notre budget actuel est d'environ 500 000 $. Enfin, il est en train de changer car nous changeons de projet. Nous sommes bien au-delà de notre capacité en ce moment et nous brûlons la chandelle par les deux bouts. Je pense que quelques millions seraient un budget adapté à notre organisation. Nous pourrions alors prodiguer davantage de soins ou appliquer de grandes stratégies comme, par exemple, la plus grande diffusion du haut-débit. Si nous avions un meilleur accès numérique, cela nous serait utile.
Notre budget est très petit, nous recevons 50 000 $ du gouvernement du Nunavut pour nous aider à fonctionner et nous en recevons un petit peu plus pour donner au Centre de détresse d'Ottawa. Notre budget est d'environ 120 000 à 130 000 $ actuellement, mais sans aucun salarié. Moi-même et les autres faisons les formations bénévolement, nous faisons la planification bénévolement, nous gérons le bureau bénévolement.
Cela ne peut pas continuer. Les gens veulent plus d'accès à nos services et ils veulent un accès de meilleure qualité. Ils aimeraient que davantage de conseillers inuits soient disponibles.
Nous aimerions même constituer un service de conseillers bénévoles et peut-être de conseillers salariés à des heures où les bénévoles ne sont pas disponibles. Beaucoup des centres d'appel de détresse dans le Sud font cela, y compris le Centre de détresse d'Ottawa, mais nous n'en avons pas la capacité. Si c'était possible, nous pourrions fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, au Nunavut, avec des conseillers parlant l'Inuktitut disponibles en tous temps.
Nous faut-il du financement? Nous prendrons ce qu'on nous donnera. Nous pourrions probablement proposer ces services avec 1 million de dollars, mais pas avec notre budget actuel. Nous faisons de notre mieux pour proposer le service, mais nous devons nous développer et faire en sorte que cela soit plus pertinent pour tout le monde et nous avons besoin d'argent pour cela.
D'accord, merci.
Cela nous amène à la fin de cette séance. Je veux vous remercier tous d'avoir si bien préparé cette réunion et d'avoir partagé des réflexion si judicieuses. Comme vous le savez, tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui fera l'objet d'un archivage permanent et fera partie de l'étude qui, nous le pensons, se terminera au début de l'année prochaine, en février ou mars. Elle sera alors transmise au gouvernement pour contribuer aux décisions concernant les politiques et le financement.
Merci beaucoup pour votre disponibilité et pour vos efforts, mais aussi pour tout le travail que vous accomplissez.
Nous allons interrompre la séance pendant environ cinq minutes puis nous reviendrons. ll nous reste environ 40 minutes pour les personnes dans l'auditoire qui souhaiteraient faire une déclaration au micro. Nous serons ravis de l'entendre et ces déclarations feront également partie de l'enregistrement archivé.
Je rappelle aussi à tout le monde de ne pas oublier les adresses Web figurant sur le tableau blanc dehors. Elles sont un autre moyen de nous faire des remarques. Toutes les remarques que nous collectons par ce site Web auront le même poids que ce que nous aurons entendu ici aujourd'hui, lorsque nous procéderons à notre étude. Si nos amis des médias voulaient bien nous aider à diffuser l'adresse de ce site Web, ce serait apprécié.
La séance est suspendue pendant cinq minutes. Merci beaucoup.
Nous allons reprendre la séance et laisser la place aux commentaires.
Les membres du Comité seront ravis d'entendre vos commentaires, qui seront consignés tout comme les témoignages précédents.
Il y a deux micros; il vaut mieux utiliser celui qui se trouve à l'avant.
Nous disposons d'un peu de souplesse dans l'horaire. Pour l'instant disons que nous poursuivrons jusqu'à 16 h 40. Il est maintenant 15 h 55. Si vous pouviez ne pas dépasser quatre ou cinq minutes au maximum pour vos remarques, cela serait bien.
Je rappelle encore une fois l'existence de notre site Web, sur lequel les gens peuvent faire des remarques supplémentaires.
Je vois que quelqu'un s'approche du micro. Merci de dire votre nom avant de faire vos commentaires.
[Le témoin parle en langue autochtone]
Je m'appelle Paul Okalik. Je suis le député territorial d'Iqualuit-Sinaa, qui se trouve ici-même. Je veux tout d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'être venus dans ma circonscription.
Le président: Merci.
M. Paul Okalik: Vous parlez d'un sujet très difficile. Je suis content que vous en parliez et que vous essayiez de le résoudre. Je n'aimerais pas être à votre place, mais en même temps j'entends des remarques évoquant le colonialisme qui sont hors contexte à mon avis.
En même temps, nous vivons toujours avec. Peu importe le parti au pouvoir, on dirait que, d'une manière ou d'une autre, il faut que vous désigniez quelqu'un qui ne soit pas Inuk pour nous représenter.
Nous avons laissé cela au siècle dernier. Nous sommes parfaitement capables, comme vous l'a montré la jeune femme aujourd'hui, de nous représenter nous-mêmes. S'il vous plaît laissez-nous être vos égaux et donnez-nous un statut convenable dans notre propre pays. Voilà ce par quoi je veux commencer.
J'apprécie vos efforts. J'ai été actif lors de la dernière campagne parce que je voulais voir un gouvernement qui agirait, qui serait représentatif et qui au moins s'attaquerait aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. L'un d'entre-eux est le suicide.
Merci d'être venus. J'espère que vous changerez les choses, car nous avons besoin d'aide. Notre gouvernement essaye de faire de son mieux pour s'y attaquer, mais nous avons besoin d'un partenaire à Ottawa, comme vous le voyez, pour nous aider à changer les choses.
Je crois que beaucoup de personnes de qualité sont venues devant vous aujourd'hui pour vous proposer leur aide. S'il vous plaît allez dire à vos maîtres, quels qu'ils puissent être, de nous aider à nous attaquer à cette délicate affaire. Nous serons là pour contribuer à vous aider et nous espérons pouvoir renverser la situation.
Qujannamiik. Merci.
Merci beaucoup pour ce que vous avez dit.
Merci de vos aimables mots de bienvenue dans votre circonscription. C'est une magnifique circonscription.
Merci de vous approcher du micro si vous voulez parler.
Tout d'abord, je veux vous remercier d'être venus.
C'est un sujet difficile à aborder, surtout après avoir perdu un membre de la famille que j'aimais, au début du printemps.
Je voudrais qu'il y ait davantage de travailleurs en santé mentale dans les petites communautés. Je voudrais qu'il y en ait plus d'un pour nous aider parce que j'ai remarqué que, durant l'année scolaire, il y a toujours des urgences, quoi qu'il arrive. J'étais réticente à l'idée d'en voir un après avoir perdu mon frère, parce qu'après l'école secondaire j'ai cherché de l'aide, mais je finissais toujours par devoir parler de la même chose encore et encore, ce qui m'a fait revenir à la case départ.
Il a laissé ses enfants en bas-âge. Ils ont l'air perdus. J'aimerais aussi leur rappeler qu'ils ont le droit de parler. Les problèmes ne commencent pas du jour au lendemain. Ils peuvent remonter à la jeunesse. Si, alors qu'ils grandissent, ils ne savent pas s'exprimer, cela peut conduire à un suicide. Nous en avons assez de voir des suicides causés par le fait que les gens ne savent pas s'exprimer.
Ce sera une bonne chose d'avoir des travailleurs en santé mentale ici et qu'il y en ait plus qu'un seul, surtout dans une petite communauté.
Merci.
Merci beaucoup de votre témoignage et aussi d'avoir passé la journée ici avec nous.
Je crois que la personne portant une chemise rose voulait dire un mot, puis je crois que Johannes veut dire quelque chose.
Pourrais-je vous demander de commencer par décliner votre nom? Nous avons une collaboratrice, Roxanne, qui se tient dehors et qui vérifiera avec vous que nous avons orthographié vos noms correctement. Merci.
Je m’appelle Peter Williamson. Je suis ici à titre individuel.
J’étais ici cet après-midi et j’ai entendu les jeunes parler. J’ai trouvé ce qu’ils disaient très intéressant. Ce qui m'a plu surtout, c'est qu’ils ne répétaient pas des choses qu'on leur avait dit de dire. Ils parlaient réellement du fond du coeur de leur expérience dans leur propre communauté. C’est un problème qui intéresse toutes les régions inuites.
Comme vous le savez sans doute, il y a quatre régions inuites. L’une est le Nunavut. Il y en a trois autres et le problème du suicide concerne toutes les régions et toutes les collectivités.
Quand j’étais jeune, la première personne que je connaissais et qui s’est suicidée, c’est quand j’avais 12 ans et cette personne avait 12 ans également. Dans les années qui ont suivi, de nombreux amis se sont suicidés. Et depuis, des membres de ma famille se sont également suicidés.
Je me souviens qu’une fois je me promenais dans mon village de Rankin Inlet. J’étais avec un ami et on a vu du sang sur un mur à l’intérieur d’une maison en regardant par la fenêtre. On s’est regardé et on s'est dit « Ils se sont encore disputés sans doute ». Mais le jour d’après, on a appris que quelqu’un s’était fait sauter la cervelle.
Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de gens dans le sud qui puissent dire qu’ils connaissent 25 ou 30 personnes qui se sont suicidées, je peux le dire, mais je ne suis pas un cas particulier. C’est très courant pour quelqu'un d’ici. Certains parmi mes amis très proches se sont suicidés, c’est un gros problème.
Je voudrais aborder deux ou trois questions qui peuvent, je crois, faire une grande différence. La première, c’est que je me suis rendu compte que le nombre de jeunes gens qui se suicidaient a augmenté lorsque leurs parents, leurs tantes, leurs oncles et leurs grands-parents ne pouvaient plus aller chasser. Parce que vivre selon le mode de vie traditionnel et être élevé dans une communauté, dans une famille, où on suit le mode de vie traditionnel, ça, ça fait vraiment une différence. Nous avons commencé à perdre ça dans les années 1970. Dans les années 1980 aussi, mais ça a commencé dans les années 1970. Après cela, le nombre des suicides a augmenté.
Il y avait ce qu’on appelait à l’époque les guerres du phoque. C’est quand Greenpeace et les autres organisations activistes de protection de l’environnement ont commencé à s’en prendre à l’industrie du phoque dont faisaient partie les Inuits. Pour eux, chasser le phoque était vraiment une question de survie. Je me souviens que quand j’étais jeune, il y avait vraiment beaucoup de gens qui allaient chasser le phoque dans notre communauté. Ils vendaient les peaux et ça leur permettait d’acheter des fusils et des balles et des motoneiges et du bois pour construire leurs qamutiks, qu’on appelle des traîneaux et, en été, ils pouvaient même se permettre d’acheter des bateaux et des moteurs hors-bord et de l’essence, et c'est grâce à ça que le mode de vie traditionnel pouvait se maintenir. Ça faisait une grosse différence.
Aujourd’hui les collectivités inuites souffrent de la pauvreté. Nous souffrons de l’insécurité alimentaire.
Ce sont juste des exemples, mais ils ont un effet profond sur les gens dans les collectivités inuites, et l'on ne souffrirait pas de ces deux exemples si les Inuits pouvaient continuer de chasser. Ça c’est absolument certain.
Avec la négociation de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la mise en place du gouvernement nunavutois, les Inuits voulaient avoir leur propre gouvernement. Ils voulaient avoir leur propre gouvernement afin de pouvoir élaborer et mettre en oeuvre leurs propres politiques et programmes. Pour beaucoup de monde, c’était la seule raison de négocier un accord sur les revendications territoriales.
Il y a d’autres dispositions qui sont très importantes. Pour beaucoup, l’objectif c’était d’avoir son propre gouvernement et de déterminer son propre avenir et, comme je le dis, d’élaborer et de mettre en oeuvre ses propres politiques et programmes. L’une de ces politiques et programmes devait consister à trouver le moyen de permettre aux gens de recommencer à chasser, mais le gouvernement du Nunavut est en place depuis 1999 et les conditions d’aujourd’hui sont les mêmes qu’elles étaient en 1999. Sauf qu'aujourd’hui on est en 2016. Où sont ces politiques et ces programmes qu’on espérait mettre en place pour changer la vie des gens? Où sont les Inuits qui allaient devenir les gestionnaires et les cadres supérieurs du gouvernement?
Nous avons des hommes politiques, mais nous avons aussi notre service public qui est, comme vous le savez sûrement, très important. Pour les Inuits, c’est important également parce que dans notre accord sur les revendications territoriales, nous avons négocié un chapitre sur l’emploi des Inuits au sein du gouvernement qui devait nous permettre d’avoir des Inuits à des postes de haut niveau dans le gouvernement, qui pourraient alors élaborer des politiques comme celle permettant aux gens de recommencer à chasser, mais ça ne s’est pas produit.
Nous avons besoin de ce genre de politique et il faut commencer à les mettre en place. L’un des moyens d’y parvenir c’est de faire en sorte que les dispositions figurant dans notre accord sur les revendications territoriales à propos de l’emploi des Inuits au sein du gouvernement soient mises en œuvre — ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici — et pas seulement au sein du gouvernement territorial, mais au sein du gouvernement fédéral également, parce que ces dispositions s’appliquent à tous les gouvernements du Nunavut. Le gouvernement fédéral, le gouvernement territorial et les gouvernements municipaux ont tous la responsabilité d'employer et former des Inuits à des postes supérieurs au sein de leur propre gouvernement. Je ne vais pas entrer dans les détails de ces dispositions, mais elles n’ont pas été respectées. Il nous faut commencer à nous assurer qu’elles sont mises en oeuvre.
Je soulignerai un dernier point, parce que je sais que vous souhaitez que cela soit bref, c’est que j’ai travaillé pour les Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pendant 15 ans à Ottawa. Pendant que je travaillais là, j’ai trouvé des documents de recherche dans la librairie du ministère. Il s’agissait d’un rapport intitulé Aperçu de la situation démographique et socio-économique des Inuit du Canada, publié en 1985. Ce rapport disait que la population inuite avait plus que quadruplé entre 1931 et 1981. Il y était dit qu'en 1931, il n’y avait guère plus de 6 000 Inuits au Canada et seulement 65 vivaient en dehors des régions inuites. En 1961, 30 ans plus tard, il y avait un peu plus de 11 000 Inuits, de sorte que la population avait presque doublé en 30 ans. En 1981, la population inuite du Canada était d'un peu plus de 25 000 Inuits. C’est-à-dire qu’elle avait plus que doublé pendant les 20 années précédentes. En 2006, il y avait un peu plus de 50 000 Inuits au Canada, dont 11 000 vivant en dehors des régions inuites.
Par conséquent, la population inuite a été multipliée par quatre au Canada en 55 ans et, en 2006, elle avait presque doublé au cours des 25 années précédentes, c’est exactement ce que disait l’un de nos jeunes ce matin. C’est pourquoi je voulais souligner ce point.
Ce rapport disait également:
L’objet de ce rapport est de décrire le groupe ethnique inuit en tenant compte de son évolution démographique et de ses conditions socioéconomiques spécifiques. Cette publication fournit des informations qui devraient être utiles pour l’élaboration de politiques et de programmes, la planification opérationnelle et stratégique et la mesure du rendement.
C’était en 1985.
Quand j’ai travaillé là, j’ai soumis cela à l’attention des hauts responsables du ministère, et il ne s’est rien passé. Ce rapport soulignait l’importance du suivi de l’évolution de la population inuite qui était en croissance rapide pour permettre au département d’élaborer des politiques et programmes appropriés afin de répondre aux besoins de la population inuite du Canada de plus en plus nombreuse.
Il nous faut suivre l’évolution de la population inuite au Canada et nous devons supposer qu'elle doublera tous les 25 ans. C’est extrêmement important parce qu'on ne parle pas seulement de suicide, mais de pauvreté. Comme vous le savez, ou comme les gens le savent, on espère, la pauvreté conduit à une augmentation des suicides. Cela est tout à fait évident dans les collectivités inuites.
Le logement, les écoles, les routes, l’infrastructure municipale d’adduction d’eau et les égouts, l’électricité et l’infrastructure aérienne et marine, tout cela contribue à la qualité de la vie des collectivités, et nous sommes très en retard sur ce point.
Nous avons réellement besoin de suivre l’évolution démographique de la population inuite, parce que de cela dépend de notre capacité à affronter les problématiques liées au suicide et à la pauvreté dans nos collectivités.
Merci.
Merci beaucoup pour vos commentaires.
Je voudrais juste rappeler de nouveau à chacun que vous pouvez soumettre des commentaires détaillés sur notre site Web. Cela nous serait réellement utile également.
Merci d’être venue témoigner et soyez la bienvenue.
Je m’appelle Caroline Anawak, je suis l’une des deux anciens spécialistes en prévention du suicide au ministère de la Santé pour le gouvernement du Nunavut.
Je voudrais commencer par dire que si un jeune se suicidait à Kanata, cela précipiterait une série d’activités à tous les niveaux: mobilisation des écoles, envoi de conseillers psychologiques, tout un cortège de conseillers pour conseiller les conseillers.
Le conseil scolaire d’Ottawa-Carleton réexaminerait sa politique en matière de formation. Il y aurait quantité de réunions avec les parents et de communications en direction des familles. Quantité de personnes au niveau provincial chercheraient à voir comment dégager des ressources et renforcer les normes du conseil scolaire et de l’école elle-même en pareille circonstance. De même, on peut espérer que les députés feraient jouer leurs propres connexions pour faire face à cette situation.
La vie d’un enfant à Kanata est très précieuse. La réaction à l’égard de cet enfant montre le prix qu'on attache aux enfants, combien la communauté investit dans ses enfants et combien elle est concernée par le traumatisme et les séquelles de ce suicide. Au moment où je vous parle ici à Iqaluit, depuis la création du Nunavut, 102 personnes se sont suicidées — je dis bien 102 — et je n’ai jamais vu le genre de mobilisation dont je viens de vous parler. Il n’existe que deux organisations — Embrace Life et la ligne d'écoute téléphonique Kamatsiaqtut Nunavut —, qui se préoccupent réellement de cela.
Vous imaginez combien peu de valeur semble avoir la vie quand il n’y a aucune mobilisation à aucun niveau que ce soit. On n’en parle pas au conseil municipal d’Iqaluit, qui a inscrit à l’ordre du jour de sa réunion les nids-de-poule et les dépotoirs. Pas davantage au conseil scolaire, trop occupé à parler de crayons et de ce qu’il faudra payer au gars qui va organiser la sortie des gens sur le terrain. On ne voit pas l’infrastructure, le niveau de service, la formation, ni les dollars. En 16 ans, 102 personnes peuvent mourir là où on est assis aujourd’hui, et rien ne se passe. Aucune action coordonnée.
J’ai finalement quitté le gouvernement du Nunavut, parce qu’en fait la stratégie quinquennale de prévention du suicide n’a jamais été financée. Ça a fait de la bonne publicité, mais ça n’a jamais été financé. C’est une enquête qui a révélé cela lorsqu’un parent a eu le courage de se déclarer d’accord avec le coroner et a demandé une enquête. Le résultat a été absolument affligeant. En fin de compte, on ne m’a même pas donné les statistiques concernant le suicide, parce que je risquais d’en parler à quelqu’un d’autre. Je suis partie en pleurs, mais je n’abandonne pas, comme vous le voyez.
Qu’est-ce qui fait qu’une collectivité de ce genre, qui compte 8 000 personnes, ne se met pas immédiatement en action comme dans le cas dont j’ai parlé plus haut? En partie, parce que ces suicides se succèdent si rapidement que l’on n’a pas le temps de faire son deuil de l’un que l’autre survient déjà. Parce que les gens sont interconnectés, les gens d’ici et aussi les collectivités — ce pourrait être cette région ou une autre région — tout le monde souffre. Mais là, il n’y a aucun soutien.
Nous avons des travailleurs sociaux et nous pensons qu’ils ont une formation en matière de suicide. Nous avons des aides-soignants, des travailleurs spécialisés dans la santé mentale et cela n’a jamais été inscrit à leur programme d’études.
Il s’agit d’une situation unique, pourtant, ironiquement, elle ne s'est créée que vers le milieu des années 1970. Quand je travaillais auprès des aînés dans les quatre territoires revendiqués par les Inuits, que je faisais des recherches, nous avons passé cinq jours et cinq nuits dans chacun de ces territoires, allant de la région de Inuvialuit jusqu’au Labrador et jusqu’à la région de Nunatsiavut, et tout le monde disait la même chose: il n’y avait jamais de suicide chez les jeunes. Je me disais, c’est une trouvaille. Pourquoi est-ce que cela ne se produisait jamais? Certaines des conditions étaient réellement mauvaises. Ils avaient été forcés de se réinstaller pour les convenances administratives de quelqu’un qui avait exclu les hommes sans leur donner aucun rôle. Même pendant ces temps durs, pourtant, ça n’arrivait pas. Pourquoi dans les années 1970?
Lorsque cela a commencé à se produire, les aînés reconnaissaient qu’ils étaient désarmés parce que cela ne s’était jamais produit auparavant. Le gouvernement tenait en main les postes infirmiers de sorte qu’ils ne pouvaient pas se faire entendre des conseils de santé ni des comités de santé où ils ne siégeaient pas, pour pouvoir parler du problème.
Comme les aînés étaient de plus en plus marginalisés, il y a eu toute une vague de professionnels qui ont été envoyés dans le nord. Cela n’arrivait pas dans leur famille. Eux non plus n’avaient pas les outils et même s’ils avaient reçu une bonne formation, ils n’avaient pas été formés en matière de suicide. Nous avons eu beaucoup de responsables hauts placés venus d’ailleurs qui n’avaient pas vu cela se produire et ça ne faisait pas partie de leurs références. C'est eux qui avaient le pouvoir de décision au sein de notre gouvernement.
Le plus triste, c’est que plus il y avait de suicides, plus les gens devenaient apathiques et incapables de réagir. Par exemple les gens disaient des choses du genre « Je ne vais plus chez les gens. Je le faisais toujours lorsque quelque chose arrivait » ou « Je ne veux plus décrocher le téléphone tard la nuit, de peur qu’on me dise que quelqu’un d’autre est mort. » Les gens sont anesthésiés, alors ils se replient sur eux-mêmes, ne font rien et les gens sont complètement isolés émotionnellement avec leur chagrin.
Merci.
Merci beaucoup pour vos commentaires.
Je demande à ceux qui souhaitent prendre la parole de bien vouloir lever la main, s’il vous plaît.
J'en vois cinq. Il nous faut vraiment nous en tenir à trois minutes pour les commentaires; autrement nous ne pourrons pas entendre tout le monde.
Merci beaucoup.
Je m’appelle Johannes Lampe et je suis le président du Nunatsiavut.
Je m’efforcerai d’être bref. Mon chauffeur m’attend, alors je serai bref.
Je me suis tourné vers nos ancêtres, nos grands-pères qui ont tant souffert, qu’on dit que les Inuits sont forts et résilients et capables de s’adapter à tout. C’est ce que nous avons fait, mais les temps changent. Nous ne sommes pas ceux qu’étaient nos ancêtres.
Je pense que nos ancêtres ont énormément souffert à cause de choses comme les réinstallations forcées lorsqu’ils ont été obligés de quitter leur campement pour s’installer dans des communautés permanentes qu’ils ne connaissaient pas et ne comprenaient pas, ou dans des pensionnats. Les jeunes enfants ont été envoyés dans des écoles et ont quitté leurs parents, alors leur mère, leur père et leurs grands-parents ont énormément souffert. Lorsqu’un Inuk souffre, ses gènes souffrent. Nos enfants et nos petits-enfants aujourd’hui souffrent au plus profond d’eux-mêmes, alors cela continue.
Aujourd’hui de grandes transformations se produisent. Par exemple, au Labrador, le projet hydroélectrique de Muskrat Falls se développe. La province de Terre-Neuve-et-Labrador a fait de graves erreurs en ce qui concerne notre réinstallation forcée et la mise en pensionnat de nos enfants. Je sais que le projet de Muskrat Falls est aussi une énorme erreur qui causera d’énormes dégâts aux Inuits du Labrador.
Les chasseurs ont souffert parce qu’on a tué, massacré, leurs chiens husky. Ils étaient leur seul moyen de vivre sur ce territoire, ils ont de nouveaux étés frappés au plus profond d’eux-mêmes en perdant leurs chiens husky. Eux aussi souffrent au plus profond d’eux-mêmes.
Par conséquent, il y a de nombreux facteurs différents qui causent cette souffrance au plus profond de la population et aussi on ne parlait pas, alors il nous faut nous connecter, communiquer et prendre soin des Inuits dans toutes les régions.
Je vous remercie pour votre temps. J’ai bon espoir et confiance que quelque chose bougera à partir de cela, mais la confiance doit reposer sur les progrès de ces auditions.
Nakurmiik.
Je m’appelle Adam Akpik, et j’aimerais présenter mon point de vue à l’honorable vice-président et député David Yurdiga, ainsi qu'aux autres membres du Comité, en réponse à cette question sur la décolonisation.
J’ai appris, dans le cadre du programme en études inuites que j’ai suivi au collège Nunavut Sivuniksavut, que l’on peut séparer la décolonisation en quatre dimensions. Il s’agit de la dimension matérielle, de la dimension intellectuelle, de la dimension économique et de la dimension politique. Ce que je pense de la décolonisation, c’est qu’il faudrait trouver un juste milieu entre les sociétés dans lesquelles les peuples autochtones et les Inuits vivaient autrefois et l’économie de marché colonisatrice dans laquelle nous vivons aujourd’hui, et c’est que le gouvernement fédéral devrait soutenir la vision que les Inuits ont d’une société qui pourrait leur convenir.
Un autre sujet qu’il faut aborder, c’est ce que Toby a dit au sujet du manque de travailleurs en santé mentale dans les villages. Selon les données de Statistique Canada pour 2006 — j’aimerais en avoir de plus récentes — nous avions le ratio le plus faible de médecins, le ratio le plus faible d’infirmières agréées et le ratio le plus faible de psychologues. Nous dépassions la moyenne nationale pour ce qui est des travailleurs sociaux, mais, très souvent, il ne s’agit pas de travailleurs sociaux agréés, mais qu’on engage quand même pour faire ce travail. Et je ne parle pas du phénomène de la porte tournante, des gens qui viennent travailler dans le territoire pour en repartir aussi vite. Très souvent, ils repartent faute de compétences et de formation en matière interculturelle.
On en a eu un exemple la semaine dernière, justement: une psychiatre qui devait prendre l’avion pour offrir ses services à Clyde River, alors qu’elle n’avait reçu aucune formation interculturelle et qu’elle n’avait pas de contacts, aucun collègue qu’elle aurait pu appeler à Clyde River. Et c’est sans compter l’effet domino dans des domaines comme l’éducation: comme nous n’avons pas de pédopsychiatre, l’école est incapable de répondre aux besoins de nombreux élèves.
Voilà ce que je voulais vous dire aujourd’hui.
[Le témoin s’exprime en inuktitut.]
Excusez-moi, mais quand vous nous donnez une limite de trois minutes, ça me fait penser aux gens qui viennent ici une journée et qui sont prêts à écrire une lettre aux journaux, et aux gens qui viennent ici une semaine et qui sont prêts à écrire un livre, comme s’ils avaient tout compris.
Permettez-moi de vous donner un petit cours d’histoire, vue par les Inuits. Quand j’allais à l’école, on m’a appris que Christophe Colomb avait découvert l’Amérique il y a 500 ans, en 1492. Nous, nous étions là depuis 4 000 ans. Ensuite, les baleiniers sont venus et ils ont pratiquement fait disparaître nos baleines, les baleines boréales. Ils ont pratiquement fait disparaître les boeufs musqués.
Ensuite, la Compagnie de la Baie d’Hudson et les missionnaires sont arrivés et, du coup, le gouvernement, par leur entremise, nous a colonisés. Après, dans le Nord du Québec, on a déplacé certaines familles vers Grise Fjord et la baie Resolute en prétendant que la chasse y serait meilleure. En réalité, c’était pour affirmer la souveraineté.
Par la suite, quand des gens partis en expédition revenaient dans une localité comme Iqaluit, la GRC avait l’ordre d’abattre leurs chiens pour qu’ils ne puissent pas repartir et pour qu’ils s’installent dans la localité. Ensuite, on nous a envoyés à Chesterfield Inlet, où on nous a mis au pensionnat pour nous assimiler. On nous a dit qu’il ne fallait pas parler inuktitut.
Depuis le temps que ça dure, vous comprendrez pourquoi nous avons des problèmes chez nous et pourquoi nous avons le taux de suicide le plus élevé. Moi qui vous parle, j’ai trois frères qui se sont suicidés, et pourtant, nous n’avons pas de programme adéquat en matière de santé mentale. On n’investit pas assez d’argent dans la santé mentale, chez nous. C’est ça le principal problème, la vraie question. Encore une fois, le gouvernement a créé tous ces beaux programmes — prévention du suicide, réduction de la pauvreté, Nutrition Nord — mais on n’a jamais le personnel voulu pour les mettre en oeuvre convenablement. Ils ne donnent pas les résultats prévus parce que les responsables n’ont pas fait appel aux gens qui vivent autant qu’ils auraient dû le faire.
Je répète que la chose la plus importante à faire chez nous, c’est de financer convenablement les programmes en santé mentale, à cause de l’accumulation de traumatismes que nous avons vécus depuis que Christophe Colomb a découvert l’Amérique.
J’ai dit 4 000 ans, mais les Premières Nations étaient présentes sur le continent depuis environ 36 000 ans — alors que Christophe Colomb est arrivé il y a 520 ans. Quand j’étais député fédéral, je parlais toujours en inuktitut. Une fois, alors que je parlais en inuktitut, une députée du Bloc québécois s’est levée et elle a dit: « Appel au Règlement, monsieur le président. », en ajoutant qu’elle ne savait pas quelle langue étrangère je parlais. Voilà le genre de choses auxquelles nous sommes confrontés. Ça n’a pas été long que je me suis levé pour lui dire que je parlais inuktitut. Elle parle en français et moi, je ne parle pas en anglais. L’histoire de l’anglais et du français sur notre sol remonte à quelques centaines d’années, mais celle de l’inuktitut date de quelques milliers d’années. Elle a compris.
Merci beaucoup pour cette mise au point.
Au nom du Comité, je vous présente nos sincères excuses pour le temps d’intervention limité. Nous devons prendre l’avion et nous essayons simplement d’entendre le plus de gens possible avant le décollage.
Merci de cette explication.
Je vous en prie.
Je suis très timide.
Je souffre du SSPT à cause de ce qui m’est arrivé. Avant, je pouvais vivre normalement et je pouvais travailler tous les jours. Je ne peux plus travailler, maintenant. Je ne sais plus où aller pour trouver de l’aide psychologique. Il y a un psychologue que je peux consulter grâce au travail de mon mari, mais je ne veux plus aller le voir parce qu’il y a trop de gens qui souffrent comme moi et qui ne réussissent pas à obtenir de l’aide parce qu’ils souffrent du SSPT. Je ne peux pas aller en thérapie quand il y a plein de monde qui n’ont pas accès aux services psychologiques parce que nos effectifs sont trop bas. Les gens qui travaillent dans les services de santé mentale ne servent à rien dans les cas de SSPT. Je regrette de le dire, mais c’est vrai. Ils sont complètement inutiles.
Si on veut vraiment prévenir le suicide, il faut commencer par s’occuper de la santé mentale. Il faut commencer à sensibiliser les Inuits au SSPT, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est, et qu’ils ne savent pas qu’ils en sont atteints. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond dans leur tête, et ils n’arrivent pas à comprendre pourquoi.
Ils ont non seulement besoin d’avoir du personnel spécialisé ici… On m’offre une solution de rechange: aller me faire traiter dans le Sud. Mais, à ce moment de ma vie, je ne peux pas aller me faire traiter dans le Sud, parce qu’il y a quelqu’un dans ma famille qui est encore plus mal en point que moi, et elle non plus ne sait plus vers qui se tourner. Elle a consulté quelques fois, mais elle fait maintenant des choses qu’elle ne devrait pas faire, parce qu’elle pense de plus en plus au suicide et qu’elle n’a pas le courage de se tuer, alors elle fait tout ce qu’elle peut pour se détruire.
J’ai une adolescente alcoolique à la maison. J’ai une jeune fille chez moi qui est toxicomane. Nous ne savons plus vers qui nous tourner, parce que nous ne disons pas ce que les psychologues veulent entendre et parce que nous ne faisons pas ce qu’ils veulent nous voir faire. Ça ne marche pas comme ça.
J’ai vu des psychologues quand j’ai pu. Heureusement, sans ça, je ne serais pas ici. Je peux dire de quoi je pense avoir besoin. Il y a beaucoup de gens qui ne le peuvent même pas.
Il faut revoir complètement les services de santé mentale. Nous avons besoin de personnel ici pour aider les gens qui ne veulent pas aller se faire traiter dans le Sud et qui veulent suivre une thérapie ici.
Je vais un peu mieux qu’avant, le matin. Je vais même beaucoup mieux le matin, mais je me réveille tous les matins en larmes et je ne sais pas pourquoi j’ai si peur. C’est vrai, je ne sais pas ce qui me fait peur. Je me réveille effrayée tous les matins. C’est moins pire qu’avant. C’est beaucoup moins pire qu’avant. J’arrive à sortir de la maison beaucoup plus souvent qu’avant.
Si vous voulez vraiment nous aider, regardez du côté de la santé mentale. Ne faites plus ce genre d’audience si vous ne voulez pas nous aider. Nous sommes des êtres humains; nous avons une âme.
Merci.
[Le témoin s’exprime en inuktitut.]
Mon nom est David Tuanasie.
[Le témoin s’exprime en inuktitut.]
Je suis le député territorial de la circonscription de Baffin-Sud et je représente les localités de Cape Dorset et de Kimmirut, ici, au Nunavut.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le président, à vous et aux membres du Comité.
Comme j’ai peu de temps, je vais me concentrer sur quelques points qui, je l’espère, vous aideront à formuler vos recommandations.
Il est révélateur qu’un territoire nomme un ministre chargé de la prévention du suicide. Notre territoire s’est doté d’un budget de 4,5 millions de dollars uniquement pour combattre le suicide.
Je tiens aussi à vous féliciter. Je vois que vous avez invité des jeunes à cette audience. Pour parler souvent aux jeunes de nos collectivités, je sais qu’ils veulent se faire entendre. J’essaie de les aider; j’essaie de leur servir de porte-parole. Ils sont capables de se faire entendre tout seuls, bien sûr; ils peuvent faire du bruit. J’ai quatre enfants moi-même, qui ne donnent pas leur place.
L’autre chose que je veux vous dire, c’est que je demande au Canada, en tant que pays, d’adopter une stratégie nationale de prévention du suicide. C’est vrai que l’Inuit Tapiriit Kanatami a sa propre stratégie conçue spécialement pour les Inuits. S’il y avait une stratégie nationale, cependant, nous pourrions obtenir le soutien voulu et on aurait une démarche cohérente du niveau fédéral au niveau local.
Il faut une approche concertée pour s’attaquer au problème. C’est à cela que serviront les 4,5 millions que le gouvernement territorial veut investir. Je dois féliciter le gouvernement d’avoir officiellement déclaré que le suicide est une crise territoriale. On a confié le dossier au sous-ministre adjoint, qui commence à s’y attaquer, je crois.
C’est une tâche immense. Je crois que les gens qui font face au suicide sur le terrain, les travailleurs de première ligne, sont ceux qui ont le plus besoin de soutien.
Je dois aussi vous dire que, malheureusement, comme vous l’avez peut-être appris, un des villages que je représente, Cape Dorset, a perdu son école l’an dernier à la suite d’un incendie. Il y a quelques jours à peine, la semaine dernière, une autre tentative d’incendie criminel a été commise à la seule autre école du village. Voilà le genre de choses auxquelles nous faisons face tous les jours, mais il faut se demander quelle maladie cachent ces symptômes.
Il y a aussi la question du suicide. On m’a dit plusieurs fois que, si on en parle, on encourage les gens à passer à l’acte. Je suis totalement en désaccord. Je pense qu’il faut en parler et qu’il ne faut pas hésiter à aborder la question, individuellement, mais aussi collectivement.
Je suis heureux que vous ayez pu venir ici, pour nous entendre directement. J’espère que cela signifie que vous pourrez offrir de l’espoir et des solutions aux personnes à risque, pour les aider à retrouver leur santé mentale.
En gros, voilà ce que j’avais à dire.
[Le témoin s’exprime en inuktitut.] Merci.
Merci, David. C’est pour nous un privilège d’être ici; je vous remercie de vos observations et de votre accueil chaleureux.
Bonjour. Si vous voulez mettre vos écouteurs, je vais m’exprimer en inuktitut aujourd’hui. Il n’y avait pas d’interprète, hier soir.
[ Le témoin s’exprime en inuktitut.]
Comme un général pendant la guerre, je me retrouve souvent à fixer ma fenêtre, en me demandant comment je pourrais diminuer les pertes dans mon peuple. Est-il possible que vous ne m’ayez pas armé pour cette guerre? Ces discussions et le tollé national au sujet d’Attawapiskat, il y a quelques mois, ce sont des munitions. L’argent que vous donnez aux soldats qui se battent au front comme moi, c’est notre arsenal; c’est lui qui nous permet d’envoyer l’infanterie et de mobiliser les collectivités, et je vous remercie sincèrement de m’écouter, mais j’aimerais aussi que nos mots et nos voix résonnent sur la Colline du Parlement.
Merci.
Excusez-moi de revenir, mais je n’ai pas eu le temps de terminer.
Il n’y a pas besoin de chercher loin pour savoir comment obtenir les ressources, mettre en place l’infrastructure et passer à l’action. L’Association canadienne pour la prévention du suicide, l’ACPS, a élaboré un projet de stratégie de prévention du suicide il y a déjà plusieurs années. Je le sais: j’y ai contribué, avec beaucoup d’autres gens.
Le document existe toujours, et vous pouvez le consulter. Il s’intitule « CASP blueprint ». Avec la stratégie de prévention du suicide de l’ITK, cela vous fait deux modèles dont vous pouvez vous inspirer immédiatement. Ce n’est pas comme si vous commenciez à zéro.
En assistant à plusieurs conférences internationales, j’ai aussi découvert ce qui se fait ailleurs dans le monde, dans les nombreux pays qui se sont dotés d’une stratégie de prévention du suicide. Même un pays aussi petit que la Slovénie en a une, alors que nous n’avons rien. Je sais que l’honorable Bob Rae a fait ce qu’il pouvait à la Chambre. Je sais que beaucoup de gens en ont déjà parlé, mais, avec tout ce qui se passe, on ne peut pas se priver d’une stratégie. Celle de l’ITK semble excellente; celle de l’ACPS aussi. Je vous encourage fortement à les étudier toutes les deux, parce que beaucoup de travail a déjà été accompli en première ligne.
Merci.
Merci beaucoup.
Est-ce que je vois encore une main? D’accord. Je crois que ce sera notre dernière intervention cet après-midi.
Qujannamiik.
Je m’en voudrais de ne pas corriger la réponse que j’ai faite à l’honorable député de Scarborough à la suite du témoignage que j’ai fait plus tôt aujourd’hui.
Quand on m’a demandé quels étaient les programmes qui fonctionnent bien dans nos collectivités, je me suis trompé, mais comme il ne reste que peu de temps et que je ne pourrai pas énumérer toutes les initiatives extraordinaires que l’on prend en première ligne dans nos régions et nos collectivités, je serais heureux de collaborer avec les membres du Conseil national inuit pour vous fournir une liste des activités et programmes de prévention du suicide que l’on trouve dans l’ensemble de l’Inuit Nunaat. Je vous encourage encore une fois à formuler une recommandation donnant suite à l’appel à l’action numéro 66 de la Commission de vérité et réconciliation, dont j’ai déjà parlé. Je voulais apporter cette correction officiellement.
Je rends hommage à toutes les personnes — les jeunes, ainsi que l’assistance d’aujourd’hui — qui ont accepté de se dévoiler et de nous faire part de leur réalité et de leur point de vue. C’est très difficile à faire et je vous en félicite tous et chacun.
On a beaucoup parlé de santé. Alors qu’on est en train de réévaluer l’accord sur la santé, il ne faut pas oublier les paiements de transfert destinés aux provinces et territoires où habitent les Inuits — et dont ils composent dans certains cas la majorité des habitants — et à l’effet de ces transferts sur leur santé.
Excusez-moi encore pour les erreurs qui se sont glissées dans mes brèves observations. Je serai heureuse de les corriger en communiquant directement avec le comité permanent.
Qujannamiik.
Merci d’offrir de nous donner la liste complète, Maatalii. Nous ferons le suivi. Merci beaucoup.
Merci à tous ceux et celles qui sont intervenus aujourd’hui, et à tous ceux et celles qui ont passé la journée avec nous, et qui écoutent les témoignages depuis 8 h 30 ce matin.
Notre séjour dans votre magnifique localité, depuis hier, a été une expérience formidable, et nous vous en remercions chaleureusement. Nous sommes profondément reconnaissants. Nous vous donnerons des nouvelles.
La séance est levée.
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