INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je reconnais que nous sommes sur le territoire revendiqué par le peuple algonquin. Je souhaite la bienvenue à tous les députés et surtout à nos invités. Merci de votre présence. Nous avons aussi une personne qui témoigne par téléconférence.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 21 février 2017, le Comité reprend son étude sur la politique de la prévention et de la gestion des manquements. Pour l’occasion, nous accueillons deux organisations: les Algonquins du lac Barrière et la nation de Wasagamack au Manitoba. Chaque groupe aura 10 minutes pour faire son exposé, puis nous passerons aux séries de questions et de réponses. Je demanderai seulement aux membres du Comité de mentionner l'organisation à laquelle leurs questions s'adressent; cela nous permettra de savoir si les questions s'adressent au témoin en téléconférence ou aux témoins sur place.
Nous commencerons par nos témoins sur place. Bienvenue. Je vous cède la parole.
Bonjour aux membres du Comité, au personnel et aux invités.
Je m'appelle Casey Ratt. Je suis le chef des Algonquins du lac Barrière. Nous vivons dans le bassin hydrographique de la vallée de l'Outaouais depuis des temps immémoriaux. Notre réserve de Lac-Rapide se situe à environ trois heures et demie au nord d'Ottawa en bordure du réservoir Cabonga. Nous comptons plus de 750 membres, mais notre réserve a une superficie d'environ 74 acres.
Le Québec et le Canada nous ont dépossédés de nos terres et de nos ressources. Nos membres vivent dans la pauvreté. Notre taux de chômage est très élevé, parce que nous avons été exclus de la mise en valeur de nos terres ancestrales. Depuis des générations, nous essayons de trouver des solutions à ces problèmes avec le Canada et le Québec. Nous avons déjà connu des conflits, mais nous avons toujours essayé de trouver une solution négociée à nos problèmes.
En 1991, nous avons ratifié une entente avec le Canada et le Québec pour négocier la gestion des terres sur notre territoire. En 1997, nous avons ratifié une autre entente avec le Canada en vue de reconstruire notre collectivité. Le Canada a mis fin à ces ententes en 2001 et a refusé de négocier. Ensuite, en 2006, le Canada a imposé à notre collectivité la gestion par un séquestre-administrateur. Quatre ans plus tard, le Canada a éliminé notre code de gouvernance coutumier et il nous a imposé le système électoral que prévoit la Loi sur les Indiens.
La gestion par un séquestre-administrateur du gouvernement fédéral contrôle depuis 2006 tous les aspects des programmes et des services de notre collectivité. Il n'y a aucune obligation de rendre des comptes à notre peuple. Le Canada a pratiquement rendu inutile notre système de gouvernance, étant donné que le séquestre-administrateur prend bon nombre de décisions sans nous consulter. En raison de tous ces éléments, notre situation est plus difficile, et nous sommes plus pauvres. Cela nous a poussés à nous demander pourquoi le gouvernement du Canada a décidé de nous retirer le contrôle et de nous imposer la gestion par un séquestre-administrateur, qui a en fait empiré notre situation.
Il n'y a aucune stratégie de retrait. Le Canada et le séquestre-administrateur n'ont rien fait en vue de collaborer avec nous pour trouver une solution à la situation. Ils semblaient satisfaits de laisser la situation perdurer. En 2016, nous avons donc poursuivi le Canada devant la Cour fédérale. Nous avons encore une fois recours à la médiation pour essayer de négocier une solution équitable qui permettra à notre peuple de reprendre le contrôle de sa vie.
Nous entendons tout le temps que les Premières Nations doivent rendre des comptes et faire preuve de transparence. Dans un tel cas, comment le Canada et le séquestre-administrateur peuvent-ils s'en tirer sans nous rendre des comptes et sans faire preuve de transparence envers notre peuple? Nous savons que nous pourrions obtenir de meilleurs résultats, et je tiens à vous donner certains exemples.
Notre séquestre-administrateur reçoit 550 000 $ pour administrer notre pauvreté. Nous ne considérons pas que notre collectivité et les contribuables canadiens en ont pour leur argent avec cette situation. Il n'y a rien dans l'accord de gestion par un séquestre-administrateur qui évalue notre qualité de vie ou qui évalue si vraiment la prestation des services s'améliore. Cette gestion par un séquestre-administrateur n'est aucunement liée à l'obtention de résultats positifs dans notre collectivité. Cet accord ne vise absolument pas à améliorer nos conditions de vie ou la vie de notre peuple.
Nous ne jouons aucun rôle dans l'élaboration du mandat du séquestre-administrateur. Chaque année, le contrat demande seulement au séquestre-administrateur d'administrer les programmes et les services pour l'année en cours. Il ne s'occupe donc pas des dettes passées. Avant l'imposition d'un séquestre-administrateur, Revenu Québec évaluait notre compte en souffrance à 218 000 $. Nous avons depuis accumulé 305 000 $ en frais d'intérêt et 34 000 $ en pénalités, ce qui porte le montant total à 558 000 $. Dans un autre dossier, la CSST du Québec évaluait la dette des Algonquins du lac Barrière à 400 000 $. Nous avons depuis accumulé 290 000 $ en frais d'intérêt, ce qui porte le montant total à 690 000 $. Il semble que le séquestre-administrateur n'ait rien fait pour rembourser ces dettes, parce qu'Affaires autochtones et du Nord Canada ne lui demande pas de le faire. Est-ce une saine gestion financière?
En dépit de la croissance de notre population, d'un grave problème de surpeuplement et d'un parc immobilier déficient, aucune nouvelle maison n'a été construite à Lac-Rapide depuis 1995. Au cours des 10 dernières années, aucun des séquestres-administrateurs n'a collaboré avec nous pour développer nos capacités en vue de prendre le relais concernant la gestion des programmes. Il n'y a aucune stratégie de retrait. Le séquestre-administrateur ne nous envoie pas régulièrement les états financiers, et notre personnel n'est donc pas en mesure de s'acquitter adéquatement de ses responsabilités. Nous devrions normalement nous attendre à en recevoir chaque mois, mais le séquestre-administrateur refuse de nous en fournir, sauf tous les trois mois. Des mises à pied sont annoncées tout d'un coup et sans avertissement.
Nous nous sommes adressés à la Cour fédérale. Un processus de médiation a été enclenché. Nous voulons une solution négociée pour nous sortir de cette terrible situation qui a causé des torts énormes à notre peuple.
Nous ne pouvons pas discuter du contenu de nos discussions dans le cadre de la médiation, mais nous pouvons vous dire qu'Affaires autochtones et du Nord Canada et le ministère de la Justice refusent de nous donner les moyens de participer adéquatement à notre quête d'une entente négociée. Il refuse d'assumer les honoraires de notre conseiller juridique, de notre conseiller financier ou de nos agents négociateurs. En raison de la gestion par un séquestre-administrateur, nous n'avons aucun contrôle sur nos dépenses. Nous sommes devant une impasse.
Nous pensons que cette situation devrait préoccuper énormément le Comité. Nous entendons partout parler de l'engagement du gouvernement à l'égard du renouvellement de la relation de nation à nation. Nous avons également beaucoup entendu parler de l'engagement du gouvernement à l'égard de la réconciliation, mais nous ne le voyons pas. En fait, c'est tout le contraire que nous voyons.
Selon nous, vous devez poser des questions difficiles au gouvernement sur la manière dont il traite le peuple du lac Barrière. Nous vous demandons votre aide en vue de nous permettre de reprendre le contrôle de notre collectivité et de notre avenir.
Meegwetch.
Je m'appelle Tony Wawatie et je suis directeur général par intérim des Algonquins du lac Barrière.
Durant toute cette période, la collectivité s'est préparée au retour du système de gouvernance que nous avions depuis des temps immémoriaux et que le Canada nous a enlevé en nous imposant l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Ce concept est totalement étranger à nos membres.
Comme vous n'êtes pas sans le savoir, nous sommes en situation de crise. Le surpeuplement et les conditions sociales se sont détériorés. Nos membres n'ont aucune possibilité socio-économique. Nous aurions déjà tout cela si le Canada n'avait pas décidé de mettre fin à la déclaration d'intention réciproque signée en octobre 1997.
Nous demandons le soutien du comité permanent pour obtenir ce que nous voulons. Nous avons un plan pour notre collectivité, et c'est ce que nous voulons. Nous voulons le retour de notre système de gouvernance. Nous avons une stratégie grâce à laquelle nous envisageons de renforcer nos capacités. Nous avons connu 11 années de gestion par un séquestre-administrateur sans contrôle et sans stratégie de retrait. C'est inacceptable pour le Canada de nous mettre dans une telle situation, et j'exhorte les Canadiens à faire quelque chose pour y remédier.
Meegwetch.
Pour étayer ce qu'ont dit le chef et le directeur général par intérim, le gouvernement du Canada a deux ententes non respectées, dont une entente trilatérale signée en 1991 entre le Canada, le Québec et les Algonquins du lac Barrière. Cela se voulait une solution de rechange à la politique sur les revendications territoriales globales et visait la création d'un plan de gestion des ressources pour un territoire de plus de 10 000 kilomètres carrés, parce que la réserve était très petite et surpeuplée.
Le Québec est toujours à la table des négociations. Clifford Lincoln, un ancien ministre de l'Environnement du Québec et un ancien député fédéral, est l'agent négociateur des Algonquins du lac Barrière dans les négociations avec le gouvernement du Québec, mais le Canada continue de ne pas respecter l'entente de 1991 et l'entente de 1997 concernant la reconstruction de la collectivité.
L'entente avait été conclue, parce que le Canada avait essayé d'éliminer le poste de chef coutumier et que la collectivité s'était retrouvée sans services, sans emplois et avec rien durant 18 mois en 1996 et en 1997. Une partie de cette entente visait à verser, je crois, 2 millions de dollars aux Algonquins du lac Barrière pour compenser une partie des pertes subies durant ces 18 mois.
Le Canada n'a jamais respecté ses obligations. C'est Robert Nault qui a mis fin aux ententes en 2001 sous la direction du premier ministre Chrétien. Tout était en gros figé. Le gouvernement avait en fait commencé à construire des routes dans la réserve dans le cadre de l'entente en vue de bâtir de nouvelles maisons et d'agrandir l'assise territoriale. La nature reprend maintenant ses droits sur ces routes, parce que le gouvernement a décidé de tout laisser en plan en 2001.
Aucune maison n'a été construite. L'assise territoriale est demeurée inchangée. Les groupes électrogènes à moteur diesel fonctionnent à plein régime; il n'est donc pas possible d'ajouter d'autres maisons. Tout développement futur de la collectivité passe par l'électrification et l'agrandissement de l'assise territoriale.
Merci beaucoup.
Passons maintenant à notre autre témoin: chef Alex McDougall de la nation de Wasagamack au Manitoba.
Bonjour à tous les participants. Je remercie le comité permanent de nous donner l'occasion de prendre la parole.
La nation de Wasagamack est une collectivité d'environ 2 000 personnes au centre du Manitoba. La collectivité a connu diverses formes d'intervention depuis maintenant plus de 20 ans; nous sommes passés de la cogestion à la gestion par un séquestre-administrateur, puis nous sommes récemment revenus à la cogestion grâce à des efforts exercés par la collectivité pour élaborer un plan d'action de gestion en vue de nous attaquer à la dette.
Comme toute collectivité des Premières Nations, notre situation est déjà difficile au départ. Tous nos programmes et tous nos services sont sous-financés. Notre population continue de croître, mais le financement demeure constant, ce qui en soi s'avère un défi lorsque vient le temps d'essayer de fournir les services essentiels à la collectivité et de rembourser notre dette.
L'un des problèmes courants que nous constatons concernant la gestion par un séquestre-administrateur, c'est que cela ne donne pas suffisamment de flexibilité aux collectivités des Premières Nations pour créer une situation financière qui leur permet d'avoir des excédents budgétaires pour rembourser leur dette. Lorsqu'une collectivité souhaite obtenir un prêt auprès d'une institution financière pour non seulement rembourser sa dette, mais aussi créer des possibilités économiques en son sein, elle doit demander du soutien pour ce faire. Les collectivités doivent également tenir compte de la Convention relative au transfert des ressources naturelles et inclure le Canada et la province dans le cas de ces nouvelles possibilités économiques.
Les programmes et les services servent à rembourser la dette, parce que la dette nuit à l'efficacité des programmes et des services qui visent à aider les membres de la collectivité. Cela permet également aux collectivités d'adopter leurs propres plans de mise en oeuvre et de gestion, comme les plans d'action de gestion, que le Canada a récemment mis en place.
Je crois que certaines politiques doivent être révisées pour rendre le tout plus efficace pour les Premières Nations, comme des mandats plus longs pour les chefs et les membres du conseil en vue d'assurer une continuité et des mécanismes internes pour qu'une équipe au sein de la collectivité veille à la mise en oeuvre continue de tels plans lorsque de nouveaux dirigeants arrivent en poste.
Voilà en gros l'exposé de la nation de Wasagamack.
Merci beaucoup, chef.
Passons maintenant aux séries de questions, et les députés mentionneront si leurs questions s'adressent à vous ou au groupe que nous avons sur place à Ottawa. Cela devrait durer environ 45 minutes.
Le premier intervenant est le député Rémi Massé.
Merci, madame la présidente.
Je remercie énormément les chefs de leur présence et de leur participation aux travaux du Comité. Il est très important pour nous d'essayer de comprendre cette entente et cette politique et pourquoi cela fonctionne, et pourquoi c'était nécessaire en particulier dans vos collectivités.
Nous pourrions revenir un peu dans le temps pour que vous nous expliquiez comment c'est arrivé et pourquoi la gestion par un séquestre-administrateur vous a été imposée en premier lieu. Aidez-nous à comprendre comment c'est arrivé dans le cas des Algonquins du lac Barrière.
Je vais essayer de vous répondre, parce que j'étais là à l'époque.
En gros, en 1996, le chef coutumier Harry Wawatie n'était pas satisfait. La collectivité du lac Barrière était assujettie à un accord de cogestion, et le cogestionnaire ne rendait pas de comptes à la collectivité. Selon l'entente, les deux parties retenaient les services d'un cogestionnaire qui rendait des comptes aux deux parties, soit la bande et le gouvernement fédéral. Ce n'était pas le cas. Ensuite, le chef a dit qu'il voulait nommer un cogestionnaire qui rendrait des comptes aux deux parties, soit non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi au conseil de bande. Le cogestionnaire rendait seulement des comptes au bureau régional du ministère des Affaires indiennes à Québec.
Lorsqu'il l'a fait, le bureau régional a annoncé que la collectivité du lac Barrière serait assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur. Le chef Wawatie, qui était un aîné, a démissionné, parce qu'il était conscient des pressions qui seraient exercées sur la collectivité une fois que ce serait en place. Ce n'était pas la première fois. Le gouvernement fédéral l'avait déjà fait en 1996-1997, ce qui a mené à l'entente de 1997. Les relations avec le ministère ont été assez tendues au fil des décennies, principalement parce que la collectivité du lac Barrière n'a pas conclu d'accord de règlement de revendications territoriales globales. Elle voulait un autre type d'entente, parce que ses membres avaient leur propre plan, comme Tony Wawatie l'a mentionné, concernant le développement de leur collectivité.
Lorsque la collectivité a demandé de nommer un autre cogestionnaire, le ministère des Affaires indiennes a saisi l'occasion de lui imposer la gestion par un séquestre-administrateur. Je crois que les pressions ont eu raison du chef Wawatie qui est décédé peu de temps après. Il est décédé d'une hémorragie cérébrale. Pour ma part, je crois que c'était lié au stress.
En me préparant à la rencontre de ce matin, j'ai lu certains articles qui ont été publiés au cours des derniers mois, dont un article publié dans le Globe and Mail. Je crois que certains d'entre vous ont été interviewés par le Globe and Mail. Dans l'article, il est rapporté que vous n'étiez pas vraiment autorisés à avoir accès aux états financiers ou à d'autres documents pendant que votre collectivité était assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur. Or, ce séquestre-administrateur vous demandait d'approuver les états financiers, mais il ne vous remettait malheureusement pas ces rapports.
Est-ce exact? Pouvez-vous nous expliquer cette relation?
Bonjour. Je m'appelle Tony Wawatie.
Le problème actuellement est que le séquestre-administrateur ne nous fournit pas les renseignements adéquats pour établir un budget et faire des prévisions pour l'année. Il y a toujours des retards. Nous avons essayé d'adopter la pratique de commencer à nous pencher sur nos budgets en février pour planifier l'exercice, mais ce n'est jamais le cas. Le problème, c'est que les séquestres-administrateurs vont et viennent. Nous en avons peut-être eu quatre. C'est un contrat qui est accordé d'une année à l'autre, et le séquestre-administrateur change.
Que se passe-t-il avec les factures qui n'ont pas été payées? Le seront-elles? Après 11 années de ce manège, cela finit par engager des frais. Nous devons procéder à cet exercice utile et examiner attentivement chaque programme. Il est question de programmes de Santé Canada et de RHDC que nous n'avons pas vus. Nous essayons de nous affranchir de cette société de laquelle nous dépendons. Sans information actuelle sur la situation financière, il est très difficile d'essayer d'aller de l'avant.
Nous avons demandé à maintes reprises le montant du déficit. L'argent qui est récupéré et retiré sert-il à réduire le déficit? Je ne le sais pas. C'est très frustrant pour une collectivité de planifier ses activités et d'essayer de trouver des moyens de renforcer ses capacités, ce qui n'a jamais été fait par un séquestre-administrateur. C'est un fait. J'y étais.
Connaissez-vous le montant que verse la collectivité au séquestre-administrateur? Avez-vous une idée de ce que cela vous coûte par année?
En 2007, Lemieux Nolet, qui est le séquestre-administrateur actuel, a facturé 658 000 $ à la collectivité. Cela vous donne une idée de ce que cela nous coûte par année. Actuellement, ses services nous coûtent 550 000 $. Au début, c'était 658 000 $. La facture était très salée à l'époque.
Oui. La collectivité compte plus de 700 membres inscrits, mais il y a environ 350 membres qui vivent dans la réserve et environ 200 qui vivent sur le territoire.
Si vous me le permettez, j'aimerais rapidement ajouter qu'environ 10 % du budget total de la bande est versé au séquestre-administrateur, ce qui représente des millions de dollars, depuis 11 ans. Je vais en rester là.
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos témoins de leur présence ici aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Mes questions iront dans la même veine que celles de M. Massé. Savez-vous ce qui a incité le ministère à assujettir la collectivité à la gestion par un séquestre-administrateur? Des représentants du ministère ont témoigné au Comité l'autre jour, mais j'ai parfois l'impression que les collectivités n'ont aucune idée de ce qui a déclenché le processus. M. Massé vous a demandé ce qui s'était passé. La gestion par un séquestre-administrateur ou la gestion par le bénéficiaire semble remonter jusqu'en 1995. J'avais 10 ans en 1995. Cela fait donc très longtemps.
Avez-vous une idée de la raison initiale pour laquelle la gestion de la collectivité a été retirée pour la première fois à la bande et que le ministère a dû avoir recours à la politique de gestion des manquements? J'ai l'impression que, lorsque vous déclenchez le premier processus, c'est en gros une descente aux enfers qui s'ensuit. Avez-vous une idée de ce qu'était le premier élément déclencheur?
La première fois, c'était le gouvernement fédéral qui s'était ingéré dans des questions internes liées aux dirigeants de la collectivité. Il a retiré la reconnaissance d'un chef coutumier et a reconnu ce que nous avons appelé un conseil de bande intérimaire. Il n'y a rien dans la Loi au sujet d'un conseil de bande intérimaire. Le gouvernement fédéral a finalement dû reconnaître le chef coutumier de la collectivité, et c'est à ce moment que l'entente de 1997 a été signée.
La première fois, cela semblait motivé par des considérations politiques. Ce l'était probablement aussi la deuxième fois, parce qu'en 2001, comme je l'ai mentionné, le gouvernement fédéral s'est retiré de deux grandes ententes touchant le développement global de la collectivité et son avenir.
Je crois que la dette était de 87 000 $. Je crois que c'était un peu plus de 8 %. Cette dette a été remboursée à plusieurs reprises, si nous tenons compte des millions de dollars que nous avons perdus.
Sur son site Web, Affaires autochtones et du Nord Canada énumère en gros cinq éléments déclencheurs différents. Il s'agit d'un manquement à une obligation énoncée dans l'entente de financement. La structure organisationnelle ne respectait-elle pas ce que demandait Affaires autochtones et du Nord Canada?
Comme je l'ai mentionné, en 2006, le chef coutumier Harry Wawatie voulait remplacer le cogestionnaire, parce qu'il ne communiquait aucune information au conseil. En raison de sa décision de changer de cogestionnaire, je présume que le bureau régional s'est dit: « Nous vous assujettirons à la gestion par un séquestre-administrateur, parce que vous ne vous attaquez pas au déficit. » Le déficit n'était pas vraiment élevé. Il dépassait techniquement la limite.
Cependant, la collectivité du lac Barrière essayait de trouver une solution. Le conseil essayait de collaborer avec le bureau régional pour avoir un cogestionnaire et éliminer le déficit grâce à un plan d'action, mais le gouvernement a pris une décision avant que cela se concrétise.
Sans aucun doute.
Je me tourne vers notre invité au téléphone. Alex, la nation de Wasagamack est gérée par un conseiller nommé par le bénéficiaire, mais ce n'est pas un séquestre-administrateur; cela vise la prévention des manquements. Avez-vous une idée de ce qui a provoqué cette situation, monsieur McDougall?
Je m'excuse, mais je n'ai pas compris la question. En tout respect, l'interprétation empiète sur les échanges. Je n'arrive pas à entendre ce qui est dit.
Je vais tout simplement vous reposer ma question, et je verrai si cela fonctionne.
Je ne peux malheureusement pas la poser autrement. Roméo serait mieux placé que moi pour ce faire.
Vous n'en avez pas besoin. D'accord. Je vais poser ma question, et vous serez, avec un peu de chance, en mesure de l'entendre.
Voici en gros ma question. J'ai l'impression que les collectivités ne réalisent même pas qu'il y a des éléments déclencheurs. Sur le site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, il y a une liste à puces de cinq éléments qui expliquent en gros que, si l'un de ces cinq aspects n'est pas respecté, la collectivité est assujettie, en premier recours, à un plan d'action de gestion par le bénéficiaire. Il y a ensuite un deuxième palier, puis le troisième palier est la gestion par un séquestre-administrateur.
Pouvez-vous tout simplement nous expliquer la situation dans laquelle la nation de Wasagamack se trouve actuellement et nous expliquer comment elle s'est retrouvée avec un plan d'action de gestion par le bénéficiaire? Savez-vous lequel de ces éléments n'a pas été respecté dans votre cas?
Je peux commencer par les garanties ministérielles qui sont accordées aux Premières Nations pour la réalisation de divers projets au sein des collectivités. Je crois qu'il y a eu des problèmes de communication à l'époque entre le ministère et divers fournisseurs, parce que la collectivité et le fournisseur croyaient qu'il y avait une garantie ministérielle concernant un projet et ils ont réalisé que ce n'était pas le cas. Cette situation a fait boule de neige et s'est soldée par un énorme déficit pour la collectivité. Le déficit était devenu tel que la gestion par un séquestre-administrateur a graduellement fini par être imposée à la collectivité, et c'est le cas depuis cinq ans, si je ne m'abuse.
Il y a donc des inquiétudes concernant les communications entre le ministère, les Premières Nations et leurs fournisseurs relativement à des projets dans les collectivités. Voilà l'élément déclencheur, et le problème a continué de prendre de l'ampleur. La dette a continué de croître, pendant que les dirigeants de la collectivité essayaient d'offrir des programmes et des services dont la population avait désespérément besoin: des logements, de l'eau potable, des égouts, etc. Nous avons continué d'essayer de bâtir notre collectivité et d'établir une base économique en vue de pouvoir subvenir aux besoins de notre propre collectivité. Malheureusement, cela ne s'est pas produit.
Dans mon exposé, j'ai souligné que les collectivités des Premières Nations partent déjà avec deux prises contre elles, parce qu'il y a déjà un sous-financement chronique dans tous les domaines: les services, les capitaux, les programmes, etc. Même si nous avons en gros les mains attachées derrière le dos, nous essayons tout de même de gérer des ressources financières qui sont nettement insuffisantes pour répondre aux besoins de la collectivité.
Nous allons essayer de voir si nous pouvons régler votre problème technique. Nous allons suspendre la séance une dizaine de secondes ou jusqu'à nouvel ordre.
Nous prendrons une courte pause-café et nous prendrons cinq minutes pour voir si nous pouvons trouver une manière de résoudre le problème du témoin en téléconférence.
Chef, nous allons suspendre la réunion cinq minutes, puis nous reprendrons. Nous essayons de régler votre problème technique.
Merci, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue au Comité à tous les témoins.
Les Algonquins du lac Barrière ne font pas partie de ma circonscription, mais une grande partie de votre territoire s'y trouve. C'est également à ce titre que je tiens à vous souhaiter la bienvenue. À cette fin, j'ai toujours dit que c'est une bonne chose de reconnaître que nous sommes sur un territoire revendiqué par le peuple algonquin; c'en est une autre de reconnaître qu'Ottawa ne paie pas son loyer. Je crois que nous devrions toujours ajouter cette deuxième partie, qui est tout aussi importante.
Mes questions sont semblables à celles que les autres ont posées, parce que je sais que la situation de la collectivité du lac Barrière est très unique. Plusieurs facteurs nous ont menés où nous en sommes aujourd'hui. Certains sont de nature politique, et d'autres sont liés aux problèmes sociaux, aux capacités économiques, à l'histoire, etc.
J'aimerais vous entendre sur les autres facteurs qui mènent une collectivité comme la vôtre à la situation dans laquelle vous vous trouvez actuellement. Pouvez-vous nous en parler en premier?
Le chef se demandait où vous vouliez en venir. Je crois que je peux vous répondre, parce que je conseille la collectivité depuis le milieu des années 1980.
Une entente a été signée en 1991 avec le Québec et le Canada lorsque le gouvernement conservateur du premier ministre Mulroney était au pouvoir. Cette entente visait l'élaboration d'un plan de gestion intégré des ressources et des terres pour l'ensemble du territoire traditionnel des Algonquins du lac Barrière et la protection de la biodiversité et du mode de vie, parce que la collectivité dépend énormément de la chasse, de la pêche, de la trappe et de la cueillette. Même si nous sommes situés à trois heures et demie au nord d'Ottawa, je crois que c'est probablement la collectivité la plus représentative dans la région d'une société de chasseurs, comme vous n'êtes pas sans le savoir, monsieur Saganash. Chez moi, à Kahnawake, nous étions plus industrialisés. La collectivité du lac Barrière est une société traditionnelle de chasseurs. Elle cherchait à protéger ce mode de vie dans l'entente qu'elle a signée en 1991.
Le Canada a respecté durant un certain temps cette entente, mais il a décidé de l'abandonner, comme je l'ai mentionné, en 2001. Il y a eu certains démêlés avec les dirigeants de la collectivité lorsque le code de gouvernance coutumier était en vigueur. Selon la politique fédérale, le gouvernement fédéral n'était pas censé s'ingérer dans la politique interne de la collectivité, mais il l'a fait à plusieurs reprises. Comme je l'ai mentionné, l'entente de 1997 ou la déclaration d'intention réciproque visait à rétablir les ponts avec le gouvernement fédéral et en particulier le ministère des Affaires indiennes. Les recommandations que le bureau régional à Québec a formulées à l'administration centrale du ministère étaient plutôt sévères, parce que la collectivité du lac Barrière n'était pas d'accord avec le plan.
Lorsque j'ai commencé à travailler avec la collectivité du lac Barrière au milieu des années 1980, le bureau régional voulait seulement étendre le territoire pour brancher la collectivité au réseau électrique du Québec, parce que le groupe électrogène à moteur diesel fonctionnait à l'époque à plein régime. La collectivité du lac Barrière s'inquiétait des répercussions, étant donné que le taux de chômage y était très élevé. Comment la population allait-elle avoir les moyens de payer tout cela? Qui plus est, à la même époque, soit en 1987, pendant que le gouvernement essayait de brancher la collectivité au réseau électrique, le gouvernement provincial du premier ministre Bourassa proposait de privatiser la réserve faunique La Vérendrye qui entoure la collectivité. L'argent de la collectivité devait servir à construire cette ligne électrique, parce qu'il fallait améliorer la ligne entre Grand-Remous et Le Domaine, puis en construire une nouvelle entre Le Domaine et Lac-Rapide.
À l'époque, c'était pratiquement 4 millions de dollars de l'argent de la bande que le gouvernement voulait utiliser. En même temps, la province proposait de privatiser les terres autour de la collectivité. Le chef et le conseil ont donc compris que le projet d'électrification serait utilisé pour développer la région, étant donné que le gouvernement voulait que des pourvoiries privées prennent le contrôle de la réserve faunique La Vérendrye. La collectivité n'était pas prête à se lancer dans le projet d'électrification. Elle voulait que cela fasse partie d'un plus vaste plan; elle y a donc mis un frein. La collectivité a depuis embauché un architecte. Comme je l'ai mentionné, il y a un plan directeur qui était inclus, comme je l'ai dit, dans l'entente de 1997 et qui attend toujours d'être mis en oeuvre. Des routes ont en fait été construites, et des familles étaient censées bâtir des quartiers. Le plan directeur de la collectivité avait été élaboré; il n'a tout simplement pas été mis en oeuvre.
Le tout a débuté en 1997 avec un projet de budget de 20 millions de dollars sur cinq ans pour reconstruire la collectivité. En 2006, je crois que le budget était rendu de 17 millions de dollars sur sept ans. Clifford Lincoln était l'agent négociateur à l'époque lorsque la gestion par un séquestre-administrateur a été imposée à la collectivité du lac Barrière. Le développement de la collectivité — les facteurs qui y ont mené — était grandement lié aux mauvais rapports que la collectivité entretenait avec le gouvernement fédéral qui voulait conclure avec la collectivité un accord de règlement de revendications territoriales globales. La collectivité n'était pas d'accord avec la politique concernant l'extinction des droits par ce processus. Il y avait donc des tensions entre le ministère et...
Je voudrais simplement demander votre avis sur un sujet: le gouvernement entreprend actuellement un examen stratégique et législatif, qui comprendra, je suppose, la Loi sur les Indiens. Vous en avez beaucoup parlé. Vous avez évoqué, dans vos exposés, un autre système de gouvernance. Quelle recommandation feriez-vous à notre comité? Cela fait également partie de notre mandat général.
Essentiellement, le gouvernement devrait respecter l'article 3 de la Déclaration des Nations unies, qui porte sur le droit à l'autodétermination. Il devrait respecter le droit à la gouvernance selon les coutumes des peuples autochtones du Canada, y compris des Algonquins du lac Barrière. Le gouvernement devrait accepter de reconnaître le régime traditionnel et annuler l'arrêté aux termes de l'article 74, parce que ce n'est pas conforme à la Déclaration des Nations unies et au droit à l'autodétermination des peuples autochtones.
Je vous remercie des exposés que vous nous avez faits aujourd'hui. Je comprends très bien le degré de frustration. J'ai passé six ans à travailler comme administrateur de bande au sein de ma collectivité, et je suis conscient des difficultés liées aux ressources financières courantes. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec quelques-uns des chefs, et je crois que toutes les collectivités de ma circonscription se trouvent dans une situation déficitaire — tous les conseils de bande, à l'exception de ceux qui ont réglé des revendications territoriales et qui ont conclu des ententes d'autonomie gouvernementale.
Je me rappelle qu'à l'époque où je travaillais comme administrateur de bande, il y avait différentes sources de fonds, et notre financement de base était modeste. Tout reposait sur un processus de demandes et, petit à petit, les diverses sources de fonds ont cédé la place au financement de base. Du coup, nos bâtiments se sont embellis, et nous disposions des ressources dont nous avions besoin. Tout semblait aller pour le mieux, jusqu'à ce que le gouvernement se mette à réduire le financement de base.
Est-ce ainsi que les problèmes ont commencé? Je comprends les ententes et les questions de gouvernance, mais je cherche à savoir si c'est à cause du changement des niveaux de financement de base que vous avez commencé à accumuler un déficit.
Très bien, nous pouvons peut-être commencer par le chef de Wasagamack.
Chef Alex, voulez-vous répondre à la question?
Oui. Je partage votre conclusion: c'est l'une des raisons pour lesquelles nous accumulons des déficits. Le niveau de financement de base que reçoivent les collectivités y est assurément pour quelque chose. Toutefois, je souligne qu'il y a d'autres facteurs qui entrent aussi en ligne de compte. Certains des programmes et services qui sont administrés par la collectivité subissent des réductions annuelles en raison des mesures de récupération; c'est notamment le cas du programme de développement social ou du programme d'assurance-emploi. C'est un programme à financement égal, et les politiques qui sont imposées aux collectivités pour la prestation du service ne reflètent pas les besoins des collectivités. À cause de cela, chaque année, les Premières Nations doivent rembourser une bonne partie du financement au ministère. De plus, ce programme ne tient pas compte des coûts associés aux décès. Étant donné que notre point de service est situé à Winnipeg, il faut faire beaucoup de déplacements, ce qui entraîne des coûts connexes lorsqu'on offre ce service aux familles des défunts. Voilà donc d'autres facteurs importants.
Nous avons constaté que les nombreux cogestionnaires avec lesquels nous avons travaillé et les séquestres-administrateurs qui se sont succédé nous ont tous proposé un plan d'amortissement de la dette pour nous permettre de nous sortir de notre endettement. Pourtant, ils n'ont jamais demandé aux collectivités elles-mêmes ou à leurs dirigeants de participer à l'élaboration de ces plans. Voilà qui est déjà voué à l'échec. Cela ne fait que perpétuer la situation dans laquelle les collectivités des Premières Nations se retrouvent sans cesse, c'est-à-dire une situation où elles sont assujetties à l'intervention du ministère. C'est seulement lorsque notre collectivité se met à dire: « Non, nous voulons participer à l'élaboration d'un plan pour voir comment nous pouvons essayer de remédier à certains de ces problèmes. » Nous avons pris l'initiative, en collaboration avec le bureau régional et le séquestre-administrateur désigné...
Je vais vous interrompre parce que vous abordez là un sujet sur lequel allait porter ma prochaine question. Lorsqu'une collectivité est assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur ou à une intervention, quel est le rôle du chef et du conseil? Si vous ne faites pas partie d'un plan de recouvrement de la cogestion, ou en l'absence d'un tel plan, l'argent est placé sous l'autorité de quelqu'un d'autre. Ma question s'adresse aux deux groupes. Que font le chef et le conseil, et de quelles ressources disposent-ils?
Je dirai qu'il n'y a aucun rôle à jouer lorsqu'une collectivité est assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur. Au fond, le ministère désigne un séquestre-administrateur. Il existe certaines lignes directrices et restrictions que le ministère impose par l'entremise du séquestre-administrateur et, en tant que dirigeants, nous n'avons aucun mot à dire là-dedans.
J'aimerais poser une petite question au groupe des Algonquins. Selon vous, au rythme que vous allez, vous risquez d'être à jamais dans une situation déficitaire et assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur, à moins d'un changement radical. Vous êtes loin d'être sortis du pétrin. Vous aurez besoin de séquestres-administrateurs justement parce qu'ils vous enfoncent encore davantage dans les dettes.
Oui. Je suis également d'accord avec le chef Alex. On n'a aucun mot à dire lorsqu'on est sous le régime de la gestion par un séquestre-administrateur. C'est le séquestre-administrateur qui prend toutes les décisions relatives aux dépenses. De temps à autre, il fait un appel de courtoisie pour nous informer, par exemple, qu'il sera de passage dans la collectivité la semaine prochaine et qu'il aimerait nous rencontrer. C'est tout.
En ce qui concerne le régime de gestion par un séquestre-administrateur, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, on ne rembourse aucune dette contractée dans le passé, même pas à l'ARC ou à la CSST du Québec. À l'heure actuelle, c'est bien au-delà de 1 million de dollars. Il n'y a rien que nous puissions faire ou dire au séquestre-administrateur pour essayer de réduire la dette en vue de sortir de ce régime. Je suppose que cela fait simplement partie du système.
Oui. C'est l'une des choses que nous avons constatées. Tant que la région ne nous accorde pas une certaine souplesse, si nous ne pouvons pas commencer à nous attaquer à la dette sous ce régime, nous serons perpétuellement assujettis à la gestion par un séquestre-administrateur et à la politique d'intervention du ministère.
Je voulais répondre à l'une des questions précédentes posées par un des députés au sujet de la réduction du financement de base.
Je dirais que, dans le cas de la collectivité du lac Barrière, tout a commencé lorsque le ministre des Finances, Paul Martin, a imposé un seuil de 2 %. La collectivité du lac Barrière assurait la gestion, sauf lors de l'intervention survenue en 1996 et 1997.
Selon moi, il y a un autre facteur qui a contribué à cette situation. Les Algonquins du lac Barrière sont aux prises avec de graves retards pédagogiques par âge. La collectivité a effectué une étude en 1995-1996, qui a révélé que le directeur fédéral n'avait pas de connaissances pédagogiques. On ne faisait qu'instruire les enfants jusqu'en huitième année, puis on les envoyait à l'extérieur de la collectivité. Les enfants n'avaient pas les compétences nécessaires en lecture et en calcul, et on les plaçait dans des cours spéciaux. Ils finissaient par abandonner leurs études. Au cours des 30 ou 40 dernières années, il n'y a eu peut-être qu'une poignée de diplômés du secondaire au sein de la collectivité — le chef ou Tony pourront me corriger —, mais je pense qu'il y a eu peut-être cinq diplômés du secondaire, ou moins d'une dizaine. Le décrochage scolaire était monnaie courante. Bref, l'éducation au sein de la collectivité n'a pas été bien gérée, ce qui est un autre facteur qui nuit aux capacités.
À ce sujet, y a-t-il une forte proportion de jeunes au sein de votre collectivité comparativement à la plupart des autres collectivités?
En fait, 65 % des membres de la collectivité sont âgés de moins de 25 ans. Cela vous donne une idée des difficultés que nous devons surmonter pour essayer de renforcer nos capacités. C'est la débandade totale. Nous devons examiner la situation collectivement, en toute honnêteté, et retourner à la table des négociations. Il faut surtout que le gouvernement fédéral fasse partie de la solution, et non du problème.
Permettez-moi d'ajouter une brève observation. La collectivité du lac Barrière avait proposé un plan d'action au ministère, mais aucune réponse n'a été fournie à cet égard parce qu'on savait qu'on ne pouvait pas recourir à la médiation pour régler toutes ces questions. La gestion par un séquestre-administrateur fait l'objet d'une médiation, mais on a proposé de régler toutes ces autres questions connexes, dont le chef a parlé dans sa déclaration préliminaire, grâce à l'élaboration d'un plan d'action entre Affaires autochtones et du Nord Canada et le conseil, mais le ministère n'y a pas donné suite.
Le séquestre-administrateur pourrait-il jouer un rôle pour combler cette lacune, mais sachant qu'il ne travaille pas avec votre chef et votre conseil, les choses ne bougent pas, n'est-ce pas?
Dans l'état actuel des choses, je suppose que devant toutes les pressions exercées et dans la foulée des problèmes qui ont été exposés relativement au régime, les séquestres-administrateurs essaient d'aider quelque peu, mais sous réserve d'un engagement limité. Je ne dirais pas que c'est parfait, mais, au moins, maintenant, nous arrivons à communiquer, et ils commencent à me donner graduellement certaines des choses que j'ai réclamées. Voilà qui montre bien les pressions exercées sur notre collectivité pour exposer la situation, et je crois que chaque Canadien a le droit de savoir ce qui se passe au lac Barrière.
Cela ressemble à ce que le chef McDougall disait, à savoir que vous devez constamment exercer des pressions pour faire avancer des dossiers qui sont importants pour vous et votre collectivité.
En ce qui concerne le renforcement des capacités et le développement des compétences — et ma question s'adresse aux deux groupes —, je pense que le séquestre-administrateur est théoriquement censé offrir des possibilités d'apprentissage ou d'emploi à cet égard. Est-ce le cas au sein de vos collectivités? J'invite le chef au téléphone à répondre aussi.
Non. Il n'y a aucun effort de la part des séquestres-administrateurs pour fournir une stratégie de formation aux Premières Nations, du moins dans le contexte d'une intervention.
Pour ce qui est des Algonquins du lac Barrière, la collectivité ne reçoit aucun service consultatif.
Plus d'un demi-million de dollars par année sont imputés au budget de la collectivité pour ce genre de service et, pourtant, on n'offre aucun soutien pour aider les gens à acquérir les compétences qui pourraient aider votre collectivité à l'avenir.
Madame la présidente, j'aimerais partager mon temps de parole avec Hunter Tootoo. Je vais le laisser poser la première question, et j'interviendrai par la suite.
D'accord. Merci, madame la présidente, et merci à vous, monsieur Bossio.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Vous avez dit tout à l'heure que le gouvernement vous abreuve de belles paroles, mais qu'il ne fait pas grand-chose. Dans la dernière série de questions, vous avez ajouté que les séquestres-administrateurs vous offrent peu de soutien. J'aimerais établir une distinction claire entre le gouvernement et la bureaucratie. Les séquestres-administrateurs devraient s'efforcer d'accomplir leur mandat le plus rapidement possible pour renforcer les capacités, mais on dirait qu'ils laissent les choses comme elles sont parce que c'est dans leur intérêt — un demi-million de dollars par année.
Du point de vue de la bureaucratie, ils savent combien cela va leur coûter, et c'est probablement en fonction de cela qu'ils agissent. Ils n'ont pas à s'inquiéter de l'expansion de la base de dépenses, chose qui pourrait s'avérer nécessaire et qui a été négligée pendant des années. D'après ce que je vois — et j'en ai beaucoup entendu parler —, cela semble être une culture ancrée dans la bureaucratie. Je me demande si les deux groupes semblent entendre un message de la part des dirigeants politiques pour ensuite se heurter aux mêmes vieilles difficultés liées à la bureaucratie.
En ce qui concerne les Algonquins du lac Barrière, oui, ce serait le cas, mais le premier ministre a nommé Michael Wernick au poste de greffier du Conseil privé; il s'agit de l'ancien sous-ministre des Affaires indiennes qui a surveillé la situation dans la collectivité du lac Barrière au cours de la dernière décennie. Le bureau régional du Québec constitue également un obstacle important parce que les gens là-bas n'ont aucune idée de la façon dont la collectivité du lac Barrière devrait se développer. Ils nourrissent la même idée depuis les années 1980, depuis que j'ai commencé à travailler dans ce domaine: ils estiment qu'il suffit d'étendre le territoire et de le brancher au réseau électrique, et voilà. Mais la collectivité du lac Barrière a contesté en disant que nous avons besoin d'un plan exhaustif pour bâtir notre collectivité — par exemple, pour répondre à nos besoins en éducation, car il y a, comme je l'ai dit, des retards pédagogiques par âge.
Il faut un plan exhaustif pour se sortir de ce bourbier, et c'est pourquoi on a proposé un plan d'action. Or, cela s'est fait à l'échelon politique, et il appartient à la ministre de faire un suivi de la question et de dire aux bureaucrates quoi faire.
À la dernière réunion, nous avons reçu des représentants du Conseil de gestion financière des Premières Nations, et ils semblent aider beaucoup de Premières Nations à établir des priorités axées sur leurs collectivités et des plans de gestion financière durable. Je sais que cette organisation s'occupe maintenant de 207 collectivités des Premières Nations, ce qui représente environ le tiers de toutes les collectivités des Premières Nations.
Si j'ai bien compris, après avoir entendu beaucoup de témoignages et à la lumière des réponses que vous nous avez données, un des principaux problèmes tient à l'absence de priorités axées sur les Premières Nations ou au fait que vous n'avez aucun choix quant à l'élaboration d'un plan de gestion financière. Ai-je raison?
En ce qui concerne les Algonquins du lac Barrière, nous avons déployé des efforts, avec l'aide de notre conseil tribal, pour inviter un directeur financier, et je ne me souviens pas du nom de l'organisation, mais c'est celle dont fait partie Terry Goodtrack. Nous avons donc pris l'initiative d'essayer de fournir les compétences et les outils nécessaires à nos administrateurs. Nous l'avons fait de notre propre initiative parce que le séquestre-administrateur ne voulait pas que nous nous instruisions. C'est donc ainsi que nous avons procédé.
Une voix: C'était l'Association des agents financiers autochtones.
M. Tony Wawatie: C'est cela, l'Association des agents financiers autochtones, et nous avons pris sur nous d'essayer d'élaborer une sorte de plan d'action de la gestion. Notre collectivité est assujettie à la gestion par un séquestre-administrateur depuis quelque temps, et c'est sûr que certaines personnes pourraient tirer profit de la situation, qu'il s'agisse du séquestre-administrateur, des fonctionnaires d'Affaires autochtones et du Nord Canada ou même des membres de la collectivité. Je crois donc que nous devons être très honnêtes et regarder la situation dans son ensemble. Je sais que nous avons pris des mesures pour nous instruire...
Mais une fois que la collectivité a recours à un séquestre-administrateur, elle est dirigée à 100 % par le ministère des Affaires autochtones et du Nord.
Je regrette, mais le temps est écoulé, alors nous devrons peut-être réserver cette question pour une autre fois.
La période des questions est terminée, je suis désolée.
Voilà qui met fin à la séance. Je tiens à remercier le chef McDougall d'être resté en ligne et d'avoir fait preuve de patience, malgré les problèmes techniques que nous avons eus, et, bien entendu, merci à nos trois invités qui se sont déplacés jusqu'ici. Je vous en suis reconnaissante. Nous vous remercions de nous avoir consacré de votre temps et de nous avoir fait des exposés et des observations fort intéressants. Meegwetch.
J'ai une question pour les membres du Comité. Nous avons reçu une demande de comparution de la part d'un autre groupe. D'habitude, nous serions tenus de siéger à huis clos, mais puis-je tout simplement...?
Chers collègues, vous sentiriez-vous à l'aise de discuter brièvement de la possibilité de convoquer un autre groupe, ou devrions-nous traiter de la question à huis clos?
Y a-t-il des objections? D'accord.
Très bien; alors, nous avons reçu une demande de la part d'un groupe, le Conseil tribal du Keewatin, qui aimerait venir témoigner. Il s'agit d'un conseil tribal du Manitoba, qui représente, je crois, 11 collectivités ou bandes ou, plus précisément, 11 Premières Nations membres.
Comme vous le savez, nous avons communiqué avec divers groupes, et certains d'entre eux n'ont pas pu venir témoigner. Nous pourrions les inviter à la séance de jeudi. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Un député: Oui.
La présidente: Il ne semble pas y avoir d'objections. Bien. Je vous remercie. Si la date ne leur convient pas, nous les inviterons à présenter un mémoire, ce qu'ils sont également disposés à faire.
Merci de votre attention. Cela met à fin à la séance du Comité.
La séance est levée.
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