INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Merci de votre présence.
Vous venez de très loin. La communauté de Cross Lake où vit la Première Nation de Pimicikamak est située à quelque 800 kilomètres au nord de Winnipeg. Vous avez donc parcouru une longue distance pour venir nous rencontrer. Je veux vous souhaiter la bienvenue à Ottawa sur le territoire traditionnel des Algonquins.
Nous allons commencer sans plus tarder pour nous assurer de vous accorder tout le temps auquel vous avez droit. Vous avez 10 minutes pour nous présenter un exposé après quoi les membres du Comité pourront vous poser leurs questions.
Je vais demander à la chef Cathy Merrick de commencer. Merci encore de vous être déplacés.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Tansi. Merci.
Je tiens à reconnaître que nous sommes sur le territoire algonquin. Je vous transmets les salutations de la nation de Pimicikamak.
Je m'appelle Catherine Merrick. J'ai été élue par le peuple comme chef de la nation de Pimicikamak conformément à la loi de Pimicikamak. Je ne me présente pas devant vous comme chef d'une bande indienne conformément à votre propre système de lois. Notre droit coutumier n'est pas régi par votre Loi sur les Indiens. Vous m'avez invitée à vous entretenir d'un sujet très délicat, celui du suicide, du désespoir et de la détresse, le résultat de 150 années d'oppression découlant de votre politique de génocide culturel. Le suicide est l'une des conséquences de cette politique.
En tant que chef et principale porte-parole de la nation de Pimicikamak, je vais vous dire rapidement d'où je viens, qui je suis et qui je représente. Vous pourrez ainsi comprendre qui nous sommes, d'où nous venons et ce qu'il nous faut faire pour survivre. Nous allons examiner ensemble la situation pour déterminer où se situe notre meilleur intérêt collectif de manière à pouvoir coexister dans l'esprit de notre relation établie par un traité.
Vous devez d'abord comprendre la nature du gouvernement Okimawin de la nation de Pimicikamak.
Dans le territoire Pimicikamak, la Couronne, et son agence, Manitoba Hydro, doivent être conscients de l'environnement qu'ils sont en train de créer et de ses répercussions sur le vécu de notre peuple. Le système en place continue d'imposer des politiques génocidaires et de causer des torts à la santé du territoire traditionnel Pimicikamak ainsi qu'à celle de notre peuple. Cette situation est néfaste pour les membres de la nation de Pimicikamak et pour la terre à laquelle ils sont liés par l'esprit.
Le suicide est l'une des répercussions de ce traumatisme. Il convient de s'y attaquer au moyen d'une approche holistique qui pourrait contribuer à l'établissement d'une relation nouvelle. Toute la nation de Pimicikamak est affectée par ce traumatisme permanent qui sévit depuis près de 140 ans.
Après avoir signé de bonne foi le Traité no 5 qui visait la protection des colons, nous nous sommes vite rendu compte qu'il cachait une fraude génocidaire. À l'instar des autres peuples autochtones du Canada, la nation de Pimicikamak a dû subir des politiques gouvernementales conçues pour l'exterminer en tant que peuple et pour l'éloigner de son territoire traditionnel. Bref, ce traumatisme n'a pas débuté avec l'arrivée de Manitoba Hydro.
Notre nation s'est mieux tirée d'affaire que certains autres peuples autochtones du Canada. Grâce notamment à notre situation géographique, certaines des pires afflictions nous ont été en grande partie épargnées. Puis, Manitoba Hydro a construit le barrage de Kelsey dans les années 1960. C'est avec ce barrage et la centrale qui l'accompagnait que s'est amorcée la destruction du lac Sipiwesk, qui était autrefois au coeur du territoire de la nation de Pimicikamak. Le projet de développement hydroélectrique de Jenpeg, quelques kilomètres seulement en amont, a détruit de façon permanente nos terres, nos territoires de chasse, notre réseau hydrographique, nos aliments traditionnels, nos remèdes traditionnels, nos modes de vie et notre culture. En fait, le projet nous a rendus incapables de préserver notre identité et notre mode de vie qui ont été les sources de notre bien-être pendant des milliers d'années.
Les aînés nous ont dit qu'il n'y avait à peu près jamais de suicides avant l'arrivée du projet de développement hydroélectrique de Jenpeg. Le suicide a fait dans nos rangs 40 victimes, principalement des jeunes qui avaient toute la vie devant eux. C'est dans ce contexte qu'un traité de l'ère moderne a été conclu entre le Canada, le Manitoba et Hydro Manitoba pour atténuer et compenser les pertes que nous avons subies. On n'a toujours pas donné suite à ce traité.
Nous sommes une nation autochtone autonome. Le terme cri « Pimicikamak » désigne l'endroit « où un lac s'étend sur la rivière ». Okimawin est le nom que nous donnons à notre gouvernement. Il existait avant l'établissement des Européens au Canada. La nation de Pimicikamak fait partie du Canada depuis que son représentant, Té-pas-té-nam, a signé le Traité no 5 lors d'une cérémonie historique tenue à Norway House en 1875.
Après s'être estompé pendant plus d'un siècle sous le coup de la politique fédérale de génocide culturel et des lois fédérales, le gouvernement Okimawin de la nation de Pimicikamak a connu une renaissance au début des années 1990. Nous sommes un gouvernement du peuple s'appuyant sur la démocratie traditionnelle des Cris.
Certains peuvent confondre la nation de Pimicikamak et la Première Nation de Cross Lake, ou même croire que c'est le nouveau nom de cette bande indienne. Il existe en fait des différences fondamentales entre les deux sous à peu près tous les aspects. Elles sont aussi différentes par exemple que le Canada et Winnipeg peuvent l'être.
Voici d'ailleurs quelques-unes des différences fondamentales entre les deux nations sur les plans constitutionnel et juridique.
Au cours des 10 dernières années, on a procédé à une actualisation de la constitution non écrite et des autres lois coutumières de la nation de Pimicikamak afin de répondre aux besoins actuels. Contrairement aux lois canadiennes qui sont adoptées par la Couronne au Parlement d'Ottawa, les nôtres sont établies par le peuple. Le pouvoir dont jouit notre peuple de décider de ses propres lois a toujours existé et n'a jamais été abandonné ou perdu. Le gouvernement Okimawin de la nation de Pimicikamak est un organe administratif et politique comprenant le conseil exécutif (chef et conseillers), le conseil des aînés, le conseil des femmes et le conseil des jeunes, tous appuyés par le secrétaire des conseils.
Les quatre conseils forment une seule entité qui se réunit pour décider par voie de consensus des politiques de notre nation. Le conseil exécutif, qui est formé de la chef et des conseillers, est une nouveauté. Il exerce les pouvoirs exécutifs liés à la gestion des affaires courantes de la nation. Il fonctionne par consensus. Ses décisions sont guidées par les politiques de notre nation. Par l'entremise du conseil exécutif, nos politiques nationales s'appliquent également à la Première Nation de Cross Lake.
La nation de Pimicikamak a déployé d'importants efforts pour revitaliser son gouvernement traditionnel et sa culture. C'est ainsi que nous pouvons espérer survivre. Le régime actuellement imposé par le Canada continue de menacer notre survie. Il est à la fois paternaliste et légaliste. Pour assurer notre survie, nous avons notamment mis en oeuvre une politique nationale sur l'administration financière en 2003 et un projet sur la transparence en 2016. Nous voulons ainsi que nos élus faisant partie du conseil aient des comptes à rendre sur leur gestion des affaires de notre nation et de celle de Cross Lake.
Depuis l'avènement de la Loi sur les Indiens et du ministère, le Canada fait régner des conditions de pauvreté, de corruption et de désespoir dignes du tiers monde. Dans ce contexte, nous n'avions d'autre choix que d'améliorer les mesures de responsabilisation. Nous devons pouvoir gouverner nos propres affaires en rendant des comptes à notre peuple sans que des modalités juridiques nous obligent à mendier à genoux devant les Affaires indiennes sur notre propre territoire. Avec l'application de notre politique nationale, des mesures strictes forceront la Couronne à répondre de sa conduite et de ses agissements.
En s'affranchissant du régime colonial, le gouvernement Okimawin de la nation de Pimicikamak a déjà procédé à la plupart des réformes que la ministre des Affaires indiennes espère mettre en oeuvre avec la loi fédérale proposée.
La nation de Pimicikamak n'a pas cessé d'être systématiquement victime de la politique canadienne de génocide culturel. Le bilan de la Couronne est bien clair: 150 années d'application systémique de normes fondées sur la race en négligeant de respecter la relation établie par traité avec les peuples autochtones comme le nôtre. Le traité en question était considéré comme un pacte sacré entre les Britanniques et nos tribus.
Après la conclusion de ce traité avec la Couronne britannique en 1875, l'autonomie gouvernementale de la nation de Pimicikamak a été rapidement anéantie avec la création de l'État canadien et l'adoption de la Loi sur les Indiens, une mesure paternaliste à l'origine des bandes indiennes, des listes de membres, et des chefs et conseillers de ces bandes.
Où se situe Pimicikamak? La culture crie est au centre du vaste territoire traditionnel qui a permis aux ancêtres de la nation de Pimicikamak de s'adapter au changement et de survivre depuis des temps immémoriaux. Nous sommes d'ailleurs la seule nation autochtone dont le territoire a été officiellement reconnu par l'Arpenteur général du Canada en mars 1877.
La bande indienne de Cross Lake se situe à l'épicentre de ce territoire où vivent la plupart des membres de notre nation. Ils sont à la fois citoyens et membres de la bande. Notre village ancestral, Nikikonakos, est maintenant connu sous l'appellation de Cross Lake au Manitoba. On y trouve 8 400 résidants vivant sur le territoire de la nation de Pimicikamak.
Notre objectif stratégique est d'assurer la survie de notre peuple, ce qui est loin d'être chose facile compte tenu des efforts constants du gouvernement fédéral pour nous faire disparaître, et des dommages environnementaux et spirituels qui ont été causés.
De tout temps, nous avons souffert de ce génocide culturel s'appuyant sur notre destruction délibérée en tant que peuple, mais pas nécessairement sur la volonté de nous voir disparaître en tant qu'individus. Je répète que le suicide est l'une des principales conséquences découlant de ce génocide culturel. L'oppression constante a poussé de nombreux Autochtones au bord du précipice. Les tentatives de suicide continuent et le désespoir fait toujours rage.
Au coeur de la plus récente crise de suicides, j'ai invité le premier ministre à venir constater de lui-même les atrocités créées par votre Loi sur les Indiens. Il n'a jamais répondu à mon invitation. Cela montre bien que la Couronne et tous ses agents n'ont jamais su respecter notre relation. La situation demeure problématique du fait que, malgré les nombreuses excuses gouvernementales, les instances fédérales et provinciales continuent d'appliquer activement ces politiques tout en exprimant leur volonté d'établir une nouvelle relation plus respectueuse.
Pour que notre peuple puisse survivre, nous devons effacer toute trace de destruction économique de notre territoire et reconnecter l'esprit de notre nation avec la terre. Nous avons aussi besoin d'activités fondées sur la terre et de programmes de rapprochement avec la culture et la tradition (lniniwi Pimatisiwin). Il nous faut également revoir notre gouvernance, améliorer les règles touchant le développement hydroélectrique, miser sur l'archéologie, exploiter la forêt, établir une infrastructure et une programmation pour favoriser le mieux-être, et mettre en oeuvre des programmes de sensibilisation à la culture pour freiner la perte d'identité. Il faut que le Canada cesse d'adopter des lois qui régissent notre culture, notre langue, nos modes de vie et nos conditions de vie et de santé. Les parties de la Couronne ne doivent plus manquer à leurs responsabilités constitutionnelles, mais plutôt respecter les relations découlant des traités.
Sans cela, il sera impossible pour mon peuple de survivre. Une approche cohérente sera la meilleure façon pour la Couronne, y compris Manitoba Hydro, de renoncer au génocide de telle sorte que nous puissions tous commencer à atténuer le traumatisme général.
Je suis ici aujourd'hui pour vous livrer ce message au nom de mon peuple.
Si vous voulez vraiment vous attaquer au problème du suicide, la Couronne devra faire le nécessaire pour nous fournir toutes les ressources financières et humaines requises pour nous aider à reconstruire notre nation afin que nous puissions commencer à faire disparaître...
Meegwetch, chef Merrick.
Merci beaucoup.
Notre invitée suivante a également droit à 10 minutes. J'espère ne pas trop massacrer votre nom. Nous accueillons la chef Kathy Kishiqueb de la nation ojibway.
Je vous souhaite la bienvenue. Merci de votre présence aujourd'hui. Vous avez 10 minutes pour nous présenter vos observations.
Meegwetch. Bonjour.
Je suis la chef Kathy Kishiqueb de la nation ojibway d'Onigaming.
Dans ma langue, je m'appelle [La témoin parle en ojibwa], Standing Brown Buffalo, et mon totem est Kishkaminsi.
Chi Meegwetch.
Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous dire comment les choses se passent pour nous. Les Ojibways d'Onigaming forment l'une des 28 collectivités Anishinaabe sur le territoire visé par le Traité no 3. Notre communauté compte environ 780 membres, dont 50 % vivent sur place. Le 30 octobre 2014, notre collectivité a déclaré l'état d'urgence à la suite du suicide de deux jeunes qui s'ajoutait à trois autres pertes de vie récentes attribuables au suicide dans un laps de six mois. Nous ne mettrons pas fin à cet état d'urgence tant et aussi longtemps que des modifications ne seront pas apportées pour favoriser l'accès à des services de santé mentale et à des mesures de soutien pour aider notre peuple à guérir et à se sentir mieux.
Au cours de l'année qui a suivi, nous avons aussi perdu des adultes et des aînés en raison de leur propre négligence et de leurs comportements d'autodestruction liés à l'alcoolisme et à de nombreuses maladies chroniques. Au fil des dernières décennies, notre collectivité a ainsi perdu un grand nombre de ces membres en raison du suicide, de comportements autodestructeurs et de la violence, y compris plusieurs homicides. Chaque semaine, notre personnel doit venir en aide à des gens qui ont des idées suicidaires, menacent de passer à l'acte ou tentent effectivement de se suicider. Au cours des trois derniers mois, il y a eu à notre connaissance au moins 20 tentatives ou menaces de suicide à la suite desquelles nous avons dû prendre des mesures d'urgence sous forme de plans de sécurité, de counseling de crise, de visites à l'hôpital ou d'interventions policières. Il s'agissait dans la majorité des cas de jeunes de moins de 20 ans. Nous avons déterminé qu'au moins 25 familles de notre collectivité pourraient bénéficier de counseling familial et de services de médiation familiale. De telles mesures de soutien contribueraient à faciliter la guérison de la famille, à améliorer les compétences parentales et à rebâtir des systèmes familiaux sains et dynamiques.
Au cours de la dernière année, notre équipe est intervenue auprès de quelque 70 adultes qui ont demandé du soutien en période de crise. Notre équipe s'est efforcée de mettre ces gens-là en lien avec des services de santé mentale pour adultes, mais nos clients sont confrontés à différents obstacles lorsqu'il s'agit d'avoir accès à des mesures de soutien. Notons entre autres la distance et les coûts associés à un déplacement à l'extérieur de la collectivité, la motivation personnelle, la peur, le manque de soutien par la famille et les pairs, la disponibilité, les listes d'attente et le manque d'options respectueuses des valeurs culturelles. Nous avons noté que bon nombre des membres de notre collectivité ne sont pas à l'aise lorsqu'ils doivent avoir accès à des services à l'extérieur ou auprès de quelqu'un avec lequel ils n'ont pas déjà établi une relation ou auquel ils ne s'identifient pas. Les clients qui ont vécu des traumatismes finissent par se fatiguer de devoir sans cesse raconter leur histoire à de nouveaux intervenants.
Nous aurions vraiment besoin d'un conseiller en santé mentale accrédité qui travaillerait au sein de notre collectivité. Il pourrait être présent et visible auprès des nôtres, ce qui l'aiderait à gagner leur confiance, tout en lui permettant de faire des interventions cliniques immédiates en offrant l'accès à des soins continus.
Au cours de la dernière année, plus d'une centaine d'enfants et de jeunes Onigaming ont rencontré un conseiller communautaire à au moins deux reprises. La conseillère en santé mentale de notre école gère actuellement 40 dossiers d'enfants et de jeunes qu'elle voit régulièrement soit, dans bien des cas, une ou deux fois par semaine en raison des besoins criants. Lorsque nos enfants et nos jeunes demandent de l'aide, ils se heurtent à l'inefficience des systèmes en place.
Il est important de bien comprendre la manière dont les choses se passent chez nous. Les gens n'ont pas tendance à demander eux-mêmes de l'aide. Ils n'ont pas les moyens de se déplacer à l'extérieur de la collectivité. Certains se tournent vers des stratégies malsaines comme l'alcool et la drogue pour composer avec leurs problèmes; ils ne sont pas prêts à faire face à leur souffrance ou à leur traumatisme pour entreprendre leur cheminement personnel vers la guérison.
Nous avons dû nous montrer à la fois très proactifs et créatifs pour rejoindre ces gens ayant des besoins importants. Nous nous sommes notamment montrés disponibles après les heures normales de bureau pour pouvoir composer avec les situations qui se présentent. Nous avons aussi adopté une politique de type portes ouvertes en évitant de nous limiter aux rendez-vous. Nous avons ainsi créé un environnement où les gens peuvent plus facilement demander de l'aide, mais mon service arrive difficilement à répondre à tous les besoins et il nous faudrait pouvoir compter sur une capacité d'intervention accrue.
Nous avons notamment misé sur un système de gestion conjointe, un élément clé de notre approche. À la suite de la crise, nous avions 50 jeunes sur notre liste. Notre équipe a fait des vérifications régulières auprès de ces jeunes en leur rendant visite à domicile et en organisant des activités à leur intention.
Nous nous employons à créer un environnement faisant la promotion de la vie au sein duquel nos enfants, nos jeunes, nos familles et nos aînés savent que nous avons leur situation à coeur et que le suicide n'est plus une option.
Comme nous pouvons aisément le constater, le suicide est un symptôme des traumatismes vécus, d'une perte mal assumée, de l'exposition à la violence, des dépendances, du fait d'être coupé de sa culture et de sa terre, et des mauvaises conditions sociales et environnementales qui prévalent dans notre collectivité depuis des décennies. La prévention du suicide exige des solutions holistiques comportant plusieurs volets. Les approches doivent combiner des solutions cliniques, communautaires, traditionnelles, familiales et fondées sur un système.
Les solutions d'application locale doivent non seulement miser sur un meilleur accès aux mesures de soutien en santé mentale, mais aussi s'articuler autour des déterminants sociaux de la santé en augmentant notamment les ressources consacrées à la prévention, aux mécanismes de guérison, aux activités liées à la culture et à la nature, et à l'amélioration des conditions de logement et des perspectives d'emploi.
Depuis deux ans et demi, nous appliquons une approche globale d'inspiration communautaire totalement unique pour la prévention du suicide et le soutien du mieux-être et de la guérison collective. Nous cherchons en priorité à améliorer l'accès aux services de santé mentale, à favoriser la mobilisation et la résilience chez les jeunes, à accroître la résilience des familles, à stimuler l'engament communautaire, à rétablir les liens avec la culture et à créer des environnements de travail sains.
Notre approche auprès des jeunes exige l'apport d'une équipe de spécialistes comprenant la conseillère en santé mentale de l'école, un conseiller en soins conformes aux traditions et un coordonnateur de crise. Cette équipe gère conjointement un système d'aide aux familles à risque élevé en présentant régulièrement des mises à jour et des recommandations à la chef et à ses conseillers. Ce système nous permet de rester constamment en contact avec nos clients. L'équipe travaille de concert pour cibler les groupes à risque élevé au moyen du counseling direct, de programmes parascolaires et d'activités culturelles. Si l'on pouvait ajouter à notre équipe un conseiller en santé mentale pour les adultes, nous pourrions intervenir davantage auprès des parents et mieux appuyer les familles dans leur processus de guérison.
La mobilisation des jeunes est un élément fondamental de notre plan stratégique. Les jeunes ont cerné sept aspects clés: premièrement, les possibilités de loisirs; deuxièmement, l'emploi pour les jeunes; troisièmement, un meilleur accès à l'éducation...
D'accord. Les jeunes ont donc noté... quatrièmement, la sécurité communautaire; cinquièmement, l'accès à des mesures de guérison et de soutien; sixièmement, les infrastructures communautaires; et septièmement, les liens avec la culture.
Nous avons à coeur de travailler auprès des jeunes. Nous devons surmonter différentes difficultés dont il est fait mention dans notre mémoire. L'approche communautaire est celle qui nous permet d'obtenir des résultats actuellement, mais la charge de travail de nos employés est telle qu'ils risquent vraiment l'épuisement professionnel au sein de notre régime de soutien.
Pour ce qui est de nos relations avec le gouvernement fédéral, nous travaillons depuis deux ans à faire avancer un de nos grands dossiers prioritaires qui vise à répondre à une demande des jeunes. Il s'agit d'un complexe communautaire polyvalent. Dans ce dossier, le ministère des Affaires autochtones et du Nord nous a dit cette année que nous étions admissibles à du financement pour un édifice semblable, ce qui n'a pas manqué de susciter l'espoir chez nos gens, nos jeunes et au sein de notre collectivité, mais je viens tout juste d'apprendre qu'il n'existe plus aucun financement pour ce genre d'infrastructure. Tout est épuisé. Nous sommes donc de retour à la case départ. C'est à la fois très démoralisant et tout à fait décourageant, non seulement pour moi à titre de chef de la collectivité, mais aussi pour les gens avec lesquels je travaille. Le gouvernement fédéral ne peut pas et ne devrait pas nous abandonner. Il doit agir de façon responsable en travaillant en partenariat avec nous. Nous sommes tout à fait ouverts à l'idée des partenariats.
Merci, chef. Je sais que vous disposez de peu de temps, mais vous aurez l'occasion d'en dire davantage en répondant aux questions des députés.
Les premières questions seront posées par Michael McLeod.
Merci de vos exposés. Je suis certainement bien placé pour comprendre bon nombre des éléments dont vous avez parlé, étant donné que je suis des Territoires du Nord-Ouest.
Notre étude sur le suicide est en cours depuis un certain moment, mais c'est toujours troublant d'entendre le nombre de personnes qui tentent de mettre fin à leurs jours. C'est toujours troublant d'entendre à quel point le désespoir est présent dans nos collectivités. Je me demande souvent si ce serait pertinent de collaborer et de commencer à diffuser les chiffres à l'échelle nationale pour sensibiliser davantage les gens à la question. Cependant, des professionnels du milieu me disent toujours que cela peut inciter beaucoup de gens à reproduire ce qui se passe dans certaines collectivités.
Au Nunavut, comme Hunter peut le confirmer, nous avons eu 28 suicides au cours de l'été. Une personne s'est suicidée la fin de semaine dernière dans ma collectivité. Il y a eu huit suicides au Labrador depuis novembre. Bref, la crise ne s'atténue pas; elle s'accélère, et c'est très préoccupant.
Nous avons entendu d'autres témoins faire bon nombre des commentaires que vous venez de formuler. Je suis certainement d'accord pour dire que l'oppression dont souffrent les peuples autochtones depuis 150 ans est à l'origine de ce qui se produit dans nos collectivités. Nous devons certainement commencer à envisager d'obtenir l'autonomie gouvernementale. Selon ce que je constate, les collectivités qui jouissent de l'autonomie gouvernementale semblent se porter mieux. Toutefois, nos collectivités ont d'autres problèmes, notamment une fracture culturelle et les sévices. J'étais chez moi la semaine dernière. Je suis probablement l'un des quelques députés qui vivent toujours dans une petite collectivité autochtone. Je suis témoin de beaucoup de violence dans ma collectivité, et cela découle énormément des traumatismes causés par les pensionnats indiens, dont je souffre également.
Ma question porte sur les traumatismes et plus particulièrement les agressions sexuelles. Je ne vous ai pas entendu parler d'agressions sexuelles, mais nous avons des problèmes en ce sens dans nos collectivités. Les pensionnats indiens, le manque de logements et bon nombre d'autres éléments mènent à des agressions sexuelles. Je me demande si vous êtes d'avis que ces aspects ont certains effets sur le degré de désespoir et le suicide.
Vous pourriez prendre quelques minutes chacune pour répondre.
En ma qualité de chef dans ma nation, j'aimerais vous faire part du désespoir que vit mon peuple en raison du manque de logements. Nous avons trois ou quatre générations qui vivent sous un même toit. Nous avons des enfants de deux ans qui sont victimes d'agressions sexuelles dans ces maisons, parce que 20 personnes y vivent.
Les gens ne parlent pas d'agressions sexuelles dans nos nations. En raison des traumatismes causés par les pensionnats indiens, c'est une blessure qui n'est pas encore guérie et un sujet qui demeure tabou. Tout remonte à l'époque où nos peuples ont été envoyés dans des pensionnats indiens. Leur culture leur a été arrachée. Leur langue leur a été volée. Tout ce qui les définissait leur a essentiellement été enlevé. Le peu qu'ils avaient était ce qui se trouvait dans leur coeur, soit ce qui les définissait en tant qu'Autochtones.
Un jeune homme m'accompagne. Il fait partie de la prochaine génération. C'est un jeune membre du conseil dans ma collectivité et ma nation, et il s'exprime au nom des jeunes. J'aimerais qu'il puisse prendre la parole et répondre à certaines de vos questions.
Les agressions sexuelles sont une réalité. Ce l'est pour les jeunes enfants de deux ans, les femmes qui sont victimes de viol dans nos collectivités et les femmes qui sont emmenées dans nos collectivités en raison des traumatismes causés par les pensionnats indiens. Nous avons l'impression que c'est acceptable, parce que personne n'en parle. Personne n'aborde le sujet dans nos nations.
Il est temps de commencer à parler des problèmes qui influent sur nos hommes, nos femmes, nos enfants et nos koochichims. Nous devons prendre soin de l'avenir. Ce sont eux qui corrigeront la situation pour nos peuples. Ce sont eux qui se présenteront devant le Parlement et prendront la parole pour dire que c'est inacceptable. Un génocide est inacceptable.
Le partage des ressources est important. Nous ne devrions pas être pauvres, parce que d'autres viennent extraire les minéraux et réaliser des chantiers hydroélectriques sur nos territoires. Le partage des ressources est nécessaire; nous ne devrions donc pas être pauvres et avoir besoin de quémander.
Merci.
Notre expérience au début de la crise m'a rapidement permis de prendre conscience de certains problèmes que vivent les jeunes et les adultes dans la collectivité.
L'un des éléments qui sont devenus très clairs pour moi, c'était que nous avions un externat dans notre collectivité à mon époque. Bon nombre de personnes de ma génération ont fréquenté cet externat. En raison de cette situation de crise et grâce aux relations que nous avions établies avec les familles et les adultes, des gens ont dévoilé que les élèves étaient victimes de sévices à cet externat. L'établissement traitait ses élèves de la même manière que les pensionnats indiens traitaient les leurs. Voilà l'une des situations malheureuses avec lesquelles nous devons composer dans notre collectivité. Les externats ne sont pas reconnus au même titre que les pensionnats indiens...
... à savoir qu'il y avait des avantages et que les gens avaient l'occasion de faire de telles divulgations et d'entamer un processus de guérison. C'est une lacune criante.
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos témoins de leurs témoignages empreints de passion.
Nous menons cette étude depuis maintenant plusieurs mois. Deux aspects sont toujours soulevés. Il y a la nécessité d'intervenir immédiatement et de rétablir la culture pour nous éloigner de la gestion de crise en crise.
Je vais tout d'abord poser à Kendall des questions qui portent davantage sur les interventions immédiates.
Kendall, diriez-vous que dans vos collectivités pratiquement tout le monde et en particulier tous les jeunes ont un compte Facebook? Diriez-vous que c'est vrai?
Oui. Nous avons entendu d'autres témoins dire que cela pose parfois problème. Êtes-vous aussi d'accord?
Êtes-vous au courant que Facebook a un algorithme qui peut prédire qu'un utilisateur a peut-être, par exemple, des tendances suicidaires?
Croyez-vous qu'un algorithme qui dirait...? Je sais que Facebook enverra un message pour aviser l'utilisateur qu'il devrait demander de l'aide, parce qu'il vit actuellement une période difficile. Croyez-vous que ce serait utile, étant donné que tout le monde est sur Facebook, de conseiller aux utilisateurs de communiquer avec un tel pour recevoir de l'aide? Une telle mesure serait-elle utile?
Oui. Ce serait vraiment utile, parce que les jeunes sont toujours sur Facebook. Si les jeunes avaient une page Facebook où ils pouvaient aller pour obtenir de l'aide, où quelqu'un pouvait leur parler et les aider...
Le clavardage fonctionne-t-il relativement bien sur Facebook? Les utilisateurs peuvent-ils communiquer entre eux? Je sais que tout le monde dans les collectivités que je représente semble être sur Facebook. Cependant, la connexion Internet pose parfois légèrement problème. Diriez-vous que c'est également une bonne évaluation de la situation?
Dans notre collectivité, la connexion Internet n'est pas très bonne. Cela prendrait un certain temps pour recevoir un message; cela peut même parfois prendre des heures.
D'accord. Un autre témoin nous a également parlé de l'absence d'adresses dans les réserves. Dans votre collectivité, est-ce le cas? Il n'y a aucun numéro. Est-ce aussi votre cas?
S'il faut intervenir pour une urgence médicale et qu'une équipe est dépêchée sur place, nous nous sommes fait dire qu'il lui arrive de ne pas trouver l'endroit, parce que c'est écrit que c'est la maison de John ou la maison de Joe. Les intervenants ne savent ni qui est John ni où se trouve la maison de Joe. Est-ce également le cas dans votre collectivité?
Oui. Ce serait utile d'avoir des numéros ou une adresse. Nous serions ainsi en mesure de savoir où nous rendre.
Passons maintenant au « renouvellement de la culture », et j'imagine que je vais utiliser cette expression. Je crois que nous pouvons tous convenir que l'éducation est probablement le domaine qu'il faut le plus améliorer pour renouveler la culture. Êtes-vous du même avis?
Wikipédia, qui est la panacée des sources d'information, mentionne que l'éducation est la communication du savoir, des valeurs, des modes de vie et d'autres éléments connexes. Êtes-vous d'accord avec cette définition?
Eh bien, je ne suis pas d'accord, parce que je crois que le curriculum qui a été élaboré pour les peuples et les écoles autochtones les voue à l'échec. Nous avons besoin de notre propre curriculum et de notre propre éducation dans les collectivités autochtones.
Nous convenons tous ici que les pensionnats indiens étaient un échec sur toute la ligne de la part de l'État. À mon avis, le problème le plus important à cet égard est le manque total de respect de l'État pour le rôle que jouent les parents dans l'éducation. Êtes-vous d'accord avec moi?
J'aimerais également entendre les autres témoins au sujet du rôle des parents dans l'éducation.
Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir nous en parler un peu.
Dans le cadre du rapport que je vous présente ici, je mets grandement l'accent sur des lacunes en ce qui concerne le soutien et les services aux adultes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, bon nombre d'adultes de ma génération ont été victimes de sévices physiques, émotionnels, psychologiques ou sexuels à notre externat. Il est évident que cette expérience a eu des répercussions sur la capacité de nombreux parents, ainsi que de nombreux grands-parents qui ont fréquenté des pensionnats indiens, de fournir une éducation de qualité à leurs enfants. Je le vois aujourd'hui, parce que c'est ce qu'affirment nos jeunes dans notre rapport. Nos jeunes disent qu'ils ont besoin d'être entendus.
Ce ne sont pas seulement des paroles. Si nous examinons vraiment ce qui se cache derrière ce qu'ils disent, nous découvrons qu'ils veulent communiquer et tisser des liens. Nous avons appris que nous devons soutenir nos solutions communautaires qui sont dirigées par la collectivité pour offrir du soutien aux familles et aider les jeunes à avoir de meilleures relations et des relations plus saines avec leurs parents.
J'ai toujours de la difficulté à essayer d'exprimer quelque chose d'aussi important. Il est très difficile de vraiment expliquer avec des mots et de beaux discours la situation pour vous faire comprendre ces lacunes, ainsi que le problème dont vous êtes saisis.
Merci beaucoup d'essayer d'expliquer les traumatismes générationnels avec lesquels doit composer votre peuple.
Nous poursuivons nos séries de questions. Le député Romeo Saganash a maintenant la parole.
Meegwetch, madame la présidente.
[Le député s'exprime en cri.]
Premièrement, j'aimerais poser une petite question à Kendall, mais je ne sais pas si la réponse sera aussi courte.
La chef Kishiqueb a mentionné les priorités des jeunes dans sa collectivité. Ces priorités sont-elles similaires dans votre collectivité?
Oui. Ce sont les jeunes. Je travaille de concert avec les jeunes depuis environ un an maintenant et je leur ai demandé ce qu'ils veulent; ils veulent un centre de loisirs. Un tel lieu serait merveilleux. Nous avons besoin d'une piscine et d'autres installations dont jouissent d'autres collectivités, mais que nous n'avons pas dans les réserves.
Notre collectivité compte de 7 000 à 8 000 personnes. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir ce qu'ont d'autres endroits, comme des services au volant? Les autres collectivités ont tout. Elles ont un McDonald's. Elles ont des infrastructures que nous n'avons pas, mais que nous devrions avoir en tant qu'Autochtones. Tout le monde dans les réserves où il n'y en a pas devrait profiter d'une telle infrastructure. Cependant, à Pimicikamak, les jeunes demandent sans cesse un centre de loisirs.
Chef Merrick, vous avez parlé d'une ressource importante et des chantiers hydroélectriques, dans votre cas. Je crois que nous avons beaucoup parlé au fil des ans des conséquences environnementales et des retombées économiques de ces chantiers, mais parlons rarement de leurs effets sociaux et culturels. Je crois que vous en avez parlé brièvement.
Je viens d'une région du pays, soit le nord du Québec, où il y a également de grands chantiers hydroélectriques, et ces effets sociaux et culturels se font sentir dans la majorité des cas jusqu'aux personnes les plus vulnérables, soit les enfants et les jeunes.
Pouvez-vous nous parler un peu des leçons que nous en avons retenues et de la manière dont nous pouvons tirer profit de ces leçons pour l'avenir des autres collectivités? J'étais récemment de passage dans ma collectivité et je suis retourné au lac où je suis né. Je suis né sur la terre. Je sais que beaucoup de non-Autochtones ne peuvent pas nécessairement comprendre les liens qui m'unissent à mon territoire et à ce lac et les liens qui unissent mes parents et mes grands-parents à cet endroit depuis des milliers d'années.
La destruction d'une partie du territoire a des répercussions mentales. Pouvez-vous nous parler un peu des leçons que votre collectivité a retenues des grands chantiers et nous expliquer comment cette expérience peut nous aider à l'avenir?
Merci de la question.
En ce qui concerne la destruction du territoire où notre peuple, nos ancêtres ont évolué, nous devons protéger nos terres et nos eaux. C'est l'une des choses fondamentales que nos aînés nous ont enseignées.
Au fil des ans, nous avons été témoins de la destruction de nos terres et de nos coutumes. De nos jours, rares sont les trappeurs qui vont parcourir le territoire pour subvenir aux besoins de leur famille de cette façon. Nous en voyons maintenant les répercussions sociales. Autrefois, l'homme était responsable de sa famille et capable de lui fournir de la nourriture et des vêtements, mais cela lui a été retiré.
Quatre-vingts pour cent des membres de ma nation sont au chômage. Dans l'accord fondamental qui a été signé il y a 40 ans, l'objectif énoncé est d'éradiquer la pauvreté massive qui touche mon peuple. Aujourd'hui, nous sommes les plus pauvres parmi les pauvres. Pourtant, à voir les résultats de l'exportation d'électricité aux États-Unis, nous devrions être l'une des nations les plus riches du Manitoba. Nous ne devrions pas être pauvres.
Les gens de notre peuple devraient être très fiers de leur identité autochtone, mais ce n'est pas le cas parce que, comme vient de l'expliquer ce jeune homme — notre jeune chef —, nous ne disposons pas notamment des installations récréatives dont nous avons réellement besoin. Ce sont des choses qui devraient exister dans chaque collectivité. Il devrait y avoir des installations récréatives dans chaque collectivité. Chaque collectivité, chaque nation, devrait avoir des bibliothèques.
Nous n'avons pas accès aux services qui sont tenus pour acquis dans les centres urbains. Il y a des collectivités qui n'ont même pas d'eau dans ce beau pays qu'on appelle le Canada. Nous ne demandons rien de plus que les autres Canadiens ou les autres Manitobains. Nous devons toujours quémander. Il faut que cela cesse, dès aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de votre témoignage.
Nous avons entendu le même récit poignant de la part d'autres témoins de diverses collectivités qui sont venus nous parler de cette question.
J'aimerais revenir sur ce que le député Viersen a dit tout à l'heure au sujet du rôle des parents. J'ai trouvé que la question était un peu — sans vouloir vous offenser — simpliste, étant donné que nous avons parlé des pensionnats, de la destruction du patrimoine culturel et historique depuis des générations et des mesures qui ont littéralement arraché l'âme des Autochtones et contribué à l'éclatement de la cellule familiale nucléaire. Si on sépare les enfants de leur famille et qu'on les place dans des pensionnats, comment ces enfants vont-ils devenir des parents lorsqu'ils n'ont pas connu les leurs?
Il n'est pas simpliste de dire que, oui, les parents doivent faire partie du système d'éducation, mais je crois qu'on doit miser sur une approche plus holistique. Oui, les parents ont un rôle à jouer, tout comme les aînés et les éducateurs, en ce sens qu'ils doivent tous faire partie de l'éducation.
Êtes-vous d'accord, Kendall, Catherine et Kathy?
Oui, je suis d'accord, parce que nos aînés sont très importants pour nous. En tant que jeunes, nous apprenons d'eux et nous leur demandons conseil. Je suis d'accord.
... parce que c'est au coeur même de tant de questions relatives à l'identité et à l'espoir, et cela fait partie intégrante de ce que vous êtes. Si vous ne savez pas qui vous êtes ou d'où vous venez, comment allez-vous réaliser votre plein potentiel? N'êtes-vous pas d'accord?
Merci.
Cela nous a été dit à maintes reprises, et c'est quelque chose que nous avons essayé de souligner, à savoir la nécessité d'une approche orientée par les collectivités. Les solutions doivent être axées sur les collectivités. Les priorités doivent être établies par les collectivités.
Kathy, vous avez mis cette question à l'avant-plan, notamment dans vos observations. Quand on parle du manque de ressources en santé mentale, quel est le noeud du problème? S'agit-il uniquement d'un manque de fonds, ou la situation tient-elle également à un manque de ressources humaines dans les collectivités elles-mêmes?
C'est tout cela à la fois. Le manque de ressources financières nous empêche d'employer plus de ressources pour régler expressément la situation et venir en aide directement aux personnes. Je crois que nous mettons trop l'accent sur les solutions axées sur les collectivités. Il y a beaucoup de solutions qui sont propres à chaque collectivité. Je ne parle que des solutions que nous voyons et que nous préconisons pour notre collectivité.
Par ailleurs, il faut franchir de multiples obstacles quand on doit accéder à des ressources à l'extérieur de la réserve. Dans notre cas, cela comprend le transport et les déplacements. De plus, quand on a recours à des ressources externes, il y a un manque de sensibilité à l'égard de la dynamique qui caractérise l'environnement d'où provient le client. Par exemple, lorsqu'un jeune est transporté à l'hôpital parce qu'il menace de se suicider ou parce qu'il a fait une tentative de suicide, bien souvent, l'omnipraticien ou peut-être le travailleur social à l'urgence n'ont aucune idée des caractéristiques du milieu d'où vient cet enfant, qui sera ensuite renvoyé chez lui. On n'établit pas de liens. Voilà pourquoi il faut améliorer la communication concernant les plans de sécurité après le retour d'un enfant.
Dans la plupart des cas, lorsqu'un enfant affirme qu'il va bien, le médecin dira: « Nous allons renvoyer l'enfant dans sa collectivité. »
La solution réside, en grande partie, dans le financement à long terme. Ainsi, on ne se contenterait pas de débloquer des fonds chaque fois qu'on se trouve en situation de crise. Vous avez beaucoup parlé de la cogestion communautaire et de la façon dont des équipes communautaires unissent leurs efforts pour aider à gérer les problèmes de santé mentale à long terme. Si vous aviez un financement stable à long terme, vous seriez en mesure, une fois de plus, d'avoir une ressource interne spécialisée en santé mentale au sein de la collectivité. On pourrait ensuite diffuser ces connaissances au reste de la collectivité afin de mettre au point une approche communautaire, au lieu de devoir se fier à une seule personne qui, comme vous l'avez dit, finira par s'épuiser à la tâche.
Oui. Quand nous faisons face à des crises, durant probablement la première année, nous ne cherchons qu'à maîtriser la situation. Puis, au cours de la deuxième année, nous commençons peut-être à envisager des solutions à moyen terme et à mettre en oeuvre des solutions à long terme. Si nous disposons des ressources nécessaires à cet égard, nous assurons alors beaucoup de continuité au sein de la collectivité. Par contre, lorsque les ressources sont limitées, cette continuité prend fin jusqu'à ce qu'une autre crise éclate, auquel cas nous devons repartir à zéro.
Donc, cela rejoint aussi ce que Catherine disait: si vous aviez le financement stable à long terme en provenance du projet de barrage ou du projet hydroélectrique, vous auriez également l'occasion de former les gens au sein de votre collectivité. Résultat: vous n'auriez plus un taux de chômage de 80 %.
Êtes-vous tous d'accord là-dessus?
Oui, c'est vrai. Nous voulons simplement assurer notre viabilité et devenir un peuple apte à se prendre en main, grâce à l'aide des aînés et à l'amour de la terre. Je ne le dirai jamais assez: la guérison de nos jeunes passera par leur retour à la terre, de sorte qu'ils reprennent contact avec la mère terre et avec l'eau.
Nous ne saurions trop insister sur le fait que nos jeunes doivent protéger l'eau. Comme nous le savons tous autour de cette table, l'eau maintient la vie, d'où la nécessité de la protéger jalousement. Nous devons jouer un rôle déterminant pour favoriser le retour de nos enfants à la terre, c'est-à-dire les encourager à tirer leur subsistance de la terre et à apprendre de la nature. Voilà des choses fondamentales que nous devons faire pour nos jeunes.
Meegwetch.
Nous en sommes à la fin de la première série de questions, mais il y a un représentant du conseil des jeunes qui voudrait faire un court exposé. Il tient une plume d'aigle. Il espérait pouvoir faire une déclaration. Nous avons manqué de temps. Je me demande si le Comité serait disposé à Iui permettre de faire ses observations aux fins du compte rendu.
Cela nous convient-il?
Des voix: D'accord.
La présidente: Merci.
Je vais donc céder la parole à Kendall. Vous avez quelque chose à dire, alors je vais vous en donner l'occasion.
Merci.
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Kendall Robinson, et je suis membre de la Nation crie de Pimicikamak. Je vis et je travaille à Cross Lake, au Manitoba.
Si les membres du Comité sont d'accord, j'aimerais expliquer pourquoi je tiens cette plume d'aigle aujourd'hui, dans le cadre de cette rencontre. Il s'agit d'une plume d'aigle que le défunt Elijah Harper, ancien député fédéral, avait donné à mon défunt grand-père, Etienne Robinson, lorsqu'il était chef de notre nation il y a quelques années. Je tiens cette plume pour honorer la mémoire des jeunes qui se sont enlevé la vie récemment à l'échelle du pays, notamment dans notre collectivité. Nous parlons en leur nom aujourd'hui. Je pense à eux aujourd'hui, ainsi qu'à leurs proches et à leurs collectivités.
Je suis membre du conseil des jeunes des quatre conseils traditionnels de Pimicikamak. En après-midi, je travaille comme assistant en éducation à l'école intermédiaire. Le soir, j'organise des activités récréatives pour les jeunes, en ma qualité de coordonnateur. En tant que membre du conseil des jeunes, j'aide également aux activités pour les jeunes dans la collectivité. Dans mes temps libres, je suis entraîneur de lutte pour l'équipe du Manitoba, ainsi que pour notre école secondaire locale. D'ailleurs, l'équipe du Manitoba participera aux Jeux autochtones de l'Amérique du Nord, qui se tiendra à Toronto, en juillet, et nos jeunes ont tous hâte d'y prendre part. Par ailleurs, j'ai terminé le programme des cadets de Cross Lake il y a quelques années.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui, aux côtés de notre chef, Mme Merrick, et de Lisa Clarke, pour témoigner devant ce Comité important qui étudie des moyens de prévenir le suicide dans nos collectivités autochtones.
Comme notre chef vous l'a peut-être dit, notre nation a déclaré l'état d'urgence l'hiver dernier, après une vague de suicides. J'ai été réaffecté dans ma collectivité pour aider à la mise en oeuvre subséquente de programmes d'intervention auprès des jeunes et pour travailler strictement avec les jeunes à l'organisation d'activités récréatives. J'en suis à mon 12e mois comme coordonnateur d'activités pour les jeunes.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention.
Meegwetch.
Vous vous en êtes bien tiré. Merci d'avoir dit quelques mots à ce sujet. Nous sommes honorés que vous soyez venu d'aussi loin pour nous parler.
Chers collègues, nous allons passer à la deuxième partie de notre réunion. Nous avons essentiellement épuisé le temps alloué aux interventions.
Une personne de l'auditoire nous a demandé l'autorisation de prendre une photo. Je crois comprendre que cela est interdit pendant une séance officielle. Nous devons donc suspendre la réunion.
Ai-je la permission de suspendre la séance afin que nous puissions nous faire photographier? Nous siégerons ensuite à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
Des voix: D'accord.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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