INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 13 février 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je vous souhaite la bienvenue à tous à cette séance publique. Il s'agit de la réunion numéro 95 de la première session de la 42e législature du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, INAN.
Aujourd'hui, nous sommes fiers d'entendre un de nos collègues nous présenter son projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Avant de commencer, nous soulignons toujours que nous sommes dans un processus de vérité et réconciliation, un processus entamé par le premier ministre actuel dans la foulée d'une étude lancée par le gouvernement conservateur. Dans le cadre de ce processus, nous reconnaissons toujours sur quelles terres nous nous trouvons. Notre réunion se tient à Ottawa, en territoire non cédé du peuple algonquin.
À partir d'ici, nos délibérations se poursuivront normalement. Notre témoin aura la parole pendant 10 minutes, puis nous passerons à une série de questions.
Bonjour et bienvenue, monsieur le député Saganash. La parole est à vous.
M. Romeo Saganash (Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, NPD): (Traduction de l'interprétation):
Je vous remercie, madame la présidente. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui, d'avoir cette occasion de vous parler. Je suis très heureux d'être le premier à vous parler de ce document que j'ai présenté ici, à Ottawa. J'espère que vous allez me poser des questions au sujet de ce document, au sujet de ce que nous allons faire aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité à vous faire part de mes réflexions. Encore une fois, je suis très heureux d'être ici. Je pense que ce document a une grande importance et qu'il ne va pas aider seulement les Autochtones, mais bien tout le pays. Je pense qu'il nous apportera beaucoup et je vais vous expliquer pourquoi. [Traduction]
Merci, madame la présidente. C'était là des mots de salutation. J'avais espéré que ma mère serait ici aujourd'hui, car elle voulait être témoin de cette importante discussion, y prendre part. C'est elle qui a insisté pour que je fasse des études de droit. C'est elle qui a insisté pour que je continue de défendre mon peuple, mes terres, mon territoire et les ressources que recèlent ces terres et ce territoire. Dès le départ, elle m'a dit que si je faisais des études de droit, que j'apprenais les lois de mon pays et du monde, cela permettrait à mes frères et à mes soeurs, à ceux qui ont choisi de conserver leur mode de vie traditionnel, de pouvoir le faire sur leurs terres, chez eux.
Je pense que c'est le genre d'équilibre que nous recherchions dans nos familles. Certains d'entre nous ont dû opter pour les études. Certains ont préféré rester sur la terre. Je tiens à saluer mes frères et mes soeurs qui ont choisi de rester sur la terre et de conserver le mode de vie traditionnel cri. Environ 30 % des Cris vivent encore de la terre en chassant, en pêchant et en trappant. C'est pourquoi Eeyou Istchee, comme nous appelons notre territoire, est si important à nos yeux.
J'ai lancé le débat sur le projet de loi C-262 à la Chambre des communes en disant que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. La communauté internationale et les organismes internationaux traitent les droits des Autochtones comme des droits de la personne depuis longtemps, depuis plus de 30 ans maintenant. Cela fait maintenant trois décennies. Je pense que, au Canada, quand il est question des peuples autochtones, nous devrions également parler de leurs droits en tant que droits de la personne.
Vous savez peut-être que la Cour suprême va dans ce sens. Dans le jugement qu'elle a rendu dans l'affaire de la nation Tsilhqot'in, la Cour suprême dit que la Charte des droits et libertés, soit la partie I de la Constitution, et la protection des droits ancestraux garantie à l'article 35, soit la partie II de la Constitution, sont apparentées. C'est le mot employé par la Cour suprême: apparentées. Les deux parties de la Constitution limitent l'exercice des pouvoirs gouvernementaux, fédéraux et provinciaux. À mon avis, il ne faut pas l'oublier.
Je pense qu'il était important que je commence en disant que les droits des peuples autochtones du Canada sont des droits de la personne.
J'ai présenté le projet de loi C-262 parce que, à mon avis — et nous sommes tous d'accord —, la réconciliation et la justice pour les peuples autochtones au Canada ne peuvent plus se faire attendre. Je suis persuadé que tout le monde ici est d'accord avec cela. L'idée d'un cadre législatif ne vient pas nécessairement de moi. L'article 38 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoit que les États membres doivent prendre les mesures appropriées pour atteindre les buts de la déclaration, y compris des mesures législatives. L'article 38 de la déclaration parle de mesure législative.
Comme vous le savez tous également, une étape importante a été franchie il y a peu de temps au chapitre de la réconciliation au pays, à savoir le dépôt du rapport de la Commission de vérité et réconciliation et les 94 appels à l'action. Si vous lisez le projet de loi C-262 attentivement, vous allez constater que les articles 4 et 5 sont le pendant législatif des appels à l'action 43 et 44.
Dans l'appel à l'action 43, la Commission nous demande d’adopter et de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation. Elle demande en fait au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et territoriaux et aux administrations municipales du Canada d’adopter et de mettre en oeuvre la déclaration — elle utilise les deux mots: « adopter » et « mettre en oeuvre » — dans le cadre de la réconciliation. Même si tous les autres appels à l'action sont importants eux aussi, l'appel à l'action fondamental et central demeure le numéro 43.
Il y a deux appels à l'action sous la rubrique « Réconciliation », soit les numéros 43 et 44. Au numéro 44, il est question du plan d'action national qui doit être élaboré en collaboration avec les peuples autochtones du pays.
En fait, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est mentionnée 16 fois dans les 94 appels à l'action de la Commission. Voilà à quel point ce document est important, et pour les peuples autochtones du Canada et pour près de 400 millions d'Autochtones qui vivent dans plus de 70 pays à travers le monde. Je pense qu'il est tout à fait indiqué que la première mesure législative à adopter dans ce contexte de réconciliation et de justice au Canada soit le projet de loi C-262.
Pendant le débat, j'ai également souligné que le projet de loi C-262 est peut-être, à mon avis, la mesure législative la plus importante que le Parlement du Canada ait eu à étudier depuis longtemps. J'aimerais profiter de l'occasion pour mentionner que je me réjouis du soutien du gouvernement. J'espère que, en fin de compte, à la fin du processus, l'opposition officielle, la loyale opposition de Sa Majesté, appuiera elle aussi ce projet de loi comme moyen de faire avancer la réconciliation et la justice au Canada.
Je vois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Il y a un argument qui m'a frappé pendant le débat. L'opposition officielle a dit que l'adoption de ce projet de loi entraînerait de l'incertitude. En fait, madame la présidente, je pense que c'est plutôt l'inverse qui se produirait. S'il y a une disposition de la Constitution qui a créé ce genre d'incertitude, c'est bien l'article 35. Que veut-on dire par « droits ancestraux »? Nous en savons un peu sur les droits issus de traités et leur clarté dans les traités, mais de quoi est-il question quand on parle de « droits ancestraux »? Ces droits comprennent-ils le droit à l'autodétermination des peuples autochtones? Comprennent-ils mon droit de m'exprimer dans ma langue à la Chambre des communes?
Voilà le genre d'incertitudes et d'ambiguïtés que l'adoption de l'article 35 a entraîné. On aboutit ainsi constamment devant les tribunaux parce qu'on ne s'était pas entendu sur ce que les droits ancestraux englobent. Je pense que ce projet de loi permettrait de le clarifier. Au Canada, le droit à l'autodétermination est un droit qui revient aux peuples autochtones. Le comité des droits de l'homme l'avait confirmé à l'époque avec des articles des pactes relatifs aux droits de l'homme que le Canada a signés. Le droit à l'autodétermination s'applique aux peuples autochtones. Cela a été déterminé dès 1999.
Madame la présidente, je répondrai avec plaisir aux questions qui me seront posées pendant la prochaine heure et j'espère pouvoir le faire de manière satisfaisante.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Premièrement, permettez-moi de vous féliciter, monsieur Saganash. Je sais que vous travaillez avec passion depuis longtemps sur ce projet pour les peuples autochtones. Je crois que votre vision est juste et je veux vous en féliciter. Cela fait des années que vous travaillez sur ce projet de loi.
[Traduction]
Je crois comprendre — et je ne suis ici que depuis deux ans — qu'un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire très semblables au projet de loi C-262 ont été présentés par le passé dans le but de faire adopter une mesure législative pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, mais qu'aucun n'a pu dépasser le stade de la deuxième lecture. Pourriez-vous expliquer au Comité pourquoi, à votre avis, cette fois-ci, la mesure législative doit franchir les étapes des deuxième et troisième lectures et être adoptée?
Il y a de nombreuses raisons. D'abord, j'aimerais remercier mes collègues qui ont déjà tenté de faire adopter une mesure législative semblable. Les noms Denise Savoie et Tina Keeper me viennent à l'esprit. Le gouvernement conservateur a défait mon projet de loi précédent à l'étape de la deuxième lecture par 17 voix alors qu'il avait adressé des excuses aux peuples autochtones et, chose certaine, aux Autochtones comme moi qui sont passés par les pensionnats. Quand on s'excuse d'une chose, on ne devrait pas continuer en même temps de nier les droits fondamentaux des personnes à qui on a présenté ces excuses. C'est ce qui est arrivé avec le gouvernement précédent et c'est tout à fait regrettable.
Comme je l'ai mentionné, je pense que la présentation du rapport de la Commission de vérité et réconciliation et, en particulier, ses appels à l'action, constituent un nouvel élément important. Le gouvernement actuel a promis d'adopter et de mettre en oeuvre la déclaration. Je me souviens avoir écouté le premier discours du premier ministre Trudeau devant l'Assemblée des Premières Nations et l'assemblée des chefs en décembre 2015. C'est une des grandes promesses qu'il a faites aux peuples autochtones et il l'a réitérée lors de cette réunion.
Je pense que le moment est venu. En fait, quand j'ai parcouru le pays, dans bien des collectivités, les gens — Autochtones et non-Autochtones — ne comprenaient pas comment il était possible que le gouvernement libéral n'appuie toujours pas le projet de loi après avoir fait cette promesse. Ils voulaient savoir pourquoi. Je pense que cela a été une très bonne nouvelle quand la ministre de la Justice actuelle a annoncé le soutien du projet de loi en novembre dernier.
Comme je l'ai dit, le moment est venu d'agir. Suffisamment de choses ont été dites à l'échelle internationale. Nous sommes tous d'accord avec la promesse du gouvernement libéral relativement à la justice et à la réconciliation. Ce projet de loi permet de concrétiser cette promesse.
Très bien.
Vous avez qualifié ce projet de loi de « premier pas » important vers une véritable réconciliation entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones. Le choix de l'expression « premier pas » est très intéressant. J'aimerais donc savoir quelles autres politiques ou mesures législatives, à votre avis, le gouvernement fédéral doit adopter pour assurer une mise en oeuvre complète?
J'ai employé cette expression pendant le débat parce que je suis le premier député à proposer une mesure de cette nature, et c'est une mesure importante. Il y a cela.
En même temps, si nous sommes sérieux à propos de réconciliation et de justice... J'utilise les deux mots parce qu'ils vont ensemble; il ne peut y avoir réconciliation au Canada sans justice, c'est pourquoi j'utilise les deux termes. Nous parlons de réconciliation depuis assez longtemps. Je pense que le moment est venu d'agir, de faire quelque chose de concret.
Le gouvernement doit se montrer cohérent à cet égard. Si on dit vouloir la justice et la réconciliation, il faut que toutes nos actions aillent dans ce sens. Toutes nos décisions doivent aller dans ce sens. On n'a pas demandé le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause pour aller de l'avant avec le projet du barrage du site C, par exemple. C'est un exemple qui me vient à l'esprit. On n'a pas obtenu le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Autochtones pour ce projet. Je pense que ce sera la même chose pour le projet de Kinder Morgan. Il faut être cohérent.
Si on appuie la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qu'on y adhère, nos politiques, nos lois et nos décisions doivent alors en témoigner.
Le Canada protège déjà, dans le cadre de sa Constitution, les droits issus de traités des peuples autochtones avec l'article 35.
Comment envisagez-vous l'harmonie, nous l'espérons, entre la déclaration et l'article 35? Comment pensez-vous que cela se passera? Vont-ils se compléter? Qu'est-ce qui devra être fait?
Voilà une question importante. J'ai 30 secondes. Ce point est crucial.
La Constitution canadienne et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne sont pas incompatibles. Vous n'avez pas à me croire sur parole. Une centaine de professeurs de droit et d'experts juridiques internationaux l'ont confirmé, en 2013 si je ne m'abuse. Ils ont signé une lettre ouverte qui confirme qu'il n'y a rien dans la déclaration qui soit incompatible avec la Constitution du Canada. Voilà notre point de départ. À mon avis, elles vont se compléter à bien des égards.
Je remercie mon collègue, qui a consacré de nombreuses années et beaucoup d'énergie à son travail, ici au Parlement et auparavant.
Il est certain que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation constituent d'importantes lignes directrices pour la réconciliation et des éléments à prendre en compte dans les actions et les décisions du gouvernement.
Comme vous le savez, j'ai certaines préoccupations quant aux effets de votre projet de loi. J'ai trouvé intéressant que M. Vandal dise « nous l'espérons » quand il a parlé d'harmonie entre l'article 35 et la déclaration. J'en ai déduit qu'il avait, lui aussi, certaines préoccupations. C'était un peu comme dire « nous l'espérons, mais, en réalité, nous n'en sommes pas certains ». J'ai trouvé ce tour de phrase intéressant.
Ce point est ressorti des questions et réponses et c'est le genre de chose pratique qui soulève des inquiétudes. Vous avez parlé du site C. On n'a pas tenté d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Prenons le cas du pipeline de Kinder Morgan. Son tracé touche un certain nombre de communautés, des communautés autochtones, qui ont signé des ententes sur les retombées locales. Il me semble que la signature d'une entente sur les retombées locales représente un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il y a quelques bandes qui sont réticentes.
D'abord, pouvez-vous nous dire comment vous allez parvenir, dans un cadre législatif, à concilier ce genre de question? Il semblerait que ce ne soit pas tout le monde... Je vais peut-être en rester là.
C'est une question importante. Le paragraphe 2(1) de mon projet de loi se lit comme suit:
Il est entendu que la présente loi ne peut être interprétée comme entraînant la diminution ou l’extinction des droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones [...]
Je tenais à commencer par cette précision. Je pense qu'il était important de prévoir une disposition de ce genre dans le projet de loi.
À présent, je réponds à votre question, qui est importante. Vous avez confirmé que certaines communautés des Premières Nations sont d'accord avec le projet de Kinder Morgan et que d'autres ne le sont pas. Nous devons nous assurer que tout le monde est d'accord. C'est à cela qu'on veut en venir quand il est question de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
À ce sujet, j'aimerais citer...
J'aimerais entrer un peu plus dans les détails en ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, expliquer comment il est interprété par les experts et comment il est considéré comme un droit selon le droit international.
Vous avez bien dit et vous pensez que cela voudrait dire qu'il faudrait obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de toutes les Premières Nations qui pourraient être touchées?
Il va sans dire que cela est préoccupant. Je pense que l'article 19 parle d'obtenir le consentement « avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives susceptibles de concerner » les peuples autochtones. Bien entendu, il a été indiqué, et la ministre elle-même a indiqué, qu'il s'agirait de mesures législatives d'application générale et non de mesures qui ne touchent que les peuples autochtones. Je vais prendre l'exemple des mesures législatives liées à la marijuana. Je pense qu'il est assez évident qu'il n'y a même pas eu « consultation et accommodement » à l'égard de ces mesures législatives et encore moins de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Si je comprends bien votre projet de loi, si nous devions appliquer l'article 19, tout d'abord, ce projet de loi aurait exigé le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones.
Je pense qu'il faut comprendre que le projet de loi C-262 représente un cadre législatif pour tout ce que nous faisons au Canada, y compris au Parlement. Dans le cas, par exemple, d'une mesure législative qui viserait à remplacer la Loi sur les Indiens, la déclaration nous fournit les normes minimales. C'est ce que fait ce projet de loi. S'il est question du contrôle du système d'éducation des Premières Nations par les Premières Nations, les normes minimales se trouvent dans la déclaration. C'est ce que fait le projet de loi.
Si nous mettons en oeuvre le projet de loi C-262, l'article 19 créera certaines exigences, tout comme l'adoption d'une mesure législative comme le projet de loi C-45 touchera manifestement tous les Canadiens. L'article 19 s'appliquerait, ce qui déclencherait la nécessité d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Cette conclusion est-elle juste, à savoir que le projet de loi aurait un genre d'effet domino?
Ce qui est bien dans le contexte actuel est le fait que toutes les choses dont vous parlez sont déjà prévues dans le droit constitutionnel canadien. Depuis déjà plusieurs années, la Cour suprême du Canada parle de la nécessité d'obtenir le consentement. Dans sa décision dans l'affaire de la nation Tsilhqot'in, en 2014, la Cour suprême fait référence à la notion de consentement des Premières Nations relativement aux terres, aux territoires et aux ressources. Elle parle du contrôle de leurs terres, territoires et ressources dans neufs paragraphes. Elle mentionne dans 11 paragraphes le droit des Premières Nations de déterminer librement les utilisations des terres de leurs territoires, à 2 reprises relativement à cette affaire.
Comme je l'ai dit, cela fait déjà partie du régime de droit constitutionnel du Canada. C'est pourquoi je dis que la déclaration, dans le paragraphe 2(2) de mon projet de loi, s'applique déjà en droit canadien. Il faut qu'on le comprenne. Ce projet de loi et la déclaration ne créent ni l'un ni l'autre de nouveaux droits. Il est question de droits qui existent déjà au Canada, dans le régime constitutionnel, dans la Constitution.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais commencer en disant que je suis très heureux de pouvoir être présent à cette réunion de comité avec mon ami Romeo Saganash. Je suis heureux simplement parce que je fais partie d'une page de l'histoire qui est en train de s'écrire.
[Traduction]
D'abord, on parle beaucoup de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il existe déjà des précédents en la matière dans la loi canadienne. Existe-t-il une distinction entre ce qui existe déjà dans la loi canadienne et ce que prévoit la déclaration?
Il faut comprendre que lorsque je dis que cela s'applique déjà en droit canadien, cela veut dire qu'on retrouve souvent le besoin d'obtenir un consentement dans la jurisprudence constitutionnelle canadienne. Par exemple, en 2004 déjà, dans l'affaire de la nation haïda, la Cour suprême a parlé du besoin d'obtenir le consentement des Premières Nations lors des consultations à ce sujet, puisqu'il s'agit de questions importantes qui ont des conséquences pour eux. C'est l'expression « l'obtention du consentement » qui est employée dans le jugement.
Je crois que les oléoducs représentent une question importante pour les Premières Nations, car ils ont des conséquences directes sur leurs droits et leurs intérêts dans ce pays.
Les changements climatiques constituent une autre question primordiale pour les Premières Nations parce qu'ils ont des répercussions sur leurs droits et intérêts comme peuples distincts du Canada.
On peut ajouter que depuis 1975, les Cris ont signé plus de 80 ententes dans la baie James visant les ressources, l'exploitation minière, l'industrie forestière, l'exploitation hydroélectrique et ainsi de suite. J'ai bien dit plus de 80 ententes depuis 1975, c'est-à-dire depuis que nous avons signé le premier traité moderne. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause au Canada depuis 1975.
J'invite le Comité à examiner le rapport final sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions, publié par le Commissariat aux droits de l'homme et le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones. Les auteurs ont effectué une étude sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Le Comité devrait peut-être la consulter. Elle a été publiée le 17 août 2011, je crois, et elle définit le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, en plus d'expliquer que l'aspect libre implique qu'il n'y a aucune contrainte, intimidation ou manipulation.
Pour revenir au cas du projet énergétique de site C, lorsque B.C. Hydro a poursuivi les opposants au projet pour 4,5 millions de dollars, c'était de l'intimidation. On en parle dans le rapport. Le terme « préalable » implique qu'on doit obtenir le consentement avant d'entreprendre les travaux. Le terme « en connaissance de cause » sous-entend que les renseignements concernant toutes les activités doivent être communiqués aux Premières Nations, et que les renseignements doivent être objectifs, transparents, et de source indépendante. Pendant longtemps, Hydro-Québec soumettait seulement des documents rédigés en français aux Cris. Pourtant, on sait que la langue seconde des Cris est l'anglais. Ce n'est donc pas ce qu'on entend par « en connaissance de cause », comme sous-tend ce droit.
Bien sûr, le consentement implique qu'il a été obtenu avant que toute activité de développement ne soit entamée, ce qui — de ma mémoire et d'après mes expériences au Canada — ne se fait jamais. Généralement, les gouvernements approuvent les projets sans que le consentement ait été obtenu. De plus, d'après cette étude, on peut assortir le consentement de conditions. Il est donc important d'examiner ces études effectuées par des experts de partout dans le monde, afin de nous aider à comprendre ce que veut dire le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause au Canada.
[Français]
Merci beaucoup.
En matière de consentement libre, informé et préalable, il y a aussi l'exemple de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, que je connais mieux, étant donné que je viens du Québec. Les mêmes incertitudes et les mêmes questions s'étaient posées dans ce contexte. On parle des oléoducs et des changements climatiques, mais dans ce cas, il était aussi question de la forêt. La Convention avait soulevé des inquiétudes concernant les répercussions que cela aurait sur l'industrie forestière. Pourtant, on se retrouve aujourd'hui dans une situation assez saine.
Quels sont les arrangements, compromis ou accords qui ont été faits pour qu'on en arrive à l'équilibre que nous connaissons présentement?
Merci de votre question.
Il est important de comprendre que le fait de reconnaître les droits des peuples autochtones n'est dangereux ni pour l'environnement ni pour l'économie de notre pays, même si nous dépendons beaucoup des ressources naturelles non seulement du Québec, mais aussi de partout au pays. La plupart des communautés non autochtones dans ma circonscription dépendent du développement des ressources du territoire.
Les droits des Cris ont été reconnus et respectés. C'est pour cela que nous pouvons négocier des partenariats depuis plus de 40 ans. Le préambule de mon projet de loi et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones énoncent que le respect, le partenariat et la coopération sont des principes de base d'une bonne relation entre les peuples.
La chose la plus importante lorsqu'on veut faire progresser les dossiers entre les peuples, ce sont les bonnes relations qu'ils entretiennent entre eux. Il faut clarifier les choses et déterminer très clairement les règles du jeu. C'est ce que vise mon projet de loi: il clarifiera les droits existants des peuples autochtones. Ainsi, toutes les industries et tout le monde sauront quels sont ces droits dont nous parlons.
C'est ce qui s'est passé dans le cas des Cris de la Baie-James. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois a clarifié les choses au sujet de l'environnement et du développement économique; elle a clarifié qui avait droit au développement du territoire et de quelle façon ce développement pouvait se faire. Cela a permis de clarifier les choses pour le reste. C'est d'ailleurs ce qu'on voit dans le Nord du Québec.
[Traduction]
Merci.
Passons aux questions de M. Bossio et de M. Amos, qui partageront leur temps de parole.
Nous commencerons par M. Amos.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Meegwetch, monsieur Saganash. C'est un plaisir d'être ici avec vous. Je sais que ce n'est pas seulement nous qui sommes fiers de vous, mais tout le Canada.
[Traduction]
Je crois que l'histoire vous félicitera de vos efforts, et je suis fier d'être ici pour poser des questions.
J'aimerais poser une question pour continuer sur le sujet du Québec et la manière dont cela pourrait avoir une incidence sur le reste du pays. Comme nous le savons, la Couronne représente des intérêts provinciaux et fédéraux, et la portée des lois dépasse le simple fait de restreindre le pouvoir d'un gouvernement en particulier. Les lois changent les cultures. On peut présumer que ce projet de loi, s'il est adopté, aura des répercussions sur plusieurs compétences. J'aimerais connaître votre opinion quant à l'incidence de ce projet de loi non seulement sur le comportement du gouvernement fédéral, mais aussi des provinces et territoires.
Je pense qu'il aura un impact positif sur les Autochtones, certainement, mais aussi sur les autres Canadiens. Avant de répondre à votre question précise, j'aimerais répéter un point que j'ai soulevé plus tôt. À un moment donné du processus de consultation qui s'est déroulé partout dans le pays... parmi vos ministres et collègues, la ministre des Relations Couronne-Autochtones a posé la question suivante: existe-t-il un précédent dans le monde pour un tel cadre législatif des droits de la personne des Autochtones? La réponse est non.
Je suis content qu'elle ait posé la question, car le Canada a déjà été le champion des droits de la personne dans le monde, mais il a perdu de sa crédibilité ces dernières années pour une raison quelconque. Pourtant, c'est ce que les autres pays attendent de notre part. C'est pourquoi ils espèrent que le Canada donnera l'exemple en matière non seulement de reconnaissance, mais aussi de respect des droits de la personne des peuples autochtones. Ils ne s'attendent à rien de moins de notre part. Il faut donc aller dans ce sens.
Nous répondons à cet appel à l'action lancée par la Commission de vérité et réconciliation en établissant ce cadre. Aucun document ne décrivait auparavant nos droits, mais c'est ce que font le projet de loi et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je pense que c'est important de mettre le cadre en place pour l'avenir. Cela permettra d'éviter les batailles juridiques devant les tribunaux, c'est certain, mais aussi de préciser le point de vue que nous devons adopter lorsque nous examinons les projets de loi qui influeront sur les droits des Premières Nations du Canada.
Nous avons déjà une obligation en vertu du paragraphe 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. La ministre de la Justice doit veiller à ce que les projets de loi soient conformes à la Charte des droits et des libertés, et ce, avant qu'ils ne soient déposés. Nous n'avons pas l'équivalent de cette mesure pour les droits ancestraux et issus des traités. C'est ce que le projet de loi établira.
Avant de céder le microphone à mon collègue, j'aimerais poser une brève question. Je crois qu'il suivra aussi la même ligne de pensée.
Je voudrais simplement poser la question, et vous savez qu'en tant que témoin, vous pourrez soumettre des commentaires additionnels à l'écrit. J'aimerais que vous expliquiez ce que vous entendez par la distinction entre le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et le veto. Je crois que tous les étudiants canadiens en droit devraient comprendre ces termes et savoir faire la distinction.
Absolument. Je pense que cette distinction est importante, et nous devons la comprendre dans ce pays. Le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, est un droit relatif — comme tous les droits de la personne — et non simplement un droit de la personne des Autochtones. Il faut équilibrer ce droit avec les droits et les intérêts des autres, ce que le veto n'accomplit pas. Le veto est absolu, et je ne pense pas que notre système judiciaire, constitutionnel ou autre pourrait adopter ce point de vue. Ni le système juridique canadien ni le régime du droit international ne fonctionnent ainsi.
Je vais m'en tenir aux questions que j'avais prévues. Je voudrais également répéter que, comme tout le monde le dit, c'est un véritable honneur de travailler avec vous depuis mon arrivée à la Chambre. Vous êtes en fait aussi un grand mentor pour moi. Lors des occasions où nous avons voyagé ensemble, j'ai beaucoup apprécié nos conversations, dont la grande partie portait sur ce droit.
Je me souviens de la première fois où j'ai enfin compris l'enjeu. Je me suis dit: « Voilà le coeur du dilemme du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause: comment concilier le consentement et le veto? »
J'aimerais bien entendre vos commentaires à ce sujet. Pour ma part, cela résout le dilemme et je pense qu'il s'agit d'un aspect qui préoccupe grandement les conservateurs, comme ils l'ont démontré.
Je peux vous dire une chose: le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, est codifié par le droit international, notamment dans le droit à l'autodétermination des peuples autochtones. C'est déjà là.
Bien que la Cour suprême du Canada n'ait pas employé l'expression, elle paraît dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et je crois qu'on en retrouve des éléments dans divers jugements de la Cour suprême du Canada qui confirment que ce droit existe déjà dans notre régime de droit constitutionnel.
Merci, et félicitations. Je suis certain que c'est un grand rêve qui vient de se réaliser pour vous d'en parler ici aujourd'hui, après l'adoption du projet de loi la semaine dernière.
J'ai trouvé cela intéressant quand vous avez mentionné les divers jugements et les différents éléments. Je pense que c'est là la source de la confusion venant de la Cour suprême. Nous recevons des messages contradictoires. Ce n'est pas seulement ce que vous venez de dire. Nous recevons des messages contradictoires du ministère de l'Environnement et du ministère des Pêches et des Océans.
Pourriez-vous nous en dire plus? Je ne pense pas que la question est aussi simple que ce que vous avez décrit pendant les 45 premières minutes de votre témoignage devant le Comité.
Vous devrez me donner un exemple plus précis pour me permettre de répondre à la question.
Je crois qu'il y a eu de nombreux jugements à ce sujet au cours des années. Bien sûr, comme dans le cas de toute autre cour, un jugement peut parfois en contredire un autre. C'est malheureux, car cela ne devrait pas se passer, mais cela arrive. Je pense que nous sommes tous des êtres humains et il faut bien le reconnaître.
Il y a eu une forte tendance au cours des années concernant beaucoup des aspects dont nous discutons et dont nous débattons aujourd'hui, surtout en ce qui a trait à notre droit de gérer nos terres, nos territoires et nos ressources. Je prends toujours le temps de lire les jugements de la Cour suprême, même s'ils ne touchent pas les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada. Parfois, la Cour apporte des précisions aux jugements précédents; parfois, elle précise certains principes constitutionnels affirmés dans d'autres jugements. C'est important pour ceux qui s'intéressent au droit constitutionnel de se tenir à jour au sujet des principes énoncés par la Cour suprême du Canada. C'est ce que je fais depuis toujours.
Un des jugements qui a été important selon moi a été le renvoi relatif à la sécession du Québec. Dans cette affaire, la Cour suprême a statué que les acteurs politiques du Canada ne sont pas uniquement le gouvernement fédéral et les provinces, comme nous l'entendons normalement. Les peuples autochtones du pays doivent aussi être pris en compte, en tout temps, lors des discussions. Comme c'est le cas de mes droits de la personne, qui sont relatifs et non absolus, dans la répartition des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces dans notre système, nous savons que ce sont les provinces qui ont autorité en matière de ressources naturelles. Encore une fois, la Cour suprême a affirmé que même si les provinces ont autorité sur leurs ressources naturelles, cette autorité n'est pas absolue, car les droits ancestraux et issus des traités s'y appliquent également.
Je crois qu'il y a eu une forte tendance générale dans ce sens au cours des années.
Le consentement préalable, librement donné et en connaissance de cause ne semble pas bien compris par tous. Nous avons vu, la semaine dernière, lorsque les libéraux ont voté pour votre projet de loi d'initiative parlementaire...
Certes. Cependant, le lendemain, en parlant du projet de loi C-69, ils n'ont pas fait mention du consentement préalable, librement donné et en connaissance de cause.
Personne ne me l'a expliqué, mais je pense que c'est en partie parce que le projet de loi n'a pas encore été adopté à la troisième lecture et n'a pas encore reçu la sanction royale. Comme je l'ai expliqué, à partir de ce moment-là, le cadre législatif sera en place pour les futures mesures législatives.
Laissez-moi terminer.
L'autre aspect de tout cela est que si on lit le paragraphe 2(2) et l'article 3 du projet de loi C-262, on voit que la déclaration est déjà appliquée dans la loi canadienne. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, et peut-être qu'on ne l'a pas constaté, mais une fois que le projet de loi sera adopté en troisième lecture et qu'il sera adopté par le Sénat, ce sera bien clair à l'avenir. Je pense que c'est ce dont on a besoin pour éviter la confusion.
Une confusion similaire a été créée lorsque le paragraphe 35 de la Constitution a été adopté. Que dit le paragraphe 35 au sujet des droits autochtones?
Ce fut la même réaction lorsque le premier traité moderne, la Convention de la baie James et du Nord québécois, a été signé en 1975. Je me souviens des propos à l'époque. Dans les associations de chasse et de pêche partout au Québec, les gens disaient, « Si nous reconnaissons les droits des Cris et des Inuits de chasser, de pêcher et de piéger toute l'année, sans condition, la population entière des orignaux et des caribous disparaîtra, ainsi que tous les poissons dans les lacs québécois. » Eh, bien! Savez-vous quoi? Cela ne s'est jamais produit.
La situation actuelle est semblable, à mon avis. Ces droits existent parce qu'on dit qu'ils sont inhérents, ce qui veut dire que ces droits fondamentaux existent parce que nous, comme peuple, existons, ici, présentement — je suis là et je vous parle, n'est-ce pas? — et ce sont nos droits inhérents.
Alors, nous ne sommes pas en train de créer une nouvelle loi, et le projet de loi ne crée aucunement de nouveaux droits. Ces droits m'appartiennent déjà, ainsi qu'à mon peuple.
Nous passerons maintenant aux questions de M. Anandasangaree et M. Harvey, qui partageront leur temps de parole.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Saganash, je voudrais juste vous faire part encore une fois, au nom de mes collègues ici présents, de notre grande admiration à l'égard de vous-même et de l'excellent travail que vous avez accompli pour mettre en exergue au Canada la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Au cours des années — au moins depuis 10 ans —, à chaque réunion des Nations unies, le fait que le Canada n'avait toujours pas accepté la déclaration a été souligné par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies et par bien d'autres tribunes internationales.
J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit plus tôt, et, par la suite, vous poser une question.
Vous avez indiqué que les droits autochtones sont des droits de la personne. Alors que nous soulignons le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, je trouve plutôt curieux que les droits autochtones ne soient pas entérinés dans cette déclaration. On voit une évolution au Canada; nous avons adopté la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi constitutionnelle de 1982.
Je me demande si vous pouvez nous donner une idée de l'évolution à laquelle nous pouvons nous attendre en ce qui concerne les droits autochtones en tant que droits de la personne. À l'avenir — que ce soit grâce au travail de la Commission de vérité et réconciliation ou à la jurisprudence —, quelles seront les répercussions du cadre que vous proposez sur l'élaboration des politiques et des lois au Canada?
Je vous remercie de vos commentaires bienveillants.
Je crois qu'il faut répéter que les droits des peuples autochtones sont considérés comme des droits de la personne depuis plus de trois décennies par les tribunes internationales, et qu'ils ont toujours été considérés ainsi à l'échelle internationale. Je tiens encore à insister sur le fait que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2007. Cela fait maintenant 10 ans. Je pense que nous devons agir dans ce dossier et faire ce qui s'impose dans ce pays.
Je pense que la première chose à faire est de reconnaître que ces droits sont des droits de la personne. Le droit des enfants autochtones d'avoir un toit est un droit de la personne. Le droit des collectivités autochtones d'avoir de l'eau potable est un droit de la personne. Le droit d'avoir une toilette dans la maison est un droit de la personne, et ainsi de suite. Voilà un aspect de la question.
Deuxièmement, en tant qu'avocat, vous connaissez sûrement le fonctionnement du système canadien de justice. Les juges et les tribunaux canadiens sont des institutions et des personnes impartiales, qui peuvent décider d'appliquer les droits que l'on retrouve dans la déclaration dans leurs décisions, ou de s'en servir comme références. Cela s'est déjà produit en 1987, lorsque la Cour suprême a cité des documents internationaux sur les droits de la personne, notamment des déclarations, afin d'interpréter les lois canadiennes. C'est pourquoi il faut souligner que même si la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n'a pas nécessairement la même force obligatoire que les traités internationaux et les conventions internationales — bien sûr, c'est vrai —, cela ne veut pas dire qu'elle est nulle.
Pensez-vous que le texte proposé, le projet de loi C-262, va assez loin? Sera-t-il suffisant pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou bien le gouvernement doit-il prendre d'autres mesures pour garantir le plein respect de cette déclaration?
Je pense que le projet de loi repose déjà sur une base assez solide. Nous pouvons aller de l'avant avec ce texte, mais si le gouvernement veut faire du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause un veto, cela le regarde; je ne pense pas que les peuples autochtones soient contre. Certes, il existe des moyens de renforcer le projet de loi C-262 à bien des égards. J'ai toujours offert mon aide et ma collaboration pour poursuivre le travail. Je ne nie pas que le projet de loi C-262 offre sur une base très solide pour progresser dans la bonne direction en matière d'affaires autochtones au Canada. Poursuivons sur notre voie, mais je pense qu'il faudrait d'abord adopter le projet de loi.
Merci, madame la présidente.
Merci, Romeo, d'être sur la sellette aujourd'hui.
La question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, est un élément important de la discussion, sans aucun doute. Je dirais que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est quelque chose que tous les Canadiens souhaitent, et que tous les Canadiens reçoivent. Ce n'est pas tout le monde qui donne son consentement, mais je sais par exemple que dans ma propre collectivité, on propose d'installer une nouvelle ligne de transmission électrique. Par conséquent, beaucoup de résidants se disent consternés du fait qu'ils ne savent pas par où elle passera, ni sur la terre de qui, ni quel sera le dédommagement pour les acres de terre qui seront — pour ainsi dire — enlevées. Nous avons un système au Canada qui dédommage les personnes pour leurs terres. Nous avons tous également la capacité de voter pour le gouvernement que nous voulons. Nous votons pour les gens qui, selon nous, seront en mesure de bien administrer ces choses.
Comment se fait-il que nous devons avoir un système différent? Pourquoi devons-nous avoir un système différent pour les peuples autochtones, au lieu d'avoir un seul système auquel tous les Canadiens participent? Oui, il y a eu beaucoup de décisions que je n'ai pas aimées, mais nous avons un système où nous avons le vote et nous choisissons nos représentants. Quand nous ne sommes pas d'accord avec les décisions prises, nous travaillons plus fort, nous tentons de convaincre plus de gens, et nous essayons de faire bouger les choses; cela, je peux le comprendre.
Par ailleurs, nous vivons dans un système britannique, pour le meilleur ou pour le pire. Un des avantages du système britannique est qu'il a toujours pris en considération les groupes minoritaires; généralement, les groupes minoritaires se sont toujours fait entendre dans notre système gouvernemental.
Comment équilibrer le système actuel et ce qui me semble être la proposition d'un nouveau système ou d'un système additionnel en marge du système actuel? Vous pouvez utiliser le temps qu'il me reste.
Je ne propose pas un système différent. Je pense que le système actuel doit tenir compte de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est tout ce que je dis. Nous devons d'abord reconnaître clairement ce fait, puis agir en conséquence.
Nous devons éclaircir cela. C'est une des choses qu'il faut faire. L'article 35 de la Constitution parle des droits des peuples autochtones. Au pays, les Autochtones et les gouvernements ne sont jamais parvenus à s'entendre sur le sens à donner au concept de « droits des peuples autochtones ». C'est cela le problème.
En ce qui concerne la Constitution, a-t-on obtenu le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones? Il faut revenir là-dessus, n'est-ce pas?
Ce n'est pas ce que je dis. Je pense qu'il faut se rendre compte que les droits prévus dans la déclaration s'appliquent déjà au système canadien. C'est ce que je dis.
Je suis aussi conscient que les peuples autochtones sont le seul groupe distinct à être reconnu dans la Constitution. Pourquoi? Parce qu'ils étaient les premiers peuples de ce pays. C'est à ce titre qu'ils ont des droits.
Le système n'est pas différent. La Constitution de 1982 a reconnu qu'il s'agissait de peuples différents. Comme ils étaient les premiers peuples du Canada, ils ont des droits que n'ont pas d'autres peuples au pays en vertu de la Constitution. C'est tout ce que je dis. Je n'essaie pas de créer quoi que ce soit de nouveau. J'essaie d'aider à éclaircir notre situation constitutionnelle au pays.
Pourtant, l'article 19 prévoit ce qui suit: « ... avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones... » Je dirais que, au Canada, tout changement à une loi concerne les peuples autochtones.
Comment peut-on s'assurer d'obtenir un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause alors que le pays ne compte pas d'organisme qui soit en mesure de faire cela ou qui s'intéresse même à ces questions?
Je pense que le problème, ce sont les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé à l'échelle fédérale. Malgré les nombreuses décisions rendues par la Cour suprême, le gouvernement fédéral n'a jamais respecté les droits des peuples autochtones et n'a pas cru bon les inscrire dans la loi. En tant que députés, nous avons le devoir de faire respecter la loi. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il faut envoyer la police ou l'armée pour démanteler une barricade érigée par des Autochtones. Non. Dans le système canadien, le respect de la primauté du droit signifie qu'il faut se conformer à la Constitution, et l'article 35 de ce document porte sur les droits ancestraux et les droits issus de traités. Nous avons omis de faire cela, bien que cette responsabilité nous incombe.
Le projet de loi C-262 va nous aider à cet égard. C'est la raison pour laquelle il est important pour le pays. Si notre engagement envers la réconciliation et la justice est authentique, il est important d'adopter le projet de loi, qui sera utile à la fois aux Autochtones et aux non-Autochtones au pays.
C'est sur cette bonne note que prend fin le débat d'aujourd'hui. Je vous remercie de votre exposé.
Je vous signale que, demain, à 15 h 15, à la Chambre des communes, le premier ministre va prononcer un discours sur la reconnaissance et la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones.
Nous sommes en plein processus de vérité et de réconciliation et sommes tous honorés d'être ici.
Je vous remercie infiniment de nous avoir présenté un exposé aujourd'hui.
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