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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 099 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2018

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. La séance est ouverte.
    Pour commencer, je tiens à dire que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin. Nous avons entrepris un processus de vérité et réconciliation avec les Autochtones du Canada, les Métis, les Premières Nations et les Inuits, qui sont les trois grandes nations autochtones; je le précise au cas où quelqu'un oublierait un de ces groupes.
    Nous attendons toujours l'arrivée de notre second témoin, mais le greffier nous propose de commencer et de demander à Mme Gunn de présenter son exposé, en espérant que Mme McKay arrive pendant ce temps.
    Nous discutons de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Nous pourrions donc commencer?
    Madame Gunn, vous avez la parole. Vous avez 10 minutes et, si l'autre témoin se présente, elle aura elle aussi 10 minutes pour faire sa déclaration. Nous pourrons ensuite passer aux questions.
    Vous avez la parole. Merci.
    Bonjour tout le monde. Merci beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je suis vraiment emballée d'être ici, d'abord parce que je vais pouvoir parler d'un sujet auquel je consacre beaucoup de temps de réflexion, c'est-à-dire le rôle de la Déclaration des Nations unies dans la promotion de la réconciliation au Canada, et aussi parce que, aujourd'hui, en particulier, un projet de loi a été soumis au Comité.
    J'aimerais d'abord rappeler que nous nous trouvons sur un territoire ancestral. Je remercie les Algonquins de leur hospitalité et de nous avoir permis d'être ici. Je sais qu'il s'agit d'un territoire non cédé.
    J'aimerais aussi dire bonjour à deux ou trois membres du Comité. J'ai déjà parlé brièvement avec la présidente. Elle représente la circonscription dans laquelle j'ai grandi, et c'est pourquoi je suis très contente de la rencontrer. J'aimerais aussi dire bonjour à M. Saganash, qui travaille si dur pour faire avancer ce dossier tant sur la scène internationale qu'au Canada.
    Merci du travail que vous faites et merci de me recevoir.
    Je m'en voudrais de ne pas dire bonjour aussi à Will Amos. Nous avons travaillé brièvement ensemble à Ecojustice, mais ça fait un bail. Je crois que j'étais stagiaire et que vous veniez d'arriver à Ottawa; je suis très contente de vous rencontrer de nouveau.
    Je m'appelle Brenda Gunn, je suis une Métisse de Red River. Je suis professeure agrégée à l'Université du Manitoba, et je m'occupe de droit international et de droit constitutionnel. J'ai rédigé un manuel sur la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies, et j'ai présenté des exposés un peu partout au Canada et ailleurs dans le monde, pour parler de ce que veut dire la Déclaration des Nations unies pour nous, les Canadiens.
    J'aimerais féliciter le gouvernement en place des engagements fermes qu'il a pris envers les peuples autochtones, y compris son engagement à mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies. Je crois que j'aimerais commencer aujourd'hui en expliquant pourquoi à mon avis la Déclaration des Nations unies est importante pour la réconciliation, au Canada; je parlerai ensuite de la raison pour laquelle j'estime que le projet de loi est important dans le cadre de sa mise en oeuvre.
    Vous pouvez lire dans le préambule une histoire vraiment fascinante et d'une importance particulière pour le Canada. C'est que, en 2007, les Nations unies ont finalement reconnu que les Autochtones formaient un peuple et une famille du monde. Nous n'étions plus ces « féroces sauvages s'occupant exclusivement de faire la guerre », comme l'a dit le juge en chef Marshall dans la trilogie Marshall, qui continue à influer sur le droit canadien encore aujourd'hui. Nous sommes aujourd'hui un peuple et nous avons tous les droits conférés à un peuple.
    Nous sommes aussi des Autochtones, et nous avons le droit d'être Autochtones. Nous avons un droit qui nous a été reconnu d'afficher notre identité collective, et on a même reconnu que des mesures spéciales étaient parfois nécessaires pour protéger nos droits inhérents. La Déclaration des Nations unies reconnaît que nous avons été colonisés et que la colonisation a eu un effet négatif sur les peuples autochtones, en particulier en les dépossédant de leurs terres, de leurs territoires et de leurs ressources naturelles.
    La Déclaration des Nations unies mentionne toujours que les Nations unies sont convaincues que, pour avancer, il faut que les peuples autochtones renouent des liens avec le Canada et que cela suppose que les droits inhérents des peuples autochtones soient reconnus et protégés. Contrairement à ce que pensent certaines personnes, selon lesquelles le fait de donner des droits spéciaux à des peuples spéciaux déchirerait le Canada, la Déclaration des Nations unies dit clairement qu'une protection entière et robuste des droits des peuples autochtones favorisera en fait une plus grande harmonie dans les relations entre les peuples autochtones et le Canada.
    La Déclaration des Nations unies indique que c'est le refus des droits des peuples autochtones qui explique les divisions actuelles entre ces derniers et les autres Canadiens. Si nous voulons une réconciliation à l'échelle du Canada, il nous faudra modifier cette relation et former de nouveaux liens fondés sur les principes de la justice, de la démocratie, du respect des droits de la personne, de la non-discrimination et de la bonne foi. Ainsi, on passera de la relation coloniale, dans laquelle le Canada contrôlait tous les aspects de la vie des peuples autochtones, à une relation en vertu de laquelle les peuples autochtones pourront librement déterminer leur avenir et participer activement à toutes les décisions qui ont des répercussions spécifiques sur leurs droits.
    Dans la Déclaration des Nations unies, dans la section qui porte sur les droits fondamentaux, on dit, et c'est important, que les droits économiques, sociaux et culturels qui concernent par exemple la langue, l'éducation, la santé, le logement et le développement économique, sont essentiels à l'exercice des droits civils et politiques. Il n'y a pas de hiérarchie, dans les droits.
    Je crois que le projet de loi que vous devez étudier aujourd'hui représente un pas en avant important dans la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies au Canada et qu'il permettra au Canada de passer de la parole aux actes, dans le dossier de la réconciliation, étant donné qu'il précise que la Déclaration des Nations unies s'applique au Canada, qu'elle exige un examen des lois dans le but d'en assurer l'uniformité et qu'elle expose la nécessité d'élaborer un plan d'action national qui devrait comprendre de rapports périodiques.
     En réfléchissant à la déclaration que je devais faire ici aujourd'hui, je me suis arrêtée sur le fait que le Canada avait vraiment fait oeuvre de pionnier en ce qui concerne la reconnaissance et l'affirmation des droits des peuples autochtones lorsqu'il a intégré à la Constitution, il y a 35 ans, la protection des droits des Autochtones. Malheureusement, le Canada n'est plus un chef de file de la protection des droits des Autochtones, sur la scène internationale. Cependant, grâce au projet de loi C-262, il peut reprendre le flambeau de la protection des droits des Autochtones. La mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sera aussi une étape clé dans le respect par le Canada de ses obligations internationales au chapitre des droits de la personne.
    Un des défis qui se présentent constamment, dans mon travail visant la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies, c'est que les gens en général ne comprennent pas comment le droit international s'applique au Canada.
    Bien que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada indique clairement que des déclarations comme celle des Nations unies peuvent et doivent être utilisées pour interpréter les lois nationales, y compris notre Constitution, on constate que les avocats et les juges hésitent à s'appuyer sur la Déclaration des Nations unies pour interpréter les lois intérieures, et je crois que c'est dû en grande partie au fait qu'ils comprennent mal le rôle des lois internationales appliquées à l'échelle nationale.
(1540)
Je crois que le projet de loi est essentiel si l'on veut surmonter la réticence et l'ignorance de nombreux intervenants du domaine juridique quant à la pertinence de la Déclaration des Nations unies pour l'interprétation des lois canadiennes, y compris la Constitution.
    L'interprétation des lois canadiennes à la lumière des obligations internationales du Canada au chapitre des droits de la personne peut se faire pendant une procédure judiciaire, mais aussi dans le cadre d'examens généraux des lois ou des politiques et par l'adoption des amendements nécessaires, ou encore dans le cadre de négociations. Il est important de ne pas perdre de vue le fait que la loi n'est pas statique, que le droit international en matière de droits de la personne et le droit constitutionnel canadien, ça n'est pas statique.
    Nous disons souvent que notre Constitution est un arbre vivant, qui a de solides racines et qui peut croître et s'adapter à la situation. Je crois que la Déclaration des Nations unies est un outil clé qui favorisera la croissance de notre Constitution et son adaptation à l'évolution constante de la situation du Canada. La présomption de conformité, c'est-à-dire l'interprétation des lois nationales à la lumière des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, est un principe bien établi. Mais, ce qui est plus important encore, je crois qu'avec ce projet de loi, nous permettrons en outre au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne parce qu'il le doit aux autres États-nations.
    L'interprétation de la Constitution canadienne à la lumière de la Déclaration des Nations unies a aussi une importance réelle en raison du fait que le Canada, lorsqu'il s'adresse à d'autres organes internationaux s'occupant de droits de la personne, souligne souvent que la Constitution canadienne a été conçue entre autres pour s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne. En nous fondant sur la Déclaration des Nations unies pour interpréter la Constitution canadienne, nous favorisons la réconciliation au Canada, mais nous pouvons aussi aider le Canada à mettre en oeuvre ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
    Je tiens à remercier le Comité de nous consacrer du temps aujourd'hui. J'ai bien hâte d'entendre vos questions.
    Merci.
    Bienvenue, madame McKay.
    Nous nous inquiétions à votre sujet.
    Je suis désolée d'être en retard. Il y avait comme une urgence.
    Y a-t-il un incendie?
    Je ne pouvais pas me sortir du bouchon de circulation.
    Eh bien, nous sommes heureux que vous soyez arrivée.
    Vous avez 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Quand vous aurez fini, nous passerons aux questions.
    Nous nous sommes entendus pour mettre fin à la séance à 16 h 15, parce que la sonnerie devrait retentir à 17 h 15. Nous allons suspendre la séance à 16 h 15 ou 16 h 20.
    Ce serait mieux à 16 h 15.
    Ce sera donc à 16 h 15. C'est entendu.
    La navette n'est pas en service, nous allons tous devoir trouver un autre moyen de nous rendre.
    Vous déciderez de ce qu'il convient de faire...
    Il y a un incendie, nous avons encore 250 votes.
    Madame McKay, je vous en prie, allez-y.
    Merci. Encore une fois, je vous présente à tous mes excuses.
    J'aimerais pour commencer remercier la nation algonquine de nous permettre de venir discuter ensemble sur son territoire ancestral; je vous remercie aussi de nous permettre de discuter avec vous.
     C'est agréable, je reconnais deux ou trois personnes, par exemple le député de ma propre circonscription, Dan Vandal, et bien sûr Romeo — je suis heureuse de vous voir — et Brenda.
    J'ai de l'expérience dans les domaines du travail social et du droit. Je suis une Métisse du Manitoba. J'ai eu l'honneur de faire partie pendant deux ou trois ans du groupe de travail qui a rédigé l'ébauche de la Déclaration, avant son adoption par le Conseil des droits de l'homme de Nations unies, en 2006, puis par l'Assemblée générale des Nations unies, en 2007.
    Je me suis dit que j'aimerais profiter du temps qui m'est donné pour parler des droits économiques, sociaux et culturels prévus dans la Déclaration de même que des dispositions spécifiques touchant la violence et la discrimination. Ce sont des dispositions importantes, en particulier, souvent, pour les femmes autochtones, qui se sont battues avec acharnement pour que les droits liés à la discrimination et à la violence fassent explicitement partie de la Déclaration.
    J'aimerais d'abord parler des relations entre ces droits et d'autres droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration, par exemple le droit à l'autodétermination et le droit de promouvoir leurs systèmes ou coutumes juridiques.
    Pour le milieu du droit international en matière de droits de la personne, l'adoption de cette déclaration, le 13 septembre 2007, était un moment historique. C'était la première fois que les peuples autochtones étaient accueillis dans la famille du monde. Selon moi, les peuples autochtones ont prouvé qu'ils avaient de bonnes capacités de négociation et de résolution de conflits, comme le montre le fait que nous avons pu nous entendre sur un texte qui, même s'il n'était pas parfait, nous convenait quand même, puisque nous savions que nos intérêts et nos droits principaux seraient protégés pendant des générations. Au bout du compte, avec nos alliés, les organismes s'occupant des droits de la personne et les États amis, je crois que les peuples autochtones ont réussi à négocier une déclaration qui règle un vaste éventail de préoccupations.
    Nous voici aujourd'hui, 11 ans plus tard, à chercher le moyen de redonner vie à ces droits. La Déclaration aborde un très large éventail de droits et de préoccupations, qui reflètent tous l'expérience vécue par les peuples autochtones de la colonisation et du génocide, mais aussi nos valeurs et notre espoir de voir un monde dans lequel nos enfants et les enfants de nos enfants pourront vivre dans la dignité et la sécurité, en tant qu'Autochtones, sur leurs propres territoires ancestraux, pendant que les nations autonomes proposent des modèles de développement durable conformes au droit et aux coutumes autochtones.
    Mais la Déclaration, c'est bien plus que la somme de ses parties. C'est une affirmation du droit à l'autodétermination, du droit sur nos terres, nos territoires et nos ressources. C'est une affirmation de notre droit de conserver et de transmettre notre langue, nos coutumes et nos traditions dans toutes sortes de domaines, du développement durable jusqu'à l'éducation. C'est une affirmation du droit des femmes et des enfants autochtones à vivre librement, sans craindre la violence ou la discrimination, et cette déclaration fait en outre un lien entre tous ces droits. Elle présente tous ces droits comme formant un tout que les États, les tribunaux, les sociétés, les organismes non gouvernementaux et nos propres gouvernements doivent respecter et soutenir.
    Elle fait également un lien entre ces droits et les droits inscrits dans d'autres instruments internationaux en matière de droits de la personne, par exemple le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies, etc. Cette déclaration oriente et éclaire l'application de ces normes aux droits collectifs de notre peuple.
    Comme vous le savez, une notion de base, dans le contexte du droit international, est que tous les droits sont indissociables, interdépendants et intimement liés.
(1545)
    Quand on regarde les articles de la Déclaration des Nations unies et que l'on voit que certains États, comme la France, disent que les droits de la personne sont par leur nature même des droits individuels et que ça finit là, qu'il n'y a pas besoin de créer des droits collectifs, nous avons dû dire: « Non, ce n'est pas vrai, prenons par exemple le cas des femmes qui subissent de la violence. » Pourquoi vivent-elles cette violence? Pourquoi font-elles face à des taux si alarmants de violence? Pourquoi y a-t-il des femmes disparues et assassinées si souvent? C'est à cause des pressions systémiques que vivent les peuples autochtones, qu'on a aliénés de leurs territoires traditionnels, qui souffrent d'un statut socioéconomique peu reluisant et qui n'ont pas un accès égal à l'éducation et à l'emploi. Il faut envisager tous ces aspects ensemble, et la Déclaration réussit très bien à le faire.
    En même temps, pendant que nous négociions la Déclaration, cet aspect n'était pas très bien compris. Les États ne saisissaient pas très bien la relation entre les droits collectifs et les droits individuels et nous avons dû travailler assez dur pour le leur expliquer.
    Si nous nous intéressons aujourd'hui à la nature systémique des problèmes auxquels les femmes font face, nous en entendons parler par exemple dans le cadre de l'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Nous entendons dire que les répercussions des pensionnats et de la colonisation ont affecté leur vie. Dans nos collectivités, on prend de plus en plus conscience du fait que c'est là un enjeu clé, un enjeu fondamental.
    Je défends les intérêts des femmes autochtones et j'ai fait partie du groupe de travail qui a rédigé l'ébauche de la Déclaration, au début des années 2000. À l'époque, les choses étaient vraiment différentes. Aujourd'hui, les gens sont beaucoup plus sensibilisés, et cela peut les amener à être un peu nonchalants. Nous, au Canada, nous avons un assez bon système relativement aux droits de la personne. Nous avons de bonnes lois constitutionnelles. Nous avons beaucoup de protections. Mais tous les indicateurs socioéconomiques qui nous concernent expliquent pourquoi cette loi est nécessaire. Nous devons prouver que le Canada en entier va sciemment réfléchir aux droits inscrits dans cette déclaration et à la façon dont nous allons nous y conformer. Il faut pour cela commencer par reconnaître que nous ne nous y conformons pas encore aujourd'hui. À l'heure actuelle, les femmes et les jeunes Autochtones font face à des problèmes en ce qui concerne les droits de la personne.
    À mes yeux, nous devons relever un défi, c'est-à-dire nous assurer de respecter à chacune des étapes de ce cheminement le principe de l'indissociabilité. Je voulais vous donner quelques exemples, mais je sais que je n'ai presque plus de temps. Les articles 20, 21 et 22, qui portent sur les droits économiques, sociaux et culturels et le droit à une pleine protection contre la violence et la discrimination doivent être lus parallèlement à l'article 23, qui concerne le droit au développement, et à l'article 24, qui concerne l'accès des peuples autochtones aux services de santé; vous voyez bien qu'ils sont tous interreliés. Si vous pensez aux sociétés minières qui exploitent des femmes autochtones, dans le Nord de la Colombie-Britannique, vous avez un bon exemple des interrelations entre tous ces droits.
    Je voulais conclure sur une réflexion personnelle. J'ai été élevée dans les années 1970 par des parents qui ont consacré leur vie à la justice sociale. Mon père était professeur d'université. Il a créé les départements d'études autochtones à l'Université de Brandon, à l'Université Trent et à l'Université du Manitoba. Je n'ai pas grandi sur nos terres. Je n'ai pas grandi au milieu de toutes ces pratiques ancestrales, mais j'ai grandi avec le sens profond de mon identité de Métisse et de mes liens avec la culture métisse. On m'a appris à toujours partager et à toujours être reconnaissante de ce que j'avais. Je crois que le partage fait partie des convictions fondamentales du peuple métis; il n'est pas le seul à penser ainsi, bien sûr, mais c'est une conviction centrale, dans notre collectivité.
    Aujourd'hui, 40 ou 50 ans après le séjour de mon père dans un pensionnat, mon fils entend parler dans ses cours, à l'école, de la réconciliation et de la Déclaration des Nations unies.
    Je termine ici, ce qui nous donnera du temps pour les questions.
    Merci.
(1550)
    Merci. C'est agréable de recevoir deux représentantes du Manitoba comme vous deux. Je voulais faire connaître tout de suite mon parti pris. Bienvenue.
    Nous allons passer aux questions. La première série comprendra des questions de sept minutes. Nous allons d'abord donner la parole au député Dan Vandal, un Métis de Winnipeg.
    Merci. C'est en effet très agréable de recevoir ici des représentantes du Manitoba et aussi une de nos électrices, Celeste.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps, et j'ai deux questions plutôt ardues. Les experts juridiques ont souligné que la Déclaration n'accorde pas de nouveaux droits ni de droits différents aux Autochtones; elle clarifie toutefois la façon dont ces droits peuvent être appliqués.
    Pourquoi fallait-il élaborer un instrument international pour arriver à ce résultat? Pourquoi ne pouvions-nous pas simplement utiliser ceux que nous avons au Canada?
    J'aimerais que Brenda réponde la première.
(1555)
    Bien sûr. J'allais laisser Celeste répondre. Je vais commencer.
    Vous le pouvez.
    Allez-y, Brenda.
    C'est la tactique que j'utilise toujours; c'est pour me donner le temps de rassembler mes idées; mais je vais chercher avec plaisir à répondre à cette question.
    Je crois qu'il serait juste de dire que, dans les normes internationales en matière de droits de la personne dont Celeste a parlé et qui se retrouvent dans plusieurs instruments internationaux touchant les droits de la personne, qui protègent les droits économiques, sociaux et culturels, les droits civils et politiques, les droits des femmes, et qui font la promotion de l'élimination de la discrimination raciale, on a soulevé des enjeux au chapitre du droit international, mais aussi à l'échelon des États-nations, qui voudraient savoir comment exactement appliquer ces droits au contexte spécifique des Autochtones. Je crois que cela était dû en partie au racisme présent dans bien des États-nations. Donc, même si légalement, ces droits s'appliquaient aux peuples autochtones, il restait à les mettre en oeuvre concrètement afin de répondre aux besoins des peuples autochtones, d'assurer leur entière protection et de leur permettre de jouir de leurs droits.
    L'autre aspect, à mon avis, c'est que, si vous examinez la façon dont les droits sont formulés, vous voyez que la formulation est inspirée des grandes conventions internationales sur les droits de la personne, même s'il est en réalité question du contexte spécifique des Autochtones.
    Si ça ne vous dérange pas, nous n'avons que sept minutes.
    Bien sûr, oui.
    Celeste, voudriez-vous commenter?
    À mon avis, et je suis d'accord avec ça, mais je crois aussi que le système international des droits de la personne ne reconnaissait pas les peuples autochtones comme étant des peuples. Prenez l'article premier et l'article 2: on y affirme que les peuples autochtones ont des droits, à titre collectif ou individuel. Je crois que la Déclaration des Nations unies constitue un important progrès.
    Cela peut sembler incroyable, mais cela n'était pas reconnu.
    En effet. Cela n'était pas reconnu. En fait, les peuples autochtones étaient pour ainsi dire invisibles, alors que valaient leurs droits? Prenez l'article 31, où il est question de la santé. Il n'y est pas seulement question de la pharmacopée, il y est aussi question des sports et des jeux traditionnels. Il y est question de la transmission du savoir traditionnel touchant les remèdes. C'est également une réflexion sur l'histoire de la colonisation et de la discrimination et sur le chemin parcouru depuis. Voilà à quoi sert cet instrument.
    Merci; voici ma deuxième question. Je vais vous donner à toutes les deux l'occasion d'y répondre.
    J'ai lu un document que m'a envoyé un autre député. C'est un article de Thomas Isaac, qui a déjà travaillé pour la nation métisse du Manitoba. Voici un extrait:
La Déclaration des Nations unies est un instrument grossier, élaboré dans un contexte international, qui ne reflète aucunement les protections juridiques inégalées ailleurs dans le monde que le Canada assure aux droits des Autochtones. Le Canada est le seul pays du monde qui a mis sur pied un système pour pallier des actes unilatéraux que les États pourraient commettre contre les peuples autochtones. En adoptant cette Déclaration sans y changer un mot et en l'appliquant au contexte canadien, le projet de loi C-262 dénature le régime très complexe des droits des Autochtones qui existe au Canada, et, en y ajoutant de nouvelles incertitudes, risque de nuire à la réconciliation.
    C'est ce que dit Thomas Isaac, et je suis certain que vous le tenez tous en grande estime. Pourriez-vous commenter son point de vue?
    Bien sûr, et je vais essayer de le faire en une minute et demie. Ça vous va?
    C'est une opinion intéressante, étant donné que le Canada était un participant. Il ne faut pas oublier ceux qui étaient présents dès le départ. Je n'ai participé qu'aux deux ou trois dernières réunions, mais le Canada était présent, et une des années où j'étais là, le Canada dirigeait le petit groupe de travail sur l'autodétermination. C'est pourquoi je dirais que cette notion, selon laquelle cet instrument international est d'une façon ou d'une autre tout à fait distinct des lois canadiennes, est une drôle de façon de voir les choses. Aucun texte de droit international ne reflète de façon spécifique la situation précise du Canada. C'est pour cette raison qu'on propose un cadre de droits général qui doit ensuite être mis en oeuvre dans un contexte spécifique, dans un État. C'est de cette façon que nous procédons quand il est question des droits internationaux de la personne.
    L'État canadien a participé et il a exercé une influence sur le libellé. Des représentants des peuples autochtones de toutes les régions du Canada étaient là eux aussi dès le départ, exerçant leur influence, y compris le député Saganash, et nous avons donc eu l'occasion d'influer sur le libellé, et je crois que nous avons bien réussi à le faire. Il nous reste maintenant à penser à la façon dont ce cadre pourrait fonctionner au Canada.
(1600)
    Il est évident que vous n'êtes pas d'accord avec lui.
    C'est exact, au cas où ce n'était pas clair.
    Je ne suis pas d'accord moi non plus. Je ne crois pas que ce soit un instrument grossier. Je crois que c'est un instrument très précis. Oui, le Canada a prévu des mesures de protection, mais est-ce que le Canada — étant donné l'article 15 et l'article 35 — a réalisé l'équité? Non, il ne l'a pas réalisée. C'était en fait l'un des grands points que je voulais mettre de l'avant. Nous pouvons tirer profit — au chapitre de la défense des droits de la personne des Autochtones — du fait de nous assurer que cette Déclaration des Nations unies oriente notre travail. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
    Vos réponses étaient excellentes.
    Je suis intrigué par votre manuel sur la Déclaration des Nations unies. Qu'est-ce qui vous a amenée à penser à cela? Il nous reste à peu près 50 secondes, alors soyez brève.
    Quand j'ai lancé ce projet, il y a des années de cela, c'était après avoir compris qu'il existait un instrument vraiment important et que bien des gens en ignoraient l'existence. J'ai essayé d'en faire un manuel que mon père — qui a terminé... sa sixième année, disons — pourrait comprendre, mais de lui donner aussi également assez de substance et d'y inclure des références, de façon que les professionnels du milieu juridique et les juges, par exemple, puissent comprendre le contexte.
    Pourriez-vous le faire parvenir au greffier, qui pourra en remettre une copie à tout le monde?
    Oui, avec grand plaisir.
    Celeste, comment s'appelait votre père?
    Raoul McKay.
    Bien sûr. J'ai travaillé avec lui à Ma Mawi.
    Ah! Oui? Quelle belle surprise. Oui, il faisait partie du conseil d'administration.
    Il existe aussi un manuel du Parlement, sur la Déclaration des Nations unies. Je ne sais pas si vous l'avez.
    Nous l'avons.
    Magnifique. Merci.
    Ça suffit maintenant pour le Manitoba. Nous donnons la parole aux représentants d'une autre province des Prairies. En fait, il est en transition, mais il est à coup sûr issu des Prairies.
    Allez-y, monsieur Viersen.
    La municipalité de High Prairie se trouve en plein dans ma circonscription.
    Bienvenue au Comité, merci de votre présence.
    Brenda, vous avez dit que le Canada accusait un retard. Vous avez dit qu'il accusait un retard sur la scène internationale. Quel pays devrions-nous prendre en exemple quant au respect des droits des Autochtones? Quelles similitudes pouvez-vous trouver entre ce pays-là et le Canada? Chaque pays a sa propre histoire. Ce serait merveilleux de pouvoir simplement en appuyant sur un bouton arriver là où nous voulons être, mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne dans le monde.
    Un exemple très récent, c'est celui de la Nouvelle-Zélande et la façon dont ses derniers accords commerciaux respectent les droits des Maoris et sont conformes à la Déclaration des Nations unies. Le Canada y arrive, mais, en fait, la Nouvelle-Zélande a mené le bal dans ce cas-là.
    La Bolivie a aussi reconnu la Déclaration des Nations unies dans sa Constitution ainsi que les droits de « mère Nature ». Désolée pour ma mauvaise traduction de l'espagnol.
    Il y a aussi un assez bon nombre de pays scandinaves qui ont pris des mesures importantes pour travailler avec... Il y a la loi sur l'autonomie gouvernementale du Groenland, qui, selon moi, est potentiellement un modèle très pertinent — au moins, pour le Nord canadien —, mais je vais laisser mes collègues inuits vous en parler, s'ils le désirent.
    Ce que je veux dire, c'est aussi que, au départ, nous avons été les premiers à bouger, puis nous n'avons plus fait grand-chose, tandis que le reste du monde continuait à avancer. Nous sommes peut-être en milieu de peloton, mais j'ai l'impression qu'on prend du retard. Il y a beaucoup d'exemples, mais ce sont les premiers qui me viennent à l'esprit.
    Je tiens à vous dire à tous les deux que nous discutons d'une loi précise. Nous parlons de la mise en oeuvre de la DNUDPA, mais nous discutons de la loi précise. Disons que cette loi est acceptée par la Chambre des communes et le Sénat et qu'elle entre en vigueur; le jour de son entrée en vigueur, qu'est-ce qui change au sein de la société canadienne? Quels boutons sont poussés?
(1605)
    J'espère que, peu importe le travail que vous ferez, vous vous inspirerez de la Déclaration des Nations unies. Si vous procédez à un examen stratégique de la protection de l'enfance, vous tiendriez compte des dispositions pertinentes liées à la protection de l'enfance de la Déclaration des Nations unies. Y avez-vous réfléchi? J'imagine aussi que ce travail sera fait de façon plus raisonnée, il y aurait un examen stratégique et législatif. Durant les assemblées générales de l'Assemblée des Premières Nations, toutes les motions adoptées contiennent les articles pertinents de la Déclaration des Nations unies, parce que les intervenants ont pris sciemment l'habitude de le faire.
    Ce serait une référence.
    Oui, un genre de liste de contrôle pour déterminer si on a pris en considération ces enjeux, ces droits.
    Brenda, vous voulez ajouter quelque chose?
    J'ai espoir que deux ou trois choses changeront. S'il faut continuer à avoir recours aux tribunaux pour évaluer nos droits et les faire reconnaître, la Déclaration des Nations unies peut aider à définir et comprendre la portée des droits protégés, et ce, sans qu'on doive avoir recours à un juge. Par exemple, un juge de la Cour d'appel de l'Ontario a tranché de façon précoce et dit que ce n'était pas pertinent. Malheureusement, dans l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario en question, ce juge a fait trois erreurs liées au droit international.
    J'ai l'impression que nous commencerions avec un peu d'avance. J'ai parfois l'impression qu'il faut toujours recommencer au début, et la loi pourrait nous aider à aller de l'avant.
    J'espère que le Canada adoptera la loi, puis, le jour suivant, commencera à créer un plan d'action national, quelque chose qu'on demande depuis au moins la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, les travaux du Comité des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Canada doit créer un plan, alors tout cela participera à favoriser la prise de telles mesures. C'est aussi une façon de passer de la parole aux actes et de montrer le réel engagement du gouvernement.
    L'un des enjeux que nous tentons de démêler relativement à toute la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause — et je vais bientôt manquer de temps, mais je suis sûr que mon collègue poursuivra lui aussi sur cette lancée —, c'est le suivant: qui consent et est-ce que, dans ce cas-là aussi, non, veut dire non?
    Je vais laisser Brenda répondre en premier, et je suis sûr que mon collègue permettra à Céleste d'en parler elle aussi un peu.
    Pour répondre à cette question, il est, selon moi, important de revenir à ce que j'ai dit au début, soit que la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies vise à refonder la relation, et passer d'une relation coloniale dans le cadre de laquelle le Canada prend toutes les décisions pour les Autochtones à une relation où les Autochtones participent activement au processus. C'est très malheureux pour moi que nous mettions l'accent et que la discussion porte sur le consentement — ce oui et ce non — parce qu'on dirait encore que le gouvernement prévoit faire tout le travail, présenter les résultats aux Autochtones, puis leur donner seulement l'occasion d'acquiescer.
    Ce que j'espérais voir ressortir de cette approche associée à la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies, c'est un engagement plus solide avec les Autochtones. Nous parlons de consultation, mais j'aurais espéré qu'il soit aussi question de collaboration et de décisions conjointes et que l'idée du consentement signifie que les Autochtones ont pu se faire entendre et que leurs préoccupations ont été dissipées. Selon moi, c'est plus un processus consensuel dans le cadre duquel on tend vers l'acceptation. Je ne crois pas que quiconque devrait seulement avoir l'occasion de dire oui ou non. Les gens devraient avoir l'occasion d'être à la table et de participer au processus de façon beaucoup plus importante.
    Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer au député Romeo Saganash.
    Merci à vous deux de votre présence aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vos commentaires sont extrêmement importants dans le cadre de notre étude du projet de loi. Je suis tout à fait d'accord avec le fait que le projet de loi C-262 est important pour le processus de réconciliation, comme vous l'avez dit, Brenda. Il est crucial, aussi.
    Selon moi, puisqu'il n'y a pas de précédent à l'échelle internationale pour ce genre de texte législatif, c'est une loi-cadre. Il n'y a pas de précédent. En ce sens, cela permettra au Canada, comme vous l'avez dit, de revenir à l'avant-plan de la protection et du respect des droits fondamentaux des Autochtones. Merci à vous deux de vos commentaires.
    Je veux commencer par vous, Brenda. Vous avez parlé du projet de loi et de sa disposition sur la production périodique de rapports. Cette disposition est tirée d'une loi fédérale précédente adoptée en 1976, si je ne m'abuse. Dans le cadre de la loi de mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il y avait une disposition similaire. Au cours des 25 années qui ont suivi, le ministre devait présenter un rapport au Parlement.
     Selon vous, y a-t-il une différence entre ce genre de rapports périodiques prévus dans le projet de loi C-262 et le genre de rapports périodiques que le Canada doit déjà faire relativement à ses obligations internationales?
(1610)
    Wow. Merci de la question. Même si je n'ai pas encore complètement réfléchi à la question, en tant que personne ayant participé à l'examen du Canada sur plusieurs tribunes internationales dans le cadre du processus des ONG, je peux dire que tout ça était frustrant. On dirait que le Canada n'a pas de mécanisme pour prendre l'information tirée de l'examen et l'appliquer au Canada. Toute l'information semble revenir à Patrimoine canadien, qui ne peut ensuite pas l'appliquer.
    Je crois que c'est différent, mais j'espère que ce pourrait être complémentaire. Il pourrait aussi s'agit d'un des mécanismes que le Canada utilise pour appliquer les recommandations formulées par ces entités internationales. Je vois ce travail comme étant complémentaire.
    Mais ce serait aussi précis, non? Si on pense à la Déclaration des Nations unies et à la prise de mesures par le Canada, je crois aussi que les rapports du Canada à l'échelle internationale n'attirent pas toujours beaucoup d'attention. Le fait de tout ramener au pays, de réaliser des examens périodiques, ici, à la maison, permettrait à ces enjeux de recevoir plus d'attention. Je crois que c'est vraiment essentiel, afin que les gens y réfléchissent régulièrement et que nos parlementaires réfléchissent aussi à ces enjeux.
    Je considère ces deux choses comme étant un peu différentes, mais complémentaires.
    Différentes de quelle façon?
    Les instruments sont différents, par exemple. Lorsque le Canada fait l'objet d'un examen du CERD, ce dernier examine toutes les protections associées à l'élimination de la discrimination raciale. Dans le cade de ces examens, le Canada envoie le ministère du Patrimoine canadien, qui dirige les examens en bénéficiant d'un soutien. Il y a aussi parfois le ministère de la Justice et des organismes provinciaux. Ces examens portent sur tellement d'enjeux. La discrimination raciale, par exemple, inclut beaucoup d'enjeux — les travailleurs migrants, la détention liée à l'immigration, le traitement réservé aux Afro-Canadiens par les services de police —, et, par conséquent, en tant qu'Autochtones, nous devons nous battre pour nous faire entendre. Le Comité répond souvent, mais il faut se battre pour un peu de temps quand les examens portent sur de grandes questions.
    Cet examen périodique porterait précisément sur les Autochtones. Il concernerait la Déclaration des Nations unies et ne serait pas mené par des intervenants internationaux qui, parfois, sont considérés comme distincts du Canada. Ce serait plutôt le travail de nos députés, qui sont élus pour représenter l'intérêt du Canada. On mettrait davantage l'accent sur le contexte canadien.
    Merci.
    Celeste, je suis heureux de vous revoir. Nous nous sommes souvent vus aux Nations unies. Je suis heureux de vous voir ici, moi, en tant que député, et vous, en tant que témoin.
    Merci.
    Je suis heureux que vous ayez soulevé les enjeux qui ont été longuement débattus par les Nations unies relativement au respect des droits individuels et des droits collectifs. Peu de membres, en fait aucun, au départ, reconnaissaient que les droits collectifs existaient au titre du droit international, malgré le fait que le droit à l'autodétermination est enchâssé dans le droit international depuis longtemps. Et il semble selon moi s'agir d'un droit pas mal collectif.
    On ne peut plus collectif, non?
    J'aimerais que vous formuliez des commentaires sur quelque chose. Je crois que vous comprenez très bien le rôle du projet de loi C-262, en tant que véhicule ou cadre pour l'élaboration future de politiques et de lois. Je suis heureux que vous l'ayez soulevé. Pouvez-vous imaginer ou nous donner un exemple de la façon dont cela fonctionnerait, une fois le projet de loi adopté, en ce qui concerne l'élaboration future de lois ou de politiques que vous avez à l'esprit?
(1615)
    Vous avez moins d'une minute.
    Bien sûr.
    Prenons les évaluations environnementales, qui sont liées, dans une certaine mesure, à la question, « est-ce que non veut dire non ». Si vous deviez élaborer des lois sur les évaluations environnementales, comme vous le faites actuellement, qu'est-ce que cela signifierait du point de vue des droits des Autochtones? Si on tente tout simplement d'obtenir leur consentement plutôt que de procéder à des consultations au titre de l'article 35, est-ce que cela change vraiment quelque chose? Pas vraiment, dans la mesure où, espérons-le, le droit à la consultation vise à obtenir un accord dans le cadre des négociations, même si, au bout du compte, si un intervenant possède un droit au titre de l'article 35, ce droit lui revient bel et bien. C'est exactement comme pour la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Si une personne possède un droit de consentir, cela doit vouloir dire quelque chose.
    Je crois que ce serait facile de réaliser un examen annuel au fil du temps. Je crois que, une fois que les gens au sein de la bureaucratie auront examiné leurs mandats respectifs et la façon dont ils respectent les droits des Autochtones dans ces mandats, chaque année, il serait seulement nécessaire de regarder ce qui est nouveau et en quoi tout ça est lié, par exemple, au droit de vivre sans violence et sans discrimination.
    Merci.
    Je ne vois pas nos prochains témoins, alors pourquoi ne pas poursuivre avec notre prochain intervenant dans la liste, le député Mike Bossio.
    C'est une bonne nouvelle, parce que je ne croyais pas avoir l'occasion de poser des questions, et j'espérais pouvoir le faire.
    Merci à vous deux d'être là. Nous avons beaucoup appris. Vous avez tous les deux un bagage extrêmement vaste qui est bénéfique au travail que nous tentons de faire, ici, aujourd'hui. J'essaie de mieux comprendre la DNUDPA et l'incidence perçue et non perçue que tout ça aura sur la mise en oeuvre des lois, des politiques et des programmes au Canada.
    C'est quelque chose qui a été communiqué par un certain nombre de personnes, soit que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause exige un oui ou un non, et c'est tout. C'est blanc ou noir. Selon moi, c'est une expression très simpliste de ce que signifie le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Comme mon collègue, Romeo, l'a dit à de nombreuses occasions, un ensemble de droits ne porte pas atteinte à un autre ensemble de droits.
    Vous pourriez peut-être nous expliquer ce que cela signifie pour vous et nous donner des exemples qui vous viennent à l'esprit dans le cadre de négociations, où tout ça sera compris d'une façon beaucoup plus complexe.
    Disons qu'on crée une mine au Nunavut et que l'entreprise minière intéressée vient de l'extérieur. Vous, le gouvernement du Canada, êtes l'organisme de réglementation. Allez-vous tout simplement de l'avant ou consultez-vous les gens du Nunavut pour tenter de conclure un accord, de créer des partenariats et de trouver des façons de garantir qu'un certain pourcentage des travailleurs de la mine seront des Autochtones et des gens du territoire?
    Selon moi, dans le processus de négociation menant à l'exploitation des ressources ou peu importe le domaine dont il est question, on crée des partenariats et des relations, et, s'il y a de la bonne foi et un sentiment que ces droits veulent dire quelque chose...
    Dans le cadre d'une telle négociation ou d'un tel partenariat, croyez-vous que vous devez être d'accord sur absolument tout, sinon l'accord tombe à l'eau?
    Il y aura toujours des divergences d'opinions sur certains enjeux. Cela ne signifie pas qu'il faut laisser tomber toute l'entente. Dans le cadre de toute négociation, on essaie de s'entendre sur la plupart des choses et de trouver un consensus, mais on sait d'entrée de jeu qu'on ne va pas obtenir tout ce qu'on veut.
    Exactement, et peut-être que, au bout du compte, seulement 75 % des travailleurs viendront de la région, plutôt que 90 % ou peu importe. Naturellement, lorsqu'on crée une relation et un partenariat et qu'on aborde les choses de cette façon, on peut régler les enjeux difficiles et faire des progrès dans le cadre des négociations.
    Madame Gunn, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez d'un point de vue constitutionnel ou du point de vue des lois et des politiques? Je sais que c'est là votre domaine.
(1620)
    Je suis d'accord avec ce que Celeste a dit, et je vais essayer d'ajouter une ou deux choses rapidement.
    La première, c'est que le consentement est vraiment le fondement de la Constitution canadienne. Cela fait partie de notre démocratie. La démocratie, c'est la volonté des gens qui s'exprime. J'espère que tous ceux qui participent au processus et qui sont ici dans la salle représentent leurs électeurs.
    De plus, selon moi, ce n'est pas vraiment très différent de la façon dont l'État canadien prend le temps de s'assurer qu'il y a des mécanismes appropriés en place pour permettre aux Autochtones de consentir à toute activité qui aura une incidence précise sur leurs droits et intérêts lorsqu'il s'efforce de créer des relations avec eux.
    Je crois que là où, en partie, la Déclaration des Nations unies veut en venir — et c'est aussi le cas des autres instruments internationaux liés aux droits de la personne qui reconnaissent le droit de participer aux processus décisionnels grâce à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause —, c'est de s'assurer que les Autochtones participent tôt dans le processus. Parfois, selon moi, le défi, c'est que le plan a trop évolué, puis l'entreprise dit que tout est coulé dans le béton. Le fait de participer de façon plus précoce au projet fait en sorte que des processus en place permettent de garantir que les parties peuvent se parler.
    Ne croyez-vous pas que, durant ce processus, en fait, on peut obtenir beaucoup plus de clarté et de certitude, ce qui réduit la durée des négociations fructueuses?
    Je crois vraiment que la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies et des normes connexes insufflera une plus grande certitude au sein du droit canadien comparativement à la situation actuelle. Je crois que nous prendrons de meilleures décisions, que nous le ferons plus rapidement et qu'elles feront l'objet de moins d'examens que dans la situation actuelle, parce que les parties n'ont pas l'impression d'être entendues ou ne comprennent peut-être pas tout à fait la décision, parce que les interactions étaient limitées, ce qui les pousse à se tourner vers le système judiciaire.
    Pour terminer, je vais simplement dire que le droit des Autochtones de participer à la prise de décisions en vertu d'un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n'est pas un droit isolé. Il y a des principes juridiques administratifs qui définissent aussi la façon dont le gouvernement prend des décisions appropriées. Nous savons que la norme de la raisonnabilité s'applique. Nous avons tous ces principes, alors cet aspect précis qu'il faut renforcer — la participation des Autochtones — ne va pas, selon moi, tout débalancer ce qui existe déjà. Cet aspect des choses viendra tout simplement s'ajouter à ce qui est déjà là.
    C'est une excellente réponse. Merci.
    Votre temps est quasiment écoulé.
    Oui. Merci.
    Le prochain témoin n'est pas encore là, alors nous allons passer au député Kevin Waugh.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous deux d'être là.
    Le projet de loi soulève des préoccupations législatives. Vous êtes tous les deux d'accord, n'est-ce pas, pour dire qu'il y a des préoccupations législatives?
    Non, mais pouvez-vous en dire plus?
    D'accord. Il faut régler certains problèmes afin qu'on ne passe pas ensuite tout notre temps devant la Cour suprême pour composer avec ces décisions. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    C'est un peu l'objectif du projet de loi. C'est ce que Brenda vient de dire au sujet de la certitude. Si on sait clairement comment agir, on passe moins de temps devant les tribunaux.
    C'est ce qu'on espère.
    Oui.
    Idéalement, c'est ainsi que fonctionneraient les choses, alors comment procéder?
    Que voulez-vous dire par « il n'y a pas de consensus »?
    Le consensus signifie... Nous ne sommes pas toujours prêts à travailler en collaboration. C'est une ambition trop idéaliste, mais notre travail, comme vous pouvez le voir, vous tous, ici, c'est de produire un bon projet de loi. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus: pour réussir, il faut créer un bon projet de loi. Lorsque nous posons nos questions, il ne faut pas les interpréter comme si nous ne soutenons pas les droits de la personne.
    Oui.
    Je crois que nous sommes tous sur la même... Et c'est la raison pour laquelle nous posons des questions au sujet du consensus, parce que c'est un enjeu majeur.
(1625)
    Ça semble peut-être trop idéaliste ou je ne sais quoi, mais lorsqu'on pose la question « est-ce que non veut dire non? » je pense au contexte des agressions sexuelles, et je me dis, oui, non veut dire non. Que dites-vous à vos fils et vos filles? Non veut dire non. Ici, dans le contexte des droits autochtones, c'est la même chose. Cela signifie-t-il que les Autochtones ont tous les droits, ici, parce que nous sommes sur un territoire algonquin non cédé et qu'il faudra abandonner les immeubles du Parlement et déménager? Non, ce n'est pas ce que cela signifie, parce que, d'un point de vue pragmatique, il y a des négociations. Il y a des façons de faire respecter les droits, et de tels systèmes sont en place. Ils l'ont toujours été.
    Nous comprenons que l'égalité n'est pas gagnée. Nous savons que les femmes font encore 76 ¢ pour chaque dollar gagné par un homme. Cela signifie-t-il que nous croyons à l'égalité pleine et entière? Oui, nous y croyons. Cela signifie-t-il que toute la réalité du pays change du jour au lendemain parce qu'une loi est adoptée? Non. Cela signifie que nous reconnaissons que c'est ainsi que les choses devraient être, que nous voulons abandonner notre histoire coloniale et que nous voulons vivre dans un endroit où les droits veulent dire quelque chose.
    Merci.
    Merci de votre question.
    Je ne suis toujours pas sûre de comprendre ce que vous dites sur les préoccupations législatives, mais je reconnais qu'il y a des préoccupations, alors, peut-être que mon vol était tout simplement trop tôt et que je n'ai pas les idées claires.
    Je crois que le rôle du présent organisme et du projet de loi, c'est de nous faire passer à la prochaine étape. On peut difficilement prédire l'avenir, et, à la lumière de mon analyse, à la lumière de tout ce que j'ai fait, ce projet de loi est la prochaine étape cruciale que le gouvernement doit réaliser pour respecter ses obligations internationales en matière de droits de la personne et passer des paroles aux actes. Ça, j'en suis sûre.
    Dans 20 ans, je serai peut-être de retour devant un comité similaire, et nous aurons peut-être appris beaucoup de choses. Je ne peux pas le dire, mais je suis assez sûre que c'est la prochaine étape appropriée et qu'elle fera passer la relation entre les Autochtones et l'État canadien au prochain niveau et qu'on avance ainsi dans la bonne direction.
    Je comprends les préoccupations au sujet du consentement. Nous voulons nous assurer de comprendre la teneur de la Déclaration et les buts du projet de loi. Ce que j'espère qu'il se produira, c'est que nous aurons plus de conversations. Si un groupe d'Autochtones n'accorde pas leur consentement, s'ils disent non, le gouvernement ou l'organisme de réglementation ou encore l'industrie doivent se demander pourquoi ces gens disent non. Pourquoi n'y a-t-il pas de consultation? Où y a-t-il encore un problème? Quel intérêt oublie-t-on de prendre en considération? Quelle est la préoccupation? Les conversations doivent se poursuivre. Il faudra peut-être se demander là où on a failli et là où les choses se sont mal passées, ce qui a fait en sorte que le processus a échoué et n'a pas mené à un accord.
    Alors, je crois qu'il y aurait assez de freins et contrepoids en place pour faire en sorte que, si le gouvernement a honnêtement pris chacune des mesures, a écouté les Autochtones et a dissipé leurs préoccupations, vous aurez encore le pouvoir de prendre les décisions. Si on ne tente pas d'obtenir le consentement, je ne sais pas si, dans ces cas-là on se retrouvera toujours devant les tribunaux, mais je crois que le projet de loi permettra d'améliorer ces processus.
    M. Obed est arrivé. Il est arrivé en retard, alors je vous remercie.
    Merci d'être venu. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir. Meegwetch. Je vous souhaite un bon vol de retour.
    Merci. Nous vous verrons à Winnipeg un jour ou l'autre.
    Oui, c'est bien.

(1630)
    Je tiens à vous souhaiter de nouveau la bienvenue à la réunion du Comité. Je suis heureux de vous voir, Natan, et je suis aussi heureuse d'accueillir les autres invités.
    Le Comité étudie actuellement la Déclaration des Nations unies, la DNUDPA et l'incidence qu'elle aura sur le Canada et ses peuples autochtones.
    Nous sommes heureux que vous soyez là. Je sais qu'il y a un peu de confusion à l'extérieur, et on entendra la cloche à 17 h 15, et nous avons donc un peu moins de temps à vous accorder. Par conséquent, je vais commencer tout de suite. Vous avez dix minutes pour présenter votre déclaration, puis nous passerons à la période de questions.
    Natan.
    Merci beaucoup. Je suis heureux de tous vous voir ici. Je suis devenu un genre de témoin régulier, et c'est toujours bien de pouvoir discuter des enjeux importants pour les Autochtones, comme le projet de loi C-262.
    J'ai grandi dans une famille où l'on croyait aux droits des Autochtones ou des Inuits. Mon père est parti travailler sur le rapatriement de la Constitution et il a participé à des négociations territoriales pendant un certain nombre d'années. L'idée qui sous-tend la Déclaration des Nations unies et le temps qu'il a fallu non seulement pour qu'elle chemine au sein des Nations unies, mais aussi, ensuite, pour que le Canada l'adopte, eh bien, tout ça s'est passé depuis ma naissance, il y a un peu plus de 40 ans.
    C'est par cela que je veux commencer, l'idée qu'il a fallu plus de 30 ans pour mettre au point la Déclaration. C'est la première fois que des Autochtones travaillent en collaboration avec des États pour créer un instrument international. Une fois la Déclaration adoptée par l'Assemblée générale, il a fallu près de 10 ans de plus pour que le Canada y donne un appui inconditionnel. Et même là, nous pourrions dire que cet appui est conditionnel au fait que la déclaration soit interprétée du point de vue de la Constitution du Canada.
    La Déclaration représente un consensus international au sujet des normes minimales de traitement des Autochtones comme des êtres humains à part entière. Elle décrit les normes minimales actuelles en matière de traitement des Autochtones au titre des droits internationaux de la personne. L'objectif des droits internationaux de la personne, c'est de garantir que les personnes et les peuples ne soient pas victimes d'atrocités, soient traités avec dignité et puissent vivre avec des sociétés sans être victime de discrimination.
    Une des raisons d'être de la Déclaration, c'est que les droits internationaux de la personne ne protégeaient pas adéquatement les droits des Autochtones en raison des liens étroits avec nos terres d'origine, les séquelles mondiales du colonialisme et des génocides et la nature collective de nombre de nos droits. Là où je veux en venir, c'est que la Déclaration n'est pas le critère de référence, ni un plafond, elle contient plutôt les normes minimales pour éviter les génocides et assurer notre dignité en tant qu'êtres humains.
    Les instruments internationaux liés aux droits de la personne comme la Déclaration visent à assurer la protection des Autochtones contre des comportements étatiques pouvant violer leurs droits. Si on ne protège pas les droits économiques, sociaux et culturels comme tels, l'écart socioéconomique entre les Inuits et les non-Inuits continuera de s'élargir.
    La Déclaration n'est pas un instrument stratégique. La Déclaration des Nations unies décrit plutôt les normes juridiques internationales que le Canada doit respecter au titre du droit international relativement aux Autochtones. Sa liste d'objectifs liés à la réconciliation n'est pas qu'idéaliste, elle a en fait force exécutoire.
    Le respect par le Canada de ses obligations internationales signifie plus que tout simplement modifier les critères de programmes ou les pratiques opérationnelles au sein d'un ou deux ministères fédéraux. Il faut interpréter la Constitution du Canada conformément à la Déclaration, pas le contraire. Cela inclut l'article 35 ainsi que la répartition constitutionnelle des pouvoirs. Il n'y a pas de limite valide à l'application de la Déclaration.
    Le gouvernement a parlé de l'article 35 et de cette notion d'« ensemble complet de droits » lorsqu'il a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. D'un point de vue vraiment pratique et logique, les Inuits auraient alors pu comprendre que la Constitution allait être rouverte et que nous allions vraiment intégrer la Déclaration dans la Constitution canadienne afin de bénéficier des recours et des dédommagements prévus relativement à la violation des droits autochtones.
    En l'absence de tels recours et dédommagements, il faudra continuer à se tourner vers les tribunaux et la Cour suprême dans le cadre du long processus qui mènera à une compréhension complète de la façon d'affirmer nos droits au Canada, des droits autochtones que le gouvernement canadien ne crée pas et qui existent en vertu du droit international. Ils seraient incompatibles avec la nature et la spécificité de la Déclaration de tout autre droit de la personne de les supprimer et de les bafouer lorsqu'un pays estime que s'y conformer constituera un inconvénient.
(1635)
    L'application des droits de la personne signifie entre autres encadrer le comportement d'un État. De ce point de vue, il ne semble pas logique de demander à l'État de produire lui-même ses rapports de conformité avec ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Une surveillance indépendante est d'une importance cruciale à la réussite du projet de loi C-262. Par exemple, ce sont des mécanismes législatifs liés aux droits de la personne à l'échelle du pays qui sont responsables de la promotion et du respect des droits de la personne, pas les ministères du gouvernement.
    L'année dernière, nous avons produit deux documents de travail sur la mise en oeuvre de la Déclaration de Nations unies. Entre autres, ces deux documents demandaient une approche législative complète dans le cadre de la mise en oeuvre et décrivaient ce que nous considérions comme une approche « complète ».
    Premièrement, lorsqu'il est question de comprendre un instrument comme la Déclaration, il est essentiel de reconnaître que les droits contenus dans la Déclaration sont interreliés, interdépendants, indivisibles et imbriqués les uns dans les autres. Ce n'est pas utile de tenter d'entreprendre le processus de mise en oeuvre de la Déclaration en examinant les différents articles comme étant des obligations précises. À la lumière de notre expérience, une telle approche mène à des interprétations très étroites des obligations et a pour effet de miner la mise en oeuvre plutôt que de la faciliter.
    Deuxièmement, bon nombre des normes définies dans la Déclaration sous-entendent la division constitutionnelle des pouvoirs. Le gouvernement fédéral a plusieurs leviers stratégiques qu'il peut utiliser pour encourager la mise en oeuvre subnationale de la Déclaration, depuis la production de rapports sur la mise en oeuvre par les provinces et les territoires jusqu'à l'utilisation du pouvoir fédéral de dépenser pour lier la mise en oeuvre de la Déclaration aux transferts vers les provinces et les territoires. La simple existence de la répartition constitutionnelle des pouvoirs ne justifie pas que l'on puisse faire fi des droits de la personne fondamentaux des Autochtones.
    Troisièmement, un cadre complet de mise en oeuvre exige des recours en cas de violation alléguée de la Déclaration. Si la Déclaration définit les droits fondamentaux des Autochtones, alors, nous aimerions savoir ce qu'est un droit sans recours? ITK a proposé la création d'une institution nationale sur les droits de la personne des Autochtones conforme aux principes de Paris pour faire ce travail. Les principes de Paris de 1993 fournissent les points de référence internationaux à la lumière desquels les institutions nationales des droits de la personne peuvent être accréditées par l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme.
    Enfin, les rapports sur la mise en oeuvre doivent être produits par une tierce partie indépendante. Ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la Déclaration ne devraient pas aussi évaluer leur propre rendement.
    Nous savons que vous avez déjà rencontré beaucoup de personnes qui ont reconnu que, à lui seul, le projet de loi C-262 ne permettra pas de mettre en oeuvre complètement la Déclaration des Nations unies. D'autres ont mentionné le besoin de réformes supplémentaires, d'autres politiques et de nouvelles pratiques opérationnelles. Pour ITK, la mise en oeuvre complète de la Déclaration exige une approche globale. Selon nous, il faut améliorer le projet de loi C-262 afin de s'assurer que la loi comble les lacunes qu'on ne peut pas facilement combler par des changements des politiques, des programmes ou des pratiques opérationnelles.
    Je pense aux droits linguistiques du Canada et à la façon dont ils ont évolué au fil du temps. Je pense tout particulièrement aux droits linguistiques des francophones, au fait que ces droits sont définis au Canada grâce à un cadre complexe et général fondé sur les droits. Même les populations francophones minoritaires ont le droit d'aller à l'école en français et d'avoir des commissions scolaires dans ces endroits précis. Ils ont le droit de recevoir des services gouvernementaux en français. Ce sont là toutes des choses très pragmatiques.
    Pour les Autochtones, surtout en ce qui concerne l'inuktut, notre langue, nous avons des droits qui sont définis dans la Déclaration des Nations unies. Nous avons maintenant un gouvernement qui s'est engagé à respecter ces droits, mais on ne peut pas comparer l'application des droits liés aux femmes autochtones au Canada au respect des droits linguistiques des francophones.
    Nous voulons le même espace, et les mécanismes et les lois que nous créons et la façon dont nous utilisons la Constitution, les lois fédérales, puis les mécanismes dans les provinces et les territoires nous permettra un jour, nous l'espérons, d'avoir ce même espace et d'avoir la même capacité d'exercer nos droits que les autres groupes ethniques au pays.
    Je donne cet exemple, parce qu'il est très concret et qu'il s'applique tout à fait à la façon dont on peut réfléchir au projet de loi C-262, en ce qui concerne la façon dont vous pouvez réfléchir à votre propre place au sein du pays et aux droits que vous détenez.
(1640)
    Nakurmiik.
    Merci. Nous allons passer au député Will Amos pour la première série de questions.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins, M. Obed, plus particulièrement. M. David et moi nous connaissons aussi. Je n'ai jamais rencontré M. Argetsinger, mais je suis très heureux que vous soyez là.
    Puisque j'ai passé une bonne partie d'une décennie à utiliser la loi pour défendre les droits des Canadiens, particulièrement dans le domaine environnemental, j'ai souvent regardé la loi en réfléchissant à la façon dont elle sera interprétée devant les tribunaux, ce à quoi on peut s'attendre dans certains cas. Bien sûr, il y aura certaines considérations liées aux changements de comportement du gouvernement qui seront probablement les plus importants, et j'ose espérer que, de prime abord, on visera un changement de culture.
    J'aimerais connaître vos avis respectifs quant aux causes types auxquelles on peut s'attendre avec un tel projet de loi. Je ne le dis pas négativement, parce que je crois que les causes types font avancer les valeurs canadiennes et que la compréhension qu'on en tire est très importante. C'est un aspect très important du dialogue. Je crois que vous êtes tous les trois bien placés pour y réfléchir avec nous, et c'est donc la question que je vous pose.
    Je crois que, en principe, c'est important de souligner que la Déclaration n'est pas seulement une déclaration faite par quelqu'un dans le cadre d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies. Il s'agit en fait d'une description claire de plusieurs normes de droit international coutumier. Par l'intermédiaire de la Constitution canadienne, des normes liées au droit international coutumier sont déjà appliquées dans les tribunaux. Il y a déjà eu un assez bon nombre de causes types liées à la Déclaration, malgré l'absence de fondements législatifs.
    Le défi lié à ce projet de loi, c'est qu'il est difficile de savoir exactement ce qui constituera réellement un motif de poursuite dans la loi. C'est en fait une des raisons pour lesquelles nous demandons l'élaboration de mécanismes de recours qu'il faudrait intégrer dans la loi elle-même afin de favoriser le traitement de ces causes types.
(1645)
    Poussons plus loin. Quelle cause type précise croyez-vous qu'il serait utile de susciter? À quel endroit, selon vous, le filet de sécurité judiciaire est-il le plus nécessaire, vu le cadre constitutionnel actuel et le cadre législatif qui est... Vous savez, il est ce qu'il est.
    Je crois qu'il y aurait un chevauchement avec un certain nombre d'enjeux que nous avons déjà défendus relativement aux inégalités sociales au pays, surtout en ce qui concerne le logement, l'éducation, la prestation des soins de santé ou la langue. Il y a un certain nombre de domaines différents où nous avons utilisé presque tous les autres mécanismes pour régler les problèmes que nous constatons relativement à nos droits afin de les faire respecter.
    Même si le gouvernement a travaillé en collaboration avec nous dans le cadre d'un partenariat sur les priorités que nous partageons, il reste encore probablement beaucoup de choses qui seront réglées devant les tribunaux, en raison du rythme auquel nous travaillons ensemble. J'ai donné l'exemple des violations des droits de la personne. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec le gouvernement relativement à un certain nombre des violations des droits de la personne non réglées faisant intervenir des Inuits au fil du temps, et ces dossiers sont actuellement en instance, devant des tribunaux ou on discute de ces dossiers avec le gouvernement du Canada. Et maintenant, le mandat a été énoncé il y a maintenant plus de deux ans, et il n'y a toujours pas de solution en vue dans un certain nombre de cas.
    Nous aimerions régler tout ça à l'extérieur des tribunaux, mais c'est peut-être un mécanisme qui permettra de régler certaines des violations des droits de la personne non résolues que les Inuits tentent de régler auprès du gouvernement du Canada afin de corriger la situation.
    Comme vous le savez fort bien —  et je suis sûr que la plupart de nos collègues le savent également — un grand nombre de litiges concernant la mise en oeuvre ont été réglés vers la fin du mandat du gouvernement précédent en échange d'importantes sommes d'argent. Selon vous, cette situation aurait-elle pu être évitée si on avait eu accès aux outils législatifs prévus dans ce projet de loi ou doit-on seulement s'appuyer sur des mesures réparatoires accrues?
    Je crois qu'il faudrait davantage de mesures réparatoires, plus que n'en prévoit actuellement le projet de loi. Si je dis cela, c'est tout bonnement parce qu'il n'y avait pas vraiment de politique en matière de mise en oeuvre au moment où cette affaire particulière est survenue. On en a élaboré une en réaction, mais si vous voulez éviter que ce genre de situation se reproduise et dégénère en procès civil, il serait extrêmement utile de mettre en place des mécanismes de réparation facilement utilisables et qui permettent d'en arriver à un résultat, au lieu de devoir laisser l'affaire se régler dans le cadre d'un procès civil.
    Merci.
    La parole va maintenant à Mme Cathy McLeod.
    Merci. Je suis contente de vous revoir, votre équipe et vous.
    Je crois que cela fait un peu plus d'un an que la ministre s'est adressée aux Nations unies et a donné son appui sans réserve... et qu'elle a pris un engagement. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui a bien sûr comme objectif de structurer, dans une certaine mesure, cet engagement. Cependant, j'ai trouvé assez étrange que le libellé des projets de loi C-68 et C-69 présentés à la Chambre abordent la question autochtone sans vraiment honorer l'engagement pris à l'égard de la déclaration de l'ONU.
    Êtes-vous d'accord avec moi, surtout en ce qui concerne le droit des Autochtones d'exercer leur pouvoir de consentement préalable librement et en connaissance de cause? Cette expression n'est pas reprise dans le projet de loi C-68 ni dans le projet de loi C-69. Selon vous, les projets de loi répondent-ils aux attentes fixées il y a plus d'un an, compte tenu de l'engagement pris devant les Nations unies?
(1650)
    Autant que possible, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement du Canada pour comprendre ce que cela suppose... ou plutôt, pour cerner les prochaines étapes à la suite des commentaires très positifs à propos de l'adoption sans réserve de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cela dit, aucun groupe de travail officiel n'a été mis sur pied pour élaborer un plan de mise en oeuvre au Canada. Même nous, en tant que représentants des Inuits canadiens, ne sommes pas au courant des mécanismes ou des structures en vigueur censées promouvoir l'autodétermination des Inuits, comme cela devrait être prévu dans la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies au Canada. Cela devrait également s'appliquer à toutes les lois et politiques gouvernementales adoptées depuis que l'engagement a été pris d'honorer la Déclaration, y compris aujourd'hui.
    Nous espérons que les Inuits et la Couronne travailleront ensemble à la mise en oeuvre de la Déclaration afin que nous ayons une compréhension commune des mécanismes pertinents que le gouvernement doit mettre en place.
    Je sais qu'un de mes collègues ici présents s'est rendu dans un certain nombre de collectivités du Nord la semaine dernière et a eu une longue discussion à propos de la légalisation du cannabis, entre autres choses. Nous savons, bien sûr, que le gouvernement s'est adressé aux Nations unies et a pris des engagements; le gouvernement a pris des engagements pour le Canada et a présenté des dispositions législatives. Selon moi, il est évident que le projet de loi C-45, la loi sur le cannabis, va avoir un impact sur les collectivités d'un bout à l'autre du pays, y compris la vôtre. Le fait est que je ne suis au courant d'aucune discussion, ce qui aurait dû se faire, en vertu de l'article 19, si je ne m'abuse, à propos de la légalisation et de l'application générale, et je n'ai également rien entendu à propos du partage de l'accise. Seules les provinces ont été consultées.
    Il est évident que les projets de loi C-68 et C-69 ne sont pas à la hauteur de l'engagement pris. Diriez-vous que le projet de loi C-45 est un autre cas où le gouvernement du Canada n'a pas honoré un engagement qu'il a pris sur la scène internationale?
    Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour étudier le projet de loi C-262, qui vise à assurer l'harmonie entre le droit international et ce qu'il suppose et l'obligation faite au gouvernement du Canada de l'appliquer, mais je crois que cet objectif dépasse ce qu'un gouvernement peut faire. Il faut désapprendre le comportement selon lequel le gouvernement ne doit que satisfaire aux obligations qu'il a prises en vertu du droit international... Il y a une espèce de cause à effet, disons, dans la façon dont cela dicte la façon dont le Canada doit agir à l'intérieur de ses frontières.
    La question que vous abordez a une portée plus large. Je dirais que nous travaillons avec le gouvernement pour veiller à ce qu'il connaisse les étapes précises à suivre pour honorer le partenariat et respecter les peuples autochtones, pour que nous puissions exercer notre droit à l'autodétermination dans les décisions qui sont prises. Que ce soit à propos de la loi sur le cannabis ou de la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies, nous avons une feuille de route. Notre exposé de principes comprend des directives très claires, en particulier en ce qui concerne le projet de loi C-262. L'idéal, alors, serait de cheminer ensemble.
    Nos deux témoins précédentes semblaient très optimistes en ce qui concerne ce projet de loi; elles croyaient que cela allait aider à réduire le volume d'affaires judiciaires.
    De nos jours, nous avons beaucoup de jurisprudence, et toutes les sociétés ministères savent qu'elles doivent travailler avec les collectivités touchées par leurs activités dès le tout début. Je doute qu'il existe une société minière au Canada qui l'ignore, et si c'est le cas, elle l'apprendra assez tôt.
    Évidemment, nous avons quelques préoccupations de notre côté, dont certaines concernent l'engagement que le gouvernement a pris. Par exemple, prenons le projet de Kinder Morgan, puisqu'on en parle beaucoup actuellement. Il faudrait obtenir un consentement, mais de qui? Il y a 51 collectivités qui ont signé des ententes. Bien sûr, comme les témoins précédents l'ont dit, non, c'est non. Alors, lorsqu'il y a une collectivité ou deux qui refusent, il faut respecter leurs droits... J'ai posé cette question de nombreuses fois, et jusqu'ici, je n'ai obtenu aucune réponse qui m'a vraiment rassurée.
    Devrait-on renvoyer la question à la Cour suprême avant de poursuivre, afin d'avoir une position claire sur certains de ces concepts?
(1655)
    Nous, Inuits, avons eu de la chance, d'une certaine façon, puisque nos ententes avec la Couronne ont été conclues à l'époque des traités modernes, après 1971. Cela procure une certaine certitude relativement à l'extraction des ressources naturelles qui se fait dans 36 % du Canada, où cela est géré conjointement par les Inuits, la Couronne et quatre des provinces et territoires. Il y a tout de même encore la question de l'extraction au large des côtes et des projets adjacents de l'Inuit Nunangat.
    Heureusement, nous ne vivons pas sur des minuscules parcelles de terre où les habitants ont très peu de droits et participent à peine à la gestion des grandes régions désignées. Nous avons beaucoup de sympathie pour les autres collectivités autochtones du Canada qui vivent cette réalité, et j'imagine à peine à quel point un projet comme celui de Kinder Morgan peut s'avérer compliqué. J'espère que toutes les parties pourront en arriver à une entente, mais les Inuits ont une façon bien à eux de travailler avec le secteur des ressources naturelles; il faut que la procédure de consentement préalable en connaissance de cause soit respectée. J'imagine que c'est un exemple que tous les Canadiens devraient suivre.
    Nous devons passer au prochain député. Allez-y, monsieur Saganash.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins d'aujourd'hui. Merci de nous avoir présenté vos exposés. Vos témoignages étaient très exhaustifs et raisonnés. C'était un survol très pertinent des obligations internationales du Canada, entre autres à l'égard de la DNUDPA.
    J'ai une question très simple à poser. Selon le paragraphe 2(2) du projet de loi C-262, le projet de loi ne devrait pas avoir pour effet de retarder l'application en droit canadien de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Selon l'article 3, la Déclaration des Nations unies constitue un instrument universel garantissant les droits internationaux de la personne et trouve déjà application au Canada.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui, effectivement. Parfois, il m'arrive d'être préoccupé par les dispositions de non-dérogation dans les lois fédérales, parce que je doute que le Canada puisse contrevenir au droit international.
    Vous avez mentionné dans votre exposé que le Canada est déjà tenu de respecter le droit international, et que la Constitution canadienne devrait être interprétée à la lumière de la DNUDPA, et non le contraire. C'est exactement ce que la ministre Bennnett a dit quand elle s'est adressée aux Nations unies. Elle a dit que nous soutenions sans réserve la Déclaration des Nations unies et que cela se reflète dans la Constitution. Aujourd'hui, elle affirme le contraire.
    Je crois que cela devrait être souligné partout où nous allons, parce que même avant que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit adoptée par l'ONU en 2007, le Comité des droits de la personne avait déjà, dès 1999, déclaré que l'article premier des deux conventions internationales sur les droits de la personne s'appliquait aux Autochtones du Canada. C'est une déclaration passablement forte, et je crois que cela montre clairement que le droit international s'applique déjà en droit canadien.
    Vous avez aussi parlé des améliorations qu'il faudrait apporter au projet de loi, et je suis tout à fait d'accord avec les recommandations que vous avez faites au Comité. Vous avez parlé des mesures réparatoires qui devraient se trouver dans le projet de loi. Entre autres, vous avez dit que le projet de loi dit uniquement que les lois devraient être en harmonie avec la Déclaration des Nations unies. Croyez-vous que l'on devrait modifier le projet de loi afin de mentionner également les politiques et les pratiques opérationnelles, comme vous l'avez recommandé?
(1700)
    Oui. Laissez-moi vous donner un exemple qui ne concerne pas seulement les Inuits: l'équité garantie en matière de financement, afin de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'écart entre le financement accordé aux Inuits et aux autres Canadiens. C'est quelque chose de nécessaire, à mon avis, et on peut obtenir cela avec une mesure réparatoire ou un mécanisme de réforme du droit.
    Le projet de loi a été élaboré dans l'intention explicite de fixer un cadre législatif minimal au Canada. Vous avez abordé un grand nombre d'autres questions qui pourraient servir à améliorer ce projet de loi.
    Le projet de loi pourrait-il nuire de quelque façon que ce soit aux processus que vous avez établis avec la Couronne? Les améliorations que vous avez proposées devraient-elles être intégrées au projet de loi C-262 ou peut-être au cadre en vue de favoriser la réconciliation, l'autre cadre de travail dont le premier ministre a parlé récemment. Je ne sais pas si cela va prendre la forme de lois ou de politiques. On ne m'a rien dit, mais selon vous, où devrait-on greffer les améliorations dont vous avez parlé, et avec lesquelles je suis complètement d'accord?
    Nous faisons respecter nos droits de différentes façons, et la Déclaration des Nations unies est une façon parmi tant d'autres pour nous d'être reconnus en droit au Canada. Nous sommes ravis de voir que le Canada veut être un chef de file en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Déclaration sur la scène internationale.
    Il n'y a dans aucun autre pays de feuille de route pour réussir la mise en oeuvre de la Déclaration, en particulier vu les dédales constitutionnels et législatifs qu'il faut traverser. Nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-262, en tant qu'Inuits, concernent davantage la symbolique que la structure du projet de loi, puisqu'il permet au gouvernement du Canada de déplacer ses obligations envers les Inuits dans d'autres systèmes.
    Disons que le gouvernement élabore un plan d'action qui est conforme: rien ne l'oblige à demander la participation des Autochtones. À ce moment-là, la définition d'un résultat satisfaisant change.
    Le projet de loi mentionne qu'il a été élaboré en collaboration et en coopération avec les peuples autochtones, alors il n'a pas été préparé seulement par le gouvernement, il l'a aussi été en collaboration avec vous.
    J'espère alors que nous pourrons continuer de développer la relation qui existe entre les Inuits et la Couronne avec le gouvernement actuel et les prochains gouvernements. Nous sommes tout de même un peu préoccupés, parce que nous participons à des processus qui, dans le passé, n'ont pas réussi à dissiper toutes les préoccupations que nous avons en tant qu'Inuits, en tant qu'Autochtones.
(1705)
    La parole va maintenant au député Anandasangaree.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, et bienvenue à nouveau devant le Comité, Natan. Je crois que je vais commencer par vous demander ce que vous pensez du projet de loi C-262.
    Je sais que ce n'est qu'une composante d'un vaste cadre de mise en oeuvre de la DNUDPA. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure vous avez participé à l'élaboration du projet de loi C-262... pas vous personnellement, je parle d'ITK. Avez-vous été consultés? Ensuite, j'aimerais savoir quelles autres mesures devraient, selon vous, faire partie du cadre de travail général.
     Je tiens à remercier le député Saganash du leadership dont il a fait preuve dans l'élaboration du projet de loi C-262. Le député a communiqué avec les Inuits et les a consultés au cours du processus. Nous ne l'avons pas élaboré conjointement. Il n'y avait aucune structure officielle en place pour orienter l'élaboration du projet de loi. Parallèlement, le gouvernement actuel n'a pas tenu de discussion ou de consultation avant que la ministre de la Justice ne décide d'appuyer elle aussi le projet de loi C-262.
    À mesure que le temps passait, nous nous sommes abstenus de tout commentaire et avons, de façon générale, appuyé le projet de loi pour la mise en oeuvre de la Déclaration au Canada, mais le temps est venu pour nous de nous affirmer. Nous avons commencé par publier notre exposé de principes en 2017 et nous continuons de promouvoir les mécanismes positifs qui favorisent le respect de nos droits au Canada.
    Excusez-moi, mais quelle était la deuxième partie de votre question?
    Passons tout de suite à ce que vous vous attendez du cadre de travail. Nous venons de parler de l'aspect législatif, et il y a aussi la reconnaissance de vos droits que le premier ministre a annoncée il y a plusieurs semaines. Selon vous, de quelles autres mesures avons-nous besoin pour réussir la mise en oeuvre de la Déclaration?
    Les dispositions de la Déclaration recèlent beaucoup d'espoir; il s'agit d'une promesse d'équité sociale pour notre peuple. Ces dispositions soulignent nos droits en matière de gouvernance, de processus démocratiques, de santé, d'éducation et de langue. Dans bon nombre de ces domaines, nous essayons encore au Canada de rétablir notre autodétermination et d'instituer l'équité sociale dans nos collectivités.
    Nous croyons que la mise en oeuvre intégrale de la Déclaration exigera un effort systématique pour nous permettre d'exercer pleinement nos droits au Canada. C'est une entreprise très vaste, et je la vois comme la dernière étape de l'édification du Canada, vu la grande iniquité sociale qui existe dans l'Inuit Nunangat et au sein des collectivités inuites de l'Inuit Nunangat. Là-bas, l'espérance de vie des gens est inférieure de 10 ans à celle des citoyens du reste du Canada. Notre revenu médian est inférieur de 70 000 $ à celui des autres personnes qui travaillent dans l'Inuit Nunangat qui ne sont pas inuites. En ce qui concerne la réussite scolaire et le manque de présence de l'inuktut, il faut dire que la langue d'enseignement de la maternelle à la 12e année cesse d'être l'inuktut à la 4e année dans le meilleur des cas.
    Voilà tous les problèmes auxquels nous voulons nous attaquer avec le gouvernement actuel pour montrer au reste du monde que le Canada croit fermement à la mise en oeuvre de la Déclaration à l'intérieur de ses frontières.
    Merci.
    Vous avez mentionné plus tôt que notre relation, présentement, est surtout fondée sur des traités modernes. Pouvez-vous nous dire si ce projet de loi et le cadre de travail en général nous obligeront à modifier et renégocier ces traités? Dans ce cas... Vous avez dit qu'au cours des 40 dernières années, vous avez assisté à tout ce processus, d'abord par l'intermédiaire de votre père, puis directement. Croyez-vous que tout cela va arriver de votre vivant?
    Le Comité a discuté en long et en large des traités modernes, et le temps qu'il faut pour les conclure est une source de préoccupation. Croyez-vous que tout cela aidera à accélérer le processus afin que nous puissions commencer à respecter l'intégralité des droits existants?
(1710)
    J'espère que mes enfants pourront avoir des carrières longues et prospères dans les domaines de leur choix, et j'espère que cela ne concernera pas tous les menus détails liés au respect de nos droits au Canada, surtout nos droits fondamentaux. Nous ne cesserons jamais de discuter de nos droits et du fait qu'ils doivent être respectés au Canada, mais nous en sommes encore aux premières étapes de la mise en oeuvre des revendications territoriales, du respect de nos droits en tant qu'êtres humains. J'espère que tout cela sera un tremplin qui fera du Canada un meilleur endroit pour tous les Autochtones et en particulier pour les générations à venir, pour que nos enfants puissent utiliser leur temps et leur énergie à faire prospérer leur collectivité en étant des personnes bienveillantes et dévouées, au lieu d'être un autre engrenage dans le mouvement de promotion de nos droits.
    Essentiellement, si on regarde les conséquences pour les êtres humains, nous avons de petites collectivités. Il y a seulement 65 000 Inuits au Canada. Tout le temps et l'énergie que nos chefs — nos meilleurs esprits — ont dépensés simplement pour que nous puissions exercer nos droits fondamentaux, notre droit à l'autodétermination, est du temps qu'ils n'ont pas pu prendre pour édifier notre société, pour promouvoir notre langue et pour faire prospérer nos collectivités. Nous avons besoin d'un nouveau mode de pensée et d'un nouveau respect à l'égard des droits autochtones ici au Canada.
    Nous ne sommes pas une menace. L'exercice de nos droits n'est pas une menace pour notre pays ni pour la prospérité du Canada. C'est même tout le contraire. La Déclaration des Nations unies nous ouvre une porte pour que nous puissions tous ensemble édifier un meilleur Canada, un Canada plus prospère, un Canada où il n'y a pas d'abus de droits de la personne envers les Premières Nations — les Autochtones du Canada — et un Canada où nous voulons tous vivre, en 2018.
    C'est au tour du Parti conservateur de poser des questions, s'il le souhaite. Vous avez deux ou trois minutes.
    Monsieur Viersen.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame la présidente, vous n'aurez probablement pas besoin de me chronométrer. Je vais probablement prendre tout le temps qu'il reste.
    D'accord.
    Natan, merci d'être parmi nous. Pour revenir à votre témoignage, vous avez abordé brièvement l'existence et l'origine des droits de la personne. Pouvez-vous revenir là-dessus? J'aimerais en discuter un peu avec vous.
    Je vais demander à Will de commencer.
    D'accord.
    Vous voulez savoir d'où viennent les droits de la personne?
    Oui. Je crois que Natan a parlé, dans sa déclaration préliminaire, du fait que les droits de la personne relèvent non pas du gouvernement canadien, mais plutôt d'un organisme international. J'ai trouvé cela très intéressant.
    Je ne veux pas vous ennuyer avec un exposé sur le droit international des droits de la personne, mais, très rapidement, la majorité des concepts modernes que l'on associe aux droits de la personne datent d'après la Deuxième Guerre mondiale. Après les atrocités de la guerre — et même tout ce qui l'a précédée —, les gens du monde entier se sont dit que les gens — tous les peuples — avaient certains droits fondamentaux qui devraient les protéger des atrocités de cette guerre et des suivantes. Cela a été l'étincelle qui a mené à la création de normes particulières pour régir et réglementer la conduite des États à l'égard des personnes qui y vivent. À l'époque moderne, cela comprend les peuples autochtones.
    Ce qui est fascinant, c'est que nous utilisons les Nations unies pour réclamer le droit à l'autodétermination. Je trouve cela très ironique. Le Canada ne possède-t-il pas ce droit? L'autodétermination doit bien venir de soi-même, n'est-ce pas? L'ONU peut reconnaître le droit à l'autodétermination, mais on ne peut pas réclamer le droit à l'autodétermination aux Nations unies. Je ne sais pas si vous saisissez l'ironie.
    Une chose que je veux par-dessus tout préciser est que le droit à l'autodétermination vient du peuple. Ce sont les Canadiens qui possèdent le droit à l'autodétermination. Le Canada, en tant qu'État, est le symbole de cette autodétermination. En ce qui concerne les peuples autochtones, on peut dire que les Autochtones ont des façons différentes et très distinctes d'exprimer leur autodétermination à l'égard des États.
    C'est tout le temps que vous avez, Arnold.
    M. Arnold Viersen: D'accord. Merci.
    La présidente: Je vois que vous avez effleuré quelque chose de très profond, mais nous allons devoir y revenir.
    Oui. Je vais devoir prendre le temps de digérer tout cela un peu.
(1715)

[Français]

     Merci beaucoup. Meegwetch.

[Traduction]

    Merci d'être venus. Je ne sais pas comment dire cela en inuktut. Vous devrez me l'enseigner, un jour.
    On dit nakurmiik.
    Merci beaucoup d'être venus.
    La séance est levée.
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