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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de m'exprimer sur des questions très importantes pour notre Première Nation.
Si vous me le permettez, je vais m'exprimer en français, car je suis plus à l'aise de parler en français, même si je suis en mesure de m'exprimer en anglais. Les termes administratifs et financiers me viennent plus difficilement en anglais.
[Français]
Je suis Constant Awashish, grand chef de la nation atikamekw. Je représente une nation qui compte maintenant près de 8 000 individus dont 70 % ont 34 ans ou moins et 32 % ont 14 ans ou moins. C'est donc dire qu'il y a beaucoup de jeunes enfants dans nos communautés.
Aujourd'hui, le Comité se penche sur la question des soins de longue durée dans les communautés, des soins spécialisés ainsi que des soins destinés spécialement aux personnes plus âgées. Plus tard, je vais vous faire part d'une situation qui m'est arrivée en tant qu'individu, en tant que membre de la nation atikamekw et en tant qu'Autochtone. J'ai dû faire face à une situation qui m'a occasionné certains désagréments, étant donné l'état des soins dans notre communauté.
Actuellement, le problème majeur en matière de soins, c'est vraiment l'infrastructure. Nous manquons de maisons. Il y a une importante pénurie de logements dans nos communautés, ce qui génère beaucoup de problèmes sociaux. Lorsqu'on parle de créer des lieux ou d'offrir une place aux gens qui sont malades, aux aînés ou à ceux qui sont en perte d'autonomie, il faut comprendre que les maisons ne sont pas nécessairement adaptées. Il y a un problème de surpopulation. Logiquement, on peut comprendre que loger dans une maison surpeuplée des gens ayant un handicap physique grave ou qui sont en perte d'autonomie importante engendre beaucoup de problèmes. C'est ce que nous vivons dans nos communautés.
Il faut aussi comprendre que, vu l'éloignement, l'accès aux soins est problématique. L'éloignement géographique des communautés atikamekw rend difficile l'accès aux soins de longue durée.
J'ai parlé plus tôt de l'état des logements. Les soins à domicile sont une autre question problématique. En fait, tous les problèmes qui se manifestent actuellement dans les communautés autochtones sont dus entièrement à un manque d'infrastructures, qu'il s'agisse de logement, d'éducation ou de santé. Tout tourne autour de cela. Je vais vous laisser juger de ce que pourrait être la solution. Il n'y aura pas de solution parfaite, c'est certain. Un monde parfait est difficilement accessible, mais cela pourrait être beaucoup mieux dans notre communauté.
Il est aussi question de la reconnaissance de nos spécialistes, de formation et de compétences. Encore une fois, notre éloignement fait que, dans bien des cas, les gens n'ont pas la formation nécessaire pour offrir les soins appropriés dans la communauté.
Je vais vous donner des exemples concrets. Présentement, dans la communauté de Manawan, l'une des communautés que je représente, il n'y a pas de maisons pour les aînés. Il n'y en a pas non plus pour les soins palliatifs ni pour les personnes en perte d'autonomie. Dans la communauté de Wemotaci, il y a une maison pour les aînés, mais il n'y a pas d'infrastructures pour les personnes atteintes de maladies graves. Dans la communauté d'Obedjiwan, il y a une maison des aînés. D'ailleurs, Obedjiwan est ma communauté d'origine. Ma grand-mère demeure actuellement dans cette maison. Elle est encore capable de bouger et de parler, elle a encore toute sa tête. Elle est donc apte à résider dans cette maison des aînés.
Laissez-moi par contre vous parler du cas de mon grand-père, qui est décédé il y a presque deux mois maintenant.
Il y a deux ans, à l'hiver 2017, alors qu'il demeurait dans la maison des aînés de notre communauté, on nous a appelés, ma famille et moi, pour nous dire qu'il fallait tenir une réunion de famille. Je suis allé dans la communauté pour rencontrer les autorités de la maison des aînés. Toute la famille était présente. Les autorités nous ont annoncé qu'elles ne pouvaient plus prendre soin de mon grand-père parce qu'il commençait à être atteint de la maladie d'Alzheimer. Il en était déjà à un stade assez avancé de la maladie, mais les autorités s'étaient rendu compte que l'Alzheimer avait pris le dessus sur lui. Il n'y avait pas d'infrastructures ni de gens compétents pour s'occuper de lui. Ces personnes nous a dit qu'il ne pouvait plus rester dans la maison des aînés. Qui allait donc s'occuper de lui? Allions-nous l'envoyer dans un établissement hospitalier en milieu urbain? Cela représentait un autre problème: souvent, il y a des listes d'attente et on n'est pas toujours capable d'y faire admettre une personne.
Nous avons tenu une réunion de famille. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a un manque de logements et d'espace dans notre communauté. La responsabilité est donc retombée sur moi. C'est moi qui ai pris soin de mon grand-père pendant 13 mois, alors que j'occupais mon poste de grand chef, que j'étais entraîneur au hockey et que j'étais membre du hockey mineur. Je cumulais plusieurs fonctions et, en plus, il fallait que je m'occupe de mon grand-père qui demeurait chez nous. C'est sûr que j'ai reçu une aide incroyable de ma petite famille et de ma femme. Il reste que je le lavais, je le rasais, je l'habillais, je le nourrissais, je me levais deux fois pendant la nuit pour l'amener aux toilettes. C'est ce à quoi j'ai dû faire face pendant 13 mois, jusqu'à son décès, dernièrement. Ce sont des situations très malheureuses. C'est sûr qu'il a vécu sa dernière année de façon incroyable. J'ai eu la chance de le côtoyer.
Il reste que le manque de personnel compétent et d'infrastructures est problématique. Si l'on veut des soins adaptés, il faut aller à l'extérieur des communautés, et ce n'est pas toujours possible. Que faire, alors? Quand une personne est en fin de vie, on demande des soins palliatifs, mais là encore, un problème se pose: dans la communauté, il y a une pharmacie qui vend des médicaments pour des maladies chroniques ou pour les urgences, mais il n'y a pas de médicaments pour les soins palliatifs. Qu'advient-il de ceux qui sont en fin de vie et en soins palliatifs, qui veulent finir leur vie dans leur maison, même si elle n'est pas nécessairement adaptée à leur état? Il n'y a pas de médicaments adéquats pour les soins palliatifs. Cela prend toujours un certain temps avant que le médecin s'entende avec la pharmacie pour qu'elle expédie les médicaments dans la communauté. Cela crée un stress énorme chez nos membres et chez les familles.
Ce n'est pas compliqué, tout tourne autour de ces problèmes: l'éloignement, l'état des logements, le manque de formation, le manque de gens ayant les compétences nécessaires dans notre communauté. Il faut qu'il y ait les ressources adéquates pour donner des formations aux gens dans nos communautés afin qu'ils acquièrent ces compétences. Souvent, les gens ne peuvent pas sortir de la communauté pour aller en ville, parce qu'ils doivent s'occuper de leur famille et de leurs enfants qui vont à l'école. Ils ne peuvent pas tout quitter pour suivre une formation.
Dans les communautés, la vulnérabilité des aînés qui habitent dans une maison familiale est problématique. Il manque d'établissements adaptés. On parle de maladies chroniques dont souffrent les membres des Premières Nations. Il faudrait consacrer des ressources supplémentaires et investir dans les saines habitudes de vie, l'exercice physique et la nutrition. Ce sont des choses importantes.
Je vais présenter tout de suite nos recommandations. On nous a demandé ce qui était important pour nous, alors voici ce que nous recommandons.
Tout d'abord, il faudrait investir dans le logement.
Nous aimerions aussi qu'on offre un service d'accompagnement à ceux qui sont obligés de sortir de la communauté pour aller à un centre hospitalier en milieu urbain.
Par ailleurs, il faudrait faire de la prévention et intervenir en amont.
Il faudrait également que nous ayons les moyens d'offrir, dans nos communautés, des soins adaptés culturellement. Par exemple, dans nos établissements tels que les maisons des aînés, nous voudrions offrir de la nourriture qui soit à l'image de notre culture, mais la réglementation l'interdit.
En outre, nous voulons avoir plus d'autonomie dans la gestion des soins de longue durée et des soins de santé. Nous passons tellement de temps à faire de la reddition de comptes que nous sommes rendus des experts en la matière. Je ne pense pas qu'il y ait un organisme dans tout le Canada qui puisse se dire aussi bon que les Premières Nations en reddition de comptes. Nous y consacrons 80 % de notre temps. Il faudrait que les Premières Nations aient plus d'autonomie et une meilleure flexibilité dans la gestion des programmes.
Il est également très important d'harmoniser les démarches avec la province. Nous sommes souvent pris entre l'arbre et l'écorce, comme le dit l'expression francophone. Nous sommes pris entre la province et le Canada, qui se renvoient tous deux la balle. Il devrait y avoir une meilleure collaboration entre les deux paliers de gouvernement, pour que nous ne soyons pas pris entre les deux.
Merci.
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Je remercie le Comité de nous accueillir aujourd'hui.
Nous allons vous présenter les défis liés aux soins de longue durée qui se posent à notre communauté ici, à Mashteuiatsh. Il s'agit d'une Première Nation composée de 6 644 membres. De ce nombre, 2 085 résident à Mashteuiatsh; les autres sont à l'extérieur.
Il y a un vieillissement important et rapide de notre population. À Mashteuiatsh, nous sommes passés de 155 personnes âgées en 2001 à 240 en 2011. C'est donc une augmentation très importante du nombre d'aînés.
Nous disposons d'un centre d'hébergement privé non conventionné, le Centre Tshishemishk. Ce centre héberge une vingtaine d'aînés de la communauté. En plus des services d'hébergement et de repas, ce centre offre l'ensemble des services infirmiers et psychosociaux grâce au financement du Programme d'aide à la vie autonome du ministère des Services aux Autochtones. Nous avons également une équipe interdisciplinaire qui donne des soins à domicile, aussi financés par le ministère des Services aux Autochtones. Un organisme communautaire, la Coopérative de solidarité Nimilupan Nitshinatsh, complète notre offre de services. Cette coopérative offre des services d'aide domestique, entre autres la gestion des repas et de la maison.
C'était un portrait de nos services.
Outre le vieillissement de la population, à Mashteuiatsh, on observe une augmentation du nombre de personnes en perte d'autonomie. Il y a beaucoup de personnes qui souffrent de maladies chroniques. À titre d'exemple, une personne sur quatre est diabétique. La complexité des cas, l'épuisement des proches aidants et le manque de ressources professionnelles diversifiées sont autant d'éléments qui complexifient la réponse aux besoins des aînés ici, à Mashteuiatsh.
Voici les principaux défis auxquels nous faisons face.
Le premier défi vient du fait que le financement du Programme d'aide à la vie autonome est limité en fonction des heures de soins requises par les individus. C'est la province de Québec qui a la responsabilité d'héberger les personnes qui nécessitent un niveau de soins plus élevé. Dans les faits, cela signifie que les personnes devraient être retirées de leur milieu de vie et de notre communauté lorsqu'elles ont besoin de plus de services.
Selon nous, cette situation porte préjudice à nos aînés. Que ce soit à domicile ou en centre d'hébergement, on devrait pouvoir permettre à nos aînés de demeurer ici, près de leur famille, près de leurs enfants et de leurs petits-enfants, dans leur milieu, en respectant leur culture et en leur offrant des services culturellement pertinents.
Évidemment, nous permettons quand même à nos aînés qui le souhaitent de demeurer ici, à Mashteuiatsh, malgré la règle provinciale qui s'applique et malgré le fait que nous ne recevons pas de financement pour les personnes ayant besoin de plus de services. Nous leur permettons de rester ici, mais il est clair que nos services sont limités, par manque de financement. Nous pensons que nos aînés devraient avoir droit à des services équitables, dans leur milieu, au même titre que tous les aînés au Canada.
Le Programme d'aide à la vie autonome ne permet pas non plus à notre partenaire qu'est la Coopérative d'offrir des services d'aide domestique à toute la population. Encore une fois, des critères font que ces services sont réservés aux personnes en perte d'autonomie. Tous les services de repas et d'aide à domicile ne peuvent être offerts à toute la population. Nous n'avons pas le financement nécessaire pour les offrir à l'ensemble de notre population. Pourtant, ailleurs au Québec, c'est permis: des coopératives offrent des services à l'ensemble de la population. Selon nous, c'est une autre iniquité relativement aux services qui peuvent être dispensés à l'extérieur et ceux que nous pouvons donner ici, dans la communauté.
L'infrastructure de notre centre d'hébergement, le Centre Tshishemishk, représente un autre grand défi pour nous. Ce centre a été construit il y a plus d'une vingtaine d'années et a grandement besoin d'être rénové et agrandi, car l'espace est insuffisant. Il y a même des aînés qui doivent prendre leurs repas dans le corridor. De plus, nous devons respecter les normes de sécurité pour les bâtiments, afin d'assurer la sécurité et le bien-être des aînés. Nous aurions grandement besoin de financement à cet égard.
Nous aimerions offrir à nos aînés un lieu convivial et familial qui leur permettrait d'avoir accès à des activités communautaires et culturelles. Nous aimerions offrir plus d'unités de logement pour répondre aux besoins des aînés et éviter qu'ils ne soient déracinés et privés de leur culture lorsqu'ils s'en vont à l'extérieur. Le financement que nous recevons actuellement ne nous permet pas d'avoir de telles aspirations. Nos ententes de financement ne comprennent pas la construction et l'agrandissement d'infrastructures.
De plus, les besoins de nos aînés sont grandissants. L'accès à des spécialistes tels que des ergothérapeutes et des physiothérapeutes est souvent difficile et très coûteux. Il en va de même pour tous les équipements spécialisés dont les aînés ont besoin en raison de leur état de santé. Plusieurs équipements spécialisés sont nécessaires. Nos aînés devraient avoir accès à ces services sans délai et gratuitement, au même titre que les enfants des Premières Nations. C'est un enjeu important pour nous.
Un autre grand défi est celui de l'alimentation traditionnelle. Le grand chef Awashish en a fait mention tout à l'heure. Le programme d'hygiène du milieu de Services aux Autochtones Canada ne nous permet pas de servir du gibier ou des fruits de la cueillette. On nous interdit de préparer de l'orignal, du castor, de l'outarde ou des petits fruits, notamment. On empêche nos aînés de maintenir leurs habitudes alimentaires, alors que cette alimentation a toujours fait partie de leur vie. Quand ils arrivent au centre d'hébergement, on leur dit qu'on ne peut plus leur servir ce genre de viandes.
Pourtant, il est reconnu que l'alimentation traditionnelle a un effet bénéfique sur leur santé. En effet, dans le Guide alimentaire canadien adapté aux Premières Nations, aux Inuit et aux Métis, on recommande que les aînés consomment des viandes traditionnelles, peu importe leur âge. Nous pensons qu'il y aurait moyen de trouver des solutions pour permettre aux aînés de consommer des viandes sauvages et des fruits de la cueillette tout en respectant les règles raisonnables en matière de salubrité et d'hygiène.
En terminant, nous voulons vous soumettre quelques recommandations portant sur l'avenir et le mieux-être de nos aînés.
Tout d'abord, les programmes gouvernementaux devraient prévoir un financement supplémentaire pour nous permettre d'offrir des soins à domicile et de l'hébergement à tous les aînés qui souhaitent demeurer dans leur communauté, peu importe le niveau de soins requis. Cela inclut le financement en infrastructures.
Nous recommandons aussi de mettre sur pied des programmes ou de bonifier ceux qui existent déjà pour les proches aidants et l'aide à domicile. L'objectif est de miser sur la prévention et de maintenir les gens à domicile. Nous voulons offrir à toute la population des services d'aide à domicile pour que les aînés restent plus longtemps chez eux.
Nous voudrions également que les normes de salubrité et d'hygiène prévoient des exceptions pour que nous puissions poursuivre l'alimentation traditionnelle en centre d'hébergement.
De plus, il faudrait ajouter du financement pour favoriser l'accès aux services spécialisés pour les aînés.
En outre, il faudrait permettre un financement pour les activités communautaires et culturelles offertes aux aînés.
Sur ce, nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous entendre. Nous espérons que ces informations vous aideront à mieux comprendre la situation.
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En ce moment, nous travaillons très fort à fournir une éducation aux jeunes, en vue d'améliorer leur avenir et celui de la nation.
Bien entendu, il y a des lacunes sur le plan des infrastructures. Nous n'avons pas tous les logements qu'il nous faudrait pour accueillir les spécialistes qui viendraient travailler dans notre communauté, notamment pour offrir une meilleure éducation. Si nous voulions mettre en place un programme de formation dans notre communauté, ce ne serait pas possible de le faire actuellement, car nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire. Nous parlons des compétences et des ressources humaines. Nous avons les ressources humaines, mais nous devons leur fournir la formation et l'éducation dont elles ont besoin pour donner de meilleurs services à la communauté.
Nous commençons par la base. C'est ainsi que les choses fonctionnent. Lorsqu'on construit une maison, on commence par la fondation avant de bâtir le reste. Nous avons une histoire en commun, que nous connaissons tous — nous en parlons depuis 10 ans — et nous avons compris le message. Nous travaillons d'arrache-pied sur le terrain pour faire en sorte que chacun comprenne bien sa mission et ce qu'il peut faire pour la nation.
Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de lacunes sur le plan des infrastructures. Nous travaillons à y remédier. J'ose espérer que les choses vont s'accélérer avec le temps.
Votre question portait également sur le fait que nous manquons de logements pour accueillir les médecins ou les infirmières qui viendraient travailler dans notre communauté. Comme ils n'ont pas d'endroit où loger, ils ne peuvent pas rester.
En outre, ils ne trouvent pas agréable d'habiter dans notre communauté. Ils sont habitués de vivre à Ottawa, à Montréal ou à Québec, alors ils n'aiment pas beaucoup rester longtemps dans une petite communauté. C'est l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Il pourrait y avoir davantage de souplesse sur le plan de l'éducation. Actuellement, le gouvernement finance des études universitaires ou collégiales, mais il ne finance pas d'autres types d'études, par exemple, la formation professionnelle.
On dit « formation professionnelle » en français, mais je ne sais pas quel est le terme équivalent en anglais.
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Premièrement, je suis le grand chef et je sais largement ce qui se passe dans notre communauté, mais nous avons des spécialistes qui peuvent vous donner une meilleure réponse que moi à cet égard. Malheureusement, nous avons été convoqués pour comparaître ici à la dernière minute, alors nous n'avons pas eu le temps d'avoir une conversation approfondie. Mme McLeod a parlé d'étudier plus en profondeur chaque sujet, mais nous n'avons pas eu le temps de le faire.
Comme je l'ai dit, c'est effectivement un problème important pour notre communauté, et il est difficile de combler toutes les lacunes. Dès que nous sortons de la collectivité, nous sommes censés recevoir des services fournis par la province. C'est ainsi que les choses fonctionnent. Au sein de notre communauté, il n'y a pas suffisamment de services, mais nous n'avons pas toujours les moyens d'aller à l'extérieur pour obtenir les services qu'il nous manque.
Nous accusons un très grand retard, et c'est pourquoi nous avons beaucoup de demandes. J'ai le sentiment d'être toujours en train de quémander quelque chose — nous avons besoin de ceci, nous avons besoin de cela — et ce n'est pas un bon sentiment. En tant que chef, je n'aime pas avoir le sentiment que je suis toujours en train de demander quelque chose. Nous avons des besoins, et c'est évident. Dans l'une des communautés, nous avons besoin de 200 logements pour loger tout le monde. C'est un problème important, mais nous devons commencer quelque part, et je crois que nous devons d'abord croire. Tout le monde ici doit croire en nous et nous donner davantage de latitude et d'autonomie dans la gestion de nos affaires.
C'est une façon de redonner de la fierté à notre peuple. Si nous sommes fiers, nous allons progresser. Si nos membres peuvent faire des études, ils seront fiers d'eux-mêmes. Ils prendront mieux soin les uns des autres. C'est ainsi qu'on bâtit une société. Nous devons commencer par la base, pour ensuite aller de plus en plus loin.
Nous accusons un retard d'environ 60 à 70 ans sur le plan du développement socioéconomique. Comment allons-nous régler ce problème? Il y a ici autour de la table des gens très intelligents, alors je suis certain que nous pouvons trouver une bonne solution pour l'avenir. Comme je l'ai dit, chaque fois que je m'adresse à des organismes ou à des participants à une conférence, je dis toujours que nous ne voulons plus être un fardeau. Nous voulons être en mesure de contribuer à l'émergence de la société. Nous voulons nous sentir bien et avoir un sentiment d'appartenance à la société afin que nous puissions contribuer à la protection des terres et à la protection de notre pays.
Ce n'est pas paradoxal d'être souverains au sein d'un État. C'est l'une des choses que nous devons comprendre, et tout le monde doit entendre le même message. Nous devons travailler ensemble pour améliorer notre société. Nous ne voulons pas laisser des problèmes aux générations futures. J'insiste toujours sur le fait que nous devons travailler ensemble.
Par exemple, j'ai dit ceci à mon ami: « Si, un jour, il se passe quelque chose ici, tu sais que mon peuple défendra toujours le territoire et tous ceux qui y habitent, peu importe leurs origines. Nous allons les défendre. » Nous nous réjouissons toujours lorsque l'équipe de hockey canadienne remporte la médaille d'or. Nous en sommes fiers. Nous pouvons avoir un sentiment d'appartenance, mais il y a encore beaucoup de travail à faire à cet égard.
Beaucoup de gens éprouvent encore du ressentiment à l'égard des pensionnats, du programme d'assimilation, etc. Rien de tout cela n'a fonctionné en fin de compte. Peut-être que les intentions n'étaient pas mauvaises et peut-être qu'on pensait aider, mais nous connaissons tous le résultat. Au final, cela n'a pas aidé et n'a fait que créer davantage de problèmes et de ressentiment. Nous avons érigé une barrière, et nous devons l'éliminer. Nous devons travailler ensemble pour améliorer l'avenir de nos jeunes et de vos jeunes. En travaillant ensemble, nous pourrons créer une grande société, qui nous rendra plus forts et que nous aurons à coeur de défendre. C'est ma vision.
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Comme je l'ai mentionné plus tôt, actuellement, il n'y a pas vraiment de lieux où nous pourrions offrir des soins de longue durée. Nous n'avons ni les compétences ni les ressources humaines pour donner les services nécessaires.
Même si, dans l'immédiat, nous pouvions inviter des professionnels de l'extérieur à venir s'établir dans notre communauté pour offrir les services nécessaires, nous aurions toujours ce problème: il manque de maisons pour les accueillir. C'est un cercle vicieux.
Pour répondre un peu à votre question, madame Blaney, je dois dire que, depuis l'adoption du principe de Jordan, il y a effectivement plus d'argent. Toutefois, nous avons encore un problème d'infrastructures.
On parle d'êtres humains. Quand on veut aider un être humain à s'améliorer, on s'intéresse à sa personnalité, à son identité, à sa personne; on cherche à renforcer sa fierté et sa confiance en lui. C'est la même chose en ce qui concerne la communauté. Oui, il y a de l'argent, mais on a oublié d'améliorer les installations. Nos communautés n'ont pas nécessairement les équipements et les infrastructures nécessaires pour accueillir tout ce beau monde.
Nous travaillons à élaborer notre vision et nos plans. Nous avançons en célébrant chaque petite victoire, mais lorsqu'on accuse un retard de 60 ou 70 ans, parfois ces victoires ne paraissent pas beaucoup. Nous ne rattrapons jamais tout le retard. J'ai déjà mentionné cette situation à un ministre, et il m'a dit qu'on allait faire avancer un projet à la fois. Je lui ai répondu que, pour notre part, nous ne pouvions même pas nous permettre de faire avancer un projet à la fois; c'est à coup de 10 projets à la fois qu'il faut avancer, tellement nous sommes en retard dans tous les domaines. Il faut investir énormément, surtout dans l'infrastructure. C'est le problème principal, car tout découle de cela.
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C'est vrai, mais j'ai une certaine vision pour nos gens.
La nation atikamekw est un excellent exemple. Nous représentons trois collectivités regroupant 8 000 personnes. Notre langue est très vivante et très particulière. Notre culture aussi est très en santé dans nos collectivités. Nous continuons de faire nos activités sur nos terres.
L'une des choses qui ont été brisées, c'est l'estime de soi, la fierté. Je viens d'être réélu et j'en suis à mon deuxième mandat. Au cours de mon premier mandat, j'ai travaillé d'arrache-pied pour que nous redevenions fiers de qui nous sommes, fiers de notre identité, fiers d'être une Première Nation, fiers d'être Atikamekw Nehirowisiw. C'est là-dessus que j'ai travaillé.
Je crois que, pour nous, c'est la première étape. Mes gens doivent être fiers de qui ils sont, de leur appartenance à ce peuple. C'est là-dessus qu'il faut travailler. À partir de là, il faut également s'efforcer de convaincre les jeunes qu'ils sont la réponse au futur. Nous misons énormément là-dessus. Je n'ai aucun problème à répondre aux sollicitations des écoles. Je me rends sur place et je parle aux jeunes. Je leur dis à quel point je crois en eux, à quel point j'ai besoin d'eux pour assurer la continuité, pour assurer la prospérité, pour assurer que nous allons toujours parler notre langue dans 100 ans, que nous allons toujours vivre notre culture dans 100 ans.
« J'ai besoin de vous. » C'est ce que je leur dis. C'est là-dessus qu'il faut travailler.
Il y a des améliorations. Il y a de plus en plus de gens qui vont à l'école. Les gens terminent leur formation scolaire. Voilà où en sont les choses. Ensuite, nous allons nous doter d'infrastructures robustes. Il nous en faut plus, oui, mais il nous faudra aussi de meilleurs administrateurs en matière de santé, d'éducation, d'administration et de gouvernance. À partir de là, nous allons grandir et grandir encore.
Ma lumière est en avance de 60 ans. C'est dans cette direction que je regarde, mais nous devons commencer par le début, et pour ce faire, il nous faut l'aide du gouvernement. J'ai besoin que le gouvernement croie en nos gens. C'est ce dont j'ai besoin, aujourd'hui.
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Oui, il y a d'importantes ressources financières qui sont disponibles aux termes de certains programmes, mais ce à quoi je me bute sur une base régulière... Disons que nous mettons au point un projet et que nous le soumettons dans le cadre de tel ou tel programme. Ce que l'on entend tout le temps c'est: « oui, c'est un projet magnifique » et « oui, votre projet est admissible », mais ce à quoi nous devons systématiquement faire face, c'est que les programmes ne s'accompagnent pas des fonds nécessaires pour assurer le maintien des projets.
Oui, nous pouvons bâtir ceci et nous pouvons faire cela, mais il faudra bien un jour que nous payions des salaires. Les programmes que nous sollicitons pour nos projets ne comportent pas de budgets d'exploitation. C'est le problème auquel j'ai été confronté récemment pour certains projets.
Par exemple, je voulais travailler avec les jeunes. En effet, je crois en eux et je fais de grands efforts pour les mettre à contribution. J'ai donc dit que j'allais créer un secrétariat pour la jeunesse au sein de notre nation. J'ai organisé deux grosses réunions et j'y ai réuni 80 jeunes de nos trois collectivités. Nous avons parlé de notre avenir. Plusieurs sujets ont été abordés. Nous avons parlé de notre langue, de politique, de géopolitique. Nous avons parlé de ce qui se passe dans le monde, de ce que le monde sera dans 50 ans et du fait que nous devions croire en nous-mêmes.
J'ai soumis un projet et le gouvernement s'est montré enchanté de toutes ces mesures que nous prenons. Cela cadrait bien avec le programme, mais une fois que le secrétariat aura été créé, comment allons-nous le faire fonctionner? C'est la difficulté de beaucoup de ces programmes, et nos communautés n'ont pas les ressources nécessaires pour prendre le relais.
Comme je l'ai dit, nous sommes au début. C'est comme cela que je perçois les choses. Pour les projets de ce type, nous essayons d'amasser des fonds additionnels à l'interne, de manière autonome, mais nous n'y sommes pas encore parvenus.