INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous. Nous allons commencer.
Vous assistez à la réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Nous poursuivons notre étude sur le suicide au sein des peuples et des communautés autochtones.
Nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel du peuple algonquin et nous leur en sommes très reconnaissants.
Aujourd'hui, nous accueillons deux groupes de témoins. Nous avons tout d'abord les représentants de l'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations, qui participent à la réunion en personne, et ensuite les représentants de la Canadian Indigenous Nurses Association, qui se joignent à nous par téléconférence.
Nous sommes heureux de vous accueillir.
Chaque organisme a 10 minutes pour livrer un exposé. Je vois que nous avons deux représentants par organisme. Vous pouvez répartir ces 10 minutes comme vous le souhaitez entre vos intervenants. Lorsque vous aurez utilisé environ neuf minutes, je vous montrerai une carte jaune. Cela signifie que le temps est presque écoulé. Ensuite, lorsque votre temps sera écoulé, je vous montrerai une carte rouge. Je vous demanderais de terminer à ce moment-là. Nous passerons ensuite aux questions des membres du Comité.
J'invite donc Marion Crowe, directrice exécutive de l'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations, à livrer son exposé.
Comme il a été mentionné, je m'appelle Marion Crowe. Je suis une Crie de la Première Nation de Piapot, en Saskatchewan, et je comparais à titre de directrice exécutive fondatrice de l'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations.
Je suis accompagnée de M. Calvin Morrisseau, membre du conseil d'administration exécutif et représentant de l'Ontario pour l'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations. M. Morrisseau est directeur exécutif des Services de santé de la zone tribale de Fort Frances.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, nous sommes sur un territoire algonquin, et nous aimerions reconnaître le territoire sur lequel cette audience se déroule aujourd'hui. Nous souhaitons également offrir nos condoléances aux familles qui sont touchées par le sujet à l'étude aujourd'hui ou qui vivent un deuil lié à ce sujet.
Nous remercions également le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de nous avoir invités à comparaître pour parler des stratégies de promotion de la vie. C'est une responsabilité que nous assumons avec grande humilité et fierté.
L'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations, que j'appellerai l'AGSPN, a été fondée en septembre 2010. Nous sommes une organisation professionnelle nationale qui offre un service de certification et des occasions de perfectionnement professionnel aux gestionnaires et aux directeurs du domaine de la santé qui travaillent dans les collectivités des Premières Nations et avec les membres de ces collectivités partout au pays.
Nous avons plus de 300 membres et un réseau d'environ 1 200 leaders en matière de santé des Premières Nations et nous représentons des professionnels de la santé communautaire — et dans certains cas des cliniciens praticiens — qui administrent et protègent les services de santé dans nos collectivités. Plus de 100 gestionnaires de santé des Premières Nations ont été reconnus par notre organisme à l'échelle du Canada. Nous offrons un programme d'accréditation fondé sur des compétences de base qui ont été créées et menées par des leaders en matière de santé communautaire.
En ce moment, notre organisme est le seul au Canada qui offre un programme fondé sur des pratiques et des services pertinents en matière de santé et une gouvernance mise en oeuvre dans nos collectivités, afin d'intégrer et de respecter le rôle de la culture dans nos compétences. Cela rend notre organisme unique, car nous célébrons et partageons nos connaissances inhérentes tout en équilibrant et en appliquant des principes de gestion.
Nous avons amené une preuve à l'appui de notre expertise en matière de prestation de services de santé aux Premières Nations, et nous vous la distribuerons. Il s'agit du manuel publié par l'AGSPN; il a été écrit en grande partie par nos membres certifiés d'un bout à l'autre du Canada.
Nous sommes dans une position unique pour communiquer les expériences vécues par les gestionnaires de santé communautaire qui travaillent sur le terrain dans nos collectivités. L'enjeu qui nous amène ici aujourd'hui, c'est la prévention du suicide. Habituellement, nous n'en parlons pas au négatif, et nous parlerons donc plutôt de la célébration de la vie, si cela vous convient. Nous vous présenterons quatre recommandations; elles représentent une très petite partie d'une stratégie plus vaste dont nous avons besoin pour réaliser des progrès dans cet enjeu.
Avant de parler des solutions que nous proposons, nous avons examiné les témoignages précédents, et nous savons que vous avez entendu 42 témoins avant nous. Nous tenons à souligner que la Thunderbird Partnership Foundation ne fait pas partie de la liste des témoins. La Thunderbird Partnership Foundation est un organisme partenaire de l'AGSPN, et ses membres se sont engagés à travailler avec les Premières Nations et les Inuits en vue de renforcer la capacité des collectivités de lutter contre les problèmes de toxicomanie. Nous implorons les membres du Comité d'envisager de demander à cet organisme de participer à ces travaux très importants.
En ce qui concerne la première recommandation que nous formulons pour le Comité, nous savons déjà, par l'entremise de recherches, d'études universitaires et de témoignages précédents, que nous faisons face à un problème omniprésent dans nos collectivités. Nous parlons précisément du témoignage sur le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations que vous avez déjà entendu. Il cerne un continuum de services qui doivent être offerts pour favoriser le bien-être mental et fournit des conseils sur les changements à apporter aux programmes et aux politiques en vue d'améliorer les résultats en matière de bien-être mental des Premières Nations. Ce cadre nous permet d'adapter, d'optimiser et d'orienter les programmes et les services en matière de mieux-être mental en fonction de nos priorités.
Ce cadre comprend plusieurs éléments qui appuient le système de santé, notamment la gouvernance, les recherches, le perfectionnement de la main-d'oeuvre, la gestion du changement et du risque, l'autodétermination et la mesure du rendement. L'intégration des services de santé au sein des programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux est essentielle à sa réussite. Notre organisme juge qu'il est très important de discuter de la façon de mettre en oeuvre ce cadre dans nos collectivités et nous le soulignerons lors de notre conférence nationale annuelle. Nos délégués travaillent aux premières lignes de la célébration de la vie, et la prévention du suicide sera une ressource précieuse lors des discussions sur la mise en oeuvre de ce cadre.
Nous faisons également référence à un témoignage précédent qui mentionne l'urgence de mettre en oeuvre les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, afin de remédier aux conséquences des pensionnats et de faire progresser le processus de réconciliation au Canada, mais vous avez déjà entendu tout cela.
Notre deuxième recommandation vise à accroître les efforts en matière de certification et d'attestation dans nos collectivités. Ce sont des éléments essentiels pour l'AGSPN. Dans le domaine de l'attestation des services en matière de santé, nous voyons sans cesse des recommandations liées à la gouvernance et aux capitaux. Des investissements dans les immobilisations doivent être effectués dans nos collectivités si nous voulons être en mesure de faire certifier nos services de santé. Ces investissements doivent notamment viser la réparation de nos installations existantes, ainsi que la création de nouveaux centres de traitement et de santé de qualité. La présence de gestionnaires en santé certifiés dans nos collectivités contribuera à atteindre les objectifs en matière d'attestation établis par le gouvernement, c'est-à-dire par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada.
Notre troisième recommandation vise le renforcement des réseaux existants, par exemple l'AGSPN et la Canadian Indigenous Nurses Association — dont les représentants témoigneront également aujourd'hui — et d'autres organismes autochtones nationaux qui dirigent le renforcement des capacités dans nos collectivités. Nous devons réinvestir dans ces organismes et rétablir les réductions budgétaires qui ont été effectuées en 2011. Cela augmentera les appuis fournis à nos professionnels de la santé qui travaillent sur le terrain et qui dirigent, favorisent et créent des partenariats pour mettre en oeuvre l'intégration nécessaire des services de santé dans nos collectivités. Nos organismes autochtones nationaux existants ont besoin d'un appui équitable pour poursuivre leurs efforts en matière de renforcement des capacités.
Notre quatrième recommandation est d'investir dans la capacité de nos travailleurs de première ligne pour contribuer davantage au renforcement de la prestation des services de santé. La prise en charge de services de santé par les Premières Nations, comme en vertu de l'entente tripartite conclue en Colombie-Britannique, est essentielle pour permettre aux collectivités de décider à quels endroits investir leurs propres ressources et pour accroître ainsi leur autonomie.
J'aimerais indiquer qu'un des quatre piliers dans la création de l'entente tripartite concernait uniquement les directeurs de la santé, ce qui témoigne de l'importance de leur rôle dans la prestation de services de santé. Ainsi, de concert avec une main-d'oeuvre certifiée, nous pourrons donner suite à ces solutions.
En plus de ces quatre solutions possibles, nous pouvons faire un petit pas en établissant des bases solides qui contribueront à la promotion de la vie autochtone et à des systèmes de santé de qualité.
Nous voulions donner au Comité l'exemple très concret du renouvellement, dans le budget de 2015, de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone, l'IRHSA, dont le budget réduit se chiffre à 4,5 millions de dollars à l'échelle nationale. Le financement renouvelé de l'IRHSA a pour but de soutenir le renforcement des capacités et d'augmenter le nombre d'Autochtones qui entament une carrière en santé.
La mise en oeuvre de ce programme comprend deux volets. D'une part, des bourses d'études sont accordées aux étudiants autochtones qui veulent faire carrière dans le domaine de la santé, par exemple en devenant infirmiers ou médecins, mais ce ne sont pas nécessairement eux qui reviennent dans nos collectivités. D'autre part, de la formation et des certificats sont offerts aux travailleurs communautaires, y compris les directeurs ou les gestionnaires de la santé des Premières Nations. Des fonds sont investis, mais le deuxième volet représente le seul programme dont peuvent bénéficier les travailleurs communautaires qui se trouvent sur le terrain.
Du montant de 4,5 millions de dollars reçu à l'échelle nationale, 3 millions sont consacrés aux bourses et à un véhicule obtenu auprès d'Indspire, et le reste, un montant de 1,5 million, est partagé entre les bureaux régionaux de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada. Ce montant est insuffisant pour répondre aux besoins actuels de notre communauté en matière de perfectionnement professionnel et de certification.
Un aspect particulier du cadre du continuum du mieux-être mental témoigne de la nécessité de renforcer les capacités, ce qui sera essentiel pour garantir que le continuum de programmes et de services de mieux-être mental est pertinent et efficace et qu'il répond aux besoins des communautés.
Nous sommes bien placés pour devenir des chefs de file des services de santé et du perfectionnement professionnel des Premières Nations. L'Association des gestionnaires en santé des Premières Nations est une organisation qui se sert de ses connaissances pour recueillir, promouvoir et transmettre des pratiques de gestion des réunions qui aident à renforcer les capacités de nos membres à l'échelle locale.
Nous sommes déterminés à faire partie de la solution, et nous pouvons être à l'avenir un précieux partenaire dans la mise en oeuvre de stratégies. Nous avons les titres de compétence élaborés pour et par les Premières Nations. Nos membres sont des travailleurs de première ligne et des experts dans le domaine de la prestation de services de santé aux Premières Nations.
Nous vous remercions sincèrement du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui. Ce fut un honneur et un privilège d'être appelés à participer à cette discussion, car elle aura de réelles répercussions sur les générations actuelles et futures de notre nation.
Madame Crowe, monsieur Morrisseau, merci beaucoup de vos exposés. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous allons tout de suite passer à l'exposé des représentantes de la Canadian Indigenous Nurses Association, Mme Lisa Bourque Bearskin, la présidente de l'Association, et Lindsay Jones, une étudiante autochtone en soins infirmiers.
Bienvenue à vous deux. Je suis heureux de vous donner la parole pendant 10 minutes, que vous pouvez vous partager comme bon vous semble.
Merci beaucoup. Tansi. Hello. Bonjour.
[La témoin s'exprime en cri.]
Je tiens à remercier le président et les membres du Comité de nous avoir invitées à témoigner au nom de la Canadian Indigenous Nurses Association et à soutenir les familles qui ont perdu un être cher.
J'aimerais commencer par souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel du peuple algonquin, comme vous l'avez mentionné.
Je viens de la nation crie de Beaver Lake, dans la région visée par le Traité no 6, dans le nord de l'Alberta. Comme vous l'avez dit, je suis présidente de la Canadian Indigenous Nurses Association. J'ai travaillé dans le domaine de la prestation de soins de santé toute ma vie, en tant qu'infirmière. Je suis maintenant professeure agrégée à l'école de sciences infirmières de l'Université Thompson Rivers. Je suis accompagnée aujourd'hui de Lindsay Jones, qui est membre de la CINA et étudiante à la même université, dans le domaine de la santé communautaire au sein des collectivités autochtones.
Au-delà du rituel symbolique, cette reconnaissance du territoire renvoie aux problèmes urgents auxquels nous faisons face à l'ère de la réconciliation. La lutte pour défendre nos droits et la prestation de soins de santé équitables à nos enfants et à nos jeunes autochtones est une entreprise d'une importance vitale, et je m'adresse donc à vous aujourd'hui en tant que survivante. Je pense à ce que nos aînés et nos détenteurs du savoir traditionnel continuent de nous dire. Au moment où nous poursuivons notre réflexion sur notre propre philosophie, le mieux-être et la lutte pour l'autodétermination, nous devons savoir qui nous sommes et d'où nous venons alors que nous suivons les traces de ceux qui sont passés au monde des esprits tout en montrant la voie à ceux qui les suivront.
Il est évident que la santé des jeunes autochtones est étroitement liée à l'histoire de la colonisation et des pensionnats, au retrait d'enfants de leur foyer et de leur culture. Nous savons que les chiffres sont désolants et qu'une des épreuves les plus difficiles est le suicide d'un proche. Cette dure réalité n'est que trop réelle pour les familles autochtones, inuites et métisses. Nous savons que le suicide chez les jeunes autochtones est le plus grave problème de santé publique auquel nos sociétés font face.
Aujourd'hui, notre bref exposé portera sur la façon dont la Canadian Indigenous Nurses Association, la CINA, peut contribuer à résoudre la crise en présentant trois recommandations aux fins d'étude par le Comité. Ces recommandations abordent la question du financement durable, dont vous avez beaucoup entendu parler, pour améliorer l'accès à des services de santé intégrés, de grande qualité et adaptés à la culture en augmentant le nombre d'infirmières autochtones qui travaillent auprès des gens tout au long de leur vie, partout au pays et dans les collectivités du Nord, surtout aux endroits où le risque élevé de suicide a pris des proportions alarmantes.
Vous avez entendu parler des facteurs productifs. Vous avez entendu parler des risques. Nous faisons front commun pour soutenir les autres organisations autochtones et les autres chercheurs qui étudient la question de manière approfondie.
Notre première recommandation est de préconiser le financement durable de la CINA, en tant que chef de file nationale, au nom de nos infirmières de première ligne et des collectivités qu'elles servent. Bien ancrée dans cette recommandation est la conviction que la Canadian Indigenous Nurses Association peut grandement contribuer au bien-être général de nos jeunes Autochtones en appuyant et en favorisant le potentiel humain, et en créant dans les collectivités les capacités nécessaires pour s'attaquer aux problèmes à l'échelle locale à l'aide de travailleurs de première ligne.
La plupart des gens ne se rendent pas compte que la CINA est la plus vieille organisation professionnelle vouée à la santé des Autochtones au Canada. C'est une organisation sans but lucratif gérée par des bénévoles et dirigée par 12 infirmières autochtones qui souhaitent que la CINA soit reconnue comme une bio-experte faisant la promotion de la santé des collectivités autochtones, dans le but d'améliorer la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Notre organisation a fait ses premiers pas pour accorder un appui politique à Monique Bégin lorsqu'elle a commencé à s'occuper de la question au début des années 1970. Les membres de la CINA sont la porte d'accès aux collectivités autochtones et la force fondamentale de l'organisation.
À l'heure actuelle, il y a environ 9 000 infirmières autochtones au Canada, ce qui constitue une énorme ressource inexploitée et sous-estimée. Les infirmières membres de la CINA ont vraiment le potentiel nécessaire pour en faire davantage.
Dans le cadre de leur travail, elles continuent de mettre à profit leurs compétences linguistiques uniques et diversifiées ainsi que leur compréhension de la culture et des traditions de guérison. En tant que gardiennes des connaissances sur les soins infirmiers prodigués aux autochtones, elles contribuent à l'élaboration de politiques sanitaires et de programmes de services locaux, régionaux et nationaux pour les Autochtones de partout au pays.
La CINA croit que la lutte contre le suicide chez les jeunes peut être menée en confiant de nouveau la santé des jeunes aux bons soins des familles, des collectivités, des nations et des infirmières. Pour y parvenir, les Autochtones doivent faire preuve de leadership en favorisant l'élaboration de pratiques infirmières ancrées dans le savoir autochtone et l'expertise de nos membres.
Pour accomplir sa mission, la CINA mène des activités de recrutement, de maintien en poste, de soutien aux membres et de consultation. Au cours des cinq dernières décennies, la CINA a composé avec un environnement en constante évolution.
Nous faisons face à une situation qui nécessite que nous prenions de toute urgence des mesures en matière de réconciliation, de décolonisation et d'intégration d'approches traditionnelles de la santé et du mieux-être. Nous devons appliquer l'expression « la culture, c'est la santé ».
Contrairement aux autres organisations autochtones nationales, la CINA ne reçoit pas de financement de base. Nous n'avons pas discuté à fond de l'importante question du financement équitable. Nous appuyons la lutte de défense des droits de la personne menée par Cindy Blackstock en vue d'obtenir un financement équitable pour les enfants autochtones. Nous en avons besoin maintenant, et nous l'appuyons fermement.
Le plus grand potentiel de la CINA est sa capacité de prodiguer des soins de santé primaires en investissant et en soutenant des infirmières qui travaillent dans chacune des 655 différentes collectivités au pays. Le rapport du vérificateur général nous a appris qu'une infirmière sur 45 possède une formation adéquate pour travailler dans ces collectivités du Nord.
Compte tenu du nombre croissant de demandes, nous avons élaboré un cadre de partenariat autochtone collaboratif, dont je pourrais parler plus tard. C'est dire à quel point nous sommes mieux préparées et mieux placées pour travailler avec des collectivités et des partenaires non autochtones.
Notre deuxième recommandation est de soutenir la mise en oeuvre, comme vous en avez entendu parler... le cadre de travail sur la santé mentale découle de notre collaboration. La CINA a grandement contribué aux efforts déployés, et nous appuyons le rapport, qui porte vraiment sur les six continuums de soins: le développement communautaire, le dépistage précoce, les risques secondaires, le traitement actif, le traitement spécialisé et la facilitation des soins. C'est là que les soins infirmiers sont souvent sous-estimés. Nous avons les compétences, les aptitudes et les capacités nécessaires pour promouvoir ces continuums.
Notre troisième recommandation est d'appuyer la réorientation de services de santé de manière à mettre l'accent sur la prestation de soins à proximité du domicile, dans le but de favoriser le développement des capacités ainsi que la viabilité sanitaire, économique et environnementale en donnant aux enfants et aux jeunes les compétences et les capacités nécessaires pour faire face aux conséquences d'un traumatisme intergénérationnel attribuable à l'éclatement et au retrait de leur famille. Ils seront ainsi mieux outillés pour composer avec la violence systémique qui continue de nuire à la santé et au bien-être de nos collectivités. Tout indique que les problèmes systémiques continuent d'alimenter ces inégalités.
La CINA a été en mesure de mettre au point une formation grandement nécessaire. Nous proposons que l'investissement fédéral dans la santé et l'éducation des Autochtones servent à donner suite à la nouvelle entente en santé, qui demande la réorientation de services de santé. La formation de la CINA peut aider à réduire le racisme et la discrimination, qui ont des répercussions importantes sur la santé des gens. Dans le cadre d'une étude à laquelle je collabore étroitement, nous examinons l'accès aux soins de santé dans les régions rurales. Nous avons appris que les gens qui habitent dans ces régions sont marginalisés encore davantage par des soins empreints de partialité.
Compte tenu des preuves à l'appui, il est évident que nous devons adopter une approche pangouvernementale qui appuie les gens et leur redonne des moyens, car même s'il existe de nouveaux modèles prometteurs de partenariat, comme l'Autorité sanitaire des Premières Nations en Colombie-Britannique, il y a beaucoup à faire pour parvenir à une approche globale au moment où les services continuent d'être prodigués en vases clos.
J'aimerais maintenant donner à Lindsay l'occasion de parler de la prestation de soins de santé à proximité du domicile.
Bonjour. Je m'appelle Lindsay Jones. Je viens de la nation nlaka'pamux, de Kamloops, en Colombie-Britannique. Je suis étudiante de quatrième année en sciences infirmières à l'Université Thompson Rivers. Je suis également membre de la CINA.
J'ai trois recommandations pour faire face à l'épidémie de suicides d'Autochtones au sein de nos communautés.
Les infirmières savent que lorsqu'elles travaillent auprès d'une population si marginalisée et si vulnérable, il est pertinent d'offrir du perfectionnement professionnel pour renforcer les capacités au sein des collectivités. Les infirmières n'ont pas seulement besoin d'aptitudes psychomotrices. Pour accomplir leur travail, elles doivent entretenir des relations prudentes sur le plan culturel afin d'établir des ponts servant à combler les inégalités.
Les travaux de recherche montrent que le maintien en poste de travailleurs de la santé hautement qualifiés et efficaces est important pour prodiguer des soins accessibles et de qualité aux gens qui habitent dans les régions rurales. Il faut également avoir en place des systèmes de soutien pour aider les infirmières qui prodiguent des soins dans ces communautés. Les infirmières connaissent les forces des communautés et la façon de les exploiter. Elles savent que les solutions viennent de là.
Le huitième appel à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada dit ceci:
Nous demandons au gouvernement fédéral d’éliminer l’écart entre le financement en matière d’éducation qu’il verse pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles dans les réserves et celui qu’il accorde pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles à l’extérieur des réserves.
Bien que les déterminants sociaux du mouvement de la santé aient aidé à faire passer une partie du blâme des particuliers aux systèmes politiques et économiques, l'accent est encore mis sur ce qui manque dans les collectivités et sur la façon dont ces lacunes ont une incidence négative sur les enfants et les familles.
Ma dernière recommandation est de faire fond sur l'idée des soins de santé à proximité du domicile. En tant que parent d'accueil, je crois qu'au lieu de retirer les enfants de leur famille et de leur culture, nous devrions commencer, en tant que pays et fournisseurs de soins de santé, à favoriser les familles dont l'approche est traditionnelle et appropriée.
Les travaux de recherche ont montré que les adolescents sont moins susceptibles de se suicider lorsqu'ils bénéficient des avantages neuropsychologiques de l'appartenance, par exemple lorsqu'ils croient à l'une des valeurs de leur milieu. Ils peuvent mieux gérer leurs émotions lorsqu'ils entretiennent des liens avec des adultes bienveillants à qui ils sont attachés.
En étant sur le terrain, les infirmières pourraient soutenir les familles pour permettre aux enfants de gagner en confiance et d'exprimer leurs points de vue, ce qui favoriserait le renforcement de leur capacité d'adaptation et la création d'un environnement propice à leur épanouissement, plutôt que de les faire passer d'une famille d'accueil à une autre, ce qui ne fait que perpétuer le problème.
Merci de nous avoir donné l'occasion de témoigner.
En terminant, nous voulons faire valoir que les infirmières doivent être sur la ligne de front pour pouvoir intervenir sans délai, pour enseigner les facteurs de protection qui émanent de leurs propres expériences limitées.
Je veux dire deux mots au Comité, kiyam ahkameyimo, ce qui signifie que le sujet a été amplement traité et que nous ne devons jamais abandonner. Ces mesures visent la résilience et le recours au pouvoir interne que nous possédons tous pour éliminer ces crises de plus en plus graves auxquelles nous faisons face en tant que Canadiens.
Nous sommes impatientes de répondre à vos questions.
Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de témoigner.
Merci beaucoup de ces observations. Merci beaucoup, madame Jones.
Nous allons tout de suite passer aux questions. Nous avons jusqu'à 16 h 40. Je pense que vous êtes dans un autre fuseau horaire. Nous avons 45 minutes pour poser des questions et entendre vos réponses.
Gary Anandasangaree sera le premier à intervenir.
Je vous remercie de vos exposés.
J'aimerais revenir sur le concept de la proximité des soins de santé. Je sais que bon nombre des défis émanent du manque de fournisseurs de soins de santé dans les collectivités. Plus tôt, vous avez parlé des personnes qui étudiaient dans le domaine de la santé et qui ne retournaient pas travailler dans les collectivités. Elles sont souvent attirées par les grands centres, parce que les installations et les conditions y sont meilleures.
Que devons-nous faire pour attirer les fournisseurs de soins de santé dans les collectivités locales, pour veiller à ce qu'ils y restent plus longtemps et à ce qu'ils fassent partie de la collectivité plutôt que d'y être affectés à court terme ou d'y faire des allers-retours pour de courtes périodes?
Je crois qu'il est clair que les infirmières autochtones formées sont plus nombreuses à rester dans les collectivités. Nos infirmières autochtones restent dans leurs collectivités et y travaillent.
Nous devons créer de meilleurs systèmes de soutien pour les aider. De façon particulière, dans les régions rurales et nordiques, le soutien offert en matière de formation est très limité. Les infirmières ne peuvent pas quitter leur collectivité pour suivre un programme de formation ou de perfectionnement professionnel parce qu'il n'y a personne pour les remplacer. Nous devons créer une voie vers les carrières autochtones en matière de santé, pour attirer les élèves de 3e et de 4e année. À la suite d'un sondage que j'ai réalisé auprès d'enfants, j'ai constaté que lorsqu'ils arrivaient en 3e et en 4e année, on les décourageait d'étudier en sciences de la santé parce qu'on croyait qu'en les encourageant à étudier dans les domaines de l'éducation ou du travail social, on les aiderait à réussir. On crée donc un énorme manque d'intérêt à l'égard des carrières en santé ou des programmes de sciences de la santé. Lorsqu'on regarde l'éducation offerte aux jeunes des Premières Nations dans les réserves, on constate qu'ils n'ont même pas accès aux cours de niveau supérieur pour se préparer à aller à l'université.
Je crois que c'est une situation très complexe, mais les données probantes sont claires: si on encourage les Autochtones à poursuivre une carrière en santé dès leur très jeune âge, ils resteront dans leurs collectivités et offriront d'excellents services à la population, mais ils s'épuisent rapidement en raison d'un manque de soutien.
Docteure, vous avez dit qu'il y avait environ 9 000 infirmières autochtones. Quelle est la proportion de médecins d'origine autochtone et que devons-nous faire pour accroître leur nombre de sorte qu'ils puissent eux aussi contribuer à l'ensemble des soins de santé, surtout selon le concept de la proximité des soins de santé?
C'est une très bonne question. Je ne peux pas vous donner les chiffres de l'Association des médecins autochtones, mais je sais que le nombre d'infirmières a augmenté.
Je sais que les stratégies en matière de recrutement et de conservation des effectifs se centrent sur la formation médicale. Je dis souvent qu'il faut appuyer davantage la formation des infirmières.
À l'heure actuelle, le chiffre 9 000 représente seulement le nombre d'infirmières qui travaillent au sein de notre province. Il ne comprend pas les infirmières qui travaillent dans les collectivités des Premières Nations, parce que les données proviennent d'une enquête sur les familles réalisée hors réserve; c'est donc une sous-estimation du nombre d'infirmières.
En ce qui a trait aux normes nationales, si on compare le nombre de patients avec lesquels les infirmières autorisées peuvent avoir un premier contact à celui que les médecins autochtones... Je travaille beaucoup auprès des collectivités et elles me disent tout le temps qu'elles ont besoin de médecins; je leur réponds que ce ne sont pas des médecins qu'elles ont besoin. Oui, nous avons besoin de médecins, mais les infirmières peuvent appuyer l'ensemble des soins. On n'a pas nécessairement besoin d'un médecin pour une fièvre ou un examen. Une infirmière autorisée bien préparée peut cibler les cas prioritaires plus rapidement. Nous pouvons offrir des soins plus rapidement aux personnes qui en ont le plus besoin en mettant en place un programme de préparation destiné aux infirmières auxiliaires autorisées, aux infirmières autorisées, aux infirmières praticiennes et aux intervenants en santé communautaire. Les infirmières praticiennes ont des compétences extraordinaires et sont vraiment sous-utilisées.
Nous avons une infirmière praticienne à Maskwacis, en Alberta, et je sais qu'il y en a une qui partage son temps entre la bande de Paul et la Première Nation Alexander. Elles ont montré qu'elles étaient capables de réduire... d'accroître l'efficacité des soins et la satisfaction des clients.
Ma question s'adresse à nos deux invités.
Vous avez parlé des défis associés au financement des services. Quels sont les défis particuliers auxquels vous êtes confrontés en vue d'accroître le bassin de professionnels de la santé, notamment le nombre d'infirmières et de médecins?
Aussi, quels sont les autres obstacles qui nuisent aux soins de santé en général lorsqu'une personne a besoin de voir un spécialiste, un dentiste, et ainsi de suite? Vous pourriez aborder ce sujet.
Merci, monsieur le président, et merci de votre question, monsieur.
Vous nous demandez comment, à notre avis, nous pouvons aider les paraprofessionnels et les professionnels dans les collectivités des Premières Nations? Je crois qu'au départ, il faut que les postes soient reconnus dans les accords de financement avec les collectivités, pour la coordination et le soutien en santé, et l'appui envers les médecins; il faut donc les reconnaître dans les accords de financement. Certaines collectivités ne consacrent pas de fonds à la coordination de la santé; il faudrait donc établir le champ de compétence des directeurs des services de santé et des collectivités.
Aussi, lorsqu'on a accès à un directeur des services de la santé formé et accrédité, la parité salariale et le maintien en poste des professionnels de qualité dans nos collectivités deviennent un enjeu.
D'accord. Je crois que nous n'avons plus de temps, à moins que M. Morrisseau veuille faire une très courte remarque.
J'allais seulement dire qu'en ce qui a trait au maintien en poste des médecins, il est parfois difficile ne serait-ce que de songer à accueillir des médecins, surtout dans ma région. Nous utilisons les infirmières praticiennes dans une large mesure; toutefois, il y a un écart important en matière d'accès aux médecins dans les Premières Nations.
Ce n'est pas seulement une question de financement. Il y a un système en place pour le recrutement des médecins, mais nous n'en faisons pas partie. Nous devons faire partie du système de recrutement si on veut que la situation change.
D'accord, et vous dites que ce serait une façon claire de changer les choses, de changer les pourcentages associés aux deux volets de financement. Est-ce que c'est une évaluation juste de votre recommandation?
Je vous remercie de votre question. Je crois qu'il s'agit d'une façon très précise et concrète de voir le perfectionnement des compétences des travailleurs communautaires. Un des volets de financement vise l'offre de bourses d'études et de bourses de perfectionnement aux personnes qui choisissent les professions de la santé, comme les infirmières et les médecins.
Toutefois, celui qui nous intéresse et que peuvent obtenir les directeurs des services de santé, par exemple, vise le perfectionnement professionnel pour l'obtention d'une accréditation. Ils pourraient faire une demande selon le deuxième volet de financement offert, par l'entremise des travailleurs communautaires. Lorsqu'on regarde le répertoire des programmes, on constate que ce sont les travailleurs communautaires — les travailleurs du domaine du diabète et tous les travailleurs de la santé non réglementés — qui se font concurrence pour l'obtention des fonds. À l'heure actuelle, c'est un financement de 1,5 million de dollars qui est réparti dans l'ensemble du pays, par l'entremise des bureaux régionaux de la Direction générale des Premières Nations et des Inuits.
J'ai aimé vous entendre parler de stratégies de promotion de la vie; je vais me concentrer là-dessus.
Vous avez parlé de la stratégie de Thunderbird. C'est la première fois que j'en entends parler. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous orienter dans nos recherches?
Bien sûr.
La Thunderbird Partnership Foundation étant anciennement appelée la Fondation autochtone nationale de partenariat pour la lutte contre les dépendances; c'est donc depuis longtemps un chef de file en matière de services de toxicomanie au Canada. Les fonds octroyés par Santé Canada pour la formation des travailleurs communautaires constituent le financement principal de la fondation. Elle existe depuis longtemps et, comme je le disais, elle doit être au coeur de la discussion, parce qu'elle défend les services en santé mentale dans le cadre de son mandat.
Lorsque j'ai parlé d'appuyer un cadre, je faisais référence au Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations, que vous connaissez bien, puisque le chef Day et d'autres témoins comme les représentants de la CINA vous en ont parlé.
Docteure Bourque Bearskin ou madame Jones, vous avez parlé des enfants qui sont retirés de leur famille et placés en famille d'accueil. Pourriez-vous nous en parler davantage et peut-être nous faire part d'une situation où les méthodes non traditionnelles ont entraîné des résultats positifs?
Oui, j'aimerais en parler.
C'est arrivé qu'on doive sortir un enfant de son foyer.
Je crois qu'il faut aider les familles à améliorer leurs compétences culturelles à la maison et dans les collectivités plutôt que leur enlever leur enfant. Sinon, on leur rend leur enfant, puis on le reprend et on recommence.
Il faut s'attaquer à la source du problème. Dans certaines situations, dès qu'on apprend qu'une jeune femme est enceinte, on commence à lui montrer comment prendre soin du bébé, quels sont ses besoins et aussi les rôles et responsabilités des membres de la famille, plutôt que de lui retirer l'enfant dès sa naissance. Je crois que c'est un grand pas dans la bonne direction.
J'aimerais ajouter que dans ma collectivité, Beaver Lake, lorsqu'on met en place un programme en santé, on demande la participation des intervenants en matière d'aide à l'enfance. On aide les familles qui restent dans la collectivité, à qui on a retiré l'enfant; on leur offre du soutien. C'est très efficace pour faciliter le retour des enfants à la maison.
Je suis tout à fait d'accord avec Lindsay. Il faut aider les enfants pour qu'ils puissent rester chez eux. Il faut réorienter les services pour accroître la capacité des familles plutôt que de dépenser des millions de dollars pour envoyer les enfants à l'autre bout du pays. Nous devons rendre les familles plus fortes plutôt que de briser la dynamique familiale.
Je crois qu'il y a de bons exemples de réussite qui commencent à faire surface, comme Bella Bella — vous en avez probablement entendu parler —, qui réoriente les jeunes vers la terre, la collectivité et l'unité familiale. Les avantages associés au renforcement de l'unité familiale sont évidents.
Je dois parler de ma propre expérience de survie. Lorsqu'on ma retirée de ma communauté de Beaver Lake pour m'emmener jusqu'en Colombie-Britannique, ce qui m'a permis de garder les pieds sur terre, d'avancer et d'avoir des rêves, c'est que les familles qui m'ont accueillie m'ont toujours soutenue dans ma quête pour connaître ma famille. Je crois que ce lien est un facteur de réussite. Je le vois quand je me compare à mes frères et soeurs, qui ont tous été retirés du foyer, et qui n'ont pas été encouragés par leurs familles d'accueil à retourner dans leur famille naturelle. On peut voir des différences marquées dans la façon dont ils ont été affectés par le système.
Je vous remercie de vos excellents exposés. J'ai ce genre de discussions avec les gens de ma circonscription. Je viens du nord de la Saskatchewan. Je suis députée de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill.
Récemment, dans ma circonscription, trois enfants de 12 à 14 ans se sont suicidés. J'ai discuté avec d'autres médecins, des médecins autochtones et des infirmières dans la circonscription, du besoin de pertinence culturelle pour ces enfants qui sont retirés de leur famille et de leur collectivité.
Jusqu'où devons-nous aller pour faire valoir l'importance d'apporter les changements à la source? Nos jeunes souffrent. Nos familles souffrent. Nous le voyons tous les jours. Nous avons du mal à trouver des médecins et des infirmières adaptés à notre culture. La province a du mal à s'adapter au concept de pertinence culturelle.
Comment pouvons-nous veiller à poursuivre le travail à l'échelle nationale en vue d'adopter des approches communautaires adaptées sur le plan culturel?
Je voudrais en parler, monsieur le président.
Une des recommandations que j'ai faites dès le début... Je crois fermement en cette organisation. La Canadian Indigenous Nurses Association fait partie de la solution. Nous sommes sur la ligne de front. Nous voyons ces enfants dans les cliniques de vaccination. Nous les voyons lors des visites à domicile.
Nous n'avons pas beaucoup de soutien. Pour l'instant, nous mettons l'accent sur le traitement dans le cadre... Personnellement, je trouve que nous misons trop sur le traitement. Nos infirmières en santé communautaire se concentrent sur ce domaine, ce qui fait que la promotion de la santé relève de nous. Nous devons assurer le retour des infirmières dans le système scolaire et dans la communauté. Je crois que les compressions...
J'aimerais vous raconter l'histoire d'une petite fille — du nom de Cassey — que j'ai rencontrée au Yukon. C'est un cas que je trouve très saisissant. Comme je l'ai dit, je reconnais que je suis une survivante. Notre famille travaille beaucoup sur la guérison. Quand j'étais dans la communauté à Whitehorse il y a quelques semaines, j'ai vu une petite fille de neuf ans, tout au plus. Elle jouait dehors, et il se faisait tard. Je l'ai donc réprimandée. Je lui ai dit de rentrer à la maison et je lui ai demandé où était sa mère. J'essayais de jouer mon rôle de porte-parole communautaire. Elle s'est retournée en proférant des injures et m'a fait savoir où aller. Je me suis dit, oh mon Dieu, elle n'a que huit ou neuf ans. J'étais très contrariée.
Rendue à la maison, j'en ai parlé à mon frère et à ma belle-soeur. Comment pouvons-nous aider cette fille? Nous avons parlé de limites, de dynamiques familiales, et tout le reste. Ensuite, mon frère m'a dit: « Je ne sais pas pourquoi tu t'emportes ainsi. Aurais-tu voulu rentrer chez toi si tu avais su que cinq membres de ta famille immédiate s'étaient suicidés dans cette maison ces cinq dernières années? » Cet enfant n'a maintenant que sa mère, qui doit l'élever seule. Ce n'était donc pas étonnant. Cela m'a vraiment touchée.
Quand vous parlez de notre priorité, c'est énorme. Chaque jour, des enfants de huit ou neuf ans sont témoins de tels incidents dans certaines de nos communautés. Si nous n'intervenons pas maintenant, ce... Le suicide est un symptôme de la colonisation, d'un système brisé. Je crois qu'il s'agit d'un état d'urgence, comme vous l'avez tous dit, et c'est pourquoi vous étudiez ce dossier.
Je pense à Cassey, cette fillette de huit ans qui ne veut pas rentrer chez elle et qui se rebelle. Je dois vous avouer qu'en tant qu'adulte, je ne voudrais pas rentrer dans cette maison, mais où d'autre Cassey peut-elle aller?
J'aimerais aborder cette question en m'appuyant un peu sur mon expérience. Je fais ce travail depuis plus de 30 ans.
Je suppose qu'il est important de savoir qu'on ne peut pas régler les problèmes dans un système ou une communauté sans y investir des fonds. Beaucoup de gens croient que la solution consiste à sortir les enfants de la communauté. Ce qu'il faut plutôt faire, d'après mon expérience personnelle, c'est investir dans ces communautés.
D'après ce que j'ai pu observer, lorsqu'une crise éclate, tout le monde est prêt à agir: on envoie une équipe d'urgence dans les communautés pour résoudre le problème, mais une fois la crise passée, tout le monde plie bagage. Je pense qu'il y a quelque chose qui cloche là-dedans.
À mon avis, on doit vraiment envisager d'élaborer des plans à long terme pour les enfants et les gens de la communauté. J'ai vu des cas de suicide chez les plus jeunes comme chez les plus âgés; par conséquent, ce problème ne se limite pas à un groupe d'âge précis. C'est parfois toute la communauté qui souffre des séquelles de ce que notre peuple subit depuis 500 ans.
Il serait immature de penser qu'il y a une solution miracle. Il faut des investissements massifs dans ces communautés. Nous devons nous rendre sur place et parler aux enfants, aux parents, aux adultes, aux aînés. Nous devons mobiliser les gens et entamer un dialogue sur la démarche à suivre.
Selon moi, c'est ce qui fait grandement défaut dans la plupart des cas. Une équipe d'urgence vient sur place. La crise s'atténue pendant un certain temps, puis tout revient à la normale. Mais voilà qu'une autre crise éclate ailleurs, et l'équipe d'urgence s'en va là-bas. Il faut une certaine planification à long terme.
Par ailleurs, nous nous en remettons surtout aux directeurs des services de santé dans les communautés pour s'occuper de ces questions — et j'espère pouvoir parler davantage de ce rôle tout à l'heure. Le directeur des services de santé est le seul intervenant de tout le réseau à se trouver sur place. D'après moi, si nous prenons des mesures concrètes pour répondre aux besoins à long terme des communautés sur le plan de leurs activités sociales, récréatives et de santé, nous commencerons alors à voir des changements dans les comportements des gens.
Il faut donner de l'espoir aux gens. Sans espoir, voilà le genre de situations qui se produisent dans nos communautés, et ce, bien trop souvent. C'est signe que nous ne parvenons pas très bien à donner de l'espoir de façon générale. Je crois que nous devrions tous en avoir honte.
Je vous remercie tous des exposés que vous nous avez faits aujourd'hui. Je suis sûr que les analystes tiendront compte de vos observations dans notre rapport.
Ce qui m'a particulièrement touché, c'est quand Mme Bearskin a parlé de cas où l'on vient retirer l'enfant de la communauté, le privant ainsi de ses liens familiaux et culturels. Cela arrive bien trop souvent. On parle là d'organismes d'aide à l'enfance, et c'est ce qu'ils font depuis de nombreuses années. J'ignore les statistiques exactes, mais j'ai entendu dire à maintes reprises que le nombre d'enfants placés en foyers d'accueil au Canada est aujourd'hui plus élevé que jamais, même par rapport à l'époque des pensionnats. C'est, selon moi, déplorable.
J'aimerais que M. Morrisseau nous en dise plus long sur le rôle du directeur des services de santé au sein de la communauté. Je ne comprends pas de quoi il s'agit. Le directeur s'occupe-t-il d'une seule communauté ou de plusieurs? Pouvez-vous expliquer en quoi consiste son rôle au juste?
Merci beaucoup, Don, pour la question. Je vais faire de mon mieux pour y répondre.
Je peux vous parler de notre région. Pour autant que je sache, le directeur des services de santé est chargé de la santé et du bien-être des membres d'une communauté. Il y a deux ou trois choses que vous devez savoir à ce sujet.
Premièrement, le poste de directeur des services de santé n'est pas payé par le gouvernement du Canada. De nombreuses Premières Nations doivent essayer de mettre en commun leurs fonds afin de créer un tel poste.
Si je ne me trompe pas, cette fonction a été initialement créée aux fins de reddition de comptes. Quelqu'un devait assumer la responsabilité de faire rapport au gouvernement. Mais, au fil des ans, à mesure que nous avons commencé à prendre conscience des écarts épouvantables entre nos résultats en matière de santé et ceux des non-Autochtones, le directeur des services de santé s'est vu confier la tâche d'améliorer ce bilan pour notre peuple. Par conséquent, lorsqu'il se produit quelque chose dans la communauté, nous comptons sur le directeur des services de santé pour nous guider.
Il faut savoir que les directeurs des services de santé ont très peu de ressources à leur disposition. Ils sont là, comme des phares, à accomplir le travail tout seuls: quand un incident survient, quand les choses tournent mal, tout le monde se tourne vers eux pour comprendre ce qui s'est passé. Pourtant, la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits a réduit la formation destinée aux directeurs des services de santé et aux professionnels de la santé en général. Aujourd'hui, le RSC, soit le représentant en santé communautaire, n'offre presque aucune formation, et il s'agit là d'un phénomène généralisé. Laissés à eux-mêmes, les membres de nos communautés doivent essayer de trouver des programmes de formation là où ils le peuvent. Heureusement, il y a des gens comme Marion, qui a établi un programme pour permettre aux directeurs des services de santé d'accéder à la formation.
Le problème qui se pose alors consiste à déterminer d'où proviendront les ressources nécessaires pour que le directeur des services de santé puisse améliorer ses compétences. Il faut comprendre que les choses ne sont plus ce qu'elles étaient il y a 30 ans. Les déterminants de la santé qui touchent notre peuple sont d'une complexité bien différente. Nous voyons l'apparition de maladies chroniques au sein de nos communautés. Nous observons des problèmes de santé mentale. L'alcoolisme n'est plus le seul fléau; il s'accompagne maintenant de troubles bipolaires ou d'abus de médicaments d'ordonnance. On refile tous ces problèmes au directeur des services de santé et on s'attend à ce qu'il les règle, sans aucune formation ni aucune aide. Ensuite, on lui demande des comptes.
Voilà donc la situation que nous observons au sein des communautés des Premières Nations. J'ai déjà été directeur des services de santé. Chaque jour, je passais le plus clair de mon temps à gérer les crises qui se produisaient dans ma communauté. Je n'avais pas le temps de réfléchir à ce que je pouvais faire en matière de planification afin d'améliorer la santé des membres de ma communauté. C'est ce qui se passe dans de nombreuses communautés des Premières Nations et, tant que ces iniquités subsisteront, nous continuerons d'afficher de piètres résultats en matière de santé. Le taux de décès chez nos jeunes sera plus élevé que celui chez les non-Autochtones. Tous ces problèmes persisteront, et on n'a pas besoin de chercher bien loin pour en voir les effets horribles sur la santé des membres de notre communauté. Une personne est là pour remédier à cette situation et, pourtant, nous ne lui offrons aucun soutien.
Dans votre région, qui se trouve dans la partie ouest de ma circonscription, si je comprends bien, on trouve un certain nombre de Premières Nations.
Cette question s'adresse à Marion.
Est-il habituel que les directeurs des services de santé s'occupent d'une zone étendue, c'est-à-dire de plusieurs Premières Nations, ou est-ce que chaque communauté a son propre directeur des services de santé, qui joue le rôle d'expert local chargé de répondre aux besoins communautaires en matière de santé, tant physique que mentale?
Merci de votre question. Je suis contente que vous l'ayez posée.
En ce qui concerne notre organisation, nous examinons le poste de directeur des services de santé en fonction de la communauté. Selon les sources auxquelles on se fie, il y a entre 630 et 650 communautés partout au Canada. La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits a dénombré environ 500 directeurs des services de santé dans l'ensemble du pays, lesquels sont établis dans les communautés. Ensuite, il y a les directeurs qui s'occupent des services de santé de la région tribale. Puis, on passe aux organisations provinciales et territoriales. Le directeur des services de santé remplit un rôle très important au sein de chaque communauté, et c'est lui qui emploie les médecins, les membres du personnel infirmier et tous les travailleurs paraprofessionnels. Vient ensuite le conseil tribal, qui pourrait offrir des services à un certain nombre de communautés dans la région environnante. Cela comprend aussi les centres de traitement. Les directeurs de centres de traitement relèvent, eux aussi, du directeur des services de santé.
Nous n'avons plus de temps pour cette question. Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux questions de cinq minutes. J'inviterai les députés et les témoins à essayer d'aller droit au but pour que nous puissions aborder le plus de sujets possible.
C'est Cathy McLeod qui sera la première à intervenir pour cinq minutes.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à mes collègues de Kamloops. Bien entendu, nous avons reçu M. McCormick il n'y a pas si longtemps. Nous sommes donc très bien représentés dans cette étude.
Je vais d'abord revenir sur les questions liées aux soins infirmiers. Les infirmières peuvent jouer un rôle absolument essentiel, car elles font partie des fournisseurs de soins qui ont tendance à rester dans les communautés au lieu d'y faire des allers-retours par avion.
Au risque de trahir mon âge, j'ai assisté, il y a deux semaines, à la 33e réunion des anciens en soins infirmiers. Le doyen de la faculté des soins infirmiers a déclaré, non sans fierté, que les candidats doivent désormais obtenir 90 % pour être admis aux programmes. Je crois que nous nous sommes tous regardés avec stupéfaction, et nous avons convenu qu'une personne n'a pas besoin d'avoir une note de 90 % pour être une bonne infirmière. En ce qui concerne les jeunes filles et les jeunes garçons dans les communautés autochtones qui veulent faire carrière en soins infirmiers, avons-nous supprimé certains des obstacles? Quatre-vingt-dix pour cent, c'est ridicule, bien franchement.
Bravo, Cathy. Oui, je suis à Thompson Rivers depuis bien peu de temps. J’étais très emballée par l’idée de venir à cette université. Ils ont été très insistants à mon endroit en raison de leur programme de recherche sur la santé des Autochtones.
Si l’on considère toutes les carrières possibles dans le domaine de la santé, je crois que vous avez tout à fait raison. Je suis absolument d’accord avec vous. Nous visons des étudiantes avec des moyennes de 90 %, mais celles qui réussissent le mieux dans les livres ne deviennent pas systématiquement des infirmières de chevet extraordinaires.
Ce que je défends, c’est ce cheminement particulier pour les carrières en santé: il faut commencer dès la 3e ou la 4e année en leur apprenant une certaine terminologie médicale, puis les faire progresser graduellement de manière à ce qu’elles soient un peu mieux informées lorsqu’elles arrivent en 7e année. Les étudiantes doivent apprendre l’anatomie et la physiologie. Il y a une très bonne façon de renforcer cela, et nous pourrions créer une sorte de fil conducteur entre l’école secondaire et les postes en santé. Elles essaient la carrière dans le domaine de la santé pendant 27 semaines. Elles travaillent et prennent soin de leurs familles respectives. Ensuite, elles reviennent et suivent la formation d’infirmière auxiliaire autorisée pendant deux ans. Puis nous déroulons un peu plus le fil conducteur pour les aiguiller sur le programme d’infirmière autorisée et sur le baccalauréat.
Comme vous le savez, Thompson Rivers s’est engagé à créer le premier programme de maîtrise autochtone au pays. Un accent particulier sera mis sur le leadership dans la profession infirmière. Comme je l’ai dit, notre bassin en matière de soins infirmiers autochtones est vraiment une ressource qui n’a pas encore été exploitée. Vous disposez ici d’un savoir-faire pour pallier ce manque. Nous savons que les professionnels de la santé sont les personnes à qui les gens font le plus confiance dans notre communauté. Nos communautés le savent aussi. Nous sommes au chevet des malades, dans les ruelles et à l’arrière des voitures. Nous avons un lien avec nos jeunes. Nous devons commencer à consolider ce pont. Nous devons tirer avantage de ces places réservées et de cet apport en capitaux.
Je sais que l’Université de Thompson Rivers a un programme en santé autochtone. Il était intéressant de visiter certaines communautés d’ici. J’ai demandé aux étudiants pourquoi il n’y avait pas plus d’étudiants autochtones. Ils croient que c’est parce qu’ils ne sont pas assez intelligents. Durant les deux dernières semaines, j’ai parlé à deux ou trois adultes pour essayer de les inciter à s’inscrire au programme d’infirmière auxiliaire autorisée. Il s’agissait d’étudiantes matures, et je me suis servie de ma propre expérience pour les motiver.
J’ai élevé mes quatre enfants toute seule. Dès l’âge de 18 ans, j’ai commencé à étudier en santé et j’ai suivi tous les programmes qu’il y avait à suivre. Je viens tout juste de terminer mon doctorat, en 2014. À l’école, je suis devenue une fournisseuse de soins de santé bien plus efficace parce que j’ai eu la possibilité de naviguer d’un cours à l’autre. En fin de compte, j’ai été plus souvent à la maison pour mes enfants que si j’avais eu à faire des quarts de travail de 12 heures.
Pour moi, c’est une situation rêvée, et je crois que beaucoup de jeunes nous arrivent déjà avec une certaine expérience de vie. Ils savent comment amener leur grand-mère chez le médecin, comment interagir avec les services d’urgence. Dès l’âge de 12 ans, ils savent tout ce qu’il y a à savoir sur les urgences. Très tôt, ils sont capables de se débrouiller avec le système et avec le système de soins de santé. Je crois que nous pouvons tirer profit de ces forces.
Cathy, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé. C’était une question de cinq minutes et nous avons franchi ce cap.
Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Nous apprécions beaucoup cette discussion.
l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada compte 9 000 infirmières et infirmiers. Je présume qu’ils sont tous autochtones.
D’accord. S’il vous était possible de pourvoir tous les postes dans toutes les collectivités autochtones, vous croyez que cela vous prendrait 9 000 infirmières et infirmiers. Est-ce de là que vous tenez ce chiffre?
Ce chiffre de 9 000 a été établi grâce à l’Enquête sur la santé dans les collectivités de 2011. Il correspond au nombre de personnes qui se sont désignées comme étant des infirmières et infirmiers autorisés ou non. Une question de cette enquête demandait d’indiquer si vous étiez autochtone et infirmière ou infirmier autorisé. C’est de là que vient ce chiffre. Je dirais que, pour nous, il s’agit du nombre de membres que nous pourrions atteindre, d’un potentiel.
Sur le plan historique, l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada est perçue comme une base principale où les infirmières et infirmiers peuvent trouver de l’appui de pairs qui sont dans le même état d’esprit qu’eux.
Oui, nous n’avons que 200 membres, et nous ne recevons ni financement public ni financement de base pour nous garder en vie. Nos membres sont tous des infirmières ou des infirmiers autorisés qui travaillent à plein temps. C’est quelque chose que nous faisons en parallèle et de façon bénévole.
Merci.
Marion, vous pouvez peut-être nous aider à ce sujet. Savez-vous combien il y a d’infirmières et d’infirmiers à l’heure actuelle dans les communautés autochtones, et quel pourcentage d’entre eux sont autochtone?
Je vous remercie de me poser la question, mais je crois que Lisa serait mieux placée que moi pour nous dire combien il faudrait d'infirmières autochtones dans l’ensemble du Canada.
Lisa.
Pour ce qui est des seules communautés des Premières Nations, le nombre qu’il faudrait dans chaque communauté pour que ce soit vraiment efficace dépend de la taille de chacune, comme l’a expliqué Marion. Étant donné qu’il y a 655 communautés autochtones des Premières Nations, il faudrait à tout le moins qu’il y ait un réseau de soutien pour faire ce travail, ce qui signifie trois ou quatre infirmières ou infirmiers par communauté. Les besoins sont immenses par rapport à ce que nous pouvons faire et à ce dont nous avons besoin pour le réseau. Si vous avez les chiffres que nous…
Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je ne voudrais pas manquer de temps. Savons-nous combien il y a d’infirmières et d’infirmiers à l’heure actuelle qui viennent en aide aux communautés autochtones?
Non. C’est l’une des questions à laquelle l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada aimerait répondre. Nous aimerions faire un décompte officiel de tous les infirmiers et infirmières autochtones à travers le pays. Ceci n’a jamais été discuté. Même si nous nous adressions à nos entités provinciales, nous ne serions pas en mesure de le savoir, car il n’est pas obligatoire de s’auto-identifier comme praticienne ou praticien.
D’accord.
L’une des questions de tout à l’heure portait sur la formation du personnel infirmier et du financement connexe. Existe-t-il à l’heure actuelle un financement pour la formation de personnel infirmier autochtone?
Un financement est offert par l’intermédiaire d’Indspire. Il s’agit d’un organisme national qui offre de la formation pour les carrières en santé.
Chaque province offre de petites bourses d’études pour appuyer la formation du personnel infirmier autochtone.
Cette année, la Fondation des infirmières et infirmiers du Canada a lancé une vaste initiative dans l’espoir de recueillir 1 million de dollars pour appuyer les infirmières et infirmiers autochtones.
Le seul financement disponible pour les infirmières et infirmiers autochtones est le même que celui qui est offert à n’importe quel étudiant du secondaire d’ascendance autochtone.
D’accord. Il n’y a donc pas de financement particulier prévu à cette fin.
Nous ignorons combien il y a d’infirmières et d’infirmiers. Nous ne savons pas quel pourcentage d’entre eux sont autochtones.
Y a-t-il des écoles dans les collectivités autochtones qui offrent de la formation en soins de santé?
Non, il n’y en a pas. C’est l’une des choses que l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada aimerait développer. La semaine dernière, nous avons parlé à Jane Philpott à propos de la possibilité de mettre en oeuvre un plan décennal pour la création de domaines d’excellence en soins infirmiers autochtones dans chacun des quatre points cardinaux de notre pays. Si nous en avions un dans le Nord, un dans le Sud, un dans l'Est et un dans l'Ouest, nous pourrions faire un travail formidable pour appuyer, recruter et retenir des infirmières et des infirmiers autochtones dans tout le pays.
Je veux remercier nos témoins d'aujourd'hui de leurs exposés et des réponses qu'ils nous donnent.
Je tiens à mentionner que Beaver Lake fait partie de ma circonscription, et que la famille de ma femme vient de Beaver Lake. Je suis donc ravi de vous voir ici, madame Bearskin.
Nous consacrons beaucoup de temps et d'argent au recrutement de professionnels de la santé, mais que faisons-nous pour inciter ces personnes à rester, particulièrement dans les collectivités éloignées?
C'est un phénomène très frustrant, en effet. En tant que présidente, je reçois chaque semaine des appels d'infirmières autochtones qui sont exténuées et à bout de nerfs, et qui déplorent le manque de soutien. Une infirmière est restée dans sa communauté pendant trois semaines d'affilée à prodiguer des soins 24 heures sur 24. Il est évident que nous ne pourrons rien faire pour la garder en poste. L'épuisement professionnel la guette. Il y a un grand manque de soutien communautaire. Je crois que c'est quelque chose que le vérificateur général a souligné lorsqu'il a établi qu’un seul des 45 membres du personnel infirmier visés avait la préparation nécessaire pour travailler dans les communautés et leur champ de compétence. Pour moi, cela montre bien que le système de soins de santé que nous avons développé n'est pas très fonctionnel.
J'aimerais ajouter quelque chose.
Sur le campus de l'université, nous avons un comité pour les étudiants en soins infirmiers autochtones, et l'une des destinations pour les stages pratiques est Hazelton. Je crois que le fait que l'établissement commence à rayonner et à multiplier les stages dans les communautés autochtones éloignées est un bon point de départ.
Merci.
Pour donner un ordre de grandeur, je crois qu'un soutien aux professionnels de la santé autochtones doit être mis en place pour favoriser leur maintien en poste, pas seulement aux niveaux national et régional, mais aussi au sein des communautés elles-mêmes. Les organismes comme l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, l'Association des médecins autochtones du Canada et l'Association des gestionnaires de santé des Premières Nations fournissent le réseau pour maintenir ces personnes en poste dans nos communautés. Des directeurs de la santé de partout au Canada nous ont dit qu'ils auraient aimé que nous soyons arrivés 10 ans plus tôt. Notre organisme n'existe que depuis six ans. Nous avons besoin du soutien d'associations professionnelles. Comme l'a dit Lisa, nous sommes deux organismes qui sont présentement sans financement.
S'il y avait du financement, que feriez-vous pour inciter ces professionnels de la santé à rester? Quelles mesures pourraient, selon vous, changer la donne à cet égard?
Je crois que Lisa aura aussi beaucoup de choses à dire là-dessus.
Il y a une multitude de projets qui peuvent être envisagés pour améliorer le maintien en poste de ces personnes. Nous avons soumis un certain nombre d'entre eux au gouvernement du Canada, qui sont dans la veine d'une ligne d'urgence, comme celles que l'on met en place lors des interventions en cas de crise. Si je suis un directeur de la santé et que je me demande comment rendre compte de la situation, qui vais-je appeler pour m'aider concrètement à remédier aux inégalités en matière de santé dans ma communauté? Je crois que c'est l'un des aspects à prendre en considération et que ce rôle appartient aux organismes nationaux.
On revient au besoin d'équité. D'un côté, il y a des organismes nationaux qui sont soutenus et qui disposent d'un financement de base; de l'autre, il y a deux organismes de prestation de services de santé de première ligne qui n'ont rien.
Nous entendons beaucoup parler des personnes qui vont dans ces communautés rurales et qui les quittent. J'examine l'aspect éducatif des choses. Lorsqu'une jeune décide de se lancer dans le domaine des soins infirmiers, les institutions postsecondaires prévoient-elles une forme de ressourcement spirituel traditionnel?
Je ne peux pas me prononcer au sujet des soins infirmiers, mais je peux vous parler des critères de formation et de certification que notre association professionnelle a mis de l'avant. La formation offerte par l'intermédiaire de l’Association des gestionnaires de santé des Premières Nations veille à incorporer la culture entourant les pratiques particulières des gens de nos communautés. C'est notre raison d'être. Nous avons analysé le contexte dans l'ensemble du Canada et nous avons constaté qu'il y a effectivement une multitude d'universités qui enseignent l'administration des affaires et l'administration des services de santé. Il n'y a cependant personne au pays qui est en mesure d'élaborer un programme qui parle de la gouvernance dans nos communautés et qui tient compte de toutes les questions de compétences qui caractérisent nos communautés tout en respectant la médecine occidentale et en incorporant nos connaissances traditionnelles. C'est une chose que nous célébrons et dans laquelle nous nous retrouvons.
Je crains que ce soit tout le temps que nous avons. Avec cette dernière question, il ne nous reste plus de temps pour les deux groupes d'experts non plus.
Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui: Marion Crowe et Calvin Morrisseau de l'Association des gestionnaires en santé des Premières Nations, ainsi que la Dre Lisa Bourque Bearskin et Lindsay Jones, de l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada. Merci beaucoup des témoignages sincères et réfléchis que vous nous avez livrés aujourd'hui. Ils seront assurément d'une grande aide pour nos travaux futurs.
Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes avant de passer à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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