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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 115 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 juin 2018

[Énregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Nous sommes au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Nous étudions la question des soins de longue durée dans les réserves. Nous entendrons aujourd'hui des témoins par vidéoconférence. Je souhaite la bienvenue à tous.
    Avant de commencer, nous tenons à reconnaître que nous siégeons en territoire algonquin non cédé, ici au Parlement d'Ottawa, que nous pensons à la vérité et que nous sommes engagés dans un processus de réconciliation.
    L'examen des services dispensés par le gouvernement fédéral fait partie de ce processus, de même que l'étude des domaines que nous devons aborder. Nous voulions donc profiter de vos conseils et de votre sagesse dans cette entreprise.
    Notre façon de procéder consiste à vous donner la possibilité de présenter un exposé d'au plus 10 minutes. Nous passerons ensuite aux témoins suivants pendant 10 autres minutes, puis les membres du Comité, ici à Ottawa, auront des questions à poser.
    Je crois savoir que nous entendrons deux groupes, la Première Nation de Loon River et l'Association des infirmiers et infirmières autorisées de la Colombie-Britannique.
    Cela vous semble-t-il sensé?
    Je vais vous demander de contrôler vous-mêmes votre temps de parole. Autrement, il vous suffira de jeter un coup d'oeil de temps en temps. J'essaierai de vous indiquer le nombre de minutes qui restent et de vous signaler le moment où vous aurez à mettre fin à votre exposé.
    Nous allons d'abord entendre les représentantes de la Première Nation de Loon River. Allez-y.
    Je voudrais tout d'abord, au nom de notre chef, de notre conseil, de nos aînés, de nos bénéficiaires de soins à domicile et des membres de la collectivité, vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous adresser au Comité relativement au projet de soins de longue durée dont nous nous occupons.
    Je vais commencer par vous donner quelques détails sur notre collectivité. La Première Nation de Loon River est une collectivité semi-isolée ayant une population d'environ 650 personnes. Nous vivons près du hameau de Red Earth Creek.
    Loon River est propriétaire de six sociétés qui constituent une entité distincte. Nous progressons constamment dans nos efforts visant à devenir une nation économiquement autonome. Loon River fait partie du Conseil tribal de Kee Tas Kee Now, ou KTC, qui compte six nations membres. Nous occupons une position centrale dans le territoire géographique de KTC. Chacune des quatre autres nations se trouve à environ 45 minutes de route de chez nous.
    La Première Nation de Loon River s'est fixé l'objectif global de construire et d'exploiter, dans la réserve, une installation autorisée de soins continus pouvant répondre aux besoins des nations membres de KTC et accueillir des pensionnaires des collectivités voisines. L'installation permettrait aux membres de KTC de recevoir des soins à un endroit commode proche de leur collectivité et de leur famille et de bénéficier de services respectueux et culturellement adaptés. Cela ajouterait très certainement à la qualité de vie de ceux et celles qui ont besoin de soins continus.
    Nous voulons avoir un établissement qui permette à nos clients âgés et à nos autres clients des soins à domicile qui en ont besoin de recevoir des soins près de chez eux. Nous croyons que l'existence d'un tel établissement dans notre zone géographique est absolument essentielle pour la santé et le bien-être des membres de notre collectivité qui ont un handicap ou une maladie chronique à un moment donné de leur vie. L'accès à ce genre d'établissement proche du domicile aura des effets bénéfiques pour les clients et leur famille. Nous avons un certain nombre d'aînés qui vivent dans des établissements situés à une distance pouvant atteindre 262 kilomètres, dans une communauté mennonite allemande.
    Notre projet de soins de longue durée a commencé en 2013. Le Fonds d'intégration des services de santé avait invité les collectivités à présenter des déclarations d'intérêt visant l'élaboration d'un modèle durable de soins continus pour les Premières Nations, qui permettrait de dispenser un continuum ininterrompu de services de santé et de soutien. Loon River a saisi l'occasion et a présenté une lettre d'intérêt. Nous envisagions d'avoir notre propre établissement de soins de longue durée dans la réserve ou à proximité et de l'ouvrir aux nations membres de KTC ainsi qu'à d'autres collectivités voisines.
    Nous étions conscients du fait que notre projet était peut-être un peu extravagant, mais nous sommes quand même allés de l'avant et avons été choisis parmi d'autres collectivités pour commencer à explorer les possibilités de concert avec le Fonds d'intégration des services de santé. Depuis, de nombreuses tentatives ont été faites pour associer les différents ordres de gouvernement — local, provincial et fédéral — au projet. L'accès à des fonds gouvernementaux est nécessaire afin de faire de ce rêve une réalité pour les nations membres de KTC.
    Nous avons réalisé une étude de faisabilité et avons établi un plan d'affaires. Nous avons écrit au ministre de la Santé du gouvernement précédent, Stephen Mandel, ainsi qu'à la ministre actuelle, Sarah Hoffman. Nous n'avons pas reçu de réponse.
    Nous avons un comité de direction composé de deux membres représentant le chef et le conseil, d'un membre représentant les ressources humaines et le personnel d'administration, d'un aîné, de deux soignants, de la directrice des services sociaux de KTC et de la directrice des services de santé. Nous avons sollicité l'appui de la province et avons essayé de trouver au moins deux personnes pouvant siéger au comité pour nous aider à réaliser ce projet. Nous n'avons pas réussi à le faire.
    Pour ce qui est la situation actuelle, la nation de Loon River est assez particulière parce que ses services de santé et ses services sociaux sont réunis dans un seul département. Nous dispensons des soins à domicile et des services communautaires comprenant des soins infirmiers et des soins personnels donnés par une aide-soignante.
    Nous avons aussi des services assurés par le Programme d'aide à la vie autonome d'Affaires autochtones Canada. Nous avons accès au programme provincial d'aide aux aînés ayant des besoins spéciaux, qui couvre différentes dépenses des aînés, y compris les rénovations du domicile. Nous avons aussi eu recours au programme de modifications destinées à faciliter l'accès au domicile, qui aide les personnes ayant des problèmes de mobilité, pourvu qu'elles répondent aux critères d'admissibilité. Le recours à de nombreux programmes administrés par différents ministères et ayant de rigoureux critères d'admissibilité est toujours difficile.
(1535)
    Nous considérons qu'il est prioritaire d'avoir un établissement proche du domicile, qui ait un personnel autochtone pour dispenser tous les services nécessaires à nos clients ayant besoin de soins continus. Le placement dans un milieu étranger impose de grandes contraintes à nos clients des Premières Nations. Les établissements urbains présentent non seulement des obstacles de langue, mais aussi des difficultés culturelles. Tout cela joue un rôle dans la détérioration rapide de la santé des membres des collectivités des Premières Nations lorsqu'ils sont placés dans des établissements urbains de soins de longue durée ou dans une résidence-services.
    Le fait de vivre à proximité de la famille est important pour les gens des Premières Nations. La distance joue un grand rôle lorsqu'un client est placé hors réserve, à un endroit où les membres de sa famille ne peuvent pas lui rendre visite. Les autres obstacles comprennent les temps d'attente, les sources de financement et les politiques provinciales et fédérales s'appliquant aux établissements de la réserve. De plus, il y a déjà des années, Affaires autochtones et du Nord Canada avait décrété un moratoire sur les nouveaux projets d'immobilisation relatifs aux soins continus. Cela a largement contribué à la liste toujours beaucoup plus longue d'obstacles.
    Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé. Je cède maintenant la parole à la directrice des services de santé de KTC, Kirsten Sware.
(1540)
    Je vous remercie de nous avoir donné la possibilité de nous adresser au Comité.
    Je ne dispose que de quelques minutes pour ajouter quelques observations à l'exposé de Beverly. Je représente le conseil tribal. Beverly vous a donné un aperçu de ce que la nation de Loon River a cherché à faire relativement aux soins de longue durée à dispenser dans la réserve. Après cinq ans de travail, nous n'avons abouti à rien du tout. Je crois que nous avons donc besoin d'examiner les obstacles et les perspectives qui existent, de même que nos réalités.
    J'ai eu l'occasion de lire quelques-uns des exposés qui vous ont été présentés. Même s'il est vrai qu'il y a dans la réserve quelques installations qui s'efforcent de répondre aux besoins des membres, nous ne disposons d'aucun capital désigné. Nous avons désespérément besoin de résidences-services et d'installations pouvant dispenser des soins complexes complets et accueillir nos clients venant des réserves. Pour préparer la réunion d'aujourd'hui, nous avons notamment discuté de la nécessité de vous faire expliquer qui a besoin de soins de longue durée et pourquoi.
    J'ai également noté en consultant des documents antérieurs que vous souhaitez disposer de statistiques et de données et que vous vous interrogez sur la possibilité d'y accéder. Ces données ne sont pas officiellement disponibles, comme vous l'avez probablement découvert.
    Je crois qu'il y a ensuite lieu d'examiner les chiffres et de se demander pourquoi nous avons des gens qui ne reçoivent pas de soins. Je dirais que c'est parce que les soins ne correspondent pas à nos besoins et ne sont pas dispensés là où nous le souhaitons. Nous voulons que ces soins soient donnés au bon endroit et au bon moment. Nous voulons qu'il y ait des soins au niveau communautaire et qu'ils soient culturellement adaptés à la vie de nos collectivités, de nos familles et de nos familles étendues ainsi qu'à la façon dont nous nous entraidons. Malheureusement, les politiques et les programmes sont parfois contraires à cette philosophie ou à cette vision holistique des choses.
    C'est tout ce que j'ai à ajouter pour le moment. Nous avons rédigé un mémoire que nous vous avons fait parvenir. Je sais que nous l'avons envoyé assez tard, et je m'en excuse, mais vous pouvez quand même y trouver d'autres renseignements pouvant vous être utiles dans votre travail.
    Oui, nous avons votre mémoire. Il est utile.
    Nous allons maintenant passer aux témoins suivants, après quoi les députés auront la possibilité de vous demander plus de détails ou de vous interroger sur un sujet particulier.
    La parole est maintenant à Tania Dick, qui représente l'Association des infirmiers et infirmières autorisées de la Colombie-Britannique.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Je vous remercie de m'avoir invitée.
    J'ai vraiment ressenti de l'enthousiasme lorsque j'ai appris que cette discussion était engagée et que la question était à l'ordre du jour. Je sais, après avoir écouté les derniers témoins, que la discussion dure depuis un certain temps déjà. Essayer de régler du mieux possible les problèmes que connaissent nos aînés chez eux à cause de l'inaction qui règne a été vraiment frustrant, probablement depuis quelques générations.
    Je suis une infirmière autorisée, une infirmière praticienne. Comme présidente de l'association des infirmières de la province, je défends particulièrement les services de santé dispensés aux Autochtones. Je siège également aux réunions du chef et du conseil, et je fais partie du conseil tribal où je m'occupe des questions de santé dans notre milieu rural. J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine où l'inaction a engendré beaucoup de frustration. J'ai donc été heureuse d'entendre les témoins qui m'ont précédée.
    Lorsque je pense aux soins de longue durée dans nos collectivités des Premières Nations, je vois immédiatement les choses de mon point de vue d'infirmière. Nous travaillons comme infirmières pour que les gens puissent rester chez eux le plus longtemps possible dans les meilleures conditions possible. Très souvent, cela nous impose de compter sur une équipe communautaire et sur le personnel d'un établissement de soins aigus. Chez moi, dans la collectivité rurale d'Alert Bay, petite île d'environ 1 500 habitants répartis presque également entre réserve et hors réserve, nous avons la chance d'avoir sur place un hôpital financé par la province. Je travaille dans le domaine des soins aigus. L'hôpital a une salle complète de traumatologie et des lits de soins de courte durée aux urgences, ainsi que 10 lits dans une section multisoins. L'établissement a été construit sur la base de discussions avec la collectivité, c'est-à-dire la Première Nation de Namgis. Avec le temps, c'est la province qui a fini par exploiter ces services. De ce fait, nous ne pouvions plus utiliser ces lits pour nos gens. Nous avons dû accepter qu'ils deviennent des clients ordinaires comme tous les autres citoyens de la province, de sorte que sur les 10 lits, il n'y en a actuellement que trois qui soient occupés par des locaux, ce qui est assez élevé par rapport à ce que je vois d'habitude. Je travaille là depuis six ans.
    Nous devons très souvent envoyer nos gens dans un hôpital hors réserve, qui peut se trouver à des centaines de kilomètres de distance. Une fois, nous avons dû envoyer quelqu'un dans une autre province jusqu'à ce qu'il soit possible de lui trouver un lit et de le faire revenir. Cela est vraiment difficile pour le patient et sa famille car, comme Autochtones, nous tenons beaucoup aux relations personnelles et avons besoin d'être proches de notre famille.
    À titre d'infirmière praticienne, j'ai suivi une formation au niveau de la maîtrise. Au départ, je m'occupais des soins de santé primaires dans des collectivités autochtones. Ma mère, qui est une survivante des pensionnats indiens, est tombée gravement malade. Les choses en sont arrivées au point où les services de santé communautaire et de soins aigus… Elle a dû quitter le village pour aller à Alert Bay. Je l'ai suivie car, seule, elle n'était qu'une laissée-pour-compte. Par suite de cette situation et comme il n'y a pas de place pour une infirmière praticienne à Alert Bay, j'ai fini par perdre mon permis d'exercer. Le manque de services, le manque de places et l'impossibilité pour elle de vivre chez elle en sécurité m'ont beaucoup affectée sur le double plan personnel et professionnel. Ces obstacles ont eu des effets sensibles sur ma famille et sur ma vie professionnelle.
    Dans l'île où je travaille, les conflits de compétence constituent pour moi le plus grand problème. L'île est littéralement scindée en deux. Nous faisons des rondes tous les matins avec les infirmières en santé communautaire et les médecins. Parfois, l'équipe de santé mentale se joint à nous venant d'un autre endroit. Nous discutons tous les matins des plans de soins, des membres de la collectivité et de la meilleure façon de les servir. Les infirmières engagées par la bande ne peuvent pas desservir nos gens qui vivent hors réserve. Il se trouve que ma mère fait partie de ces gens car, du point de vue géographique, l'église était venue s'établir sur un grand terrain juste au milieu de la réserve. Comme ce terrain appartient à l'église, ma mère ne vit plus, en principe, dans la réserve et n'a donc plus accès aux services. C'était un grand obstacle qui a fait d'elle une laissée-pour-compte. Dans ces conditions, il n'était plus sûr de la laisser chez elle dans la collectivité. J'ai dû rentrer à la maison pour m'occuper d'elle.
    Nous avons essayé de nous adapter le mieux possible. En toute franchise, j'ai beaucoup d'estime pour les infirmières. Elles essaient, dans toute la mesure du possible, d'assouplir les règles, mais les conflits de compétence peuvent créer un environnement dangereux pour nos aînés et pour l'ensemble de la collectivité parce que les infirmières n'ont pas la possibilité de faire abstraction des domaines de compétence. Il en est de même pour les infirmières provinciales en santé communautaire qui dispensent des services partout dans l'île.
(1545)
    Toutefois, elles ne viennent qu'une fois par semaine et, très souvent, une fois toutes les deux semaines sinon une fois par mois. Elles doivent prendre le traversier de 9 heures pour venir et celui de 15 heures pour repartir. Le temps de s'asseoir et de faire des rondes, il ne leur reste en réalité qu'une heure ou deux à consacrer aux soins à domicile pour aider des gens à rester chez eux en sécurité le plus longtemps possible avant d'être obligés d'aller dans un établissement de soins de longue durée.
    L'autre grand problème que je remarque tout le temps est celui de la relève. Nous travaillons très, très fort dans nos collectivités pour essayer de créer des capacités et de soutenir les familles pour que les gens puissent rester chez eux en sécurité le plus longtemps possible. Toutefois, cela occasionne constamment de l'épuisement chez les soignants. La situation est tellement difficile pour les membres de la famille. Il n'y a ni services ni soutien pour les personnes qui portent le fardeau. Nous n'avons pas de lits de relève dans notre hôpital. Quand quelqu'un nous amène une personne pour un répit d'une semaine, de cinq jours ou de trois jours parce qu'il a rendez-vous chez le médecin ou doit aller quelque part, nous sommes obligés d'envoyer la personne dans un établissement extérieur qui a officiellement un lit de relève et qui peut se trouver à une centaine de kilomètres de distance. Cela est difficile tant pour le patient que pour la famille.
    Le problème que je note dans le cas des aînés et des gens qui ont besoin de soins de longue durée, c'est que les services infirmiers et les services dispensés par les professionnels de la santé ne correspondent pas aux besoins. Je crois que le groupe qui m'a précédée a aussi abordé ce point. La composition des services n'est pas adaptée aux besoins des gens. Par exemple, le Programme de soins infirmiers des Premières Nations et des Inuits est plus ou moins axé sur les soins aux bébés, la vaccination, le traitement des blessures et différentes autres choses. Il n'est vraiment pas conçu pour le genre de soins de longue durée, les maladies chroniques et les situations critiques qui caractérisent nos gens, ce qui impose un lourd fardeau aux infirmières.
    Lorsque nous parlons d'aînés, je pense à ma mère et à sa propre mère, qui est maintenant décédée. Ma mère est une survivante des pensionnats indiens. Les aînés qui l'ont précédée sont ceux qui se sont fait enlever leurs enfants. En ce qui concerne la composition des services et les plans de soins, qu'il s'agisse de les admettre dans des établissements de soins de longue durée ou de les empêcher d'y aller, nous n'intervenons pas du tout. Quand le système n'est pas conçu pour affronter cet énorme problème de santé mentale — j'ai apprécié, au début de la réunion, qu'on ait mentionné le fait que nous travaillons en faveur de la réconciliation —, les difficultés sont presque insurmontables. Nous devons cerner le problème dans le système de soins de santé parce qu'il ne marche plus. Très souvent, cette génération et celle qui l'a précédée…
    J'appartiens à la première génération qui a suivi les pensionnats indiens. Le traumatisme intergénérationnel existe bel et bien. Ce que j'ai ressenti d'une façon générale, c'est que les gens n'ont plus confiance. Ils craignent beaucoup de choses et ont certainement de la difficulté à accéder aux services ou à se faire admettre dans les établissements. Je suis sûre que cela les affecte. Ils essaient dans la mesure du possible de les éviter, de sorte que leur état devient critique. Nous devons alors intervenir pour essayer de les réanimer ou de les remettre sur pied pour qu'ils puissent continuer à vivre en sécurité.
    J'ai l'impression que nous sommes pris dans un cercle vicieux. Nous devrions aborder la situation sous de multiples angles. La RNBC — c'est l'association pour laquelle je travaille actuellement — vient de faire un relevé de toutes les désignations d'infirmières. Les infirmières auxiliaires autorisées, les infirmières psychiatriques autorisées, les infirmières praticiennes et les infirmières autorisées ont toutes la possibilité de contribuer. Lorsqu'on considère la composition des services de santé des Premières Nations et des Inuits, des services provinciaux et des infirmières en santé communautaire, on constate que les infirmières auxiliaires et les infirmières psychiatriques sont très sensiblement sous-utilisées ou ne sont pas utilisées du tout. Quand nous parlons de réconciliation, de survivants des pensionnats indiens, de mieux-être et de santé mentale, nous ne devons pas perdre de vue que nous n'utilisons même pas nos infirmières psychiatriques qui ont reçu une formation spéciale pour intervenir dans ces domaines. Nous devons vraiment déterminer la composition des fournisseurs de services dans les établissements de soins de longue durée pour savoir s'il faut y admettre les gens, les éviter ou encore maintenir les gens le plus longtemps possible chez eux.
    J'espère avoir respecté la limite de temps.
(1550)
    Vous arrivez au bout de votre temps de parole. Il vous reste 20 secondes.
    Très bien. Je vais m'arrêter là.
    Je crois que vous avez réussi à retenir l'attention des membres du Comité. Je suis sûre qu'ils auront des questions à vous poser.
    Le député Mike Bossio sera le premier à le faire.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie toutes de votre participation et de votre témoignage. Vos exposés ajoutent à la valeur de ce que nous ont dit les témoins précédents. Ce sont les témoignages personnels qui nous touchent tous profondément et qui nous aident à trouver des moyens de faire avancer notre étude.
    Nous n'avons pas encore entendu parler directement jusqu'ici de l'état mental des employés des établissements de soins de longue durée et des travailleurs de la santé qui oeuvrent dans ce domaine. Pensant en particulier aux infirmières et aux travailleuses en soins de longue durée, comment avez-vous géré le problème de la santé mentale des membres de votre association et des travailleuses de vos collectivités?
    J'aimerais avoir des réponses des deux groupes.
    La semaine dernière justement, je venais de mon établissement où nous essayons de créer des capacités en ville pour que plus d'Autochtones locaux puissent travailler avec les groupes. Les pertes que nous déplorons dans notre établissement sont…
    Nous venions juste de mener ce grand combat en Colombie-Britannique au sujet d'un projet de loi sur l'état de stress post-traumatique qui ne prévoit aucune participation des infirmières. Beaucoup de membres du personnel ont tenu des discussions sur les effets d'une telle mesure et sur la façon dont la santé mentale et le mieux-être sont touchés dans le cas de ces fournisseurs de services. Indépendamment du rôle qu'on assume, qu'on soit aide-soignante, infirmière psychiatrique, infirmière autorisée ou chauffeur d'ambulance, ces pertes et le fardeau qu'elles imposent…
    Nous voyons ces gens arriver à l'hôpital dans un état critique. Ils essaient d'éviter l'hôpital aussi longtemps qu'ils le peuvent car, le plus souvent, ils n'ont pas confiance dans ces établissements. Nous faisons d'importants efforts dans ce domaine à l'interne parce que je n'ai pas l'impression que nous recevrons de l'aide des services de santé provinciaux. En Colombie-Britannique, nous relevons de la Régie de la santé des Premières Nations. Cela ne se fait pas encore. Je sais qu'on en parle, mais il reste encore beaucoup à faire. Je constate un roulement constant dans notre personnel parce que les gens sont épuisés et ne veulent tout simplement plus assumer ce fardeau.
(1555)
    À vous, Loon River.
    Monsieur le député Mike Bossio, je suis chargée de vous répondre.
    Je suis infirmière en santé communautaire et en soins à domicile. Je ne travaille pas pour un établissement de soins de longue durée, mais nous avons les mêmes problèmes parce que nous avons individuellement affaire à des patients et que nous pouvons perdre un client après l'avoir servi pendant 10 ans. Nous avons dans nos établissements des psychologues qui viennent en général chaque semaine. Cela est utile si nous pouvons avoir accès à eux, mais il nous arrive très souvent de réprimer nos sentiments lorsque nous perdons des clients.
    Nous affrontons le problème individuellement et parfois en groupe. En effet, certaines collectivités n'ont qu'une seule ou deux personnes qui s'occupent des soins à domicile, font les visites, etc. Nous formons donc une toute petite équipe. À certains endroits, il n'y a sur place la plupart du temps qu'une seule infirmière ou aide-soignante. Nous travaillons en équipe. C'est ainsi que nous nous soutenons mutuellement, mais nous allons voir le psychologue lorsque nous avons une perte à déplorer.
    J'avais quelque chose à ajouter à ma question. Tandis que nous travaillons pour la réconciliation, comment pouvons-nous veiller à ce que le système des soins de longue durée le fasse aussi? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour assurer de meilleurs soins psychiatriques?
    Tania, vous en avez parlé dans votre exposé. Comment pouvons-nous mieux faire dans ce domaine?
    Je crois que cela tient à la composition des équipes que nous avons. Lorsqu'on considère les services de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits ou ceux de la Régie de la santé des Premières Nations, c'est-à-dire les fournisseurs fédéraux de soins de santé aux collectivités, je crois que ces systèmes n'ont pas changé suffisamment pour utiliser pleinement toutes les catégories d'infirmières ou de membres de groupes interprofessionnels. Je n'ai pas l'occasion ou la possibilité d'aller voir un psychologue quand les choses vont mal. Pourtant, près de 9 personnes sur 10 qui viennent me voir font plus ou moins partie de ma famille. Cela influe sensiblement sur mon état et mon bien-être mental car, si je dois les réanimer, etc., c'est vraiment difficile. Bref, il y a beaucoup d'épuisement et beaucoup de roulement.
    Ce n'est donc pas seulement l'effort physique et les heures de présence, il y a aussi le stress émotionnel, n'est-ce pas? C'est presque un cas de stress post-traumatique parce que vous avez affaire à des membres de votre famille. Vous êtes en situation de crise aussi bien au moment même que par la suite.
    Oui. L'une des recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation était de former davantage d'infirmières autochtones et d'augmenter le nombre et la capacité des fournisseurs de soins. Si le système n'est pas en mesure de protéger le personnel dans ce genre de situation, nous courons à l'échec. Notre façon de faire les choses ne peut que faire du tort à ces travailleuses.
    Cela découle partiellement du point de départ de cette discussion. Les témoins ont dit au Comité que les soins de longue durée dispensés dans les réserves doivent « habiliter » les Autochtones et entraîner l'adoption de nouveaux modèles holistiques de soins en créant des capacités institutionnelles conformes aux normes de santé et intégrant dans les pratiques de soins occidentales les formes traditionnelles de connaissance, de guérison et de médecine.
    Quel genre d'aide faut-il fournir pour que les collectivités autochtones puissent concevoir et dispenser des services de santé tenant compte des connaissances, de la médecine et des pratiques de guérison traditionnelles et puissent donc remédier à certains de ces problèmes de santé mentale? Je sais que beaucoup des pratiques culturelles autochtones de guérison sont axées sur le mieux-être.
    Il vous reste environ 45 secondes.
    Je vais vous raconter une petite histoire. À mon hôpital, je préconise depuis un certain temps l'adoption d'aliments traditionnels dans la section des soins de longue durée. J'en ai parlé aux experts nationaux en diététique. Ils ne nous permettent même pas d'apporter du saumon, de la viande de wapiti ou n'importe quoi d'autre. Nous devons nous conformer à leurs politiques. Nos aliments traditionnels sont de vrais remèdes pour nos gens, mais nous n'avons pas le droit de les utiliser. Cela nous rend fous.
(1600)
    Loon River, auriez-vous aussi quelques brefs commentaires à ce sujet?
    Oui. Je vous remercie.
    Il faudrait rapprocher les études secondaires de la maison et les intégrer dans nos installations. Nous devons pouvoir instruire nos gens. Ces connaissances ne leur viendront de nulle part ailleurs.
    Très bien.
    Merci beaucoup à toutes.
    C'est maintenant au tour de la députée Cathy McLeod.
    Je vous remercie toutes deux de vos exposés d'aujourd'hui, que j'ai trouvés très intéressants. Comme vous comparaissez par vidéoconférence, je voudrais noter que nous avons dans notre auditoire, ici à Ottawa, toute une classe d'infirmières venant de Colombie-Britannique. J'ai été heureuse de voir ces jeunes étudiantes en sciences infirmières qui sont venues s'informer ici des défis et des perspectives qui les attendent.
    Ma première question est pour Tania.
    Il y a 10 ans, je me souviens d'une situation où il y avait une infirmerie du gouvernement fédéral juste à côté d'une infirmerie de la Régie de la santé. Les infirmières des collectivités autochtones avaient reçu une formation en immunisation, mais pas celles de la Régie de la santé. L'infirmerie provinciale envoyait quelqu'un à l'extérieur pour deux bébés, je crois, qui avaient besoin d'un vaccin. J'ai trouvé absurde que les conflits de compétence occasionnent d'énormes frais. En toute franchise, c'était du gaspillage pur et simple.
    Ayant raconté l'histoire de votre mère, vous nous dites qu’en réalité, la situation n'a pas changé. Étant optimiste, j'avais espéré qu'avec l'établissement de la Régie de la santé des Premières Nations, il y aurait davantage de souplesse en matière de compétence. Pouvez-vous me dire si la situation s'est améliorée d'une façon quelconque ou si ces énormes conflits de compétence se manifestent toujours au détriment de la collectivité? À votre avis, qu'est-ce que le Comité peut recommander au gouvernement à cet égard?
    Je suis infirmière depuis 13 ans. Ma mère aussi était infirmière. Je crois que, dans cette période de 13 ans, les problèmes de compétence se sont maintenus. Ils ne sont pas aussi graves qu'ils l'étaient quand j'ai commencé. Je dois aussi dire, à la décharge de la Régie de la santé des Premières Nations, qu'on n'a pas encore fini de transformer la prestation des services infirmiers.
    Je sais que des discussions se poursuivent et que la Régie collabore étroitement avec les autorités provinciales de la santé. J'ai des sentiments mitigés en ce qui concerne les changements qui se produisent et les pressions qui s'exercent en faveur du changement, mais, oui, il y a encore des problèmes.
    Quant à ce qu'il conviendrait de recommander, je crois que les autres provinces et territoires du pays n'ont pas comme nous le privilège de voir la Régie de la santé des Premières Nations passer par cette étape de transformation.
    Pour ce qui est de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, je n'ai jamais travaillé pour cette organisation fédérale ni participé à des discussions avec elle. Je ne sais pas à quelle fréquence elle réexamine la situation.
    Pour moi, les services dispensés aux collectivités des Premières Nations se conforment à un certain modèle: « Nous sommes ici, et c'est ainsi que nous ferons les choses. » Il n'y avait aucune discussion, aucun dialogue, aucune négociation, aucune évaluation des besoins. La situation est la même depuis des générations. Elle a peut-être légèrement évolué avec le temps, mais je crois que des changements beaucoup plus importants sont nécessaires. Si nous visons une pleine habilitation, si nous voulons être maîtres de notre propre santé, nous devons pouvoir dialoguer avec quiconque dispense ces services.
    Est-il exact de dire qu'il s'agit en réalité de la capacité d'affronter le changement, par opposition à… Dans le passé, il y avait les limites et les règles du gouvernement fédéral. Si une infirmière chargée de dispenser des soins dans la réserve ne peut pas s'occuper de votre mère, est-ce parce que le changement nécessaire ne s'est pas produit, même si les obstacles ne sont plus là? Est-ce la raison?
    Du côté des politiques, les obstacles sont encore là, mais nous, infirmières, n'appliquons pas strictement les règles. Nous nous adaptons. Nous en parlons entre nous: « Oh, elle vit dans la réserve? Oh, elle vit hors réserve? » S'il y a interdiction, nous essayons d'autres moyens. Nous faisons preuve d'imagination dans l'exercice de notre profession pour contourner les obstacles. Nous fermons les yeux sur certaines choses.
    La Régie de la santé des Premières Nations peut-elle prendre une décision? Je devrais plutôt demander si la régie peut décider que le financement des services suit le patient.
    Je l'espère. J'aimerais certainement qu'elle joue un grand rôle dans ce dialogue parce que je pense que les autres provinces et territoires observent le déroulement de cette initiative et veulent bien faire les choses dès la première fois, sans avoir à réinventer la roue. Ils souhaitent collaborer dans tout le pays pour trouver les moyens d'éviter les erreurs initiales.
(1605)
    Je vous remercie.
    J'aimerais maintenant bavarder quelques instants avec nos témoins de Loon River.
    La motion sur laquelle se fonde notre étude parle de soins palliatifs et de la possibilité de les dispenser soit en établissement soit à domicile. Le ministère nous a dit que les services infirmiers à domicile sont donnés du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures, ce qui ne convient pas du tout dans le cas des soins palliatifs. Est-ce le cas chez vous en ce qui concerne l'aide offerte le soir et la fin de semaine aux personnes qui ont choisi de mourir à la maison?
    Oui.
    Oui, c'est bien le cas. Je vous remercie de votre question.
    Nous pouvons donner des soins du lundi au vendredi, entre 9 heures et 17 heures. Je sais que des témoins qui ont précédemment comparu devant le Comité vous ont dit que le budget 2017 prévoyait une augmentation du financement pour les soins à domicile, les soins palliatifs et peut-être pour des séances d'ergothérapie. Une fois le montant national réparti, je peux vous dire que, pour nos cinq collectivités et une population de 5 000 personnes, notre budget a augmenté d'environ 50 000 $. J'ajouterai que dans le Nord, à cinq heures d'un centre urbain, un montant de 50 000 $ réparti sur une vaste zone géographique qui n'a pas de services spécialisés ne mène pas très loin.
    Nous offrons encore des services du lundi au vendredi, entre 9 heures et 17 heures. L'élément palliatif des soins est surtout assumé par les membres de la famille avec le soutien, du lundi au vendredi, de notre personnel qui fait bien plus que son devoir en répondant à des textos jour et nuit, même les jours de congé et de vacances. C'est cela, notre réalité.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à la députée Rachel Blaney.
    Je vous remercie toutes pour votre participation.
    Je voudrais commencer par une question à la nation de Loon River. Je représente une circonscription qui compte de nombreuses collectivités rurales éloignées. Je connais vraiment les problèmes qui se posent quand on est loin de tout et qu'on veut accéder à des services.
    Vous avez dit que lorsqu'il faut desservir une vaste région, avec beaucoup de gens dispersés un peu partout, il est quasiment impossible de répartir une petite somme qui est attribuée. Pouvez-vous nous parler pendant quelques instants des défis que doivent affronter les collectivités rurales et isolées lors de la distribution des fonds? Quelles sont les incidences? Arrive-t-il souvent — je le crois personnellement — que les collectivités rurales et isolées soient négligées?
    Je vous remercie, madame la députée Blaney. Je vais répondre brièvement à la question.
    L'argent arrive tel qu'il a été attribué. Différentes formules sont appliquées pour calculer un montant de base, puis pour tenir compte des facteurs d'éloignement et d'isolement. Toutefois, quand on compare ce qu'il est possible de faire avec 50 000 $ dans une région isolée du Nord par rapport à une région qui se trouve à une heure de la ville d'Edmonton, on constate une grande différence.
    Comme Tania l'a mentionné, il faut faire preuve de beaucoup d'imagination. De plus, il nous est très difficile en pratique de trouver des professionnels qui acceptent de travailler dans une région semi-isolée du Nord. Ce n'est pas un endroit très recherché, de sorte que très peu de gens sont disposés à venir y travailler.
    Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, Tania. Je suis heureuse de vous rencontrer.
    Bonjour, Rachel.
    J'espère que tout va merveilleusement bien chez vous.
    Quelques témoins nous ont dit que nous devons envisager le principe de Jordan d'une façon différente. Quand on parle de conflits de compétence, je connais bien le problème. Pour les collectivités autochtones, l'une des difficultés réside dans la définition du domicile: chez moi, c'est chez moi. Ainsi, si on vit quelques pâtés de maisons plus loin et qu'on veuille obtenir de l'aide… Nous devons vraiment nous occuper de cet aspect. Je me demande donc si vous pouvez nous parler du principe de Jordan et nous expliquer pourquoi il est important d'insister sur le service, quitte à déterminer plus tard les sources de financement.
    Il a été très intéressant d'observer la mise en oeuvre du principe de Jordan. Travaillant dans un système qui n'est pas vraiment conscient de la situation, cela nous a amenés à penser autrement à la question de l'accès. Dans l'ensemble de la société, quand il s'agit des disparités qui se manifestent dans le domaine de la santé autochtone, on trouve une importante leçon dans l'esprit ou le fondement du principe de Jordan. Débarrassons-nous des frontières et donnons les soins nécessaires plutôt que de renvoyer des gens chez eux ou de les négliger. Nous nous occuperons des détails plus tard.
    Je ne sais pas si j'ai autre chose à ajouter. Le principe de Jordan a eu un profond effet sur mon travail lorsque j'ai vu que d'autres professionnels de la santé ont de la difficulté à le comprendre, à le décomposer et à en saisir pleinement l'objet.
    J'entends trop souvent d'autres professionnels dire que c'est juste une autre aumône, un autre avantage au lieu de bien examiner le fond de la question, d'adopter un esprit de réconciliation pour la démêler et de considérer les choses sous l'angle de la sécurité culturelle, afin de comprendre que chacun mérite d'obtenir les soins dispensés à tous les autres.
(1610)
    Je crois que votre exemple illustre bien la situation. Surtout dans les collectivités rurales et éloignées, cette question ne touche pas seulement les Autochtones. Elle concerne les services disponibles, les personnes qui peuvent y accéder et les raisons pour lesquelles des obstacles existent encore. Je vous remercie d'avoir su exprimer tout cela.
    Je connais assez bien votre région. Je sais que vous siégez au conseil tribal. L'une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler, c'est l'accès au financement des établissements de soins de longue durée, surtout dans le cas des collectivités autochtones. Pouvez-vous nous parler de l'ampleur des besoins, notamment dans les collectivités éloignées? À quel point est-il difficile d'amener plusieurs nations à s'entendre sur l'emplacement d'un établissement?
    C'est un énorme défi car, dans le conseil tribal dont je relève, les réserves sont géographiquement très dispersées. Comme quelqu'un l'a déjà dit, je crois, chez moi, c'est chez moi. Si je me trouve à Kingcome, je suis chez moi. À Alert Bay, c'est un peu différent. À Port McNeill, c'est très différent. Il serait difficile de s'entendre sur l'emplacement idéal pour construire un établissement de soins de longue durée.
    C'est pourtant une chose dont nous avons désespérément besoin, qu'on considère les différents niveaux de prestation des soins ou qu'on pense strictement aux soins de longue durée. Le besoin d'assistance chez soi est énorme dans nos collectivités. Il y a tant de gens qui viennent sans nécessité aux urgences et dans les établissements de soins aigus, occupant inutilement des lits. Cela est extrêmement coûteux parce que ces gens peuvent être soignés dans un environnement sûr comme celui d'une résidence-services ou obtenir des soins d'un autre niveau, comme les soins de longue durée, quand ils ne peuvent pas rester chez eux en toute sécurité.
    Je suis infirmière en soins aigus et en urgences. Je consacre beaucoup trop de mon temps à la gestion de maladies chroniques et de problèmes qui coûtent 10 fois plus que ce qu'ils auraient dû coûter.
    Nous en sommes aujourd'hui à la dernière demi-heure des trois séances et demie que nous consacrons à cette étude, mais je pense que nous devrions poursuivre notre travail beaucoup plus longtemps. Devant d'autres témoins, l'un des membres du Comité a proposé une motion pour prolonger la durée de l'étude. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est tellement important que nous examinions la situation d'une façon plus complète et de quelle façon cela profiterait à des collectivités comme la vôtre?
    C'est une affaire complexe, surtout s'il faut l'examiner dans une optique de réconciliation et compte tenu des traumatismes que les peuples autochtones et les survivants des pensionnats indiens ont subis. Nous avons désespérément besoin de cette étude parce que notre accès aux services est insuffisant, qu'il s'agisse de soins palliatifs, de gestion de maladies chroniques ou de soins aigus, et ce n'est pas par choix, c'est plutôt parce que les systèmes existants n'assurent pas cet accès. Nous devons voir les choses sous les deux angles.
    Si nous n'allons pas au fond des choses, si nous n'engageons pas une discussion complète, nous n'aurons pas l'impact nécessaire et ne réussirons pas à susciter l'action dont nos collectivités ont besoin partout dans le pays. Nous devons aller fouiller en profondeur. Je crois qu'une vaste discussion est absolument indispensable si nous voulons influencer la qualité de vie de la génération présente et des générations suivantes.
    Tania, merci beaucoup pour tout votre temps. Nous l'apprécions beaucoup.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour du député Gary Anandasangaree.
    Merci, madame la présidente. Je remercie aussi nos témoins de leur participation.
    Je vais commencer par les représentantes de Loon River. Pouvez-vous nous parler du modèle actuel de prestation de soins de longue durée à Loon River? Répond-il ou non aux besoins de la collectivité?
    Deuxièmement, quels sont les principaux problèmes que doivent affronter assez souvent les membres de la collectivité? Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer pour combler les lacunes?
(1615)
    Nous n'avons pas de soins de longue durée dans la collectivité. Bien sûr, c'est une chose que nous souhaitons avoir un jour. Nous ne disposons pas du capital qu'il faudrait pour dispenser ces soins dans notre collectivité.
    Comme je l'ai déjà dit, Loon River occupe une position centrale parmi les nations membres de KTC. Les autres nations membres appuient la création d'un établissement dans notre région. À l'heure actuelle, nous disposons des soins continus que Santé Canada nous fournit pour les soins à domicile, mais, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous n'avons pas de soins de longue durée, même si nous avons des infirmières et des aides-soignantes.
    Je voudrais ajouter qu'une fois le financement nécessaire obtenu, nous aurons besoin d'un continuum de soins. Nous devons en tenir compte en étudiant le projet que nous avons entrepris.
    Je ne sais pas si c'est le bon moment, mais je voudrais remercier le député Arnold Viersen pour la lettre de soutien qu'il nous a adressée il y a quelques mois, en réponse aux lettres que nous avions envoyées aux ministres de la Santé. Merci, Arnold.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Oui, je vous remercie.
    Je m'adresse aux représentantes de Loon River. Je crois savoir que vous avez actuellement un important programme de traitement du diabète qui offre des services aux femmes enceintes, aux jeunes et à l'ensemble de la collectivité. De quelle façon dispensez-vous actuellement ces services? Quel modèle de prestation avez-vous adopté?
    Deuxièmement, comment le programme a-t-il été élaboré? Comment votre modèle peut-il être étendu à d'autres domaines tels que les soins de longue durée ou les soins palliatifs?
    Je n'en suis pas sûre. Nous avons dans la collectivité des programmes pour le diabète, la santé maternelle et infantile et la nutrition prénatale. Nous les créons en recourant à des membres de nos collectivités, à qui nous donnons une certaine formation pour développer leurs capacités. Ils peuvent ainsi jouer un rôle de prévention.
    Toutefois, dans le cas des soins de longue durée, comme nous n'en avons pas, nos clients qui en ont besoin finissent par être dirigés vers des établissements hors réserve. Nous devons alors faire des démarches auprès de la province. Nous travaillons en équipe, mais nous ne pouvons rien faire pour ces clients car, une fois admis aux soins de longue durée, ils ne font plus partie de la réserve.
    Madame Dick, pouvez-vous nous dire si votre organisation a conçu des programmes, comme des modules de formation psychosociale et autres, pouvant aider les infirmières à dispenser des soins dans les collectivités autochtones?
    Notre association ne l'a pas fait directement. On peut trouver beaucoup de modules un peu partout en Colombie-Britannique. La plupart des régies de la santé imposent aux infirmières de suivre une formation en compétences culturelles. Beaucoup des réserves que j'ai visitées ont adopté à cet égard des politiques d'une forme ou d'une autre. Elles achètent ces services des régies de la santé. Elles recourent aux services provinciaux à cause de la grande qualité de leur programme. Le problème, c'est que, même si le programme est obligatoire — vous devez faire ceci si vous voulez occuper ce poste —, personne n'en surveille l'application. J'en ai parlé à 12 infirmières, dont huit n'avaient même pas jeté un coup d'oeil au programme. Personne ne s'en occupe vraiment.
    Il y a donc beaucoup de programmes, et c'est la même chose dans les autres provinces et territoires.
    À votre avis, quel serait l'organisme le plus indiqué pour assurer cette surveillance? Est-ce l'association des infirmières? Le registraire? Un autre organisme?
    Personnellement, j'ai toujours recommandé de confier ce travail à l'organisme de réglementation, c'est-à-dire aux gens qui nous délivrent nos permis d'exercer. Cela fait partie des exigences d'obtention du permis: lorsque nous signons pour confirmer que nous nous réglementons nous-mêmes, nous avons l'obligation d'être culturellement compétentes, mais cette exigence n'est pas mise en vigueur. Dans certains cas, elle n'existe même pas.
    Parmi les programmes que vous avez actuellement, savez-vous si certains ont été élaborés de concert avec des collectivités des Premières Nations?
    Oui, c'est le cas pour tous les programmes. Les résultats sont excellents.
    Les représentantes de Loon River ont expliqué comment le programme de traitement du diabète a été créé en fonction des besoins de la collectivité et de l'information obtenue des gens. Je vois cela de plus en plus au cours de mes déplacements.
    Lorsque les responsables établissaient eux-mêmes les programmes et disaient aux gens « Voici ce que nous avons fait pour vous », il n'y avait jamais de résultats. Les gens ne se présentaient même pas à leurs rendez-vous.
(1620)
    L'une des choses que nous avons souvent entendues au cours d'autres études — et nous l'entendons certainement dans le cas de celle-ci — est qu'il est très difficile de recruter et de garder les professionnels de la santé d'origine autochtone, et surtout les infirmières. Pouvez-vous nous donner une idée des trois principales mesures que nous devrions prendre pour améliorer la situation et donner du soutien aux personnes qui s'intéressent aux sciences infirmières?
    J'ai appris, en parcourant la province, que la parité salariale constitue le plus important critère à cet égard. Les infirmières engagées par les bandes ont un salaire sensiblement inférieur à celui des infirmières syndiquées qui travaillent pour les régies de la santé ou pour la province. L'écart peut atteindre 20 ou même 30 %.
    De plus, du point de vue de la sécurité, il s'agit souvent de collectivités où on ne peut se rendre qu'en avion et où l'infirmière qui accepte le poste doit travailler toute seule. Elle ne peut jamais confier une partie de ses tâches à quelqu'un d'autre et doit se limiter à son propre champ de pratique. Très souvent, les infirmières des collectivités autochtones n'ont pas reçu la formation nécessaire pour travailler dans des régions isolées. Elles ont un certificat en immunisation et d'autres titres exigés par les politiques locales, mais elles doivent affronter des urgences pour lesquelles elles ne sont pas préparées et ne peuvent pas dire non. Nous ne sommes pas…
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant au député Arnold Viersen.
    Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue à nos témoins, et particulièrement aux représentantes de Loon River, collectivité que je connais bien.
    La plupart de mes questions s'adressent à nos témoins de Loon River. J'ai participé aux journées de célébration de l'été dernier. J'avais alors été frappé par le respect que la collectivité témoigne à ses aînés. J'ai vu que les places d'honneur leur avaient été réservées au dîner et j'ai constaté que toute la collectivité semblait s'être ralliée autour d'eux.
    Je m'interroge sur les soins de longue durée. Vous avez noté qu'un seul membre de la collectivité recevait ces soins, hors réserve, je suppose. De quelle façon la collectivité prend-elle actuellement soin de ses aînés? Quels facteurs culturels interviennent à cet égard? Je sais que hors réserve, ce sont en général les enfants qui s'occupent le plus souvent de leurs parents âgés jusqu'à ce qu'ils aillent dans une résidence pour aînés. Comment les choses se passent-elles dans les réserves? Les soins sont-ils donnés par les enfants ou par l'ensemble de la collectivité? Y a-t-il une grand-mère qui s'occupe en particulier des personnes âgées? Comment tout cela est-il organisé?
    Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont les choses se font, particulièrement à Loon River, mais aussi d'une façon plus générale dans toute la région de Kee Tas Kee Now?
    Merci, monsieur le député Arnold. Nous sommes heureuses de vous voir.
    C'est aussi un plaisir de vous revoir.
    C'est le travail de toute la collectivité, exactement comme dans le cas des enfants. Nous apprécions beaucoup nos aînés. Chez nous, leurs besoins sont prioritaires, comme ceux de nos enfants. Nous avons été heureux de vous voir à nos journées de célébration.
    Pour revenir à votre question, je voudrais mentionner notre programme d'aide à la vie autonome parce que beaucoup de familles prennent soin de leurs aînés. L'été dernier, en juillet, j'ai retiré ma mère de l'établissement de soins de longue durée où elle se trouvait pour la prendre chez moi. C'est là qu'elle vit maintenant. Étant moi-même infirmière psychiatrique autorisée, je m'occupe d'elle tout en m'acquittant de mes fonctions. Je paie quelqu'un qui prend soin d'elle pour pouvoir garder mon emploi.
    Beaucoup de familles s'occupent de leurs membres âgés: mère, père, ainsi que kokum et nimosom, c'est-à-dire grand-mère et grand-père. Toutefois, la politique actuelle d'aide à la vie autonome ne permet pas, dans sa forme actuelle, de subventionner les familles qui s'occupent des leurs. C'est un peu injuste parce que les membres de la famille qui le font ne peuvent pas travailler. Certains doivent démissionner pour prendre soin d'un parent âgé. La règle qui nous empêche d'indemniser les familles n'est vraiment pas juste. Bien sûr, ces gens font partie de la famille, mais il arrive qu'ils soient obligés de recourir à l'aide sociale. Certains ne veulent vraiment pas le faire, mais il arrive qu'ils n'aient pas le choix parce que le financement du programme d'aide à la vie autonome est tellement limité. J'ajoute que les critères d'admissibilité à l'aide sont assez restrictifs.
    Les choses ne vont vraiment pas bien pour nous en ce moment. Par conséquent, la bande a mis sur pied un programme qu'elle finance elle-même pour répondre aux besoins des gens qui doivent s'occuper d'un parent âgé. Le financement est interne car nous ne pouvons obtenir de l'aide de nulle part. Voilà ce que nous sommes obligés de faire pour répondre actuellement aux besoins de nos aînés.
(1625)
    Je sais que Loon River est tout près de Red Earth Creek où vivent un certain nombre d'aînés qui auront aussi besoin de soins dans un proche avenir. Pouvez-vous envisager de collaborer avec cette collectivité?
    Cela serait possible. Nous l'avions d'ailleurs prévu dans notre étude de faisabilité relative à l'établissement dont nous rêvons maintenant, mais que nous souhaitons concrétiser. Cet établissement desservirait non seulement les nations membres de KTC, mais aussi le hameau de Red Earth et d'autres collectivités voisines situées au nord de chez nous. Nous sommes très ouverts à l'idée. Notre étude de faisabilité avait montré qu'il serait plus avantageux d'avoir un établissement ouvert plutôt qu'un établissement réservé aux nations membres de KTC.
    Oui, nous collaborons avec Red Earth. Nous invitons les résidants à profiter des services que nous avons, auxquels ils peuvent accéder au centre de santé, en allant par exemple y voir un médecin. Ils viennent ici consulter le médecin toutes les semaines. Nous communiquons et collaborons déjà avec eux, même maintenant. Nous allons jusqu'à partager des activités avec eux, par exemple à l'occasion de la fête des pères. Nous les invitons et les associons à nos activités. Ils font aussi la même chose pour nous.
    Très bien.
    La parole est maintenant au député Danny Vandal.
    Je voudrais tout d'abord remercier les témoins de leurs excellents exposés.
    Ma première question est adressée à la Première Nation de Loon River.
    D'après votre exposé, un centre de santé a ouvert en 2000. J'aimerais savoir comment il a été financé et de quelle façon les services dispensés sont répartis entre les autorités compétentes. Pouvez-vous me donner un aperçu de la situation?
    Le financement de nos programmes de santé vient de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits. Cela comprend les soins infirmiers et tous nos autres programmes, comme les soins à domicile, la santé publique et tout le reste.
    Le centre est intégralement financé et exploité par le gouvernement fédéral.
    Intégralement? Cela comprend-il le capital et le fonctionnement?
    Oui.
    Si vous aviez une suggestion à faire pour améliorer les services du gouvernement fédéral, quelle serait-elle?
    Je crois que cela rejoint l'étude que votre Comité est en train de mener sur les soins continus dans la réserve parce que notre but ultime est d'avoir un jour un établissement chez nous. Il servirait tous nos…
    Parlez-vous d'un établissement de soins de longue durée?
    Oui, mais je dirais, comme les autres témoins qui ont pris la parole aujourd'hui, qu'on ne peut pas considérer les soins de longue durée comme un service à part. Ce n'est que l'un des éléments d'un continuum de soins. Plus nous déploierons d'efforts au départ, moins nous aurons besoin de soins de longue durée.
    La prévention est essentielle.
    Je vous remercie.
    Il serait également possible d'envisager d'étendre nos services à domicile et nos services de soutien pour être en mesure de les offrir un peu plus que du lundi au vendredi entre 9 et 17 heures.
    Merci beaucoup.
    Quand on a besoin de soins, ce n'est pas seulement de 9 à 5 en semaine, n'est-ce pas?
    Merci beaucoup de votre participation. C'est tout le temps dont nous disposons. Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions et de nous avoir permis de mieux comprendre la situation. Meegwetch, merci.
    Nous allons faire une petite pause, après quoi nous reprendrons la séance à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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