Madame la présidente Mihychuk, madame la vice-présidente McLeod, monsieur le vice-président Saganash, messieurs et mesdames les membres du Comité, mesdames et messieurs les représentants et chers invités, je suis le chef national Robert Bertrand du Congrès des Peuples Autochtones.
Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui et je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin.
[Français]
Les enseignements et la sagesse de nos ancêtres sont essentiels pour guider notre travail et nos discussions d'aujourd'hui.
[Traduction]
Je souhaite féliciter le député Romeo Saganash du NPD de son dévouement et de sa persévérance quant à la promotion du projet de loi C-262 et j'aimerais applaudir le gouvernement libéral d'avoir accordé son plein soutien à un projet de loi crucial. Le fait d'inscrire les principes établis dans la Déclaration des Nations unies dans le droit canadien est un pas de géant vers la réconciliation et la protection des droits individuels et collectifs de la personne de tous les peuples autochtones au Canada.
Depuis plus de 47 ans, le Congrès des Peuples Autochtones s'évertue à défendre les droits et les besoins des Autochtones hors réserve, autant les Indiens inscrits que les Indiens non inscrits, des Métis et des populations inuites du Sud, dont la majorité vit en milieu urbain, dans des collectivités rurales et dans les régions éloignées. Le Congrès des Peuples Autochtones est aussi le porte-parole national de ses 11 organismes provinciaux et territoriaux affiliés, qui nous permettent de voir directement quels sont les priorités et les besoins des personnes que nous servons.
[Français]
D'un océan à l'autre, les affiliés provinciaux et territoriaux du Congrès des peuples autochtones jouent un rôle de premier plan quand il s'agit de nous fournir un accès direct aux besoins et aux intérêts de nos concitoyens.
[Traduction]
Depuis que le Canada a donné son plein appui à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, notre peuple s’interroge sur ce que cela veut dire, sur les impacts de la Déclaration et sur l’avenir qui les attend à présent. Au cours de la même période, nous avons aussi constaté les efforts déployés par le Canada pour faire avancer la réconciliation, comme la mise en œuvre des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et l’établissement d’une nouvelle relation avec les peuples autochtones fondée sur la reconnaissance et la mise en œuvre des droits autochtones.
Nous sommes citoyens de ce pays et nous en sommes venus à reconnaître qu’une véritable réconciliation, entre tous les peuples autochtones, les Canadiens non autochtones et tous les ordres du gouvernement, est nécessaire pour que nous puissions aller de l’avant tous ensemble. Malheureusement, il semble que le gouvernement a choisi d’adopter une approche axée sur la différence et n’a étendu ses efforts qu’à une partie des cinq organisations autochtones nationales qu'il reconnaît, en ce qui a trait à la nouvelle relation entre le Canada et les peuples autochtones et à sa vision pour la réconciliation.
Sous l’apparence de la réconciliation, cette approche révèle clairement la volonté du gouvernement fédéral de simplifier ses interactions politiques avec les peuples autochtones, ce qui est susceptible de créer une culture d’exclusion, de division et d’inégalité. On pourrait même aller jusqu’à dire que cette approche perpétue la concurrence que se livrent les groupes autochtones, les collectivités et les familles pour obtenir des avantages sociaux, politiques et économiques. À l’instar de la Loi sur les Indiens, qui a établi les critères d’admissibilité définissant les Indiens inscrits comme étant les seuls véritables Autochtones au Canada à toutes fins de politique publique, le Canada continue de justifier cette relation axée sur l’exclusion par des politiques publiques et des lois.
Qui sont les Indiens non inscrits? Voilà une question que le gouvernement fédéral continue de poser. Il s’agit d’une catégorie identitaire créée de toutes pièces par le gouvernement qui a été, essentiellement, imposée de force aux Autochtones. Selon le recensement de 2016, les Indiens non inscrits — environ 232 000 Autochtones — représentent près du quart des Premières Nations au Canada.
Beaucoup de nos membres sont sceptiques; ils ne croient pas que la Déclaration ou le projet de loi aura un impact important, étant donné que leur voix a été largement ignorée sur la scène politique et dans l'élaboration des politiques les visant de façon concrète.
Il va sans dire que les droits inhérents établis dans la Déclaration des Nations unies ne sont ni exclusifs ni limités aux Indiens inscrits ou aux peuples autochtones reconnus par le gouvernement fédéral qui vivent dans les réserves, par exemple dans l'Inuit Nunangat ou la colonie de la Rivière-Rouge.
Le Canada doit cesser de prendre des décisions unilatérales au nom des Indiens non inscrits et des Autochtones vivant en milieu urbain. Ce genre de pratique va directement à l'encontre des droits fondamentaux de la personne prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nos mandants sont les citoyens canadiens les plus vulnérables et les plus marginalisés de tous les citoyens canadiens. Le gouvernement continue de les oublier, tout comme on les oublie dans les lois. En 1972, le secrétaire d’État du gouvernement du Canada avait présenté au Cabinet une note confidentielle selon laquelle le Canada était parfaitement au courant du fait que les Métis et les Indiens non inscrits étaient exposés à beaucoup plus de discrimination et de troubles sociaux que les autres citoyens canadiens et qu'ils étaient les plus désavantagés de tous. Les conditions dans lesquelles ils vivaient étaient jugées intolérables selon les normes de la société canadienne. Maintenant, plus de 45 ans plus tard, nous devons nous demander pourquoi la situation n’a pas changé.
Pendant des années, les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada ont refusé d’admettre qu’ils exerçaient une autorité législative sur les Métis et les Indiens non inscrits. Le gouvernement fédéral s’est justifié en citant le paragraphe 91(24) de la Constitution, disant qu’il ne lui était pas permis d’intervenir, et les gouvernements provinciaux, pour leur part, ont déclaré que la question relevait du fédéral. La Cour suprême du Canada a même déclaré que bon nombre de Métis et d’Indiens non inscrits « se retrouvent donc dans une sorte de désert juridique sur le plan de la compétence législative, situation qui a des conséquences défavorables importantes et évidentes ». Le juge Michael Phelan a reconnu que le fait, d’être privés des programmes, des services et des avantages non tangibles que tous les gouvernements reconnaissent comme étant nécessaires, avait causé des dommages collatéraux à un grand nombre de Métis et d’Indiens non inscrits.
En 1999, le CPA a tenté de régler directement une impasse sur un sujet crucial en lançant une poursuite judiciaire; c'est l'affaire Daniels c. Canada. Le 14 avril 2016, après une lutte judiciaire de 17 ans, la Cour suprême a rendu une décision unanime dans cette affaire. Elle a déclaré que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens visés au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce jugement historique est venu confirmer que le Canada est responsable, en vertu de la Constitution, du sort des Métis et des Indiens non inscrits, et qu'il entretient avec eux, tout comme avec les Indiens inscrits, une relation de nature fiduciaire. Le gouvernement a, en outre, le devoir de les consulter et de négocier avec eux au sujet de questions les concernant.
Dans l'arrêt Daniels de la Cour suprême, la juge Rosalie Abella a déclaré ce qui suit:
À mesure que le rideau continue de se lever sur l’histoire des relations entre le Canada et ses peuples autochtones, de plus en plus d’iniquités se font jour et des réparations sont instamment réclamées. Bon nombre de ces révélations ont donné lieu à des politiques et à des mesures législatives prises de bonne foi, mais la liste des désavantages pour les peuples autochtones demeure obstinément longue. Le présent pourvoi représente un autre chapitre dans la quête de réconciliation et de réparation à l’égard de ces relations.
L'arrêt Daniels, combiné à l'application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien, a le potentiel de transformer la relation entre le Canada, les Métis et les Indiens non inscrits et d'aider à façonner le cadre de nos futures relations, y compris la nouvelle loi qui va reconnaître et mettre en oeuvre les droits des Autochtones et aidera le gouvernement à tenir ses engagements à l'égard de la réconciliation avec les peuples autochtones.
Cela fait maintenant deux ans depuis l'arrêt de la Cour suprême, et le Canada n'a toujours rien fait par rapport à l'arrêt Daniels dans ses interactions avec le CPA. Notre organisation, et, par extension, les voix des Métis et des Indiens non inscrits, continuent d'être exclus des discussions cruciales que tient le gouvernement du Canada et qui peuvent avoir un impact sur nos droits et sur la vie de nos mandants.
Aux termes du projet de loi , le gouvernement fédéral devra prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les lois canadiennes sont en harmonie avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et développer un plan national à cette fin en discutant et en coopérant avec les peuples autochtones.
Voilà qui conclut mon exposé aujourd'hui.
[Français]
Merci beaucoup. Meegwetch.
:
Merci, madame la présidente. Je vous souhaite bonjour, à vous, aux vice-présidents et aux honorables membres du Comité ici présents.
Je tiens tout spécialement à saluer Mme Yvonne Jones, que je connais très bien, puisqu'il s'agit de ma députée ainsi que d'une lointaine parente. Nous nous connaissons, étant donné que nous sommes tous les deux Autochtones canadiens. Nous connaissons nos familles respectives ainsi que leurs histoires, leurs amours, leurs désirs et leurs besoins. On oublie parfois ce détail particulier, le fait que les gens des nations autochtones sont très proches. C'est un fait important qu'il faut garder à l'esprit lorsque nous discutons de questions importantes pour nous.
Je m'appelle Todd Russell. Je suis Inuit, et fier de l'être. Je représente aujourd'hui le Conseil communautaire de NunatuKavut ainsi que les Inuits du Sud.
Avant tout, je veux souligner que nous nous trouvons sur les territoires ancestraux non cédés du peuple algonquin. C'est une phrase qu'on entend couramment. Pour certains, ce ne sont peut-être que de simples mots, mais c'est un fait, qui a un sens profond que l'on retrouve en partie dans le projet de loi .
D'une part, il est important de reconnaître ce fait, mais il est tout aussi important, d'autre part, de savoir avec qui on discute. Lorsque je m'adresse à vous, je m'adresse à vous au nom des Inuits du Sud, et cela vient colorer la façon dont j'aborde le projet de loi C-262. NunatuKavut veut dire « notre terre ancestrale ». C'est le territoire des Inuits du Sud qui vivent principalement dans les régions du Sud et du Centre du Labrador. Notre peuple vit sur ses terres ancestrales depuis bien avant l'arrivée des premiers Européens. Comme en ces temps reculés, et malgré des siècles de colonisation, il existe toujours un lien étroit entre nous, la terre, la mer et la glace du NunatuKavut, notre territoire.
Même si nous n'avons jamais cédé nos droits sur notre terre ni nos titres de propriété, le gouvernement du Canada n'a jamais pleinement respecté nos droits, et il n'a pas non plus respecté ses obligations constitutionnelles de reconnaître et de protéger ce que nous sommes et le territoire que nous occupons. On a souvent fait fi de nos préoccupations au profit des projets d'exploitation des ressources sur notre territoire, et, après des décennies d'efforts, nous nous attendons encore que le gouvernement du Canada accepte enfin notre revendication aux fins de négociation.
Le projet de loi est une occasion pour nous de nous défaire de cette relation coloniale et d'inscrire nos droits territoriaux dans une loi afin qu'ils soient reconnus et protégés.
Regardons tous ensemble l'objet du projet de loi .
Je veux remercier M. Romeo Saganash, député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, d'avoir déposé ce projet de loi. Ce projet de loi vise à assurer l'harmonie de toutes les lois fédérales avec les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, comme cela est décrit à l'article 4 du projet de loi.
Mais, concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? En décembre 2017, M. Saganash a fourni quelques précisions sur l'objet du projet de loi en recommandant qu'il soit renvoyé au Comité. Voici ce qu'il a dit:
Le projet de loi C-262 nous permettrait aussi de commencer à redresser les torts et les injustices du passé qui ont été infligés aux Autochtones. C'est le principal objectif du projet de loi C-262, c'est-à-dire de reconnaître, d'un côté, qu'il s'agit de droits de la personne, et de l'autre, de commencer à redresser les injustices du passé qui ont été infligés aux Premières Nations du Canada.
Le cadre législatif que je propose avec le projet de loi C-262 fait partie des mesures que nous pouvons prendre pour faciliter la réconciliation. Je n'ai pas besoin de rappeler aux députés que le monde a les yeux tournés vers nous.
Même si nous appuyons le projet de loi et ses objectifs, une grande incertitude plane toujours sur ses effets concrets et la façon dont sa mise en oeuvre va toucher les Inuits que je représente. Nous doutons également que les mesures prévues dans le projet de loi soient suffisantes aux fins de la reconnaissance, de la protection et de la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones. Malgré tout, il est encourageant de voir que le gouvernement du Canada est en faveur du projet de loi.
Je veux souligner ce que Mme Yvonne Jones, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada, a dit en faveur du projet de loi lors de la deuxième lecture. Voici:
Le projet de loi C-262 propose d'amorcer un dialogue et d'élaborer un plan d'action pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration. Une telle approche serait cohérente avec d'autres processus en cours, y compris l'examen de lois, de politiques, de pratiques de fonctionnement et de mécanismes bilatéraux permanents qui sont en place.
Il est clair que l'objectif du gouvernement est de favoriser le dialogue, de faciliter tout le processus et de promouvoir un plan d'action visant à assurer l'harmonie des lois canadiennes avec la Déclaration des Nations unies et que les lois canadiennes soient, concrètement, en harmonie avec les engagements pris par le Canada à l'égard de la Déclaration.
Il y a encore beaucoup à faire à ce chapitre, des choses qui seront irréalisables sans collaboration. Les Premières Nations de tout le Canada doivent être des partenaires et participer aux discussions sur les grandes modifications législatives et stratégiques qui vont avoir un effet profond sur les Autochtones. Les Inuits du NunatuKavut doivent participer au processus et être traités d'égal à égal par le gouvernement fédéral.
Le projet de loi doit aussi être examiné à la lumière des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, lesquels concernent directement la Déclaration. À dire vrai, le projet de loi a été élaboré en réaction directe à l'appel à l'action no 43. Le gouvernement fédéral s'est engagé sans ambiguïté à mettre en oeuvre ces appels à l'action, et la mise en oeuvre de la Déclaration est un élément crucial de ce processus.
La Commission de vérité et réconciliation voit la réconciliation comme le fondement des relations. Voici le premier des 10 principes de la Commission: « La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est le cadre pour la réconciliation à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société canadienne. »
Selon moi, ce projet de loi ne sera pas efficace tant qu'il n'y aura pas de plan détaillé pour sa mise en oeuvre. Pour paraphraser le grand chef Willie Littlechild, l'un des artisans de la Déclaration et l'un des auteurs du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, pour atteindre ces objectifs, nous devons avoir une vision claire, une voie bien tracée et un plan cohérents.
Quelle incidence aura le projet de loi C-262? Je trouve important de souligner que le projet de loi C-262 ne crée aucun nouveau droit pour les Autochtones. Les droits des peuples autochtones établis dans la Déclaration existent déjà dans le droit canadien; il s'agit de droits inhérents, reconnus et confirmés par l'article 35 de la Constitution.
Cependant, le projet de loi C-262 crée une obligation positive selon laquelle le Canada doit veiller à ce que les lois — autant les lois en vigueur que les nouvelles — doivent être en harmonie avec les droits autochtones, et il précise la façon dont le gouvernement doit respecter ces droits dans son processus décisionnel. En d'autres mots, le projet de loi oblige le gouvernement fédéral ainsi que les provinces à respecter la promesse faite à l'article 35 de la Constitution.
La capacité des groupes autochtones de contester des lois ou des projets qui sont préjudiciables à leurs droits varie d’un groupe à l’autre. Les peuples autochtones et les Inuits que je représente en particulier peuvent et doivent jouir de l'autonomie gouvernementale et prendre les décisions qui touchent leurs terres.
Cela a déjà été reconnu par la Cour suprême du Canada. Dans l'arrêt Tsilhqot'in, la Cour a conféré le titre de terres ancestrales à plus de 1 700 kilomètres carrés de terres. Cependant, la Cour a également déclaré que les intérêts des groupes autochtones doivent être conciliés avec l'intérêt public général. Le projet de loi C-262 ne modifie pas nécessairement ce principe, mais il le renforce.
Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause qui est défini aux articles 19 et 32 de la Déclaration, concerne l’autonomie gouvernementale. Contrairement à certaines personnes, nous ne croyons pas que cela revient à offrir aux Autochtones un droit de veto. Le Comité devrait s’interroger sur les raisons qui poussent certaines personnes à utiliser ce genre de vocabulaire péjoratif lorsqu’il est question du consentement libre, préalable et éclairé pour décrire le processus décisionnel et l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones. En réalité, ces dispositions réitèrent l’exigence selon laquelle le Canada doit respecter les obligations existantes de consulter les peuples autochtones, de coopérer avec eux et de prendre des décisions adaptées à leur réalité. L’objectif sous-jacent est d’obtenir le consentement des peuples autochtones pour les activités qui ont une incidence sur nos terres et nos ressources ou lorsqu’un projet de loi nous touche.
En plus de préciser les situations où il convient d'obtenir un consentement, la Déclaration clarifie aussi la nature du consentement recherché: les peuples autochtones doivent consentir sans y être contraints, avant que les décisions relatives au projet soient prises et à la lumière des meilleurs renseignements accessibles.
Les critères du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause peuvent varier selon le contexte et peuvent être influencés par les négociations et les discussions qui se poursuivent entre nos nations. Comme nous l'avons vu récemment, en omettant de mettre en oeuvre la Déclaration et d'harmoniser nos lois en conséquence, on s'expose à des conséquences très négatives. Un exemple patent serait le projet de Muskrat Falls, sur notre territoire.
Une fois le projet de loi C-262 adopté, le gouvernement ne doit pas continuer de suivre sans rien modifier les politiques et les procédures existantes en ce qui concerne la reconnaissance de nos droits.
Je n'en ai que pour une minute encore.
Le gouvernement fédéral a reconnu que sa politique sur les revendications territoriales globales ne répond pas de façon satisfaisante aux besoins de tous les peuples autochtones et n’est pas adaptée à leur réalité. Même si je suis optimiste quant au Cadre de reconnaissance et de mise en oeuvre des droits dont on vient de faire l'annonce, nous comptons surveiller de près la façon dont il sera appliqué.
Nos interactions avec le gouvernement fédéral relativement à l'acceptation de notre revendication aux fins de négociation représentent une étape concrète et importante. Cela témoigne encore une fois de l’engagement du gouvernement à honorer les principes de la Déclaration, et nous nous attendons à ce que les efforts de négociation concernant l'acceptation de nos revendications territoriales et les négociations connexes se poursuivent d’une façon adaptée aux besoins et à la position unique de notre peuple.
:
Je vous remercie beaucoup de votre question, monsieur Amos. Si vous me le permettez, je vais répondre en français.
Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, la décision rendue en avril 2016 par les neuf juges de la Cour suprême était unanime. En gros, cette décision disait que tous les Autochtones vivant à l'extérieur d'une réserve étaient maintenant considérés comme des Indiens selon la définition de 1867.
À la suite de cette décision, nous avons rencontré le gouvernement à deux ou trois reprises. Si je me souviens bien, nous avons eu une rencontre ici, à Ottawa, au mois de mars suivant l'arrêt dans la cause Daniels. Nous avons invité plusieurs personnes à cette réunion. La grande majorité d'entre elles étaient des membres du Congrès des peuples autochtones. Nous avons invité un éventail de personnes venant de différentes parties du Canada. Je crois qu'il y avait aussi quelques avocats.
Cette réunion avait pour but d'étudier la portée de cette décision. Comme je l'ai déjà dit, il y a un an et quelques mois, nous avons déposé un rapport au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais rien n'a bougé depuis ce temps. J'aurais cru que nous aurions plus de rencontres avec le gouvernement. Je comprends que ce soit une nouvelle assez importante pour lui, et elle est très importante pour nous aussi. Je ne veux pas parler pour le ministère, mais je pense que tout le monde a été un peu pris au dépourvu par cette décision.
Nous faisons présentement notre travail. Comme vous pouvez le voir, l'une de nos tâches est de venir vous rencontrer. Ainsi, nous pouvons vous dire ce que nous pensons de cette décision. Nous aimerions aussi amorcer un dialogue avec le ministère et le gouvernement du Canada.
[Traduction]
J'espère ne pas m'être éternisé, madame.
:
Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à témoigner devant le Comité.
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour exprimer mon soutien au projet de loi . J'ai préparé une allocution de quelques minutes, mais je ne pense pas me rendre à 10 minutes.
Je suis avocat et ancien politicien. J'ai aussi étudié l'histoire et la politique autochtone. À ce titre, je vais commencer mon exposé par deux observations.
Premièrement, depuis l'arrêt Calder de la Cour suprême du Canada, en 1973, ce sont les tribunaux qui orientent l'élaboration des politiques axées sur la reconnaissance des droits des Autochtones. Les gouvernements se contentent de réagir, souvent avec réticence et sans le souci de terminer ce qu'il commence.
Il s'est écoulé près d'un demi-siècle depuis l'arrêt Calder, et maintenant, la reconnaissance et la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou simplement la Déclaration, est une occasion unique pour les gouvernements de reprendre le flambeau en matière de politique stratégique et d'être proactifs plutôt que réactifs. Je suis fier, comme Canadien, que nous puissions saisir cette occasion. Puisque je viens de la Colombie-Britannique, je devrais ajouter que le contexte nous offre la possibilité rare et importante de faire converger nos efforts, puisque le Canada et la Colombie-Britannique se sont tous deux engagés à respecter et à mettre en oeuvre la Déclaration.
J'aimerais ensuite vous présenter un aperçu historique de nature générale. C'est peut-être ambitieux de ma part, étant donné que c'est un sujet vaste, mais j'aimerais simplement vous montrer que la façon dont nous abordons les questions relatives aux Autochtones a évolué au fil du temps. En ce qui me concerne, je sais que c'est vrai.
Il y a un siècle et demi, l'assimilation était l'objectif déclaré. Progressivement — et heureusement —, cet objectif a évolué vers une autre approche. On a reconnu que les Autochtones avaient des droits préexistants, mais le gouvernement n'a pas reconnu ces droits dans leur intégralité. Parfois, ces droits ont été convertis en revendications, et l'objectif est devenu de mettre au point des processus pour régler les revendications, comme si cela permettait d'éliminer les revendications, d'acheter la certitude et de régler la question des titres.
Je crois que nous sommes enfin prêts, aujourd'hui, à entrer dans un nouveau paradigme nettement supérieur. Le point de départ est la dernière phrase désormais célèbre du juge en chef Lamer, dans l'arrêt Delgamuukw. Voici ce qu'il a déclaré: « Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester. »
En disant cela, le juge nous invite à considérer les Autochtones non comme des personnes avec des revendications, mais plutôt comme des personnes avec qui il faut établir une relation qui soit durable. Nous devons commencer à concevoir un dialogue axé non pas sur des règlements définitifs, mais plutôt sur l'ouverture. Le dialogue doit reposer sur l'égalité des politiques, et son objectif ne doit pas être de régler les revendications autochtones, mais plutôt d'honorer de façon concrète le droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale. À cette fin, la Déclaration est un outil extrêmement efficace.
Si on me posait la question, je serais le premier à admettre que le projet de loi sort de l'ordinaire. J'ai déjà rédigé des projets de loi. J'en ai débattu la teneur et j'ai veillé à leur application. À ce titre, je suis un peu traditionaliste. Lorsque le gouvernement veut intégrer une obligation dans une loi, je tiens habituellement à savoir précisément de quelle obligation il s'agit. Ainsi, je veux pouvoir anticiper les impacts, les conséquences et le coût de ce qui est prévu. Dans mon travail d'avocat, la précision a beaucoup de valeur, puisqu'elle me permet de conseiller mes clients quant à leurs droits et leurs obligations. Ce projet de loi ne remplit pas ce genre de critères habituels, mais il ne s'agit pas non plus d'un projet de loi habituel. Ce projet de loi tient davantage du droit constitutionnel que du droit conventionnel. Dans ce contexte, il est parfaitement adapté.
Le plus important est peut-être le fait que ce projet de loi prévoit que les Premières Nations participeront à l’élaboration des mesures et des mécanismes détaillés selon lesquels les lois et les pratiques canadiennes seront harmonisées avec les objectifs de la Déclaration. Le libellé des articles 4 et 5, où on trouve l’expression « en consultation et en coopération », est très important. Ces mots mettent en relief une réalité importante, à savoir qu’il n’appartient pas au gouvernement du Canada de décider unilatéralement de quelle façon il va respecter les principes et les obligations établis dans la Déclaration. Aux termes de ce projet de loi, le gouvernement doit consulter les Premières Nations pour cela. Cela donne de la légitimité et du poids aux voix autochtones en reconnaissant leur autorité dans ces enjeux fondamentaux.
Il y a trois raisons qui justifient pourquoi il est important pour le gouvernement de s'engager de façon générale à consulter les peuples autochtones et à coopérer avec eux.
Premièrement, cette approche permet de trouver des solutions nuancées, locales et adaptées à l'endroit de façon à respecter la Déclaration dans tous les contextes et dans toutes les circonstances. Il n'est tout simplement pas possible — ni souhaitable — de croire que toutes les situations peuvent être prévues à l'avance dans un texte de loi. À la place, ce projet de loi fournit une direction à ceux qui devront faire le gros du travail sur le terrain pour que ce que nous souhaitons se concrétise.
Deuxièmement, le projet de loi crée un climat propice à l'élaboration de solutions qui conviendront à tous. Avec tout le respect que je vous dois, je crois qu'il s'agit d'un but de plus en plus difficile à atteindre de nos jours dans le processus décisionnel relatif aux politiques publiques.
Troisièmement, la consultation et la coopération sont les principes fondateurs de la nouvelle relation dont nous avons besoin. J'aimerais voir une relation axée non pas sur un veto mis à chaque ligne, où le consentement pour un projet repose sur la satisfaction de chaque article ou de chaque condition, mais plutôt sur une négociation bilatérale. Tous ceux qui ont participé aux complexes réunions de négociation ou de résolution de problèmes entre gouvernements savent de quoi je parle.
Je sais que certaines personnes se disent préoccupées par la possibilité que l'adhésion intégrale à la Déclaration — même si l'initiative est louable — n'ait pour conséquence que de créer de nouveaux obstacles aux projets d'aménagement et d'exploitation des ressources. Je sais que c'est une préoccupation bien réelle ici en Colombie-Britannique.
Comme vous le savez certainement tous, cette préoccupation vient d'une partie de la Déclaration qui dit que les propriétaires fonciers autochtones doivent donner leur consentement préalable, librement et en connaissance de cause, avant que tout projet d'exploitation des ressources puisse être mis en oeuvre. Ce n'est pas que je balaie cette préoccupation du revers de la main, mais j'ai la conviction que l'adoption des normes de la Déclaration représente une occasion incroyable pour nous de transformer le processus décisionnel visant les projets d'aménagement et d'exploitation des ressources d'une façon qui avantagera tout le monde. La Déclaration, dûment mise en oeuvre, nous donne la capacité de remplacer les conflits à propos des terres par un processus coopératif qui favorisera concrètement la réconciliation.
Pour ce qui est du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il faut avant tout comprendre que les gouvernements ne demandent pas la permission à chacun d'entre nous avant de prendre une décision. Nous élisons plutôt un gouvernement, qui prend des décisions en notre nom. Nous avons le droit de choisir les gens qui nous représentent et comment ils le font, et en conséquence, dans le cadre de ce processus d'autodétermination, nous consentons à ce que les gens que nous élisons, dans l'ensemble, nous gouvernent.
Selon moi, nous devons poser le même regard sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Pour obtenir un consentement valable, il faut que les gens collaborent pleinement au processus décisionnel, que la légitimité des diverses opinions soit reconnue et que les gens participent de façon commune à l'atteinte des résultats, en soient responsables et rendent des comptes.
C'est pourquoi je crois que nous avons besoin d'un nouveau processus décisionnel. De nos jours, on consulte les Premières Nations à propos des propositions, mais il demeure que les gouvernements non autochtones ont habituellement le dernier mot. Nous avons besoin d'un nouveau processus où les Premières Nations ont un pouvoir décisionnel égal. Elles doivent être des partenaires au lieu de simplement faire les frais d'une décision.
Une fois le projet de loi adopté, le gouvernement du Canada devrait lancer des processus de consultation et de coopération en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre de nouvelles approches de ce genre, du moins dans les domaines relevant de la compétence fédérale. En faisant participer intégralement les Premières Nations aux processus, nous respectons non seulement le fait qu'elles sont propriétaires des terres et de leurs ressources, mais aussi le droit des peuples autochtones de décider par eux-mêmes comment leurs terres sont utilisées et gouvernées. C'est ainsi par cette participation intégrale que nous pouvons obtenir un consentement véritable. Une telle approche est en harmonie avec l'esprit et la lettre de la Déclaration, et ainsi, le conflit cédera la place à la coopération. Nous avons besoin de la participation intégrale des Premières Nations, car c'est une étape nécessaire sur la voie de la réconciliation.
L'avenir demeure incertain. Ce que nous avons, c'est essentiellement une occasion, mais il s'agit de la bonne occasion à saisir. Le projet de loi , à mon humble avis...
Bonjour, madame la présidente et honorables membres du Comité.
Je suis le grand chef Abel Bosum. Au nom de la nation crie d'Eeyou Istchee, je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui en compagnie de la grande chef adjointe, Mandy Gull; du secrétaire général, Paul John Murdoch; de Tina Petawabano; de Brian Craik; de Paul Joffe; de Bill Namagoose; de Paul Workman; de Melissa Saganash; et de la jeune Sehoneh Masty.
La nation crie d'Eeyou Istchee compte plus de 18 000 Eeyouch, ou Cris, qui occupent notre territoire traditionnel d'Eeyou Istchee. Ce territoire couvre plus de 400 000 kilomètres carrés et est principalement situé à l'est et au sud de la baie James et de la baie d'Hudson.
Les peuples autochtones de toutes les régions du monde partagent les mêmes défis et les mêmes injustices. Il s'agit entre autres de l'effet dévastateur de la colonisation, la dépossession des terres et des ressources, la discrimination raciale, la marginalisation de même que la grande pauvreté.
Nous sommes fiers que Roméo Saganash, membre de notre nation crie, parraine le projet de loi . Le projet de loi fera progresser considérablement les droits fondamentaux des peuples autochtones au Canada et, s'il est adopté, il créera un précédent important pour les peuples autochtones dans les autres pays du monde.
L'objet principal du projet de loi est la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Comme le souligne l'appel à l'action 43, la Commission de vérité et réconciliation demande au gouvernement fédéral et à tous les ordres de gouvernement de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies « dans le cadre de la réconciliation ».
En ce qui concerne la Déclaration des Nations unies, des processus de collaboration seront aussi établis avec le gouvernement fédéral pour favoriser des relations harmonieuses et fondées sur la coopération. En outre, le projet de loi rejette le colonialisme de même que les doctrines fictives et racistes de supériorité, comme la doctrine de la découverte et de la terra nullius. Par conséquent, il est absolument essentiel que le projet de loi soit adopté par les deux chambres du Parlement. Nous implorons chaque parti politique de soutenir cette législation sur les droits de la personne.
Depuis le début des années 1980, nos dirigeants et nos représentants ont pris part aux processus d'établissement des normes des Nations unies qui ont mené à l'adoption de la Déclaration des Nations unies en 2007. Nous avons toujours su que nous étions des acteurs sur la scène internationale et nationale. Notre personnalité internationale a été confirmée maintes fois non seulement par les négociations de la Déclaration des Nations unies, qui ont duré plus de 20 ans, mais aussi par le nombre accru de questions et de processus autochtones abordés aux Nations unies grâce à la participation directe des Autochtones.
Notre nation crie sait ce que c'est que d'être traitée comme si nous n'avions pas de droits inhérents ou de droits antérieurs. Au début des années 1970, la construction du projet hydroélectrique de la baie James a été annoncée par le premier ministre du Québec, et ce, sans égard à nos droits. À ce moment-là, il s'agissait du plus grand projet de l'histoire du Canada. Nous avons dû nous adresser à la Cour suprême du Canada avant que le gouvernement ne soit prêt à négocier une entente.
Lorsque les Cris ont signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975, nous avons vu cela comme un partenariat au sujet des questions relatives à la gouvernance, à l'environnement et au développement avec le Canada et le Québec. Toutefois, dans les années qui ont suivi la signature de cette convention, les relations entre les Cris, le Canada et le Québec se sont gravement détériorées. Les deux gouvernements ont constamment refusé de mettre en oeuvre la Convention. Pendant plus de 20 ans, nous étions constamment parties à des causes judiciaires avec les deux gouvernements, au grand détriment de toutes les parties.
En février 2002, les Cris ont conclu une entente de nation à nation avec le gouvernement du Québec. On appelle cette entente de 50 ans la Paix des Braves. Comme il est affirmé dans le préambule, cette entente repose « sur un modèle de développement qui mise sur les principes du développement durable, du partenariat et de la prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris ». Pour intégrer le développement durable à notre traité, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'entente a aussi été modifiée.
De plus, en février 2008, nous avons conclu l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d'Eeyou Istchee. Plus particulièrement, cette entente établit le processus pour négocier un gouvernement pour la nation crie. Nous sommes heureux que la Loi sur l'accord concernant la gouvernance de la nation crie d'Eeyou Istchee, le projet de loi , ait reçu la sanction royale le 29 mars 2018.
La Paix des Braves et l'entente entre le Canada et la nation crie adoptent toutes deux les principes de base de la coopération, du partenariat et du respect mutuel qui sont mis en évidence dans la Déclaration des Nations unies. Les deux ententes reflètent une relation consensuelle. Cela fait environ 47 ans que le gouvernement du Québec a décidé d'aller de l'avant avec le projet hydroélectrique de la baie James sur le territoire d'Eeyou Istchee sans notre consentement. Nous avons tous appris qu'une telle mesure unilatérale mène à des conflits profonds qui ne sont pas dans l'intérêt des parties concernées. Toutefois, nos relations consensuelles ne sont pas exclusives aux gouvernements. Conformément à notre droit à l'autodétermination, nous avons conclu plus de 90 ententes avec le Canada et les entreprises commerciales. Je suis bien placé pour insister sur ce point qui concerne le consentement, ou mieux encore, la valeur ajoutée, puisque j'ai souvent été le négociateur en chef lors de la conclusion de telles ententes avec les entreprises et le gouvernement.
Il peut aussi y avoir des occasions où nous refusons un projet proposé. Il y a environ cinq ou six ans, lorsqu'un tiers a proposé un projet d'uranium à Eeyou Istchee, la nation crie et le gouvernement du Québec ont rejeté la proposition après avoir examiné attentivement la question et y avoir réfléchi. Notre décision a reçu l'appui du gouvernement du Québec et de plus de 200 municipalités. Nous avons le droit de protéger notre environnement, notre économie et notre mode de vie des risques inacceptables. Nous avons la responsabilité de protéger la santé, la sécurité et le bien-être des générations actuelles et futures.
Pour terminer, j'aimerais insister sur le fait que nos traités et autres ententes doivent demeurer des accords en évolution pour les générations actuelles et futures. En cas de circonstances nouvelles et imprévues, nos traités et nos ententes doivent être modifiés de manière appropriée. En ce qui concerne la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il y a eu au moins 24 ententes complémentaires. La Paix des Braves a elle aussi été modifiée en décembre 2003.
Nous croyons que les deux processus de collaboration prévus dans le projet de loi — pour faire en sorte que les lois du Canada soient conformes à la Déclaration des Nations unies et pour élaborer et mettre en place un plan d'action national — peuvent constituer un complément utile à nos traités et à nos ententes.
Meegwetch. Merci.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Je salue les membres de l'éminent comité permanent. Merci d'inviter le Conseil des ressources indiennes à témoigner au sujet du projet de loi . J'ai fait ce trajet non pas au nom de Thunderchild, mais bien au nom du Conseil des ressources indiennes, le CRI.
Je m'appelle Delbert Wapass. Je suis le chef de Thunderchild First Nation, en Saskatchewan. Nous sommes situés au coeur de la région du pétrole et du gaz, à Lloydminster, à la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan.
Le Conseil des ressources indiennes est un organisme national de défense formé de chefs. Notre mandat est de représenter les Premières Nations qui reposent sur l'exploitation des ressources en nous assurant que leurs ressources pétrolières et gazières sont gérées dans leur meilleur intérêt. Nous travaillons avec le Canada par l'entremise de Pétrole et gaz des Indiens du Canada, PGIC, et avec l'industrie pour assurer la pleine participation de nos peuples au secteur énergétique et pour tirer le maximum d'avantages de ces ressources.
Au nom du CRI, je suis heureux de vous faire part de notre point de vue dans le cadre de votre étude du projet de loi .
Avant tout, nous déclarons et reconnaissons que nous présentons notre mémoire sur des terres anishinaabes non cédées.
Nous sommes reconnaissants à l'honorable Roméo Saganash, député, qui défend le projet de loi , lequel vise à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le CRI est ravi de soutenir le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Saganash ainsi que sa recommandation d'adopter et de mettre en oeuvre la DNUDPA dans le droit canadien.
Nous reconnaissons également le travail de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, dont les recommandations, tout comme celles de bien d'autres groupes, ont fait en sorte que la DNUDPA est au centre de notre discussion aujourd'hui.
Nous reconnaissons aussi les efforts consentis par le gouvernement du Canada, particulièrement ceux du , pour faire de la DNUDPA une priorité dans le contexte de la réconciliation du Canada avec les peuples autochtones. À de nombreuses occasions, le premier ministre a réitéré son engagement, particulièrement lorsqu'il a déclaré que le « gouvernement s'est engagé à établir avec les peuples autochtones une relation renouvelée, fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat ». Nous prenons ces mots à coeur et croyons que le projet de loi concrétise ces paroles et leur donne vie.
Lorsque la ministre des Affaires autochtones et du Nord, , a prononcé un discours lors de l'Instance permanente sur les questions autochtones au Siège de l'Organisation des Nations unies à New York, le 25 avril 2017, elle a également fait cette déclaration.
En réponse directe à la déclaration, le a confié à la le mandat de présider un groupe de travail qui examinera toutes les lois et les politiques fédérales concernant les peuples autochtones afin de renverser l'approche coloniale et paternaliste. Cela vise à raviver l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada, qui inscrit officiellement les droits des peuples autochtones dans le droit canadien et qui, pourtant, depuis trop longtemps, n'est pas respecté.
Le CRI est ici aujourd'hui pour appuyer ces propositions et sentiments et pour exprimer officiellement son soutien à l'égard du projet de loi , des réponses du au sujet de la DNUDPA, y compris un examen juridique interne, ainsi que de l'adoption et de la mise en oeuvre du projet de loi , dont le principal objectif est d'élaborer et de mettre en place un plan d'action national.
Le projet de loi constitue une nouvelle approche à l'égard des questions autochtones. Quand il entrera en vigueur, le projet de loi fera progresser le cadre de réconciliation du Canada. Le CRI reconnaît que cette mesure législative fédérale est nécessaire pour éliminer les structures coloniales qui continuent d'opprimer les peuples autochtones au pays et pour remplacer ces structures par de nouveaux cadres fondés sur la réconciliation.
En outre, le CRI veut énoncer clairement que toute nouvelle disposition législative doit respecter les obligations et les rôles du Canada, notamment les obligations fiduciaires et autres obligations historiques de la Couronne en ce qui concerne les terres et les ressources des Premières Nations.
La métaphore du tressage des lois internationales, nationales et autochtones est pertinente pour de nombreuses traditions autochtones au Canada, comme l'ont mentionné certains universitaires et professionnels autochtones. Le tressage de foin d'odeur indique la force et le rapprochement entre le pouvoir et la guérison. Une tresse est un objet simple fait de nombreuses fibres et de fils distincts. Chaque fibre seule n'est pas forte, ce sont les fibres ensemble qui font la force. L'image d'un processus de tressage fait de lois constitutionnelles, internationales et autochtones nous permet de voir les possibilités qu'offre la réconciliation sous différents angles et points de vue, et, par conséquent, de commencer à imaginer de nouveau ce que peut signifier une relation de nation à nation englobant équitablement ces différentes traditions juridiques.
Il s'agit d'une métaphore appropriée pour ce que cherche à faire le projet de loi . Cela fait maintenant 10 ans que les Nations unies ont adopté la DNUDPA, le 13 septembre 2007. C'est le bon moment pour le Canada de mettre fin au débat. Il faut adopter et promulguer le projet de loi C-262.
Comme il est souligné dans le document de l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, la DNUDPA confirme le droit des peuples autochtones à l'autodétermination et reconnaît des droits de subsistance en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources. Le CRI affirme que les producteurs pétroliers et gaziers des Premières Nations et d'autres Premières Nations ayant le potentiel de produire du pétrole et du gaz, désirent parvenir à l'autodétermination en faisant valoir leur compétence, et veulent que leurs droits de subsistance en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources soient reconnus dans le droit canadien.
Le projet de loi vise à fournir une telle assurance. Notre organisation participe activement à l'élaboration de lois sur le pétrole et le gaz qui touchent les Premières Nations partout au Canada. Nous avons l'intention de mettre en place nos propres structures institutionnelles qui s'occuperont du pétrole et du gaz à la place du Canada et de PGIC. Il s'agirait d'un véritable exercice de souveraineté et d'autodétermination, comme le prévoient la DNUDPA et le projet de loi C-262.
En 2005, le CRI a témoigné devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord dans le cadre de son étude du projet de loi , la LGPGFPN. En 2009, nous avons témoigné encore une fois devant ce comité dans le cadre de son étude du projet de loi , la Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Toujours en 2009, le CRI a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones en ce qui concerne son étude sur le même projet de loi, le projet de loi . Actuellement, en 2018, le CRI continue de travailler conjointement avec AANC et PGIC.
Si le Comité décide de donner suite au projet de loi , le CRI est disposé à transmettre son expérience et il offre de travailler conjointement avec AANC afin d'élaborer un plan d'action national pour atteindre les objectifs de la DNUDPA et de s'assurer du respect des obligations fiduciaires et autres obligations historiques à l'égard des terres et des ressources des Premières Nations. L'autodétermination et la souveraineté autochtone peuvent être mises en oeuvre de manière pratique au moyen de la DNUDPA grâce au consentement préalable, libre et éclairé. Les critiques du consentement préalable, libre et éclairé concernent la définition de ce concept. Certains pensent qu'il s'agit d'un veto. Le CRI n'éprouve pas de telles appréhensions. Nous savons que nous avons les droits et les titres à l'égard de nos terres. Les tribunaux canadiens, y compris la Cour suprême, n'ont pas créé ces droits; ils n'ont que confirmé leur existence. La DNUDPA a fait la même chose en confirmant nos droits, lesquels existaient bien avant que nous soyons colonisés.
Le consentement préalable, libre et éclairé est un outil qui peut être utilisé afin d'assurer une consultation respectueuse et concrète des peuples autochtones chaque fois que leurs droits sont touchés. Il s'agit d'un autre outil de réconciliation.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Merci.
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Le cadre devrait assurément reconnaître le fait que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. Lorsque le Canada se présente devant les Nations unies, ça ne fait aucun doute, qu'il s'agisse d'un gouvernement conservateur ou d'un gouvernement libéral. Une fois de retour à la maison, toutefois, aucun gouvernement ne décrit les droits autochtones comme des droits de la personne ou ne présente des arguments dans ce sens. Il n'est pas normal que l'on considère que la partie I de la Charte porte sur les droits de la personne, mais que les droits de la personne des peuples autochtones de la partie II ne sont pas traités sur un pied d'égalité.
Lorsque, dans l'arrêt Nation Tsilhqot'in, la Cour suprême a affirmé que les parties I et II sont apparentées et limitent toutes deux à l'exercice des pouvoirs gouvernementaux, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, cela devrait tout d'abord être fondé sur notre description précise des droits comme étant des droits de la personne.
Pour ce qui est du cadre, vous avez la Déclaration des Nations unies, mais il y a de nombreux autres éléments. Certains se trouvent dans le projet de loi de Romeo, dont nous pourrions faire un suivi, comme le rejet du colonialisme, et beaucoup d'autres choses doivent être faites. Certainement, pour ce qui est de la doctrine de la découverte et de la terra nullius, la Cour suprême a fait une partie du chemin, je crois, au paragraphe 69 de l'arrêt Nation Tsilhqot'in, lorsqu'elle a dit que la doctrine de la terra nullius ne s'est jamais appliquée au Canada, comme l'a confirmé la Proclamation royale. Si cela a été confirmé par la Proclamation royale, alors on doit avoir confirmé que la doctrine de la découverte ne s'applique pas.
Il serait bon de clarifier la situation parce que les Premières Nations sont vraiment perturbées lorsqu'elles pensent qu'elles étaient ici des milliers d'années avant et que pourtant, la découverte confère d'une manière ou d'une autre le pouvoir et les droits à une autre nation.
Je vais m'arrêter ici.
Merci.
Bienvenue à tous.
Bon retour, maître Joffe. Il n'y a pas si longtemps, vous étiez assis juste à côté.
Vous avez tous parlé du consentement préalable, libre et éclairé, et deux des groupes devant moi ont mené de longues négociations. Parfois, des négociations se poursuivent pendant des mois et des années.
Plongeons dans le vif du sujet; parlons de pétrole et de gaz, si nous le pouvons, monsieur Wapass, parce que vous venez de ma province. Vous avez entretenu une relation solide, si je puis m'exprimer ainsi, avec Husky Energy, qui se trouve tout près de chez vous, si vous me permettez de dire cela. Je ne crois pas me tromper à cet égard.
Nous avons donc ici Kinder Morgan. Vous avez mentionné le transport de gaz et de pétrole, et nous en parlons tous les jours à la Chambre des communes. Comment ce projet de loi améliorera-t-il le transport du pétrole et du gaz, partout en Colombie-Britannique, alors que, actuellement, un certain nombre d'organismes en Colombie-Britannique soutiennent le projet de loi et que d'autres sont contre, ce qui fait que nous nous retrouvons dans une impasse?
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous nos invités d'être ici cet après-midi.
[Le député s'exprime en cri.]
Je veux également remercier Me Plant.
Je vais poser une question très précise sur les coûts que vous avez mentionnés.
Permettez-moi de commencer par vous, grand chef Bosum. Je sais que la Convention de la Baie James et du Nord québécois est le premier traité moderne de notre pays et qu'il a beaucoup contribué à la croissance et à la reconnaissance des peuples autochtones au Canada notamment avec les accords qui ont suivi par la suite.
Croyez que la Convention de la Baie James et du Nord québécois est un instrument de réconciliation? Croyez-vous que le concept de consentement préalable, libre et éclairé est intégré dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois? Je parle des quatre éléments: « consentement », « préalable », « libre » et « éclairé ». Croyez-vous que ces éléments sont déjà intégrés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois?
Après avoir écouté nombre des témoignages ici, je constate que la tendance qui se dégage, c'est que la reconnaissance des peuples autochtones au Canada est bonne pour l'environnement et pour l'économie. Je me demande si vous pouvez nous expliquer dans quelle mesure cela a été bénéfique pour les Cris du Nord du Québec, mais également pour les non-Cris de la région et d'ailleurs. J'aimerais que vous parliez de tout cela. Je sais que c'est beaucoup d'éléments pour une seule question, mais je suis certain que, en tant qu'ancien négociateur, vous serez à la hauteur.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Je suis très heureux que vous ayez soulevé les autres éléments du consentement préalable, libre et éclairé parce que tout le monde s'attarde sur le consentement; pourtant, lorsque nous présentons un projet dans la collectivité ou que Brian et moi-même participons à une évaluation, c'est la partie « préalable, libre et éclairé » qui est très importante.
Lorsque j'entends parler mon grand chef et que j'examine les accords qu'il a négociés, ce n'est pas pour rien qu'ils commencent par le mot « relation ». Voilà ce qu'est la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Lorsqu'on lit la DNUDPA, on ne peut pas lire l'article 19 de façon isolée; on doit aussi lire l'article 18. Il s'agit d'une relation. Lorsque les gens rabâchent la question du consentement et du consentement préalable, libre et éclairé, et que cela suscite des craintes, on voit automatiquement que la personne examine la question comme s'il s'agissait d'une transaction. Si on agit ainsi, on perd la partie, et cela a toujours été la source des confrontations relatives à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Cependant, une fois que nous revenons à une relation et que nous prenons la décision qui découle du processus, au lieu de nous concentrer sur le « non » de la collectivité, nous avons plutôt l'occasion de voir l'incroyable valeur du « oui ». Il n'y a pas un seul projet sur le territoire cri ayant fait l'objet d'une évaluation environnementale qui n'a pas été amélioré par les utilisateurs des terres, les conseillers et les décideurs de la collectivité. Nous avons approuvé beaucoup plus de projets que nous en avons refusés. Lorsque nous approuvons tous ces projets, nous les améliorons également. C'est pourquoi c'est un peu triste lorsqu'on ne reconnaît pas la partie de la relation.
Il y a des principes directeurs. De temps à autre, nous nous retrouvons dans une impasse dans un projet, et, Brian, qui est la voix de la sagesse, nous dit habituellement: « Lisons le traité. Que dit-il sur les principes que nous sommes censés appliquer lorsque nous prenons ensemble ces décisions? » Nous sommes deux représentants nommés par le gouvernement de la nation crie et nous avons deux représentants nommés par le Québec, et c'est notre décision que nous transmettons au ministre.
Après avoir parlé des droits des Premières Nations ainsi que de protection des terres, de l'environnement et de la faune, les gens sont surpris d'apprendre qu'une partie de notre mandat — conformément au paragraphe 22.2.4, point f) sur la participation des Cris dans l'application de ce régime — est de protéger « les droits et les intérêts, quels qu'ils soient, des non-Autochtones ». Des représentants cris défendent les droits des non-Autochtones sur notre territoire: « Le droit de procéder au développement qu'ont les personnes agissant légitimement dans le Territoire. » Des représentants cris défendent le droit des personnes d'agir légitimement et de réduire au minimum les répercussions indésirables et d'essayer d'augmenter les effets sociaux. Comme le grand chef l'a dit, lorsque nous nous concentrons sur la relation et que nous avons l'occasion de participer à la décision, nous allons défendre celle-ci. Nous allons utiliser nos institutions pour défendre la décision. Cependant, lorsque vous vous concentrez sur le consentement, vous nous réduisez à une simple transaction, vous nous isolez et vous n'obtiendrez pas la valeur complète de notre participation.