:
C'est comme vous voulez.
Nous sommes en 2019. Ce que je vous souhaite, c'est d'avoir d'ici la fin de l'année une politique officielle en matière de cérémonie de purification qui respecte les Autochtones qui viennent dans ce lieu. Me faire entendre, c'est une chose, mais qu'on témoigne du respect à ce que j'ai à dire en est une autre. Si les mots ne sont pas accompagnés de gestes concrets, ce ne sont que des mots creux.
Si cela ne vous gêne pas, je vais allumer un petit bouquet d'herbes. Je vais faire le tour de la salle une fois. Pendant ce temps, vous pouvez penser à quatre choses pour lesquelles vous rendez grâce. Vous pourrez ensuite participer à la prière.
Merci.
Dans certains cas, nous demandons que l'alarme incendie et tout le reste soient coupés. Tout cela ne vise pas à troubler la paix. Il sert à purifier l'air, à purifier les lieux.
Faites comme si je n'étais pas là. Je vais simplement parler à voix haute tout en marchant.
Bienheureux grands-pères et grands-mères, veillez sur nous aujourd'hui. Nous ne sommes que de simples mortels réunis ici où nous faisons tout notre possible, pas seulement pour nous, mais pour notre population et pour la génération à venir.
Je vous invite à ouvrir votre esprit, à en purger le négatif et à aborder la vie d'un bon œil. Vous devez vous rappeler pourquoi vous avez des yeux: c'est pour toujours y regarder à deux fois. Vous devez aussi vous rappeler pourquoi vous avez des oreilles: c'est pour toujours y écouter à deux fois. Vous n'avez toutefois qu'une bouche, ce qui confirme une dure réalité: notre voix est très importante, mais nous devons aussi l'utiliser de façon appropriée.
Si j'ai envie de pleurer plus tard, je vais pleurer, car vous ne comprenez pas à quel point il est douloureux de venir dans des endroits comme ici où nous sommes toujours aussi invisibles, ni toute la force dont nous avons besoin pour le faire.
Merci de nous rendre hommage aujourd'hui. Nous faisons de même.
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Merci beaucoup de me recevoir.
J'ai aussi préparé une petite présentation PowerPoint pour vous — seulement des photos, pas de texte. Je témoigne à titre personnel parce que ma famille a une histoire qui est en quelque sorte liée directement au sujet du projet de loi étudié par votre comité.
C'est l'histoire d'une petite fille. Je vais seulement utiliser la première lettre de son prénom pour protéger son identité. L'histoire de J commence il y a environ 25 ans, quand sa mère naît à Gatineau et qu'elle fait son entrée dans le système de la protection de l'enfance à Gatineau, peu de temps après. La mère de J a passé un certain temps en famille d'accueil, avant de rencontrer une femme faisant figure de grand-mère pour elle. Ce n'était pas sa grand-mère biologique, mais elles étaient très proches. Cette femme vivait de l'autre côté de la rivière, à Ottawa. Elle voulait assumer la garde de la mère de J de façon permanente pour l'élever dans un milieu stable et aimant.
Toutefois, pour des raisons de compétences provinciales, cela n'a pas été possible: la mère de J relevait du système en vigueur à Gatineau, tandis que la grand-mère d'adoption était à Ottawa et n'avait pas les ressources financières nécessaires pour contester la décision devant les tribunaux, ou ce genre de choses.
La mère de J s'est donc retrouvée ballottée d'une famille d'accueil à l'autre jusqu'à ce qu'elle ait l'âge de sortir du système. Quelques années plus tard, elle a rencontré un jeune homme de la nation Peguis, au nord de Winnipeg. Elle l'a rencontré ici même, à Ottawa, et ils ont eu un enfant, cette petite fille sur la photo devant vous.
Nous connaissions la mère de J parce qu'elle vivait dans la rue pendant sa grossesse. Un prêtre l'a trouvée là, lui a déniché une place dans un refuge et l'a confiée à d'autres femmes, dont mon épouse, qui l'ont encadrée. Mon épouse l'a rencontrée, l'a accompagnée à sa séance de photos de grossesse, est allée magasiner avec elle à quelques reprises et lui a trouvé un endroit où elle pourrait obtenir des soins et de l'aide.
Puis, J est née. Elle a vécu avec sa mère pendant huit ou neuf mois environ, jusqu'à ce que la Société d’aide à l’enfance à Ottawa soit obligée, après un incident, de la prendre en charge. À l'époque, cela a complètement traumatisé la mère de J, parce qu'elle avait elle aussi vécu en famille d'accueil. Elle savait les souffrances qui attendaient sa fille. Elle en avait elle-même vécu beaucoup. La mère de J était complètement dévastée de savoir sa fille dans un foyer anonyme, perdue dans le système, ici, à Ottawa.
Nous lui avons apporté du soutien moral en l'accompagnant à sa première comparution au tribunal. C'est là que nous lui avons demandé: « Voudrais-tu que nous prenions J chez nous? Est-ce que cela t'aiderait? » Son visage s'est illuminé et elle nous a demandé si nous ferions vraiment cela pour elle, ce à quoi nous avons répondu: « Bien sûr, nous serions heureux d'essayer. » C'était une mesure temporaire, le but du placement familial étant, bien entendu, de réunir l'enfant et le parent.
Après un long processus, J a fini par recevoir l'approbation nécessaire pour venir vivre chez nous. Malheureusement, nous vivions à Gatineau et J était sous la protection des services en vigueur à Ottawa. Une fois de plus, les compétences provinciales posaient problème. Nous ne pouvions pas recevoir l'approbation nécessaire pour devenir la famille d'accueil de J. Nous avons pris des dispositions où tout se ferait par consentement. Nous n'avons reçu aucune aide financière ou sous toute autre forme de la Société d'aide à l'enfance à Ottawa. C'était correct; nous étions heureux de rendre service.
Après une assez longue période, il est devenu évident que la mère de J ne pouvait pas en récupérer la garde. La prochaine étape était, bien sûr, de décider si on devait ou non trouver un milieu stable et permanent pour J. Nous étions prêts à lui offrir ce milieu, bien que nous souhaitions ardemment que J et sa mère soient réunies. Mais cela ne s'est pas produit.
Nous avons passé beaucoup de temps avec J. Nous avons appris à la connaître et l'aimons comme notre propre fille. Cela n'a pas toujours été une partie de plaisir, contrairement à ce qu'on pourrait le croire en regardant cette photo. En fait, J se levait habituellement deux, trois ou même quatre fois par nuit, ce qui pouvait rendre certains matins particulièrement pénibles pour une personne épuisée comme je l'étais.
Pour vous donner une idée de la distance, la nation Peguis se trouve à environ 2 heures de route au nord de Winnipeg, donc à 25 heures de route d'Ottawa.
Ce qui est vraiment super pour une famille non autochtone comme la nôtre, c'est que nous avons beaucoup appris sur la culture autochtone au Canada. Nous avons pu assister à des pow-wow, y compris le grand rassemblement organisé en juin, à Ottawa. Nous avons participé à un exercice des couvertures qui donne un regard neuf sur le legs des pensionnats. Cela a été une expérience remarquable pour nous.
Non seulement J est un véritable trésor, mais elle apporte tellement à une famille comme la nôtre. On peut la voir ici avec mon père, et avec mes grands-parents. Mon grand-père est d'ailleurs décédé il y a cinq semaines à peine.
Ici, elle fait un câlin à ma grand-mère. Cette femme a grandi aux Pays-Bas sous l'occupation nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale, et a émigré au Canada peu de temps après; elle a vécu une longue vie aussi dure que gratifiante ici, et elle est aujourd'hui atteinte de démence avancée. Ici, vous pouvez voir que J déborde d'affection pour les autres, y compris les personnes qui vivent des difficultés extrêmes.
J s'est très bien intégrée à notre famille, et tout se passe bien. Elle aime son frère, notre fils. Ils s'entendent très bien. Ils s'aiment beaucoup, et nous l'aimons.
Tout cela pour en venir au projet de loi à l'étude; nous croyons y déceler des problèmes ou à tout le moins une lacune. Le libellé est merveilleux à certains endroits, et je m'en réjouis. La référence à l'intérêt de l'enfant est une des choses très encourageantes qui est reprise à différents endroits dans le projet de loi. Je crois que c'est très important, et nous devons nous assurer que le reste du projet de loi ne vient pas miner ce principe de quelque façon que ce soit.
C'est pourquoi je souligne les deux problèmes qui, d'après mon vécu et celui de J, doivent être corrigés, en plus de soulever deux préoccupations, deux lacunes que je crois voir dans ce texte.
D'abord, le projet de loi pourrait créer une situation cauchemardesque dans les interactions avec les compétences responsables. Je parle en connaissance de cause, puisque J et notre famille venons de vivre 18 mois de tumultes et de complications en traitant avec seulement deux compétences, soit celles de l'Ontario et du Québec, sans compter les difficultés de même nature vécues par la mère de J et sa grand-mère adoptive. La mère de J s'est retrouvée ballottée d'une famille d'accueil à l'autre en raison de ce problème.
Quand je lis les paragraphes 20(1) et 18(1), je me pose de sérieuses questions. Prenons le paragraphe 20(1): dans notre situation, si cette mesure législative était en vigueur, nous pourrions avoir à traiter avec différentes autorités, jusqu'à cinq en fait, afin d'établir de quelle façon J devrait être aidée. Dans notre cas, ce serait le gouvernement du Manitoba, parce que c'est dans cette province que se trouve la nation Peguis, avec laquelle nous aurions à traiter aussi. À cela s'ajouterait l'Ontario, parce que la mère de J est originaire de cette province, et le Québec, parce que c'est là que nous vivions à l'origine, et enfin le gouvernement fédéral, parce qu'il y a une problématique de nature autochtone qui nécessite la participation du ministre responsable.
Tout cela a été absolument fou. Nous avons dû déménager en Ontario temporairement pour arriver à fermer ce dossier, après 18 mois. Je ne peux pas imaginer ce qui serait arrivé si nous avions eu à traiter avec cinq compétences différentes.
Bien sûr, l'autre problème avec le paragraphe 18(1) est l'autorité sur les parents qui ne sont pas autochtones, quand un des parents n'est pas issu d'une Première Nation. Que faire dans ce cas? Cela est directement lié à ma deuxième préoccupation par rapport au projet de loi.
Il semble y avoir une lacune, une lacune grave, dans le projet de loi. Je pourrais me tromper, mais j'ai l'impression, après avoir maintenant pris connaissance du texte à quelques reprises, que l'on présume que les deux parents d'un enfant autochtone sont nécessairement autochtones.
Je me demande de quelle façon le projet de loi sera utilisé s'il est adopté. Dans le cas de J, son père est autochtone, mais il n'était pas vraiment présent parce que sa mère, qui n'est pas autochtone — elle est franco-canadienne — était la principale fournisseuse de soins. Comment doit-on gérer cette situation? Pour moi, il s'agit d'une grave lacune.
Quand on ajoute à cela les intérêts des parents, ici encore, le projet de loi précise que le parent devrait avoir son mot à dire sur la façon dont on s'occupe de son enfant, mais quel parent au juste? Est-ce que l'un l'emporte sur l'autre? Est-ce que cela importe si l'un des parents est autochtone, mais pas le principal fournisseur de soins, tandis que l'autre, qui n'est pas autochtone, assume cette fonction? Comment établit-on la priorité, par exemple au paragraphe 16(1)? Comment pouvons-nous trancher dans ces circonstances?
Il ne me reste que 30 secondes, que je vais prendre pour conclure sur cette note: l'intérêt de l'enfant exige de la stabilité, et le projet de loi fait d'ailleurs référence à la très grande importance de la stabilité. Nous espérons avec ferveur avoir offert cela à J et qu'elle bénéficie d'un foyer stable où son nouveau papa et sa nouvelle maman s'aiment, mais l'aiment aussi et font de ses intérêts leur priorité. J'espère qu'elle en tirera profit tout le long de sa vie.
Merci beaucoup. Meegwetch.
[Traduction]
Je vais commencer par le préambule de la constitution de la nation Anishinabek, notre Chi-Naaknigewin, qu'on appelle Ngo Dwe Waangnousizid Anishinaabe. Les Anishinabek forment une famille. Le préambule se trouve sur le site Web de notre nation, au cas où vous aimeriez le consulter plus tard.
[La témoin s'exprime en anishinaabemowin ainsi qu'il suit:]
Debenjiged gii’saan anishinaaben akiing giibi dgwon gaadeni mnidoo waadiziwin. Shkode, nibi, aki, noodin, giibi dgosdoonan wii naagdowendmang maanpii shkagmigaang. Debenjiged gii miinaan gechtwaa wendaagog Anishinaaben waa naagdoonjin ninda niizhwaaswi kino maadwinan. Zaagidwin, Debwewin, Mnaadendmowin, Nbwaakaawin, Dbaadendiziwin, Gwekwaadziwin miinwa Aakedhewin. Debenjiged kiimiingona dedbinwe wi naagdowendiwin. Ka mnaadendanaa gaabi zhiwebag miinwaa nango megwaa ezhwebag, miinwa geyaabi waa ni zhiwebag.
[Les propos de la témoin sont traduits ainsi:]
Le Créateur a envoyé les Anishinaabe sur Terre avec le don de la spiritualité. Ici, sur la Terre Mère, des cadeaux ont été confiés aux Anishinaabe pourqu’ils en soient les gardiens : le feu, l’eau, la terre et le vent. Le Créateur a aussi donné aux Anishinaabe sept dons sacrés pour les guider. Ils sont l’amour, la vérité, le respect, la sagesse, l’humilité, l’honnêteté et le courage.Le Créateur nous a donné la souveraineté pour nous gouverner nous-mêmes. Nous respectons et honorons le passé, le présent et l’avenir.
[Traduction]
Je m'appelle Adrienne Pelletier. Je suis directrice du développement social de la nation Anishinabek, et j'occupe ce poste depuis les 11 dernières années. Lorsque je suis devenue directrice, j'ai remarqué qu'une résolution avait été adoptée dans le but que nous obtenions compétence sur le bien-être de nos enfants. Les chefs et l'assemblée — nous représentons 40 Premières Nations — nous demandaient d'agir en ce sens, soit prendre des mesures pour y parvenir.
Nous y travaillons donc depuis 2008. Nous avons abordé la question du point de vue des droits inhérents que nous avons, dont celui d'avoir compétence sur le bien-être de nos enfants, de nos jeunes et de nos familles. C'est ce que nous avons fait. Nous n'avons pas demandé d'argent au gouvernement. Nous avons consulté nos membres partout en Ontario et nous avons même demandé à ceux qui se trouvent ailleurs au pays et à l'extérieur du pays de nous faire parvenir leurs commentaires, car nous sommes d'avis qu'ils ont les mêmes droits inhérents en tant que membres de la nation Anishinabek. Nous avons rédigé une loi à partir des commentaires que nous avons reçus.
C'est ce qui a donné naissance à la loi sur le bien-être des enfants de la nation Anishinabek. Elle a fait l'objet d'un examen minutieux par nos membres. À ce jour, elle a été adoptée par 17 de nos Premières Nations. Nous avons 40 Premières Nations et 66 000 membres. Nous sommes considérés comme des chefs de file dans la réappropriation de notre compétence pour prendre soin de nos enfants dans le respect de notre culture.
Un des graves problèmes que nous cause le projet de loi est que nous sommes déjà en négociation avec le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral pour financer notre système de bien-être des enfants anishinabek et que ce projet de loi vient brouiller les cartes. Nous voulons continuer de travailler à la réappropriation de notre compétence comme nous avons choisi de le faire en vertu de nos droits inhérents. Nous continuons d'emprunter cette voie.
Un autre grave problème est que nous avons des représentants de bandes en Ontario qui, grâce au Tribunal canadien sur les droits de la personne, reçoivent maintenant du financement. Pendant de nombreuses années, probablement pendant 15 ou 20 ans, le gouvernement a cessé de financer les postes de représentants de bandes en Ontario. Ils le sont maintenant pleinement à nouveau.
C'est notre mesure temporaire. Les représentants de bandes sont les défenseurs des droits des enfants. Ils veillent à ce qu'aucune agence de services à l'enfance ou aux familles ne vienne faire obstacle au droit d'un enfant, en tant qu'enfant autochtone, ou au droit de ses parents ou des membres de sa famille élargie, peu importe d'où ils proviennent, d'en prendre soin. Qu'ils proviennent de deux ou trois ou quatre nations qui ont des liens avec lui, c'est le droit que possède cet enfant.
Nous pensons que tout enfant autochtone a besoin du lien avec la culture et l'esprit de sa communauté et de sa famille élargie. C'est le droit de cet enfant simplement parce qu'il est autochtone.
Nous aimerions que vous teniez compte du rôle des représentants de bandes, et ma collègue, Tracey O'Donnell, vous parlera de quelques autres éléments qui nous inquiètent beaucoup. Vous avez notre mémoire. Lorsque nous l'avons préparé, nous avions 16 Premières Nations qui avaient adopté la loi; nous en sommes maintenant à 17.
Nous continuons de consulter nos communautés, car les Premières Nations sont maintenant les législateurs; ce sont donc elles qui nous donnent l'autorité d'adopter une loi en leur faveur. C'est une loi axée sur la communauté. C'est une loi axée sur la prévention. Elle remet entre les mains des Premières Nations le pouvoir d'établir leurs propres normes sociales et de s'occuper du bien-être de leurs enfants à leur manière.
Meegwetch.
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Je m'appelle Tracey O'Donnell. Je suis membre de la bande de Red Rock, qui fait partie de la nation Anishinabek. J'ai travaillé avec Adrienne Pelletier à l'élaboration de la loi sur le bien-être des enfants de la nation Anishinabek. Comme Adrienne l'a mentionné, elle repose sur la compétence des Premières Nations, notre compétence inhérente.
Nous sommes conscients que le projet de loi tient compte de la compétence des Premières Nations; toutefois, il restreint également l'exercice de cette compétence en établissant des exigences qui, selon nous, vont nuire au travail que nous avons entrepris. Lors de nos discussions, le gouvernement affirmait que cela ne nuirait pas à notre travail, mais après avoir lu le texte, cela sonne faux.
Nous nous inquiétons tout particulièrement du fait qu'il faille conclure une entente avec les gouvernements dans les provinces où nous voulons exercer notre compétence. Nous avons demandé des clarifications techniques à ce sujet. La loi des Anishinabek prévoit que notre compétence s'étend à notre peuple, à tous les membres de la communauté anishinabek. La loi n'a pas de restriction géographique, si bien que si nous avons des membres qui habitent en Colombie-Britannique, notre loi s'appliquerait à eux également.
À la lecture du projet de loi, nous constatons que les groupes autochtones doivent s'entendre avec les gouvernements des territoires où nous voulons exercer notre compétence. Il semble donc que nous aurions à négocier des accords avec chacune des provinces et chacun des territoires où se trouvent de nos membres. Il s'agit là d'une tâche énorme qui nous préoccupe, car nous n'avons pas de ressources autres que celles qui sont consacrées à l'exercice de notre compétence pour protéger les enfants et les jeunes de la nation Anishinabek et maintenir l'unité entre nos familles.
Comme Adrienne l'a mentionné, le problème est que les représentants de bandes n'ont pas qualité de partie dans les procédures judiciaires. En Ontario, ils ont qualité de partie dans ces procédures, reçoivent tous les avis de demande en justice devant les tribunaux et ont qualité pour agir afin de représenter les Premières Nations dans le cadre des procédures.
Il est primordial pour nos Premières Nations qu'ils conservent ce rôle. Nous avons un programme de représentants de bandes très dynamique au sein de nos Premières Nations. Les représentants de bandes sont les porte-parole des Premières Nations pour veiller à ce que la voix des enfants et des jeunes anishinabek soit entendue et que leur lien avec leur communauté soit maintenu.
En fait, la loi sur le bien-être des enfants de la nation Anishinabek va très loin, car non seulement le consentement des parents biologiques ou des gardiens de l'enfant est requis, mais aussi celui de la Première Nation dont l'enfant et les parents sont membres, pour qu'un enfant anishinabek puisse être adopté.
Il est très important pour nous que le rôle de la bande soit respecté et reconnu. Nous sommes inquiets, car selon le libellé actuel de la loi, les parents adoptifs ou les fournisseurs de soins ont qualité de partie, mais pas nos représentants de bandes, et cela constituerait un problème incroyable à surmonter pour nos communautés, sans compter que cela nuirait à la mise en œuvre de notre loi.
Les autres éléments que nous avons soulevés sont dans notre mémoire, qui, comme nous le savons, a été préparé en anglais et en français pour que le Comité puisse en prendre connaissance.
Meegwetch.
:
Tanshi et bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, ainsi que chers aînés et collègues.
Je vous remercie de nous permettre de témoigner au sujet du projet de loi . Je m'appelle Judy Hughes. Je suis métisse et présidente de la Saskatchewan Aboriginal Women's Circle Corporation, qui se trouve bien entendu en Saskatchewan.
Je suis heureuse de l'occasion qui nous est donnée de nous réunir sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple algonquin.
Meegwetch à madame d'avoir su reconnaître l'importance pour la SAWCC d'avoir voix au chapitre. Nous avons dû la pourchasser jusqu'à Meadow Lake, mais nous avons réussi.
La Saskatchewan Aboriginal Women's Circle Corporation est l'organisation des femmes autochtones à participation volontaire et à but non lucratif de la province. Nous nous réjouissons d'offrir depuis 16 ans des programmes et des ressources dans les domaines de l'éducation, la promotion des droits, la recherche et les possibilités économiques pour les femmes autochtones, leurs familles et la communauté LGBTQ2S+ de toutes les nations.
Notre structure de gouvernance comprend une présidente provinciale, des directrices provenant des six régions de la Saskatchewan, une kokum et une personne qui défend les droits des jeunes. La SAWCC est l'une des 13 associations membres provinciales et territoriales, ou AMPT, de l'Association des femmes autochtones du Canada, la plus grande organisation de femmes autochtones au pays qui s'enorgueillit d'avoir une AMPT dans chaque province et territoire.
Mes propos aujourd'hui concernent expressément toutes les familles et tous les enfants métis. Nos enfants sont ce que nous sommes. Qui administrera les services et les fonds? Je songe ici au conflit de compétence qui pourrait surgir si les services ne sont offerts qu'aux membres d'une organisation ou d'un gouvernement national métis.
Comment fera-t-on pour recenser les enfants métis? Je ne veux pas qu'un seul enfant métis soit laissé-pour-compte, comme dans le cas des Premières Nations inscrites dans le projet de loi , où les gens sont classés dans des catégories qui servent ensuite à déterminer s'ils ont droit ou non à un service. Nous ne sommes pas tous membres du Ralliement national des Métis, ou en Saskatchewan, de la Métis Nation Saskatchewan. Il nous appartient de décider si nous voulons en faire partie. Je n'ai rien de négatif à dire à leur sujet, mais c'est un choix qui nous revient.
À titre d'exemple, quelqu'un qui n'est pas membre de ces organisations, comme ma nièce qui est autiste, ne pourrait, et ne peut, avoir accès à aucun des services qu'elles offrent, car son père et sa mère ont décidé de ne pas être des membres inscrits.
Il est plus que temps pour nous, Métis, de pouvoir mettre en place nos propres services à l'enfance et à la famille en partant de zéro, et de bien le faire. Pourquoi? Parce que, à mon point de vue, il n'y a rien de plus beau que les valeurs, les enseignements, la culture, la langue, les conventions et le mode de vie des Métis. Nous pourrions ainsi nous libérer de toute discrimination systémique qu'on trouve dans toutes les institutions au Canada.
Lorsque j'ai grandi, je ne pouvais pas exercer mon droit de pratiquer et d'être fière de ma culture métisse. En raison de cette discrimination, nous étions forcés de nous faire passer pour des Blancs. Dans mes jeunes années, ce qui remonte à quelques décennies, j'ai vécu dans une communauté mixte où les gens étaient considérés comme des Blancs, des Sang-mêlé et des Indiens. Il s'agit de Bertwell, en Saskatchewan, sur la route 23. À l'école, on m'appelait la « koo-bah squaw », parce que je suis d'origine ukrainienne et dénée.
Au sujet du projet de loi , le fait que la voix des femmes de nombreuses nations — celle des grands-mères, les kokums — ne soit pas entendue constitue à mon avis un manque important. Nous savons que les garçons et les filles ont des besoins différents, et nous voulons signaler que l'analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture doit s'appliquer à tout projet de loi, programme et service.
Les Métis de la Saskatchewan méritent d'avoir le temps de comprendre les répercussions du projet de loi , s'il est adopté, et il faut également changer l'approche patriarcale. Il faut faire plus de recherches sur les modèles familles-enfants qui ont du succès, et nous en avons un, le modèle de la Manitoba Metis Federation qui a été créé en 1982, qui connaît du succès à mon avis. Il faut plus de communications et il faut aussi que les matriarches participent.
Nous avons la capacité au sein de notre communauté d'élaborer et de mettre en œuvre des lois et des programmes de réparation, au lieu de nous en faire imposer. Nous ne voulons pas nous faire dire: « Voici ce qui est dans votre intérêt. » Il faut que ce soit nous qui disions: « Voici ce qui est dans l'intérêt de nos enfants. »
Nous avons besoin de partenariats avec tous les échelons de gouvernement. Nous sommes prêts à travailler avec chacun d'eux, y compris nos gouvernements autochtones, et le Canada doit montrer qu'il est disposé à établir une relation de travail sincère avec nous.
La Convention relative aux droits de l'enfant stipule que chaque enfant peut se prévaloir de tous les droits, et nous devons nous assurer que chaque enfant métis peut se prévaloir de tous les droits.
Meegwetch. Merci pour votre attention.
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Merci de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui.
Je vous prie de m'accorder 30 secondes, observons 30 secondes de silence pour tous les enfants qui sont morts pendant qu'ils étaient pris en charge. Préparez-vous aussi mentalement au fait que certains des enfants actuellement pris en charge ne rentreront peut-être pas chez eux.
[On observe un moment de silence.]
Merci beaucoup.
Je vous prie de ne pas mal interpréter le ton de ma voix. Vous pourriez avoir l'impression que je suis en colère, mais c'est le résultat de cinq générations de souffrance. Il se peut que je me lève ou que je m'assoie. Je suis comme cela, alors ne soyez pas surpris.
La première question que je veux vous poser, et vous n'êtes pas obligés de me répondre — je veux que vous y réfléchissiez ce soir avant de vous coucher — est celle-ci: Est-ce que vous me voyez? Est-ce que vous me voyez? Je pense que je suis invisible pour certaines personnes. La marche que nous avons faite dernièrement sur le pont nous l'a rappelé. N'y a-t-il pas une meilleure façon de procéder? « Dégagez le passage! Vous gênez la circulation! »
Je suis heureuse d'être ici. Je veux être reconnue comme un être humain qui possède une qualité importante, et je vous encourage à vous en doter également: l'honnêteté. Il sera très intéressant d'apprendre à interagir les uns avec les autres au cours de la période à venir.
Ne pensez pas que ma présence ici constitue une approbation de ce projet de loi. Ce n'est pas le cas.
De grâce, ne faites pas de la politique avec la vie de nos enfants. Il s'agit d'une question très grave, et si nous voulons apporter ce changement, faisons-le d'une façon adéquate et réellement respectueuse. Marchez avec respect. Marchez en pardonnant.
Écouter signifie deux choses...
Ne m'en voulez pas, je donne des cours sur les compétences parentales. Je ne suis pas là pour vous parler comme à des enfants, si vous voyez ce que je veux dire.
Écouter signifie deux choses: Vous entendez ce que je dis et vous faites ce que je vous demande de faire. J'ai la soixantaine, maintenant. J'ai besoin de voir quelques progrès, parce que j'entends des mots vides depuis la fin de ma vingtaine et je n'ai constaté aucune amélioration au sein de ma communauté.
En plus de faire partie de la Saskatchewan Aboriginal Women's Circle Corporation, je suis membre de l'Aboriginal Family Defence League. Il s'agit d'une entité non constituée en société, et qui ne le sera jamais. Je défends depuis 35 ans les intérêts des familles et je continue de le faire pour qu'elles récupèrent leurs enfants. Je suis toujours traumatisée par les approches patriarcales archaïques appliquées par les personnes qui sont censées nous aider. Je vous encourage à interagir différemment avec nous.
Des traités...? Voilà un mot que mon parent a utilisé pendant les pourparlers sur la Constitution, lorsque quelqu'un lui a demandé de s'exprimer au sujet des traités. Il a dit qu'en réalité, l'État fédéral se montrait hypocrite. Il nous combat depuis des années. Regardez le temps qu'il a fallu pour obtenir le principe de Jordan. Pensez au fait qu'il a soulevé la question de la Cour suprême au sujet des enfants pour nous combattre. C'est épouvantable. J'ai envie de parler de « blasphème », dans une certaine mesure. C'est un blasphème. C'est affreux.
Pour faciliter le changement, vous devez réaliser que nous avons des grands-mères. Nous avons des kokums dans notre communauté: des matriarches qui sont ici depuis de nombreuses années. Ce système de parenté traditionnel existe toujours. C'est pourquoi nous avons encore une génération de grands-mères prêtes à aider en intervenant et en demandant que ce soient elles, et non pas l'État, qui prennent en charge ces petits-enfants.
Je veux plaider en faveur de l'institution la plus importante de toutes: la famille. Si vous le pouvez, expliquez-moi ce qui nous empêche de faire cet investissement. Aidez-moi vraiment à comprendre, parce que je n'y arrive pas. Ce que je vois, c'est une contradiction. L'État est prêt à gaspiller 18 000 $ par mois pour maintenir neuf enfants loin d'une mère qui a déjà été élevée dans un foyer d'accueil. C'est une question intergénérationnelle. Il s'agit de la deuxième génération d'enfants pris en charge. Que peut-on en déduire au sujet de leur approche? Cette méthode ne fonctionne pas.
Lors de la dernière réunion à laquelle j'ai participé, alors que je partais, un jeune a dit... Je défends les familles, mais il a dit: « Kokum, vous êtes une négociatrice d'otages. Vous négociez le retour des enfants. »
Ce dont je veux que vous preniez conscience, surtout en Saskatchewan et peut-être partout au Canada, c'est du fait que nous faisons face à une crise nationale. On peut également dire qu'il s'agit d'un génocide. Savez-vous qu'il est illégal de prendre un groupe d'enfants et de les placer avec d'autres? C'est contraire à la loi.
Nous faisons face à une crise nationale. Une personne qui travaille à la défense des enfants en Saskatchewan vient de publier un rapport sur le suicide. Des actes...? Que va-t-on faire? Le suicide est l'une des répercussions du trouble de stress post-traumatique. Il en est la conséquence.
Nous n'avons pas d'épidémie d'opioïdes dans notre communauté. Nous avons un problème de médicaments et de pénurie de médecins. J'essaie de rétablir les choses, parce qu'on nous accuse toujours, comme si c'était notre problème. Ce ne sont pas nos problèmes.
La pauvreté...? Nous connaissons une pauvreté économique qui a débuté lorsqu'on a tué les bisons.
Le logement...? Il s'agit d'un droit issu de traités. Nous avons des sans-abri.
Le logement abordable...? Non, on ne peut pas se permettre de payer des loyers allant de 1 300 $ à 1 500 $ par mois.
Des disparitions et des meurtres de femmes autochtones surviennent tous les jours, et c'est encore le cas dans cette communauté.
Je suis ici pour vous rappeler que ce qu'ils font est illégal. Je suis également venue pour exiger... En Saskatchewan, M. Merriman refuse de rencontrer des citoyens ordinaires qui réalisent ce travail et ont des solutions. Il nous ignore. Nous sommes invisibles. J'exige que la Saskatchewan permette à une centaine d'enfants de rentrer chez eux d'ici Noël et à une centaine d'autres de rentrer par la suite. Nous connaissons les raisons pour lesquelles les enfants sont enlevés. Nous savons tous pourquoi. Si nous ne participons pas au changement, nous ferons partie du problème. Je ne peux plus m'excuser auprès des enfants, et vous ne pouvez plus continuer à leur verser des compensations.
Meegwetch.
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Je tiens simplement à souligner que notre loi redonne le pouvoir à la communauté. C'est la communauté qui établira ses normes et qui déterminera comment prendre en charge les enfants. Elle reconnaît et confirme les soins conformes aux traditions, ce qui signifie qu'un membre de la famille élargie d'un enfant prend soin de lui pendant que ses parents font ce qui s'impose pour guérir. Cela met donc fin aux procédures judiciaires.
En Ontario, un enfant peut devenir un pupille de la Couronne pendant une période maximale de deux ans. À mon avis, aucune institution ne devrait prendre en charge un enfant, et c'est ce que représente un pupille de la Couronne.
Nous voulons rapatrier tous les pupilles de la Couronne dans leurs communautés respectives aux termes de notre loi anishinabek. Nous entretenons une relation très respectueuse avec la province de l'Ontario. D'ailleurs, nous négocions avec elle une entente de collaboration qui respecte l'autorité anishinabe et nos Premières Nations. Si vous donnez trop de pouvoir aux sociétés d'aide à l'enfance, vous vous retrouverez dans la situation qui prévaut au Manitoba, où les sociétés d'aide à l'enfance font comme bon leur semble. Il n'y a pas de représentants de bandes au Manitoba.
On peut prévoir des soins in vitro pour l'enfant à naître. On peut offrir des services complets à la mère, comme le font l'organisme Native Child and Family Services de Toronto et certaines de nos sociétés autochtones d'aide à l'enfance. Ces organismes appuient la mère dans ses efforts pour l'aider à mettre au monde un bébé en bonne santé, au lieu de lui envoyer une alerte à la naissance pour l'informer qu'ils vont lui arracher des mains son enfant dès sa naissance.
Nous essayons d'améliorer la situation en Ontario pour que le lien crucial entre l'esprit de cet enfant et celui de sa mère soit maintenu. Nous respectons cela en Ontario, et je sais que toutes les sociétés autochtones essaient de faire en sorte que les enfants soient soutenus avant même leur naissance et que les mères reçoivent des services complets. Nous les dirigeons vers le programme Bébés en santé, enfants en santé. Dans nos communautés, il y a aussi des travailleurs du mieux-être communautaire et familial.
Tout cela constitue une structure importante qui permet de respecter le droit inhérent de l'enfant à naître. Nous devons respecter l'esprit de chaque enfant et nous assurer qu'il reste en contact avec sa famille immédiate, sa famille élargie et sa communauté, même si ces liens n'existaient pas avant. L'enfant a le droit de savoir d'où il vient, de connaître ses proches et d'avoir accès à son anishinaabe-wiinzowin, c'est-à-dire son nom spirituel.
Meegwetch.
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En tant que membres des Premières Nations du Canada, nous savons tous ce qui nous est arrivé dans le passé. Je crois que nous nous trouvons maintenant à un tournant: nous pouvons soit travailler ensemble, soit continuer à nous battre pendant encore de nombreuses générations.
Pour ma part, je choisis de ne plus rechercher la confrontation. Certes, je me battrai pour nos droits. Je me battrai pour notre reconnaissance. Je me battrai pour que nous puissions vivre en paix au Canada, tous ensemble. Toutefois, nous devons songer à ce que l'avenir nous réserve. Je crois qu'il est temps de comprendre — peu importe si vous êtes libéraux, conservateurs ou néo-démocrates — que vous devez investir dans les Premières Nations pour assurer la sécurité, pour garantir la défense de notre territoire et pour veiller à ce que les Premières Nations aient un sentiment d'appartenance et d'intendance à l'égard du Canada.
C'est ainsi que nous devons voir les choses à partir de maintenant. Beaucoup d'entre nous sont des jeunes, et je le répète partout. Je commence à me sentir un peu vieux, mais 72 % des gens de mon peuple sont plus jeunes que moi. Il y a beaucoup de personnes et beaucoup de potentiel. Si nous continuons à faire fi des droits des Autochtones, nous ne ferons que leur transmettre plus de problèmes — à eux, à vos enfants et à vos petits-enfants. Par conséquent, votre allégeance politique importe peu. Nous devons tous comprendre qu'il faut travailler ensemble pour assurer un meilleur avenir pour le Canada.
C'est ce que je voulais dire pour commencer.
[Français]
Le Canada reconnaît que les peuples autochtones jouissent du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ce droit comprend la compétence législative en matière des services à l'enfance et à la famille.
Le projet de loi réaffirme ce droit, mais module son exercice. En effet, bien que le texte législatif du corps dirigeant autochtone ait force de loi, en l'absence de la conclusion d'un accord de coordination, il est difficile de voir de quelle manière il s'appliquerait.
Une entité ou une instance pourrait être désignée pour décider des termes de l'accord de coordination en cas de différend. Cette instance pourrait être bicéphale, constituée d'un représentant autochtone et d'un représentant étatique, qui devraient parvenir à une décision commune.
De plus, l'application des dispositions du texte législatif autochtone nécessite qu'il y ait un financement adéquat. Dans le cas des services à l'enfance et à la famille, en l'absence d'une garantie d'un tel financement, les autorités autochtones auront beau adopter leur propre texte législatif, celui-ci ne pourrait vraisemblablement pas être appliqué. Il est souhaitable qu'un engagement en ce sens soit prévu à l'intérieur de la loi.
Les normes minimales prévues par le projet de loi devront également être respectées par le groupe autochtone qui adopte son propre texte législatif. Ces articles concernent notamment l'intérêt de l'enfant autochtone.
S'il devait survenir un litige concernant la détermination de l'intérêt de l'enfant autochtone, il incomberait aux tribunaux étatiques d'en décider. Or, les tribunaux étatiques sont le reflet de la culture de la société dominante. C'est l'application de ce principe qui a fait en sorte que les tribunaux ont décidé de confier un certain nombre d'enfants autochtones à élever aux soins de familles d'accueil allochtone sans se préoccuper de la préservation de l'identité culturelle.
La loi est muette sur la question de savoir quels sont les motifs pour lesquels un enfant peut être pris dans certaines situations par les services à l'enfance et à la famille.
Cela sera-t-il pour les mêmes motifs que ceux prévus par la loi provinciale?
Le texte législatif autochtone pourrait-il prévoir des motifs différents d'intervention?
J'envisage déjà, à l'avance, beaucoup de problèmes au sujet de cette partie du texte législatif.
L'article 13 du projet de loi prévoit que le corps dirigeant autochtone a le droit de faire des représentations dans le cadre de toute procédure judiciaire de nature civile.
Puisque ce sont les organismes dispensateurs de services à l'enfance et à la famille qui connaissent véritablement la situation de l'enfant, il serait préférable que ce soit eux qui puissent intervenir plutôt que le corps dirigeant autochtone, qui a davantage une vocation de nature politique.
De plus, la loi devrait être modifiée de manière à prévoir le droit de ces organismes dispensateurs de services de présenter leurs observations, et non pas de faire des représentations. Cette dernière expression est plutôt associée au statut de partie, lequel n'est pas attribué par la loi à l'entité autochtone.
La priorité accordée par le projet de loi au milieu de vie d'un enfant autochtone parait tout à fait appropriée. Cependant, le projet à l'étude pourrait être modifié de manière à ce que la décision de confier l'enfant à un adulte qui n'est pas un membre de sa famille, de sa communauté, de sa nation ou de toute autre communauté ou nation autochtone soit justifiée. C'est très important. Cette décision devrait fournir des motifs, dès le départ, décrivant tous les efforts qui ont été faits pour tenter de maintenir l'enfant auprès des siens. Ce serait quelque chose à ajouter dans le texte législatif.
Je vais maintenant céder la parole à notre avocate experte dans ce domaine. Elle nous a accompagnés tout au long du processus.
Pour ceux qui ne le savent pas, la nation attikamek est maintenant maître d'oeuvre au chapitre de la protection de l'enfance.
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Bonjour. Merci de nous recevoir ici aujourd'hui.
Je vais parler de différentes questions.
La définition de famille donnée dans le projet de loi est très intéressante, parce qu'elle tient compte à la fois de la perception de l'enfant, des coutumes et traditions autochtones ainsi que de ce que le groupe autochtone considère être un proche parent de l'enfant. C'est fort intéressant, et c'est respectueux des différentes conceptions de la famille qu'ont les Autochtones.
Concernant la condition socioéconomique de l'enfant, il y a un article précis à ce sujet. Au Canada, la condition socioéconomique défavorable des Autochtones et le surpeuplement de leurs logements sont des faits bien connus de tous et bien documentés. Ces faits constituent sur le plan clinique des facteurs de risque à considérer dans l'évaluation de la situation d'un enfant.
Bien que ce soit une bonne chose que la loi mentionne expressément que l'enfant ne doit pas être pris en charge seulement en raison de sa condition socioéconomique, en l'absence de mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie des Autochtones, cette disposition perdra son sens dans les provinces où, comme au Québec, il est possible d'intervenir d'autorité auprès d'un enfant en invoquant le risque sérieux de négligence.
Au sujet du principe de Jordan — que vous connaissez tous très bien, j'en suis certaine —, c'est sûr que le législateur n'a pas l'habitude de mentionner des noms dans ses textes législatifs. On pourrait peut-être faire une exception. Le Canada pourrait faire en sorte que ce principe, tel qu'il a été circonscrit par le tribunal, soit appliqué à tous les enfants, indépendamment de leur lieu de résidence. Il est souhaitable que le texte de loi mentionne que le gouvernement du Canada reconnaît le principe de Jordan et s'engage à veiller à son application.
Concernant le paragraphe 12(1) du projet de loi, où l'on traite de la notion de « mesure importante », il est prévu qu'avant qu'une mesure importante ne soit prise à l'égard de l'enfant autochtone, le responsable de la fourniture des services est tenu d'en aviser son parent et d'autres personnes. Bref, on se demande ce qu'est une mesure importante. Cela devrait peut-être être défini.
Je m'arrête ici.
:
Nakurmiik, madame la présidente.
Ulaakut. Bonjour à tous. Je suis heureux d'être ici.
L'Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, est une organisation nationale qui représente les 65 000 Inuits vivant au Canada, en grande majorité dans l'Inuit Nunangat, notre patrie. En effet, environ 65 % de notre population vit toujours là-bas et 35 %, à l'extérieur de l'Inuit Nunangat. Notre région englobe 51 communautés, soit près du tiers de la masse continentale du Canada et la moitié de son littoral.
L'ITK est régie par les dirigeants élus de la Société régionale Inuvialuit, de la Nunavut Tunngavik Inc., de la Société Makivik et du gouvernement du Nunatsiavut.
Ces quatre entités représentatives des Inuits sont des détenteurs de droits inuits aux termes de l'article 35 de la Constitution, grâce aux ententes sur les revendications territoriales globales négociées entre les Inuits et la Couronne entre 1975 et 2005. Ainsi, la participation des détenteurs de droits inuits à l'élaboration du projet de loi était une démarche appropriée et positive de la part de la Couronne. Tout au long de ce processus, l'ITK a misé sur sa structure de gouvernance nationale pour faciliter la tenue de consultations régionales avec le gouvernement du Canada.
Beaucoup trop d'enfants et de jeunes inuits ont été placés en foyer d'accueil et continuent de l'être à cause de problèmes de négligence attribuables, en grande partie, au manque d'attention accordée aux inégalités sociales et économiques parmi les Inuits. En raison du nombre limité de foyers d'accueil, de services professionnels et d'établissements de soins pour bénéficiaires internes dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat, les enfants sont souvent placés en milieu familial à l'extérieur de leur communauté ou de leur région. Par conséquent, un trop grand nombre de nos enfants ne sont pas en mesure de participer à notre culture et à notre société en tant que membres de nos communautés.
En juillet 2018, l'ITK a créé un groupe de travail chargé de fournir des commentaires, d'examiner la documentation et de formuler des recommandations sur la mesure législative proposée par le gouvernement fédéral à l'intention du conseil d'administration de l'ITK. Le groupe de travail comprenait des représentants de la Nunavut Tunngavik, de la Société régionale Inuvialuit, du gouvernement du Nunatsiavut, de la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik au nom de la Société Makivik, de Pauktuutit Inuit Women of Canada et du Conseil circumpolaire inuit du Canada.
L'ITK a collaboré avec le gouvernement du Canada, l'Assemblée des Premières Nations et le Ralliement national des Métis afin d'élaborer des options pour le projet de loi fédéral en ce qui a trait à la protection des enfants inuits.
Grâce aux observations du groupe de travail de l'ITK et à la séance de mobilisation organisée par Pauktuutit, les Inuits ont élaboré et présenté au ministère des Services aux Autochtones Canada une série de priorités en matière de protection des enfants. Il s'agit notamment de faire tout ce qui est possible pour garder les enfants dans leur famille immédiate et élargie, un objectif qui correspond aux articles 15 et 16; de veiller à ce que tous les soins offerts aux enfants et aux familles inuits soient adaptés à leur culture, conformément aux articles 9 et 11; de faire en sorte que les enfants et les jeunes inuits vivant à l'extérieur de l'Inuit Nunangat soient identifiés comme inuits et qu'ils reçoivent des soins adaptés à leur culture, conformément aux articles 9, 11 et 28; de veiller à ce que les enfants et les jeunes inuits envoyés à l'extérieur de l'Inuit Nunangat pour recevoir des soins spécialisés restent en contact avec leur culture et leur communauté d'origine, conformément aux articles 9, 10, 11 et 17. Les Inuits ont également réclamé que le projet de loi soit axé sur les résultats, fondé sur les distinctions, basé sur des données probantes et à l'image de l'autodétermination des Inuits.
Même si une bonne partie des mesures proposées par les Inuits ont été intégrées au projet de loi , l'ITK demande un amendement à l'article 28 du projet de loi, qui porte sur les accords relatifs aux renseignements. Nous savons que les enfants autochtones âgés de 0 à 14 ans comptent pour 7,7 % de tous les enfants au Canada; pourtant, ils représentent 52 % des enfants placés en famille d'accueil. Toutefois, en raison du peu de données disponibles dans les rapports publics, il est impossible de déterminer facilement combien d'enfants inuits ont un statut actif dans le système d'aide à l'enfance, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Inuit Nunangat.
Par conséquent, l'ITK demande que l'alinéa 28a) soit modifié pour faire en sorte que les données recueillies sur les enfants autochtones pris en charge soient désagrégées afin de préciser s'ils sont des membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis et, dans le cas des Inuits, de pouvoir déterminer à quelle organisation de revendication territoriale ils sont affiliés. Ainsi, les fournisseurs de services pourraient communiquer avec les organisations inuites de revendication territoriale et les tenir au courant de la situation pour que les enfants et les jeunes inuits puissent continuer de bénéficier des avantages auxquels ils ont droit en vertu des ententes respectives sur les revendications territoriales.
De façon générale, il existe un consensus dans l'Inuit Nunangat quant à la façon dont les services d'aide à l'enfance devraient être offerts idéalement au sein des communautés inuites; toutefois, aucune des régions n'a pu concrétiser cette vision à l'échelle du système. Le projet de loi pourra nous aider à y parvenir.
Le statu quo est tout à fait inacceptable. Certains systèmes pourraient fonctionner, et les gens pourraient craindre de créer de nouvelles solutions ou interventions qui améliorent les systèmes, mais au bout du compte, nous devons trouver un moyen de réparer ce système défaillant et de faire en sorte que l'autodétermination des Autochtones et des Inuits soit au centre de notre nouvelle conception de la prestation des services à l'enfance.
Nakurmiik.
C'est un honneur pour moi d'être ici. Je vais essayer d'aborder le projet de loi dans une perspective administrative et de vous expliquer ce que nous espérons qu'il signifiera pour un organisme chargé de le mettre en œuvre.
Comme le chef Roulette l'a mentionné, grâce à une interprétation, je dirais, commode des lois provinciales, nous avons pu rapatrier environ 50 % de nos enfants au cours des deux dernières années. Nous sommes passés d'environ 600 enfants pris en charge à environ 298. Cela est attribuable à notre interprétation des normes et des lois qui étaient parfois en contradiction directe, car les règles n'autorisaient pas certaines choses.
Soulignons que le Manitoba est une province unique sur le plan du transfert des responsabilités et des services aux Premières Nations. Nous fonctionnons toujours dans le contexte de lois provinciales rédigées initialement dans les années 1980, alors que nous allons de l'avant avec les soins conformes aux traditions, qui font intervenir la communauté dans la prise de décisions relatives aux familles et au partage des ressources. Ainsi, les représentants des domaines du logement, de l'éducation et de la santé, ainsi que le chef et le conseil siègent à un comité chargé des soins conformes aux traditions, dans le cadre duquel nous nous réunissons pour planifier comment chaque organisme de prestation de services peut contribuer au plan d'intervention pour les familles dans la communauté.
À cela s'ajoute le modèle de financement global, que le gouvernement fédéral utilise déjà plus ou moins. Le financement fédéral nous provient directement. Du côté provincial, les fonds sont versés par l'entremise d'une autorité, ce qui constitue un autre problème auquel nous faisons face, car nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de nous accorder du financement par l'intermédiaire d'une autorité autochtone, entraînant ainsi des frais d'administration. Nous considérons une telle autorité comme un prolongement du gouvernement, ce qui crée indûment un autre palier de bureaucratie.
Nous composons avec ce genre de situations. Le gouvernement fédéral, comme je l'ai dit, intervient déjà dans la façon dont notre financement est versé, et nous espérons que le projet de loi permettra aux Premières Nations de commencer à élaborer leurs propres lois et normes, au lieu de contredire celles qui sont en vigueur. Nous pourrons ainsi maintenir notre approche unique en matière de prestation de services aux familles dans les réserves.
Nous espérons qu'un tel projet de loi signifiera que, peu importe l'endroit où habitent les enfants — qu'ils vivent dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci —, leur financement sera assuré à 100 % grâce à un système financé à 100 % et que nous nous éloignerons de la formule de partage 60/40 appliquée au Manitoba, formule selon laquelle 40 % de notre financement provient du fédéral et 60 %, de la province. Cela repose sur les cas de prise en charge des enfants, pour ceux qui ne le savent pas.
Nous espérons que le projet de loi permettra de régler cette question et que, peu importe où se trouvent nos enfants, nous relèverons de la compétence fédérale. Nous espérons aussi que des mécanismes seront en place pour nous permettre de continuer à appliquer notre propre modèle de prestation de services, et ce, dans l'intérêt des enfants pris en charge.
Je sais que certains documents ont été publiés à ce sujet, comme celui intitulé « Bringing our Children Home », mais pour les services aux enfants et aux familles de Sandy Bay, la notion d'intérêt de l'enfant signifie quelque chose de différent. Nous avons eu des discussions avec notre chef et les membres de notre conseil sur la question de savoir si la réserve est le meilleur endroit pour nos enfants, compte tenu de la pénurie de logements, du taux de chômage élevé, des risques énormes pour la santé, de la présence de gangs et de drogues. Est-ce vraiment le meilleur endroit où ramener les enfants?
Les services aux enfants et aux familles sont parfois le dépotoir des autres services, notamment des services judiciaires. Ils semblent croire que les services d'aide à l'enfance peuvent résoudre tous ces problèmes, alors que nous ne sommes certainement pas outillés en ce moment pour nous occuper des conditions socioéconomiques des Premières Nations.
Grâce à notre modèle de soins conformes aux traditions et au partage des ressources, nous pouvons assurément changer le sort des enfants pris en charge. Du point de vue de la prestation de services administratifs, le projet de loi a de quoi nous emballer.
Or, certains aspects nous font aussi peur. Les Premières Nations du Manitoba n'ont pas toutes la chance d'avoir une relation comme celle que nous entretenons avec notre chef et notre conseil, et il y a manifestement un risque que les organismes soient influencés par leur chef et leur conseil. Quand on tient des élections aux deux ans et que les visages changent tous les deux ans, cela peut certes nuire à la continuité des services d'un organisme d'aide à l'enfance. Tâchez donc de garder cela à l'esprit. C'est un facteur dont nous tenons certainement compte.
Nous espérons — et cela a déjà été établi — que le projet de loi aura préséance sur toute loi provinciale ou fédérale.
Certains craignaient qu'un tel projet de loi ne s'applique qu'aux réserves, auquel cas les organismes seraient forcés de mettre en oeuvre les lois provinciales et fédérales. Les gens recevraient alors différents services, selon l'endroit où ils entreraient en contact avec le système. Nous en sommes conscients, mais nous sommes très optimistes quant au projet de loi .
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Merci et bonjour, monsieur le président. Bonjour, chers membres du comité.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'entretenir avec vous du très important projet de loi , au nom de la nation métisse. Le projet de loi promet à nos enfants, à nos jeunes, à nos familles et à nos collectivités un avenir meilleur. Le fait est que, de nos jours, un trop grand nombre d'enfants de la nation métisse sont institutionnalisés par l'intermédiaire de systèmes réguliers de services à l'enfance et à la famille, coupés de leur identité personnelle, de leurs relations familiales et de leurs racines culturelles.
Le projet de loi fournit une feuille de route pour surmonter cette réalité grâce à quatre principaux champs d'action, du moins pour la nation métisse.
Le premier champ d'action est la promotion du droit à l'autodétermination dont jouit la nation métisse, en reconnaissant son autonomie gouvernementale et sa compétence en matière de protection de l'enfance. Si ce projet de loi est adopté, il apportera la reconnaissance du droit de la nation métisse et de ses gouvernements d'exercer une responsabilité à l'égard de l'éducation, de la formation et du bien-être de nos enfants. Là où des gouvernements autochtones mettent en œuvre des lois sur les services à l'enfance et à la famille, ces lois auront préséance sur les lois provinciales après une année de négociations sans accord.
Le deuxième champ d'action prescrit dans le projet de loi est la promotion de soins efficaces, attentifs, équitables et compétents sur le plan culturel en se fondant sur un principe d'égalité réelle par rapport aux soins offerts aux enfants non autochtones du Canada. La nation métisse a développé des capacités en matière de pratiques positives adaptées à la culture qui donnent des résultats concluants. Vous entendrez mes collègues parler de certaines de ces pratiques sous peu ce matin, ainsi que d'autres dirigeants et fournisseurs de soins de la nation métisse en parler au cours d'audiences à venir.
Le troisième champ d'action concerne le fait de considérer comme prioritaires les intérêts des enfants, y compris leur droit de connaître leurs parents, leur famille, leur collectivité et leur histoire.
Le quatrième champ d'action est lié au fait de placer la prévention et l'intervention précoce au cœur des services à l'enfance et à la famille, en remplaçant le modèle et les pratiques actuels en matière d'intervention.
Au cours du processus d'élaboration conjointe, la nation métisse a évalué les normes et les droits mentionnés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant et la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones.
Le projet de loi est l'une des nombreuses étapes qui doivent être franchies afin que les enfants, les familles et les collectivités de la nation métisse puissent exercer pleinement leur droit à la survie, à la dignité et au bien-être. Le processus d'élaboration conjointe doit se poursuivre en vue de mettre au point un cadre de réglementation pour la mise en œuvre de la loi. Il sera nécessaire d'établir des tables rondes tripartites, auxquelles participeront la nation métisse, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et de prendre des engagements financiers pour mettre en oeuvre la loi proposée.
Il importe que ces prochaines étapes ne soient pas interprétées comme des obstacles à l'adoption du projet de loi et que chaque intervenant qui joue un rôle de chef de file prenne les mesures qui s'imposent pour garantir l'adoption du projet de loi. Il est temps d'apporter des changements en profondeur qui auront un effet positif sur les enfants et les jeunes de la nation métisse, des Premières Nations et des Inuits de l'ensemble du Canada.
La nation métisse se réjouit de l'appui que, selon nous, nous obtiendrons auprès de tous les partis dans le cadre de l'adoption du projet de loi. La mesure législative concerne l'avenir de nos enfants et l'assurance qu'ils auront la meilleure chance d'avoir une enfance heureuse et saine en vivant avec leur famille au sein de leur collectivité et de leur culture.
Je me réjouis à la perspective de l'adoption du projet de loi et de sa mise en oeuvre. J'encourage tous les membres du Comité à faire tout en leur pouvoir pour s'assurer que l'adoption se réalise.
Merci.
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Bonjour. Je m'appelle Billie Schibler, et je suis présidente-directrice générale de la Metis Child and Family Services Authority, au Manitoba.
Je veux commencer par saluer nos députés et notre chef métis du Ralliement national des Métis.
Je tiens à commencer par indiquer que, dans mon exposé — je ne sais pas si vous avez reçu des copies de mon exposé —, je passe du temps à aborder des questions du point de vue d'une personne qui a été non seulement fournisseuse de services de protection à l'enfance au Manitoba, mais aussi bénéficiaire de ces services, qui a pris soin de nombreux enfants pris en charge par le système de protection de l'enfance et qui a été touchée par eux.
Il est important pour moi d'aborder le sujet de cette façon, car cela met mieux en contexte ma compréhension du projet de loi et de l'importance qu'il revêt.
Alors que nous commençons à examiner cette question, je tiens également à constater que le gouvernement fédéral et nos dirigeants politiques autochtones ont accompli un énorme travail en vue de reconnaître la nécessité d'élaborer le projet de loi et de le présenter par la suite. Je leur en suis reconnaissante.
Personnellement, j'ai été très chanceuse d'avoir pu vivre avec ma mère et ma grand-mère quand j'étais enfant. Ma mère avait 13 ans lorsque je suis née et, à cette époque, les jeunes mères monoparentales bénéficiaient de très peu de soutien. Je suis en mesure d'examiner de mes propres yeux ma vie et ma carrière dans ce contexte, étant donné que j'ai eu cette chance en grandissant, alors qu'un si grand nombre d'autres familles de notre communauté n'ont pas eu cette chance. J'accueille donc très favorablement les modifications législatives qui sont proposées.
J'ai de l'expérience en tant que travailleuse sociale, et j'ai été une mère de famille d'accueil pendant plus de 30 ans. J'ai accueilli à tout moment plus de 45 enfants dans mon foyer. À l'heure actuelle, je prends soin de l'un de mes petits-enfants, que j'élève depuis qu'il est nourrisson. Il est maintenant âgé de 10 ans. Comme vous le savez, c'est très fréquent dans nos familles autochtones. Lorsque l'on nous en donne l'occasion, nous prenons soin des enfants quand certains membres de notre famille ne sont pas en mesure de le faire.
J'ai perdu l'un de mes frères au cours de la rafle des années 1960. Nous avions la mi-trentaine lorsque nous nous sommes retrouvés. Nous avons beaucoup appris des expériences que nous avons vécues l'un et l'autre, et cela nous a grandement renseignés sur le système de protection de l'enfance et les changements qui doivent lui être apportés. Cela témoigne tellement de l'histoire de nos familles et de nos peuples.
J'ai eu l'occasion d'assurer la prestation de services de protection à l'enfance au Manitoba et en Ontario, en dirigeant les services de protection de l'enfance dans des collectivités des Premières Nations ainsi que dans des milieux urbains et en offrant des services de première ligne. J'ai acquis une compréhension assez complète des mesures qui doivent être prises, et j'envisage la question en ma qualité d'ancienne protectrice des enfants au Manitoba.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'histoire de la protection de l'enfance au Manitoba — je présume que la plupart d'entre vous la connaissent —, je précise que cette histoire est profondément douloureuse. Le peuple métis a une longue histoire de difficultés non signalées. Toutefois, nous bénéficions maintenant de solides dirigeants métis qui, dans le cadre de leurs négociations à l'échelle fédérale, ont mis ces enjeux au premier plan, et nous en sommes très satisfaits. Au Manitoba, le nombre d'enfants métis pris en charge par habitant est plus élevé que dans toute autre province. Je suis certaine que vous avez entendu parler de ces statistiques.
La responsabilité du système de protection des enfants métis nous a été transférée il y a 15 ans. Toutefois, cette responsabilité ne nous a jamais été transférée complètement de la façon dont elle était censée l'être, et notre capacité de prendre nos propres décisions quant à la meilleure façon d'appuyer nos familles n'a jamais été développée. Même si nous étions considérés comme des partenaires des quatre autorités qui existaient, nous n'avons jamais élaboré nos propres mesures législatives, et nous n'avons jamais été en mesure d'exercer un contrôle sur notre propre financement.
En tant que présidente et directrice générale actuelle, je peux vous dire que nous disposons de deux organismes. Dans quelques minutes, mon collègue parlera de l'un de nos organismes. Au sein de la province, on nous a confié l'entière responsabilité d'offrir des services à tous ceux qui décident de s'adresser à nous pour en obtenir ou aux familles métisses et inuites qu'on nous a chargés de servir. C'est une énorme responsabilité.
À l'heure actuelle, 1 275 des 11 000 enfants qui sont pris en charge au Manitoba relèvent de nous. Même si nous avons pour habitude d'essayer de préserver les familles, bon nombre de ces enfants nous sont renvoyés en tant que pupilles permanents de l'État, dont la tutelle a été accordée à l'État par des tribunaux. Une fois devenus pupilles permanents de l'État, ces enfants sont confiés aux autorités adaptées à leur culture, s'ils ne bénéficiaient pas déjà de leurs services. Bon nombre de ces enfants nous sont renvoyés dans le cadre d'une ordonnance permanente du système de protection de l'enfance. Nous n'avons eu aucune occasion d'offrir des services à leur famille. Il devient donc très difficile pour nous d'accepter les enfants à ce stade-là, alors qu'ils auraient dû être pris en charge par notre système dès le début.
D'après notre examen de toutes les mesures législatives proposées et du projet de loi, nous savons qu'un mécanisme complet doit être prévu en vue d'aviser notre système lorsque des familles métisses sont signalées au système de protection de l'enfance, afin que nous puissions mettre en oeuvre une intervention précoce. Autrement, nous rendons un bien mauvais service à nos familles et à nos enfants.
Je sais qu'il est extrêmement difficile d'effacer l'histoire des services de protection de l'enfance au Manitoba — ou ailleurs —, des services qui n'étaient pas adaptés à la culture métisse en premier lieu. Alors que nous examinons le projet de loi , j'aimerais saluer premièrement la façon dont il commence. Le préambule mentionne et reconnaît clairement l'histoire de notre peuple et les véritables problèmes auxquels il fait face. Et, ce qui importe encore plus, c'est que le projet de loi reconnaît l'importance de travailler ensemble afin d'accepter et de donner suite aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
Compte tenu de l'histoire des peuples autochtones au Canada, nous savons à quoi ressemblent ces problèmes. Nous sommes au courant des pensionnats indiens, des écoles de jour, de la rafle des années 1960, des femmes autochtones assassinées ou portées disparues et du nombre croissant d'enfants autochtones pris en charge. Nous savons que les effets de ces tragédies se manifestent depuis des dizaines ou des centaines d'années. Alors, comment pouvons-nous effacer ces effets? C'est vraiment ce que tout changement apporté aux lois — ce que tout projet de loi — doit prendre en considération.
Nous devons nous pencher sur la façon dont nous pouvons effacer ces effets et sur le temps qui sera nécessaire pour y parvenir, compte tenu des traumatismes et des répercussions qui découlent du racisme, des dépendances, des problèmes de santé mentale, des taux élevés de suicide, de l'itinérance, des terres traditionnelles non durables, de la violence familiale, de l'appartenance à des gangs et de la surreprésentation des Métis au sein du système de justice pénale.
Notre peuple continue d'être accablé par la fragmentation des unités familiales et par une coupure avec son territoire, sa culture et son identité. Nous reconnaissons qu'ici, nous marquons la semaine de la santé mentale; je ne sais pas si cette semaine est observée à l'échelle nationale. La santé mentale actuelle des peuples autochtones et la crise grandissante des toxicomanies sont des symptômes supplémentaires de la douleur générationnelle et de la mémoire du sang liée aux traumatismes vécus.
Si ces effets sont toujours vécus et si nous sommes quotidiennement témoins de ces effets dans nos rues, dans nos villes et dans le cadre des services que nous offrons, comment le système de protection de l'enfance peut-il abandonner sa mentalité de protection et les pratiques qui s'y rattachent? Si nous reconnaissons que la vérité est la première étape de la réconciliation, quelles autres étapes nous conduiront à la réconciliation, outre l'expression de nos vérités?
Si nous déclarons que nous ne voulons plus nous contenter de solutions de fortune et que nous souhaitons que les mesures législatives nous permettent de révéler nos souffrances, il sera alors nécessaire de reconnaître que la révélation de ces souffrances constitue notre vérité en matière de comptes rendus générationnels des politiques gouvernementales et des injustices historiques. Comment pouvons-nous cheminer vers la réconciliation sans mettre l'accent sur la guérison? À quoi cette guérison ressemblera-t-elle?
Elle sera différente, compte tenu de nos propres valeurs. Certains pensent que la présentation d'excuses, les paiements aux victimes des pensionnats indiens ou les changements apportés à des mesures législatives sont la voie vers la guérison. Nous pouvons tous nous entendre pour dire que la guérison est un cheminement vers la santé, mais il n'y a pas de cheminement universel. La guérison consiste à se débarrasser de la douleur émotionnelle et des traumatismes — accumulés pendant des générations.
Il faut reconnaître que la guérison et la transformation anticipée sont un parcours. Dans le cadre de ce processus, les gens doivent se sentir à l'aise de raconter leur histoire. Ce parcours doit être offert au moyen de solutions positives et d'options planifiées qui appuient la guérison dans tous les domaines de la prévention et du soutien dont nous avons parlé. Conformément au principe de Jordan, ces services doivent être offerts dans toutes les provinces et tous les territoires. Chaque ordre de gouvernement doit appuyer ces services et être tenu responsable de leur financement et de leur prestation.
Oui...?
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier le Comité de m'offrir l'occasion de m'adresser à lui aujourd'hui, et de se pencher sur ce sujet et ce projet de loi importants.
J'aimerais également remercier les aînés, les chefs et les politiciens autochtones qui ont contribué à mettre en lumière les problèmes auxquels sont confrontées les Autochtones qui travaillent avec les enfants autochtones dans le but d'en assurer le bien-être.
Je voudrais particulièrement remercier les chefs du peuple métis, à l'échelle tant nationale que provinciale, d'appuyer le projet de loi . Dans le cas des Métis en particulier, cette mesure législative peut amener des changements véritables et importants.
J'ai l'honneur d'être directeur exécutif des Metis Child, Family and Community Services du Manitoba depuis seulement un an et demi. J'en suis venu à assumer ce rôle après avoir travaillé plus de 25 ans au sein et près des systèmes d'aide à l'enfance, années au cours desquelles j'ai travaillé dans trois provinces et j'ai été témoin de bien des changements.
Dans le domaine de l'aide à l'enfance, nous nous considérons comme des aides. S'il est une chose importante que nous finissons par apprendre un jour, c'est que sans espoir, il n'y a pas de changement. Or, le projet de loi me donne l'espoir que nous pourrons enfin instaurer un système d'aide à l'enfance vraiment conçu pour les Autochtones et contrôlé par eux. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, les Metis Child, Family and Community Services sont un organisme d'aide à l'enfance entièrement fondé de pouvoirs. Nous offrons des services à Winnipeg, ainsi que dans les régions d'Interlake et d'Eastman, au Manitoba. Notre mandat consiste à fournir des services aux Métis et aux Inuits, bien que la structure de prestation de services délégués est conçue de façon telle au Manitoba que nous servons aussi les non-Autochtones et les Premières Nations.
Travaillant pour un organisme délégataire, nous fournissons des services aux familles afin d'éviter que les enfants ne soient pris en charge, mais aussi pour tenter de réunifier avec leur famille les enfants pris en charge de manière temporaire ou permanente.
À l'heure actuelle, notre organisme s'occupe de 929 des 1 200 enfants auxquels Mme Schibler a fait référence. Il s'agit d'un très grand organisme. Le nombre d'enfants pris en charge est demeuré généralement stable au cours des cinq dernières années, mais il est troublant que le pourcentage d'enfants enlevés à leurs parents en permanence augmente constamment. À la fin du dernier exercice, 668 de ces 929 enfants étaient pris en charge en permanence. Notre organisme continue de soutenir les familles qui ont encore des rapports réguliers et satisfaisants avec leurs enfants, même si ces derniers sont pris en charge en permanence. Ils peuvent se rencontrer aussi souvent qu'une fois par semaine. Il est à espérer que les enfants sont placés au sein de leur famille. Ces dernières participent à chaque décision importante qui les concerne. C'est là un principe très important que nous suivons.
S'il y a plus d'enfants pris en charge en permanence que de manière temporaire, c'est non seulement parce que nous nous efforçons de réduire le nombre d'enfants pris en charge en raison d'appréhensions ou d'ordonnances temporaires, mais aussi parce que les ordonnances permanentes durent relativement longtemps. C'est le facteur principal, mais il existe, dans notre législation et les systèmes de justice, des problèmes systémiques qui ont réellement une incidence sur la manière dont les enfants finissent par être pris en charge.
Ceux d'entre vous qui connaissent l'état de l'aide à l'enfance au Manitoba admettront qu'une crise sévit depuis de nombreuses années, même si on a commencé à déléguer des pouvoirs aux organismes autochtones il y a plus de 10 ans. À ceux qui considéreraient cela comme une mise en garde quant à la délégation de pouvoirs aux Autochtones, je répondrais que la situation est attribuable au fait que le Manitoba n'a pas été assez loin au chapitre de la délégation de pouvoirs, loin de là. Le projet de loi fournit un mécanisme qui permet de résoudre le problème.
À l'heure actuelle, étant un organisme délégataire, nous pouvons faire tout ce que peuvent accomplir les autres organismes d'aide à l'enfance. Voilà le problème. Nous ne pouvons pas faire les choses différemment. Nous devons agir comme les organismes d'aide à l'enfance l'ont toujours fait. La loi du Manitoba est ainsi faite qu'une fois les enfants pris en charge, la seule issue est l'adoption, sauf pour ceux qui font l'objet d'une demande de tutelle. La loi et les structures de financement appuient l'adoption, une voie que nous ne pouvons suivre.
Depuis longtemps, la politique veut que les enfants pris en charge à Winnipeg soient confiés à leur famille proche ou élargie. C'est exactement ce que le projet de loi propose. Nous agissons ainsi depuis des décennies.
Notre organisme peut compter sur 270 parents d'accueil. Cependant, avant de décider qu'un enfant doit être pris en charge, nous mettons sur branle un programme de concertation familiale afin d'appuyer et de mobiliser la famille proche et élargie. Dans bien des cas, les familles elles-mêmes participent à la décision de confier leurs enfants à des parents et élaborent leur propre plan à cet égard.
Même si le Manitoba a comme politique de placer les enfants dans la famille, nous ne recevons aucun financement de sa part, que ce soit pour notre programme de soins par la famille élargie ou pour celui de concertation familiale. Je dois plutôt réaffecter à cette fin des fonds destinés au personnel chargé de la protection des enfants.
La province finance les refuges et les centres d'accueil d'urgence par l'entremise d'organismes privés. La vaste majorité des enfants résidant dans des centres d'accueil tiers sont autochtones, alors que la grande majorité de ces centres ne le sont pas. Par conséquent, de jeunes Métis ont le tagalog comme langue première et des adolescents nous affirment être philippins et non métis. D'autres enfants sont élevés dans des communautés mennonites traditionnelles, et c'est ainsi depuis la délégation de pouvoirs.
Le fait que le gouvernement continue de financer des fournisseurs de soins de tierce partie au lieu de fournir des fonds à des organismes adaptés à la culture perpétue le processus de colonisation. La relation et les structures de financement historiques ne permettent tout simplement pas d'atteindre les objectifs vers lesquels nous tendons. Ce projet de loi nous permettra de contourner ces reliquats des structures de colonisation afin de créer des ressources adaptées aux Métis.
Notre programme de renforcement de la vie en famille, qui a reçu une attention considérable, constitue un autre exemple de ressource adaptée aux Métis. Dans le cadre de ce programme, les enfants vivent dans des foyers d'accueil avec leurs parents, ce qui fait en sorte que les liens d'attachement ne sont jamais rompus ou peuvent être rétablis si l'enfant et sa famille ont été séparés par le passé.
Je tiens à souligner le travail incroyable et les soins extraordinaires offerts dans le système d'aide à l'enfance au pays. Cependant, en entendant les critiques, on ne peut qu'être d'accord avec un député provincial, qui m'a indiqué, dans le contexte d'un examen législatif au Manitoba, que les travailleurs sociaux agissent comme s'ils étaient fous.
Les systèmes d'aide à l'enfance sont censés être conçus pour aider les familles et protéger les enfants. C'est ce qui y a attiré les personnes qui travaillent dans le domaine. Pourtant, nous sommes pris entre des principes soigneusement élaborés auxquels nous adhérons de tout notre cœur et les situations dangereuses où se trouvent les enfants. Tout ce que le gouvernement finance, c'est le retrait des enfants de leur famille et de leur nation. Notre propre peuple est soumis à un système de justice intimidant dont il ne connaît que le côté punitif.
En aidant les Autochtones à créer des solutions de rechange, le projet de loi suscite l'espoir. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, l'espoir est un moteur de changement.
Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps.
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J'ai dû déjà raccourcir mon discours deux ou trois fois.
La deuxième priorité est le devoir de réparation de l'État. Ce n'est plus un secret pour personne que des décennies de politiques d'assimilation ont laissé de profondes séquelles chez les peuples autochtones, des séquelles qui, encore aujourd'hui, se transmettent trop souvent de génération en génération et prennent du temps à guérir. Cette guérison est la responsabilité de l'État, qui est l'architecte des maux qui nous affligent. Bien que nos connaissances et nos compétences pour prendre soin de nos enfants doivent être reconnues, respectées et célébrées, cela ne signifie pas que le gouvernement canadien peut se laver les mains de ses obligations envers nos nations. Le transfert de compétences, s'il est véritablement pour le bien-être de nos enfants, doit nécessairement être accompagné de mesures concrètes pour assurer la réparation du préjudice causé par le colonialisme.
La troisième priorité est l'égalité réelle. Les méandres du fédéralisme justifient depuis trop longtemps le statu quo, qui est fondamentalement injuste. Il est injuste parce que, encore aujourd'hui, les enfants autochtones ne jouissent pas également de leurs droits, simplement parce qu'ils sont autochtones. Il est injuste parce qu'en raison de notre histoire, leurs besoins sont plus grands. Pourtant, les ressources qui leur sont consacrées sont moindres, mal adaptées et difficilement accessibles.
Pour reprendre les mots du Tribunal canadien des droits de la personne dans son jugement de 2016:
L'égalité réelle et les obligations internationales du Canada exigent que les enfants des Premières Nations vivant dans des réserves reçoivent des services à l'enfance et à la famille dont la qualité et l'accessibilité sont comparables à celles des services offerts à tous les Canadiens vivant hors réserve. Cela inclut que ces services soient financés de façon adéquate afin de répondre aux véritables besoins des enfants et des familles des Premières Nations et qu'ils ne perpétuent pas un désavantage historique.
À partir de ces trois principes directeurs, je vais maintenant émettre des commentaires précis sur la présente ébauche du projet de loi dans l'espoir que ceux-ci serviront à guider les modifications nécessaires à y faire avant son adoption, afin d'assurer que ce projet de loi tant attendu et plus que nécessaire ait réellement les retombées espérées pour les enfants autochtones, leurs familles et leurs communautés.
Je vais me concentrer sur trois aspects principaux: le financement, le principe de Jordan et les conditions de vie des enfants autochtones.
Pour ce qui est du financement, vous savez tout aussi bien que moi qu'il est ici le nerf de la guerre. Sans ressources suffisantes, il sera impossible pour nos nations de mettre en oeuvre les principes directeurs prévus par le projet de loi dans l'exercice de leurs compétences en matière de services à l'enfance et à la famille.
Le triste état actuel des choses est bien connu et il est indéniable depuis la décision de 2016 du Tribunal canadien des droits de la personne. Les enfants autochtones sont victimes de discrimination raciale au Canada. La raison en est le sous-financement chronique des services à l'enfance dans les communautés autochtones.
Dans un tel contexte de violation des droits de la personne des enfants de nos communautés, nous avons été très surprises et déçues, chez Femmes autochtones du Québec, de constater que le projet de loi est silencieux sur la question du financement. Le préambule inclut une reconnaissance de « la demande constante d'obtention d'un financement des services à l'enfance et à la famille qui soit prévisible, stable, durable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l'égalité réelle ». Pourtant, nulle part ailleurs dans le projet de loi n'apparaît le mot « financement ». Il n'y a pas non plus de dispositions énonçant clairement comment cette demande deviendra réalité.
Le financement, ici, n'est pas une question politique. Il s'agit d'une question de droits de la personne. Ceux-ci ne sont ni facultatifs ni négociables.
Par conséquent, le projet de loi C-92 doit impérativement prévoir des engagements concrets du gouvernement fédéral en matière de financement équitable des services à l'enfance et aux familles en milieu autochtone en pleine conformité avec les ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne. Rien en dessous de ce seuil minimal ne sera acceptable pour Femmes autochtones du Québec.
Je me tourne maintenant vers le principe de Jordan et je tiens à attirer votre attention sur l'appel à l'action no 3 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada qui est ainsi rédigé: « Nous demandons à tous les ordres de gouvernement de voir à la pleine mise en oeuvre du principe de Jordan. » Je tiens à vous rappeler également que le Tribunal canadien des droits de la personne a répété à plusieurs reprises que le Canada avait l'obligation d'assurer la mise en oeuvre pleine et entière du principe de Jordan. Pourtant, ce principe n'apparaît pas dans le projet de loi C-92.
Qu'est-ce que le principe de Jordan? Il s'agit simplement du principe selon lequel aucun soin ou service ne devrait être refusé, interrompu ou livré tardivement à un enfant autochtone en raison de conflits de compétence. Pourtant, la réalité dans nos communautés n'est malheureusement pas aussi simple. Trop d'enfants autochtones au Canada sont encore l'objet de querelles bureaucratiques au détriment de leurs droits.
Femmes autochtones du Québec note que le paragraphe 9(3) du projet de loi C-92, qui établit le principe de l'égalité réelle, prévoit à l'alinéa e) ce qui suit: « [...] aucun conflit de compétence ne doit occasionner de lacune dans les services à l'enfance et à la famille fournis à l'égard des enfants autochtones ». Nous vous demandons donc d'amender le projet de loi C-92 afin d'y inclure le principe de Jordan dans sa pleine expression et de façon juridiquement contraignante pour tous les acteurs gouvernementaux qui interviennent dans les services à l'enfance et aux familles autochtones.
Pour ce qui est des conditions socioéconomiques, la question de la surreprésentation des enfants autochtones dans les services de protection à l'enfance ne peut être dissociée des autres enjeux affectant le bien-être des enfants autochtones.
Femmes autochtones du Québec constate que l'article 15 du projet de loi prévoit que la pauvreté et le manque de logements ou d'infrastructures convenables ne doivent pas en soi motiver la prise en charge d'un enfant autochtone par les services à l'enfance. Évidemment, une telle disposition est essentielle, mais elle ne règle en rien les questions sous-jacentes.
Si l'objectif réel du projet de loi C-92 est de résoudre le problème de la surreprésentation des enfants autochtones dans les services de protection à l'enfance et de veiller au bien-être des enfants et des familles autochtones, celui-ci devrait adopter une approche holistique qui tient réellement compte de la totalité des enjeux affectant nos nations. Cela devrait inclure notamment l'incorporation dans le projet de loi d'obligations positives incombant à l'État canadien et aux provinces de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions socioéconomiques des enfants et des familles autochtones. Il est primordial que ces mesures soient applicables à tous les enfants autochtones, qu'ils vivent ou non dans une réserve et qu'ils aient ou non le statut d'Indien, afin d'assurer une réelle égalité et de véritablement travailler en amont sur la prévention. Je rappelle ici l'article 21 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada a ratifiée et qu'il s'est engagé à mettre en oeuvre.
Ainsi, Femmes autochtones du Québec formule trois recommandations à l'égard du projet de loi C-92.
D'abord, il faudrait inclure des dispositions spécifiques dans le corps du projet de loi sur le financement des services à l'enfance et aux familles dans les nations autochtones pour garantir un financement prévisible, stable, durable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l'égalité réelle.
Ensuite, il faudrait amender le projet de loi afin d'y inclure le principe de Jordan comme règle de droit juridiquement contraignante pour tous les acteurs gouvernementaux quant à tous les types de soins et de services pour tous les enfants autochtones.
Enfin, il faudrait incorporer dans le projet de loi des obligations positives incombant à l'État canadien et aux provinces de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions socioéconomiques des enfants et des familles autochtones, incluant ceux et celles vivant hors réserve et en milieu urbain.
En conclusion, chers députés, j'aimerais vous rappeler que vous avez aujourd'hui la chance de poser des gestes vraiment concrets pour votre pays. Ne la ratez pas. La vie et le bien-être de milliers d'enfants en dépendent. Ne laissez pas la politique vous faire oublier pour qui vous travaillez: les enfants. N'oubliez pas non plus pourquoi vous travaillez: pour leur donner la chance de vivre une vie digne et enrichissante.
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Bonjour à tous. Je m'appelle Raven McCallum. Je suis Haïda et Britannique du côté de ma mère et métisse du côté de mon père. Je suis née et j'ai été élevée à Vancouver, mais j'habite maintenant à Victoria sur le territoire des peuples dont la langue est le Lekwungen.
Cela fait près de quatre ans que je suis conseillère pour la jeunesse au conseil consultatif jeunesse du ministère du développement des enfants et de la famille. Le conseil consultatif jeunesse est un groupe composé de jeunes qui ont vécu en foyer d'accueil et qui fournissent des conseils et des recommandations au ministère en fonction de leur expérience et de leur histoire.
Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue au sujet du projet de loi . C'est un honneur pour moi, et je suis reconnaissante du fait que la voix des jeunes puisse être entendue dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Dans l'ensemble, j'estime que cette mesure législative constitue un pas vers des changements nécessaires. Cependant, je ne suis pas d'accord avec certains éléments.
Je vais vous donner mon avis à la fois sur les points positifs et sur les aspects à améliorer. Tout d'abord, j'estime, en tant que représentante de la jeunesse, que je dois vous parler un peu de mon histoire personnelle pour mettre en contexte mon point de vue au sujet du projet de loi .
J'ai été prise en charge par le ministère du développement des enfants et de la famille et un organisme autochtone délégué. Avant d'être placée dans un foyer d'accueil, j'habitais avec ma mère et ma grand-mère. Lorsque je vivais avec elles, je savais que j'étais Haïda et métisse et j'étais entourée par des membres de la famille et des amis autochtones.
Durant le temps où j'ai vécu en foyer d'accueil, ma culture ne faisait pratiquement pas partie de ma vie jusqu'à ce que j'atteigne l'adolescence. Dans certains foyers, on a fait fi de ma culture. Un grand nombre d'entre eux ont renforcé les stéréotypes rattachés au fait d'être autochtone, et d'autres ont fait quelques efforts, mais ils assumaient qu'il était correct de me mettre en contact avec n'importe quelle culture autochtone qui n'était pas la mienne.
Cela m'a davantage découragée à prendre part à ma culture et a fait naître en moi un sentiment de déconnexion et de confusion, que je ressentais même lorsque je me trouvais au sein de ma propre famille. La première fois que j'ai repris contact avec ma culture, j'avais 17 ans. J'ai participé à des célébrations de la nation Haïda. Durant la période où j'ai vécu en foyer d'accueil, je n'ai pas eu de contact avec la culture métisse. Ce n'est que l'année dernière que j'ai rencontré pour la première fois des gens de ma collectivité métisse de l'Île-à-la-Crosse. Les moments les plus marquants de ma vie sont ceux où j'ai rencontré des gens à Haida Gwaï et à l'Île-à-la-Crosse.
La culture des Métis du Canada est souvent balayée sous le tapis, surtout lorsque les Métis appartiennent aussi à une autre nation. Il y a beaucoup d'idées fausses qui circulent sur les Métis, ce qui fait en sorte qu'on fait fi de leur culture. C'est douloureux de constater que l'identité des personnes n'est pas importante ou qu'elle est moins importante que d'autres aspects de la culture. Comme presque tout le monde, les enfants métis doivent être mis en contact avec leur collectivité et leur culture.
Mon histoire est importante, car beaucoup de jeunes au pays vivent la même chose. Malheureusement, bon nombre d'entre eux ne sont pas aussi chanceux que moi et ils vivent toute leur vie sans savoir qui ils sont, quelle est leur appartenance et sans savoir qu'ils sont aimés par des communautés entières.
En analysant le projet de loi , je me suis demandé s'il contribuera à éliminer les obstacles à l'accès à la culture auxquels j'ai été confrontée. Lorsque j'examinais le projet de loi, je me suis posé les questions suivantes: est-ce qu'il offre l'occasion aux collectivités de savoir qui sont leurs enfants et où ils se trouvent? Est-ce qu'il aidera les collectivités à récupérer leurs enfants? Est-ce qu'il reconnaît la culture métisse de la même façon que les autres cultures? Est-ce qu'il permet aux jeunes de se faire entendre?
Il est certain que le projet de loi comporte des éléments qui aideront les collectivités à trouver où vivent leurs enfants. Le paragraphe 13(b) stipule que le corps dirigeant autochtone agissant pour le compte de la nation dont l'enfant fait partie a le droit de faire des représentations, et je suis en faveur de cela. Si les nations auxquelles j'appartiens avaient été en mesure d'entreprendre ces démarches juridiques importantes, on aurait pu trouver des solutions de remplacement aux foyers d'accueil non autochtones.
Le paragraphe 12(1) stipule que le responsable de la fourniture des services est tenu d'aviser les parents de l'enfant ainsi que le corps dirigeant autochtone. J'estime que cela permettra aux collectivités d'exprimer leurs points de vue sur la façon d'offrir les meilleurs soins possible aux enfants et favorisera peut-être même l'élaboration de solutions permanentes ou la prestation de services de prévention. J'espère que cette disposition sera appliquée dans toutes les circonstances. Je me demande cependant ce qu'on veut dire par « avant la prise d'une mesure importante ». Dans un monde idéal, si les parents d'un enfant faisaient l'objet d'une enquête, on aviserait la collectivité avant qu'il soit nécessaire de prendre des mesures importantes ou même avant qu'on songe à prendre de telles mesures.
Par ailleurs, les articles 27 à 30 portent sur la communication de renseignements. Ce sont des dispositions importantes pour s'assurer que tous les ordres de gouvernement communiquent bien entre eux, de sorte que les enfants autochtones puissent obtenir les meilleurs soins possible.
Les communautés autochtones devraient profiter du même niveau d'accès à l'information concernant leurs enfants que les provinces et le gouvernement fédéral. Comme il y a de nombreuses communautés métisses un peu partout au Canada et que beaucoup de Métis habitent dans une province autre que celle d'où leur famille tire ses origines, on peut se demander qui est responsable en pareil cas. Est-ce le groupe métis de la province où la famille habitait ou celui de la province où elle a ses racines ou sa parenté élargie? Les modes de fonctionnement des Métis sont complexes et je ne crois pas que ce projet de loi mette suffisamment l'accent sur les particularités du peuple métis. En outre, on ne semble indiquer d'aucune manière comment procéder dans les situations où un enfant appartient à plus d'une nation. C'est un enjeu important qu'il faut prendre en compte. Nous devons connaître tous les aspects de notre identité.
J'ai l'impression que le point de vue des jeunes n'est pas vraiment pris en considération dans le projet de loi . La formulation est complexe, et j'ose espérer qu'il sera éventuellement possible de consulter des documents plus accessibles aux jeunes, d'autant plus que le paragraphe 10(3) du projet de loi met en lumière les droits des enfants autochtones.
L'alinéa 10(3)d) souligne l'importance pour un enfant d'avoir des rapports continus avec le groupe autochtone dont il fait partie. Je considère que cette disposition signifie qu'un enfant peut décider quels liens culturels et familiaux il souhaite maintenir. Comme il est difficile même pour un adulte de bien saisir l'importance de tels liens, comment peut-on demander à un enfant de prendre une décision semblable? La situation se complique encore davantage pour les enfants placés dans des foyers non autochtones qui peuvent ressentir une certaine pression les incitant à agir de telle ou telle façon. Il en va de même pour ceux qui ont eu un modèle autochtone dommageable. Il est possible qu'il soit plus difficile pour ces enfants-là de décider. Bien honnêtement, je crois que cette disposition pourrait servir d'excuse pour choisir de ne pas raccorder un enfant à sa culture d'origine.
Selon moi, cet alinéa devrait être carrément supprimé, surtout quand on considère que le suivant, l'alinéa 10(3)e), souligne que le point de vue et les préférences de l'enfant doivent être pris en compte pour déterminer où se situe son intérêt. Cet alinéa 10(3)e) est utile notamment du fait qu'il englobe de nombreux aspects, y compris les relations que l'enfant choisit de maintenir.
J'aimerais maintenant passer à mes observations d'ordre plus général.
D'après ce que je puis comprendre du paragraphe 13(a), les fournisseurs de soins se voient conférer le même degré d'influence que les parents et les communautés autochtones dans les procédures judiciaires. J'ai vraiment de fortes réticences à ce sujet, car certains adultes qui se sont occupés de moi n'avaient pas du tout mes intérêts à cœur. Je ne me sentirais pas très bien si ces gens-là avaient qualité de partie lors d'une poursuite au civil, surtout si mon autorisation n'est pas requise. Étant donné que bon nombre d'entre eux ne sont pas Autochtones, il y a aussi un déséquilibre qui se crée entre les familles et les communautés.
Je me réjouis par ailleurs de constater que le paragraphe 16(2) du projet de loi indique que l'on devrait chercher en priorité à placer un enfant au même endroit que ses frères et sœurs. C'est un élément important. J'ai été moi-même séparée de mes frères et sœurs alors que j'étais très jeune, et ce fut l'une des expériences les plus difficiles de ma vie. Il est important de garder ensemble les frères et les sœurs pour favoriser un sentiment de continuité et d'appartenance.
En résumé, je souscris d'une manière générale à l'intention du projet de loi . Je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction qui pourrait servir de base à des changements significatifs pour autant que l'on y apporte les quelques modifications nécessaires afin de tenir compte des besoins des jeunes dans la communauté.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes points de vue.
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour.
[Le témoin s'exprime en cri ainsi qu'il suit:]
ᑖᐣᓯ ᓇᓇᐢᑲᒧᐣ ᑲᐦᑭᔭᐤ ᐯ ᑕᑯᓯᓇᕽ ᐆᑕ
[Les propos du témoin sont traduits ainsi:]
Bonjour. Je vous remercie d’être tous réunis ici, sur le territoire du peuple algonquin.
[Traduction]
C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui. Je suis là pour exprimer mon appui au projet de loi . Si le Conseil tribal de Saskatoon l'appuie, c'est parce qu'il place nos enfants avant tout. Les enfants doivent être la principale raison pour laquelle ce projet de loi est adopté. Quand on regarde ce qui s'est passé au Conseil tribal de Saskatoon et dans l'histoire — les députés rassemblés autour de la table savent ce qui s'est passé en Saskatchewan —, nous nous rendons compte que le Conseil tribal de Saskatoon a fait quelque chose d'historique avec le premier ministre Scott Moe et le gouvernement provincial.
En juin 2016, le Conseil tribal de Saskatoon a perdu son pouvoir de délégation et celui de s'occuper de ses enfants. Il faut nous souvenir de l'époque des pensionnats, de la rafle des années 1960 et de tout ce qu'a vécu notre peuple.
Depuis juin 2016, le Conseil tribal de Saskatoon s'est donc réuni avec le ministre Paul Merriman, qui fait du bon travail en Saskatchewan, à mon avis, ainsi qu'avec les membres du Cabinet de la Saskatchewan, afin d'unir nos forces pour changer la donne dans la vie de nos enfants.
Je peux le dire parce que quand j'ai été élu, en octobre 2017, j'ai pris un café avec le ministre Paul Merriman pour lui parler de notre situation. Dix-huit mois plus tard, nous avons conclu un accord historique, en Saskatchewan, et avons réussi à abattre un mur de briques, comme je le dis souvent, avec le gouvernement provincial et à parvenir à un accord de réconciliation sur les services à l'enfance et à la famille pour nos enfants, qui nous donne le pouvoir de ramener nos enfants chez nous.
Ce pouvoir ne se concrétisera pas du jour au lendemain. C'est un processus qui pourrait prendre de trois à cinq ans, selon le rythme de la communauté. Cependant, c'est un partenariat, et nous travaillons ensemble. C'est une collaboration. Nous avons créé des forums de dirigeants, qui rassemblent des personnes comme moi et nos chefs. Nous nous réunissons avec les ministres et parlons des façons d'améliorer la situation. Il y a ensuite un groupe de travail technique par lequel nos techniciens s'assurent que nos enfants puissent être en sécurité.
Je dois souligner que cette relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement entre la province et les chefs que je représente, qui sont ceux à avoir signé l'accord de délégation de pouvoirs pour la sécurité et le bien-être de nos enfants, est plus importante que tout, parce que ce sont ces personnes qui peuvent défendre les enfants. Ce sont leurs points de vue qui sont reflétés dans tout cela. Je porte la voix de nos chefs. Je suis ici aujourd'hui pour veiller à ce que le projet de loi nous mène dans la bonne direction, parce qu'il est impératif de briser ce cycle non favorable aux enfants des Premières Nations dans notre province.
La Saskatchewan est probablement la deuxième province où il y a le plus d'enfants pris en charge. Je vais me vanter de notre relation avec la province, parce qu'elle est importante. La population doit comprendre que nous travaillons ensemble pour établir ce qui est le mieux pour nos enfants. D'autres Premières Nations seront mécontentes, certaines nous appuieront, et c'est correct. Chacune a droit à son opinion. Pour notre part, nous sommes d'avis que nous devons établir des partenariats et des relations, comme nous l'avons fait avec les gouvernements fédéral et provincial. Pour nous, cela signifie beaucoup, parce que cela permet de bâtir des ponts. Nous devons travailler ensemble. En ce sens, le projet de loi , par l'article 20, nous confère le pouvoir de rassembler tous les acteurs pour souligner sur ce que nous faisons pour les enfants.
Je vais vous en donner un exemple. Le Conseil tribal de la Saskatoon travaille actuellement en étroite collaboration avec la province à Saskatoon. Nous administrons six foyers pour le ministère des Services sociaux. À l'heure actuelle, trois des 45 enfants qui y sont placés viennent de mon conseil tribal. Nous nous occupons des autres enfants aussi. Nous suivons toutes les règles, tous les règlements. Nous respectons ou dépassons toutes les attentes du gouvernement provincial dans l'administration de ces foyers.
Le Conseil tribal de la Saskatoon et nos chefs sont responsables et transparents. Nous faisons ce qui est le mieux pour les enfants. Enfin, nous avons l'occasion de nous occuper de nos propres enfants.
À l'heure actuelle, il y a 300 jeunes relevant de mon conseil tribal qui sont pris en charge dans la province. Nous avons un plan pour les rapatrier. Nous prévoyons ouvrir 10 foyers de plus, puis suivre toutes les règles et les règlements de la province, mais appliquer aussi les règles et règlements de nos nations. C'est en travaillant ensemble et en respectant les règles et règlements que nous retrouverons la pleine compétence sur nos enfants.
Ensuite, si j'observe toutes les mesures qui ont été prises, je dois vraiment en donner le crédit au premier ministre Scott Moe, au ministre Paul Merriman et au Cabinet de la Saskatchewan, qui ont osé faire confiance au Conseil tribal de Saskatoon et construire cette relation, ce partenariat avec nous. Les conditions ne sont pas très favorables dans notre province, mais en même temps, si nous ne prenons pas le temps de nous asseoir ensemble pour en parler, nous n'arriverons à rien.
Nous devons tous travailler ensemble. Peu importe qui sont ces enfants et d'où ils viennent. Il faut assurer leur sécurité, parce que quand on regarde les statistiques sur le système de justice pour les adolescents dans notre province, plus de 90 p. 100 des garçons et des filles incarcérés proviennent des Premières Nations, 90 p. 100. Cela les mène au centre correctionnel. Je travaille actuellement au centre correctionnel avec les hommes autochtones afin de les aider à se reconstruire pour qu'ils puissent rentrer chez eux et s'occuper de leurs enfants, parce que cela brise les familles, puis les enfants sont parachutés dans un système qui ne leur est pas favorable, et ils perdent leur culture, leur langue, leur identité.
En tant que chefs, nous devons intervenir et faire le mieux pour eux. Nous devons nous battre pour eux et nous assurer de faire une différence, de leur donner tous les moyens possibles de changer leur vie. Encore une fois, je ne travaille pas seulement pour les membres des Premières Nations. Peu importe la race d'une personne, son âge, la couleur de sa peau, d'où elle vient, nous sommes tous des personnes.
Souvenez-vous de cette analogie. Quand des enfants jouent au parc, ils ne savent rien de la race, de la couleur de la peau ni de l'âge. Ils jouent et ont du plaisir. C'est la même chose ici. Nous devons tous travailler ensemble pour nous assurer de faire une différence dans la vie des gens.
Je préfère participer à des réunions comme celle-ci, pour que nous travaillions ensemble, plutôt que de pointer des coupables du doigt sur la place publique et de dire qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et qu'il faudrait faire les choses différemment. Nous devons nous asseoir entre adultes et montrer à nos jeunes que nous pouvons faire une différence dans la vie des gens.
C'est la chose la plus importante pour moi parce l'exemple que nos chefs nous donnent, c'est de venir ici construire des partenariats et tisser des liens. Tous les programmes et les services que nous offrons dans la ville de Saskatoon... Il y a plus de 90 organisations qui font partie de Reconciliation Saskatoon, qui abattent les barrières du racisme, qui abattent les barrières de la pauvreté et de la négligence envers les enfants des Premières Nations. C'est le plus important et c'est ce pour quoi nous faisons tout cela.
Je tiens à souligner très clairement aujourd'hui que je ne suis pas là pour me faire valoir comme chef tribal, je suis là pour les enfants que nous servons. Nous devons faire le mieux pour les enfants qui ont besoin de rentrer chez eux et de retrouver leur famille. Je vais vous en donner un exemple. Je suis né en janvier 1971. Quand j'avais six mois, ma mère m'a donné à mes grands-parents. Il n'y a jamais eu de certificat au mur qui disait que je devais suivre un système ou que ma mère devait respecter un système pour me donner à mes grands-parents. C'est ce qu'on appelle le lien de parenté. Nous l'avons perdu.
Le système qui nous a été imposé doit être changé. Le projet de loi contribue à le changer. Est-ce que ce sera parfait? Montrez-moi un projet de loi parfait. Je n'ai jamais vu de projet de loi parfait. On peut toujours le modifier et l'améliorer.
Quand nous nous interrogeons sur ce genre d'enjeux et l'avenir, je pense qu'il faut vraiment nous demander comment nous pouvons travailler ensemble. L'élément le plus important sur lequel je souhaite insister aujourd'hui, encore et encore, c'est qu'il faut établir des relations, bâtir des partenariats, mais aussi comprendre que nous, les peuples autochtones avons le droit inhérent issu de traités de nous occuper de nos enfants. Nous n'avons jamais renoncé à ce droit.
Je repense à tout ce qui se passait à l'époque. Quand un enfant est enlevé aujourd'hui, on entend partout l'alerte Amber. Y a-t-il déjà eu une alerte Amber parce que nos enfants étaient enlevés à la Première Nation et assis à l'arrière d'un camion pour être transportés vers un pensionnat? Nous avons le pouvoir de changer les choses, et je suis ici aujourd'hui non pas pour vous exposer un problème, mais pour vous exposer des solutions. À la lumière de tout ce que nous avons réussi à faire en Saskatchewan, nous pouvons déplacer des montagnes avec nos solutions. Il est très important que nous travaillions tous ensemble, avec les gouvernements fédéral et provincial, pour rendre cela possible pour tous les enfants.
Je peux vous parler des nombreux enfants que nous avons sauvés depuis que j'ai signé cet accord. J'ai empêché trois enfants d'être placés en adoption, et sept autres seront rapatriés dans leur communauté. Ce sont les chiffres dont je veux vous parler.
[Le témoin s'exprime en wet'suwet'en ainsi qu'il suit:]
Dinee Zeh’, Tsak’iy Zeh’, Skiy Zeh’. Niwh na cowlh ya gain unee niwh doo-nih’. Skak habayeztalhdic.
[Les propos du témoin sont traduits ainsi:]
Aux chefs, à la matriarche, aux enfants des chefs et de la matriarche. Je veux exprimer ma gratitude. Vous nous avez demandé de venir ici. Nous voici tous réunis pour parler des enfants.
[Traduction]
Je souhaite remercier les Premières Nations à qui appartiennent les terres sur lesquelles nous nous trouvons, qui nous permettent de venir parler de nos enfants.
Le Canada doit honorer les engagements qu'il a pris à l'égard de nos enfants et de la compétence sur le bien-être des enfants dans le protocole d'entente ratifié lors de notre célébration de Moricetown en octobre 2018. En cas de conflit avec l'accord existant, le protocole d'entente prévaut.
La participation du peuple wet'suwet'en à la modification des lois provinciales et fédérales pourrait avoir une incidence sur le travail visé par le protocole d'entente. Les bureaucrates et les avocats en feront une interprétation étroite, de sorte que nous devons en faire une interprétation générale et que les Wet'suwet'en devront participer à la mise en oeuvre des politiques, des pratiques et des règlements après l'adoption du projet de loi. Dans l'ensemble, les dispositions sur le partage des compétences représentent un pas en avant et devraient entrer en vigueur.
Cependant, ne faites pas entrer en vigueur les dispositions sur les pratiques. Dans l'ensemble, ces dispositions représentent un recul, particulièrement pour la Colombie-Britannique, où la CFCSA a récemment été modifiée. Les intervenants communautaires les plus expérimentés auront encore fort à faire.
Les travailleurs sociaux jouissent de beaucoup trop de pouvoir discrétionnaire dans l'interprétation de ce qu'on entend par « intérêt de l'enfant », un terme fortement teinté des concepts, des valeurs et des biais occidentaux colonialistes. Il faut explicitement faire mention de la préservation de la culture.
La définition de « fournisseur de soins » place les parents d'accueil et les parents biologiques sur un pied d'égalité devant les tribunaux et dans le système de protection de l'enfance. Dans l'ensemble, les parents d'accueil ont toutefois beaucoup plus de ressources pour se défendre et s'orienter dans les systèmes occidentaux que les parents biologiques.
Nous avons besoin de liens plus étroits. Les dispositions sur les pratiques montent les Premières Nations les unes contre les autres plutôt que de resserrer leur cercle autour des enfants. Les mariages mixtes ne sont rien de nouveau. Dans les systèmes héréditaires, le clan du père joue un rôle important. Cela va à l'encontre de la valeur du multiculturalisme au Canada.
Il en résultera involontairement que les nations les plus fortes se renforceront davantage, puisqu'elles auront les ressources et les pouvoirs nécessaires pour exercer leurs compétences, alors que les nations et les petites communautés qui ont du mal à s'en sortir risquent d'avoir encore plus de mal à s'adapter aux dispositions sur les pratiques. C'est contraire aux valeurs autochtones et à l'intention énoncée dans le préambule, selon laquelle ce projet de loi serait pour tous les enfants autochtones. Les conditions doivent être les mêmes pour tous.
Avant de céder la parole à la représentante du clan de mon grand-père, je dois dire que je trouve personnellement un peu frustrant que ce projet de loi ait été rédigé sans nous. Je pourrais aller rédiger un projet de loi en Chine ou en Allemagne. C'est l'impression que j'ai. Ce projet de loi a été rédigé par des personnes qui ne savent rien de nous ni de nos enfants. Cela me dérange.
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[
Le témoin s'exprime en wet'suwet'en.]
[Traduction]
Je m'appelle Yaga'lahl. Je suis de la maison de Spookw, une maison gitksan, et du clan du Loup. Je suis également chef héréditaire et chef élue.
Le village d'où je viens se situe sur le territoire de notre maison, qui est la maison de Spookw. Nous avons actuellement 792 membres, dont les deux tiers vivent hors réserve. Ils sont partout; ils sont dans différentes provinces et certains vivent même aux États-Unis.
L'une des choses qui me dérangent, c'est qu'il y a différentes lois créées pour les peuples autochtones et que bien souvent, nous n'apprenons qu'après coup qu'elles ont été adoptées. L'une des choses qui me dérangent, c'est qu'on nous dicte tout, depuis notre naissance jusqu'à notre mort.
Quand je suis née, j'étais le numéro 68. Quand je me suis mariée à un non-Autochtone, je suis devenue le numéro 12-1B et surprise! en 1985, je suis devenue le numéro C31. Après, je suis retournée m'installer dans mon village et je suis devenue le numéro 222. Cela a de quoi donner des maux de tête, vous savez? C'est intéressant qu'on nous attribue autant de numéros. Où ailleurs fait-on cela?
Je pense qu'il y a une chose dans notre village qui le rend vraiment unique. Nous sommes à la fois Gitksan et Wet'suwet'en. Les maisons et les clans qui y sont représentés sont presque égaux. Il y a neuf maisons des Wet'suwet'en et neuf maisons des Gitksan.
À l'origine, il y a bien longtemps, il y avait une abondance de saumons qui remontaient la rivière au village d'où je viens, où je suis née et où j'ai grandi. Des gens venaient de l'est pour venir préparer leur saumon dans notre canyon. Le fond du canyon se trouve à environ 292 pieds du pont. Il y a un pont suspendu argent qui traverse la rivière. Les gens y venaient pour pêcher, puis retournaient dans leur propre village. Certains y sont restés parce que je suppose qu'ils ont vu de très belles personnes de l'autre côté du pont, et il y a eu des mariages mixtes.
Nous parlons ici de deux nations différentes touchées par ce projet de loi. Le plus important pour nous, c'est notre salle des célébrations, où nous discutons de tous nos problèmes. Tout ce qui touche notre culture se règle dans cette salle des célébrations. Le clan du père est un groupe très spécial. Il doit toujours être là pour moi, par exemple. Le mien vient aussi du clan du père, donc c'est intéressant.
Je pense qu'il faut vraiment miser sur la famille élargie quand des enfants doivent être pris en charge. Je pense qu'il faudrait toujours envisager d'abord de confier un enfant à la famille élargie, mais de nos jours, les dépenses sont tellement élevées que ces familles ont parfois besoin d'un petit coup de pouce supplémentaire, et mon village est là pour les aider. Je vais vous en donner un exemple.
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Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de quelques réflexions sur le projet de loi et vous présenter ma perspective de professionnelle qui a travaillé sur le terrain plus de 30 ans en protection de l'enfance et en santé mentale, puis à titre de sous-ministre de la Santé et du développement social pour le Gouvernement du Nunatsiavut depuis 15 ans. Nos territoires se situent au Labrador, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous représentons environ 7 000 bénéficiaires.
Je dois peut-être surtout vous dire que je suis moi-même parent adoptif, parent d'une fille adoptée selon la tradition, parent d'accueil d'environ 19 enfants et belle-mère d'une fille qui accueille elle-même une fille en famille d'accueil, ma petite-fille. Je suis immergée dans le système de protection de l'enfance sur les plans personnel et professionnel depuis environ 30 ans.
J'aimerais commencer par féliciter les rédacteurs du projet de loi , parce que j'estime qu'il est très nécessaire et qu'il tombe à point. Les principes sur lesquels se fonde le projet de loi — l'intérêt de l'enfant, la continuité culturelle et l'égalité réelle — reçoivent pleinement l'appui du gouvernement du Nunatsiavut et nous guident dans notre propre travail de protection de l'enfance. Je suis heureuse que le gouvernement fédéral reconnaisse que nous avons besoin d'une nouvelle approche et qu'il prenne des mesures pour habiliter les gouvernements, les familles et les communautés autochtones à prendre des décisions.
Nous en constatons les effets concrets dans nos communautés quand des enfants sont retirés de leur famille et de leur milieu puis qu'ils sont assimilés à des familles et à des communautés non autochtones, souvent par des professionnels et des fournisseurs de soins animés des meilleures intentions. Nous reconnaissons qu'à titre de gouvernement autochtone, nous ne pouvons pas nous contenter de critiquer les systèmes actuels, que nous devons jouer un rôle prépondérant dans la recherche et la proposition de solutions.
Le gouvernement du Nunatsiavut a pris le taureau par les cornes en matière de protection de l'enfance et chemine graduellement vers un transfert de responsabilités. Nous avons mis en place un programme de baccalauréat en travail social pour les Inuits, en plus d'avoir lancé une campagne de recrutement et de rétention de familles d'accueil, à laquelle deux travailleurs sociaux ont été affectés, et nous assurons un accès supervisé aux familles à qui sont confiés des enfants. Nous avons entamé un examen de la protection de l'enfance inuite avec le bureau de défense des enfants et des jeunes de la province, et notre rapport sera prêt d'ici le 1er juin. Nous avons aussi participé activement aux consultations sur la nouvelle loi provinciale sur la protection et les services aux enfants et aux adolescents et nous sommes un acteur important au sein du groupe de travail stratégique sur cette nouvelle loi. Nous avons créé un poste de représentant autochtone pour s'acquitter des nombreuses fonctions énumérées dans cette nouvelle loi en ce qui concerne les enfants autochtones.
Nous avons élaboré un protocole d'adoption pour les enfants inuits du Labrador et nous exerçons fréquemment notre pouvoir d'intervenant en matière d'adoption. Nous nous sommes dotés d'un cadre pour l'établissement de plans de continuité culturelle. Nous offrons beaucoup de formation à ceux que nous appelons « les alliés dans la guérison », nous mettons l'accent sur le traumatisme intergénérationnel et la formation à la guérison pour des professionnels comme les avocats, les travailleurs sociaux et tous les intervenants dans le système de protection de l'enfance. Nous avons aussi créé un programme de liens familiaux, qui est un programme d'intervention dont je vous parlerai dans quelques instants. Nous avons réservé une partie de l'argent que nous avons reçu du gouvernement fédéral en matière de logement pour aider les familles dont les enfants risquent d'être pris en charge ou qui pourraient retrouver leurs enfants, afin qu'elles aient accès à un logement et à du soutien adéquats.
Nous sommes souvent des pionniers, et il est parfois difficile d'amener la province à reconnaître notre rôle dans la défense des enfants, des familles et des communautés inuits et les services qui leur sont offerts. Il est parfois difficile de faire comprendre la nécessité d'un travail social de culture autochtone. Bref, l'aide que le projet de loi pourrait nous apporter signifierait beaucoup pour nous. C'est généralement nous qui devons payer la note pour créer ce genre de service ou qui cherchons du financement pour nos projets et nos programmes.
Je ne passerai pas beaucoup de temps à parler du projet de loi en tant que tel, puisque son intention et son contenu me semblent essentiellement bons. Cependant, j'aimerais vous parler d'un élément clé qui devrait figurer dans le projet de loi, selon moi, et qui est absent également de notre propre loi provinciale. Je veux parler de la prévention pour éviter que des enfants soient pris en charge.
Bien que ce ne soit pas écrit explicitement, le projet de loi laisse entendre qu'on met l'accent sur la prestation de services quand un enfant est pris en charge. On peut y lire ce qui suit:
L’intérêt de l’enfant est une considération primordiale dans la prise de décisions ou de mesures dans le cadre de la fourniture de services [...] à l’égard d’un enfant autochtone et, s’agissant de décisions et de mesures relatives à la prise en charge de l’enfant, l’intérêt de celui-ci est la considération fondamentale.
Le coût financier de la prise en charge d'un enfant est énorme. À une époque de responsabilité financière, ce seul fait devrait inciter les gens à examiner le système. En tant que parent d'accueil, je reçois 2 000 $ par mois pour m'occuper de l'enfant qui est chez moi actuellement. Il y a également les services de garde d'enfants et des dépenses supplémentaires. Imaginez ce qu'un parent pourrait faire avec la moitié de cet argent. Il pourrait payer le loyer, le chauffage, les factures d'électricité, l'épicerie et une gardienne pour une courte pause. On nous dit souvent que la prévention relève d'un autre ministère — ministère de l'Éducation, de la Santé publique, etc. —, mais je parle d'interventions précises et ciblées qui aideront les familles et empêcheront la prise en charge des enfants.
Le gouvernement du Nunatsiavut a élaboré un modèle de prévention et d'intervention. Il s'agit du programme de liens familiaux. Il est financé dans le cadre de l'initiative nationale de prévention de la violence familiale depuis trois ans. Il a été considéré comme une pratique exemplaire prometteuse et a donc été prolongé de trois ans et fait actuellement l'objet d'une évaluation. Nous croyons que le modèle appuie les familles, évite la prise en charge d'enfants, réunit les enfants et leur famille et fait participer la famille élargie à la planification pour les enfants. Avec la création de logements avec services de soutien, il fournit également des espaces sécuritaires pour les familles.
Au sein de nos collectivités, les fournisseurs de services sociaux et de santé et leurs organismes ont l'intention d'offrir des programmes de services sécuritaires, efficaces et appropriés à leurs clients autochtones et s'efforcent de le faire. Toutefois, le fait est que de nombreux Autochtones ont vu leur identité culturelle, leurs croyances et leur mode de vie dénigrés par des fournisseurs de services non autochtones. Il en résulte que les ressources disponibles sont souvent peu utilisées. Il est bien connu que les personnes qui ont le plus souvent besoin de ces services n'y ont pas recours et que lorsqu'elles y ont recours, c'est à contrecoeur. Les services sont souvent fournis de façon ponctuelle. Auparavant, les fournisseurs de services conseillaient souvent les familles sur « ce qu'elles devaient faire », mais ce modèle permet aux familles d'informer les fournisseurs de services de « l'aide dont elles ont besoin ». Parfois, des choses qui semblent anodines créent du stress. Une dépense imprévue, une maladie dans la famille, un enfant qui a des problèmes à l'école, une facture de téléphone ou d'électricité, l'achat de vêtements d'hiver, des contacts familiaux, des problèmes financiers de toutes sortes — tout cela s'ajoute à une rechute dans la toxicomanie et à la violence familiale.
Pour procéder à des changements, il faut créer des relations solides basées sur le soutien et une approche sans jugement qui valorisent chaque membre de la famille et qui n'excluent et n'isolent aucun membre de la famille. La pratique interdisciplinaire est une approche qui considère la famille comme une unité holistique. La réponse occidentale à la violence familiale ou au dysfonctionnement semble aller à l'encontre du mode de vie des Inuits. En général, les femmes et les enfants quittent la maison et entrent dans un refuge qui offre une sécurité à court terme. Des services de consultation sont offerts aux membres de la famille. Les hommes ont souvent des démêlés avec la justice. Au fur et à mesure que le cycle se poursuit, il arrive trop souvent que les familles se brisent encore davantage en raison du placement des enfants. L'histoire se répète et les familles sont à nouveau bouleversées, cette fois par la violence familiale et la toxicomanie.
C'est un fait que les familles ne peuvent pas toujours rester unies, mais grâce à une aide appropriée, à la collaboration entre des organismes et au soutien communautaire et culturel, la guérison des familles devient possible.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Il s'agit d'une toute nouvelle expérience pour moi, soit de parler de ce sujet. De plus, c'est un grand privilège d'écouter les trois chefs, ainsi que la personne qui vient juste de parler, qui n'est pas une chef, je crois, mais qui a de très vastes connaissances. C'est très utile.
Je crois qu'il est important de dire que le projet de loi est constitutionnel. Je ne pense pas que quiconque puisse dire qu'il ne l'est pas, mais le pouvoir sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens couvriraient clairement ce type de projet de loi.
Je n'ai aucune expérience dans ce domaine en particulier. J'ai travaillé en étroite collaboration avec certaines Premières Nations, en particulier celles du Yukon, car je les ai aidées à négocier un accord sur les revendications territoriales et un accord sur l'autonomie gouvernementale. Cela a été l'une des expériences les plus gratifiantes de ma vie. J'ai passé beaucoup de temps au Yukon à travailler avec les Premières Nations.
Mon expérience relative aux peuples autochtones est assez limitée et, en particulier, je ne crois pas pouvoir dire grand-chose au sujet du genre de problèmes familiaux que le projet de loi vise à régler en grande partie.
Les principes qui sous-tendent le projet de loi semblent très solides et je n'ai pas de critiques à formuler. Comme plusieurs intervenants l'ont mentionné, il n'y a rien dans le projet de loi au sujet des ressources. Par exemple, le projet de loi ne prévoit pas qu'un fournisseur de soins soit rémunéré pour le travail qu'il effectue. J'aurais pensé que dans de nombreuses situations, ce serait une chose importante, et si les ressources ne sont pas mises à disposition pour cela, il ne se passera pas grand-chose.
C'est l'une des suggestions que je ferais, à savoir que des ressources devraient être mises à disposition et que cela permettrait, par exemple, de rémunérer les fournisseurs de soins. Ce serait très bien.
C'est probablement tout ce que je peux dire, madame la présidente. Je serai ravi de répondre à vos questions
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Tout d'abord, je vous remercie de la question. Merci de le soulever, car au bout du compte, c'est la raison pour laquelle nos chefs du Conseil tribal de Saskatoon ne permettent pas à des gens de parler en leur nom, car ils ne sont pas les détenteurs de droits des enfants de ces communautés.
Les détenteurs des droits sont les signataires d'ententes de nation à nation, qui sont les chefs. Dans leur soutien, en ce qui concerne notre bureau régional, qui est la FSIN, ils n'ont pas la capacité de signer des ententes au nom de ma nation. Je n'ai pas la capacité de signer, et je suis le chef tribal de ces nations. Je leur communique l'information, et ils décident s'ils veulent conclure des ententes avec le gouvernement provincial.
J'ai dit plus tôt dans mon témoignage que le premier ministre Scott Moe a qualifié notre accord d'accord historique, parce que jamais auparavant dans notre province nous n'avions conclu un accord comme celui de réconciliation pour la protection de l'enfance. En fait, nous sommes des partenaires. Ils ne nous dicteront rien; nous ne leur dicterons rien. Nous travaillerons ensemble pour le bien des enfants.
Dans le cas de bien d'autres Premières Nations et communautés, et je ne peux parler en leur nom, mais si elles choisissent de ne pas collaborer avec le gouvernement, il se pourrait que des enfants passent entre les mailles du filet. Je vous garantis que ce ne sera pas le cas de nos enfants. Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour que la sécurité de ces enfants passe avant tout.
Nous sommes fiers d'avoir bâti cette relation. Comme je l'ai dit plus tôt, en juin 2016, nous n'avions rien, nous n'avions aucun financement pour nos enfants. La province nous a enlevé nos pouvoirs. Ça va. Mais nous l'avons reconstruite pour créer, espérons-le, un modèle à suivre pour le reste du Canada, pour dire que nous devons travailler avec toutes les personnes présentes dans la salle, les gouvernements provinciaux et fédéral, pour nous assurer que nous pouvons le faire ensemble.
Je suis très fier de dire, et je vais le répéter, publiquement, que l'ancienne ministre et l'actuel ministre appuient le projet de loi. Dans notre province, le ministre Paul Merriman et le premier ministre Scott Moe collaborent avec le Conseil tribal de Saskatoon et nos chefs pour s'assurer que les choses sont faites correctement.
Si d'autres organisations vous disent qu'elles n'ont pas de bonnes relations de travail avec notre province, cela les regarde. Pour notre part, je pense que nous pouvons montrer l'exemple en nous assurant de changer la donne pour les enfants.
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Je me demande bien comment nos ancêtres ont pu survivre pendant plus de 15 000 ans avant que la Loi sur les Indiens soit adoptée. De si nombreux changements sont survenus, même juste de mon vivant. Je pense qu'une grande partie du partage qui se faisait avant ne se fait plus aujourd'hui, à cause des changements qui s'opèrent depuis 150 ans.
Concernant le financement, une des choses que nous faisons... Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans le cas du grand-père qui s'occupe de ses deux petits-enfants orphelins, je pense qu'il est possible de lui offrir de l'aide, s'il n'a pas de parenté qui puisse l'aider. Nous pouvons au moins fournir du soutien pour les enfants.
En plus, je trouve incroyable que les fournisseurs de soins vivant hors réserve reçoivent trois fois plus d'argent pour chaque enfant. Comment est-ce arrivé? Comment a-t-on déterminé que ce montant était adéquat? Les besoins sont les mêmes à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves. Il faut fournir toutes les mêmes choses, comme un toit, des vêtements et de la nourriture. Je ne peux que me demander comment les gens faisaient pour survivre avant. Dans le passé, les gens partageaient beaucoup. Comme vous le savez, c'est pour cette raison qu'un si grand nombre de personnes sont venues s'installer ici: nos ancêtres ont partagé si généreusement leur pays.
À une certaine époque, la faune et la flore étaient foisonnantes, mais une grande partie de nos ressources ont été épuisées. Par exemple, les gens venaient pêcher le saumon dans le canyon de mon village parce qu'il y abondait. Puis, le ministère des Pêches et des Océans a fait exploser la roche dans notre rivière, et du même coup, il a détruit la pêche. Nous avons donc été forcés à chercher du saumon ailleurs, et alors, bien sûr, le ministère des Pêches a mis des agents à nos trousses, des agents qui étaient prêts à tirer sur nous si nous pêchions le saumon dans une autre région.
L'exploitation excessive des ressources a aussi déséquilibré totalement les habitats naturels. Les habitats des animaux ont été détruits. C'est pour cette raison que les animaux s'approchent de plus en plus des villes. À Vancouver, les ours entrent même dans les maisons. On comprend pourquoi lorsqu'on voit les maisons construites de plus en plus haut dans la montagne. Qui leur a vendu cette montagne? Je me le demande bien.