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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 février 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue à la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Je souhaite la bienvenue à tous les membres, en particulier Bob Bratina, Sukh Dhaliwal et Hedy Fry qui remplacent d'autres membres du Comité.
    Je tiens à souligner que nous sommes reconnaissants de pouvoir tenir notre réunion sur un territoire algonquin non cédé.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur le suicide au sein des communautés autochtones. Nous entendrons deux groupes de témoins.
    Tout d'abord, nous accueillons deux groupes de mon coin de pays. Du MKO du Manitoba, nous accueillons la grande chef Sheila North Wilson, et de l'Assemblée des chefs du Manitoba, nous accueillons le grand chef Derek Nepinak. Nous accueillons également Candice Paul, chef de la St. Mary's First Nation et représentante de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, la motion adoptée le 12 avril 2016, le Comité reprend son étude sur le suicide au sein des peuples et des communautés autochtones.
    Je donne d'abord la parole à la chef Sheila North Wilson.
    Vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis les membres présents vous poseront des questions. Vous avez la parole.
    Bonjour. Au nom des 30 Premières Nations du Nord du Manitoba représentant près des deux tiers de la province et plus de 72 000 personnes sur le territoire du MKO, je tiens à vous remercier tous de me donner l'occasion de vous adresser la parole sur le suicide et la crise au sein de nos peuples et communautés autochtones.
    C'est dans un esprit solennel que je comparais devant vous aujourd'hui en tant que représentante des Premières Nations du Nord du Manitoba. Je suis consciente de la douleur et de la perte que le suicide a causées au sein des communautés qui m'ont élue pour être leur représentante. Je suis touchée par la résilience et l'espoir qui soutiennent nos communautés en ces temps difficiles. C'est cette période d'espoir et de résilience qui nous a soutenus historiquement ici, sur l'île de la Tortue, depuis des temps immémoriaux.
    Votre comité a déjà entendu les représentants de plusieurs Premières Nations, des Inuits, des Métis, ainsi que d'organisations sur cette grande tragédie. Les nombreux points de vue et recommandations qui ont été présentés nous rappellent à tous quelles sont les répercussions du suicide. Elles vont bien au-delà des personnes et de leur famille. Le suicide a une incidence sur toute notre communauté et nos régions.
    J'espère sincèrement que nos discussions sur ce sujet faciliteront, dans l'esprit de réconciliation, un effort honnête, fervent et de collaboration pour mettre fin à cette crise canadienne.
    Le suicide au sein des communautés autochtones constitue un phénomène complexe et multidimensionnel. Le suicide est lié au traumatisme historique et intergénérationnel, au déplacement et au processus de colonisation. La semaine dernière, le coroner Bernard Lefrançois, du Québec, a publié son rapport sur cinq suicides survenus dans une réserve innue du Nord du Québec. Il a déclaré que le problème fondamental tient à ce qu'il a appelé le « système d'apartheid » dans lequel se retrouvent les peuples autochtones depuis plus de 150 ans. Cette décision explique pourquoi nous sommes nombreux à nous méfier des célébrations du Canada 150.
    Les taux de suicide sont reliés à la situation socioéconomique des Premières Nations et à l'état de santé de ses membres, sans oublier l'écart global entre la qualité de vie des Premières Nations comparativement à celle de la population canadienne en général. Les taux déplorables de pauvreté dans les réserves, la pénurie de logements et l'écart dans le financement de l'éducation et de la protection de l'enfance sont tous documentés et de plus en plus connus de la population générale du Canada. Nous applaudissons tous les efforts et engagements des gouvernements pour s'attaquer à ces défis, mais cette situation est une source de frustration et les progrès sont très lents.
    Nous sommes convaincus que tout le monde est important et que chaque vie est précieuse. Nous reconnaissons que chacun et chacune d'entre nous a le potentiel d'être un leader et que chacun et chacune peut faire une contribution, si la possibilité lui en est donnée. Nous continuons d'honorer la mémoire de nos jeunes et des membres de notre famille et de notre communauté qui nous ont précédés, en nous recentrant — en me recentrant — sur l'objectif de protéger et de guider nos jeunes, nos familles et nos communautés.
    Il est très important que nous établissions des programmes à long terme et durables pour nos jeunes dans nos communautés des Premières Nations. Nos langues, nos traditions, nos croyances et nos cérémonies nous rapprochent en tant que peuples autochtones. En parlant nos langues, en pratiquant nos traditions, et en maintenant le lien avec nos terres traditionnelles, nous devenons des nations plus fortes. En tant que peuples autochtones du Nord du Manitoba, nous devons continuer de veiller sur nos familles, nos communautés et nos terres ancestrales, comme nous le faisons depuis des milliers d'années.
    Les Premières Nations du MKO ont cherché des façons de devenir plus fortes. Les Premières Nations du MKO planifient activement l'avenir et les occasions éventuelles pour notre territoire. Nous planifions ensemble l'avenir tout en honorant nos jeunes, nos aînés et nos communautés. Nous reconnaissons toujours que nos jeunes sont les leaders de demain.
    Après la publication des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, il a été beaucoup question de réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones. Nous en avons parlé l'an dernier, et je crois qu'il est temps de passer à l'action cette année. En l'absence d'un programme d'études précis et normalisé sur l'histoire des peuples autochtones du Canada, le Canadien moyen doit fonder ses opinions sur des renseignements désuets et inexacts.
    Dans une communauté du MKO, un citoyen est cinq fois plus susceptible de se suicider que n'importe quel autre citoyen du Manitoba. Nous observons un taux élevé d'idées suicidaires chez les jeunes de notre région, et un taux encore plus élevé de suicides et de tentatives de suicide. Chaque perte de vie est une perte pour toute la famille et pour les communautés, ainsi que pour le Canada.
    En septembre 2015, lorsque j'ai été élue la grande chef du MKO, j'ai assumé les responsabilités de ce poste avec beaucoup de sérieux. Je sais très bien les luttes que doivent mener un si grand nombre de nos communautés. Voilà pourquoi en mai j'ai publié un plan d'action économique de 10 points, tendant la main à tous les paliers de gouvernement et au secteur privé pour qu'ils se joignent à nous. Il s'agit autant de la meilleure utilisation des fonds gouvernementaux actuels que de l'augmentation de ce financement.
(0850)
    Notre objectif est de créer des possibilités et des emplois dans nos communautés. Nous croyons qu'en favorisant l'espoir et la confiance en l'autodétermination, nous pouvons faire de grands progrès et mettre de l'avant nos communautés et renverser une partie de l'aliénation et du sentiment d'impuissance auxquels tant de jeunes sont confrontés.
    Je suis heureuse de vous dire que notre message est entendu des gouvernements et du secteur privé. Nous voyons naître de nouveaux partenariats qui peuvent aider à apporter les changements nécessaires que nous demandons tous, que nous cherchons tous à obtenir et que nous nous emploierons à réaliser.
    Le mois dernier, le Conference Board du Canada a publié un rapport intitulé Maximiser le potentiel du Manitoba. J'en ai apporté un exemplaire. Je peux vous le remettre si vous le voulez. Le rapport est très clair et centré. Sa conclusion était frappante et, à notre avis, très positive. On y dit que les peuples autochtones sont actuellement sous-représentés dans le marché du travail au Manitoba, et que la population autochtone du Manitoba représente un avantage démographique unique pour la province. On y dit qu'il sera essentiel de mobiliser les jeunes Autochtones dans la population active pour soutenir la croissance économique de la province.
    Il n'est d'ailleurs pas surprenant que je fasse la promotion de ce message auprès de tous les gens d'affaires que je rencontre. Bien entendu, ce message est tout aussi important pour les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, qui doivent veiller à s'assurer que nos jeunes obtiennent les possibilités qu'on leur a refusées par le passé.
    Le MKO favorise le mieux-être sur notre territoire en ce moment même. Nous avons lancé notre tournée des routes de glace « Live Different » qui est déjà commencée et qui se rendra dans 50 Premières Nations du Nord. Dans le domaine de l'éducation, nous mobilisons en ce moment les parents de 19 communautés pour assister à des réunions régionales sur leurs priorités. Les résultats seront communiqués aux chefs et au gouvernement fédéral. De plus, deux de nos Premières Nations ont récemment conclu des régimes d'autonomie gouvernementale dans le domaine de l'éducation avec AANC.
    Cette année, la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (DGSPNI) et Santé Canada ont pressenti le MKO en tant que l'entité des Premières Nations chargée d'établir un modèle coordonné de services en santé mentale pour la région du Manitoba, y compris la prestation de services en santé mentale aux 64 Premières Nations. En vertu d'une entente de contribution préétablie, assortie d'un cadre condensé, on a confié au MKO la responsabilité et le défi de répondre aux besoins en santé mentale des Premières Nations du Manitoba. Malgré les contraintes qui font partie de l'entente de financement, nous sommes heureux de comparaître devant vous, un plan en main. Le plan comprend une formation et une acquisition de compétences pour les Premières Nations du Manitoba. Il comportera des mécanismes d'intervention en cas de crise pour les Premières Nations du Nord et du Sud, et il recensera les pratiques exemplaires des services actuels.
    En conclusion, j'aimerais réitérer que le suicide chez les peuples autochtones est une crise canadienne. Nous avons besoin d'une évaluation honnête de l'histoire afin de pouvoir passer à la réconciliation, ce qui facilitera des partenariats efficaces à cette fin. J'espère aussi que le sens de la justice des Canadiens et que la résilience des peuples autochtones prévaudront. De plus, j'espère que cela se traduira par une augmentation de partenariats significatifs et un effort concerté par tous les paliers de gouvernement — de toutes les allégeances — et le secteur privé pour mettre fin à la crise des suicides au sein des peuples autochtones.
    Cela conclut la partie formelle de mon exposé.
    Quant à la partie informelle, je suis ici devant vous grâce à cet homme dans cette photo. Il s'agit de mon cousin, Gabe. J'étais ici lundi et je parlais de ces sujets avec les représentants de divers ministères et les deux ministres, la ministre Bennett et la ministre Philpott. Je discutais avec ces personnes de la transformation dans le domaine de la santé et à quel point nous devons jeter un second regard sur la manière d'exécuter les programmes dans nos communautés.
    Nous avons formulé un plan. Nous savons ce qui fonctionne. Nous devons avoir notre mot à dire dans les changements transformationnels qui doivent survenir dans nos communautés. Il n'est pas nécessaire que nous quittions nos communautés. Nos peuples sont fiers de leurs origines et de l'endroit où ils vivent. Nous voulons rester. Nous voulons que cela fonctionne. Nous savons ce qui fonctionne et nous savons ce qui ne fonctionne pas.
    Malheureusement, cette semaine, alors que je travaillais, le système qui est mis sur pied en ce moment dans nos communautés n'a pas fonctionné pour mon cousin Gabe et d'autres qui ont estimé avoir abandonné. Pendant une réunion, j'ai reçu des textes de membres de ma famille qui me demandaient de prier, mais je ne savais pas pour quoi, et à la fin de la réunion, pendant que je me rendais sur la Colline parlementaire, j'ai parlé à mon père et tous les membres de ma famille pleuraient, disant que notre magnifique cousin était mort.
    Il était quelqu'un. Il y a à peine deux ou trois mois, il a suivi une formation de mécanicien et d'opérateur de machinerie lourde. Il l'a terminée. Il a trois enfants. Il a une femme qui oeuvre dans le domaine infirmier. Il a déraciné sa famille de la communauté, mais il n'aimait pas vivre à Thompson, de sorte qu'ils sont revenus vivre dans notre communauté, Oxford House, et c'est là qu'il a abandonné. Que doit penser un jeune homme, un jeune père et un jeune mari quand il n'a pas de travail pour subvenir aux besoins de sa famille?
(0855)
    Nos jeunes ont le même sentiment. Ils sont désespérés. Ils ont tellement de magnifiques talents et de magnifiques dons que le monde doit voir, et que les enfants et les familles doivent réaliser.
    Je ne veux pas que mon voyage soit en vain. Je voulais retourner immédiatement après avoir reçu cette nouvelle. Je voulais faire demi-tour, me rendre à l'aéroport et quitter, mais je ne le pouvais pas. Ma famille a dit que je devais rester pour faire ce que je fais en ce moment. Les dirigeants de ma communauté ont dit que je devais rester pour le faire. Je le fais pour Gabe, pour vous faire savoir que c'est un véritable problème. Ce n'est pas un problème sur papier. Ce n'est pas une question de statistique.
    Cela arrive à de véritables personnes, de belles personnes. Cela touche des communautés entières. En moyenne, les non-Autochtones assistent peut-être à 8 ou 10 funérailles dans leur vie. Nous avons assisté à des centaines. Est-il juste que, dans notre pays si riche en terres et ressources, nous ayons à vivre cela? Nous sommes en état constant de crise et de traumatisme. Ce n'est pas juste. Nous devons modifier notre approche et nos attitudes, de même que les conditions de nos Autochtones.
    [La témoin s'exprime en cri.]
    Merci, chef North Wilson.
    Nous accueillons maintenant le chef Nepinak, de l'Assemblée des chefs du Manitoba.
     [Le témoin s'exprime en langue ojibwa.]
    Je m'appelle Derek Nepinak et je suis le grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin, et d'être parmi vous pour échanger quelques réflexions dans le temps qui m'a été imparti.
    Je commence par une citation d'un de nos aînés, « Finalement, le suicide est un génocide ».
    Quant à l'objet de mon exposé, je tiens à ce qu'il soit clair que je ne suis pas ici aujourd'hui pour parler de statistiques ou pour donner un aperçu scientifique ou occidental du phénomène du suicide dans notre expérience humaine. Qu'il suffise de dire que j'ai eu ma part de lectures. Les membres de mon personnel m'ont informé à fond au cours des 20 années et plus où l'ACM a été confrontée à cette crise que nous vivons en ce moment. Il ne s'agit pas d'une crise qui date du mois dernier ou de l'an dernier. Elle a commencé il y a très longtemps.
    J'aimerais ajouter que je ne suis pas ici pour vous supplier de nous fournir des solutions afin que nous puissions mieux dormir, sachant que quelqu'un s'occupera de nos problèmes pour nous. Je le dis non pas parce que je ne suis pas convaincu que vous ayez vraiment l'intention de contribuer aux solutions, mais parce que j'ai toujours été convaincu que les solutions qui aideront les personnes, les familles et les communautés à se développer doivent venir des personnes, des familles et des communautés aux prises avec les difficiles conditions qui donnent lieu à la grande fréquence de suicides et de tentatives de suicide. Ainsi, les solutions pour atténuer la crise suicidaire dans nos communautés prendraient la forme d'exercices en autodétermination, qui sont quant à moi la clé pour des personnes, des familles et des communautés en santé.
    La complexité de la question du suicide et son incidence sur nos familles et nos communautés créent un défi considérable, même pour déterminer un point d'entrée adéquat dans la discussion. J'ai choisi d'entrer dans la discussion à partir de la porte la plus naturelle, celle qui est pertinente compte tenu de ma capacité actuelle, c'est-à-dire de parler de la tragédie du suicide du point de vue d'un dirigeant communautaire et régional à qui on a confié la tâche de créer de l'espoir pour un avenir meilleur.
    Lorsque j'ai commencé à assumer mon rôle de leader de la communauté, les aînés m'ont rappelé que l'un des rôles fondamentaux d'un dirigeant communautaire est de garder les attributions de nos enfants et, le cas échéant, d'en créer de nouvelles. Les entités communautaires, qu'il s'agisse d'institutions publiques, d'installations récréatives et sportives pour les jeunes, de bourses pour des études supérieures ou n'importe quelle autre forme d'entité, sont les legs et les voies de l'avenir que nous devrions créer en tant que symboles de nos contributions à nos communautés à notre époque et sous notre direction.
    Les contributions concrètes créent la fierté chez la personne et la communauté. Elles créent un sentiment de réussite, et si elles se galvanisent pour devenir des institutions publiques, elles peuvent devenir des rappels constants à nos jeunes et nos familles qu'elles sont honorées et respectées dans notre communauté. Voilà la façon du leadership visionnaire des temps passés.
    Avec l'imposition dans nos communautés de formes de gouvernance prescrites et limitées par le truchement de la Loi sur les Indiens, la création de voies pour l'avenir est devenue un aspect secondaire, parce que nos communautés sont constamment en état de crise. Chaque jour, dans une ou plusieurs de nos communautés, une crise se déroule et a une incidence sur la qualité de vie des personnes, des familles et des dirigeants. L'état de crise a été confirmé en 2013 par James Anaya, le rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, lorsqu'il a visité des réserves un peu partout au pays. Je suis convaincu que la forme prescrite de gouvernance dictée par la Loi sur les Indiens est une expression de colonialisme qui contribue à nous maintenir enfermés dans la pauvreté, qui nous empêche de rechercher la justice sociale et de meilleurs résultats pour nos jeunes.
    Lorsque des dirigeants communautaires sont obligés de régler crise après crise dans un contexte de budgets prescrits et de formes limitées de gouvernance, le travail visionnaire de bâtir et de maintenir la confiance de nos enfants devient une fonction secondaire et, dans certains cas, une fonction impossible. Dans mon expérience de leader communautaire, j'ai vécu le défi auquel un leader est confronté pour établir la priorité des besoins de nos jeunes dans un climat de crise constante, tout en ayant à sa disposition très peu d'appui, voire aucun, pour démontrer de manière significative à nos jeunes qu'ils sont appréciés et qu'ils représentent notre espoir de demain.
    Lorsque je suis passé au rôle de grand chef, j'ai amené mes enseignements avec moi et du point de vue du leadership régional, j'ai été en mesure de voir comment la politique et la loi se combinent pour limiter nos progrès vers notre émancipation afin de nous soutirer à l'emprise de la colonisation et vers l'autonomisation et l'autodétermination.
(0900)
    Par contre, je n'ai pas laissé les limites nous empêcher de viser un programme d'autonomisation, programme qui met l'accent sur la force et la résilience de nos communautés et qui célèbre nos cultures diverses.
    C'est en tant que dirigeant régional que j'ai commencé à me rendre compte que dans nos communautés où la langue, la culture et l'histoire de nos peuples sont communiquées et célébrées, le suicide est pratiquement inexistant. Je me rappelle une citation de l'ancien grand chef de l'Organisation des chefs du Sud, Terrance Nelson, qui parle souvent des jeunes dans sa communauté. Il a déclaré qu'à Rosseau River, ils tiennent des cérémonies midewiwin et qu'ils sont forts; ils n'ont pratiquement aucun suicide chez les jeunes. Voilà le message qu'il a communiqué à nos dirigeants en de nombreuses occasions. Peu importe le contexte de la discussion, il le mentionnait.
    De tels messages m'ont enseigné que chercher peut-être des solutions pour nos jeunes, quoique complexe, exige la reconnaissance et la célébration de notre culture, de notre langue, de notre façon d'être, et la création de tribunes où nos jeunes pourraient avoir un aperçu de la beauté de qui nous sommes en tant que peuples indigènes, avec de belles histoires et des traditions riches et profondes. Toutefois, la tâche est difficile depuis la plateforme d'une organisation politique qui doit être pertinente et sensible aux dirigeants de nos communautés qui évoluent dans un contexte difficile de budgets insuffisants et scrutés à la loupe et de demandes de la part des membres de la communauté, qui eux-mêmes sont souvent aux prises avec le quotidien.
    Cela a créé une situation où je devais décider si notre valeur dans le leadership régional s'exprime mieux par un opportunisme politique et une politique réactive à régler nos crises quotidiennes sous l'emprise de notre colonisation, ou si nous pourrions créer un mandat s'inspirant de toute la richesse de notre histoire afin de trouver la force et la résilience pour démontrer à nos jeunes qu'il existe un avenir positif.
    À cette fin, nous avons entrepris des actes d'autonomisation au fil des ans dans le but de créer cette force. Par exemple, en 2013, nous avons lancé une caravane de la liberté issue des traités. Elle a connu un vif succès dans les territoires des plaines du Nord visés par les traités. Il y était question de notre liberté reconnue et confirmée dans les traités. À chaque arrêt dans une communauté, les bureaux et les espaces publics débordaient de jeunes qui écoutaient notre message d'autonomisation et apprenaient la vigueur de nos traités.
    À l'été de 2016, nous avons poursuivi ce travail avec notre campagne de sensibilisation « Road to Niagara », qui parle de la nécessité d'aborder les répercussions colonisatrices de la Loi sur les Indiens et la nécessité de commencer à parler de solutions à l'extérieur du système de la Loi sur les Indiens afin de bâtir notre avenir. Toutefois, le plus important dans Road to Niagara, c'était la capacité d'être plongés dans la riche histoire du peuple Anishinabe grâce à des arrêts stratégiques le long du parcours pour recevoir des enseignements, participer à des cérémonies et former une nouvelle communauté de jeunes bâtie sur notre force et notre histoire partagée. On m'a informé depuis que Road to Niagara a sauvé des vies, parce que cette initiative a permis de donner à nos jeunes une perspective habilitée d'être nés autochtones et la profonde histoire de qui nous sommes.
    En conclusion, je pense que nous en sommes maintenant au point où nous pouvons dire que nous connaissons les circonstances sociales, économiques et politiques difficiles auxquelles sont confrontées nos communautés et nos familles autochtones, circonstances qui ont donné lieu à une fréquence plus élevée de suicides et de tentatives de suicide chez nos jeunes. Cependant, connaître les problèmes et trouver des pistes de solution forment un processus complexe et souvent frustrant, parce que la capacité de créer des solutions habilitées souffre souvent de la réalité de crise dans nos vies de façon constante et quotidienne. Malgré les défis frustrants de trouver des solutions qui fonctionnent de façon positive pour nos communautés, il n'en demeure pas moins que nous essayons, et en essayant, nous créons de l'espoir que peut-être notre avenir survivra.
    Meegwetch. Merci.
(0905)
    Meegwetch.
    La chef Paul a la parole.
    J'aimerais tout d'abord vous dire à quel point je suis attristée de ne pas pouvoir vous adresser la parole dans notre belle langue wolastoqiyik. Voyez-vous, ma mère, qui a 82 ans, est née sur les rives du magnifique fleuve Saint-Jean. Elle a souffert beaucoup d'abus de la part des sœurs, au pensionnat où elle était externe, lorsqu'elle parlait sa langue. Elle s'est juré que ses sept filles n'endureraient pas les abus dont elle a été victime de sorte qu'elle n'a pas transmis sa langue, comme un grand nombre de nos mères l'ont fait.
    Je m'appelle Candice Paul, chef de la St. Mary's First Nation, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et je suis la vice-présidente de notre organisation de chefs. Je vous remercie de me permettre de vous adresser la parole aujourd'hui.
    Tout d'abord, j'aimerais dire quelques mots au sujet de notre organisation dans la région de l'Atlantique. L'Atlantic Policy Congress est un secrétariat de défense des intérêts et de recherche en politiques pour 32 nations micmaques, malécites, innues et passamaquoddy et pour nos communautés du Canada atlantique, du Québec et du Maine. Nous avons plusieurs domaines clés de défense des intérêts et de recherche en politiques, la santé étant un domaine très important. Au plan régional, il n'existe aucun traité de cession de terres; il s'agit plutôt de traités de paix et d'amitié.
    Le taux de suicide chez les peuples autochtones au Canada est plusieurs fois plus élevé que celui que l'on retrouve chez les non-Autochtones. Le suicide est une cause majeure de décès chez les peuples autochtones. Il va sans dire que les pensées suicidaires sont des prédicteurs et des précurseurs de suicide, précédant les suicides et les tentatives de suicide. Les problèmes de santé mentale et la toxicomanie sont souvent associés au taux de suicide chez les peuples autochtones.
    Dans la région de l'Atlantique, le rapport sur l'état de santé des Premières Nations dans les réserves en 2014 indiquait qu'environ 10 % des répondants de nos Premières Nations dans l'Atlantique ont indiqué qu'un ami proche ou un membre de la famille s'était suicidé l'année précédente.
    Nos communautés de l'Atlantique connaissent fort bien la tragédie du suicide chez les jeunes. De nombreuses communautés ont été grandement touchées. À divers moments, les médias en ont parlé, en particulier lorsque cela frappait les communautés plus importantes, comme Eskasoni et Elsipogtog.
    Il y a aussi de belles histoires de nos communautés qui s'entraident. Lorsque le Nord du Manitoba et Attawapiskat ont été durement frappés l'an dernier, Eskasoni a immédiatement tendu la main et offert son soutien.
    Bien que le suicide soit une préoccupation très grave à laquelle sont confrontés tous les peuples autochtones du Canada aujourd'hui, je tiens à vous parler de l'excellent travail qui se fait en Atlantique pour essayer de lutter contre ce problème. Il y a de très belles choses qui se font dans notre région, et je veux mettre en lumière les aspects positifs. Les petites communautés ont toujours dû s'accommoder du financement fixe qu'elles reçoivent et travailler pour s'entraider.
    Notre culture et notre langue sont, et ont toujours été, au coeur de la façon dont la plupart de nos communautés travaillent. Il y a donc des points forts et nous cherchons à inculquer à nos jeunes et nos enfants un profond sentiment de fierté.
    Nous avons été heureux d'apprendre que le financement destiné à la stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, ou SNPSJA, a été rendu permanent il y a quelques années. Cela aide à assurer notre durabilité et notre cohérence. Cependant, le financement ne répond pas à tous les besoins et ne comble pas toutes les lacunes, ce qui est, j'en suis certaine, le cas des communautés autochtones d'un bout à l'autre du Canada.
    Nous constatons aussi un mouvement vers un contrôle autochtone plus direct du financement, des ressources et des services du gouvernement de façon à pouvoir concevoir et exécuter les programmes qui répondent aux besoins de notre communauté. Dans notre région, au Canada atlantique, nous avons une structure décisionnelle partagée, le Partenariat pour la santé des Premières Nations de la région de l'Atlantique. Il s'agit d'un comité décisionnel mixte composé de représentants de Santé Canada et de chefs. Je suis d'ailleurs aussi la vice-présidente du partenariat pour la santé.
    Par le truchement de cette structure, le plan d'action stratégique pour la santé mentale et la lutte contre les toxicomanies ainsi que le plan d'action stratégique pour l'enfance et les jeunes ont été élaborés. Ces plans nous aident à concentrer le financement limité sur les priorités, mais encore là, il y a beaucoup de communautés et jamais suffisamment de ressources pour répondre à tous les besoins, une réalité pour toutes les communautés d'un bout à l'autre du pays.
(0910)
    Dans le cas du plan d'action stratégique pour la santé mentale et la lutte contre les toxicomanies, nous avons commencé à le mettre en œuvre pour les Premières Nations dans la région de l'Atlantique en 2015. Ce plan a été élaboré à la suite de consultations exhaustives au nom de toutes les communautés des nations micmaques, malécites et innues au Canada atlantique. Il repose sur notre sagesse, notre résilience et nos points forts.
    Grâce à cette stratégie et à notre comité sur le bien-être mental de notre partenariat pour la santé, nous nous employons à examiner les facteurs de risque du suicide. Dans ce contexte, nous investissons dans le renforcement des capacités et la formation en première ligne, et nous essayons d'intégrer la culture à la base des services et de la prestation de services, en plus de passer à des approches axées sur les forces et tenant compte des traumatismes. Pour 2017-2018, nous mettons sur pied de nouvelles équipes en bien-être mental.
    Voilà pour les points positifs; cependant, il y a des choses qui aideraient et que nous recommandons. Nous recommandons un transfert complet aux communautés de la composante des services d'intervention en santé mentale en situation de crise à court terme du Programme des SSNA. Il est actuellement géré par les bureaux régionaux de Santé Canada. Ils seraient mieux et plus efficacement utilisés s'ils relevaient de notre contrôle, et avec la souplesse de répondre à nos besoins. Nous recommandons un financement à plus long terme pour appuyer nos membres afin qu'ils reçoivent une formation en intervention en temps de crise et en santé mentale et lutte contre les toxicomanies, et nous voulons qu'il y ait plus d'Autochtones qui travaillent directement dans nos communautés et dans tous les aspects de la prestation des soins de santé.
     En tant que peuples des Premières Nations, nous continuons à définir et élargir nos connaissances sur la santé mentale et les toxicomanies fondées sur nos connaissances traditionnelles et culturelles. Notre vision et notre rêve pour nos communautés comprennent une santé mentale améliorée grâce à des pratiques de connaissances traditionnelles comme les enseignements tirés du Cercle d'influences, les sept enseignements sacrés et d'autres enseignements culturels qui font la promotion des concepts fondamentaux des Premières Nations d'équilibre, d'harmonie, d'intégrité, de résilience et d'appartenance sociale.
    Ce rêve comprend des possibilités de qualité pour une guérison continue. Pour y parvenir, nous devons avoir accès à un choix d'interventions de guérison traditionnelle ou de médecine occidentale concentrées dans nos communautés des Premières Nations. De plus, il comporte un mode de vie positif et sain équilibré entre l'âme, l'émotion, le corps et l'esprit, dans lequel nous vivons en harmonie avec nous-mêmes et dans nos relations.
    Notre rêve comprend aussi des communautés prospères, sûres, solidaires, où les enfants sont enrichis par les gens et les forces culturelles qui les entourent. Nous sommes en lien avec notre terre, notre langue, notre culture, notre patrimoine, notre communauté et nos tribus. Nous sommes fiers de notre propre identité et nous avons espoir d'un avenir positif pour nous-mêmes et nos gens.
    J'aimerais aussi dire quelques mots au sujet du plan d'action pour l'enfance et les jeunes. Il s'agit d'un investissement dans nos enfants et nos jeunes, dont la vision est qu'ils soient en santé, culturellement fiers et confiants. Ses cinq objectifs visent à renforcer les compétences parentales et l'implication de la famille de manière à créer une infrastructure et des milieux communautaires plus sûrs, à améliorer la qualité et la disponibilité d'une gamme plus vaste de services et de programmes de santé, à accroître les perspectives pour les jeunes et leur participation active, ainsi qu'à revitaliser et conserver les cultures et les langues des Premières Nations.
    Le dernier rapport d'avancement publié par l'APC et la DGSPNI met en évidence de nombreuses histoires à succès dans nos communautés avec nos jeunes, qui atteignent et dépassent les cinq objectifs que je viens de mentionner. Parlant d'investissement dans les jeunes et la petite enfance, j'aimerais aussi parler du Mi'kmaq Maliseet Atlantic Youth Council qui a été créé en 2006 et qui a tenu sa conférence sur les jeunes en 2007. Cette conférence était parrainée par la SNPSJA dans le but de rehausser le profil de la question du suicide et de s'y attaquer. En 2008, lors d'une rencontre de tous les chefs, les chefs de l'Atlantique ont appuyé une résolution de tous les chefs visant à les mandater d'agir en tant que représentants des jeunes des communautés des Premières Nations dans l'Atlantique. Ils ont des représentants venant de partout en Atlantique et continuent d'être actifs à ce jour. Ils tiennent des réunions régulières en personne et par téléconférence, ils tiennent une conférence bisannuelle et les coprésidents assistent aux réunions de tous les chefs. Ils comptent aussi des représentants des jeunes de l'APN.
    L'APC leur offre un soutien en matière de secrétariat et de coordination. Tout compris, nous avons considérablement investi dans nos jeunes. Grâce au partenariat sur la santé, au plan d'action stratégique pour la santé mentale et la lutte contre les toxicomanies, et à nos investissements dans l'enfance et les jeunes, nous faisons notre part pour aider à lutter contre le suicide dans notre région pour nos communautés et nos gens.
(0915)
    Cependant, comme je l'ai dit au début, le taux de suicide parmi les peuples autochtones au Canada est plusieurs fois plus élevé que celui chez les non-Autochtones. Le suicide est une cause majeure de décès au sein des peuples autochtones. Il reste encore beaucoup à faire dans la région de l'Atlantique et partout au Canada. Des investissements plus importants en bien-être mental et dans les jeunes et la petite enfance aideront à réduire le suicide au sein des peuples autochtones, tant maintenant que dans l'avenir.
    Wela'lin. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous avons jusqu'à 9 h 45. Nous passons maintenant à la période de questions. Vous aurez donc la possibilité d'intervenir. Nous commençons par le parti ministériel, et le député Rémi Massé.
    Tout d'abord, madame Wilson, au nom de tous les membres du Comité, j'aimerais vous présenter nos plus sincères condoléances à l'occasion du décès de votre cousin.

[Français]

     Vous avez présenté un témoignage bouleversant au sujet d'une situation qui nous préoccupe tous. C'est la raison pour laquelle le Comité s'est rapidement penché sur l'examen de la question des suicides dans les communautés autochtones. Il est toujours difficile d'entendre des témoignages comme le vôtre qui relatent l'ensemble des circonstances du suicide chez les jeunes et dans les communautés des Premières Nations.
    Vous avez fait référence au rapport d'enquête de Me Bernard Lefrançois. J'ai parcouru le rapport, dont certains passages sont assez révélateurs. Je vous en cite quelques-uns, et vous allez comprendre pourquoi je le fais lorsque je poserai ma question par la suite.
    Je vais taire le nom de l'individu qui est mentionné ici:
[...] l'individu tenait des propos suicidaires. Certaines personnes de son entourage ont tenté de le dissuader et de l'encourager pour lui remonter le moral.
Son père s'était suicidé en 1996, alors qu'il avait lui-même 24 ans [...]. Tout comme lui, il s'est pendu dans le sous-sol de la maison.
L'enquête nous apprend qu'aucune aide concrète ne lui avait été offerte par l'entourage. On ne lui a pas non plus proposé un soutien professionnel ou les services du Centre de prévention du suicide.
    L'analyse est très étoffée, et elle est assortie de toute une série de recommandations.
    Tout d'abord, permettez-moi de faire ici une parenthèse.
    Madame McLeod, vous nous avez proposé cette semaine de déposer le rapport en question. Je vous avoue franchement que nous n'avions pas eu l'occasion, de notre côté, d'en prendre connaissance. Cela est maintenant chose faite et, si vous êtes d'accord, nous aimerions le déposer pour qu'il puisse nous aider dans les travaux du Comité.
    Ma question s'adresse à vous, madame Wilson.
    Selon vous, par où devrions-nous commencer dans notre tâche visant à résoudre les enjeux en matière de suicide? Quelles sont les étapes à suivre si nous voulons mettre un baume sur les peines et résoudre les enjeux en matière de suicide dans les communautés des Premières Nations?
(0920)

[Traduction]

    Par où commencer? Je pense que les réponses se trouvent dans nos communautés elles-mêmes. Nous savons dans nos familles ce dont nous avons besoin pour veiller les uns sur les autres et veiller sur nous-mêmes. C'est ce dont nous avons besoin pour être respectés au Canada. Par exemple, lorsqu'un être cher est malade et hospitalisé, un grand nombre de nos familles se rassemblent et ne quittent pas son chevet tant qu'il n'est pas guéri et n'a pas obtenu son congé de l'hôpital. Maintenant, les hôpitaux modifient leur politique sur les heures de visite en fonction de ce genre de service de santé. Ce n'est qu'un exemple de la façon dont nous veillons sur notre peuple dans nos maisons et dans nos communautés.
    Je pense qu'il faut modifier la façon de concevoir nos gens et nos communautés comme recevant la charité et de passer de tous les stéréotypes négatifs au sujet de nos membres et de nos communautés. Nous devons transformer nos esprits pour penser que nous devons faire mieux. Nous devons créer des emplois, nous devons créer de meilleurs logements, et nous devons créer de meilleurs résultats de santé et de meilleurs services de santé dans nos communautés.
    Trop de membres quittent nos communautés pour trouver de meilleures ressources et une meilleure vie à l'extérieur, mais je sais que nous pouvons faire mieux en tant que Canada pour nous transformer. Dans le cadre des célébrations que vous tenez pour le 150e anniversaire du pays, je pense que cette occasion pourrait être un point de départ pour transformer nos esprits sur notre façon de voir les peuples autochtones.
    Je pense que la Commission de vérité et réconciliation a aidé les Canadiens à comprendre l'ampleur et les répercussions de la question des pensionnats. Le temps est venu d'agir afin de changer nos attitudes envers les peuples autochtones. Il existe de nombreux stéréotypes négatifs au sujet de nos peuples qui sont tout simplement faux. De nombreuses politiques, des politiques racistes, reçoivent un appui fondé sur ces points de vue négatifs et erronés sur nos peuples. À l'origine de tout cela, nous devons faire en sorte que nos politiques travaillent pour les peuples autochtones.
    Nous devons redonner cette responsabilisation et ce pouvoir aux Premières Nations afin que nous puissions vous dire ce dont nous avons besoin. Nous savons déjà ce dont nous avons besoin dans nos communautés. Nous savons déjà ce qui fonctionne et ce qui nous guérit. Nous avons besoin de l'appui et de la volonté des gouvernants. Nous ne demandons pas la charité. Je ne devrais pas supplier pour avoir des ressources. Je ne devrais pas supplier pour avoir des programmes peu généreux. Nous voulons la transformation totale de la façon dont nous approchons les communautés autochtones et les familles autochtones pour commencer à envisager de remettre le pouvoir dans nos communautés afin que nous puissions décider de ce dont nous avons besoin pour nos communautés.
    Le désespoir est la plus grande cause de suicide. Si vous en faites l'analyse, c'est parce que les gens ne ressentent pas de fierté à leur réveil. Que font-ils de leur vie dans les petites communautés? Où trouvent-ils des emplois? Où obtiennent-ils des aliments de qualité?
    La souveraineté alimentaire est une question importante dans nos communautés. À Shamattawa, l'une de mes communautés, le seul magasin a brûlé il y a quelques mois et toute la communauté a été immobilisée. Voyez-vous le problème? Les membres de la communauté auraient dû pouvoir aller à la terre et nourrir leurs familles, mais tout cela leur a été enlevé. Nous dépendons maintenant de sources extérieures qui viennent et s'occupent de nous, et il ne devrait pas en être ainsi. Je pense que nous devons complètement changer notre point de vue sur les Premières Nations et les communautés autochtones.
    Je cède maintenant la parole au Parti conservateur et à la députée Cathy McLeod.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai une petite question, simplement pour m'assurer que nous suivons le bon processus. Étant donné que les libéraux ont maintenant indiqué qu'ils appuient le rapport du coroner pour qu'il fasse partie de l'étude, devons-nous faire quelque chose d'officiel?
(0925)
    Si les membres du Comité y consentent, réglons cette question à la fin des exposés. Nous aurons une petite pause et nous pourrons alors discuter de cette motion, que vous avez soulevée à la dernière réunion.
    Merci. Je pense que nous avons effectivement entendu les témoins parler de ce rapport, et je pense que c'est important.
    Tout d'abord, je veux remercier les témoins. En arrivant aujourd'hui, j'ai entendu dire que nous avions entendu 85 témoins et qu'il y en a d'autres aujourd'hui. Comme je suis ici depuis huit ans, je pense que c'est probablement l'étude la plus lourde dont j'ai fait partie et celle à l'égard de laquelle j'ai le plus fort sentiment de responsabilité pour m'assurer que de bonnes choses en ressortent pour les gens qui viennent, que ce soit un père qui a perdu son fils ou, comme vous aujourd'hui, qui avez parlé de votre cousin. Cela est très émouvant et prenant. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais que vous préféreriez être de retour dans votre communauté avec vos membres en ce moment.
    Qu'est-ce qui aurait fait une différence, peut-être, pour Gabe? Si vous estimez pouvoir partager avec nous comment il en est arrivé à ce stade de désespoir, qu'est-ce qui aurait pu être fait qui l'aurait amené à choisir une orientation différente et à ne pas être envahi d'un tel sentiment de désespoir au point de s'enlever la vie?
    Je peux vous parler de ses aspects positifs. C’était un garçon heureux, et le sourire qu’il a ici est bien le souvenir que j’en ai, c’est comme ça qu’il accueillait tous ceux qui l’approchaient. Il était très gentil. Ses parents, mon oncle Larry, et sa mère, Bertha, sont des gens magnifiques. Mes grands-parents l’aimaient. Ce n’est pas un manque d’amour qui est en cause. Mon autre cousin, Warren, s’est suicidé il y a 16 ans. C’est la même famille. Ils nous ont entourés et aimés, ils ont pris soin de nous.
    Mais c’est le désespoir. Qu’est-ce que vous pouvez faire? Comment se regarder dans le miroir quand on se lève le matin dans certaines de nos collectivités et comment ressentir cette fierté et avoir un but dans la vie quand il n’y a nulle part où réaliser ce qui habite votre coeur et votre esprit?
    Je sais qu’il a essayé. Il a essayé de vivre. Ce n’était pas quelqu’un qui n’avait pas de direction. Il en avait une, mais il ne savait pas comment la réaliser, parce qu’il n’y a nulle part, bien souvent, dans nos collectivités pour cela.
    Il faut commencer à réfléchir à la manière dont nous pensons à nos collectivités autochtones et créer des possibilités, des emplois, des logements corrects. Dans certaines de nos collectivités, il y a 17 personnes dans un même logement, c’est-à-dire trois générations d’une même famille. Les systèmes d’éducation ne sont pas adaptés. Quand j’ai déménagé de ma réserve d’origine pour aller à Winnipeg, je me suis retrouvée avec deux années de retard. J’étais une première de classe dans ma collectivité, tout le temps. Je suis arrivée à Winnipeg et j’étais le cancre de la classe. J’ai travaillé très fort.
    Nous disons à nos enfants d’aller à l’école, de trouver un emploi, de faire des études, allez, allez, allez, et, quand ils le font, ils ne trouvent pas de possibilités d’y mettre leur enthousiasme. Il faut arrêter de penser comme ça. Il faut créer ces possibilités et remettre en cause notre façon de voir nos Premières Nations et tout le système. Les gens disent que le système ne fonctionne pas, mais il fonctionne pour cet État, parce qu’il fait ce qu’il est censé faire, c’est-à-dire nous assimiler et nous intégrer à la population canadienne.
    Ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons honorer nos cultures et nos origines. Je sais que c’est ce que voulaient Gabe et Warren. Beaucoup de nos jeunes, désespérés de ne pas pouvoir contribuer, ont renoncé. C’est ce désespoir qu’il faut transformer aux nouvelles possibilités.
    Merci. Je crois que certains témoins appellent à l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre le suicide parmi les Autochtones. Je crois qu’on pourrait faire les deux, mais j’aurais tendance à penser que la diversité est telle à travers le pays, qu’il y a tant de cultures et de caractéristiques géographiques, que les solutions dont vous parlez sont plutôt envisageables à l’échelle locale.
    Est-ce qu’on devrait faire les deux selon vous ou est-ce qu’on devrait surtout travailler à l’échelle locale? Je pose la question à tous les témoins pour obtenir des avis.
(0930)
    Peut-être pourrions-nous entendre le grand chef Nepinak ou la chef Paul.
    Comme je l’ai dit dans mes remarques préliminaires, je suis convaincu que l’expression de l’autodétermination est le plus sûr moyen de favoriser la santé individuelle, familiale et collective. Et je le dis parce que je l’ai vu à l’œuvre.
    Par exemple, au Manitoba, on sait très bien que nous avons le plus grand nombre d’enfants placés sous tutelle. Grâce à l’assemblée, nous avons créé le bureau chargé du retour de nos enfants, qui est dirigé par notre avocate des droits de la famille, Cora Morgan. Je crois que cela redonnera espoir aux familles qui éprouvent des difficultés dans le dédale du système des services à l’enfance et à la famille du Manitoba.
    L’espoir d’une solution et d’une réunification des familles est, je crois, pour beaucoup de gens une raison de vivre. J’en ai été moi-même le témoin à l’époque où j’assumais le leadership. J’ai vu des gens renoncer à tout lorsqu’on les privait de leurs enfants. Pour moi, c’est une solution localisée.
    Ce n’est pas une solution qui dépend des fonds fédéraux ou des fonds provinciaux. Ce sont nos propres ressources qui ont permis, grâce à l’assemblée des chefs du Manitoba, de créer ce bureau. Ç’aurait été bien d’avoir aussi des ressources fédérales ou provinciales, mais personne n’a vu d’intérêt à l’idée que nous puissions créer nos propres institutions pour notre propre guérison lorsque nous avons créé ce bureau.
    Aujourd’hui, j’ai l’espoir que notre gouvernement soit disposé à nous aider à créer des solutions qui nous permettent de créer et gérer nous-mêmes les institutions qui redonneront espoir. Pour moi, cela fait partie de la solution.
    Merci.
    Passons à M. Romeo Saganash, du Nouveau Parti démocratique.
    Merci aux témoins de leur contribution au travail du Comité.
    J’ai écouté tous vos exposés avec attention. Et il y a une chose qui me frappe: vous dites que, pendant que le Canada fera la fête cette année, beaucoup de nos collectivités continueront de vivre dans des logements surpeuplés et beaucoup de nos enfants et de nos jeunes continueront de se suicider. Beaucoup de nos femmes et de nos filles continueront de disparaître ou d’être assassinées, et beaucoup de nos collectivités continueront de manquer d’eau potable pendant que le Canada célébrera son anniversaire. C’est le triste état de notre pays. C’est l’un des plus riches au monde, et pourtant nous nous débattons pour avoir accès aux choses les plus essentielles dans nos vies.
    Merci de vos exposés. J’aimerais vous entendre tous au sujet de deux ou trois choses, parce que je sais que tous les problèmes dont je viens de parler sont reliés entre eux et qu’ils ont des répercussions sur la santé mentale de nos collectivités. Le manque de logement et le manque d’eau potable ont des répercussions sur ma santé mentale en tant que personne.
    Grand chef Wilson, vous avez dit dans votre exposé que les taux de suicide sont liés au statut socioéconomique des membres des Premières Nations, à leur état de santé et à la disparité globale de la qualité de vie. J’aimerais que vous nous donniez des précisions. Ma deuxième question est semblable à celle de ma collègue Cathy. Concernant le plan d’action national de prévention du suicide, il pourrait y avoir, j’imagine, des principes généraux applicables dans l’ensemble du pays, mais les spécificités locales ont aussi une grande importance. J’aimerais connaître votre avis à tous les trois.
    Pouvons-nous commencer par la chef Paul?
    Je voulais simplement vous raconter une petite anecdote sur ma collectivité. L’un de nos conseillers de bande a perdu quatre de ses frères et sœurs depuis 20 ans. Ils se sont suicidés. Il est le seul enfant qui reste d’une fratrie de cinq. Il a décidé, avec l’aide de membres de la collectivité locale et de la collectivité extérieure, de construire un pavillon de ressourcement, un lieu sûr où les gens peuvent venir quand ils ont besoin d’être seuls ou qu’ils ont besoin d’aide. C’est un très joli logement à deux chambres. Les réponses se trouvent dans notre collectivité. La frustration surgit quand le gouvernement vient nous dire comment régler les problèmes. Ça ne marche pas comme ça. Nous avons les solutions dans nos collectivités.
    La solution doit être prise en charge par nos propres collectivités. Le Canada doit investir, mais c’est nous qui avons les réponses, qu’il s’agisse de développement économique ou de logement. Nous avons les réponses. Nous n’avons pas les ressources, et c’est ce qui est très triste. Nous n’avons pas les ressources. Comme je l’ai dit, nous n’avons jamais cédé nos terres dans la région du Canada atlantique. Nous n’avons jamais renoncé à rien, et nous devrions donc être riches.
    Il faut investir, et nous avons les réponses. C’est la seule façon de réussir.
(0935)
    Est-ce qu’un cadre national pourrait être utile? Oui, absolument, s’il respecte les processus organiques qui viennent de nos propres solutions. Je pense que le message de mes collègues va dans la même direction: nous avons des solutions qui viennent du terrain, qui viennent des gardiens du savoir, qui viennent de nos jeunes.
    Ce message est là depuis très longtemps, mais il y manque des ressources. Alors est-ce qu’un cadre national pourrait être utile? Oui, absolument.
    C’est quand on en arrive au fonctionnement de la bureaucratie qu’on se heurte parfois à des difficultés concernant la façon dont des fonds nationaux sont acheminés aux collectivités, parce que les solutions donnent parfois l’impression qu’on ne traite pas directement un certain problème. Par exemple, si un ministère de la Santé décide de financer une sortie d’enfants pour faire du piégeage et que certaines choses se produisent sur place qui seraient susceptibles de créer une situation de recouvrement de frais dans le cadre des dispositions de financement, et cela se produit effectivement, eh bien, je pense que cela crée de la frustration et des frictions quand il s’agit d’avoir accès à des fonds nationaux pour financer des programmes locaux.
    Mais on peut harmoniser les choses en tenant compte du fait que les solutions sont autodéterminées et découlent de processus organiques et de la revitalisation de notre culture, de notre langue et de nos activités locales. Je crois que les ingrédients sont là.
    Je crois que vous vous interrogiez sur la santé mentale dans nos collectivités. Je pense que, quand on grandit dans une collectivité isolée, ce qui a été mon cas, et aussi le vôtre, je crois, Romeo, il est facile de perdre espoir, parce qu’on n’a pas l’impression de pouvoir aller quelque part. Il en coûterait peut-être 600 à 1 000 $ à une personne qui voudrait quitter sa collectivité dans la région du nord du Manitoba d’où je viens. Comment un jeune peut-il se permettre cela? Quand il arrivera en ville, où trouvera-t-il de l’aide?
    On fait davantage pour les immigrants que pour les Autochtones dans ce pays. Nous créons ces systèmes de transition. Mon bureau à Winnipeg se trouve dans un immeuble où les ascenseurs sont remplis de nouveaux Canadiens qui sont invités dans des classes où on leur explique comment obtenir leurs cartes d’identification, comment prendre l’autobus, comment s’habituer à la vie urbaine, mais il n’y a rien de ce genre pour nous.
    Quand je suis arrivée à Winnipeg à l’âge de 15 ans, j’étais comme un poisson sorti de l’eau. Je me suis mise souvent en danger parce que je ne savais tout simplement pas comment les choses fonctionnent. Heureusement, grâce à Dieu, je suis ici aujourd’hui, mais je sais que beaucoup de gens sont tombés dans les mailles du filet. Le nombre de femmes et de jeunes filles autochtones disparues et assassinées témoigne de ce problème que nous avons et que nous n’avons pas dans ce pays.
    Quant à un plan d’action ou à une stratégie nationale contre le suicide, je pense qu’il faut commencer à en parler ouvertement. Je sais que les médias, et même les gouvernements, ne tiennent pas à reconnaître le problème du suicide parce qu’ils craignent que d’autres y soient incités. Mais je pense qu’il faut commencer à en parler, pour que les gens se sentent à l’aise quand ils se sentiront prêts à en parler eux-mêmes, parce que le sujet aura déjà été abordé.
    Je pense que nous devons faire preuve de courage pour affronter cette crise, en parler ouvertement et commencer à analyser ses causes profondes. Je ne fais que répéter ce qui a été dit. Les solutions existent dans nos collectivités, et il faut les soutenir et commencer à changer notre façon de voir les Premières Nations.
(0940)
    Merci.
    Il reste cinq minutes dans cette série finale, et elles vont au député Bob Bratina.
    Je suis très touché par les témoignages que j’entends. Je remplace un autre député ici, mais c’est un problème qui nous concerne tous au Canada. Je suis heureux de pouvoir vous en parler directement.
    Je siège au Comité des anciens combattants, et nous y discutons des problèmes de suicide et de santé mentale parmi les anciens combattants. Je vous écoute et je pense à ce qu’on entend dans l’autre comité. Les anciens combattants souffrent entre autres de perte d’identité lorsqu’ils sont contraints de quitter leur équipe et d’abandonner le travail qu’ils comptaient faire toute leur vie professionnelle. C’est un traumatisme. Le traumatisme vient parfois du champ de bataille, mais il peut aussi venir de l’institution, à cause des problèmes de harcèlement dans l’armée.
    Et puis il y a les médicaments. Certains sont très inquiets, notamment au sujet de la méfloquine, un médicament contre la malaria, qui entraîne de graves problèmes susceptibles d’être récurrents des années après sa consommation. Et, ensuite, il y a la santé générale.
    Est-ce qu’un des chefs présents pourrait me parler de la santé générale de ces jeunes Autochtones? D’après tous les témoignages que nous avons entendus… croyez-moi, cette perte d’estime de soi nous bouleverse. On voit la même chose parmi les anciens combattants expulsés de l’armée. C’est quelque chose que nous pouvons comprendre.
    J’aimerais que vous nous parliez de la santé générale des jeunes parce que je sais qu’il y a aussi des problèmes concernant, par exemple, l’accès à l’eau potable, etc. Est-ce que nous sommes sûrs que la santé de ces enfants n’est pas compromise par des substances dans leur environnement? Est-ce que l’un de vous pourrait nous en parler?
    Oui, tout à fait. Tous les déterminants sociaux de la santé ont des causes profondes et des effets sur l’esprit et le coeur de nos jeunes. Ils en sont plus particulièrement les victimes, parce que les maigres ressources dont disposent nos collectivités sont consacrées à l’entretien de la collectivité. Les jeunes sont généralement les derniers sur la liste, simplement parce qu’on manque de ressources. Je sais que nos chefs et nos dirigeants se préoccupent de nos jeunes et que, parfois, ils ne savent plus quoi faire pour les motiver et leur redonner du courage.
    La meilleure chance est de lutter pour améliorer les niveaux d’éducation et de santé. Mais quand la qualité de la nourriture laisse à désirer… L’accès à la nourriture est un droit humain fondamental. La nourriture disponible dans beaucoup de nos collectivités, notamment dans le Grand Nord, est de faible qualité. Comment un enfant peut-il bien travailler à l’école s’il n’est pas nourri correctement? Et ils ne vivent pas dans des habitations où il fait bon se réveiller le matin et entamer sa journée. S’ils sont fatigués, affamés et mal nourris, c’est un facteur qui joue dans l’équation.
    Je pense qu’on peut faire beaucoup de choses concrètes pour changer tout cela et on pourrait commencer par collaborer avec nos dirigeants et les gens des collectivités pour produire des effets positifs sur nos jeunes. Il faut s’interroger sur la mort des adolescents. Il faut y penser en tant que parent. Comment une jeune fille de 12 ou 14 ans peut-elle éprouver un tel désespoir? C’est une période de grande transformation pour une jeune fille. Si on n’est pas là, s’il n’y a pas de soutien familial, et je sais que les familles sont là, mais il faut aussi compter avec l’état des logements.
    Les jeunes filles ont besoin de beaucoup d’attention durant cette période de transformation qui les fera devenir des femmes. Si elles n’ont pas les soins et la vie privée dont tout le monde a besoin, elles jettent l’éponge. Je ne veux pas trop insister là-dessus parce que c’est aussi une question d’ordre privé pour les jeunes filles. Mais je crois que nous devons réfléchir à la façon dont nous fonctionnons.
    C’est intéressant, parce que, là encore, je trouve la situation des anciens combattants. Une des choses qu’il est difficile d’admettre pour un militaire en service actif, c’est qu’il est peut-être affecté par un traumatisme de guerre ou par d’autres problèmes d’ordre institutionnel. C’est la même chose pour des enfants qui semblent par ailleurs très fonctionnels.
(0945)
    Il faudrait conclure.
    Elles ne veulent pas nécessairement parler de leurs problèmes très personnels. C’est bien cela?
    Oui, et notre collectivité est, elle aussi, en état de crise et de traumatisme constant. C’est un état qu’on ne surmonte jamais vraiment. Si les parents éprouvent ce sentiment de crise ou de traumatisme constant, ils le transmettent à leurs enfants et à la génération suivante. Il faut briser ce cycle.
    Merci.
    Merci.
    Je pense que vous devez sentir à quel point nous sommes sensibles au fait que vous êtes venue partager votre expérience avec nous avant de rentrer chez vous et de vivre votre deuil avec le reste de votre famille. Nous sommes de tout cœur avec vous. Prenez soin de vous et de vos collectivités.
    Nous remercions également les deux autres chefs d’être venus à Ottawa pour témoigner. Nous vous saluons très respectueusement. Merci d’être venus.
    Voilà qui termine cette partie de la réunion.
    Nous allons prendre une pause de quelques minutes, puis nous devrons décider de ce qu’il faut faire du rapport du coroner. Il faudra peut-être reporter la décision à la fin de la deuxième série de témoignages.
    Je suppose qu’il s’agit simplement d’une procédure, parce que le document a été rejeté.
    Très bien. Prenons une pause.
(0945)

(0950)
    Je vais vous demander à tous de terminer vos conversations ici. Si vous voulez les poursuivre, vous pouvez le faire en dehors de la salle. N’hésitez pas.
    Nous avons d’autres témoins à entendre. Ils ont été informés que le Comité les entendra à partir de 9 h 45. Je veux donc les remercier de leur patience.
    Bernard Richard, représentant des enfants et des jeunes, est avec nous par voie de vidéoconférence depuis Victoria, en Colombie-Britannique.
    Carol Hopkins, directrice exécutive de la Thunderbird Partnership Foundation, est avec nous par voie de vidéoconférence depuis Bothwell, en Ontario.
    Bonjour. Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Voici comment cela fonctionne. Chacun de vous aura d’abord 10 minutes pour présenter un exposé au Comité. Il y aura ensuite une période de questions et une conclusion.
    Nous allons commencer par Bernard Richard, représentant des enfants et des jeunes, qui nous parle depuis Victoria, en Colombie-Britannique.
    Merci de m’accueillir parmi vous.

[Français]

     Je vous dis bonjour de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

    Je vous adresse un bonjour très matinal depuis la côte Ouest. Je suis très heureux de participer à la discussion d’un sujet extrêmement important. Merci au Comité de se charger de cette tâche. La gravité de la situation, compte tenu du taux de suicides parmi les Autochtones, exige qu’on prenne toutes les mesures possibles pour redonner aux jeunes le désir de vivre et pour consolider les collectivités. Ceux d’entre nous qui ont la possibilité d’influencer les choses doivent absolument prendre les mesures qui s’imposent.
    En Colombie-Britannique, la McCreary Centre Society a procédé à une enquête sur la santé des adolescents de la province. Le questionnaire était facultatif et s’adressait aux élèves de la 7e à la 12e année des écoles publiques de la province. Les statistiques de 2013 ont révélé que « comparativement à leurs homologues non autochtones, les jeunes Autochtones étaient plus nombreux à faire état d’un stress ou d’un désespoir extrême, de comportement d’automutilation, ainsi que de pensées ou de tentatives de suicide, et plus nombreux également à ne pas avoir fait appel aux services de santé mentale dont ils auraient eu besoin [TRADUCTION] ». L’étude a révélé également certains changements dans les disparités observées au cours de la dernière décennie dans la santé mentale des jeunes autochtones et non autochtones. Malheureusement, l’écart observé entre les jeunes filles faisant état d’un stress extrême s’est élargi, tout comme l’écart relatif aux idées suicidaires.
    Les études confirment systématiquement qu’un certain nombre de facteurs contribuent à l’élévation du risque de suicide parmi les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Ces facteurs ne sont pas différents de ceux qu’on observe dans d’autres populations, mais la prévalence de ces facteurs et leurs liens sont différents dans les collectivités autochtones à cause de la colonisation, des pensionnats et de ce qui en est découlé de racisme institutionnel et de marginalisation culturelle. Nous avons vu les effets désastreux du profond traumatisme intergénérationnel parmi les Autochtones du Canada, et on ne peut pas ignorer ces faits si on veut espérer pouvoir régler ce difficile problème.
    Par ailleurs, les études font également état de facteurs de protection susceptibles de réduire la vulnérabilité des jeunes et le risque de pensées suicidaires. Ce sont, par exemple, l’appartenance à une école de bande, l’accès à des installations culturelles, le contrôle des services de santé par la bande, la présence de policiers et de pompiers, ainsi que l’histoire locale des revendications territoriales. Il y a un autre facteur important, et c’est le niveau d’autonomie gouvernementale. Autrement dit, la continuité et l’identité culturelles sont des éléments clés.
    En tant que représentant des enfants et des jeunes de la Colombie-Britannique, je suis chargé de surveiller le système des services destinés aux enfants et aux jeunes et je m’intéresse au bien-être de tous les enfants et de tous les jeunes. Mon bureau formule des recommandations visant à améliorer la qualité des services en matière de sécurité, de santé, d’éducation et de bien-être des enfants et des jeunes vulnérables.
    Je suis également chargé de faire enquête sur les accidents importants et sur les décès d’enfants et de jeunes dans le but d’essayer de prévenir ce genre d’événements à l’avenir. Nous venons justement de publier cette semaine un rapport intitulé « Broken Promises: Alex's Story », qui est l’histoire bouleversante d’un jeune Métis de 18 ans qui s’est suicidé en sautant d’une fenêtre du quatrième étage dans l’hôtel où on prenait soin de lui. Toute la vie d’Alex était faite de traumatismes. Il a été balloté d’un endroit à l’autre dans le système de placements et n’avait pas de liens permanents avec sa famille, pas plus qu’avec sa culture métisse. Il n’avait pas non plus le soutien en santé mentale qui aurait pu changer les choses, bien qu’il ait été à cinq reprises aiguillé vers des services de santé mentale.
    D’autres rapports de mon bureau portent également sur la question du suicide chez les jeunes Autochtones, dont « Lost in the Shadows », publié en 2014, qui parle du suicide d’une jeune fille de 14 ans dans une collectivité autochtone rurale de la Colombie-Britannique, et « A Tragedy in Waiting », publié en septembre dernier, qui parle du suicide d’un jeune homme de 16 ans dans une région urbaine de la Colombie-Britannique.
(0955)
    En 2012, nous avons aussi publié « Trauma, Turmoil and Tragedy: Understanding the Needs of Children and Youth at Risk of Suicide and Self-Harm ». Ce rapport est un examen général des conditions de vie de 15 jeunes qui se sont suicidés et de 74 autres qui se sont adonnés à l’automutilation. Les résultats révèlent une surreprésentation des enfants autochtones dans le groupe observé. Sur les 89 cas d’étude, 58 étaient des enfants ou des jeunes de collectivités autochtones.
    L’instabilité chronique à la maison, les problèmes de santé mentale et les traumatismes non traités sont des éléments courants dans l’expérience de vie de ces jeunes. Bien que la violence familiale soit un facteur dans plus de la moitié des dossiers examinés dans le cadre de ce rapport, des problèmes comme la douleur, la perte ou la guérison de la violence n’étaient pas des facteurs de premier plan quand ces enfants ont été pris en charge ou fait l’objet d’une première évaluation ou de services à l’enfance. Le rapport se concluait par une seule et unique recommandation, à savoir que le ministère des services à l’enfance et à la famille de la Colombie-Britannique prenne des mesures pour tenir compte des traumatismes subis par ces enfants, et notamment de procéder à une évaluation approfondie des enfants pris en charge pour circonscrire les traumatismes antérieurs et prévoir des services tenant compte de leurs effets.
    La bonne nouvelle, ici, c’est que, en réponse à ce rapport, le ministère a rédigé des lignes directrices sur les pratiques à engager à cet égard et qu’un plan de mise en œuvre est en cours d’élaboration, quatre ans plus tard. Mais mieux vaut tard que jamais. Ce plan prévoit la formation de travailleurs sociaux de tutelle.
    En conclusion, j’estime qu’il est urgent de régler la question des traumatismes dans les collectivités autochtones et parmi leurs membres, et je pense notamment au traumatisme intergénérationnel. Si on veut réussir à réduire le taux de suicide chez les jeunes Autochtones, toutes les solutions doivent être communautaires. C’est une tâche difficile et de taille, mais on ne peut pas y échapper. La Commission vérité et réconciliation, les chercheurs et les dirigeants autochtones, y compris ceux que vous venez d’entendre, montrent la direction. À nous de la suivre.
    Merci.
(1000)
    Merci de vos réflexions.
    Écoutons maintenant Carol Hopkins, de la Thunderbird Partnership Foundation.
    Allez-y, je vous en prie.
     [Le témoin s’exprime en ojibwa.]
    Je me suis présentée dans ma langue, et ce que je vous ai dit est que j’appartiens au Clan du loup de la nation Delaware. Vous savez que je travaille pour la Thunderbird Partnership Foundation, et je ne reviendrai donc pas là-dessus.
    Permettez que je commence par vous dire encore une fois bonjour et merci de me donner l’occasion d’apporter ma contribution à votre étude sur le suicide dans les collectivités autochtones.
    Une grande partie de ce que je vais vous dire aujourd’hui est tirée d’une étude que nous avons récemment commandée et dont les auteurs sont Chris Mushquash et Jennifer White. C’est un document sur la promotion de la vie dans la perspective d’une solution au problème du suicide chez les Autochtones. La raison en est qu’il propose une perspective axée sur les forces, qui est une formulation courante parmi les jeunes Autochtones dans l’expression de l’axe de leur discours sur la prévention du suicide.
    Je voudrais aussi dire un mot du continuum des services de bien-être mental des Premières Nations et de la définition de la notion de bien-être mental selon les Autochtones.
    Je commencerai par aborder les quatre principaux thèmes dont il faut, à mon avis, tenir compte pour comprendre le suicide parmi les membres des Premières Nations au Canada.
    Il faut d’abord comprendre que le suicide n’est pas une expérience individuelle découlant d’une maladie mentale. Le suicide est le résultat direct de la colonisation et des inégalités sociales, comme l’a expliqué le témoin précédent. Il faut inscrire ce problème dans ce contexte social, politique et historique large pour tenir compte des répercussions des tentatives d’assimilation coloniales et des effets négatifs durables des inégalités sociales.
    L’étude d’Amy Bombay sur le traumatisme intergénérationnel atteste clairement que plus le sujet a une expérience et une histoire personnelles liées aux pensionnats, plus le risque augmente du côté des troubles de l’humeur, qu’il s’agisse d’anxiété, de dépression ou d’idées ou tentatives de suicide.
    Selon les principaux éléments du savoir actuel sur les pratiques prometteuses de prévention du suicide et de promotion de la vie parmi les Autochtones, il faut mettre l’accent sur la création de conditions de vie propres à favoriser l’épanouissement des enfants, des jeunes, des familles et des collectivités. Je pense notamment à un programme d’intervention précoce que nous avons appelé Buffalo Riders. C’est un programme scolaire.
    J’ai aussi à l’esprit quelque chose qui nous vient des gardiens du savoir autochtones, qui disent que la promotion de la vie commence avant la naissance, avec les pratiques culturelles qui lient l’esprit au monde physique. Ils disent aussi que, quand on n’entend plus le cri des nouveau-nés dans nos collectivités, c’est que le tissu social commence à s’alourdir du cri de la mort. C’est ce cri de la mort qui crée ce déséquilibre dans le cycle de la vie, dans le chemin de la vie, parmi les collectivités autochtones. Puisque je parle de l’importance du continuum de la vie et de veiller à ce que les naissances soient possibles dans nos collectivités, je dois vous dire que, dans beaucoup de collectivités éloignées et isolées du Nord, comme vous le savez peut-être, les femmes doivent quitter leur collectivités par leurs propres moyens pour aller accoucher ailleurs sans le soutien dont elles ont besoin.
    Selon les ouvrages spécialisés publiés sur la situation des Autochtones, il faut tenir compte de facteurs comme, par exemple, la continuité culturelle, l’autonomie gouvernementale, les efforts actifs pour rétablir les revendications territoriales, le contrôle de l’éducation, des soins de santé, de la culture, des services de police et de pompiers, etc. Il y a aussi les langues autochtones, le sentiment d’appartenance et la relation à une identité culturelle et à une spiritualité, les pratiques de guérison traditionnelles, le lien avec la famille et la collectivité, l’infrastructure physique, humaine et d’information, et enfin l’importance de la définition du bien-être selon le savoir traditionnel.
(1005)
     Cela m’amène à la troisième remarque que je tiens à faire: nous devons que tout le monde, les Autochtones et les non-Autochtones ensemble, les gouvernements et organismes fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones, tous doivent participer activement à la solution. Pour cela, il faut un changement de paradigme qui permette de faire appel au savoir traditionnel autochtone et fasse basculer la perspective des programmes et services ou des solutions d’un axe individuel à un axe familial et collectif, parce que c’est là qu’est possible cette conversation sur le bien-être et qu’on peut s’éloigner d’une conversation strictement axée sur les déficits.
    Les stratégies axées sur les forces et la promotion de la vie qui honorent les modes de savoir autochtones et traduisent les dimensions relationnelles, familiales, sociales et spirituelles de l’individualité sont plus susceptibles d’être efficaces qu’une analyse de la détresse fondée sur des éléments décontextualisés, spécialisés, individualistes et biomédicaux. Même les pratiques tenant compte des traumatismes, par exemple, doivent s’inscrire dans le contexte de l’humilité culturelle et de la sécurité culturelle nécessaires à un bien-être durable.
    Ma quatrième remarque est qu’il faut rappeler que les stratégies axées sur les forces et la promotion de la vie à long terme et complètes doivent absolument tenir compte de l’importance du territoire et des cérémonies, c’est-à-dire d’honorer le savoir, les valeurs, la spiritualité, la culture et la lignée des collectivités autochtones.
    Le territoire, la lignée et la langue sont trois facteurs essentiels de l’identité et du bien-être. Grâce à un projet de recherche des IRSC, nous avons élaboré une définition du bien-être autochtone selon le savoir traditionnel, et cette définition est assortie de quatre objectifs principaux. Si on se sert de la culture pour promouvoir la vie, pour améliorer le bien-être dans la perspective de l’épanouissement personnel, les résultats visés devraient être l’espoir, l’appartenance, le sens et l’accomplissement. Ces quatre objectifs sont assortis de 13 indicateurs mesurables sur la voie de l’espoir, de l’appartenance, du sens et de l’accomplissement.
    Pour susciter l’espoir, il faut investir dans des valeurs qui facilitent le rapport à une croyance en une vision de la vie, une identité, et cela crée un sentiment d’appartenance. Il s’agit de nourrir ce lien avec la famille, la collectivité, le lien avec le territoire et les ancêtres, et de susciter une attitude face à la vie dans le contexte d’un réseau de soutien naturel. Pour que la vie ait un sens, il faut équilibrer ce que nous savons rationnellement et ce que nous savons intuitivement, qui relève de l’esprit, et il faut comprendre que, quand on relie les deux, c’est alors seulement que nous comprenons vraiment le sens de la vie. Pour susciter le sentiment d’accomplissement, il faut investir dans les modes propres d’être et de faire définis par la culture et le savoir traditionnel, et c’est ce qui crée un sentiment de plénitude.
    Ces quatre objectifs et leurs indicateurs doivent absolument faire partie de la planification stratégique, de la conception des programmes, de la politique, des modes d’élaboration, de la prestation des services, mais surtout, c’est ce qui garantira la qualité des moyens employés pour promouvoir la vie auprès des jeunes. Le recours au continuum de bien-être mental selon la perspective autochtone, qui a ces objectifs dans leur axe, nous permet de mieux comprendre qu’il faut adopter une stratégie de promotion de la vie s’appuyant sur le savoir traditionnel et la culture autochtone.
    Je voudrais terminer avec quatre principes de base.
    Vous avez une minute.
    D’accord.
    Le premier principe est le mode de savoir autochtone. Le deuxième est composé du territoire, de la lignée et de la langue. Le troisième est l’axe des forces. Le quatrième est la décolonisation et l’autodétermination communautaire. Enfin, il y a la responsabilité collective et la réconciliation.
    J’ai terminé, merci.
(1010)
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la période de questions.
    Et nous commencerons par le député Rémi Massé.

[Français]

     Merci, madame la présidente. En fait, je vais laisser mon temps de parole à M. Tootoo.

[Traduction]

    Merci, monsieur Massé, de me donner l’occasion de participer et de répondre à certaines questions.
    Ma question s’adresse à vous deux. Je sais qu’on en a déjà parlé, mais enfin… Monsieur Richard, vous avez parlé de traumatisme intergénérationnel, et c’est quelque chose dont j’entends parler depuis que j’assiste à ces réunions. D’après vous, quelle est son importance dans les terribles statistiques sur le suicide dans les collectivités autochtones et comment pourrait-on y apporter une solution? On nous a beaucoup parlé de santé mentale, de counseling et de traitement, et simplement d’offrir de meilleurs services de santé mentale dans les collectivités autochtones du Canada, Nunavut compris.
    J’aimerais avoir votre avis à tous les deux à ce sujet, s’il vous plaît. Merci.
    Je suis sûr que vous avez déjà entendu dire tout cela avant. Je dois d’abord préciser que, dans une vie antérieure, au Nouveau-Brunswick, on m’avait demandé, à la suite du suicide d’une jeune fille, de faire une étude sur la santé générale des enfants des collectivités autochtones. Nous avions fait une recherche assez importante et établi des comparaisons entre les enfants autochtones et non autochtones, et il est devenu très clair que tous les problèmes étaient reliés au traumatisme. Le manque d’estime de soi, la perte de l’identité et du savoir culturel… Je suis moi-même acadien. La culture acadienne est indispensable à notre identité et à notre survie comme peuple, aussi bien que notre langue. Je pense que c’est tout aussi vrai pour les enfants autochtones.
    Quand nous nous sommes intéressés aux causes profondes… et l’ex-grand chef Ed John en a parlé dans un rapport récemment publié en Colombie-Britannique. Il a parlé d’une analyse des causes profondes qui mène à des solutions profondes. Il a parlé de la pauvreté, du surpeuplement des logements, du manque de logements, du manque d’eau, et du manque d’identité culturelle. Je crois que les solutions doivent tenir compte des causes profondes et, donc, des problèmes liés au logement, à une pauvreté abjecte, aux inégalités et à la faible estime de soi.
    La participation des aînés aux activités d’organismes comme les services à l’enfance et à la famille est un moyen de les engager dans des modes de prévention. Un conseiller de bande a dit que les organismes ne sont que des voleurs de bébés parce qu’ils sont tellement préoccupés de protection qu’ils les enlèvent… Compte tenu par ailleurs de la formule de financement archaïque employée par le MAINC, on a tendance à enlever les enfants plutôt qu’à travailler avec les familles et à les soutenir. Je pense que, parmi les solutions, il y a la participation des aînés, le soutien précoce des familles, le moins possible d’enfants éloignés de leur famille et de leur collectivité, et ensuite le développement d’une identité forte, avec l’aide des services de prévention et des programmes culturels. La fierté de ses origines est indispensable à l’estime de soi, et l’estime de soi est indispensable à la promotion de la vie.
    Il a fallu des générations pour en arriver là, et il faudra donc un certain temps pour arriver à des résultats, mais c’est maintenant qu’il faut commencer.
(1015)
    Très bien, merci, monsieur Richards.
    Il y a une autre chose qu’on nous a dit. Je crois que tout le monde peut reconnaître le fait que beaucoup de nos collectivités autochtones du sud du Canada, mais aussi du nord et de l’extrême nord, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, vivent dans des conditions caractéristiques du tiers monde du point de vue du logement, de l’éducation et des soins de santé. Le mode de financement de ces juridictions est insuffisant, et il semble qu’on considère que c’est ainsi et que cela restera ainsi.
    Il est temps de changer de point de vue pour reconnaître que ces collectivités et juridictions ont besoin de ressources suffisantes pour offrir les services nécessaires, et pour y veiller. Pour en revenir à la prestation de services, on nous a beaucoup parlé de programmes de guérison fondés sur la culture et dirigés par la collectivité, ainsi que du manque de centres de traitement des dépendances, qui sont autant d’éléments d’entrave. Je voudrais avoir vos points de vue à tous les deux, rapidement, à ce sujet. Merci.
    J’aimerais, si vous permettez, vous proposer quelques exemples de l’importance de la culture dans ce cas.
    Tout d’abord, il faut savoir que les études sur le cerveau post-mortem des victimes de suicide révèlent systématiquement l’existence de lésions à l’hippocampe, qui est le centre de la mémoire. Si on ne s’occupe pas des souvenirs traumatiques, on se dirige vers le suicide. C’est ce que la recherche nous a appris.
    L’un des problèmes dont on ne s’occupe généralement pas est l’expérience de l’exploitation sexuelle. Dans la Première Nation de Hollow Water, au Manitoba, on a mis en œuvre un processus holistique de guérison. Le ministère de la Justice en a fait une analyse du point de vue des coûts et des avantages. On a constaté une évolution importante des résultats entre 1984 et 2000: il y avait beaucoup d’exploitation sexuelle et de violence à l’égard des enfants et parmi les familles auparavant, et, en 2000, les données indiquaient que les enfants étaient désormais en sécurité, que les parents s’en occupaient plus, et que les familles se réunissaient plus souvent sans consommer d’alcool.
    Dans ce processus…
    Je vous demanderais de conclure rapidement.
    ... ont utilisé la culture.
    Il est en effet essentiel d'aborder les déterminants sociaux de la santé, mais il faut aussi utiliser la culture pour renforcer la communauté de l'intérieur. Elle trouve ses propres solutions et les résultats sont étonnants.
    Merci beaucoup.
    La parole est à M. Yurdiga.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être ici ce matin. Il s'agit d'une étude très importante. Nous avons tout un défi à relever et nous avons hâte de trouver des solutions.
    Quels sont certains des défis à relever dans la mise en œuvre d'un programme de prévention du suicide chez les jeunes avec la formule de financement actuelle? Ma question s'adresse aux deux témoins.
    J'aimerais mettre la question en perspective.
    Un problème récurrent est que le financement est de plus en plus orienté vers des solutions éprouvées. Les témoignages s'articulent clairement autour de la sécurité, mais il est également question de la mort. La sécurité est nécessaire, mais les jeunes affirment qu'ils doivent savoir comment parler avec leurs pairs pour pouvoir promouvoir la vie. Dans le contexte dans lequel ils vivent — la pauvreté et toutes les inégalités sociales — comment travaillent-ils avec leurs pairs qui parlent de se suicider pour leur donner de l'espoir et les inciter à continuer à vivre?
    La réponse que vous avez donnée, et les recherches le confirment clairement, c'est qu'il faut qu'ils comprennent leur vision du monde et comment la culture fait la différence, ce qui n'est pas évident dans les communautés des Premières Nations. Nous n'employons pas les aînés et praticiens culturels de la même façon que nous employons des travailleurs sociaux, des psychologues et des psychiatres. Nous ne misons pas sur le savoir autochtone car les gens pensent qu'il n'existe aucune preuve pour démontrer son efficacité.
    Il y a peu de preuves, mais il y en a. Je voudrais donc vous proposer cette solution pour commencer. Il s'agirait donc de changer de paradigme pour ce que nous considérons comme des preuves et d'habiliter les Premières Nations à utiliser la culture, qui est encore très accessible mais qui vit à la périphérie de nos communautés parce qu'elle ne fait pas partie des programmes et services officiels.
    Sur ce, je conclus. Merci.
(1020)
    Je ne prendrai pas trop de temps. En réalité, je veux juste renchérir ce que Carol vient de dire.
    Tout récemment, en octobre, nous avons organisé un forum jeunesse appelé « Ignite your Spirit », avec la participation de 25 jeunes autochtones pris en charge ou émancipés depuis peu. Ils ont pratiquement tous affirmé que ce qu'ils désiraient était d'avoir un lien avec leur identité et leur culture, surtout ceux qui étaient pris en charge, car le système les éloignait souvent de leur propre communauté.
    Telle est malheureusement la réalité en Colombie-Britannique, et ailleurs aussi, je crois. Ils ont demandé à être plus proches de leur culture et de leur langue. Ils voulaient savoir qui ils étaient et d'où ils venaient. Je pense que c'est essentiel. Dans nos systèmes de santé conventionnels, ce n'est tout simplement pas dans les conventions, mais c'est absolument nécessaire si nous voulons réussir.
    Merci.
    Croyez-vous qu'une stratégie nationale de prévention du suicide chez les populations autochtones est nécessaire, ou faut-il plutôt une démarche au niveau local?
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Les deux formules me conviennent, mais j'estime que tout programme doit être ancré dans les communautés, dans la culture et les valeurs communautaires. Si une stratégie nationale est ce qu'il faut pour obtenir le financement nécessaire, soit. Il y a certains principes à respecter et je pense que Carol a été très éloquente à ce sujet. Aussi, les recherches sont là pour veiller à ce que ces principes soient connus et diffusés dans tout le pays. C'est parfait, mais pour que ces programmes réussissent, ils doivent être de nature communautaire.
    J'aimerais ajouter que nous avons tendance à penser que nous avons besoin de nouvelles solutions chaque fois qu'un nouveau problème surgit parmi les populations autochtones. J'aimerais attirer votre attention sur le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations. Ce cadre a été élaboré par les peuples des Premières Nations en partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations et Santé Canada à l'issue de plusieurs années de consultations partout au pays. Il s'agit d'une approche systématique au mieux-être mental qui donne des consignes claires pour promouvoir et faciliter le bien-être dans les collectivités des Premières Nations.
    Ce que je crains, c'est que si nous élaborons une nouvelle stratégie, nous allons créer encore un autre document qui ne pourra pas être mis en œuvre. Le Cadre du continuum du mieux-être mental n'a pas été accompagné de nouveaux fonds ni de la capacité nécessaire pour sa mise en œuvre. Je recommanderais quant à moi que nous utilisions ce que nous avons, que nous investissions dans ce que nous avons et que nous renforcions les capacités de mise en œuvre.
    Notre comité s'est rendu dans de nombreuses collectivités du Nord et l'une des questions dont nous avons entendu parler portait sur le recrutement et le maintien de professionnels de la santé dans les communautés autochtones. Comment pouvons-nous résoudre ce problème? Il est très difficile d'établir des relations entre ces professionnels et les personnes qui ont besoin d'aide.
    En quoi consiste le problème majeur? Est-ce le financement ou l'isolement qui empêche d'attirer des professionnels de la santé dans les collectivités du Nord?
(1025)
    Je crois que vous avez énuméré deux des raisons fondamentales.
    Une troisième que j'ajouterais à vos commentaires, c'est que nous ne comptons pas sur les forces qui existent au sein des collectivités. On a toujours appris aux Premières Nations que la solution vient d'ailleurs. C'est le résultat de la colonisation. Nous colonisons nos propres connaissances et nos propres forces en négligeant de reconnaître les lieux où elles existent. Elles existent dans la culture. Elles existent parmi les aînés et les praticiens de la culture ancestrale qui ne font pas partie de ces programmes et services officiels.
    Je pense qu'une partie de la solution dans les collectivités des Premières Nations consiste à prendre du recul et à examiner attentivement les forces et les atouts qui existent en dehors des programmes et des services officiels, pour ensuite étudier la manière de les inclure.
    Merci.
    Nous passons au Nouveau Parti démocratique. Monsieur Saganash.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos deux témoins pour leurs exposés.
     Je peux certainement m'identifier avec ce que vous avez dit dans vos exposés. J'appartiens à la dernière génération des Cris qui sont nés sur leurs terres. J'ai passé les premières années de ma vie avec mes parents et mes frères et sœurs avant d'être emporté au pensionnat où j'ai passé les 10 années suivantes. Fort de cette expérience, je peux dire sans hésiter que ce qui m'a sauvé en tant qu'individu a été ma culture et le fait que je peux parler ma langue couramment aujourd'hui. Je peux certainement m'identifier avec ce que vous avez dit tous les deux. Cela n'a rien à voir avec une cabane pour mon canoë ou des pagaies, comme l'a suggéré le premier ministre il n'y a pas si longtemps.
    Vous avez tous deux répondu à la plupart des questions que j'ai posées, mais j'en ai une autre pour M. Richard. Vous êtes acadien. Je suis cri. Une des choses que j'ai relevées dans les documents que j'ai parcourus dans le cadre de cette étude, c'est qu'avant la Révolution tranquille au Québec, le Québec affichait le taux de suicide le plus faible parmi toutes les provinces du pays. Depuis la Révolution tranquille, il affiche le taux le plus élevé.
    Comment expliquez-vous cela et pouvons-nous tirer un apprentissage de cette expérience pour nos jeunes autochtones d'aujourd'hui?
    C'est toute une question.

[Français]

     Je vous remercie quand même de la poser.

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre.
    En tant qu'Acadien, je sais que notre groupe de rock légendaire des années 1970 était 1755, soit l'année de la déportation des Acadiens. Ils finissaient toujours leurs concerts par...

[Français]

« Soyez fiers de qui vous êtes. »

[Traduction]

    C'est resté avec moi toute ma vie et j'y penserai toujours.
    Je pense que la fierté de soi, la fierté de la culture... Le Canada a la chance d'avoir une multitude de cultures et de langues. Il y a 203 Premières Nations en Colombie-Britannique et des dizaines de langues y sont parlées. C'est une richesse dont nous devrions être fiers.
    Bien sûr, l'histoire ne saurait s'effacer. Elle est là, mais la réconciliation est possible. J'ai dit cela au sujet de la Commission de vérité et réconciliation, en affirmant qu'elle était forte en vérité, mais, je le craignais, faible en réconciliation. La question continue à me préoccuper. Ce n'est pas en jetant plus d'argent sur les enjeux que les problèmes seront résolus, à moins de s'y prendre comme il faut.
    J'étais en conférence téléphonique avec la ministre il y a quelques semaines et elle m'a annoncé — je ne veux pas prendre trop de temps — que l'on avait injecté100 millions de dollars dans le système. La même semaine, j'ai rencontré deux directeurs d'agences de services à l'enfance et à la famille qui m'ont dit qu'il n'y avait pas beaucoup sur le terrain pour le prouver.
    Nous dépensons énormément d'argent pour les bureaucraties et les querelles intergouvernementales alors que les enfants des communautés manquent toujours du genre de choses dont vous parlez, Carol et vous. Je suis parfaitement d'accord, mais je pense que la clé réside vraiment dans la culture. C'est ce que je conclus de ma propre vie et de l'histoire de mon peuple, et je pense que cela s'applique à tous.
    Désolé, Carol, d'avoir pris autant de temps.
(1030)
    Je suis tout à fait d'accord. Votre témoignage est excellent et vous avez bien étudié la question tout au long de vos voyages dans les collectivités des Premières Nations. Il faut investir dans la culture directement auprès des communautés des Premières Nations et tisser des partenariats avec les divers ministères fédéraux et les provinces pour harmoniser et mettre en commun les ressources afin de donner lieu au changement important qui s'impose pour pouvoir miser sur la culture. Nous pouvons nous dépêcher de recruter des experts extérieurs, mais cela ne saurait suffire. Si nous ne sommes pas attentifs à l'esprit, à la culture et à la spiritualité des peuples autochtones et à notre propre vision du monde, nous n'irons jamais assez loin.
    Comme je l'ai dit, nous devons songer à la santé mentale des enfants à tous les stades: fœtus, nouveau-né, nourrisson et petite enfance. Ce sont ces genres d'activités qui nous accrochent à la vie. Investir dans les sages-femmes et les formes autochtones de soins doulas est un moyen important d'empêcher les enfants d'entrer dans le système de protection de l'enfance.
    Nous allons passer à M. Bratina pour une nouvelle série de questions.
    Merci.
    Merci à nos témoins aujourd'hui. Je dois vous dire à tous les deux que je ne suis pas un membre régulier de ce comité, mais j'ai été profondément intéressé par les questions. Du temps où j'étais maire de Hamilton, nous avons travaillé pour le logement de nombreux Autochtones qui vivent hors réserve dans des centres urbains comme Hamilton, ce qui a soulevé une question. Nous avons été terriblement émus par le feu tragique qui s'est produit dans l'une des réserves au nord, où tant de gens ont été perdus. Le logement a été mentionné dans vos témoignages et nous voyons souvent des photos de communautés qui ont l'air très désespérées, surtout dans les réserves éloignées.
    L'une des choses que nous avons tenté de faire, c'est d'introduire un autre type de logement, soit des maisons en acier modulaires avec des technologies très modernes dotées d'aération, chauffage, eau et tout ce qu'il faut. Nous avons constaté que la question de l'approvisionnement était difficile parce qu'elle se faisait essentiellement au sein des réserves et qu'il était d'autant plus difficile de promouvoir un projet pilote visant à construire plusieurs maisons d'un genre différent à ce que l'on voit habituellement. Nous n'avons donc pas pu y parvenir pour l'instant.
    Je suis préoccupé par le fait que ces enfants sont parfois élevés dans des communautés qui sont dans un état lamentable compte tenu de la façon dont les canalisations et les maisons sont construites. Les moisissures ne tardent pas à s'installer, sans parler des risques d'incendie. Il est très difficile d'éteindre les incendies dans certaines réserves éloignées. J'apprécie tous les points que votre témoignage a soulevés, mais permettez-moi de vous poser une question aussi vaste que complexe.
    Y a-t-il moyen d'encourager de meilleures conditions de logement, de meilleures conditions mécaniques et techniques dans les réserves qui, côté approvisionnement, sont essentiellement entre les mains des réserves elles-mêmes et de leurs chefs? Quelqu'un pourrait-il commenter cela?
    Je vais tenter d'y répondre. Sans connaître tous les enjeux liés à l'approvisionnement en habitation, je dois dire que les gouvernements des Premières Nations qui luttent pour résoudre les problèmes de logement sont souvent aux prises avec des problèmes liés au financement. D'importants jalons ont été franchis grâce à des ententes avec des institutions financières qui accroissent les possibilités et la capacité de prêts dans les réserves, ce qui n'a pas toujours été le cas, de sorte que l'accès au logement devient plus accessible. C'est surtout dans le sud du Canada, plutôt qu'au nord du pays que l'on voit davantage d'activités liées au financement du logement et une plus grande disponibilité de logements dans les communautés des Premières Nations.
(1035)
    Oui.
    La question se rapporte à des logements inadéquats, des logements insalubres. Nous avons été incapables de répondre à la demande croissante. Dans les collectivités des Premières Nations, la majorité de notre population a moins de 30 ans. Nous avons des jeunes, des familles en croissance, et il est impossible de répondre à la demande et au besoin de logement. Nous avons plusieurs générations vivant sous un même toit.
    Quelles sont les modalités de ces solutions pour répondre à ce type de demande et traiter les questions d'approvisionnement? Je n'en suis pas tout à fait sûre, sauf que ces conversations nécessitent l'inclusion des gouvernements autochtones et un dialogue plus poussé sur les changements structurels propices aux types de solutions dont vous parlez.
    Je reviens au Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations. Nous avons ce beau cadre. Il veut dire quelque chose pour les gouvernements provinciaux, les gouvernements territoriaux, les gouvernements des Premières Nations, les communautés des Premières Nations et les services de santé, mais nous n'avons pas les fonds nécessaires pour l'appliquer.
    Lorsque nous l'appliquons, nous sommes souvent confrontés à des politiques du gouvernement fédéral qui n'ont pas été adaptées pour refléter ce qu'il a signé. Ce n'est qu'au niveau de la mise en œuvre que nous nous apercevons des questions de politique, et il s'agit dès lors de parler de la façon dont nous devons changer les politiques pour répondre aux besoins de la communauté qui s'efforce d'aller de l'avant.
    Merci.
    Sur l'aspect de l'estime de soi, je me souviens de mon enfance dans un quartier pas très privilégié. Quelques-uns de mes amis vivaient dans des maisons très modestes, disons. Je sais qu'ils ne voulaient pas vraiment que nous allions jouer chez eux car l'idée que leur maison était moins belle les mettait mal à l'aise. Ce n'est qu'un facteur parmi tant d'autres.
    Permettez-moi dans le peu de temps...
    Vous avez 30 secondes.
    Trente secondes... formidable!
    Je voulais poser des questions sur les témoignages précédents devant le Comité. Certains témoins, dont des jeunes autochtones, ont laissé entendre que les difficultés vécues durant l'enfance tels que les mauvais traitements ou la violence sont des facteurs de risque de suicide. Maintenant que mon temps est écoulé, quelqu'un d'autre pourrait peut-être reprendre cet aspect.
    Je vous remercie infiniment de votre présence.
    Pourrions-nous demander à M. Richard d'y répondre rapidement?
    J'ajouterais seulement que je conviens que le logement est une question importante qui revient constamment, comme j'ai pu constater au Nouveau-Brunswick et en travaillant avec les chefs des Premières Nations pendant les trois dernières années. Je pense que ce n'est pas tant une question d'approvisionnement, honnêtement. C'est peut-être le cas dans les régions les plus septentrionales du Canada, mais dans la plupart des régions du Sud, la question clé réside dans le financement.
    Dans de nombreuses communautés, deux ou trois ménages partagent un espace qui, dans les communautés non autochtones, serait normalement occupé par un seul. Beaucoup d'enfants vivent souvent dans cet espace. Cela contribue aux autres questions dont vous avez parlé. En fait, je pense que cela contribue aussi aux abus sexuels. Il n'est tout simplement pas acceptable dans ce pays que les gens vivent dans de telles conditions.
    À mon avis, le financement est une question beaucoup plus importante que l'approvisionnement.
(1040)
    Merci.
    Je vais demander si le Comité veut bien consacrer les prochaines minutes aux affaires du Comité.
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Merci à nos témoins. Je sais qu'il est encore très tôt en Colombie-Britannique. Je vous souhaite une bonne journée.
    Carol, merci d'avoir appelé. J'apprécie vos paroles pleines de sagesse.
    Merci.
    D'accord. Nous avons abordé la question de la recherche d'un soutien unanime pour accepter le rapport du coroner de Québec, qui a été rejeté lors de la dernière réunion. Nous serions prêts à adopter une motion, par exemple, qui pourrait dire que dans le cadre de cette étude sur le suicide au sein des peuples et des communautés autochtones, le rapport du coroner québécois doit être déposé auprès du greffier et affiché sur le site Web du Comité.
    Ce rapport, que les membres n'ont pas eu le temps d'étudier à fond, ferait partie de notre comité. Il serait inscrit au compte rendu et il serait disponible. Quelqu'un veut-il proposer cette motion?
    Faut-il une motion? Ne pourrions-nous pas tout simplement passer...
    Il existe plusieurs façons techniques d'inclure le rapport. L'une est, comme je l'ai dit, de le présenter sous forme d'annexe. Une autre façon, c'est de fournir un lien vers le rapport. Une autre encore, c'est d'inclure les 80 pages de la transcription dans le procès-verbal. Il existe diverses options.
    Nous croyons que la plus pratique serait de l'avoir sous forme d'annexe.
    Madame McLeod.
    Merci, madame la présidente.
    Comme vous l'avez refusé lors de notre dernière séance, il faudrait sans doute une motion pour le réintégrer à l'ordre du jour. Autrement, nous serions en train d'agir contrairement à la volonté exprimée par le Comité lors de la dernière réunion.
    Madame Fry.
    Je vais proposer la motion pour discussion.
    Merci. Il est ouvert à la discussion. Comme le greffier l’a mentionné, nous n’avons pas vraiment discuté du contenu du rapport. Nous avons toutefois voté à l’unanimité pour tenir une discussion sur celui-ci.
    Madame McLeod.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai peut-être supposé certaines choses lors de la dernière réunion. Étant donné que nous avons été chargés d'étudier la question du suicide et des jeunes autochtones pendant des mois, et étant donné que le rapport du coroner était très convaincant et très important, je crois que j'ai erronément présumé que l'opposition était au courant du rapport et qu'elle avait pu y jeter un coup d'œil. Il s'avère que je me suis trompée.
    J'espère que c'est la raison pour laquelle ils n'ont pas accepté d'aller de l'avant la dernière fois et qu'ils récapituleront maintenant qu'ils connaissent mieux ce document.
    Monsieur Massé.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Dans le cadre de l'étude que nous poursuivons au sein du Comité, nous nous rendons compte évidemment que tout ce qui touche la communication est important. C'est pour cette raison que nous avons rejeté la motion.
    Le rapport a été déposé au mois de décembre. Il est très détaillé, et nous n'avons pas eu la chance de le lire en raison du temps que nous avons dû consacrer à l'ensemble des travaux. Nous avons pris du recul depuis et nous sommes prêts à déposer une nouvelle motion pour faire en sorte que ce rapport fasse partie des documents examinés par le Comité.

[Traduction]

    Très bien. Nous passons aux voix.
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Le rapport sera affiché sur notre site Web.
    Merci d'être venus. La réunion a été extrêmement complète et productive.
    La séance est levée.
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