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: Merci de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des efforts déployés par le Canada pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe via ces nouvelles modifications à l'article 6 de la Loi sur les Indiens.
Je représente sept Premières Nations vivant surtout dans le sud de l'Ontario. Je suis également présidente du Conseil des femmes de l'Assemblée des Premières Nations. La charte de l'APN prévoit le recours à notre conseil en tant qu'organe consultatif essentiel représentant les intérêts et les points de vue des femmes autochtones membres de nos 634 Premières Nations au Canada. En ma qualité de présidente, je participe aux réunions du comité directeur, à l'assemblée générale des chefs et à d'autres rencontres, y compris avec des comités parlementaires à l'occasion.
Comme nous ne le savons que trop bien, la Loi sur les Indiens a été adoptée au départ dans le but d'assimiler complètement les Premières Nations en leur faisant perdre leur caractère distinct. Depuis 1876, la Loi sur les Indiens mine nos systèmes fondés sur la parenté, nos régimes de gouvernance et bien d'autres aspects de nos vies comme cela s'est notamment manifesté avec l'imposition du système des pensionnats indiens, une véritable tragédie. La discrimination ciblant les femmes des Premières Nations a été l'un des principaux moyens utilisés pour atteindre ces objectifs.
C'est la troisième tentative du Parlement pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe dans l'application de cette loi. En 1985, les changements apportés dans le cadre du projet de loi C-31 ont permis de faire seulement une partie du chemin. En 2009, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a conclu que l'effet combiné de la règle des deux parents, de la hiérarchie entre les différents statuts prévus aux paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens, et de l'inadmissibilité de la deuxième génération contribuaient à perpétuer la discrimination fondée sur le sexe dans le contexte de cette loi. Voilà maintenant que l'affaire Descheneaux oblige le Parlement à faire un troisième essai.
Nous comprenons bien que le gouvernement ressent le besoin pressant de s'attaquer à la discrimination mise au jour dans l'arrêt Descheneaux. Malheureusement, le projet de loi va permettre à cette discrimination de se poursuivre. En outre, les modifications proposées dans ce projet de loi vont rendre encore plus complexes les dispositions de la Loi sur les Indiens touchant l'inscription au registre en ajoutant trois nouveaux sous-alinéas à l'alinéa 6(1)c).
Ce projet de loi vise essentiellement à permettre le maintien du contrôle arbitraire du fédéral à l'égard de l'identité des Premières Nations tout en repoussant simplement d'une génération le problème de la discrimination résiduelle fondée sur le sexe.
Notre étude du projet de loi révèle d'autres formes de discrimination à l'égard desquelles aucune mesure ne sera prise. Premièrement, en vertu du projet de loi qui faisait suite à l'arrêt McIvor, une femme qui retrouvait son statut était réputée l'avoir fait en application du paragraphe 6(1), ce qui rendait également ses enfants et ses descendants admissibles en vertu du même paragraphe. En revanche, une femme qui avait perdu son statut pour tout autre motif que ceux énoncés dans le projet de loi C-3 était réputée le récupérer en application du paragraphe 6(2), ce qui désavantageait tous ses descendants futurs.
Deuxièmement, le projet de loi C-31 visait à donner suite à la décision du Comité des droits de l'homme des Nations unies dans l'affaire Sandra Lovelace ainsi qu'à régler certaines questions liées au respect de la Charte. Rappelons qu'en vertu du projet de loi C-31, une femme qui recouvre son statut est réputée être visée par le paragraphe 6(1). Toujours suivant le même projet de loi, une personne, homme ou femme, qui a perdu et retrouvé son statut dans n'importe quelles circonstances autres que le mariage est réputée être visée par le paragraphe 6(2), ce qui rend inadmissible au statut toute sa descendance future.
À notre avis, le maintien par le Canada de l'imposition de la règle des deux parents, combiné à la hiérarchie dans la transmission du statut établie par les paragraphes 6(1) et 6(2) en vertu du projet de loi C-31, est au coeur du problème de discrimination fondée sur le sexe qui perdure. Nous notons également avec beaucoup d'inquiétude qu'il ne semble y avoir aucune solution proposée à l'égard de la discrimination de longue date que causent injustement les politiques ministérielles touchant ce qu'on appelle la « paternité non déclarée ».
Je tiens à souligner qu'il ne s'agit généralement pas de situations où le père est inconnu. Le plus souvent, c'est que la femme a d'autres raisons de ne pas indiquer qui est le père de son enfant.
Merci.
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Eh bien, j'ai intérêt à ne pas lambiner.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Je remercie le Créateur pour cette journée que nous vivons, et je vous rends hommage en même temps qu'à mes proches et à mes amis.
L'APN recommande que le Canada collabore avec les Premières Nations pour mener un examen conjoint des lois et des politiques fédérales en s'assurant de concert avec nous que les considérations relatives au sexe et à la citoyenneté sont prises en compte dans le cadre de cet exercice.
De nombreuses dispositions de la Loi sur les Indiens ne respectent pas les traités, le droit à l'autodétermination et les droits individuels de la personne, tant et si bien qu'il convient de se demander s'il est même envisageable de supprimer les aspects discriminatoires de cette loi colonialiste dépassée qui misait sur des mesures fondées sur le sexe et l'appartenance à une race pour annihiler nos nations et nos citoyens.
Nous devons maintenant nous affranchir de cet effroyable héritage, ce qui représente un défi énorme. Vous conviendrez certes avec moi qu'il ne suffira pas d'apporter des modifications à la Loi sur les Indiens pour y parvenir et que, quelle que soit la solution retenue, elle devra être pilotée par les Premières Nations et guidée par nos droits ancestraux et issus des traités ainsi que par les normes minimales établies par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je rappelle au Comité qu'en vertu du droit international en matière de droits de la personne, le droit à l'autodétermination et les droits individuels de la personne sont interdépendants et inextricablement liés. Nous nous réjouissons du leadership dont le premier ministre fait montre en matière d'égalité entre les sexes, de son engagement sans équivoque à assurer l'application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et de l'enthousiasme des ministres, surtout la et la , qui souhaitent travailler avec nous pour aller au-delà de la Loi sur les Indiens. C'est un travail important qui n'a pas encore été entrepris.
Lorsqu'il est question de statut et de citoyenneté, il faut aller plus loin que ce que prévoit la Loi sur les Indiens, car si cette loi continue de s'appliquer, il n'y aura plus d'Indiens inscrits dans 50 ans d'ici. C'est aussi simple que cela. Si nous voulons jouir du droit à l'autodétermination — un droit qui nous appartient — nous devons exercer nos compétences en la matière, être présents sur ce terrain et déterminer qui peut être ou non citoyen de nos Premières Nations. C'est à nous de le décider.
Sans égard à la Loi sur les Indiens, nous estimons impératif que le Parlement et la Couronne travaillent avec les Premières Nations pour établir une nouvelle relation dans le cadre de laquelle nos lois et nos compétences seront reconnues et respectées par la voie de traités, de la reconnaissance de la souveraineté autochtone et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration fixe les normes minimales pour le respect des droits collectifs et individuels des peuples autochtones, ce qui comprend l'égalité entre les sexes.
La discrimination fondée sur le sexe et le déni du droit à l'autodétermination contreviennent aux normes internationales en matière de droits de la personne, y compris celles énoncées et confirmées dans la Déclaration des Nations unies. La loi a servi à notre assimilation forcée et contrevient donc de façon manifeste aux droits individuels de la personne tout en entravant nos droits collectifs de définir nous-mêmes notre identité en tant que citoyens de nations autochtones.
Je vais devoir résumer parce qu'il me reste seulement... Combien de temps?
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D'accord, je m'en tire mieux lorsque je ne m'en tiens pas au texte.
Il est question ici de programmes, et le gouvernement croit qu'il y aura davantage d'Indiens inscrits avec l'application de cette loi. Il s'ensuivra des répercussions pour deux programmes en particulier, à savoir le soutien pour les études postsecondaires et les prestations pour les soins de santé non assurés. Le gouvernement a prévu des fonds et des ressources à l'intention de ces nouveaux Indiens inscrits, mais une question reste très évidente pour nous: Où sont les terres qui vont de pair avec ce nouveau statut?
Vous ne faites que la moitié du chemin pour qu'un Indien inscrit en devienne vraiment un. D'accord, il a le statut et peut bénéficier de ces programmes d'aide aux études postsecondaires et de prestations pour les soins de santé non assurés. Notre traité prévoit toutefois 128 acres de terrain par personne et 625 acres pour une famille de cinq. Vous créez donc de nouvelles obligations territoriales, un dossier qu'il faudra régler. Ces considérations ne peuvent pas être mises de côté. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que vous allez régler les problèmes d'iniquité entre les femmes et les hommes. Vous devez composer avec tous les aspects de la problématique. C'est ce que je souhaitais faire valoir.
Il faudra donc faire le nécessaire pour régler les problèmes additionnels créés par les modifications incluses dans les projets de loi C-31 et C-3 relativement aux droits fonciers issus de traités, et il faudra pour ce faire engager un dialogue véritable débordant des cadres de votre comité. Il y a trop de contraintes de temps. Il faut prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses. Nous allons donc maintenir nos pressions en ce sens.
Dans l'arrêt Descheneaux, la juge Masse indique la marche à suivre pour le Parlement canadien:
Il n'exempte pas pour autant le législateur de prendre les mesures appropriées afin d'identifier et de régler toutes les autres situations discriminatoires pouvant découler de la problématique identifiée, fondées sur le sexe ou sur d'autres motifs prohibés, et ce, en conformité avec son obligation constitutionnelle de s'assurer que les lois respectent les droits consacrés à la Charte canadienne.
Une lecture aussi stricte du présent jugement que celle qui a été faite de la décision de la CACB dans McIvor n'est pas la voie que devrait emprunter le législateur. S'il souhaite jouer pleinement son rôle, plutôt que de laisser le champ libre aux litiges, il fera autrement cette fois-ci, tout en apportant rapidement des correctifs suffisamment larges pour remédier à la discrimination constatée en l'espèce. L'un n'exclut pas l'autre. L'APN est prête à travailler avec le Canada pour favoriser la reconnaissance des droits et la réconciliation au moyen de processus conçus conjointement en vue d'assurer la pleine mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits de peuples autochtones et d'accomplir de concert une tâche essentielle en menant un examen exhaustif des lois et des politiques en vigueur.
Voilà qui est dit. Nous devons travailler ensemble.
Je m'appelle Francyne Joe et je suis présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC). Je suis une fière membre de la Première Nation Shackan qui vit à Merritt en Colombie-Britannique. En plus de mes cinq années de travail à l'Agence des services frontaliers du Canada, j'ai de l'expérience en gestion des ressources humaines, en développement économique, en entrepreneuriat et en assurances, toutes ces activités s'inscrivant dans le cadre de mes efforts incessants pour sensibiliser les Autochtones et les encourager à s'épanouir pleinement.
Je suis accompagnée de Lynne Groulx, notre directrice exécutive, et de Marilee Nowgesic, notre conseillère spéciale pour la liaison.
D'abord et avant tout, je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine. Je m'exprime au nom de mes ancêtres pour vous parler des préoccupations des femmes autochtones dans tout le Canada et des espoirs de nos dirigeants de demain, nos jeunes.
Depuis 1974, l'AFAC est la seule organisation autochtone nationale représentant le point de vue, les intérêts et les nombreuses préoccupations des femmes autochtones. Nous regroupons 12 associations membres représentant les provinces et les territoires. Notre réseau de femmes autochtones et métisses s'étend à la grandeur du pays, aussi bien en ville qu'en milieu rural, dans les réserves comme à l'extérieur. Nous nous considérons comme les membres d'une nation et estimons que l'AFAC devrait avoir voix au chapitre dans tout dialogue de nation à nation. Il faut absolument que nos points de vue sur la situation particulière des femmes puissent être entendus et pris en compte dans les actions à venir. L'Association des femmes autochtones du Canada se réjouit du fait que le gouvernement du Canada se soit officiellement engagé à mettre fin à toutes les formes connues de discrimination fondée sur le sexe qui sont enchâssées dans la Loi sur les Indiens. C'est un dossier prioritaire pour nous depuis fort longtemps déjà. Il ne faudrait pas rater cette occasion de consolider nos liens de collaboration en veillant à nous attaquer aux couches complexes du problème et aux formes multiples que peut épouser la discrimination fondée sur le sexe dans le contexte de la Loi sur les Indiens.
J'ai trois messages principaux à vous livrer aujourd'hui.
Le premier concerne l'arriéré actuel du ministère en matière d'inscription et d'affiliation. Le projet de loi abandonne les femmes autochtones en bafouant leurs droits fondamentaux. Elles sont ainsi privées de différents avantages que leur confère la Loi sur les Indiens, notamment en matière de logement, d'éducation, de santé et de développement économique. Dans une perspective historique, on ne peut pas dissocier la situation des femmes autochtones des impacts de la colonisation, des problèmes systémiques et de toutes les politiques et les lois qui ont miné la stabilité de notre environnement, la pratique de notre spiritualité et l'exercice de notre droit inhérent à l'autodétermination. Nous tenons à mettre en garde le gouvernement quant à l'échéancier retenu. Les femmes autochtones ont de nombreuses préoccupations à cette période-ci de l'année. Les enfants vont à l'école et ont des activités parascolaires. Les femmes s'occupent des préparatifs en prévision notamment de la chasse et du piégeage. Elles doivent aussi préparer les célébrations des Fêtes avec la famille et les amis.
Deuxièmement, il faut savoir que mobilisation n'est pas synonyme de consultation, et que consultation n'est pas synonyme de consentement. Ce sont les femmes autochtones qui doivent mener ces discussions. Selon la description fournie par le gouvernement du Canada, le processus en deux étapes doit permettre une réconciliation avec les peuples autochtones grâce au renouvellement de la relation de nation à nation pour qu'elle soit fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat. En date du 28 septembre dernier, nous n'avions eu droit qu'à une seule séance d'information avec des représentants du ministère. On peut difficilement parler d'engagement, de partenariat ou de respect.
Le gouvernement a déjà annoncé son approche en deux étapes en réponse à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Descheneaux qui exige que les nouvelles mesures législatives soient promulguées avant le 3 février 2017.
Nous nous réjouissons tout particulièrement de l'occasion qui nous est offerte non seulement de régler les problèmes systémiques, mais aussi de nous attaquer à leurs répercussions sur les femmes autochtones. Comme je l'indiquais, ces impacts se manifestent notamment par une perte d'identité, du fait que nous sommes également membre de la nation; par un sentiment d'appartenance et de reconnaissance insuffisant dans certains cas lorsque des femmes souhaitent retourner dans leur communauté d'origine; par l'affaiblissement des rôles des femmes autochtones en matière de gouvernance et de la capacité de coordonner le recensement des enjeux; et par le sous-financement de notre organisation. C'est au sein de l'AFAC que l'on retrouve l'expertise des problématiques touchant les Autochtones et les femmes tout particulièrement.
Troisièmement, les femmes autochtones ont le droit de décider de leur propre identité. En vertu des articles 33.1 et 33.2 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ceux-ci ont le droit de décider de leur propre identité et de déterminer les structures de leurs institutions selon leurs propres procédures.
Après plus de 10 années à voir nos efforts pour défendre les intérêts des femmes autochtones être entravés et passés sous silence, et après avoir vu notre financement réduit de 60 % par le gouvernement fédéral, nous mettons tout en oeuvre en vue de nous redonner les capacités nécessaires pour prendre des mesures concrètes et coordonner une action nationale malgré l'échéancier serré. Les processus de mobilisation en cours devraient tenir compte du fait que nous sommes en mode reconstruction, une situation que l'on ne devrait pas mettre à profit pour faire obstacle à notre participation à ces discussions et à ces décisions d'importance.
Bien que nous nous penchions maintenant sur les paramètres qui guideront la Commission d'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, nous demeurons la principale organisation capable d'exprimer les enjeux et les préoccupations des femmes autochtones qui ne sont pas toujours en mesure de le faire, en vue de contribuer à corriger les injustices.
L'AFAC est prête à collaborer avec le gouvernement du Canada à tous les échelons pour mettre fin aux iniquités et à la discrimination qui découlent de l'application de la Loi sur les Indiens depuis 1876.
Kukwstsétsemc. Meegwetch. Merci pour le temps que vous nous avez consacré.
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[
Le témoin s'exprime en langue innue.]
Bonjour à tous. Je me permets toujours de remercier le Créateur de nous avoir amenés ici et je reconnais aussi le vaste territoire algonquin non cédé qui nous accueille.
Mesdames et messieurs les députés, Kwe. L'organisme Femmes autochtones du Québec désire reconnaître la nation anishinabe qui l'accueille en son vaste territoire non cédé. Aujourd'hui, cet accueil revêt un sens particulier, compte tenu des événements récents au Québec. C'est en territoire anishinabe que des femmes autochtones ont dénoncé avec courage l'abus et la violence que leur ont fait subir des policiers de la Sûreté du Québec. Femmes autochtones du Québec réitère son message: nous croyons ces femmes et nous revendiquons une commission d'enquête judiciaire indépendante provinciale au Québec. Solidarité IKWÉ.
Femmes autochtones du Québec est une organisation de femmes autochtones qui, depuis 1974, se rassemblent pour mettre fin à l'injustice, pour que nos enfants puissent grandir parmi les leurs, connaître leur langue, leur culture ainsi que leurs traditions et en être fiers. Depuis 1974, Femmes autochtones du Québec lutte contre les politiques menant à l'assimilation de nos peuples et contre la discrimination basée sur le sexe, qui constituent les bases de la Loi sur les Indiens. Encore aujourd'hui, en 2016, nos sociétés en subissent les déchirements.
Selon la tradition orale autochtone, à l'époque précoloniale, la vie entre les hommes et les femmes était bien définie. Bien que les rôles étaient distincts, ceux-ci étaient valorisés de manière égale. Il existait un respect mutuel entre les sexes et les générations. Les femmes autochtones bénéficiaient d'un niveau de respect, d'égalité et de pouvoir politique que n'auraient jamais pu espérer les Européennes de la même époque. Plusieurs sociétés autochtones étaient d'ailleurs matriarcales et matrilinéaires dans leur fonctionnement.
Comme vous le savez, cet équilibre entre les sexes a été violemment déstabilisé par les politiques coloniales qui ont été subséquemment mises en vigueur, et ce, de façon délibérée de la part du Canada. La colonisation a eu des effets dévastateurs sur nos peuples en raison notamment de politiques assimilatrices de plus en plus agressives. Celles-ci visaient particulièrement nos femmes et nos enfants. Le gouvernement canadien connaissait très bien l'importance des femmes dans nos sociétés, notamment quant à leur rôle de transmission des connaissances. Il n'était pas sans savoir que, pour arriver à ses fins, pour qu'il n'y ait plus ni question « indienne » ni ministère des Affaires indiennes au Canada, il fallait déraciner nos peuples, nous arracher à nos terres et à nos traditions.
Il est inscrit noir sur blanc que cette loi a été établie pour accélérer la dépossession territoriale et diminuer le nombre d'Autochtones au Canada. Dans son rapport annuel, en 1895, le ministère des Affaires indiennes exprime clairement son intention de s'en prendre à nos langues pour nous assimiler en tant que peuples. Le moyen mis en avant pour atteindre cet objectif était de s'en prendre aux piliers de nos sociétés, soit à nos femmes, celles qui transmettent le savoir, et à nos enfants, l'avenir de nos sociétés.
La Loi sur les Indiens a servi d'outil pour y parvenir en définissant, de manière patriarcale et paternaliste, qui est un « Indien » au Canada. Au cours des années 1800, était « Indien » tout individu dont le père l'était, et perdait son identité autochtone au sens de la loi toute femme qui mariait un allochtone.
C'est cette même loi qui a rendu obligatoire le système des pensionnats. Elle visait, et je cite, à « tuer l'Indien au coeur de l'enfant ».
Cette loi a été bâtie sur des fondations qui ciblaient précisément l'anéantissement de nos sociétés en s'en prenant à nos femmes, à nos enfants et, par le fait même, à la transmission de nos cultures, de nos langues et de notre mode de vie.
Si le Canada est sincère dans son intention de réconciliation avec les peuples autochtones, il doit se responsabiliser en acceptant l'histoire et ses répercussions sur nos sociétés actuelles. Femmes autochtones du Québec est d'avis qu'il est impossible d'atteindre la réconciliation si nos relations sont régies par une loi qui ne nous reconnaît pas le droit de nous déterminer nous-mêmes, qui nous met sous tutelle et qui est fondée sur des bases raciales et discriminatoires.
Depuis le début des années 1970, la Loi sur les Indiens fait l'objet de contestations judiciaires. Suivant les très longs et valeureux combats de Mmes Mary Two-Axe Early, Jeannette Corbiere Lavell et Sandra Lovelace Nicholas, le Canada, qui refuse de reconnaître le caractère discriminatoire basé sur le sexe de la Loi sur les Indiens, a vu sa décision être invalidée à l'échelle internationale par les Nations unies, qui lui ont demandé de modifier cette loi.
En 1985, le projet de loi C-31 a été adopté afin de pallier ces discriminations. Toutefois, il n'y met pas fin. Au contraire, il en crée de nouvelles. Il conduit à la création de deux catégories de statut. Désormais, les Autochtones ayant un statut sont divisés en deux groupes: celui décrit au paragraphes 6(1) et celui décrit au paragraphe 6(2). Cela s'apparente douloureusement à de l'eugénisme. La création de ces dispositions insère dans la Loi sur les Indiens un concept de pureté de sang qui vient encore une fois diviser nos peuples et imposer un système étranger dans nos façons de gouverner.
En 2011, Sharon McIvor continue le combat en se levant contre les discriminations basées sur le sexe qui découlent encore une fois de la Loi sur les Indiens. Il en est résulté le projet de loi , qui ne parvient pas encore à mettre un terme à ces années de discrimination.
Nous voilà encore réunis aujourd'hui en 2016 pour traiter des mêmes enjeux. Femmes autochtones du Québec vous demande, messieurs, mesdames, de constater l'absurdité du contexte actuel et la nature insidieuse des exercices comme celui auquel nous nous livrons actuellement.
Femmes autochtones du Québec souligne le courage et la persévérance des femmes et des hommes qui ont livré ces combats juridiques, mais reconnaît néanmoins que chacun des amendements n'est qu'un minuscule pansement sur une plaie grave et béante d'un génocide culturel entamé par le Canada à l'endroit des peuples autochtones.
Femmes autochtones du Québec rappelle au Parlement l'existence du paragraphe 33(1) de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui établit que « [l]es peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions ».
Le statut indien, se déclinant en catégories et octroyé selon des critères qui demeureront sexistes même après les changements proposés actuellement, représente une violation flagrante de ce droit de décider pour nous-mêmes qui nous sommes.
En 2011, notre association tenait un rassemblement des nations où le thème de l'identité était abordé avec ses membres. Ensemble, elles ont exprimé que ce sont la langue, la culture, l'appartenance au territoire, les valeurs et les traditions qui sont les marqueurs de notre identité et de notre citoyenneté autochtones, et non pas le quantum de sang ou la délivrance d'une carte sur laquelle est apposé un numéro enregistré par le gouvernement du Canada.
Dans le contexte d'aujourd'hui, Femmes autochtones du Québec demande que le gouvernement du Canada élimine une fois pour toutes la discrimination que subissent les femmes autochtones, notamment celles qui, pour plusieurs raisons, ne déclarent pas la paternité de leur enfant.
Nous demandons également que les femmes qui souffrent de discrimination depuis la période antérieure à 1951 puissent recouvrer leur statut avant qu'il ne soit trop tard pour elles.
Enfin, nous demandons au gouvernement d'éliminer les catégories de statut qui distinguent les Autochtones inscrits et qui donnent lieu à une hiérarchie méprisable et discriminatoire en fonction de critères aussi racistes et honteux que la pureté du sang.
Femmes autochtones du Québec demande au gouvernement du Canada de laisser aux Premières Nations le soin de déterminer elles-mêmes qui elles sont.
Consciente de l'intention du gouvernement d'entamer la seconde étape de l'approche dès février 2017, l'organisation Femmes autochtones du Québec vous propose de collaborer avec vous dans ce processus. Nous avons une expertise dans cet enjeu depuis 1974 et nous sommes d'avis que nous pouvons contribuer grandement à l'avancement vers la réconciliation pour l'avenir de nos peuples, de nos femmes et de nos enfants pour les sept générations futures.
J'aimerais aussi préciser que nous manquerons de temps pour consulter les 54 communautés autochtones du Québec. Ce n'est vraiment pas un processus adéquat. Notre organisme, Femmes autochtones du Québec, a rencontré des représentants du ministère. Je les ai invités moi-même à venir à notre assemblée générale pour discuter de la décision dans l'affaire Descheneaux, mais seulement 66 femmes seront présentes. Il y a pourtant 54 communautés à consulter. Le processus n'est pas adéquat.
Merci. Tshinaskumitin.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus nous rencontrer pour nous présenter vos observations.
Nous avons déjà eu droit à un certain nombre d'exposés et plusieurs ont qualifié le dossier de compliqué et complexe. Je ne crois pas qu'il y ait un seul Autochtone qui ne soit pas touché par ce projet de loi. Je viens des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons cinq conseils tribaux et une importante population métisse, et cette question nous concerne tous d'une manière ou d'une autre. Comme Perry l'a indiqué, cette loi était un outil pour favoriser l'assimilation. Le juge Murray Sinclair nous a dit que les pensionnats indiens visaient le même but. C'est donc un problème qui nous complique l'existence depuis bien des années déjà.
Ma famille et moi-même avons été touchés. J'ai des cousins qui ont le statut d'Indien et d'autres qui ne l'ont pas. Je ne pourrais pas vraiment vous expliquer pourquoi. Il est très difficile de remonter la filière pour savoir par exemple comment deux frères peuvent se retrouver dans deux catégories distinctes.
Nous savons qu'il y a d'autres facteurs qui ont exercé une influence. Nous savons que le gouvernement a eu un rôle à jouer. Nous savons également que l'Église a eu son mot à dire. Bien souvent, c'est elle qui décidait qui allait être inclus dans quelle catégorie. Même des commerçants comme ceux de la Baie d'Hudson ont eu voix au chapitre quant au sort qui nous était réservé.
Lorsque j'ai appris que l'on allait de l'avant avec ce projet de loi, j'ai sans doute eu la même réaction que la plupart d'entre vous en me disant qu'il n'allait pas assez loin. Il y a tellement de problèmes à régler. Mais après un examen plus approfondi et en tenant compte du fait qu'il s'agit d'une approche en deux étapes, je pense que nous devons tout de même passer à l'action. Il y a du bon dans ce projet de loi. Je crains fort qu'un processus de consultation portant sur tous les enjeux nous retarde de plusieurs années. Je pense que six années se sont écoulées depuis que ce processus a été enclenché. S'il fallait que nous y mettions autant de temps à partir de maintenant, il se pourrait fort bien que nous ne soyons plus au pouvoir lorsque cela sera fait.
Nous menons une étude sur le suicide et nous savons fort bien qu'il faut agir sur différents tableaux si l'on veut apaiser un tant soit peu le désespoir qui règne au sein de nos communautés. Je serais donc sans doute favorable à la mise en oeuvre de solutions partielles. Si nous devions par exemple d'abord cibler le logement, j'appuierais cette mesure.
J'ai une question pour nos trois groupes qui va un peu dans le sens de ce que disait la représentante de l'Association des femmes autochtones, à savoir que tout cela n'est qu'une amorce de solution qui doit nous mener à quelque chose de plus étoffé.
Convenez-vous avec moi qu'il faut agir sans tarder, ou croyez-vous que l'on devrait simplement reporter tout cela pour essayer de mener une étude exhaustive afin de cerner les mesures à prendre? Je crois que vous savez déjà où je me situe, comme je viens de l'exprimer. Tout cela pourrait nous ramener très loin en arrière, tant et si bien qu'il nous faudrait des années pour mener l'initiative à terme.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Je répète encore et toujours qu'il faudrait plus de temps pour bien faire les choses, malgré cette décision de la Cour. Le projet de loi est là; vous êtes en train de modifier la Loi sur les Indiens.
Le problème, c'est la Loi sur les Indiens. Vous êtes en train de rafistoler la Loi sur les Indiens; c'est ce que vous faites. Un tribunal vous a dit que vous deviez la rafistoler parce qu'il y a une injustice entre les hommes et les femmes, et vous essayez de la corriger. Je comprends; vous essayez de corriger le problème. Vous mettez un diachylon sur une grosse, grosse coupure, et c'est une solution très temporaire.
Vous devez voir au-delà de la Loi sur les Indiens et commencer à reconnaître le droit à l'autodétermination, puis vous demander, entre autres, si une personne perdrait sa reconnaissance d'Autochtone crie si la Loi sur les Indiens cessait de s'appliquer demain et qu'elle perdait sa carte de statut. Nos droits ne découlent pas de la Loi sur les Indiens. Nous avons des droits inhérents, ainsi qu'une relation par traités avec la Couronne, donc nous devons exercer nos pouvoirs sur notre propre citoyenneté. Cela doit toutefois être lié à une nouvelle entente financière pour l'ensemble de la population vivant dans les réserves et hors réserve. Il y a un problème de portabilité des droits aux services et aux programmes. On n'est pas un Indien visé par un traité seulement si on vit à Little Black Bear. Selon le jugement Corbiere, les chefs et les conseils représentent tout leur peuple, tant les personnes qui vivent dans les réserves que celles qui vivent à l'extérieur. On va donc s'attendre à la portabilité des services, des programmes et des droits.
Vous ne pouvez pas seulement rafistoler cette loi; il faut des mesures plus exhaustives, et cela prendra du temps.
Je vous donne quatre conseils: prolonger la durée des consultations pour bien faire les choses; favoriser une révision de la loi et des politiques. Toutes les lois et les politiques désuètes de ce gouvernement, des demandes d'indemnisation aux revendications particulières, en passant par les ajouts aux réserves et les droits inhérents, se fondent sur l'annulation de droits et de titres, plutôt que sur leur reconnaissance. Nous devons exercer nos pouvoirs sur notre propre citoyenneté; c'est ce que nous devons faire, mais ce doit être lié à une relation financière avec la Couronne, et c'est ce à quoi nous travaillons. Et il ne faut pas oublier non plus la question des terres.
Je me rappelle qu'en 1985, quand le projet de loi C-31 a été présenté, tous nos chefs ont dit que la Couronne n'allait que faire un demi-Indien visé par traité: vous allez recevoir une carte de statut, vous aurez accès à des programmes de financement de l'éducation postsecondaire, puis vous aurez droit à des services de santé non assurés de Santé Canada, mais qu'en est-il de l'accès aux terres? Si vous agissez en ce sens, faites-le comme il faut et complètement. Ce sont les conseils que je vous donne, il y en a quatre.
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Merci beaucoup, mon ami.
[Le témoin s'exprime en langue crie.]
[Traduction]
Romeo, c'est une bonne question, il faut nous demander si nous devons continuer dans cette voie. C'est vraiment la question qui se pose. J'ai déjà souligné à tous les membres du Comité l'importance d'aller au-delà de la Loi sur les Indiens. Elle existe depuis 1876, mais ce n'est pas de là que viennent nos droits. Nous avons des droits inhérents. La question particulière de la citoyenneté est fondamentale pour déterminer qui nous sommes en tant que nations. J'invite les députés à encourager le et le Cabinet à faire en sorte que cette démarche aille bien au-delà de la Loi sur les Indiens. Que vous vouliez procéder bande par bande, selon les zones de traité ou de nation à nation, il faut travailler à établir une autre forme de pouvoir, à reconnaître le rêve ultime des peuples autochtones.
Si l'on relit le rapport de la CRPA, il y est question d'une autre forme de gouvernement, d'une autre forme de droit qui seraient reconnus au Canada, en plus de la common law et du droit civil. C'est le droit autochtone et la reconnaissance des gouvernements des Premières Nations. C'est l'objectif ultime, et c'est ce vers quoi nous devons travailler. Cela signifie d'aller au-delà de la Loi sur les Indiens, mais également de reconnaître nos droits et nos titres.
Notre droit le plus fondamental, c'est notre droit inhérent à l'autodétermination, pour déterminer qui sont nos propres citoyens et établir nos propres formes de gouvernement. C'est ce que nous devons faire. Nous devons faire une place dans ce merveilleux pays qu'on appelle le Canada, où nos lois seront reconnues. Il n'y a que la common law et le droit civil. Il y a pourtant aussi le droit autochtone et la loi du Créateur. Quelle place ont-ils? C'est ce que signifiera la réconciliation. Quand ce sera reconnu, nous pourrons aller au-delà de la Loi sur les Indiens. Si nous continuons d'appliquer la Loi sur les Indiens, dans 50 ans, il n'y aura plus personne ayant le statut d'Indien dans ce pays qu'on appelle le Canada, et ce n'est pas ce que nous voulons. Ce n'est pas ce que veulent nos enfants et nos petits-enfants. Ils veulent le respect de leurs droits, de leurs titres et de leurs pouvoirs, et ce respect doit être total. Il doit également être lié à des ententes financières. Tout doit être relié. À mes yeux, c'est ce vers quoi nous devons nous engager.
Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Même nos chefs ont peur. « Si on élimine la Loi sur les Indiens, qu'est-ce qui va la remplacer? » Je dis toujours que si l'on ne veut pas que la loi fédérale ou la loi provinciale s'applique, il faut créer nos propres lois, occuper l'espace, exercer nos pouvoirs. C'est ce qu'il faut mettre en place. Je vais m'arrêter là.
[Le témoin s'exprime en langue crie.]
Il est entendu que la Loi sur les Indiens est désuète. Elle exerce encore des formes d'assimilation. Si on voulait la remplacer, j'aurais quand même des craintes, en ce sens qu'il s'agit peut-être du seul document qui reconnaît notre existence quelque part. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas notre propre fonctionnement, nos propres lois ou peu importe, nous pouvons nous appuyer sur la Loi, mais seulement à court terme. Nous ne pouvons pas le faire à long terme, parce qu'elle est trop ancienne. C'est simplement un moyen de protection.
Le Canada a quand même adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est une belle déclaration qui a été préparée conjointement avec les Premières Nations. Elle fait état des droits de la personne, des droits universels, et ainsi de suite. Elle a été très bien conçue et elle définit vraiment nos aspirations. Je crois qu'il y aurait un exercice à faire en ce qui concerne cette déclaration. Il faudrait s'asseoir, l'étudier de nouveau et suggérer des modifications, puisqu'elle n'est pas encore mise en application par le Canada, par l'État, en général. Nous avons donc quelque chose en main.
Dans le cadre de la Loi sur les Indiens, c'est vous, les parlementaires, qui nous dites comment nous allons fonctionner dans nos communautés. C'est vous qui reconnaissez qui est Autochtone et qui ne l'est pas. Un fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien reçoit une demande à son bureau et c'est lui qui détermine si la personne est Autochtone ou non.
Pourquoi n'avons-nous pas le droit de décider nous-mêmes qui est Autochtone? Nous nous connaissons, nous; vous ne nous connaissez pas.
C'est ce que je voulais ajouter. Merci.
:
Je vous remercie, mesdames et messieurs les témoins, de votre candeur cet après-midi. J'aimerais souhaiter la bienvenue à mon ami au Comité. Je remercie M. Angus de ses prises de position fortes.
Je suis un peu confus cet après-midi, parce que nous nous rendons vraiment compte des graves failles de la Loi sur les Indiens. Nous nous en sommes bien rendu compte en nous engageant sur cette voie. Je partage totalement les sentiments exprimés par Romeo dans son introduction.
Le problème, c'est que nous avons une échéance. Il faut nous demander quel équilibre nous pouvons trouver, si nous pouvons en trouver un.
Je vais vous poser des questions très pointues, et j'aimerais que les représentants des trois organisations y répondent très directement.
Au sujet de l'actuel projet de loi à l'étude, devons-nous aller de l'avant et entamer les consultations prévues en deuxième phase? Vaudrait-il mieux ne pas l'adopter? Devrions-nous nous adresser aux tribunaux pour obtenir une prolongation?
J'ai l'impression d'entendre: « toutes ces réponses », donc j'aimerais que vous me répondiez tous directement. Si nous présentons une demande aux tribunaux, quel échéancier serait raisonnable?
Vous avez tous soulevé des questions très complexes, en fait, notamment la nationalité et l'autodétermination, qui ne peuvent pas se régler en trois mois.
Où pouvons-nous trouver le juste équilibre? J'aimerais vraiment que vous me répondiez tous les trois.
:
Monsieur le président, je vais utiliser les 10 minutes dont nous disposons pour notre exposé.
Monsieur le président, les vice-présidents, les membres du Comité, les représentants et les témoins, je m'appelle Robert Bertrand. Je suis le chef national du Congrès des Peuples Autochtones.
[Français]
J'aimerais reconnaître le territoire traditionnel des Algonquins sur lequel nous sommes tous privilégiés de nous rencontrer aujourd'hui.
[Traduction]
J'aimerais remercier le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord d'avoir invité le Congrès pour discuter du projet de loi , une mesure législative importante et nécessaire.
J'aimerais féliciter le premier ministre Justin Trudeau et le gouvernement fédéral d'avoir retiré l'appel déposé à la Cour suprême du Canada contre la décision rendue par la Cour supérieure du Québec le 3 août 2015 dans l'affaire Descheneaux. La décision d'aborder l'affaire Descheneaux par l'entremise d'une approche à deux étapes, afin d'éliminer les inégalités connues fondées sur le sexe relatives à l’inscription des Indiens, et de ne pas se limiter aux faits précis de l'affaire Descheneaux, est prometteuse.
Depuis 1971, le CPA, anciennement connu sous le nom de Conseil national des Autochtones du Canada, s'est engagé à défendre les besoins des Indiens inscrits et non inscrits vivant à l'extérieur des réserves, des Métis et des peuples inuits du sud. Nous sommes également la voix de nos organisations affiliées provinciales et territoriales, les OAPT. Nos OAPT sont situées à l'échelle du pays, de la côte ouest de la Colombie-Britannique à la côte est du sud du Labrador. Le CPA a également un conseil national des jeunes.
[Français]
Le Congrès représente un nombre considérable d'Autochtones du Canada. Il représente actuellement plus de 70 % des Autochtones qui vivent hors réserve.
[Traduction]
Pendant plus de 45 ans, le CPA s'est engagé à s'attaquer aux enjeux ayant des répercussions sur nos membres, et l'organisme a participé activement à des cas liés à des inégalités fondées sur le sexe en matière d'inscription. Cela a mené à l'adoption du projet de loi C-31 et du projet de loi C-3, connu sous le nom de l'affaire McIvor.
Après avoir examiné le projet de loi , le CPA croit que deux exemples actuels représentent des modèles qui permettront d'apporter des changements efficaces qui favoriseront la réconciliation avec les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves. Tout d'abord, il y a la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA et ensuite, la décision historique rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Daniels c. Canada. Il y a 17 ans, notre ancien leader national, le regretté Harry Daniels, de concert avec les membres du CPA, s'est présenté devant le tribunal pour obliger le gouvernement fédéral du Canada à reconnaître que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, et que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire à leur égard.
[Français]
Le Congrès a intenté cette poursuite, l'a financée à chaque étape des procédures et l'a soutenue à chaque stade du processus juridique. Je suis très fier d'avoir annoncé, le 14 avril 2016, que nous avions finalement gagné.
[Traduction]
Il a fallu la décision Daniels de la Cour suprême du Canada pour mettre fin à l'incertitude judiciaire dans laquelle se trouvaient les Métis et les Indiens non inscrits, qui attendaient que les provinces et le gouvernement fédéral cessent de se renvoyer la balle et décident qui s'occupait d'eux et qui avait une responsabilité fiduciaire. La voie vers la réconciliation avec les peuples autochtones, dont le CPA défend les intérêts, ne pouvait pas s'ouvrir avant la décision Daniels.
En ce qui concerne la décision Daniels, la juge Rosalie Abella de la Cour suprême du Canada a déclaré ceci: « À mesure que le rideau continue de se lever sur l'histoire des relations entre le Canada et ses peuples autochtones, de plus en plus d'iniquités se font jour et des réparations sont instamment réclamées. »
Une occasion d'obtenir de telles réparations se trouve dans les possibilités distinctes offertes au gouvernement fédéral et au Congrès de conjuguer leurs efforts en vue d'obtenir une réconciliation progressive, en prenant un engagement à l'égard de tous les enjeux qui ont des répercussions sur notre peuple et en menant des consultations. Cela comprend certainement le lancement de l'étape 1 dans le cadre de la décision Descheneaux c. Canada.
Dans le cadre des modifications législatives proposées pour éliminer les inégalités résiduelles fondées sur le sexe en matière d'inscription au registre des Indiens, certaines personnes qui s'identifient comme étant Métis ou Indiens non inscrits pourront s'inscrire à titre d'Indiens. J'aimerais indiquer clairement que la nation métisse, comme l'a exprimé le Ralliement national des Métis, ne parle pas au nom de tous les Métis. Toutefois, le Congrès respecte le fait que les Métis forment une nation métisse selon leur propre définition. J'aimerais faire valoir respectueusement qu'à titre d'Autochtones membres du Congrès des peuples autochtones, nous acceptons depuis 45 ans les droits énoncés dans l'article 33 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA:
Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions...
Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les structures de leurs institutions et d'en choisir les membres selon leurs propres procédures.
En vertu de l'article 4 de la DNUDPA:
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales...
En vertu de l'article 18 de la DNUDPA:
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.
Je cite ces articles, car ils ont des effets directs sur les membres du CPA. En effet, nous avons une multitude de différents peuples autochtones provenant de différentes nations qui vivent à l'extérieur des réserves au sein de collectivités.
Comme je l'ai dit plus tôt, en ce qui concerne le projet de loi , je suis heureux que le gouvernement ait décidé de retirer son appel lié à l'affaire Descheneaux et qu'il ait entrepris un processus visant à régler les inégalités résiduelles fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens, même après l'entrée en vigueur du projet de loi C-31 et du projet de loi C-3. Le projet de loi S-3 permettra aux Indiens non inscrits qui auraient dû l'être depuis toujours de s'inscrire, et ceux qui sont nés après 1951 deviendront des Indiens inscrits. Toutefois, la Cour supérieure du Québec a indiqué clairement que les modifications ne devraient pas se fonder uniquement sur les faits de l'affaire Descheneaux.
Cela dit, je ne vois pas pourquoi le gouvernement s'est arrêté à 1951 et n'est pas remonté plus loin. Par exemple, le projet de loi C-31 est remonté aussi loin que les années 1860. Pourquoi le projet de loi est-il différent? Il se pourrait que certaines personnes — et cela arrivera fort probablement — passent par les mailles du filet en raison de l'écart laissé entre les années 1860 et 1951.
Je reconnais que ces problèmes seront peut-être traités à la deuxième étape du processus, mais cela n'aide pas immédiatement la personne qui pourrait avoir droit d'être un Indien inscrit et profiter des avantages connexes, par exemple le Programme des services de santé non assurés, les SSNA et l'éducation postsecondaire.
[Français]
Ce sont des questions qui demeurent très importantes pour le CPA et pour son mandat comme porte-parole national des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits hors réserve, des Métis et des Inuits du Sud.
[Traduction]
J'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Meegwetch. Merci. Thank you.
[Le témoin s'exprime en ojibway.]
Je vous salue au nom de mon peuple, la nation anishinabek, en Ontario. Je suis membre du territoire non cédé de Wikwemikong qui est situé sur l'île de Manitoulin. J'ai également un nom anishinaabe, c'est-à-dire Giiwedanang, qui signifie étoile du nord.
J'ai écouté les exposés précédents, et je suis ici pour vous parler des travaux que nous avons menés avec la nation anishinabek. C'est ce dont nous parlons tous. Il s'agit de la loi sur la citoyenneté pour la nation anishinabek, ou E-dbendaagzijig, c'est-à-dire « ceux qui en font partie ». C'est une tâche que m'a confiée le grand chef de la nation anishinabek il y a plusieurs années — en fait, c'était en 2007, donc cela ne fait pas trop longtemps.
Pendant que j'écoutais les exposés et que je regardais les gens assis autour la table, je me disais qu'il serait utile de prendre un peu de recul et de temps pour vous parler de mon expérience personnelle relative à la Loi sur les Indiens. Cette expérience pourrait être pertinente dans le cadre du processus actuel.
Voici mon certificat d'Indienne inscrite. On peut y lire « Jeannette Corbiere Lavell ». On me l'a retiré pendant 15 ans.
En passant, ce certificat est également expiré. Il est ironique qu'une citoyenneté ou un statut d'Indien puisse expirer. Mais c'est pourtant ce qui se produit.
En 1970, j'ai épousé David Lavell, un non-Indien — et comme je l'ai souligné, j'étais membre de la réserve non cédée de Wikwemikong — et à ce moment-là, mes droits de membre de ma communauté ont automatiquement été retirés. J'ai reçu un chèque de 35 $ par la poste, ce qui signifiait que je n'étais plus membre de cette nation.
C'était très difficile pour moi, car j'ai grandi là-bas, ma famille s'y trouve, et c'était toute ma vie — même si j'avais voyagé à Toronto, où j'ai rencontré mon mari, pour des raisons professionnelles.
J'aimerais vous démontrer que la Loi sur les Indiens fait continuellement l'objet de modifications et de révisions. Auparavant, la Loi a été révisée afin que notre peuple puisse boire de l'alcool. En 1970, lorsque j'ai examiné la Loi sur les Indiens et ses effets sur ma personne, alors que je ne pouvais pas participer à cette décision, j'ai décidé de relever ce défi. J'ai porté l'affaire jusqu'à la Cour suprême du Canada. C'est devenu l'affaire Lavell, qui a engendré le projet de loi C-31 de nombreuses années plus tard.
En 1970, nous avons approché les chefs — à l'époque, il s'agissait de la Fraternité nationale des Indiens, aujourd'hui l'Assemblée des Premières Nations —, mais personne ne voulait vraiment s'attaquer à la question de la discrimination contenue dans la Loi sur les Indiens, car manifestement, cette discrimination visait seulement les femmes autochtones ou les Indiennes inscrites.
Nous sommes toujours aux prises avec ce problème. Quarante-six ans plus tard, nous faisons toujours face au même problème, et cette situation persiste. Néanmoins, c'est la tâche qu'on a confiée aux membres de votre comité. Je comprends que vous êtes assujettis à une échéance, mais en tenant compte des difficultés auxquelles ont fait face un grand nombre de personnes dans nos collectivités, je soutiens que des décisions doivent être prises et que des changements doivent être apportés. À notre époque, il n'est pas pertinent de continuer d'exercer ce type de discrimination, surtout contre nos femmes, dans les lois canadiennes. Cela doit changer.
J'aimerais savoir ce que peuvent faire nos membres de la nation anishinabek pour contribuer à la mise en oeuvre de ce changement.
De plus, en 1973, nous avons perdu par un vote, et aucun changement n'a été apporté à ma situation et, comme je l'ai dit, je n'étais plus une Indienne inscrite pendant 15 ans. Toutefois, je crois que l'effet le plus important, c'est que légalement, je n'aurais pas été en mesure de visiter ma famille ou d'habiter avec mes parents, mes tantes et les membres de ma collectivité, même si tout cela représente mon identité. J'ai ma langue et j'ai grandi là-bas. Nous avons notre propre spiritualité.
Il est faux de dire que le statut d'Indien concerne seulement l'accès aux soins de santé. Pour nous, cela signifie qu'on reconnaît notre peuple. Peu importe où nous allons, nous pouvons dire que nous sommes membres de notre communauté et que nous sommes Anishinabek. Je suis Anishinaabekwe, c'est-à-dire une Indienne.
Lorsque nous avons abordé ce sujet en 1972-1973, nous n'avions aucune organisation de femmes autochtones, mais en raison de la détermination de nos femmes et parce que personne ne nous écoutait, nous devions diffuser le message. Nous avons donc formé nos propres organisations de femmes autochtones à l'échelon provincial en 1973, et elles sont là. Elles viennent juste de partir. Je suis aussi membre de l'Association des femmes autochtones du Canada par l'entremise de notre groupe provincial.
Je présume que ce que je tente réellement de dire, c'est qu'il y a eu des changements, et que ce sont de bons changements. Ils n'étaient pas parfaits, mais nous sommes maintenant dans cette situation. Ensuite, Sharon McIvor a travaillé au nom de ses petits-enfants. Cette affaire s'est rendue devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et, comme vous le savez bien, nous avons ensuite eu le projet de loi . Nous avons donc le projet de loi C-31, le projet de loi C-3, et nous sommes maintenant rendus à l'étape suivante. Le processus se poursuit, et la situation ne sera pas réglée, car d'autres éléments surgiront.
J'entends ce que vous faites valoir, c'est-à-dire que la Loi sur les Indiens n'est pas la meilleure loi. Toutefois, c'est la seule protection reconnue par un grand nombre de personnes au sein de notre peuple, et la seule protection que nous avons. À moins qu'on puisse nous garantir que nous obtiendrons une mesure solide et que cela en fera partie, et que nous pourrons participer à l'élaboration d'une structure de gouvernance, de nos propres constitutions et de notre loi sur la citoyenneté, on ne peut pas éliminer cette loi. Il faudra peut-être un peu plus de temps, mais les membres de la nation anishinabek de l'Ontario — elle compte 40 Premières Nations membres — ont lancé ce processus.
Combien de temps me reste-t-il?
:
On m'a confié cette tâche, car je voulais relever ce défi et j'étais déterminée à corriger cette loi et à éliminer la discrimination exercée contre nos femmes. Comme vous l'avez probablement entendu, dans notre culture traditionnelle, nous n'étions pas en retrait ou en position d'infériorité. Nous profitions de la même reconnaissance. Nous avions nos rôles et nos droits. Les femmes de nos collectivités étaient très fortes. C'était l'équilibre et l'harmonie.
Lorsque les membres de la nation anishinabek m'ont demandé d'être commissaire à la citoyenneté, j'ai mené des consultations communautaires au sein des 43 Premières Nations, et j'ai rédigé la nôtre. Les gens de notre peuple m'ont raconté de nombreuses histoires déchirantes. Nous avons entendu parler de séparations et de familles déchirées.
J'ai une ébauche qui s'intitule 'E-dbendaagzijig': Those Who Belong, Anishinabek Nation Citizenship Act.
La voici. J'ai demandé des exemplaires supplémentaires. J'aimerais insister sur un point, et je prendrai la dernière minute qu'il me reste pour vous lire un extrait. Cela vient de notre peuple.
Nous avons décidé de reconnaître les membres suivants à titre de membres ou de citoyens, e-dbendaagzijig, au sein de la nation anishinabek.
Chaque citoyen d'une Première Nation anishinabek est un citoyen de la nation anishinabek. Une personne a le droit d'être citoyenne de la nation anishinabek si elle peut retracer ses ancêtres et son ascendance, par l'entremise d'au moins un parent, au peuple d'origine de la Première Nation anishinabek, ou si cette personne a au moins un parent qui est actuellement un membre inscrit à une Première Nation anishinabek, ou si la personne peut retracer ses origines par l'entremise d'au moins un parent jusqu'à un Indien inscrit ou à un Indien qui a le droit d'être inscrit à la Première Nation anishinabek.
Un quatrième élément a été récemment ajouté dans le cadre d'une résolution d'une Première Nation: ces gens seront des membres et ils seront reconnus aux termes de notre Loi sur la citoyenneté anishinabek.
Il y a un dernier élément. Comme vous le savez, nous n'avons pas participé aux décisions liées à la Loi sur les Indiens. Il y a un autre élément, et je suis sûre qu'il y aura une autre contestation devant les tribunaux. Cela concerne les droits issus de traités. On n'a même pas tenu compte de ces droits, mais quelque chose se prépare à cet égard. Lorsque ma mère a épousé mon père, qui n'avait pas de droits issus de traités, quelqu'un a décidé qu'elle devait perdre ses propres droits issus de traités. C'est un peu comme la question du mariage, et quelqu'un a pris cette décision. Personne ne sait qui a décidé cela. J'ai posé la question à un avocat du ministère de la Justice. Il a dit que ce n'était écrit nulle part. C'est une décision arbitraire. C'est un autre élément qui devra être corrigé.
Meegwetch. Merci de m'avoir écoutée.
:
Vous avez très bien raconté votre histoire ce jour-là. C'était touchant, et c'était la première fois que j'entendais vraiment réellement histoire des femmes autochtones, et les injustices qui ont été commises et qui se poursuivent aujourd'hui.
C'est un enjeu complexe, comme l'ont précisé de nombreuses personnes. Je sais que certaines personnes soutiennent que nous devrions retourner devant les tribunaux et que nous devrions demander un prolongement, car il nous faut plus de temps pour étudier la question. Je crois que tout le monde convient qu'il nous faut plus de temps. Il nous faut absolument plus de temps. Mais en ce moment, nous avons l'occasion d'accorder ce statut à 35 000 personnes supplémentaires. Si on obtient un prolongement pour avoir plus de temps, nous reconnaissons tous, comme l'a dit le chef Bellegarde, que nous nous contentons de mettre un pansement sur une grosse coupure, et je crois que personne ne le nie. Mais il s'agit d'un changement évolutif générationnel qui se poursuit.
Je pense que nous avons l'occasion d'ajouter 35 000 personnes ou nous pouvons corriger la situation et ajouter des centaines de milliers de personnes, mais combien de temps cela prendra-t-il? Il ne s'agit pas seulement de faire reconnaître cela devant les tribunaux ou d'obtenir le consentement et les négociations nécessaires à cette reconnaissance, car il faut également se préparer pour les résultats. En ce moment, dans ma collectivité, un Mohawk doit attendre deux ans pour obtenir son statut. Combien de temps faudra-t-il si, aujourd'hui, nous ajoutons des centaines de milliers de personnes, sans compter les soins de santé, le logement et les terres, comme le chef Bellegarde l'a souligné? Les terres représentent un énorme enjeu. Dans ma collectivité, les Mohawks de la baie de Quinte — vous y étiez... c'est une petite parcelle de terre sur laquelle il faut ajouter de nombreuses personnes.
J'aimerais obtenir votre avis à cet égard. Devrions-nous aborder cet enjeu dans le cadre d'un processus comprenant plusieurs étapes, afin de bien faire les choses et de résoudre la question, et enfin parvenir à régler la question de la Loi sur les Indiens une fois pour toutes? À mon avis, cela prendra du temps. J'aimerais entendre l'avis des deux témoins à cet égard.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins pour leurs exposés.
Quelle ironie que nous ne puissions obtenir de prolongation pour examiner plus en profondeur ce problème. Actuellement, le gouvernement n'a certainement pas de problème à ne pas respecter les ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne visant les enfants des Premières Nations.
Le gouvernement actuel a proposé de tisser de nouveaux liens avec les peuples autochtones, d'après la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J'ai aussi entendu le , à Gatineau, il y a près d'un an, il n'y a pas si longtemps, promettre d'annuler — c'est ce qu'il a dit — toutes les lois imposées unilatéralement aux peuples autochtones par les gouvernements antérieurs. Il n'a pas dit « le », mais « les » gouvernements antérieurs.
Quand je l'ai entendu, j'ai tout de suite songé à la Loi sur les Indiens. Naturellement, bien sûr, je pense que tout le monde l'a fait aussi.
[Français]
J'aimerais poser la question à M. Bertrand et à Me Coté.
Croyez-vous que la proposition législative qui émane du Sénat et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sont compatibles? Vous avez cité quelques articles de la Déclaration, dont l'article 33, mais il y a aussi l'article 9 qui nous concerne ici.
:
Mon échéance est 2020, et je n'ai pas besoin de ce morceau de plastique pour me dire qui je suis.
Entre autres choses, je me demande qui sont ces 35 000 personnes qui pourront en obtenir une? Quels avantages en retirent-elles?
Je fais partie de ceux qui visent le long terme, l'avenir que nous devrions assurer à nos nations. Dans le caucus autochtone du gouvernement libéral, nous nous plaçons notamment de nation à nation et nous cherchons à pressentir l'évolution de cette relation pour l'avenir. J'ai été directeur du Grand conseil du Traité no 3 — il me semble que c'était il y a une éternité —, et nous élaborions nos propres lois. Nous avons ainsi élaboré une loi sur les ressources et une loi sur la citoyenneté, et ce n'est pas une autre loi du gouvernement ou une loi quelconque qui nous disait qui nous étions. Nous avons décidé comme un peuple, comme un groupe, d'après nos cultures et nos traditions. Je vous avoue franchement que j'étais en période d'apprentissage, parce que j'ai grandi à Thunder Bay, loin de la culture de mon peuple, loin de mon peuple.
Pendant cette discussion sur la citoyenneté ou le statut d'Indien, je suis aussi frappé par le ridicule de nos propos. Je le disais à mon collègue. Supposez qu'un Norvégien nous écouterait parler de concitoyens canadiens régis par une loi et luttant pour notre inclusion et qui ne seraient pas de votre peuple. Oublions la Loi sur les Indiens, et je comprends ce que vous dites. M. Viersen a demandé pourquoi nous avions besoin de ces mesures de protection. La réponse est qu'il existe une certaine catégorie de personnes, malheureusement, qui vivent dans beaucoup de communautés de ma nation, dans ma circonscription, qui souffriront de la disparition de la Loi sur les Indiens. Je ne crois pas que beaucoup de Canadiens comprennent que cette dépendance est si sévère. La Loi sur les Indiens a fait son travail. Elle a détruit notre peuple.
Ma première question: qui sont les 35 000 personnes qui bénéficieraient d'une reconnaissance par la Loi par les Indiens et qui en profiteraient? Pouvez-vous y répondre ou dois-je la poser à quelqu'un d'autre?