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Bonsoir à toutes et à tous. Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la réunion no 71 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Comité se réunit pour poursuivre son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.
Nous accueillons Kenny Chiu, ancien député, et David Salvo, directeur général et agrégé supérieur de recherches à l'Alliance for Securing Democracy at the German Marshall Fund of the United States. Ils participent par vidéoconférence.
Monsieur Chiu, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je vous cède la parole pour votre déclaration préliminaire.
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Je vous remercie de m'avoir invité, madame la présidente.
La liberté, la démocratie et la primauté du droit ne sont pas que des concepts. De fait, des gens du monde entier ont choisi de s'établir au Canada, car nous respectons et mettons en pratique ces idéaux. Sans conteste, ils en viennent à les chérir et à vouloir les protéger encore plus, parce qu'ils sont nombreux, et j'en suis, à avoir vu et vécu des vies privées de ces droits.
Le Canada du XXIe siècle est une société multiculturelle. Des immigrants et des réfugiés de tous les continents et de tous les milieux ont choisi d'y refaire leur vie. Ce pays est un endroit magnifique et merveilleux que nos prédécesseurs ont bâti à la sueur de leur front. Nous jouissons d'une société juste, respectable et multiculturelle qui honore la diversité, mais qui s'engage aussi à préserver le caractère unique et l'essence même de l'identité canadienne représentée par les idéaux d'égalité, de valeurs universelles et de dignité humaine auxquels nous tenons tant.
Les régimes autoritaires du monde entier ne souscrivent toutefois pas à ce même système de valeurs qui nous tient à coeur. Non seulement ils s'efforcent de nous nuire et de transformer notre pays en un État soumis — voulant que l'on courbe l'échine à la Fédération de Russie, la Chine, l'Iran ou d'autres régimes moins ingénieux ou ambitieux —, mais ils sont également prêts à sacrifier nos institutions dignes de confiance, la société harmonieuse que nous avons soigneusement construite au fil des décennies et les gens qui en font partie.
J'ai été un politicien partisan, mais maintenant que je suis redevenu un simple citoyen canadien, je ressens, comme des millions de mes concitoyens canadiens, une énorme préoccupation pour mon pays d'adoption, car l'ingérence étrangère représente une menace nationale. Cette question aurait dû interpeller tous les partis. La protection du pays et de son peuple est sans doute la tâche la plus importante de tout gouvernement souverain, et pourtant, inexplicablement, notre gouvernement fédéral ne fait rien contre l'ingérence du régime communiste chinois, qui est l'État étranger le plus ingénieux et le plus ambitieux de tous.
Je précise que le gouvernement n'est pas resté silencieux et n'a pas été perçu comme n'ayant rien fait. Il a tout de suite exprimé haut et fort ses préoccupations et a parlé du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, du Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale, ou CPSNR, de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou OSSNR, du Groupe d'experts du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS et, récemment, d'un rapporteur, comme preuves de mesures qu'il a prises, mais à mon avis, rien de tout cela n'a permis de bien protéger le Canada du XXIe siècle dans lequel nous vivons. En ce qui me concerne, mon pays ne m'a pas protégé contre l'ingérence étrangère et les attaques que j'ai subies.
Dans un pays prospère et multiculturel comme le nôtre, il incombe à ceux qui sont au pouvoir de mettre fin à la corruption et à la tromperie, de protéger les quelques personnes qui sont exposées à ces pratiques et qui y sont vulnérables, de protéger les Canadiens de toutes les langues maternelles contre les États prédateurs et leur coercition, et de protéger le Canada de toute forme d'exploitation et de manipulation.
Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre aux nombreuses questions que vous pourriez avoir, et de vous faire part de mon point de vue. Ces derniers temps, nous avons beaucoup entendu parler de ces questions et de ces problèmes dans les nouvelles. Je vous exhorte tous à prendre des mesures, à être déterminés, à défendre nos intérêts et à protéger notre pays, et en particulier les gens qui y vivent.
Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité à témoigner.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, membres du Comité, je vous souhaite le bonsoir de Washington, D.C., et je vous remercie de m'avoir invité.
On m'a demandé de parler de la collaboration entre l'organisme que je représente, l'Alliance for Securing Democracy at the German Marshall Fund, et le gouvernement du Canada et Microsoft dans le cadre d'une initiative conjointe qui a rassemblé de grands spécialistes, des décideurs et des professionnels de l'industrie du monde entier pour produire un guide de pratiques exemplaires que les principales parties prenantes des démocraties peuvent utiliser pour contrer l'ingérence étrangère dans les élections.
Pour comprendre ce qui nous a motivés à collaborer avec votre gouvernement, il convient d'expliquer brièvement la genèse de notre organisme.
Nous avons lancé l'Alliance à l'été 2017 afin d'aider les décideurs américains à replacer dans son contexte l'ingérence de la Russie lors de l'élection présidentielle américaine de 2016, et de proposer des solutions sur la manière de mieux défendre nos institutions et nos processus démocratiques contre les menaces autocratiques de la Russie et d'autres acteurs parrainés par des États comme la Chine et l'Iran.
Le nom « Alliance » a été choisi à dessein. Ce qui s'est passé aux États-Unis ne s'est pas produit en vase clos. Au cours des dernières décennies, l'ingérence russe a visé de nombreuses démocraties, y compris plusieurs alliés et partenaires des États-Unis et du Canada en Europe. Les autocrates se servent notamment de cyberopérations, de pratiques financières malveillantes et de la manipulation de l'information dans leurs activités d'ingérence. Ces outils ont été peaufinés pour tirer profit des technologies modernes et cibler tous les secteurs de la société démocratique.
Nous savions qu'en tant qu'organisme de la société civile, nous avions un petit rôle à jouer pour faciliter l'échange de pratiques exemplaires entre les gouvernements, les entreprises et d'autres organismes de la société civile, et que nous pouvions tirer des leçons de divers secteurs et pays afin d'offrir des conseils aux décideurs et d'éliminer les vulnérabilités institutionnelles de notre démocratie. À cet égard, notre partenariat avec le gouvernement du Canada et Microsoft pour lutter contre l'ingérence étrangère dans les élections, dans le cadre de l'Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, lancé par le gouvernement français, était au cœur de notre action.
Le recueil de pratiques exemplaires que nous avons publié avec le gouvernement du Canada et Microsoft souligne les meilleures méthodes pour protéger l'infrastructure électorale, les procédures pour assurer l'intégrité du vote pendant la pandémie, les moyens d'assurer la transparence dans les communications avec la population pour l'informer des menaces pesant sur les élections, et les meilleures pratiques pour renforcer la résilience des citoyens face à la désinformation. On y fait même mention de bonnes pratiques canadiennes, notamment les programmes de Patrimoine canadien qui financent des initiatives de la société civile pour lutter contre la mésinformation et la désinformation liées aux élections, et le Protocole public en cas d'incident électoral majeur qui concerne l'ensemble du gouvernement. S'il est utilisé comme prévu, ce protocole devrait constituer un excellent modèle en matière de transparence et de communication avec la population et permettre de réduire la probabilité que des politiciens manipulent les renseignements sur les menaces d'ingérence électorale.
Il va sans dire que ce recueil de pratiques exemplaires n'est pas seulement distribué au Canada et aux États-Unis. Il est utilisé à bon escient dans le monde entier. Par exemple, des collègues du gouvernement américain m'ont dit qu'ils envoyaient le recueil à leurs homologues de l'hémisphère Sud, où de nombreux pays manquent de ressources et sont de plus en plus touchés par des opérations d'influence malveillante de la Russie et de la Chine.
Ce n'est bien sûr pas moi qui vous apprends que l'ingérence étrangère dans la démocratie canadienne est un grave problème. L'État chinois s'ingère de plus en plus dans notre démocratie en ciblant des circonscriptions et des candidats précis pendant les élections. Il emploie aussi la coercition financière malveillante, s'attaque à la société civile, y compris à la diaspora sino-canadienne, ce qui a été bien documenté et abordé par votre comité. Les acteurs parrainés par l'État russe ont exacerbé les dissensions sur des questions politiquement très délicates, comme la guerre en Ukraine, les exigences en matière de vaccination, le « convoi de la liberté » à Ottawa et les difficultés économiques auxquelles les électeurs canadiens font face.
L'objectif premier de ces régimes autoritaires est de saper la confiance des Canadiens dans la gouvernance démocratique et l'intégrité des élections canadiennes. C'est la raison pour laquelle le recueil de pratiques exemplaires que nous avons publié continue d'être un guide utile, non seulement au Canada, mais aussi dans les démocraties du monde entier. Il illustre l'importance de répertorier les politiques et les procédures susceptibles de protéger les élections contre les menaces autocratiques croissantes, et l'utilité de mener de tels exercices avec des intervenants de tous les milieux.
Aucune nation, aucun gouvernement, aucune entreprise, et aucun organisme de la société civile n'est à l'abri. En travaillant ensemble en tant qu'alliés et en faisant tomber les barrières entre les gouvernements, l'industrie et la société civile, nous serons mieux outillés pour protéger nos élections et nos institutions démocratiques contre un écosystème de menaces autocratiques en constante évolution.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.
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Ce que j'ai vécu ne se limitait pas à ma circonscription, comme vous le savez tous, en tant que politiciens fédéraux. Souvent, surtout en période électorale, le programme et la direction du parti tiennent compte de beaucoup de gens... qui voteront pour vous ou non.
La désinformation que j'ai observée était en grande partie dirigée contre mon parti. On transmettait une interprétation erronée de notre plateforme électorale et on attaquait le chef du Parti conservateur du Canada à l'époque, M. Erin O'Toole. J'ai également été la cible de cette désinformation. On reprochait à M. O'Toole d'être un suprémaciste blanc qui était hostile aux Chinois et aux Asiatiques.
Comme si cela n'était pas assez ridicule, des attaques semblables ont été lancées contre moi. Le fait que je sois d'origine chinoise, que je parle couramment le cantonais et le mandarin, que je lise et écrive la langue, n'a pas empêché Pékin de m'accuser d'être un traître. On m'a accolé cette étiquette en raison du projet de loi d'initiative parlementaire — le projet de loi , la Loi sur le registre des agents d'influence étrangers — que j'avais présenté lors de la dernière session parlementaire. Ce projet de loi a été interprété à tort comme une mesure de persécution visant tous les Canadiens d'origine chinoise, ce qui leur a causé beaucoup de chagrin.
Voilà ce que j'ai observé et ce que j'ai vécu.
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Merci. La réponse est claire. Nous ne le savons pas.
Nous ne possédons pas cette information, bien que des données probantes aient été consignées dans un rapport que j'ai trouvé et que j'ai lu très attentivement. Ce rapport intitulé Mis- and Disinformation During the 2021 Canadian Federal Election renferme une analyse très détaillée de... Votre circonscription y est mentionnée, ainsi que la campagne de désinformation dont vous avez été l'objet, ce que personne ne remet en doute.
Je cite un extrait du rapport:
Si ces électeurs canadiens d'origine chinoise avaient fini par voter contre le Parti conservateur, cela transparaîtrait dans les données de l'enquête. Au moyen des données recueillies durant la campagne et juste après les élections, nous avons évalué si les intentions de vote des Canadiens d'origine chinoise ou leur opinion à l'égard du Parti conservateur avaient changé. Nous avons comparé les intentions de vote au cours des deux premières semaines de la campagne avec les intentions de vote au cours des deux dernières semaines. Les résultats sont illustrés à la figure 22.
Voici le passage important: « Les colonnes de gauche ne dénotent aucun changement » dans les intentions de vote. C'est intéressant, car cette figure démontre exactement l'opposé de ce que vous soutenez et de ce que vous avez affirmé maintes fois publiquement.
Vu que vous ne le savez pas — vous l'avez d'ailleurs admis devant le Comité — et que les données probantes ne révèlent aucun changement dans les intentions des électeurs, comment pouvez-vous maintenir le point de vue que vous avez énoncé?
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Je n'ai pas lu l'enquête ou le rapport découlant de l'enquête. Je suis très curieux de savoir dans quelle langue elle a été menée.
Vous avez parlé des Chinois. La population chinoise n'est pas homogène dans ma circonscription, qui compte des Chinois de Taïwan, de Hong Kong et de la Chine continentale.
Certains utilisent WeChat, surtout les Chinois de la Chine continentale. Pour leur part, les Chinois de Hong Kong consultent uniquement WhatsApp, tandis que les Taïwanais se servent de LINE comme moyen de communication. Je ne sais pas quand vous avez pour la dernière fois décroché le téléphone sans connaître le numéro sur l'afficheur, mais peut-être que...
J'invite le Comité à lire une étude menée par un professeur qui travaille dans le domaine de l'exploration des données à l'Université McGill. Cette étude porte sur la désinformation dont j'ai été l'objet. Le Comité pourrait également consulter le travail d'Infowatch ou du Digital Forensic Research Lab.
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Premièrement, je ne pense pas que le mécanisme en place est en mesure de détecter les menaces ou d'émettre des avertissements en temps opportun.
Il faut que vous sachiez que ces attaques sont souvent perpétrées en mandarin et en chinois. Elles sont présentées sous forme écrite ou verbale, parfois dans des vidéos. Des occasions peuvent aussi être offertes à un candidat au détriment d'un autre. Je ne sais pas si le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections détient les bons outils pour contrer ces attaques.
Deuxièmement, même si je recevais un avertissement, que ferais‑je ensuite? Comment m'y prendrais‑je pour contrer ces attaques? Quels outils de ma trousse à outils de candidat aux élections pourraient me protéger efficacement contre ces assauts?
Le rapport du Protocole public en cas d'incident électoral majeur mentionne le seuil très élevé à atteindre avant d'avertir le public. Je présume que ces notifications envoyées aux Canadiens, lorsque le seuil élevé est atteint, seraient probablement transmises en anglais et en français. Ces personnes visées par l'ingérence étrangère n'écouteraient pas ou ne comprendraient pas le message.
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Merci, madame la présidente.
Comme d'habitude, je pose mes questions par l'entremise de la présidence.
Je voudrais remercier les témoins d'être venus comparaître aujourd'hui.
Monsieur Salvo, je vais d'abord m'adresser à vous.
Je suis très curieuse. Sauf erreur, vous avez parlé d'un partenariat entre votre organisme, la société Microsoft et le gouvernement du Canada. Comment fonctionne ce partenariat? Pourriez-vous parler un peu de la façon dont le public en est informé?
Les gens disent souvent qu'ils ne savent pas où trouver des informations fiables. Comme je représente une circonscription rurale dans une région éloignée, je constate que les journaux locaux au Canada tombent de plus en plus en désuétude et qu'ils ne reçoivent pas les ressources nécessaires pour faire du journalisme répondant à certaines normes de qualité. Par conséquent, les gens vont de plus en plus en ligne consulter des sites dont le contenu n'est pas toujours rigoureux.
Quelles informations sont transmises au public au sujet de cette ressource?
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Merci, madame, de cette excellente question.
Là où le bât blesse, surtout pour les représentants de la société civile, ce sont les ressources extrêmement limitées dont ils disposent pour déclencher la mobilisation qui fera en sorte que les pratiques exemplaires se retrouvent entre bonnes mains, c'est‑à‑dire celles des fonctionnaires qui s'occupent des élections partout au pays, des journalistes locaux qui peuvent sensibiliser leurs lecteurs, des maires des villes et des personnes qui travaillent sur le terrain dans la collectivité.
Les enjeux sont passablement denses et complexes. Nous parlons de procédures électorales. Mon organisme se penche sur ces enjeux. Pourtant, je n'oserais pas me proclamer spécialiste de l'administration des élections ni même d'aucune de ses facettes. Pour le citoyen lambda qui ne lit pas sur le sujet, c'est difficile. Ce sentiment est le même pour les fonctionnaires qui s'occupent des élections partout au pays, qui manquent eux aussi de ressources.
C'est un défi auquel le gouvernement... Le gouvernement fédéral doit fournir des ressources aux organismes comme le mien, mais aussi aux fonctionnaires des États et des villes — des provinces dans le cas du Canada — pour les aider à diffuser ces informations de concert avec les organisateurs sur le terrain.
Prenons les résidants de la circonscription de M. Chiu. Ils n'auraient jamais été au courant des tactiques de désinformation déployées par des acteurs à la solde d'un État et dirigées contre une campagne électorale précise, ou des moyens à prendre pour se prémunir contre ces tactiques. Ce type d'informations est vraiment difficile à dénicher.
C'est la principale raison pour laquelle nous avons mis sur pied cette initiative. Il incombe à la société civile et aux gouvernements d'agir. Il faut échanger non seulement les ressources, mais aussi les informations. Le manque d'informations est généralisé dans ce domaine. L'électeur moyen est la cible toute désignée de ces tactiques. Voilà pourquoi nous avons essayé de mettre au point une sorte de guide sur l'administration et la résilience des élections. Comment mieux renseigner les électeurs canadiens sur ces tactiques? Quels moyens de défense peut‑on leur donner pour qu'ils puissent voter en toute liberté et honnêteté, selon leur conscience, à l'abri des activités d'ingérence menées par des acteurs à la solde d'un État étranger?
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Merci de votre réponse.
Vous avez parlé plus tôt d'autres situations, par exemple du convoi à Ottawa. Une partie du financement venait de l'étranger. Des fonds russes ont été envoyés pour soutenir le convoi. Selon le rapport issu de l'enquête publique, l'argent se déplaçait à une telle rapidité qu'il était difficilement traçable. Ces conclusions sont troublantes.
Force est de constater que des fonds étrangers permettent d'exercer une influence au Canada, que ce soit pendant les campagnes électorales ou dans les périodes qui les précèdent ou qui les suivent. C'est très préoccupant.
Comme vous l'avez souligné à juste titre, cette menace évolue rapidement. Puisque les tactiques changent, nous devons mettre sur pied des processus souples. Pourriez-vous parler de l'influence que permet d'exercer cet argent? Par quels moyens pouvons-nous en suivre la trace? Comment faire pour déterminer dans le long terme comment surveiller tout cela et nous assurer que ces fonds ne servent pas à exercer une influence auprès des Canadiens?
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Une partie du problème, c'est que les démocraties laissent entrer le loup dans la bergerie. La circulation de fonds provenant de la Chine ou de la Russie, même si ces fonds sont liés à un acteur à la solde de l'État ou directement liés au gouvernement, est souvent tout à fait légale au titre des lois sur les finances des pays démocratiques. Ces fonds sont transmis par des canaux licites, notamment des fiducies et des sociétés fictives.
À ma connaissance, le Canada et les États-Unis n'ont pas de registre permettant de recenser les agents étrangers et d'autres... En fait, il y en a un aux États-Unis, mais il est mal appliqué. Le Canada n'en a aucun jusqu'à présent. Un registre de bénéficiaires effectifs permettrait au moins de démasquer les bénéficiaires qui se cachent derrière des sociétés et des actifs. Voilà comment une bonne part de l'argent provenant de régimes autocratiques et autoritaires réussit à pénétrer dans les sphères politiques au Canada, aux États-Unis et en Europe.
Ces circonstances expliquent les effets insidieux et durables des outils financiers visant à éroder les démocraties. Ces stratagèmes ne visent pas toujours des élections, des candidats ou des circonscriptions en particulier. Ils sont beaucoup plus sournois. Leur mode opératoire consiste à faire entrer de l'argent dans le système en dissimulant sa provenance et en l'associant à des voix canadiennes qui essaient de façon légitime d'influencer la politique canadienne, alors qu'en fait des liens évidents existent entre cet argent et les régimes autoritaires comme la Chine ou la Russie.
Il faut donc resserrer les lois qui régissent l'espace financier. Cela vaut aussi aux États-Unis. Je n'essaie pas de jeter la pierre au Canada. Le problème touche de nombreux... Au sein de l'Union européenne, bon nombre de gouvernements sont aux prises avec les mêmes difficultés. Il faut donc instaurer une transparence complète au sujet de l'argent qui entre au pays par le truchement de propriétés et de sociétés pour lever le voile sur l'origine de l'argent étranger qui s'infiltre dans la politique intérieure.
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Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins par votre entremise.
Je vais commencer par un passage de l'étude que M. Turnbull a citée un peu plus tôt. Je vais vous lire un extrait:
Nous ne pouvons pas toutefois exclure la possibilité qu'une certaine influence ait été exercée au niveau de la circonscription. En outre, la perception selon laquelle la Chine a été en mesure d'influer sur la campagne électorale dans Steveston—Richmond-Est peut refroidir quiconque voudrait critiquer la Chine sur la scène politique canadienne.
De plus, si M. Turnbull avait lu les notes explicatives, il aurait constaté que les données de l'enquête provenaient de 689 Canadiens d'origine chinoise un peu partout au pays, et non pas seulement dans l'ancienne circonscription de M. Chiu. Je recommanderais donc au Comité de lire l'intégralité du rapport.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Chiu. Quelles sont les répercussions des tentatives d'intimidation qui sont peut-être survenues dans votre circonscription — et d'autres circonscriptions qui comportent une forte diaspora de Canadiens d'origine chinoise — sur les personnes et leur famille au Canada, mais aussi sur les personnes qui ont de la famille en Chine, à Hong Kong et dans d'autres régions?
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Je ne suis pas tout à fait à l'aise, personnellement, de partager mon expérience et mes réflexions personnelles devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, sachant que la séance est publique et peut être vue par quiconque a accès à Internet. Je vais donc me limiter à mes observations durant la campagne électorale.
Mme Alice Wong et moi — les deux députés de Richmond — avons organisé des rencontres avec des groupes de personnes âgées pendant la campagne électorale, parce que nous avions l'impression d'avoir été ciblés par certaines de ces attaques. Nous pensions pouvoir rencontrer les groupes d'aînés afin de dissiper certains malentendus. Nous avons passé environ deux ou trois heures avec un groupe d'une quinzaine de personnes, environ. Il s'agissait des leaders de ces groupes d'aînés, principalement des gens originaires de la Chine continentale.
À la fin, ils ont pleuré. Ils craignaient que leurs enfants — enfants et petits-enfants — fassent l'objet de discrimination de la part de Kenny Chiu, des conservateurs et de leurs politiques. Nous avons clarifié les choses. Nous leur avons dit que rien de cela n'était vrai. Ils étaient rassurés. Tout le monde est parti heureux. Certains ont même apporté des collations que nous avions fournies.
Dans les 24 ou 48 heures — je ne me souviens plus —, j'ai commencé à voir les gens de ce même groupe d'aînés aller au bureau de campagne de mon adversaire pour l'encourager. Ils ne savaient pas qui il était. Ils ne pouvaient pas communiquer avec lui et ne l'appuyaient pas non plus. Je le sais en raison des nombreuses politiques appuyées par le parti de mon adversaire.
Pour moi, c'était un énorme revirement. Un des dirigeants des groupes d'aînés a cessé toute communication avec moi. Il ne répondait plus à mes appels. Il ne répondait pas à mes appels téléphoniques, à mes messages textes, etc. Il a complètement coupé les liens avec moi.
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Si vous n'avez pas cette information, mais que vous l'avez fournie au SCRS, alors le SCRS... Ce que nous avons entendu, au Comité, c'est qu'il n'y avait aucun doute que beaucoup de messages étaient diffusés. Il y avait de la désinformation dans un texte, mais on n'y trouvait pas de lien permettant de conclure que seuls des Canadiens qui étaient mécontents de vous ou du Parti conservateur. Pour qu'il y ait ingérence étrangère, il faut un effort concerté mené par une entité étrangère. Si vous avez transmis au SCRS ou à d'autres acteurs de la communauté de la sécurité nationale... Ils ont indiqué qu'ils ne pouvaient pas déterminer que ce n'était pas seulement des Canadiens qui étaient mécontents.
À cet égard, j'aimerais simplement souligner que vous, monsieur Kenny Chiu, ainsi que M. Kerry Diotte, Mme Tamara Jansen, M. Bob Saroya et Mme Alice Wong, avez tous été défaits lors des élections de 2021. Savez-vous ce que vous avez tous aussi en commun? Voter contre l'interdiction des thérapies de conversion.
Dans votre circonscription, en particulier, le vote pour le NPD progressiste a augmenté de 4 %. Je crois comprendre que deux membres de votre conseil jeunesse ont démissionné publiquement, avec fracas, parce que vous avez voté contre l'interdiction des thérapies de conversion.
Quelle incidence cette décision a-t-elle eue sur votre défaite électorale, alors que plusieurs de vos collègues défaits ont également fait l'objet de vives réactions négatives du public en raison du vote contre l'interdiction des thérapies de conversion?
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Madame la présidente, ce n'est pas la question que j'ai posée.
Je suis désolé, monsieur Chiu. Ma question était très claire. En 2015, vous avez aussi perdu les élections. Je voulais savoir si c'était attribuable à l'ingérence étrangère, puis si, en 2021, l'ingérence étrangère avait disparu, puis... Désolée, si l'ingérence étrangère avait disparu en 2019...
M. Kenny Chiu: Vous devriez vérifier les faits.
Mme Jennifer O'Connell: ... pour réapparaître en 2021. Voilà les faits. Ce sont les résultats des élections de 2015, 2019 et 2021.
Je rappelle à Mme O'Connell et à M. Chiu que si vous ne parvenez pas à parler à tour de rôle, vous devrez passer par la présidence. Je sais que M. Chiu, qui a siégé à la Chambre, connaît les règles, tout comme Mme O'Connell, qui siège actuellement à la Chambre.
Je rappelle à tous que si vous ne pouvez pas simplement échanger et parler à tour de rôle, vous devrez vous adresser à la présidence.
Cela dit, je donne la parole à Mme Gaudreau.
[Français]
Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
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Absolument, car selon ce qu'on apprend tous les jours, toutes les deux semaines, la question préoccupe de plus en plus les Canadiens en général. Je suis maintenant un Canadien ordinaire.
Les gens avec qui je communique se demandent ce qui se passe. Ils se demandent pourquoi notre gouvernement n'a pas agi pour protéger le Canada, n'a pas été la voie ensoleillée qu'il a fait miroiter, et n'a pas fait preuve de transparence envers les Canadiens sur ce qui s'est passé.
Par exemple, M. a indiqué que le conseiller à la sécurité nationale lui avait dit que plusieurs députés avaient été ciblés par Zhao Wei, l'employé du consulat de Toronto.
Qui sont les autres députés? Est‑ce que cela pourrait être l'un de ceux qui sont ici? Pourrait‑il s'agir de Mme , qui est née à Hong Kong et qui a de la parenté là‑bas? Nous ne le savons pas. Le gouvernement a refusé de répondre. Il ne nous reste qu'à continuer de vivre dans la peur.
Je n'ai pas de question à poser à M. Chiu, mais je lui demanderais simplement de ne pas parler au nom des autres députés, car je peux confirmer que certains de ses propos sont inexacts. Je vous inviterais à ne pas faire cela à d'autres députés.
Monsieur Salvo, j'aimerais revenir à vous. Dans mes recherches sur le travail que vous faites, j'ai vu un outil vraiment formidable appelé — j'espère que je ne me trompe pas — l'Authoritarian Interference Tracker. On y trouve une multitude de renseignements sur l'ingérence et le type d'ingérence, avec beaucoup de renseignements explicatifs. Donc, tout civil peut consulter le site et comprendre le type d'ingérence qui a eu lieu et les répercussions, et trouver des renseignements sur la façon dont cela fonctionne. Je pense que c'est vraiment un outil extraordinaire.
Pourriez-vous parler brièvement de cet outil et de son accessibilité? Est‑ce une chose à laquelle un gouvernement comme le gouvernement canadien pourrait accorder beaucoup plus d'attention?
J'aimerais aussi souligner — il est possible que je ne sache pas bien utiliser l'outil, puisque je n'y ai pas consacré beaucoup de temps — que je n'ai trouvé aucun renseignement au‑delà de 2020. Y a‑t‑il quelque chose qui m'échappe dans le fonctionnement du système?
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Pour ceux qui ne le savent pas, l'Authoritarian Interference Tracker est l'un de nos outils en ligne. Il sert à cartographier et à cataloguer l'ingérence russe et chinoise dans la communauté transatlantique, y compris le Canada, depuis l'an 2000. Il y a des cas après 2020, mais ils ne touchent peut-être pas le Canada. Il s'agit d'un outil évolutif qui est constamment mis à jour avec l'émergence de nouveaux cas. De toute évidence, il y a des cas recensés au Canada ces deux ou trois dernières années qui n'ont pas été inclus.
L'outil vise à démontrer deux choses. Premièrement, ces gouvernements autoritaires utilisent divers stratagèmes pour s'ingérer dans les démocraties, et il est possible que nous ne prêtions pas attention à certaines d'entre elles, notamment la subversion de groupes de la société civile. Des groupes de réflexion et des associations étudiantes sont ciblés et créés par des gouvernements autoritaires, qui tentent de masquer leurs liens avec eux, dans le but de façonner le discours, de promouvoir la censure ou d'interdire la discussion sur certains sujets dans le contexte universitaire ou politique. Notre objectif est de montrer comment ces outils sont utilisés, non seulement pour s'ingérer dans les élections, mais aussi pour influencer au quotidien la démocratie et le discours dans nos pays.
Cela sert aussi, je l'espère, à montrer que ces outils ne sont pas réellement motivés par des considérations politiques. Ils sont non partisans lorsqu'ils sont créés. Oui, il y a des moments, et nous avons un débat politique sur les moments où un gouvernement autoritaire est susceptible de s'ingérer dans nos affaires en essayant d'influencer une campagne électorale précise. L'outil de suivi montre des centaines de cas où ces outils sont utilisés totalement hors du contexte de la démocratie électorale, simplement pour monter les Canadiens, les Américains et les Européens les uns contre les autres et pour dénigrer le mode de vie de la société démocratique.
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Merci, madame la présidente. Ma question s'adresse à mon ancien collègue, M. Chiu.
Monsieur Chiu, je suis certain que vous avez connaissance d'un article publié le 17 février par Bob Fife et Steven Chase, dans lequel on lit ce qui suit:
Un mois après le vote de septembre 2021, le SCRS a indiqué qu'il était « bien connu au sein de la communauté sino-canadienne de la Colombie-Britannique » que Mme Tong, alors consule générale à Vancouver, « voulait que le Parti libéral remporte les élections de 2021 », selon un des rapports.
Le SCRS a noté que Mme Tong, qui est retournée en Chine en juillet 2022, et l'ancien consul Wang Jin ont « fait preuve de discrétion et de subtilité dans leurs efforts » visant à encourager les membres d'organisations sino-canadiennes à voter pour les libéraux pour défaire les candidats conservateurs.
On peut aussi y lire ce qui suit:
Au début de novembre 2021, le SCRS a rapporté que Mme Tong a discuté de la défaite d'un conservateur de la région de Vancouver, qu'elle a décrit comme un « perturbateur bruyant » du gouvernement chinois.
Selon cet article, elle a ajouté avoir contribué à défaire deux députés conservateurs aux élections de 2021.
Monsieur Chiu, pensez-vous que vous êtes l'un de ces deux députés?
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Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
J'ai une requête pour M. Chiu et une question pour M. Salvo.
Monsieur Chiu, vous avez dit que le SCRS vous a transmis de l'information un peu après 2020 et à deux autres reprises par la suite. Pourriez-vous nous donner les dates de ces réunions avec le SCRS? Cela nous aiderait avec notre ligne du temps.
Monsieur Salvo, vous avez parlé des difficultés à faire comprendre aux Canadiens moyens — et dans votre cas aux Américains — à quoi ressemble l'ingérence étrangère et certaines des tactiques utilisées, et comment détecter, dissuader et contrer certaines de ces initiatives.
Auriez-vous des conseils à nous donner ou des recommandations à faire aux parlementaires et à leur personnel à propos de ces tactiques? Que devrait examiner le Comité en matière de détection et de dissuasion, selon vous?
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Je crois qu'il serait primordial d'examiner ce que les gouvernements et les pays qui font face à ce défi depuis beaucoup plus longtemps que nous ont fait pour contrer ces menaces et renforcer la résilience de leur société. Les pays nordiques, scandinaves et baltes sont de très bons exemples. Je suis d'avis que les échanges parlementaires sont un excellent moyen de déterminer ce que vous pouvez faire à titre de législateurs. Je ne parle pas seulement d'adoption de lois, mais aussi de la mobilisation que vous pouvez faire dans vos circonscriptions.
C'est là où tout se décide. Je présume que vous avez un certain prestige auprès de vos électeurs, et que vous êtes des personnes de confiance avec une certaine autorité dans vos circonscriptions.
Je sais que c'est difficile à faire, mais laissons la politique de côté. Disons qu'il y a un cas d'ingérence dans une circonscription. Si vous mettez la politique de côté pour parler des tactiques et des outils utilisés... Cela ne devrait pas être un enjeu controversé ou partisan. Je parle de tactiques et d'outils qui ont été utilisés dans une dizaine de pays démocratiques. Ce n'est pas propre au Canada, comme vous le savez. Ce n'est pas propre à mon pays non plus.
Cela sera utile. Comme nous l'avons constaté aux États-Unis, cela a permis de faire tomber certains clivages partisans. Nous faisons la lumière sur ces tactiques et sensibilisons les électeurs ordinaires à la manière dont ils peuvent être ciblés, même localement.
Je sais que vous auriez d'autres choses à nous dire, monsieur Salvo. Si cela vous sied, je vous ferai sensiblement la même requête qu'à M. Chiu. Si vous avez des informations supplémentaires à transmettre au Comité, pourriez-vous les envoyer à la greffière? Nous les ferons traduire et les distribuerons aux membres du Comité dans les deux langues officielles.
Sur ce, messieurs Chiu et Salvo, j'aimerais vous remercier au nom des membres du Comité d'avoir été parmi nous. Nous nous excusons des problèmes techniques au début de la séance.
Nous allons maintenant passer au prochain groupe de témoins. Sur ce, nous vous souhaitons une bonne fin de journée et vous remercions de votre temps et de votre attention. Si vous souhaitez nous transmettre des informations supplémentaires, veuillez les envoyer à la greffière, qui nous les distribuera.
Je m'adresse maintenant aux membres du Comité. Les cloches vont commencer à sonner bientôt. Êtes-vous d'accord pour poursuivre la séance pendant les 20 premières minutes des cloches? L'horloge sera à l'écran afin que nous demeurions conscients de l'heure. Cela vous sied‑il?
Des députés: Oui.
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Nous reprenons nos travaux.
Nous avons un nouveau groupe de témoins. Nous accueillons tout d'abord Sam Andrey par vidéoconférence, qui est le directeur général de The Dais à l'Université métropolitaine de Toronto.
Nous accueillons également Vivian Krause par vidéoconférence, qui est recherchiste-rédactrice.
Nous allons maintenant passer aux remarques liminaires.
Nous allons commencer par vous, monsieur Andrey. Je vous souhaite la bienvenue.
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Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui, madame la présidente.
Je m'appelle Sam Andrey, et je suis le directeur général de The Dais, un institut de politique et de leadership de l'Université métropolitaine de Toronto cherchant à proposer des solutions en matière de politiques publiques pour une gouvernance responsable de la technologie et une démocratie forte.
Nous avons régulièrement sondé les Canadiens au cours des quatre dernières années pour mieux comprendre la désinformation en ligne et pour suivre l'attitude de la population quant à la réglementation des plateformes en ligne.
Ce soir, j'aimerais tout d'abord vous parler de ce que nos recherches nous ont appris sur la propagation de la désinformation en ligne au Canada. Environ la moitié des Canadiens disent voir de fausses informations en ligne au moins quelques fois par mois. Ceux qui utilisent des plateformes en ligne pour s'informer, notamment Facebook, YouTube et les applications de messagerie privée, sont plus exposés et ont plus tendance à croire à la désinformation.
On estime qu'environ 10 à 15 % des Canadiens croient relativement beaucoup à la désinformation et sont plus susceptibles d'avoir de fausses croyances ou de croire aux théories du complot sur de nombreux sujets, tels que la COVID‑19, l'invasion russe en Ukraine et l'immigration. Ce groupe tend à moins faire confiance aux médias traditionnels et aux institutions publiques en général. À l'inverse, il fait plus confiance aux médias sociaux et aux plateformes de messagerie pour s'informer et les utilise davantage. Ceux qui font partie de ce groupe sont moins susceptibles de vérifier les choses qu'ils lisent en ligne avec une autre source. Des acteurs étrangers peuvent profiter de cette situation pour diffuser et amplifier de fausses informations en ligne.
Quelles sont les solutions politiques potentielles à ce problème? Cette question n'est pas facile pour une démocratie libérale où on tente en même temps de protéger la liberté d'expression et d'éviter des conséquences imprévues, y compris la possibilité de générer des effets dissuasifs, de la surveillance et la censure de voix qui représentent les plus vulnérables.
Le gouvernement soutient déjà bien sûr des efforts proactifs, tels que les programmes de littératie numérique dans les écoles et dans les communautés et les initiatives visant à maintenir un milieu journalistique fort et indépendant. On a également instauré des mesures par le biais de la Loi électorale du Canada pour surveiller les publicités électorales numériques et empêcher les entités étrangères de les acheter directement.
Cela dit, un certain nombre de nations alliées proposent désormais des modèles réglementaires qui imposent des responsabilités juridiques supplémentaires aux plateformes en ligne afin qu'elles se penchent de façon plus transparente sur leurs risques systémiques pour la société, y compris leur rôle dans la diffusion de désinformation étrangère visant à miner les processus démocratiques.
Ces modèles réglementaires pourraient par exemple imposer des responsabilités en matière d'étiquetage des médias synthétiques ou des faux médias, ou de répression de ce qu'on appelle un « comportement non authentique coordonné », une tactique que des acteurs étrangers peuvent utiliser pour diffuser artificiellement de fausses informations en utilisant de faux comptes ou des comptes automatisés.
On a également déployé des efforts pour améliorer les outils permettant aux utilisateurs de vérifier plus facilement ce qu'ils lisent en ligne et d'en comprendre le contexte. Par exemple, WhatsApp a créé un outil pour les messages très transférés. Il suffit de taper sur une icône de loupe et ce message fera l'objet d'une recherche sur Google. Twitter a également entamé un projet-pilote pour son outil « Community Notes », qui permet aux utilisateurs d'ajouter un contexte aux gazouillis trompeurs, que d'autres peuvent ensuite évaluer en fonction de son utilité. De tels outils d'aiguillage et les autres efforts déployés pour encourager les utilisateurs à réfléchir à deux fois avant de diffuser de l'information peuvent aider à atténuer la diffusion de la désinformation sans tomber dans la censure.
En conclusion, nos sondages nous ont démontré que la population est fortement en faveur des propositions de gouvernance des plateformes. En effet, plus de 80 % des Canadiens approuvent de telles propositions. De plus, la majorité des Canadiens croient que la diffusion intentionnelle de fausses informations est une menace à la démocratie canadienne à laquelle nos gouvernements doivent s'attaquer.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. J'ai hâte de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Vivian Krause. Je me trouve à Vancouver, et je comparais devant vous à titre personnel.
Si je suis ici, c'est parce que j'ai participé à deux enquêtes d'Élections Canada depuis 2017. Je crois que ces expériences peuvent vous être utiles si je vous raconte ce qui s'est passé et ce qui pourrait être amélioré.
J'ai participé à deux enquêtes depuis 2017, soit celles sur Leadnow et UNIS. Dans les deux cas, il s'agissait de deux organisations à but non lucratif axées sur la jeunesse, ce qui diffère grandement d'un gouvernement d'État autoritaire.
Dans les deux cas, l'organisation au cœur de l'enquête avait reconnu avoir tenté d'influencer les résultats électoraux. Il y avait également des preuves claires de financement étranger dans les deux cas.
Par exemple, les frères Kielburger écrivent dans leur livre, WEconomy, qu'Allstate — la compagnie d'assurance américaine — les a approchés pour « acheter des résultats électoraux ». C'est écrit à la page 253 de leur livre. Ils poursuivent ensuite en écrivant: « [ce] n'est pas ce que vous croyez. Pour la [compagnie] d'assurance, la cause [était] la mobilisation des jeunes. » Or, les frères Kielburger expliquent ensuite qu'ils avaient calculé que « l'achat » du vote d'un jeune coûterait 34 $. Allstate a versé 34 millions de dollars à UNIS pour leur programme jeunesse, soit un montant suffisant pour acheter le vote d'un million de jeunes.
Je suis sûre que nous voulons tous encourager les jeunes à voter. Ce n'est pas la question. Le problème, c'est le financement.
J'aimerais soulever un second point à propos de Leadnow. Ce qui me préoccupait dans cette affaire, c'est que Leadnow a été créée par une organisation américaine. Après les élections de 2015, son directeur général a écrit dans le rapport annuel de cette année‑là que l'organisation avait mené une campagne canadienne qui avait fait bouger les choses, contribuant grandement à l'éviction du gouvernement conservateur Harper.
Dans les deux cas, les organisations faisant l'objet d'une enquête ont admis avoir tenté d'influencer les résultats électoraux. Or, Élections Canada ne leur a rien reproché.
On m'a interviewée dans le cadre de l'enquête sur Leadnow. L'entrevue a duré quatre heures, si je me souviens bien, et je me rappelle à quel point l'enquêteur d'Élections Canada était frustré à la fin. Il m'a dit: « les gens comme vous qui sont préoccupés par la situation doivent se mobiliser pour que la Loi électorale du Canada change, parce que nous n'avons d'autre choix que de l'appliquer. Nous ne pouvons pas la changer. »
Je crois qu'il faudrait renforcer trois éléments dans la Loi. Premièrement, il faudrait se pencher sur le type d'activités réglementées, et tout particulièrement sur les activités en ligne. Deuxièmement, le délai imparti pour signaler des versements de fonds est beaucoup trop court. Troisièmement, ce sont les contributions en nature et non en espèces qui changent réellement la donne sur le terrain.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder, et je serai brève, c'est que je crois qu'il faudrait apporter des changements à l'ARC et tout particulièrement à sa Direction des organismes de bienfaisance si on veut rendre nos élections plus résistantes à l'ingérence étrangère. C'est très important, parce que les organismes de bienfaisance peuvent essentiellement canadianiser des fonds. Une fois que ces fonds ont transité par un organisme de bienfaisance canadien, ils sont considérés comme canadiens par Élections Canada.
À mon avis, la Direction des organismes de bienfaisance opère en grande partie dans un système basé sur l'honneur. Si je dis cela, c'est parce que l'ARC a seulement révoqué l'enregistrement de 584 organismes de bienfaisance au cours des 30 dernières années. Cela représente une moyenne de 22 organismes de bienfaisance par année au cours des 20 dernières années. C'est moins d'un dixième de 1 % des 86 000 organismes de bienfaisance au Canada, ce qui est négligeable.
Depuis l'été dernier, l'ARC a révoqué ou a enclenché un processus de révocation de l'enregistrement de 18 organismes de bienfaisance dirigés par une seule personne, un avocat fiscaliste de Vancouver. Je crois qu'il est important d'examiner ces audits, car ils nous en révèlent beaucoup, non seulement sur les organismes de bienfaisance, mais aussi, et surtout, sur la procédure de surveillance de l'ARC.
Il est important de noter que ces 18 audits ont duré 10 ans en moyenne. On parle du délai entre le moment de la transaction ou de l'activité jugée non conforme par l'ARC et la révocation. Ces audits ont duré de 7 à 21 ans. C'est beaucoup trop long.
Il y a un cas où le rapport d'audit a été achevé en 2012. Or, il aura fallu 11 ans avant qu'on ne révoque l'enregistrement de l'organisme de bienfaisance. Cela s'est produit le 25 mars dernier.
J'aimerais attirer votre attention en particulier sur la Howe Sound Samaritans' Foundation, un organisme de bienfaisance canadien...
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Ce qui me préoccupe, c'est que l'ARC n'applique pas la loi qui exige que les organismes de bienfaisance s'en tiennent à des activités purement caritatives. L'exemple que j'essayais d'illustrer était celui d'un Canadien financé par un organisme de bienfaisance canadien qui fournissait des informations au gouvernement chinois sur ce qui se passait dans les pays de l'ex‑Union soviétique. Il ne s'agit pas d'une activité caritative.
Si vous lisez les rapports de révocation, vous constaterez que l'ARC y révèle des activités fort préoccupantes.
Je me préoccupe tout d'abord de la nature des activités.
Je me préoccupe également du délai d'action. S'il faut 10 ans pour révoquer l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance malhonnête, c'est trop long.
Je pourrais continuer. La nature des activités est préoccupante, et il y a aussi...
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Je ne veux pas vous interrompre, mais je veux passer à autre chose.
Je suis un Albertain, madame Krause. Au cours de ma carrière politique, j'ai vu l'évidence aveuglante que des fonds traversent la frontière par l'entremise de divers organismes caritatifs et fondations pour dénoncer, entre autres, des réalités entourant le secteur de l'énergie et la construction de pipelines. Nous avons vu de tels transferts de fonds, et je sais que vous avez abondamment parlé de ce phénomène.
Si nous nous croisons les bras, les fonds étrangers peuvent s'ingérer dans nos dossiers nationaux de bien des façons. Nous nous retrouvons maintenant avec de graves allégations de fonds transférés d'un état étranger à des mandataires au Canada pour aider certains candidats à remporter des élections, des nominations, etc.
Dans une législature antérieure, j'ai déposé un projet de loi, le projet de loi , qui aurait interdit la publicité par des tiers par toute organisation recevant du financement étranger. Le problème semble se situer, surtout lorsqu'il est question d'organismes caritatifs... Je me demande quelles conclusions on peut tirer par rapport à un état étranger, et quelles seraient les différences. Je crois que, à ce sujet, Élections Canada n'est pas en mesure de distinguer les acteurs individuels en tant que tels sans surveiller les comptes bancaires distincts et la source des fonds.
Je crois que nous pouvons tous convenir qu'il s'agit d'une des lacunes flagrantes en cause.
Selon vous, quelles autres brèches flagrantes faut‑il colmater pour mettre fin au versement de fonds étrangers aux organismes de bienfaisance canadiens ou dans notre processus politique?
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C'est la grande question.
La réponse est tout d'abord que l'ARC gère le secteur caritatif comme un régime de confiance. Trop peu d'audits sont menés, point à la ligne. Sur 80 000 organismes caritatifs, seul le dixième de 1 % d'entre eux est forcé de fermer boutique; ce nombre est vraiment négligeable.
En ce qui a trait aux élections en particulier, les deux constats que j'ai faits pendant les enquêtes auxquelles j'ai participé sont que, premièrement, les organisations exercent une influence par le biais d'activités non réglementées. Par exemple, les activités en ligne, la création d'une base de données de donateurs, le développement de contenu vidéo, la création de sites Web, la révision de rapports, la rédaction de discours, la formation et la prestation de conseils stratégiques ne sont pas réglementés. Aucune de ces activités ne constitue des dépenses à déclarer.
Le deuxième enjeu concerne la période. J'ai constaté qu'une grande partie des préparatifs pour les élections commence des années à l'avance. Lorsque le compte à rebours de deux ans a débuté — c'est-à-dire lorsqu'il restait deux ans avant les élections —, le travail de préparation était déjà terminé. Contrairement à cette période, la période pour les dépenses à déclarer se calcule en mois.
Il est vraiment facile de contourner les règles en engageant les dépenses avant même le début de la période de déclaration.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Par votre entremise, j'aimerais remercier les témoins d'être parmi nous ce soir.
Ma première question s'adresse à M. Andrey.
Vous avez soulevé des informations très intéressantes sur les campagnes de désinformation et les médias sociaux. Nous savons tous que des campagnes de désinformation sur les médias sociaux ont été menées en Crimée avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Nous savons tous que les députés ont un rôle à jouer pour informer leurs électeurs, mais nous avons aussi la responsabilité de nous assurer que l'information que nous transmettons à la population est exacte.
Vous avez parlé, entre autres, de l'évolution de l'intelligence artificielle et de ses répercussions sur les campagnes de mésinformation. Je crois qu'il serait intéressant d'en entendre un peu plus à ce sujet. J'ai vu des vidéos qui, de toute évidence, étaient truquées. La personne qu'on y voit ressemble à une personne réelle et a la voix d'une personne réelle, mais elle communique des renseignements inexacts.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous voyez sur le terrain à cet égard et sur la façon dont nous pouvons lutter contre ce phénomène?
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Absolument. Je pense que, en général, le contenu automatisé ou les comptes robots — que certaines grandes plateformes qualifient parfois de « comportement non authentique coordonné » — sont des tactiques utilisées par des gouvernements étrangers et des acteurs étatiques depuis un certain nombre d'années. C'est une forme d'automatisation. Ce qui nous préoccupe, c'est que ces tactiques sont de plus en plus sophistiquées, que l'intelligence artificielle — en particulier l'intelligence artificielle génératrice, qui permet de créer plus facilement des textes, des vidéos ou des images — s'améliore rapidement et que les efforts de détection que les plateformes ont essayé d'accélérer au fil du temps seront moins fructueux. C'est, je pense, la plus grande préoccupation. Les vidéos truquées, les images hypertruquées et... les textes hypertruqués sont également de plus en plus fréquents.
Pour ce qui est des mesures à prendre, il a été proposé que tout média synthétique truqué soit étiqueté. Bien sûr, on utilise de façon légitime les médias synthétiques pour la satire ou les arts. Cependant, si nous nous préoccupons de la diffusion de mésinformation, il devrait peut-être y avoir une petite étiquette sur ces plateformes pour informer l'utilisateur qu'il visionne un média synthétique. Si l'intention est d'induire en erreur, les plateformes pourraient essayer d'imposer des étiquettes sur ces images et de s'améliorer avec le temps, au point de chasser les utilisateurs des plateformes qui continuent de publier des images manipulées sans étiquetage, par exemple.
Dans sa forme extrême — je suis désolé si je parle trop longtemps —, on a laissé entendre que des outils d'intelligence artificielle génératrice comme ChatGPT pourraient tenir un registre de leurs créations et que les plateformes pourraient ensuite, essentiellement, faire un suivi à partir de ce registre pour ajouter automatiquement les étiquettes qui...
Encore une fois, ce sont des idées mises de l'avant pour essayer de réduire les risques.
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Cette question peut sembler bizarre. Compte tenu de votre expérience et de votre expertise en matière de gouvernance... Nous jouissons du privilège parlementaire à la Chambre des communes, ce qui signifie que, pendant la période des questions et les débats, nous pouvons faire des déclarations pourvu que nous utilisions un langage approprié et parlementaire. Nous pouvons cependant formuler des propos à la Chambre qui pourraient être incorrects.
J'aimerais dire que les 38 millions de Canadiens regardent CPAC, la période de questions et nos délibérations en tout temps. Je m'adresse à ceux qui nous regardent: je suppose que vous conviendrez avec moi que nous avons aussi la responsabilité, en tant que députés, de nous assurer que le contenu que nous créons à la Chambre des communes — c'est-à-dire nos propos — est factuel.
Autrement, si on se cache derrière le privilège parlementaire pour faire à la Chambre des déclarations trompeuses ou pour désinformer... Seriez-vous d'accord pour dire que, en tant que parlementaires, nous avons aussi la responsabilité de véhiculer de l'information exacte? Nous créons de courts extraits pour les médias sociaux. Nous utilisons ParlVU, ou nos ressources parlementaires, pour publier du contenu sur les médias sociaux, et il peut manquer un préambule ou un autre élément à un extrait. Diriez-vous que cela signifie que nous créons aussi des campagnes de désinformation?
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Je vais commencer par répondre à votre première question. En général, l'utilisation d'applications de messagerie pour les nouvelles, des outils comme WhatsApp ou WeChat... Les utilisateurs qui disent s'en servir comme source de nouvelles sont plus susceptibles de croire aussi à la mésinformation.
Ce phénomène est attribuable à la configuration même de ce genre de médias, qui sont parmi les pires coupables qui font croire les gens à la mésinformation. Il s'agit d'une façon préoccupante avec laquelle les gens consomment les nouvelles. On fait intrinsèquement confiance aux médias que des amis et des collègues nous envoient par l'entremise d'applications de messagerie. C'est différent des nouvelles présentées sur un fil d'actualités, où on peut simplement faire défiler l'écran. Il est plus probable qu'on lise et qu'on croit ce que des proches nous envoient.
Si j'ai mal compris votre question, n'hésitez pas à préciser votre pensée.
La deuxième question était la suivante: les gens font-ils confiance aux partis politiques? Nous n'avons pas posé directement cette question, alors je ne peux pas y répondre.
Un des problèmes dont nous avons entendu parler au sujet de l'information en ligne est qu'il est assez difficile d'en déterminer la source, surtout dans un contexte d'ingérence.
Pourrait-il y avoir, par exemple, des outils comme de petits drapeaux mis sur de l'information trouvée en ligne qui permettraient aux gens d'être un peu plus curieux ou critiques de l'information? Par exemple, si on voit qu'un gazouillis a beaucoup été repartagé par des robots logiciels ou que le partage d'une information canadienne se fait plus à partir d'un autre endroit dans le monde, de tels outils pourraient-ils être intéressants? Autrement, il est difficile de trouver la source.
Une fonction qui était auparavant sur Twitter, qui permettait de voir le lieu du gazouillis, a été supprimée récemment avec le changement de propriétaire de Twitter. Il s'agit d'un léger recul pour le genre de transparence que vous avez décrite.
Au cœur de ce débat, il faut bien entendu faire la distinction entre les activités au pays et les activités à l'étranger. J'ai suivi les réunions précédentes. Il est parfois impossible, en peu de temps, pendant une élection, de déterminer la source des activités, et cette difficulté se rapporte au seuil pour les communications atténuantes.
Bien qu'il soit important de se concentrer sur les mesures à notre disposition — la Loi électorale et les sanctions — pour lutter contre la désinformation étrangère, il est également important de se concentrer sur ce que nous pouvons faire en général au sujet de la mésinformation, peu importe sa source, et sur la façon d'assainir les plateformes pour le discours démocratique. Cela revient à mettre l'accent sur le contenu automatisé et sur des mesures incitatives pour encourager les utilisateurs à vérifier le contenu et à utiliser des étiquettes différentes, comme vous l'avez décrit.
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Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissante de vos témoignages.
Monsieur Andrey, je vais vous poser les questions que j'ai préparées aujourd'hui.
J'ai trouvé le sondage sur les méfaits en ligne au Canada fascinant. L'information était intéressante.
Je suis vraiment curieuse, parce que je sais que les Canadiens utilisent de plus en plus les médias sociaux. Je représente une circonscription plutôt rurale et éloignée, et l'un des défis pour les petites collectivités partout au Canada est que les journaux locaux ont vraiment du mal à trouver des moyens de survivre dans cette économie. Il n'y a pas autant de soutien dans ces régions pour veiller à ce que des journalistes accrédités fassent le travail et à ce que l'information soit véridique et factuelle.
Je suis curieuse à ce sujet. Vous avez aussi dit que les Canadiens sont prêts à ce que des mesures soient prises à cet égard. J'aimerais savoir comment les internautes déterminent ce qu'est une source fiable lorsqu'ils vont en ligne.
Si nous voulons lutter contre la mésinformation, quels outils pourrions-nous offrir, selon vous, pour que les gens sachent si une source est fiable ou non?
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C'est une excellente question.
Plusieurs options s'offrent à nous. Depuis quatre ans, nous suivons l'évolution de la confiance dans les médias grand public et dans les médias sociaux. La bonne nouvelle, c'est que la plupart de nos médias grand public, comme CBC, le Globe and Mail, CTV et Global News, sont des organisations auxquelles la plupart des Canadiens font très confiance. Même si cette confiance a légèrement chuté pendant la pandémie — ce qui est un phénomène mondial qui ne se limite pas seulement au Canada —, elle n'a pas considérablement baissé.
Par contre, la confiance dans les médias sociaux continue de diminuer. En fait, moins d'un Canadien sur dix affirme faire grandement confiance à Facebook, TikTok et Twitter.
Je pense que les Canadiens comprennent quelles sources peuvent leur donner accès à des renseignements fiables à certains égards. Par contre, l'utilisation de ces plateformes pour les nouvelles continue de croître. Les deux constats se contredisent, si je peux l'exprimer ainsi.
Pour répondre à votre question, le phénomène est lié à la façon dont nous consommons l'information et dont nous utilisons nos téléphones. Pour ce qui est de la capacité d'accéder à des formes de médias comme les médias locaux, il y a un tas de facteurs qui y contribuent et qui sont inquiétants. Cependant, je voulais répondre précisément à votre question au sujet de la confiance.
Vous avez beaucoup parlé des médias ethniques, et plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu des témoignages au sujet de différents pays qui fournissent des ressources aux médias au Canada. Il devrait y avoir une plus grande reddition de comptes quant à la façon dont les gens sont formés et quant aux ressources qu'ils obtiennent. Je pense que c'est un élément important.
Je me demande simplement si vous vous êtes penchés, dans le cadre de cette recherche, sur des médias sociaux qui étaient dans différentes langues au Canada, ou si la recherche portait seulement sur le français et l'anglais. Est‑ce une lacune? Devons-nous consacrer plus de ressources à des recherches sur les médias de diverses langues, pour nous assurer que ce contenu fera vraiment l'objet d'une reddition de comptes et que nous pourrons ensuite appuyer cette transparence?
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C'est une très bonne question.
Il y a deux ans, nous avons mené une étude sur les applications de messagerie. Nous avons fouillé WeChat, en particulier. Les applications de messagerie privée ont tendance à être un véhicule clé pour les diasporas. Par exemple, WhatsApp est très populaire au sein de la communauté sud-asiatique du Canada. Les communautés de la Russie et de l'Europe de l'Est privilégient Telegram. Différentes applications sont utilisées différemment. Elles permettent de communiquer facilement avec la mère patrie, et on y trouve déjà des groupes composés de membres de la famille et d'amis, etc.
Cela dit, en général, l'utilisation de ces applications est associée à une plus grande exposition à la mésinformation et à une plus grande croyance à cette mésinformation. Les utilisateurs de ces applications disent recevoir de la mésinformation. Je pense qu'environ 40 % d'entre eux affirment en recevoir au moins quelques fois par mois, et WhatsApp, WeChat et Telegram ont des bilans particulièrement lamentables. Nous ne nous sommes pas penchés précisément sur la langue, mais je pense que nos conclusions représentent bien la réalité.
Est‑ce que cela répond à votre question?
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Votre réponse m'éclaire. Merci.
Voici ma dernière question. On dit ici que 15 % des Canadiens croient beaucoup à la mésinformation. Ce résultat me ramène vraiment au convoi où on voyait des journalistes, en direct à la télévision, demander aux manifestants de faire connaître leurs pensées. Les gens n'arrêtaient pas de crier « Fausses nouvelles! », sans plus. J'ai regardé ces scènes en les trouvant fort étranges.
Dans tout le travail que vous avez fait, arrivez-vous à expliquer clairement pourquoi ces 15 % croient particulièrement à la mésinformation? Que pouvons-nous faire pour rappeler à la population que le Canada a du positif à offrir sur lequel nous devrions nous pencher?
Où est cette méfiance, et que pouvons-nous faire? Je n'en revenais pas que, lorsqu'ils avaient un microphone devant leur visage et qu'ils pouvaient dire n'importe quoi à qui voulait l'entendre, les seuls mots qui venaient à l'esprit de ces manifestants étaient « Fausses nouvelles! »
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Ne soyez pas désolé. Nous vous sommes reconnaissants des renseignements que vous nous avez fournis. Je tiens à remercier M. Andrey et Mme Krause de l'information entendue.
J'aimerais simplement dire que, s'il y a autre chose que vous aimeriez faire savoir aux membres du Comité, veuillez en faire part à la greffière. Nous ferons traduire les documents et les distribuerons aux membres dans les deux langues officielles.
Deux votes nous attendent et, comme ils prendront un peu plus de temps, nous ne poursuivrons pas la réunion.
Nous vous souhaitons une bonne fin de journée. Nous vous remercions des renseignements que vous nous avez fournis.
Chers collègues, nous nous reverrons jeudi à 10 heures dans la salle 025‑B.
Sur ce, la séance est levée.