Soyez les bienvenus à la 14e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée par le Comité le 12 janvier 2022, nous nous réunissons pour étudier l'inflation dans l'économie canadienne actuelle.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à la motion adoptée par la Chambre le 25 novembre 2021. Les membres peuvent assister en personne dans la salle ou en distanciel, au moyen du logiciel Zoom. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes; l'écran montrera toujours la personne qui parle plutôt que le Comité dans son ensemble.
La réunion d'aujourd'hui a lieu également sous le format d'un webinaire. Les webinaires sont utilisés dans le cas des réunions publiques du Comité et seuls les membres, leur personnel et les témoins y sont admis. Les membres se connectent immédiatement en temps que participants actifs. Toutes les fonctionnalités des participants actifs demeurent les mêmes. Le personnel a le statut de participant non actif. Le personnel peut seulement assister aux réunions en affichage galerie. Je profite de l'occasion pour rappeler à tous les participants qu'il est interdit de prendre des captures et photographies d'écran pendant la réunion.
Compte tenu de la pandémie qui sévit toujours et des recommandations émises par les autorités sanitaires, ainsi que de la directive du Bureau de régie interne publiée le 19 octobre 2021 pour assurer la santé et la sécurité de tous, tous les participants présents dans la salle doivent se tenir à une distance de deux mètres et porter un masque non médical lorsqu'ils se déplacent dans la salle. Le port du masque en tout temps est fortement recommandé, même lorsque les gens sont assis. Les participants doivent se désinfecter les mains au moyen du gel hydroalcoolique fourni à l'entrée de la salle. En ma qualité de président, je m'assurerai du respect de ces mesures pendant la réunion. Je remercie d'avance les membres de leur coopération.
Je vous rappelle les règles à suivre pour le bon déroulement de la réunion. Les membres et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Nous bénéficierons de services d'interprétation pendant la réunion. En bas de l'écran, vous pouvez choisir le canal parquet, anglais ou français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez me le signaler immédiatement, afin que nous puissions rétablir le service avant de poursuivre nos délibérations. Vous pouvez utiliser la fonction « Lever la main » au bas de l'écran en tout temps si vous souhaitez intervenir ou signaler quelque chose au président.
Les membres présents dans la salle doivent procéder comme d'habitude lorsque le Comité se réunit en personne dans la salle. Je vous rappelle les consignes du Bureau de régie interne visant le port du masque et les mesures sanitaires.
Vous devez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'allumer. Le microphone des personnes présentes dans la salle sera allumé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Je vous prie de parler lentement et de bien énoncer lorsque vous prenez la parole. Votre micro doit être éteint lorsque vous ne parlez pas. Je rappelle aux membres et aux témoins qu'ils doivent s'adresser au président.
En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour tenir une liste consolidée de tous les membres, qu'ils participent en distanciel ou en présentiel.
Le Comité s'est entendu que lors de ses audiences, le président fait respecter la règle qui veut que la réponse donnée par un témoin à une question ne puisse prendre plus de temps qu'il n'en a fallu pour poser la question. Cela dit, je demande aux membres et aux témoins de faire preuve de respect à l'égard d'autrui et de respecter les règles de bienséance. Si vous pensez que le témoin a dépassé le temps prévu, vous avez le droit de l'interrompre ou de poser une autre question. Afin de respecter le temps de parole imparti aux membres pendant la réunion, je vous prie de ne pas dépasser de beaucoup votre temps de parole. Nous n'allons pas vous interrompre pendant que vous parlez, mais sachez que notre greffier a deux minuteries, l'une pour les membres et l'autre pour les témoins.
La réunion sera plus longue que d'habitude. Compte tenu du fait que nos témoins n'auront peut-être pas la possibilité de se lever, je vais faire une pause santé de cinq minutes à mi‑chemin.
Accueillons maintenant nos témoins, qui sont nombreux aujourd'hui.
Nous accueillons Véronique Laflamme du Front d'action populaire en réaménagement urbain, qui en est l'organisatrice communautaire et la porte-parole.
Nous entendrons Murtaza Haider, professeur, et Stephen Moranis, spécialiste de l'immobilier et chroniqueur, tous les deux du Haider-Moranis Bulletin.
L'Institut Macdonald-Laurier est représenté par Philip Cross, agrégé supérieur.
Nous accueillons Sahar Raza, chef de projet du Réseau national du droit au logement.
La Banque Scotia est représentée par Jean-François Perrault, premier vice-président et économiste en chef.
Chaque organisation aura cinq minutes pour faire sa déclaration avant que nous ne passions aux séries de questions. Les déclarations se feront dans l'ordre de présentation des témoins.
Le Front d'action populaire en réaménagement urbain ouvrira le bal. Madame Laflamme, vous avez cinq minutes.
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Bonjour à tous. Je ferai ma présentation en français.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité.
On sait que la hausse du coût des logements est une composante importante de l'inflation actuelle. Nous sommes particulièrement préoccupés par le sort des locataires, qui sont les plus largement représentés parmi les ménages consacrant déjà une part trop importante de leur revenu à se loger. Lors du dernier recensement avant la pandémie, au Canada, 795 000 ménages locataires consacraient plus de 50 % de leur revenu pour se loger, ce qui est loin de la norme de 30 %. Au Québec, 195 000 ménages locataires étaient dans cette situation.
Comme le Front d'action populaire en réaménagement urbain, ou FRAPRU, est un regroupement panquébécois regroupant 140 organismes appuyant sa mission de défense du droit au logement, je vais vous parler de la hausse des loyers au Québec, en sachant que les locataires des autres provinces vivent des problèmes similaires.
Selon les données des rapports de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, en 10 ans, le loyer moyen a augmenté de 31 % au Québec, et il a augmenté de 18,7 % au cours des cinq dernières années. La hausse du loyer moyen est donc fulgurante. La pénurie de logements locatifs a évidemment un impact sur le prix des loyers, mais la spéculation immobilière, qui s'est accentuée dans certaines régions durant la pandémie, contribue également à cette hausse importante.
Les taux d'inoccupation dégringolent dans plusieurs régions. Dans plusieurs petites villes hors des grands centres, les loyers étaient jusqu'ici moins chers, mais on y observe, depuis les derniers mois, des hausses importantes du coût des loyers. Il s'agit notamment de Rimouski, de Drummondville, de St‑Hyacinthe, de Trois‑Rivières et de Sherbrooke, pour ne nommer que celles-là. Les logements disponibles y sont extrêmement chers.
Un chiffre est très frappant. Dans son dernier rapport sur le marché locatif, la SCHL constatait un écart de 46 % entre un logement de deux chambres à coucher loué et un logement équivalent disponible. Les logements disponibles sont donc 46 % plus chers, ce qui laisse très peu de solutions de rechange aux ménages locataires qui sont forcés de déménager, notamment en raison d'une séparation ou parce que les femmes fuient la violence conjugale, ou encore parce que les locataires sont chassés par des évictions souvent frauduleuses, dont je vais reparler. Cela a des conséquences particulières pour les ménages à faible revenu et à revenu modeste, qui sont majoritairement locataires.
Selon Statistique Canada, le revenu médian de ces ménages locataires, qui ont des besoins impérieux de logement, était de seulement 18 000 $ au Québec lors du dernier recensement, et de 24 775 $ dans le reste du Canada. C'est le revenu des ménages locataires ayant des besoins impérieux de logements. Ils sont 1,2 million au Canada. C'est de leur sort qu'il faut se préoccuper en priorité lorsqu'on se penche sur la hausse du coût des loyers.
Il faut s'inquiéter également de l'appauvrissement des locataires de la classe moyenne basse, dont les revenus ne permettent pas non plus d'accéder à la propriété et qui seront de plus en plus nombreux à se retrouver parmi les ménages qui consacrent plus de la norme de 30 % de leur revenu pour se loger et qui ont besoin de solutions de rechange.
Cependant, il faut d'abord et avant tout mettre au cœur de nos préoccupations ces ménages à faible revenu et à revenu modeste qui n'ont absolument aucune marge de manœuvre et qui doivent de plus en plus se tourner vers les banques alimentaires pour pouvoir boucler leur budget après avoir payé leur loyer. Compte tenu de l'inflation et des hausses récentes de loyer, qui auront assurément fait se détériorer la situation et qui feront grossir les chiffres lors du prochain recensement, il faut absolument se pencher sur ce problème.
Ottawa a un rôle important à jouer. Le gouvernement fédéral a un rôle central à jouer pour faire en sorte qu'il y ait des solutions de rechange pour tous ces ménages, qui n'en ont pas actuellement. Par le passé, le gouvernement fédéral a joué un rôle dans le financement du logement social hors marché privé sous forme de coopératives, d'organismes sans but lucratif et d'habitations à loyer modique, ou HLM. Or ce retrait du financement à long terme a laissé un trou important. Malheureusement, le retour partiel du fédéral au moyen de la Stratégie nationale sur le logement n'a pas donné les résultats escomptés, parce que cette stratégie mise de façon trop importante sur le secteur privé, et que les initiatives financées par cette stratégie se consacrent de façon trop importante aux logements abordables sans consacrer de sommes exclusivement aux logements sociaux, comme cela avait été le cas par le passé.
Actuellement, les logements financés par plusieurs initiatives de la Stratégie nationale sur le logement donnent des logements absolument inabordables pour ces ménages ayant des besoins impérieux de logement. Cela contribue aussi à cette hausse du coût des logements.
Selon nous, ce n’est pas en subventionnant la construction de logements locatifs par le marché privé, dont la mission est de faire du profit, que le gouvernement fédéral va contribuer à mettre fin à la spirale inflationniste actuelle. Cet objectif serait beaucoup mieux atteint si l'on présentait des projets de logement social et communautaire et si l'on accordait exclusivement aux logements hors marché privé les sommes actuellement consacrées à l’abordabilité du logement.
Selon le dernier rapport du directeur parlementaire du budget, 3,3 milliards de dollars par année sont actuellement accordés à l’abordabilité du logement. Nous pensons que l’entièreté de cette somme devrait servir à financer des initiatives hors marché privé et à financer le logement social. Or, en ce moment, une seule initiative fédérale est consacrée exclusivement au logement hors marché privé, soit l’Initiative pour la création rapide de logements.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
J'aimerais mentionner que nous sommes membres du Réseau national du droit au logement. Enfin, puisque je n'ai pas eu le temps de parler des enjeux liés au droit du logement, je tiens à dire que j'appuie ce que dira ultérieurement ma collègue, Mme Raza.
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, merci. Je m'appelle Stephen Moranis. Je suis l'ancien président du Toronto Real Estate Board et l'ancien directeur de l'Association canadienne de l'immeuble. Je suis accompagné par Murtaza Haider, qui est professeur de la gestion immobilière à l'Université Ryerson.
Nous sommes les auteurs d'une chronique hebdomadaire publiée par Postmedia, qui a comme titre du Haider-Moranis Bulletin. La chronique paraît toutes les semaines dans le National Post et parfois dans d'autres journaux canadiens, dont l'Ottawa Citizen. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de nos analyses et de nos observations sur les facteurs déterminants de la flambée rapide des prix immobiliers depuis 2000 au Canada.
La hausse des prix immobiliers s'est accélérée encore plus pendant la pandémie. Le prix moyen d'une maison au Canada est passé de 164 000 $ en 2000 à 502 000 $ en 2019. Selon les données compilées par l'Association canadienne de l'immeuble, le prix moyen d'une maison a atteint 567 000 $ en 2020 et 688 000 $ en 2021. Même si plusieurs facteurs ont contribué à la flambée rapide du prix des maisons au Canada, y compris des taux hypothécaires extrêmement bas, nous pensons que la cause principale de l'escalade époustouflante des prix est le déséquilibre entre l'offre et la demande. La mise en chantier de nouveaux logements au Canada, notamment, n'a pas suivi l'intensification de la demande de logement.
L'écart entre l'offre et la demande de logement ne s'est pas manifesté subitement. Nous avons remonté les données jusqu'au début des années 1970 et avons trouvé que le taux de construction, normalisé en fonction de la population, a chuté fortement au cours des cinq dernières décennies. Ainsi, il faut savoir qu'au début des années 1970, le Canada faisait construire plus de 10 000 nouveaux logements par million d'habitants par année. Le taux de construction des logements s'est affaibli au fil des décennies et a presque été réduit de moitié, ce qui correspond à 5 000 ou 6 000 nouveaux logements construits par million d'habitants au cours des dernières années.
Une hausse temporaire des mises en chantier pourrait donner l'impression fausse que l'offre rattrape la demande. Toutefois, le déficit de logements s'est aggravé pendant plusieurs décennies, et quelques milliers de logements construits dans une année donnée ne sont certainement pas suffisants pour combler l'écart qui s'est creusé pendant des décennies. Un mémoire de recherche publié récemment par une grande banque canadienne a révélé que si le Canada devait avoir le même rapport de logements à sa population que la moyenne des pays du G7, il faudrait construire 1 800 000 logements supplémentaires qu'aujourd'hui. Nous estimons que si le Canada avait continué à construire des logements au même taux qu'au début des années 1970, il aurait construit plus de quatre millions de logements supplémentaires.
L'intensification prévisible de la demande de logement, qui est alimentée par une hausse régulière et prévisible de la population, exige une hausse considérable du taux de construction de logements pour répondre aux besoins d'une population grandissante et combler le déficit de logements accumulé au cours des dernières décennies. Même dans certains grands centres urbains, où la construction de logements a tenté de suivre la demande de logements supplémentaires, le type de logement construit correspond surtout à des condominiums ou à des petites demeures qui ne conviennent pas aux familles grandissantes.
Nous aimerions saisir l'occasion pour souligner la nécessité d'accélérer la construction de nouveaux logements au Canada à un rythme qui dépasse largement celui observé dans un passé récent. Nous recommandons la simplification des processus d'approbation de l'aménagement des terrains pour consolider la prise de décisions en un seul endroit, qui réunirait tous les intervenants concernés des municipalités, des provinces et du gouvernement fédéral, afin de réduire la durée du processus d'approbation qui, dans certains cas, peut prendre plusieurs années.
Une politique de logement nationale qui réunit les intervenants de tous les ordres de gouvernement pour améliorer l'offre de logement, associée à une hausse des investissements par tous les ordres de gouvernement sur le logement abordable, à des garanties financières et à un soutien ciblé dans les régions où la demande est particulièrement élevée sont de mise pour améliorer la situation du logement de tous les Canadiens.
Au début des années 1970, la construction de logements locatifs a chuté lorsque l'impôt sur le gain en capital a été instauré. Il faut revoir le régime fiscal, qui a peut-être découragé la construction de logements locatifs pourtant essentiels à la sécurité du logement et à l'abordabilité des loyers de presque 30 % des Canadiens, qui sont locataires.
Nous avons soumis au Comité notre rapport sur les défis en matière de logement qui a été publié récemment par l'Institut Macdonald-Laurier. Nous vous remercions encore de nous avoir donné cette occasion et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Merci beaucoup.
La plupart des analystes discutent de l'inflation de façon précise et avec certitude. Or, j'aimerais vous parler de l'incertitude et des inconnus en ce qui concerne notre compréhension et notre évaluation de l'inflation. Sachez que j'ai travaillé pendant 36 ans à Statistique Canada, et j'ai pris ma retraite lorsque j'étais analyste économique en chef.
Nous ignorons quel est le taux d'inflation actuel pour des raisons multiples, bien qu'il soit clair que l'inflation monte plus rapidement qu'avant la pandémie. Cette situation s'explique premièrement par la nature incomplète des renseignements qui servent à calculer l'IPC. À titre d'exemple, les voitures d'occasion sont exclues de l'IPC du Canada, mais pas de l'indice correspondant américain, alors que les pénuries ont fait grimper considérablement le prix des voitures d'occasion pendant la pandémie.
Deuxièmement, et ce commentaire est plus général, l'IPC ne cherche pas à mesurer l'incidence des pénuries, qui ont de toute évidence une incidence sur les consommateurs sur le plan du choix, de la commodité et du prix. L'IPC a été conçu pour une économie marquée par l'abondance, et non les pénuries. Ainsi, les constructeurs d'automobiles fabriqueront des modèles plus chers en raison de la pénurie de puces électroniques, mais ce changement dans la production ne sera pas capté par l'IPC.
Troisièmement, les organismes de la statistique mesurent l'IPC de façons différentes. Je viens d'évoquer les voitures d'occasion. Or, le logement, qui prend plus de place dans l'IPC, varie entre les pays et même au sein des organismes de la statistique au fil du temps. Les États‑Unis et le Canada accordent un traitement différent au logement de nos jours, et les deux pays ont changé leur façon de mesurer le prix du logement depuis les années 1980. Il n'est pas question d'avoir tort ou d'avoir raison, mais cela montre bien...
Reprenons. Les États‑Unis et le Canada accordent un traitement différent au logement, et les deux pays ont changé leur façon de mesurer le prix du logement depuis les années 1980. Il n'est pas une question d'avoir tort ou d'avoir raison, mais cela montre bien l'approche discrétionnaire.
Quatrièmement, l'IPC constitue une mesure limitée de l'inflation. Pendant des années, la Banque des règlements internationaux a encouragé les banques centrales à examiner le prix de l'actif financier et non pas seulement l'IPC en partie parce que, et c'est plutôt mystérieux, une bonne partie des mesures de stimulation au‑delà de 2008 paraissent surtout dans le prix de l'actif financier, et non dans l'IPC.
Les statisticiens ne savent pas exactement en quoi consiste l'inflation, et les économistes ne peuvent pas être sûrs de ce qui se produira, quoi qu'il semble probable que l'inflation restera élevée pendant un certain temps. Daniel Tarullo, l'ancien gouverneur de la Réserve fédérale américaine, a écrit que les économistes n'ont pas de modèle de travail de l'inflation. Lorsque l'inflation a un lien évident à la masse monétaire, il est difficile de définir ce phénomène, et son rapport avec l'inflation est imprécis et variable. La courbe Phillips, qui établit un lien entre l'inflation et le chômage, ne fonctionne plus depuis des années, voire des décennies.
Enfin, il a été prouvé que les attentes suivent habituellement l'inflation et ne permettent pas de la prédire, quoique les attentes grandissantes actuelles renforceront la pression inflationniste au fur et à mesure que les travailleurs demanderont des augmentations de salaire pour compenser leur pouvoir d'achat grugé, ce qui rend la tâche plus difficile pour ce qui est de freiner l'inflation.
Kevin Warsh, qui a aussi travaillé à la Réserve fédérale américaine, a publié un article récemment dans le Wall Street Journal indiquant qu'on a tort de minimiser l'inflation comme un « goulot d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement ». Le fait d'affirmer que les prix à la consommation sont plus élevés parce que « les prix montent aux étapes de la production, du montage et du transport » décrit la façon dont l'inflation se manifeste, mais « pas sa source », qui est liée à des mesures de stimulation financières et monétaires excessives. Les mesures de stimulation monétaires nuisent en fait à l'offre globale en décourageant les investissements.
Quiconque déclare qu'il comprend précisément en quoi consiste l'inflation et quelle sera sa trajectoire exagère. Malheureusement, les économistes ont l'habitude d'exagérer ou ne reconnaissent même pas les limites de leur entendement quant au fonctionnement de l'économie. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l'inflation des prix.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité des finances.
Je m'appelle Sahar Raza. Je suis cheffe de projet du Réseau national du droit au logement, un réseau de plus de 350 organisations et experts œuvrant dans le secteur du logement et de l'itinérance, incluant FRAPRU qui a témoigné plus tôt aujourd'hui. Nous sommes tous déterminés à voir la mise en œuvre significative du droit à un logement adéquat, que le Canada s'est engagé à respecter dans le droit national et international.
En fait, c'est ce comité qui a adopté des amendements clés apportés à la en 2019 afin de reconnaître le droit à un logement adéquat comme un droit de la personne fondamental, alors c'est vraiment un honneur d'être ici aujourd'hui pour discuter de la façon dont nous pouvons transformer cet engagement transformationnel en matière de droits de la personne en des solutions pratiques qui peuvent réellement résoudre la crise du logement.
Comme nous le savons, la financiarisation est l'un des moteurs majeurs de la crise du logement, car le logement est traité comme une marchandise à but lucratif plutôt que comme un bien social et un droit de la personne. Il est certes important d'augmenter l'offre, surtout dans les régions rurales, éloignées et nordiques, mais l'offre seule ne réglera pas cette crise du logement. Nous perdons des logements abordables à un rythme plus rapide que celui où nous pouvons en offrir. Cela signifie qu'il nous faut faire une refonte des programmes et des politiques en matière de logement inefficaces afin de mieux utiliser notre offre de logements actuelle. Nous devons éliminer les échappatoires fiscales et investir davantage dans les logements sociaux, dont le parc est environ deux fois moins important que celui des autres pays de l'OCDE et des pays comparables.
Tout d'abord, nous savons que les grandes entreprises propriétaires, telles que les fonds de placement immobilier, sont d'énormes moteurs de la financiarisation. Elles sont connues pour acheter des logements abordables, pour faire de la « rénoviction » auprès de locataires à faible et moyen revenu, puis pour faire grimper les prix des maisons, rendant ainsi les logements encore moins abordables. Malgré cela, une étude récente d'ACORN Canada estime que ces fonds de placement immobilier ont bénéficié de plus de 1,2 milliard de dollars en exemptions fiscales au cours des 10 dernières années en n'étant pas imposés comme des sociétés normales. Les lignes directrices internationales en matière de droits de la personne nous indiquent qu'il nous faut éliminer ce type d'échappatoires dans le secteur immobilier et réinvestir l'argent des impôts dans notre stratégie nationale du logement. Nous pourrions simplement utiliser l'argent des impôts qui est laissé sur la table pour améliorer notre offre en matière de logement, réparer les logements existants et pour des programmes œuvrant auprès de ceux dont les besoins en logement sont les plus criants.
Dans le même ordre d'idées, il serait également possible d'augmenter les impôts pour tous les investissements privés ou investisseurs qui possèdent de multiples propriétés, car, comme nous l'avons vu, les propriétaires et investisseurs actuels voient leur capital augmenter considérablement, ce qui signifie qu'il leur est facile d'utiliser ce capital et les faibles taux d'intérêt pour acheter encore plus de propriétés aux fins d'investissement ou alors de transmettre cette richesse à leurs enfants, ce qui rend l'accès au marché encore plus difficile pour les locataires et les acheteurs d'une première maison. Nous constatons même que ce désavatange se multiplie d'une génération à l'autre au sein des groupes défavorisés.
La situation est fort inéquitable et enfreint le droit au logement, mais, à nouveau, des mesures réglementaires et fiscales telles qu'une taxe supplémentaire pour chaque propriété additionnelle à votre résidence principale, ou des taxes nationales sur la spéculation et la vacance pourraient aisément être mises en œuvre afin de décourager l'accaparement de profits dans le marché immobilier. Cet argent pourrait être réinvesti dans notre stratégie nationale du logement pour augmenter l'offre, entre autres.
Cela dit, j'estime que notre stratégie nationale du logement actuelle nécessite une refonte majeure axée sur les droits, car ses fonds d'investissement, comme l'initiative de financement de construction de logements locatifs — qui, soit dit en passant, est le programme le plus onéreux de la stratégie — sont régis par des lignes directrices très indulgentes et axées sur une abordabilité à court terme qui ne visent tout simplement pas les ménages à faible revenu. Par exemple, de nombreux projets financés par la SNL sont inabordables pour jusqu'à 90 % des locataires. Cela signifie en fait que les fonds gouvernementaux servent à alimenter la crise du logement plutôt qu'à la régler.
Ce problème pourrait être réglé facilement en établissant de nouveaux critères pour ces fonds d'investissement. Par exemple, nous pourrions exiger qu'un certain pourcentage d'unités de logement soit abordable de façon permanente avec des loyers adaptés au revenu pour chaque nouveau développement. Nous pouvons mettre en place des réglementations contre les déplacements et les évictions. Nous pouvons mettre en œuvre des mesures de contrôle du loyer. Nous pouvons consacrer davantage de ces fonds prévus pour les initiatives d'investissement au logement social.
Je vais m'arrêter ici, mais ce ne sont là que quelques-unes des solutions pratiques axées sur les droits de la personne que nous pourrions mettre en place dès aujourd'hui pour veiller à ce que chaque personne au Canada ait accès à un logement adéquat et abordable, ce qui, je crois, est l'objectif de nous tous ici présents.
Je vous remercie de votre temps. J'attends vos questions avec impatience.
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J'aimerais tout d'abord remercier les membres du Comité de me donner l'occasion de vous faire part de mon point de vue. Certes, je suis maintenant l'économiste en chef de la Banque Scotia, mais j'ai passé la totalité de ma carrière avant cela dans le milieu de la politique. J'ai énormément de respect pour le rôle des politiques publiques et des institutions démocratiques de notre pays. Cela dit, j'espère que mon point de vue pourra vous être utile dans votre étude de l'inflation et de la situation immobilière.
Il ne fait aucun doute, selon moi, que l'inflation et l'abordabilité des logements représentent des défis majeurs pour les décideurs. Les défis en matière de logement sont un peu plus faciles à évaluer, étant donné le fait qu'ils ont en grande partie pris naissance au Canada.
La pandémie et les politiques adoptées pour y faire face ont indubitablement contribué à la vigueur du marché immobilier. Les faibles taux d'intérêt, la générosité des programmes de soutien au revenu et le désir de certains ménages de s'éloigner de la ville ou de s'établir dans une plus grande maison dans le contexte de la pandémie ont tous manifestement contribué à une partie de la vigueur du marché observée.
Cela dit, la principale cause de la réduction de l'abordabilité réside dans un déséquilibre structurel entre le nombre de résidants et le nombre de logements pour les loger. L'offre de logements n'a pas augmenté de façon proportionnelle à la croissance démographique très rapide observée depuis 2015, ce qui a entraîné une baisse du nombre de logements par habitant depuis 2016.
Comme l'a dit un autre témoin, le Canada a le plus faible nombre de logements par habitant parmi les pays du G7. Il s'agit certes d'une façon simpliste de voir les choses, mais il faudrait près de deux millions de logements supplémentaires au Canada pour disposer du même nombre de logements par habitant que nos pairs du G7.
Les solutions à ce problème comprennent, de toute évidence, de multiples volets et touchent tous les paliers de gouvernement. Le gouvernement fédéral fixe les objectifs d'immigration et la politique macroprudentielle en matière de financement du logement, mais ce sont les provinces et les municipalités qui, en fin de compte, contrôlent le rythme de l'augmentation de l'offre. Selon nous, nous ne changerons pas de cap en matière d'abordabilité à moins que l'offre de logements tienne nettement plus compte des pressions démographiques.
La fonction publique semble bien être au fait de cette réalité et cela nous réconforte grandement. Nous avons espoir que des politiques seront mises en place pour augmenter l'élasticité de l'offre. Cela dit, même dans le meilleur des scénarios, il faudra probablement des années avant qu'il y ait une meilleure harmonisation entre les besoins de la population et ce qui lui est offert.
La pression à la hausse risque donc de se maintenir dans le marché immobilier, ce qui ajoutera à la pression inflationniste au Canada. Il ne fait aucun doute que l'inflation est bien en dehors de la fourchette de maîtrise de l'inflation de la Banque du Canada. La question qui se pose est plutôt de savoir ce qu'il adviendra de l'inflation à partir de maintenant.
Notre compréhension de l'inflation a évolué au cours de l'année. Pendant un certain temps l'an dernier, l'augmentation de l'inflation était largement considérée comme temporaire, car nous pensions, à l'instar d'autres banquiers centraux dans le monde, qu'elle était principalement due à des goulets d'étranglement dans les approvisionnements. Autrement dit, la demande de biens avait explosé et l'économie mondiale avait de la difficulté à répondre à la demande en raison de divers facteurs, comme le fait que des producteurs majeurs avaient été affectés par la COVID ou encore qu'il y avait des goulets d'étranglement dans les transports.
Sur la base de l'accumulation de preuves depuis que ces évaluations ont été faites, il semble assez clair que les systèmes de production et de transport mondiaux ont répondu de manière agressive à la force de la demande et que la demande est un moteur plus puissant de l'inflation que nous le pensions initialement. À notre avis, cela signifie que les pressions inflationnistes sont susceptibles d'être plus persistantes. Il s'agit d'un phénomène mondial. Les politiques canadiennes ont probablement eu peu d'influence sur ce résultat général. Bien sûr, cela ne rassure guère les entreprises et les ménages qui font face aux répercussions de l'inflation dans leur vie.
Il existe néanmoins un aspect canadien à l'inflation. Le nombre record de postes vacants exercera une pression à la hausse sur les salaires dans l'année à venir, ce qui maintiendra les pressions inflationnistes. Le coût des nouvelles constructions continuera d'augmenter, en raison des pressions en matière de capacité dans le milieu de la construction, mais aussi en raison de l'augmentation considérable du coût des matières premières liée aux facteurs mondiaux mentionnés.
Peut-être plus important encore, il est très clair que les entreprises et ménages canadiens croient que la hausse de l'inflation va durer et rester à un niveau inconfortable, compte tenu du mandat de maîtrise de l'inflation de la Banque du Canada. Par exemple, un sondage mené en décembre par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante révèle que les petites et moyennes entreprises croient désormais devoir augmenter leurs prix de 4,6 % au cours des 12 prochains mois. Les résultats récents de ce sondage sont les plus élevés, de loin, par rapport à l'histoire.
La maîtrise de l'inflation est un défi pressant qui devrait amener la Banque du Canada à resserrer sensiblement ses taux cette année. La réalité, c'est que son taux directeur réel est devenu plus stimulant au cours de l'année 2021, même si le taux directeur actuel n'a pas changé. Cela est dû au fait que l'inflation et les attentes en la matière ont augmenté alors que les taux directeurs sont demeurés stables. Ces paramètres doivent changer.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous livrer cette brève déclaration liminaire. J'ai hâte de participer à la discussion et j'attends vos questions avec impatience.
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Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront à M. Cross, ancien analyste économique en chef de Statistique Canada.
Monsieur Cross, selon l'Association canadienne de l'immeuble, le prix moyen d'une maison était de 434 000 $ lorsque est arrivé au pouvoir. Ce prix s'élève désormais à 811 000 $. Cela représente une inflation du prix des maisons de 85 % en seulement six ans. L'an dernier, l'inflation du prix des maisons a atteint 25 %, ce que l'économiste en chef de l'Association canadienne de l'immeuble a qualifié de « plus grande augmentation de tous les temps ».
Croyez-vous que les 400 milliards de dollars de liquidités nouvellement créées que le gouvernement, par l'entremise de la banque centrale, a injectées dans les marchés financiers et hypothécaires, et les taux d'intérêt réels négatifs sur les prêts hypothécaires à taux variable qui en ont découlé ont eu une incidence sur l'inflation record de l'an dernier au Canada?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui. J'espère que vous comprendrez que je n'aurai pas le temps de poser des questions à tous les témoins, mais je vous remercie tous de vos contributions à la séance d'aujourd'hui.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Perrault.
Tout d'abord, monsieur Perrault, je suis heureux de vous voir. Il y a bien longtemps, j'étais avec la Banque Scotia, et je suis heureux de voir une autre personne affiliée à la Banque Scotia donner son point de vue pour nous aider à résoudre ces enjeux importants. Dans votre déclaration, vous avez parlé de certains des enjeux sur lesquels porteront mes questions, mais j'aimerais m'assurer qu'ils sont bien définis, pour moi et pour les autres membres du Comité.
Le taux d'inflation que connaît actuellement le Canada est‑il propre au Canada ou s'agit‑t‑il d'un problème à l'échelle mondiale?
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Ce sont des renseignements utiles. Je vous remercie.
J'aimerais également souligner que M. Poilievre a affirmé, dans le cadre de ses questions, que certaines personnes au Canada appellent l'inflation que nous observons actuellement la « Justinflation ». Personnellement, je n'ai entendu aucune des personnes qui ont pris la parole ici aujourd'hui utiliser cette expression. À ma connaissance, les seules personnes qui utilisent cette expression sont les membres du caucus conservateur. Je n'ai entendu cela nulle part ailleurs. Je tenais simplement à le souligner.
Monsieur Perrault, j'aimerais changer un peu de sujet et parler de certains de nos indicateurs économiques, si possible, ou vous demander de le faire. Au cours de la pandémie, le gouvernement du Canada a pris un certain nombre de mesures pour aider les gens à survivre, à nourrir leur famille, à payer le loyer, etc. Les exemples les plus connus sont la PCU et la subvention salariale, mais un certain nombre d'autres programmes ont également été créés pour aider les entreprises et les particuliers. Pouvez-vous nous parler des répercussions que l'absence de ces programmes aurait pu avoir sur notre économie?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les membres du Comité; je suis très content que le Comité permanent des finances se penche sur la terrible crise du logement. En ce moment, au Canada et partout dans le monde, il y a une crise sanitaire et une crise climatique très grave. Au Québec, il y a une crise linguistique ainsi qu’une très grave crise du logement. Beaucoup de chiffres ont été lancés à gauche et à droite. Nous allons encore en parler, et c'est bien ainsi.
Ma première question s’adresse à Mme Laflamme, la représentante du FRAPRU. Je la connais assez bien, puisque je lui parle depuis deux ans, en qualité de porte-parole du Bloc québécois en matière de logement. On a donné beaucoup de chiffres, et c'est bien de le faire. Certaines personnes appellent à mon bureau pour parler du problème du logement à Longueuil. On a aussi les chiffres pour Montréal.
Longueuil est la cinquième agglomération en importance au Québec. À Longueuil seulement, 2 000 personnes sont en attente d’une habitation à loyer modique, ou HLM. À Montréal, il y a 23 000 personnes sur la liste d'attente. En ce moment, au Québec, il y a entre 40 000 et 50 000 personnes en attente d’un HLM. La crise du logement est très grave. J'ai donné des chiffres, mais il ne faut pas oublier les gens derrière ces chiffres.
Madame Laflamme, comme on le sait, le FRAPRU est très près de divers organismes situés un peu partout sur le territoire. J'aimerais aller au-delà des chiffres. Pouvez-vous nous parler brièvement de l’impact de l’augmentation des loyers et de la rareté du loyer, particulièrement depuis les dernières années?
Tout d'abord, vous avez raison de dire, monsieur Trudel, que, derrière les chiffres, il y a des conséquences humaines. Or elles sont désastreuses. On reçoit des témoignages tous les jours et toutes les semaines de locataires de partout au Québec qui vivent les conséquences de cette crise du logement et qui ne réussissent pas à trouver des logements qu'ils sont capables de payer. Tout à l'heure, j'ai donné quelques chiffres sur le nombre de ménages locataires qui, déjà avant les hausses récentes, consacraient plus de la moitié de leur revenu pour se loger.
Les gens doivent avoir recours aux banques alimentaires et réduire leurs dépenses pour des besoins essentiels tels que se vêtir, manger et habiller les enfants. Ils doivent couper leur consommation d'hydro-électricité lors de grands froids tels que ceux que nous vivons actuellement. Cela a des conséquences importantes et on sent de la détresse chez les ménages locataires.
Il faut dire que la crise du logement et la hausse du prix des loyers ont aussi des conséquences extrêmes. Au Québec, le 1er juillet est la journée du déménagement, parce que la plupart des baux se terminent à cette date. Cela nous permet de voir concrètement les effets de la crise du logement. Cette année, au lendemain du 1er juillet, plus de 500 ménages locataires du Québec n'avaient pas réussi à signer un nouveau bail. Une part importante de ces ménages avaient perdu leur logement, non pas par choix, mais parce qu'ils avaient subi des « rénovictions » ou d'autres évictions frauduleuses.
Actuellement, on voit que des stratagèmes sont utilisés pour augmenter le prix des loyers, souvent par de nouveaux propriétaires, dont de plus en plus de sociétés d'investissements. On voit maintenant des multinationales, comme Akelius, connue pour avoir contribué à l'explosion du coût des loyers dans plusieurs villes européennes et qui achète maintenant des logements au Canada. Des stratagèmes sont utilisés pour se débarrasser des ménages locataires qui payaient un loyer encore abordable. On contourne donc la loi et on procède à des évictions frauduleuses sous différents prétextes, dont les « rénovictions ». Ces ménages, qui n'avaient pas de problèmes, sont maintenant aux prises avec des problèmes parce qu'ils ne trouvent pas de logement qu'ils sont capables de payer.
Comme je le disais tout à l'heure, les taux d'inoccupation sont très bas. Or, même à Montréal, où les taux d'inoccupation ont augmenté durant la pandémie en raison de la baisse du tourisme et de l'immigration, notamment, le nombre de ménages locataires qui n'ont pas réussi à se loger a été extrêmement important. À la mi-juillet, on parlait de 200 ménages locataires. À l'heure actuelle, tous ces ménages ne sont pas encore relogés et certains d'entre eux sont hébergés par la Ville. Il faut donc dire que les effets de la crise sont très concrets. On parle de détresse humaine, mais aussi d'une augmentation de l'itinérance, visible ou cachée. Cela a des conséquences très importantes. Cela engendre des coûts sociaux, mais également des coûts financiers qui sont beaucoup plus importants qu'ils ne le seraient si l'on choisissait d'investir dans le logement social.
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C'est très intéressant.
Le gouvernement dit qu'il fait quelque chose, car il a lancé en 2017 la Stratégie nationale sur le logement dans laquelle il investit 72 milliards de dollars sur 10 ans. Il existe quand même une confusion. Les ministres ne se gênent pas pour dire, à Ottawa et dans les journaux, qu'ils mettent sur pied des programmes qui permettent de loger les gens à coût abordable. C'est un peu le but de la Stratégie que le gouvernement a lancée. Or, on sait que lorsque la Stratégie a été lancée en 2017, cela faisait 30 ans que le gouvernement avait arrêté d'investir dans ce domaine.
Le FRAPRU a fait une étude qui démontre que, si le gouvernement avait continué d'investir comme il l'avait fait dans les années 1960, 1970 et 1980, 80 000 logements sociaux auraient pu être construits.
Par ailleurs, il existe une confusion entre les termes « abordable » et « social ». Entre autres, le gouvernement affirme qu'il offre des logements abordables par le truchement des programmes de co-investissement et de l'initiative pour du logement locatif.
Le gouvernement dépense des millions de dollars en disant qu'il offre des logements abordables, qu'il loge des gens à moindre coût, mais ce n'est pas ce qui arrive dans les faits.
Pourriez-vous nous en parler?
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C'est une excellente question.
Je parlerai tout de suite des définitions de logement « abordable » et de logement « social », parce que c'est crucial.
Je voudrais insister sur le fait que, effectivement, le retrait du gouvernement fédéral du financement du logement social a contribué à cette pénurie de logements sociaux, qui est constatée non seulement au Québec, mais partout au Canada.
D'ailleurs, le plus récent rapport du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'Organisation des Nations unies constatait une pénurie de logements sociaux au Canada. Cela contribue à cette crise, parce qu'il n'y a pas de solution de rechange pour les ménages qui ne peuvent plus payer le coût des loyers sur le marché privé. Si on ne paie pas son loyer, on se fait évincer, et on n'a pas d'autre endroit où aller, parce que les logements disponibles sont encore plus chers. C'est une spirale. L'insuffisance de logements sociaux contribue à cette crise du logement qui, elle-même, alimente la crise de l'itinérance.
Pour ce qui est du logement abordable, nous avons toujours déploré cette approche, qui est malheureusement arrivée d'Ottawa, non seulement sous le présent gouvernement, mais aussi à la suite de son retrait du financement du logement social. Quand Ottawa s'est mis à parler de logements abordables dans ses programmes, cela a toujours créé une confusion parce que, dans certains cas, les programmes permettaient le financement de logements sociaux, mais aussi, dans d'autres cas, ils permettaient le financement de logements sur le marché privé.
En théorie, on peut évaluer l'abordabilité en fonction de la capacité de payer des ménages...
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Je vous remercie, monsieur le président et monsieur Blaikie.
Oui, c'est un excellent point. Si nous examinons de plus près les critères d'abordabilité établis dans les fonds d'immobilisations de la Stratégie nationale sur le logement — par exemple, l'initiative Financement de la construction de logements locatifs, que j'ai déjà mentionnée —, seulement 20 % des unités affichent un prix correspondant à 30 % du revenu familial médian — et non du revenu individuel —, et ce, seulement pour 10 ans. Cela ne les rend pas abordables de façon permanente. Nous savons que ce prix dépasse de loin ce qui est abordable pour la plupart des personnes à faible revenu, et même pour les personnes à revenu moyen, et qu'il ne s'agit pas non plus d'un grand pourcentage d'unités. D'ailleurs, le Fonds national de co‑investissement pour le logement a des critères très semblables.
Ce sont les programmes les plus importants et les plus coûteux de la Stratégie nationale sur le logement. Si nous voulons que cette stratégie s'attaque réellement à la pénurie de logements au Canada, il faudrait la doter de lignes directrices plus rigoureuses et permanentes en matière d'abordabilité dont la durée d'application dépasse de loin les 10 ans. Il faudrait également que certains fonds soient réservés pour les logements sociaux, afin que ce financement ne retourne pas aux fiducies de placement immobilier et aux immeubles très coûteux qui, dans certains cas, ne sont réellement abordables que pour environ 10 % de la population.
Je pense que cela répond à votre question.
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Oui, je vous remercie grandement de m’offrir l’occasion d'en parler.
Nous sommes du même avis en ce qui a trait aux logements dits abordables: comme l'a mentionné ma collègue, ces logements ne sont pas vraiment abordables. Ils sont notamment financés par l'initiative Financement de la construction de logements locatifs. Parfois, le loyer peut être de 2 000 $. Ces habitations sont financées par le gouvernement, mais elles ne sont pas abordables pour les ménages ayant un besoin impérieux de logement.
Je pourrais fournir d’autres exemples d’initiatives destinées d’abord au marché privé, puisque cela a été documenté par le directeur parlementaire du budget.
La solution que nous proposons est la suivante: il faut s'assurer de financer des programmes sur le logement hors marché privé et s'assurer que toutes les initiatives donnent la priorité au logement social au lieu du logement dit abordable.
Le logement social peut être du logement public développé par les municipalités, par exemple. Au Québec, ce sont les offices municipaux d’habitation qui le font, mais cela peut être fait de différentes manières. Il peut aussi s’agir de logements coopératifs ou de logements développés par des organismes sans but lucratif. L’avantage de ce type de logement est le suivant: si les programmes sont financés de façon adéquate, le loyer des locataires à faible revenu sera fixé en fonction de leur revenu. Ainsi, le loyer respecte leur capacité de paiement. De plus, au bout d'un certain temps, le loyer payé par les autres locataires va tendre à se distancer, à la baisse, des loyers du marché environnant, ce qui est le contraire de l'effet inflationniste que l'on observe dans les constructions du marché privé.
Nous pensons que c'est le cœur de la solution.
Je vous remercie de votre question.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite évidemment trouver des solutions au problème de l'inflation dans le domaine du logement plutôt qu'inventer de petits sobriquets jolis, mais inutiles.
Messieurs Cross et Perrault, vous avez tous deux affirmé que la base du problème est l’augmentation démographique liée à l’immigration. Dans certains endroits du pays, il y a plus d’immigration et il y a donc plus de demandes liées au logement. Cela relève des politiques fédérales, mais la politique visant à augmenter l’offre de logements sur le marché relève du volet municipal. Récemment, notre a annoncé qu'un sommet se tiendra le mois prochain entre le niveau fédéral, le niveau provincial et le niveau municipal. L’important, c’est de coordonner nos politiques pour nous assurer que le niveau municipal pourra créer davantage de logements.
Mes premières questions s'adressent à M. Perrault.
Quel conseil pourriez-vous nous donner en lien avec ce sommet? Quels obstacles empêchent le secteur municipal de créer l'offre dont les Canadiens ont besoin?
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C’est une très bonne question. Si l'on avait une réponse facile, on aurait réglé le problème ou, du moins, on aurait eu des pistes de solution au cours des dernières années.
À la base, je pense que le problème se situe largement sur le plan politique. Comme vous l’avez indiqué, c’est le gouvernement qui détermine le nombre de personnes qui entrent au pays. Toutefois, au bout du compte, ce sont les villes, et plus particulièrement les conseils municipaux, qui ont un grand pouvoir sur les lieux où ces gens vont être placés et sur la façon de les aider dans les villes. Il faut trouver une façon de changer la structure des incitatifs pour que les intérêts de ces conseillers et des gens qui habitent dans les villes soient plus ou moins conformes aux intérêts du gouvernement fédéral, donc aux intérêts nationaux.
La solution réside peut-être sur le plan du transfert des importants incitatifs financiers vers les Villes. Différentes choses peuvent être faites pour essayer d’équilibrer les incitatifs. Selon moi, c'est là que se trouve la source du problème. Qu’on le veuille ou non, le syndrome du « pas dans ma cour » est un facteur particulièrement puissant qui freine un peu le développement immobilier. Au fond, on se retrouve avec moins de logements, et les locataires comme les propriétaires paient tous plus cher.
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Je suis désolé. Votre écran a gelé pendant quelques secondes.
Avant d'aborder les recommandations, j'aimerais ajouter que la situation est encore plus complexe que nous l'avions décrite jusqu'à présent, et ce, à cause de la pandémie. Vous avez peut-être remarqué que La Presse et d'autres journaux ont abondamment parlé du fait que la population de nos grands centres urbains, notamment Montréal, a fortement diminué pendant la pandémie. En effet, les gens déménagent à Terrebonne et dans d'autres régions à l'extérieur de nos grands centres urbains. Bref, un autre facteur qui vient perturber davantage l'équilibre entre l'offre et la demande, c'est que la demande a encore changé sur le plan géographique au cours de la dernière année, ce qui complique encore plus les choses.
Quelles sont mes recommandations? Peu importe ce qu'on décidera de faire, il faudra des années pour résoudre le problème de l'offre. Comme l'a dit M. Moranis, on prévoit un énorme déficit structurel. En effet, au rythme auquel progresse actuellement la construction, il faudra une décennie pour commencer à résoudre ce problème, et il n'y aura pas de solution facile. Peut-être qu'au lieu de mettre l'accent sur l'offre, comme on le fait actuellement, on devrait envisager de freiner la demande, ainsi que l'immigration. À quoi bon autoriser des immigrants à entrer au pays s'il n'y a pas de place pour les loger?
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Merci, monsieur le président.
Madame Laflamme, je vous remercie de la réponse que vous m'avez donnée plus tôt.
Mme Raza et vous avez très bien démontré que le gouvernement investit de l'argent supposément pour créer des logements abordables, alors que, en réalité, non seulement il ne loge pas les gens les plus vulnérables, mais il contribue à faire augmenter les prix courants. Cela n'a aucun sens.
Il y a deux ans, le gouvernement a tout de même lancé l'Initiative pour la création rapide du logement, ou ICRL. Ce programme n'est pas inintéressant en soi. Le financement initial s'élevait à 1 milliard de dollars, et, par la suite, on investissait un montant supplémentaire de 1,5 milliard de dollars. Une des caractéristiques intéressantes de ce programme, c'est qu'il permettait la création rapide de logements.
Madame Laflamme, comme vous le savez, dans le cadre des programmes en matière de logements sociaux, des fédérations et des coopératives, cela peut prendre cinq, sept, huit, ou douze ans pour construire les logements.
Pensez-vous que l'ICRL est un bon programme, que l'on devrait le mettre en avant et le financer davantage? Sinon, quelles sont les solutions pour construire rapidement des logements sociaux au Québec et au Canada?
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Je vous remercie de votre question.
L'Initiative pour la création rapide du logement se distingue effectivement des autres programmes de la Stratégie nationale sur le logement, car c'est le seul programme dont les exigences d'abordabilité sont basées clairement sur la capacité de payer des locataires, et non sur les prix courants, ce qui ne fonctionne pas, comme on l'a vu précédemment.
De plus, cette initiative est réservée aux promoteurs publics ou sans but lucratif. C'est donc la seule qui est clairement orientée vers des logements qui sont hors marché privé et qui sont réellement abordables. Pour nous, c'est une bonne initiative. Elle est appréciée un peu partout au Québec et au Canada parce qu'elle finance 100 % des coûts de réalisation, ce qui permet d'aller beaucoup plus vite que lorsqu'on est obligé de faire des montages financiers complexes.
Par contre, c'est la seule initiative qui n'est pas récurrente et pour laquelle on n'a pas annoncé un financement sur 10 ans. Il y a eu une phase 1 et une phase 2, et c'est tout. Alors que c'est la seule initiative qui est clairement destinée à des logements hors marché privé et qui vise les personnes les plus vulnérables, il n'y a pas de continuité dans ce programme, contrairement aux autres initiatives. Il serait donc souhaitable que ce programme devienne récurrent.
D'autre part, il manque l'aide à la personne. Par exemple, au Québec, le gouvernement doit payer le supplément au loyer pour aider les locataires à faible revenu, qui ont souvent besoin d'un soutien pour payer le loyer, et ce, même si les coûts de réalisation sont couverts. Le Québec doit aussi assumer le soutien communautaire, parce que ce programme est destiné aux personnes en situation d'itinérance ou en situation de très grande vulnérabilité, comme les locataires aînés ou encore les Autochtones vivant en milieu urbain. Souvent, un soutien communautaire est également nécessaire, et cela n'est pas financé par Ottawa. Il s'agit donc d'une lacune qu'il faudrait corriger.
Comme je le disais, cette initiative est destinée aux personnes en situation de grande vulnérabilité. On a vu que, parmi les ménages locataires du Québec et du Canada qui ont des besoins impérieux de logement, il y a des ménages à revenu modeste dont le seul problème est d'avoir un revenu insuffisant pour payer le loyer. Il faut donc des logements sociaux et communautaires pour ces personnes également. Il est nécessaire d'accorder du financement à d'autres programmes. Cela peut se faire, par exemple, par l'augmentation des transferts aux provinces...
Monsieur Perrault, j'aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé dans votre déclaration, c'est‑à‑dire la mesure dans laquelle les faibles taux d'intérêt, surtout dans un contexte inflationniste, encouragent certains types d'investissements dans le marché de l'habitation. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'à votre avis, les taux d'intérêt doivent remonter, afin de contrer certains de ces incitatifs.
Avez-vous une idée du niveau que doivent atteindre les taux d'intérêt pour accomplir cela? Selon vous, quelles seraient les répercussions d'une telle initiative sur les personnes qui possèdent actuellement une maison et qui se sont endettées jusqu'au cou pour acquérir cette maison? Quelles seraient les répercussions sur l'économie canadienne?
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Je vous remercie de votre question, monsieur Blaikie.
Il faut soulever quelques points pour répondre à cette question. Nous pensons effectivement que les taux d'intérêt doivent augmenter, mais surtout pour tenter de ramener l'inflation dans la fourchette des objectifs de la Banque du Canada. C'est le facteur déterminant en ce moment. Bien entendu, en augmentant les taux d'intérêt, on ralentit en principe le marché du logement. Cela ne fait aucun doute.
L'une des façons de réfléchir à la direction que doivent emprunter les taux d'intérêt, c'est… Nous estimons que le taux neutre pour la Banque du Canada est d'environ 2,5 %. Actuellement, ces taux sont à 25 points de base, et il est nécessaire d'avoir au moins 200 points de base ou de resserrer les taux de 2 %, dans notre cadre, pour que la Banque du Canada n'appuie plus sur l'accélérateur, en quelque sorte, et qu'elle soit juste au point mort, sans appuyer sur les freins non plus. Il faut donc envisager environ 200 points de base juste pour se rapprocher de l'équilibre.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui de façon virtuelle.
Monsieur Cross, vous êtes actuellement avec l'Institut Macdonald-Laurier, mais vous avez mentionné que vous avez été analyste économique en chef à Statistique Canada pendant plusieurs années.
À toutes les étapes du cycle économique, nous avons vu le gouvernement fédéral effectuer des dépenses et la banque centrale maintenir des taux d'intérêt artificiellement bas. Vous avez même fait référence à la réduction surprise des taux d'intérêt en 2015, alors que l'économie avait un taux de chômage record et que les choses allaient bien. Nous profitions de la croissance économique, nous avions un taux de chômage record et nous dépensions de l'argent.
Le gouvernement aime parler d'une croissance du PIB vraiment forte au troisième trimestre, avec des perspectives optimistes pour l'année prochaine. Pensez-vous que l'économie a besoin de dépenses publiques supplémentaires à ce stade?
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Merci, monsieur le président.
J'écoute avec grand intérêt ces échanges au sujet du logement et de l'économie. Il y a une chose que nous ne devons pas perdre de vue. La pandémie nous a frappés très soudainement. Des décisions ont dû être prises sans tarder, car il y avait un sentiment d'urgence. Bien des gens avaient de la difficulté à assurer leur subsistance. Ils étaient nombreux à être en chômage. Les obstacles se multipliaient pour les familles; il fallait répondre à leurs besoins essentiels. Le gouvernement avait peu de temps pour réagir, et il est intervenu avec vigueur et pertinence. Comme nous avons pu le constater avec le projet de loi , les investissements ont depuis été réduits et davantage ciblés en fonction des priorités que le gouvernement s'est maintenant données.
Je vous rappelle que dans les années précédant la pandémie, l'inflation s'est maintenue à un niveau relativement stable au Canada en se rapprochant de l'objectif établi à 2 %. Comme l'indiquait Trevor Tombe, professeur au département d'économie de l'université de Calgary:
La pandémie n'a pas été seulement une crise de santé publique; elle a aussi déclenché la plus forte contraction économique de l'histoire canadienne. Il faut toutefois constater que la vigueur de la reprise depuis ces premiers mois difficiles est tout simplement remarquable.
J'aimerais que M. Perrault nous parle des répercussions qui auraient pu se faire sentir au sein de notre économie, y compris dans le secteur du logement, si nous n'avions pas consenti ces investissements.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais d'abord énoncer quelques faits. Quelqu'un a demandé tout à l'heure pourquoi on ne s'attaquait pas simplement au problème de la demande en ralentissant l'immigration. J'aurais trois commentaires à ce sujet.
Comme nous le savons tous, l'immigration est essentielle à la croissance économique du Canada. Il en a toujours été ainsi parce que nous devons composer avec d'énormes enjeux démographiques compte tenu du grand nombre de personnes qui prennent leur retraite et de notre très faible taux de natalité. Notre pays connaît une pénurie de main-d'œuvre qui est particulièrement criante à l'heure actuelle. Il faut vraiment que nous continuions à stimuler la demande. Je tenais à le souligner.
On est aussi intervenu en faveur d'un soutien plus ciblé, plutôt que généralisé, pendant la pandémie. Dès l'été dernier — soit avant le projet de loi —, nous avons commencé à mieux cibler notre soutien. Nous l'avons fait de manière très délibérée. Nous avons continué de le faire depuis.
Je veux par ailleurs souligner que la cote de crédit AAA du Canada a été confirmée à l'échelle internationale, même après la présentation de notre énoncé économique de l'automne. À mes yeux, cela témoigne du degré de confiance envers nos engagements de dépenses et les mesures que nous proposons pour aider notre économie à sortir de la pandémie.
Monsieur Perrault, ma première question sera pour vous. Certains affirment que les efforts déployés par le gouvernement depuis deux ans et demi pour répondre à la situation d'urgence et appuyer l'économie canadienne sont à l'origine de la crise du logement et de la bulle immobilière que nous connaissons actuellement.
Ne voyez-vous pas dans cette inflation immobilière, et je pourrais même dire dans la crise actuelle, un problème dont l'origine remonte à 30 ou 40 ans? La situation est attribuable à différents facteurs comme la modification des règles fiscales, le manque de coordination des efforts entre les trois ordres de gouvernement et l'absence d'une véritable stratégie nationale en matière de logement. Ne seriez-vous pas du même avis?
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Merci, monsieur le président.
Madame Laflamme, on a établi que le gouvernement investissait de l'argent, mais que cela ne permettait pas de loger les personnes les plus vulnérables
Nous avons parlé de l'Initiative pour la création rapide de logements, l'ICRL. En fait, ce programme a permis de révéler l'ampleur de la catastrophe, l'ampleur de la crise du logement. En effet, dans le premier volet de l'ICRL, un financement de 1 milliard de dollars était disponible. Or les projets déposés totalisaient 4 milliards de dollars. Pour sa part, la Fédération canadienne des municipalités à elle seule demandait 7 milliards de dollars à ce même programme.
Dans ma circonscription, Longueuil—Saint‑Hubert, l'organisme Le Repas du Passant donne des repas tous les jours. Cet organisme a un projet de mixité sociale extraordinaire: 30 portes en santé mentale, 30 portes en itinérance et des portes pour les aînés. C'est un projet extraordinaire. Les représentants de la table des élus, à Longueuil, m'ont demandé pourquoi ce projet ne voyait pas le jour. Je leur ai répondu qu'il n'y avait pas assez d'argent. Aujourd'hui, nous avons établi que le fédéral investit une grande partie des fonds afin de construire des logements abordables, qui ne le sont pas vraiment. Cela ne fait qu'enrichir les plus riches. Or il faut s'occuper des personnes les plus vulnérables.
Madame Laflamme, y a-t-il moyen d'envoyer aux organismes sur le terrain l'argent qui sert à la construction de logements dits abordables? Ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait envoyer de l'argent aux organismes qui sont au fait des besoins. Cela pourrait permettre de sortir des appartements du marché privé pour assurer une pérennité sur le plan de l'abordabilité du logement.
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Tout à fait. D'ailleurs, cela fait partie de la solution.
Aujourd'hui, nous parlons de l'offre. Selon nous, il faut faire attention, car ce ne sont pas toutes les offres qui permettent de répondre aux besoins, notamment aux besoins les plus urgents.
Au Québec, notamment à Montréal, l'intensification de la construction de logements locatifs est surtout due aux importants promoteurs immobiliers qui offrent de très petits appartements à un prix très élevé. Ces logements conviennent rarement aux grandes familles. Cela n'a pas réglé le problème, puisque certains ménages locataires sont toujours sans logis malgré l'importante offre de logements neufs.
Il faut investir davantage dans l'Initiative pour la création rapide de logements, l'ICRL. Il faut investir davantage dans les programmes qui financent des logements hors marché privé. L'ICRL a démontré les besoins. Comme on a pu le constater, il y a eu trop de projets comparativement aux fonds disponibles. Cela illustre effectivement l'importance de tels programmes. Ces programmes permettent de répondre rapidement aux besoins, grâce à des logements qui vont demeurer réellement abordables.
Pour ce qui est du logement social et communautaire, l'important, c'est le financement de logements qui vont réellement demeurer abordables et qui vont avoir un effet structurant sur les communautés. Il ne faut pas répondre à une logique spéculative, comme cela se fait quand on se base sur le marché privé.
Vous avez posé une question portant sur l'acquisition par les organismes sans but lucratif...
Les représentants de la SCHL nous ont dit une chose intéressante l'autre jour. Dans les décennies qui ont précédé l'annulation de la politique nationale sur le logement par le gouvernement libéral aux environs de 1995, la SCHL a contribué à mettre annuellement de 20 000 à 30 000 logements sociaux à la disposition des Canadiens. Même en utilisant le moins élevé de ces deux nombres, 20 000, et en le multipliant par les 25 années qui se sont écoulées depuis, on obtient quelque 500 000 logements sociaux et abordables qui n'ont jamais été construits. Ce total correspond à certaines des estimations que l'on entend relativement au nombre de logements qui serait nécessaire pour nous sortir de la crise actuelle.
Je m'adresse d'abord à Mme Raza. Lorsqu'il est question de construire des logements sociaux, il arrive que des gens se disent que cela ne change rien pour eux, car ils ne se retrouveront jamais dans un tel logement. Nous savons toutefois que l'aide apportée à ceux et celles qui se situent à l'une des extrémités du continuum du logement peut aussi être bénéfique pour tous les autres.
Pourriez-vous utiliser le temps qu'il me reste pour nous parler de la situation générale du logement en nous indiquant comment les investissements en logement social peuvent vraiment être profitables pour l'ensemble du marché immobilier?
Vous soulevez une question importante. Comme je l'ai déjà dit, nous disposons de beaucoup moins de logements sociaux que les autres pays de l'OCDE, qui sont comparables au Canada. Notre taux est d'environ 4 % du parc de logements; la moyenne est de 7 %. Certains pays, comme le Royaume-Uni, sont à 17 %. L'écart est énorme et il est indubitablement attribuable à un manque d'investissement dans les dernières décennies.
Ce que vous dites est vrai. Par exemple, il y a actuellement un gros problème d'arriérés de loyer. Beaucoup de personnes à faible revenu se font expulser de leur logement et elles n'ont nulle part où aller. En axant davantage les programmes sur les besoins particuliers de la population, nous diminuerons la concurrence pour les logements ordinaires que tous se disputent dans le marché en surchauffe.
À l'heure actuelle, nous ne répondons pas adéquatement aux besoins particuliers de la population au moyen de la Stratégie nationale sur le logement. Oui, l'occasion est là d'investir davantage dans le logement social, mais il y a aussi nombre d'autres programmes qui sont censés servir des groupes prioritaires, par exemple les personnes à faible revenu, les Autochtones et les personnes handicapées. Cependant, personne ne collecte de données non regroupées pour déterminer si l'on répond à leurs besoins. Il n'y a pas de suivi. Prenez l'exemple de l'Initiative pour la création rapide de logements. On prétend vouloir investir 25 % des fonds consacrés à l'habitation dans des logements destinés aux femmes et aux filles; pourtant, dans les faits, seulement 5 à 10 points sur 120 vont à des projets adaptés aux besoins des femmes et des filles. Cela n'équivaut pas à 25 %.
Oui, la réponse aux besoins de groupes prioritaires particuliers comporte certainement des lacunes.
Pardon. Est‑ce que le temps est écoulé?
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Une devise forte permet de surenchérir sur des pays étrangers pour acheter des produits de base dont le prix est fixé à l'échelle internationale, comme l'énergie, les produits alimentaires, les engrais et autres. Même les produits dont le prix est fixé à l'échelle internationale changent de prix selon la valeur de la devise. La devise d'un pays qui imprime beaucoup d'argent perd de la valeur.
Je tiens aussi à souligner que des pays qui dépendent de la chaîne d'approvisionnement — comme l'île de Singapour, l'Italie, la Corée du Sud, l'Australie, la France, l'Indonésie, la Chine, la Suisse, l'Arabie saoudite et le Japon — ont tous un taux d'inflation inférieur à celui du Canada. La majorité d'entre eux ont accumulé un plus petit déficit et ont imprimé moins d'argent proportionnellement à leur économie.
Finalement, au début de l'automne, on a constaté, dans les pays du G20, une corrélation presque directe entre la croissance de la masse monétaire et l'inflation. L'inflation était plus élevée dans les pays ayant imprimé beaucoup d'argent pour financer leur déficit que dans les pays ayant imprimé moins d'argent parce que leur déficit était petit.
Monsieur Cross, n'est‑ce pas une règle économique de base que si la masse monétaire croît plus vite que l'économie, les prix augmentent?
J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Poilievre. Je crois qu'on peut avoir des opinions divergentes après avoir interprété les faits. Il n'en demeure pas moins que les faits ne mentent pas. M. Poilievre parlait de Singapour. Je vais lire un extrait du site Trading Economics:
Le taux d'inflation annuel de Singapour a atteint 4 % en décembre 2021, comparativement à 3,8 % en novembre, ce qui se situe au‑delà du consensus du marché de 3,75 %, et qui représente le plus haut taux depuis février 2013. La pression à la hausse vient principalement du coût des aliments, [...] du logement, [...] de l'hébergement, [...] des soins de santé [...]
La liste se poursuit. Donc, l'affirmation de M. Poilievre voulant que Singapour soit devenue maître dans l'art d'éviter les pressions inflationnistes est, de toute évidence, erronée.
Au sujet de la Suisse, dont a également parlé M. Poilievre, la chaîne BNN Bloomberg dit ceci:
L'augmentation du prix des propriétés signifie que le marché des propriétés résidentielles de la Suisse s'apparente à une bulle, selon les chiffres de UBS Group AG.
L'indice suisse de bulle immobilière, publié par UBS, a atteint 1,90 point au cours du deuxième trimestre. Le coût des logements résidentiels a connu sa plus importante hausse en huit ans au cours de cette période, selon la banque. La croissance des hypothèques s'est aussi accélérée.
Je voulais m'assurer que nous nous fondions sur des faits, puisque nous nous prononçons sur ce qui se passe ailleurs dans le monde, comparativement à ce qui se passe ici, au Canada.
Monsieur Moranis, j'aimerais revenir à vous, si vous me le permettez. J'ai écouté avec intérêt votre discours préliminaire. Vous avez dit que la principale cause de l'augmentation du prix des logements au Canada était l'offre insuffisante. Est‑ce que j'ai bien compris?
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Oui. Nous avons dit que l'un des principaux facteurs contributifs était l'offre insuffisante.
J'aimerais ajouter que le système commercial qui permet aux Canadiens d'acheter et de vendre des propriétés contribue également à l'inflation des prix, en grande partie. L'année dernière, au sujet des services d'inscriptions multiples — qui sont principalement offerts par des clubs privés, à l'échelle provinciale ou locale —, qui vont à l'encontre... Le a fait un bon coup lorsqu'il a dit qu'il voulait — et c'est peut-être une mesure extrême — criminaliser les offres à l'aveugle associées à des offres multiples. Le commerce est régi par les provinces, mais la semaine dernière à Toronto, par exemple, les propriétaires d'une maison à vendre ont reçu 65 offres. Plus de 70 % de toutes les propriétés se vendent au‑delà du prix demandé. On ne ferait pas une offre au‑dessus du prix demandé s'il n'y avait pas deux offres ou plus sur une seule propriété.
L'industrie, les nombreux systèmes d'inscription immobilière et les associations provinciales — en fait — sont contre les appels d'offres ouverts aux offres multiples, ce qui est dans l'intérêt du consommateur. Pourquoi devrait‑on payer 50 000 ou 100 000 $ de plus que la deuxième meilleure offre pour une propriété? C'est insensé.
Que l'industrie devienne une société d'État ou un service d'inscriptions multiples géré par l'organisme de réglementation provincial... Le système est complètement détraqué. Il contribue à l'inflation des prix des propriétés à revente individuelle, qui représentent de 70 à 80 % de toutes les propriétés résidentielles détenues par des Canadiens vendues chaque année.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais souligner qu'au Canada — et je crois que tous les témoins en ont parlé clairement —, l'inflation immobilière est d'origine intérieure. Selon Bloomberg, le Canada compte la deuxième plus grosse bulle immobilière du monde. La famille moyenne doit consacrer les deux tiers de ses revenus bruts aux paiements mensuels d'une maison moyenne de Toronto ou de Vancouver. Ainsi, selon les calculs de Demographia, ces villes se retrouvent au cinquième et deuxième rangs des marchés immobiliers les moins abordables.
Je regarde les documents que nous recevons. Je vois qu'il y a un réel déficit ici. Selon les données, nous avons besoin de 1,8 million de ménages de plus au Canada.
Monsieur Perrault, je vais vous poser une question. J'ai participé à une conférence sur le logement que vous avez animée il y a un certain temps, où vous avez fait valoir que 72 % des Canadiens étaient propriétaires de leur maison. C'était une très bonne chose, mais vous avez ensuite conclu qu'il fallait plus de logements locatifs au Canada.
J'aimerais vous parler de la réalité du centre-ville de Calgary, où le taux d'inoccupation des logements locatifs est supérieur à 10 %. De plus en plus de tours sont construites, mais on ne sait pas trop d'où vient l'argent. C'est ce qui se passe ici. Nous n'avons pas de pénurie de logements; nous avons une pénurie d'un certain type de logements: les maisons unifamiliales.
Si la solution est de construire plus de logements, mais que nous consacrons tout cet argent — et les ressources restreintes — à la construction d'un produit qui devra franchir toutes sortes d'obstacles — y compris les obstacles gouvernementaux —, n'allons-nous pas contribuer à l'augmentation de l'inflation immobilière?
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Merci de soulever ce point.
Comme nous en avons parlé, j'estime qu'il y a assurément pénurie de logements sociaux. Nous voyons aussi une pénurie de maisons individuelles. Je vous dirais que nous constatons bien la tendance à laquelle on a fait allusion, soit le surdéveloppement des copropriétés au détriment des maisons individuelles. Beaucoup de nos partenaires communautaires ont souligné, par exemple, qu'une famille de sept nouveaux arrivants peut s'entasser dans une copropriété d'une chambre. On le constate chez les gens qui louent leur logement et doivent consacrer plus de 30 % de leur revenu pour se loger, toute la famille vivant dans un appartement à une chambre.
Je suis persuadée que le type d'offre est un problème majeur. Je le répète, c'est pour cette raison que l'on a tendance à recourir aux lignes directrices sur les droits de la personne. Aussi naïvement farfelu que cela puisse vous paraître, il s'agit avant tout de cerner les besoins et de construire du logement en conséquence, puis d'élaborer des lignes directrices et des critères pour ce logement de sorte à répondre directement aux besoins établis.
Je voudrais revenir à Mme Laflamme, qui pourrait nous dire si le plan visant à gérer l'offre et la demande et à assurer l'équité en matière de logement est sur la bonne voie.
Nous avons récemment annoncé 4 milliards de dollars pour éliminer les obstacles en matière d'approvisionnement au niveau municipal afin de construire plus de logements plus rapidement. Il s'agit du Fonds pour accélérer les logements. Selon ce que j'ai compris en écoutant parler M. Perrault, il est important d'aider les municipalités à construire plus de logements.
Nous avons aussi annoncé 2,7 milliards de dollars pour aider les promoteurs de logements abordables à acquérir des terrains et des immeubles, entre autres pour étendre le modèle coopératif.
Nous avons aussi mis en œuvre un incitatif à l'achat d'une première maison. Nous avons annoncé que nous allions offrir un allégement. Mme Laflamme ou Mme Raza a mentionné qu'il était difficile pour les jeunes de s'acheter une maison.
Il existe aussi un programme de location avec option d'achat. Évidemment, des mesures sont en place pour éviter la spéculation. On parle d'une taxe anti-opérations immobilières de vente-achat sur les propriétés résidentielles exigeant que les propriétaires conservent leurs propriétés pendant au moins 12 mois afin de diminuer la spéculation sur le marché.
Ces mesures peuvent-elles contribuer à régler les problèmes que vous avez soulevés?
Je pose la question à Mme Laflamme et à Mme Raza.
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Je vous remercie de cette question, qui est pertinente et qui est au centre des discussions que nous avons présentement sur la hausse du coût du logement et sur l'aide pour les locataires ayant des besoins impérieux de logement. Ceux-ci sont, en théorie, les premiers visés par la Stratégie nationale sur le logement et par les nouvelles annonces relatives aux mesures d'aide à l'accès à la propriété. Ce sont deux questions différentes qui ont des répercussions l'une sur l'autre.
Or il faut avoir une vue d'ensemble pour s'assurer qu'on ne néglige pas les besoins plus urgents. Nous avons l'impression que les annonces qui ont été faites depuis la campagne électorale ne sont axées que sur l'accès à la propriété et qu'on est en train d'oublier les nombreux ménages qui ont des besoins impérieux de logement, selon Statistique Canada. Comme je l'ai dit tantôt, il s'agit de 1,2 million de ménages partout au Canada, et ce nombre remonte à avant la pandémie. Les nouveaux programmes n'aident pas ces gens, qui, dans l'ensemble du Canada, ont un revenu de moins de 25 000 $ et ne peuvent donc pas accéder à la propriété.
Cela dit, il faut aussi garder en tête le fait que, quand on favorise l'accès à la propriété, ce n'est pas toujours simple. En effet, cela peut parfois avoir un effet domino. Par exemple, lorsque des gens achètent un duplex et reprennent possession du logement, ils chassent des locataires. Cela cause des problèmes à ces locataires, qui n'en avaient pas.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais répondre à Mme Chatel. Elle parlait de l'Incitatif à l’achat d’une première propriété. Je ne sais pas si elle est au courant, mais ce programme gouvernemental a été une catastrophe.
Ce programme comportait un financement de millions de dollars, mais les critères étaient beaucoup trop restrictifs. D'ailleurs, je pense qu'on les a changés. Or ce programme n'a pas été utilisé. C'était un fonds dans lequel il y avait des millions de dollars — je ne sais pas quel était le montant exact. Après trois ans, seulement 10 ou 12 % de tout l'argent avaient été utilisés sur les 10 ans prévus. Les critères sont trop restrictifs. Il faut les revoir, car cela ne fonctionne pas du tout.
Comme Mme Laflamme l'a mentionné, ce n'est pas le principal problème que l'on vit en ce moment. J'aimerais d'ailleurs que nous revenions à Mme Laflamme, parce que nous avons manqué de temps. Je dis toujours que, au Parlement, nous manquons de temps pour parler des choses les plus importantes.
Nous sommes en train d'aborder la question des fonds d'acquisition. Il y a deux ans et demi, il aurait été fou de penser qu'on verserait 400 milliards de dollars dans le système pour faire face à une crise sanitaire. Tout le monde aurait dit que cela n'avait aucun sens et qu'on n'y arriverait pas. Pourtant, on l'a fait, parce qu'il y avait une crise majeure.
Présentement, il y a une crise du logement majeure. On manque de logements pour les plus vulnérables. C'est le problème auquel on fait face. Au Bloc québécois, nous proposons de prendre le montant qui sert à faire des logements abordables et à enrichir des propriétaires et de le remettre dans le système, aux gens qui construisent des logements près des besoins des gens.
Mme Laflamme pourrait-elle nous parler de cela?
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C'est une demande qui est portée par des municipalités. Si je ne me trompe pas, la Fédération canadienne des municipalités porte aussi cette demande. On demande un fonds d'acquisition pour acheter des immeubles et des logements qui sont sur le marché privé et qui sont encore abordables pour les protéger de la spéculation et les sortir du marché, pour en faire des organismes sans but lucratif, des coopératives ou des logements publics.
Cela a été mentionné par Mme Chatel, mais, à ma connaissance, ce fonds n'a pas encore été annoncé. Cela répondrait effectivement à des besoins importants, mais il faut s'assurer que ce fonds est destiné à des logements qui sont sur le marché privé. Cela contribuerait également à lutter contre la financiarisation du logement afin d'éviter que des grands fonds d'investissement aient accès à des logements. Sortir de la logique spéculative nous permet de placer le droit au logement au cœur de nos interventions. Cependant, si l'on veut que l'effet soit rapide, il faudrait investir des montants importants. Cela se fait déjà au Québec. Des petites municipalités, et même Montréal, ont commencé à le faire. Sans leviers financiers importants en provenance des gouvernements supérieurs, cela ne peut avoir un effet aussi grand.
Si on avait fait cela avant, des centaines de logements auraient pu être protégés et l'effritement du parc de logements locatifs privés, qui sont encore accessibles pour la moyenne des ménages locataires, aurait pu être évité.
C'est une autre piste de solutions. On demande effectivement de prendre toutes les sommes destinées à l'abordabilité du logement pour les consacrer aux logements hors marché privé.
Madame Raza, dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné l'idée d'imposer des taxes qui auraient essentiellement un effet cumulatif, faute de pouvoir mieux l'expliquer, dans le cas des personnes détenant de multiples propriétés. En Nouvelle-Zélande, il n'y a pas de taxe comme telle, mais on exige, à titre de mesure dissuasive contre la possession de multiples propriétés, que l'acompte versé par les personnes qui achètent une deuxième, une troisième ou une quatrième propriété corresponde à un pourcentage progressif de sa valeur.
Je me demande si vous ne pourriez pas nous en dire plus là‑dessus, tant sur les types de taxes que vous avez proposées dans votre déclaration que sur l'initiative néo-zélandaise relative à l'acompte exigé et qui a grosso modo le même objectif.
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Beaucoup de spécialistes internationaux des droits de la personne citent la Nouvelle-Zélande, car c'est assurément un bon exemple.
Ce que je propose, honnêtement, c'est toute mesure dissuasive qui empêcherait les investisseurs de placer leur capital dans des propriétés supplémentaires. Une taxe progressive est logique. J'ai lu quantité d'articles sur des gens qui possèdent de multiples propriétés et qui estiment qu'on devrait les imposer et que la réglementation est déficiente. Ils utilisent simplement un marché qui leur permet facilement de faire d'incroyables profits très rapidement en tirant d'abord parti de la valeur nette réelle, puis en la réinvestissant.
Si nous sommes sincèrement convaincus que le logement est un droit de la personne, c'est un milieu évident où intervenir de quelque façon. Ce pourrait être sous forme de taxes. Ce pourrait être sous d'autres formes de mesures réglementaires, mais si nous voulons vraiment que chaque Canadien ait accès au logement, nous ne pouvons tout simplement pas laisser quelques personnes monopoliser les richesses et les propriétés. Que ce soit par l'intermédiaire d'une taxe ou d'un autre moyen, cela, c'est à vous de voir.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Perrault, merci d'être des nôtres aujourd'hui. Évidemment, j'aimerais remercier tous nos témoins.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des attentes en matière d'inflation. La Banque du Canada elle-même, en octobre, dans un rapport sur la politique monétaire, a déclaré que les risques d'inflation comprenaient entre autres la hausse des attentes des consommateurs et des entreprises en matière d'inflation, de même qu'une inflation par les salaires plus persistante. Selon l'enquête sur les perspectives des entreprises menées par la Banque la semaine dernière, les deux tiers des entreprises s'attendent à ce que l'inflation dépasse les 3 % au cours de la prochaine année, et 80 % des entreprises s'attendent à ce que les salaires augmentent au cours des 12 prochains mois.
Est‑ce que nous négligeons l'inflation et les attentes? L'excuse des chaînes d'approvisionnement en transition ne s'applique plus vraiment. Avez-vous d'autres remarques à faire là‑dessus?
J'ai siégé à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard. Le logement y est un problème depuis de nombreuses années en raison de la hausse de l'immigration et de la densité de la population. La situation est difficile.
À l'époque, notre gouvernement a acheté un immeuble résidentiel qui devait être converti en hôtel, puis transféré à l'Association canadienne pour la santé mentale. J'estime que, avec de la volonté, la collaboration rend bien des choses possibles.
Je souhaite maintenant poser une question à Mme Raza. Jusqu'à quel point les administrations municipales et les gouvernements provinciaux devraient-ils être responsables du logement? Dans vos efforts de revendication au Québec, quels sont les obstacles que vous avez rencontrés et dont nous pourrions tirer des leçons?
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Si j'ai bien compris, la question porte sur le rôle et les responsabilités des Villes.
C'est une grande question, parce que les Villes sont maintenant reconnues comme des gouvernements de proximité, mais elles n'ont pas les moyens financiers qu'ont les gouvernements supérieurs, c'est-à-dire les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Au Québec, il y a actuellement un débat sur la fiscalité des villes, lesquelles dépendent largement des taxes foncières. Cela nous ramène au problème de spéculation dont nous discutons aujourd'hui.
Les villes ont un rôle à jouer. Comme je le disais tout à l'heure, quand les gouvernements supérieurs ne jouent pas leur rôle, les villes peuvent mettre sur pied leurs propres programmes. On l'a vu d'ailleurs dans des villes comme Montréal par le passé. Cependant, on ne peut pas se fier d'abord aux villes pour mettre en place des programmes, parce qu'elles ont moins de moyens. C'est pour cela qu'on discute aujourd'hui du rôle du gouvernement fédéral qui, par le passé, a joué un rôle majeur en finançant des milliers de logements sociaux.
Au Québec, 8 000 logements sociaux ont été construits certaines années, alors que, actuellement, on en construit moins de 1 500 par année. Le retrait du gouvernement fédéral est au cœur de cette pénurie de logements sociaux. Les villes sont au front pour demander plus de moyens pour répondre à ces besoins, puisqu'elles sont aux premières loges de la crise du logement. Elles voient une partie de leur population vivre dans des conditions de logement épouvantables et s'appauvrir après avoir payé le loyer. Il faut donc les aider.
Les provinces ont un rôle à jouer, mais Ottawa doit rendre disponibles les moyens financiers et doit s'assurer que ces ressources financières sont envoyées d'abord là où les besoins sont les plus urgents et qu'elles servent à mettre sur pied des programmes structurants. Si les programmes ne sont pas structurants et autoportants, ce sont les villes qui, en fin de compte, risquent de se retrouver avec des problèmes à moyen terme. C'est la raison pour laquelle il faut réfléchir aux programmes qu'on finance pour s'assurer qu'ils sont structurants. Il faut qu'ils répondent aux besoins, mais ils doivent être abordables de façon pérenne.
M. Baker s'est dit en désaccord avec certains de mes faits, mais il n'en a pas contredit un seul, se contentant de présenter des faits différents.
Le membre libéral a porté à mon attention le rapport sur le secteur immobilier mondial d'UBS, affirmant qu'il fournit un exemple d'inflation immobilière élevée en Suisse. Je veux savoir ce que cette institution dit à propos du Canada dans le même rapport que M. Baker cite avec tant d'autorité. J'ai ici un passage datant d'octobre 2021, qui indique qu'en 2019, le marché s'est de nouveau enflammé quand les acheteurs ont profité de la baisse des taux hypothécaires. Les déséquilibres et la valeur des indices ont augmenté à l'avenant. Toronto se classe au deuxième rang mondial parmi toutes les villes analysées, et Vancouver est redevenue un territoire dominé par une bulle à risque.
Il a ajouté que je n'aurais pas dû indiquer que l'inflation est moins élevée à Singapour qu'au Canada. Eh bien, il se trouve que c'est un fait. M. Baker l'admet lui-même: le taux d'inflation de Singapour est de 4 %, alors que celui du Canada est de 4,8 %. Si l'explication voulant que l'inflation élevée soit attribuable à la chaîne d'approvisionnement avait du bon sens, on pourrait croire que Singapour, le territoire qui dépend le plus de la chaîne d'approvisionnement au monde, afficherait une inflation plus élevée que la nôtre. Son ratio commerce/PIB est de deux à trois fois supérieur au nôtre. Singapour doit essentiellement tout importer, y compris l'eau potable, et pourtant, elle maintient son taux d'inflation à un niveau inférieur au nôtre.
De fait, il existe une corrélation assez étroite parmi les pays membres du G20 entre les taux d'inflation et les augmentations de la masse monétaire. Cette corrélation était près d'un pour un en novembre. Plus les pays impriment d'argent, plus leur taux d'inflation est élevé.
Je m'adresserai à M. Perrault.
Vous avez indiqué qu'avec le recul, vous pensez que le gouvernement a trop dépensé pendant la pandémie. Regardons vers l'avant, alors. Si le gouvernement continue d'accumuler des déficits élevés, tout le reste étant égal, cette politique rendrait-elle l'inflation plus élevée qu'elle ne le serait sans ces déficits continuellement élevés?
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Non. On dit que les économistes ont deux côtés pour une raison, car ils aiment dire « d'un côté » ceci et « d'un autre côté » cela, mais vous vous êtes montré très direct, et c'est plein de bon sens. Quand il y a plus d'argent pour acheter moins de biens, les prix montent.
Monsieur Moranis, dans l'année précédant l'automne 2021, le volume d'argent ayant servi à l'achat de logement a crû de 200 milliards de dollars, ou de 80 %. Le volume monétaire, normalement de 250 milliards de dollars, est subitement passé à 450 milliards de dollars. Cette hausse s'est produite alors que l'économie était faible et que le PIB était encore plus bas qu'en 2019. Les salaires réels et l'immigration étaient en baisse. Tout ce qui pousse normalement l'inflation à la hausse était en baisse, et pourtant, 200 milliards de dollars supplémentaires, sortis de quelque part, ont été dépensés dans le secteur immobilier.
Laissons de côté un instant le débat sur les causes sous-jacentes des prix élevés de l'immobilier au Canada. Nous convenons tous que de l'argent a changé de main. C'est un fait. L'argent est passé du compte de l'acheteur à celui du vendeur. C'est ainsi que 200 milliards de dollars supplémentaires ont été investis dans le logement. D'où cet argent est‑il venu comme par enchantement?
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Eh bien, permettez-moi de faire référence à quelques aspects. Je commencerai à répondre, puis je céderai la parole à M. Haider.
En 2014 et 2015, l'Ontario a été le théâtre d'un projet pilote dans le cadre duquel des promoteurs proposaient des projets de réaménagement. Ils disposaient d'architectes et d'ingénieurs avec leurs sceaux, leurs approbations et leurs recommandations. Les municipalités concevaient un projet pilote, qui était rapidement lancé, et acceptaient les sceaux des ingénieurs et des architectes tant qu'ils avaient une assurance et ne refaisaient pas le travail des ingénieurs et des architectes municipaux. Le processus d'approbation a été complètement engorgé à l'échelle municipale.
En Ontario, c'était Tarion qui était responsable de l'assurance des constructeurs d'habitations. Depuis février 2021, il faut obtenir un nouveau document appelé permis de l'Office de la réglementation de la construction des logements. Cette formalité pourrait retarder les constructeurs de neuf mois à un an. Tout le monde cherche à se protéger, d'où les retards.
Il n'existe pas de solution simple, car trois ordres de gouvernement interviennent de manière autonome et indépendante. Voilà qui crée des engorgements et des obstacles incroyables.
Monsieur Haider, aidez-moi à terminer cette réponse, je vous prie.
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Je vous remercie. J'y répondrai, si vous me le permettez.
Le problème, c'est que la colère de la population est dirigée vers le gouvernement fédéral et non vers les administrations municipales. Il n'existe pas de marché immobilier canadien, rien que des marchés immobiliers locaux, et c'est dans les quartiers que les prix fluctuent. Le syndrome du « pas dans ma cour » se manifeste à l'échelle locale. La réticence et la résistance des gens à l'égard des nouvelles constructions dans leur quartier sont une cause fondamentale.
Nous connaissons le syndrome du « pas dans ma cour », mais il existe aussi un phénomène appelé syndrome du « pas pendant mon mandat », qui se manifeste au sein des administrations municipales quand les conseillers locaux se rendent compte que leurs électeurs sont réfractaires aux nouvelles constructions. Ils se disent alors que c'est une bonne idée de construire un nouvel édifice, mais pas pendant leur mandat. Additionnez les syndromes du « pas dans ma cour » et du « pas pendant mon mandat » et on se retrouve dans cette situation.
Ce problème peut être résolu seulement si les gouvernements fédéral et provinciaux — puisque les municipalités sont des créatures des provinces — assument un rôle plus important dans les processus d'approbation de l'aménagement des terrains. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont entièrement blâmés pour les prix des logements. Si c'est le cas, ils doivent alors assumer ou réclamer un rôle plus important dans les processus d'approbation de l'aménagement des terrains pour éliminer les engorgements à l'origine d'un problème de taille: celui de la construction d'un nombre insuffisant de logements.
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D'accord. C'est excellent.
Je ne sais pas à qui poser la question suivante. J'ignore si c'est à vous, monsieur Perrault. Je pense que tout le monde sait cela. Je me demande si nous devons également modifier légèrement la manière de penser sur le marché. Je ne sais pas exactement comment nous devrions procéder pour le faire.
Bien des gens achètent des propriétés à des fins d'investissement seulement, et nombreux sont ceux qui utilisent leur maison ou leur condo comme REER afin d'économiser en vue de la retraite. Je pense que dans notre pays, on tend beaucoup à penser qu'il faut acheter des logements plutôt que de trouver un endroit abordable pour vivre pendant un certain temps.
Considérez-vous qu'il nous faille en quelque sorte modifier notre façon d'envisager le logement? Dans l'avenir, pensez- vous que nous devrions aussi réfléchir à la manière dont nous pourrions faire en sorte que tout le monde dispose d'un endroit sécuritaire, accessible et abordable pour vivre?
Monsieur Perrault, je commencerai avec vous, puis je verrai si quelqu'un d'autre souhaite répondre à cette question.
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Volontiers. Je vous remercie de la question.
Oui, je suis entièrement d'accord. Quand on compare les taux de propriété du Canada à ceux d'autres pays, on constate que ces taux se situent dans le segment élevé du spectre, particulièrement si on établit une comparaison avec des endroits où les logements sont plus chers. Pour je ne sais quelle raison, on a cette mentalité, ce désir de posséder un logement, peut-être en raison de l'avantage fiscal que cela présente par rapport à la location. Comme on accumule des actifs dans un environnement fiscal protégé, on a un incitatif fiscal indéniable de vouloir acheter plutôt que louer.
On peut résoudre la question en pensant au code des impôts. Je ne souhaiterais pas qu'on modifie le traitement des propriétaires de logement, mais on peut envisager d'offrir des avantages fiscaux aux locataires pour tenter d'équilibrer la décision entre achat et location, car, dans mon esprit, c'est ce qui se dessine dans l'avenir. Le simple fait est que les prix ne permettent pas aux gens d'accéder à la propriété, mais comme ils doivent bien rester quelque part, ils se tournent vers la location.
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Merci, monsieur le président.
Je suis un peu ahuri de voir que mes collègues conservateurs sont obsédés par le taux d'inflation, qu'il soit de 4,1 %, de 4,8 % ou de 5,1 %, alors que des gens meurent de froid dans les rues de Montréal. Il y a des gens qui meurent parce qu'on n'a pas réussi, au cours des 30 dernières années, à leur trouver un logement. Il s'agit d'un problème auquel les divers gouvernements fédéraux ont été confrontés. C'est assez fascinant. Il y a quelques jours à peine, une dame est décédée parce qu'on ne lui a pas trouvé de logement.
Il y a eu un campement sur la rue Notre‑Dame; les gens y ont installé des tentes. Plusieurs itinérants ne veulent pas aller dans des refuges. Ils veulent un logement, mais il n'y en a pas, et il y a encore moins de logements abordables. On est obsédé par un chiffre, alors qu'il y a des gens, des êtres humains, qui meurent de froid parce que nous n'avons pas été capables de faire notre travail.
J'aimerais relancer Mme Laflamme à ce sujet. Le désinvestissement ou le désengagement du gouvernement fédéral au cours des 30 dernières années fait que le Québec a développé une approche sociale et communautaire en matière d'itinérance.
Évidemment, il faut trouver des logements pour les personnes en situation d'itinérance. Or, si l'on n'enseigne pas à ces personnes comment faire un budget, payer les factures et faire l'épicerie, et si l'on ne leur offre pas un soutien psychologique, elles seront de retour dans la rue au bout de trois mois. Cela est un fait. Le Québec a développé une approche à cet égard, mais il faut la financer.
J'aimerais que Mme Laflamme nous parle de l'importance de soutenir le milieu communautaire, en plus de construire des logements. Cela permettrait d'éviter des cas comme ceux que l'on a vus à Montréal au cours des dernières semaines.
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Je vous remercie de parler des personnes en situation d'itinérance qui sont mortes cette année à Montréal, mais aussi à Toronto et ailleurs.
Cela met en lumière l'échec de nos politiques sociales, notamment en matière de logement et d'itinérance. De même, on voit à quel point le droit au logement est imbriqué dans le droit à la santé, le droit à la sécurité et le droit à la dignité. Ce sont des droits fondamentaux, et le Canada s'est engagé à les respecter. Maintenant, le droit au logement adéquat est reconnu dans une loi fédérale. C'est avec cette approche qu'il faut avoir en tête les interventions à mener en matière de logement.
Au Québec, l'approche globale et communautaire de la lutte contre l'itinérance est notamment basée sur le soutien communautaire et sur le logement social avec soutien communautaire. C'est une demande que l'on a vue apparaître ailleurs au Canada. Le financement de logements communautaires comprend aussi un soutien communautaire qui provient du ministère de la Santé et des Services sociaux. Cela permet d'accompagner les personnes vulnérables et celles qui sortent de l'itinérance.
Toutefois, il s'agit aussi d'une approche basée sur la prévention. En matière d'itinérance, l'approche globale ne touche pas seulement le logement social ou le logement avec soutien communautaire, mais aussi la prévention. C'est donc important de reconnaître le lien entre la santé physique et mentale, la sécurité et la diversité des besoins des personnes en situation d'itinérance, ainsi que celles qui sont à risque de le devenir. Il faut aussi admettre qu'il y a des personnes en situation d'itinérance invisible et que ce sont souvent des jeunes et des femmes.
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Oui, cela serait extrêmement important. Je renverrai la question à Mme Laflamme dans un instant, mais puis‑je réagir à une question posée précédemment?
Nous parlions du fait qu'il faut modifier les mentalités pour ne pas penser seulement à la propriété et à d'autres choses. Je suis d'accord dans une certaine mesure, mais on ne peut pas parler de mentalité sans penser à la manière d'offrir aux locataires et à d'autres personnes le droit au maintien dans les lieux.
Par exemple, nous savons que les aînés figurent parmi les groupes les plus touchés par l'itinérance, le logement inadéquat, les évictions et d'autres problèmes. C'est bien beau de dire « Oh, vous n'avez qu'à louer un logement. Vous n'avez pas besoin d'être propriétaire », mais que fait‑on quand les revenus cessent d'entrer et que les régimes de pension ne sont pas très solides pour la plupart des Canadiens? Si les gens comptent sur la propriété pour assurer leur retraite, il faut réfléchir à d'autres problèmes comme celui‑là.
Je céderai la parole à Mme Laflamme pour répondre à la question que M. Blaikie a posée sur le logement social.
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L'obtention de fonds consacrés à l'acquisition de terrains et de bâtiments pour les coopératives, les organismes sans but lucratif d'habitation ou encore les offices municipaux d'habitation est une partie importante de la solution pour aider à compléter l'offre de logements sociaux et communautaires, laquelle est actuellement insuffisante. Cela aide par exemple ces regroupements à acheter rapidement un immeuble locatif qui est à vendre.
Au Québec, les villes se sont dotées de fonds d'acquisition. Certaines villes, comme Québec et Montréal, consacrent des fonds dans leur budget à l'achat de terrains qui seront cédés à des coopératives et à des OSBL. C'est une façon pour les villes d'intervenir. Or, pour intervenir davantage, elles doivent avoir l'assurance que les gouvernements supérieurs seront au rendez-vous pour financer spécifiquement ces initiatives. La création d'un fonds complémentaire consacré aux organismes sans but lucratif, aux villes et aux coopératives à cette fin serait un geste tout à fait positif. Ce serait une autre façon d'intervenir pour compléter l'offre.
D'ailleurs, Mme Chatel parlait tout à l'heure du Fonds pour accélérer les logements, qui a été annoncé par le gouvernement et dont les détails ne sont pas encore connus. Des consultations ont lieu actuellement. Selon ce qui ressort de ces consultations, au lieu de servir à l'innovation, ce fonds devrait servir à des initiatives et à des demandes déjà connues et faites par le milieu pour favoriser le logement social et communautaire.